Van Gogh : revue de littérature de ses diverses pathologies et essai d’analyse du déséquilibre énergétique à travers ses peintures

 Résumé : Après une revue de la littérature sur les divers diagnostics selon la médecine allopathique attribués à Van Gogh, une analyse de ses peintures est réalisée selon une grille de lecture basée sur la correspondance entre les couleurs, les Cinq Eléments, les Cinq Emotions et les Sept Sentiments. Une corrélation a pu être établie entre les diverses pathologies dont souffrait le célèbre artiste selon le diagnostic occidental et les déséquilibres énergétiques révélés par les couleurs de ses œuvres, vus sous l’angle de la différenciation des syndromes bianzheng). La prédominance de jaune, de vert et de bleu dans l’ensemble de ses peintures pourrait être attribuée à ses troubles traduits en termes de déséquilibres énergétiques selon la médecine chinoise. Mots-clés : Cinq Eléments - couleurs - déséquilibre énergétique - bianzheng - Van Gogh

Summary: After a review of the literature on various diagnoses according to allopathic medicine, an analysis of Van Gogh’s paintings is performed, on the basis of correspondence between colors and the Five Elements, the Five Emotions et the Seven Feelings. A correlation hasbeenestablished between the diverse diseases of the famous artist, according to Western diagnosis, and energy imbalances revealed by the color of his paintings, from the perspective of pathophysiological syndromes (bianzheng). The predominance of yellow, green and blue in his artwork may be attributed to his disorders, in terms of energy imbalances according to Chinese medicine. Keywords: Five Elements - colors - energy imbalance biangzheng - Van Gogh

   

Introduction

 Hésitant un temps entre vocation artistique et vocation religieuse, Vincent Van Gogh choisit de se consacrer à la peinture. Tout le monde s'accorde à voir en Van Gogh le mythe absolu du génie, du fou, du miséreux, artiste méconnu et condamné au malheur. Sa carrière n'a duré qu'à peine dix ans, et il se serait suicidé [1] en laissant derrière lui une œuvre considérable. Malgré de graves troubles neuropsychologiques, Van Gogh ne s’est quasiment jamais arrêté de peindre. En dix ans, il a réalisé près de neuf-cents tableaux et un millier de dessins.

Son style très coloré présente une vitalité et une tension particulière qui n’ont pas fini de marquer les esprits. Il applique les couleurs par touches de pinceaux, sans mélanger sur la palette. Sous le soleil de Provence, son style de peinture se modifie. Ses toiles sont plus colorées. Il peint par larges touches courbes et utilise abondamment les couleurs jaune, vert et bleu.

La relation entre les trois disciplines, science, médecine et art, a longtemps été un domaine d’exploration fascinant avec leurs contrastes étonnants et leurs frontières mal délimitées. La confrontation des problèmes médicaux chez les artistes (beaux-arts, musique, etc.) a toujours fait couler beaucoup d’encre. On peut pratiquement dire qu’aucune personnalité n’a été autant diagnostiquée à titre posthume que Vincent van Gogh.

Cet article ne vise ni à ajouter une nouvelle maladie à la longue liste déjà établie à ce jour, ni à argumenter sur le «bon diagnostic». Il se propose, à partir des couleurs utilisées par Van Gogh, de faire une « lecture énergétique » basée sur la correspondance entre les couleurs et les Cinq Eléments, les Cinq Emotions et les Sept Sentiments. Un déséquilibre énergétique, dans le cadre de la différenciation des syndromes (bianzheng) selon la médecine traditionnelle chinoise, peut-il influencer sur le choix des couleurs dans toute création artistique ? 

 

Multiplicité de pathologies et de diagnostics en médecine allopathique

 

Vincent Van Gogh (1853-1890) donnait dans son art une essence profonde de la vie, et de façon unique. Plus de cent-cinquante psychiatres et médecins de différentes spécialités ont tenté d'identifier «la maladie» de l’artiste et de multiples diagnostics ont été proposés.

Cependant, comment les troubles neurologiques dont il souffrait ont-ils pu influencer son art ? Ceci n’est pas encore clair. La combinaison de sa personnalité excentrique, irascible, ses humeurs instables et sa créativité prolifique rendent la compréhension de sa pathologie très complexe. Cela pose un grand défi à ceux qui essaient d’analyser les relations existant entre «l'esprit artistique», le cerveau et la maladie. En fait, la plupart des diagnostics proposés pour Van Gogh au cours du siècle dernier ne sont pas basés sur des preuves médicales, mais sont seulement en partie vérifiables à partir d’analyses de ses tableaux et des données biographiques.

D’après une récente publication [2] datant de 2013, une analyse de la maladie de Van Gogh a été réalisée à la lumière de sa correspondance, dont la qualité littéraire est largement reconnue. L’auteur s’est basé sur les antécédents médicaux de l’artiste à travers les nombreuses citations dans ses lettres, pour voir comment Vincent a exprimé ses plaintes, ses émotions liées à sa maladie. Les symptômes sont devenus plus précis après décembre 1888. Au début, Van Gogh avait beaucoup hésité à parler de sa maladie, mais peu à peu, il décrivait dans ses lettres ses expériences tout au long de ses psychoses cycloïdes. Selon l’auteur, il existe des signes de synesthésie, de prosopagnosie et d’agnosie spatiale. L'affinité de Van Gogh pour la poésie, déjà au début de sa vingtaine, rend plausible l'hypothèse d'une excitation du lobe temporal par des décharges épileptiques, ce qui pourrait expliquer en partie le fonctionnement complexe de son esprit créatif et torturé par la souffrance. L’auteur a tenté de placer les diagnostics effectivement réalisés au cours de la vie de l’artiste dans leur contexte historique et culturel. Il est évident que ceux qui établissent un diagnostic et ceux qui le reçoivent sont impliqués dans le même contexte culturel, en tenant pour acquis les modes médicales de leur temps, y compris les biais incorporés. Par ailleurs, à partir des archives de la faculté de médecine de Montpellier et de la correspondance de Van Gogh, le Pr François-Bernard Michel [3] a reconstitué les relations de l’artiste avec ses trois psychiatres (les Drs Jean-Félix Rey, Théophile Peyron et Paul Gachet), de 1888 à son suicide en 1890. Il a montré comment tous les trois ont raté la prise en charge du génie, ne laissant à Van Gogh aucun espoir de guérison.

Il existe une certaine tendance de la part des médecins et des groupes de patients à mouler « la maladie » de Van Gogh dans un schéma propre à leur spécialité ou à leur maladie [4].

Parmi les diagnostics énoncés dans plus d’une douzaine d’articles retrouvés dans Pubmed (dont la 1ère date de 1981 et les derniers en 2013), on peut citer : glaucome, xanthopsie induite par la digitaline, dyschromatopsie acquise, maladie de Ménière, épilepsie du lobe temporal, trouble bipolaire, saturnisme, intoxication à la thuyone, saturnisme, psychose cycloïde (voir tableau I). Chacune de ces maladies pourrait être responsable des troubles neuropsychologiques qui auraient été aggravés par la malnutrition, le surmenage, l'insomnie et un penchant pour l'alcool, en particulier pour l’absinthe.

 Tableau I. Symptômes/pathologies dont souffrait Van Gogh (PubMed).

 

Symptômes

Références

Institution/Pays

Halos colorés attribués au glaucome

[5] Lanthony P, Bull Soc Ophtalmol Fr.

Service de Physiologie – CNO des XV-XX Paris France

Xanthopsie et cataracte

[6] Arnold WN, Loftus LS. Eye (Lond).

Department of Biochemistry and Molecular Biology, University of Kansas Medical Center, Kansas City 66103.USA

Xanthopsie due à intoxication digitalique

[7] Lee TC. Jama.

[8] Elliott DB, Skaff A. Ophthalmic Physiol Opt.

 

 

[9] Lanthony P. J. Fr Ophtalmol.

 

USA

Centre for Sight Enhancement, School of Optometry, University of Waterloo, Ontario, Canada

 

Service de Physiologie – CNO des XV-XX Paris France

Dyschromatopsie acquise

[10] Hart WM Jr. Surv Ophthalmol.

Department of Ophthalmology, Washington University School of Medicine, St. Louis, Missouri, USA

Maladie de Ménière (épilepsie controversée) : vertiges et étourdissements épisodiques, déséquilibre physique, symptômes auditifs, acouphènes ainsi que réaction présumée psychologique, secondaire à sa symptomatologie physique

 

[11] Arenberg IK et al. Jama.

[12] Arenberg IK et al, Acta Otolaryngol Suppl.

International Meniere's Disease Research Institute, Colorado Neurologic Institute, Englewood 80110. USA

Epilepsie

Remarque : Epilepsie : Diagnostic rédigé par le Dr Peyron, médecin à l'asile de Saint Rémy (France), dans lequel le 9 mai 1889, Van Gogh s'est volontairement engagé à l'asile pour épileptiques et déments

 

[13] Meissner WW. Bull Menninger Clin.

 

 

[14] ter Borg M, Trenité DK. Epilepsy Behav.

Boston Psychoanalytic Institute, Boston College, MA. USA

 

Epilepsy Institute of the Netherlands Sein, Pays-Bas

Trouble bipolaire,

symptômes maniaco-dépressifs ou cyclothymiques

[15] Janka Z. Orv Hetil.

Pszichiátriai Klinika. Hongrie

Psychopathologie due à une intoxication chronique au plomb (saturnisme) : débilitation débutante, stomatite avec perte de dents, douleurs abdominales récurrentes, anémie (avec un « teint de plomb"), neuropathie radiale, encéphalopathie saturnine avec crises d'épilepsie, altérations progressives du caractère et périodes de délire, de trouble mental

[16] González Luque FJ, Montejo González ALActas Luso Esp Neurol Psiquiatr Cienc Afines.

 

Espagne

Saturnisme

[17] Weissman E. J Med Biogr.

 

Department of Internal Medicine, University of Virginia, USA

 

Frontière entre psychose et épilepsie

[18] Lemke S, Lemke C. Nervenarzt.

 

Klinik für Psychiatrie und Neurologie Hans Berger, Friedrich-Schiller-Universität Jena. Allemagne

Epilepsie du lobe temporal avec des oscillations maniaques, humeur dépressive aggravée par l'absinthe, le brandy, la nicotine et de la térébenthine.

 

[19] Morrant JC. Can J Psychiatry.

Shaughnessy Hospital, Vancouver

Canada

Dépendance à l’absinthe (thuyone) : hallucinations, convulsions, sensations de désinhibition

[20] Arnold WN. Jama.

Department of Biochemistry, University of Kansas Medical Center, Kansas City 66103. USA

Psychose cycloïde

[2]Voskuil PH. Front Neurol Neurosci.

 

Hans Berger Clinic for Epilepsy, Oosterhout, Pays-Bas

  Le trouble bipolaire selon les critères DSM-IV

 D’après l’analyse de deux neurologues [21] en 2005, Bogousslavsky J (Neurologie, INSERM Unit 549) et Boller F (Neurologie et Psychiatrie, CHUV Centre Paul Broca, Lausanne, Suisse), il est fortement probable que Van Gogh souffrait de trouble bipolaire ayant causé sa mort par suicide selon les critères DSM-IV. Bien qu'aucun diagnostic définitif n’ait pu être déterminé, les deux auteurs se sont basés sur des preuves extrapolées à partir des échanges de courrier du célèbre artiste. En 2005, les deux neurologues ont rapporté les faits suivants.

Entre février 1886 et octobre 1888, lorsque Van Gogh vivait à Paris, ses lettres ont révélé tous les symptômes de la maladie bipolaire même s’il est difficile à reconstruire la durée exacte de la dépression et des phases maniaques.

Avant 1886, Van Gogh a présenté des épisodes dépressifs majeurs et mineurs alternant avec des phases hypomaniaques ou maniaques, souvent avec des cycles rapides. Les deux épisodes de dépression ont été suivis par des périodes prolongées d'énergie et d'enthousiasme, d'abord comme un évangéliste, puis en tant qu'artiste.

Un épisode dépressif de longue durée a eu lieu à Londres, après une déception amoureuse, quand il a été expulsé de l'église, et au moment de sa séparation d'avec Sien, une prostituée et son fils. Un épisode d’hypomanie durable ou des phases maniaques ont coïncidé avec ses débuts comme évangéliste, ainsi qu’à ses débuts d’artiste.

Au cours des années passées à Paris (1886-1888), il a abusé de l'alcool, consommé beaucoup d'absinthe. L'anxiété, l'irritabilité, l'hostilité, l'excentricité et divers symptômes somatiques se sont manifestés. A Arles (1888), il a connu l'angoisse, la mélancolie, le remords, l'insomnie et l'épuisement physique, à l’origine de son comportement insalubre. La veille de Noël en 1888, au cours de ce qui a été le premier épisode de sa crise psychotique (dont il est resté amnésique), il a coupé une partie de son oreille gauche. En mai 1889, après deux brèves crises psychotiques, il s’est volontairement inscrit à l'asile de Saint-Rémy. A Saint-Rémy, au cours de l'année suivante, il a vécu des épisodes dépressifs sévères et trois crises psychotiques, dont au moins deux étaient concomitantes avec ses visites temporaires à Arles. La dernière de ces crises, caractérisée par des délires religieux et paranoïaques, ainsi que des hallucinations auditives, a persisté pendant trois mois (février-avril 1890) et a laissé quelques souvenirs très vifs. Quittant l'asile en mai 1890 comme étant guéri, il s'installe à Auvers-sur-Oise. Là se sont manifestés des cycles rapides de symptômes maniaques et dépressifs. Le 27 Juillet, il se serait tiré une balle dans la poitrine et il est mort deux jours plus tard.

  La xanthopsie de Van Gogh

 Certaines hypothèses médicales ont laissé entendre que le goût de Van Gogh pour l'utilisation de la couleur jaune pourrait être lié à son addiction à l'absinthe. En effet, cet alcool contient la thuyone, substance neurotoxique qui, à fortes doses, peut causer la xanthopsie, un trouble de la vision amenant à voir les objets en jaune. Toutefois, une étude a mis en évidence qu'une consommation d'absinthe aurait entraîné le buveur dans l'inconscience en raison de la teneur en alcool avant qu’il ait pu ingérer suffisamment de thuyone pour souffrir de xanthopsie.

Une autre hypothèse suggère que le Dr Gachet aurait prescrit de la digitaline à Van Gogh pour traiter l'épilepsie, substance qui pourrait entraîner une vision teintée de jaune et des changements dans la perception de la couleur d'ensemble [5,9]. Cependant, il n'existe aucune preuve directe que Van Gogh ait consommé de la digitaline, même si Van Gogh a peint la toile «Portrait du Dr Gachet avec branche de digitale».

Il ne semble donc pas exister d’explication médicale en médecine allopathique pouvant expliquer pourquoi Van Gogh avait une forte prédilection pour la couleur jaune dans ses peintures. D’après l’analyse d’Arnold WL [6], cette attirance par le jaune ne pourrait être expliquée que par une question de goût personnel, fondé sur une sensibilité personnelle. Dans quelle mesure le concept "Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas" est-il justifié ? Nos inclinations naturelles dictent nos goûts. Mais dans quelle mesure nos inclinations naturelles pour certaines couleurs seraient-elles le reflet de nos « équilibres/déséquilibres énergétiques » selon la théorie des Cinq Eléments à un temps t donné ?

 Relation entre médecine occidentale et médecine chinoise

 Les Cinq Emotions et les Sept Sentiments

 

Les Cinq Emotions sont réparties sur les Cinq Eléments et sont considérées comme physiologiques quand elles ne se manifestent pas de façon excessive, répétée ou permanente. Elles correspondent à un mode d’adaptation aux aléas de la vie.

Les Sept Sentiments représentent le caractère pathologique des émotions. Aux Cinq Emotions sont ajoutées la tristesse (bei) associée aux Poumons et la frayeur (jing) associée au Cœur et aux Reins.

« Par suite de la séparation avec les parents, de la désespérance, de l’accumulation des soucis et de la concentration, de la rancune d’une part ; du chagrin, de la crainte, de la joie et de la colère, d’autre part, les Organes deviennent alors en état de vide et le Sang et l’Energie quittent leur emplacement naturel » (Suwen, 77).

« Au niveau du Cœur demeure le shen. Les exagérations de la crainte, l’inquiétude, la méditation ou le souci atteignent facilement le shen » (Lingshu, 8).

« La tristesse, l’affliction, les soucis nuisent au Cœur » (Nanjing, 49e difficulté).

Les sentiments en excès lèsent la circulation du qi, ce qui va léser le qi, le Sang, le yin, le yang et les Liquides organiques.

Chaque sentiment peut dérégler son Organe respectif en engendrant et aggravant une maladie et réciproquement, la pathologie d’un Organe peut être révélée par un dérèglement des Sentiments. Chaque sentiment en excès peur se transformer en Feu.

 

Les fonctions des Organes

Les trois Organes les plus touchés par les Sentiments sont le Cœur, le Foie et la Rate, entraînant les syndromes suivants :

-        vide de qi et de Sang blessant la Rate pour le qi, le Cœur et le Foie pour le Sang ;

-        échange entravé entre Cœur (Feu) et Reins (Eau) : mouvements verticaux du Feu et de l’Eau de l’axe shaoyin perturbés ;

-        Foie et Rate en dissonance.

 La Rate 

L’excès de réflexion (soucis, rumination mentale) blesse la Rate et noue le qi. Les fonctions de l’harmonisation-transport du qi, du Sang et des Liquides organiques et de la montée-descente du pur et de l’impur sont entravées. L’Humidité n’est plus éliminée et se transforme en mucosités qui montent au Cœur.

 Le Foie

Le Foie assure la mise en mouvement. La colère, l’énervement, l’irritabilité entravent la libre circulation du qi, provoquant une stagnation du qi du Foie, mucosités impures comprises. D’autre part, le Bois du Foie attaque la Terre de la Rate.

 

Le Cœur

Comme le Cœur n’est plus nourri par le Sang, l’impur stagne, affaiblit le Cœur et le shen, et ferme les orifices, ce qui ralentit le psychisme et provoque les troubles mentaux.

Dans les conditions physiologiques normales, la joie détend et fait circuler le qi et le Sang, procurant une sensation de légèreté, de bien-être et de bonheur. Il s’agit de la joie interne, spontanée, inhérente à l’individu, à différencier avec la joie liée à une cause externe qui peut désorganiser la conscience.

 Dépression et troubles psychiques en médecine chinoise

 -        Les excès et déséquilibres alimentaires, les soucis et pensées obsédantes, le surmenage, entraînent un Vide de qi de Rate (jaune). Celle-ci ne peut plus fabriquer le qi à partir des aliments (yingqi) ni transformer le qi en Sang. La transformation et le transport ne sont plus correctement pourvus, l’Humidité n’est plus chassée et s’installe. A la longue, celle-ci se transforme en Mucosités impures qui montent au Cœur et obstruent ses Orifices.

Le yingqi n’étant plus produit, il ne peut nourrir le Cœur (rouge) qui est la demeure du shen.

Le shenming (clarté de l’Esprit) est affaibli, ce qui provoque les troubles psychiques et engendre la dépression.

-        La dépression et les facteurs émotionnels engendrent une stagnation du qi du Foie (vert) qui envahit la Rate (jaune). Les facteurs psychiques aggravent le Vide du Cœur, ce qui provoque les troubles mentaux.

-        Le refoulement des émotions, la parole non exprimée entraîne une stagnation du qi du Foie qui attaque la Rate par le cycle de soumission. Au cours du temps, cette stagnation de qi peut se transformer en stase de Sang.

-        A cause de la stagnation du qi du Foie, les Mucosités provenant de la Rate s’accumulent dans le Cœur. Le shen est déplacé de sa demeure provoquant les troubles psychiques et la dépression. Si la stagnation du qi du Foie se prolonge, elle se transforme en Feu du Foie. Quand le qi du Foie monte à contre-courant au Cœur, il blesse le Cœur et le shen. Lorsque la stagnation du qi et l’atteinte du Cœur se prolongent, la Rate est touchée, entraînant le Vide de Cœur et de Rate : la Rate ne produit pas le Sang pour nourrir le Cœur qui est la demeure du shen, d’autant plus que les facteurs psychiques aggravent son Vide, ce qui aggrave les troubles mentaux.

Les symptômes de ces déséquilibres sont d’apparition progressive : signes de ralentissement psychique : mutisme, visage inexpressif, regard fixe (cf. Autoportraits de Van Gogh), léthargie, dépression, introversion, confusion mentale, intellect affaibli.

 

Analyse des peintures de Van Gogh

 Méthodologie

 Dans cette étude, les peintures de Van Gogh sont analysées selon une grille de lecture basée sur :

La correspondance entre :

- les couleurs et les Cinq Eléments,

- les couleurs et les Cinq Organes,

- les couleurs et Cinq Emotions et les Sept Sentiments (tableau II),

- les symptômes/diagnostics de Van Gogh selon la médecine occidentale et la physiopathologie en médecine chinoise (tableau III).

Une théorie en chromothérapie selon laquelle nous sommes instinctivement attirés par les couleurs qui nous permettraient de corriger un déséquilibre d’énergie pouvant engendrer des problèmes physiques, mentaux ou émotionnels [22].

 Tableau II. Correspondance entre les couleurs, les Cinq Eléments, les Organes, les Cinq Emotions et les Sept Sentiments.

 

Couleur

Elément

Organe

Cinq Emotions et Sept Sentiments

Vert

Bois

Foie

Colère – Enervement – Irritabilité – Irascibilité – Courroux – Fureur

Rouge

Feu

Cœur

Joie - Frayeur

Jaune

Terre

Rate

Souci- Rumination mentale – Contrariété – Préoccupations - Appréhension

Blanc

Métal

Poumons

Chagrin –Tristesse – Affliction

Noir

(Bleu)

Eau

Reins

Inquiétude – Peur - Crainte – Frayeur - Effroi - Panique

 

 Tableau III. Correspondance des troubles de Van Gogh selon la médecine allopathique et la médecine chinoise.

 

Symptômes selon la médecine allopathique

Déséquilibre énergétique selon la médecine chinoise

Halos colorés attribués au glaucome

Xanthopsie et cataracte

Xanthopsie due à intoxication digitalique

Dyschromatopsie acquise

Foie : Atteinte de   l’organe sensoriel visuel

Maladie de Ménière : vertiges et étourdissements épisodiques, déséquilibre physique, symptômes auditifs, acouphènes

Rein : atteinte de l’organe sensoriel auditif

Epilepsie

 

Rein : Vide du qi 

Foie/Vésicule biliaire : chaleur humide

Foie : montée de yang

Trouble bipolaire, symptômes maniaco-dépressifs ou cyclothymiques,

Psychose cycloïde

Psychopathologie due à une intoxication chronique au plomb (crises d'épilepsie, altérations progressives du caractère, périodes de délire, troubles mentaux)

Dépendance à l’absinthe (thuyone) : hallucinations, convulsions, sensations de désinhibition

Rein - Cœur : atteinte de l’axe shaoyin 

  

Symptomatologie de Van Gogh selon la médecine chinoise

 Les signes de dépression, stress, insomnie de Van Gogh peuvent correspondre aux syndromes suivants :

-        syndrome de yin vide, Feu florissant,

-        syndrome Vide de Cœur et de Rate : correspondant au vide de Sang,

-        syndrome Stagnation du qi de Foie et accumulation de mucosités.

La stagnation de qi se transforme en Feu, donnant les signes de Feu : irritabilité, colère facile, acouphènes.

Le Vide de yin du Cœur, conséquence de la Chaleur du Foie et du non-échange avec l’Eau des Reins pourrait être à l’origine des insomnies.

Le qi du Foie blesse le Cœur-Esprit, entraînant des signes de Cœur et de shen blessés : colère, insomnies, confusion mentale, hallucinations, illusions sensorielles.

Van Gogh présentait aussi des signes de Vide de Sang à la tête (acouphènes, vertiges) et de Vide de Sang du Cœur (insomnies).

Le yin déficient et le Feu en plénitude peuvent expliquer sa dépression.

Par ailleurs, on peut aussi noter des signes de Chaleur-Vide :

-        du Cœur (vide de yin) : insomnie, agitation anxieuse

-        du Foie (élévation du yang) : colère, vertiges

-        des Reins (vide de yin) : vertiges

La stagnation de qi et l’accumulation de mucosités sont à l’origine de :

-        signes de mucosités du Cœur : agitation mentale, insomnie ou sommeil perturbé.

-        signes de stagnation de qi du Foie : dépression, abattement, alternance de l’humeur.

En conclusion, les symptômes de Van Gogh pourraient correspondre à l’atteinte de   :

-        Rate et Reins : vide de yin ;

-        Foie : vide de Sang et montée du yang ;

-        Cœur : Plénitude de Feu suite au vide du Rein yin.

 Les couleurs utilisées par Van Gogh

 On peut noter une prédominance de jaune et de bleu, et en proportions moindres du vert dans les peintures de Van Gogh.

-        Le vide du yin de Rate pourrait être à l’origine de son attirance pour la couleur jaune (ex. : Les tournesols ; Epis de blé).

 

Epis de blé (juin 1890)                                                                                                                               
Huile sur toile 64,5 x 48.5 cm

Rijksmuseum, Amsterdam

 

 

Vase avec quinze tournesols (Arles, août 1888).

National Gallery, Londres, Angleterre

 

 -        Le vide de Sang du Foie pourrait expliquer une certaine prédominance de vert dans ses oeuvres (ex : Les bords de l’Oise à Auvers).

 

 

Les bords de l'Oise à Auvers (juillet 1890)
Huile sur toile 73,3 x 93,7 cm.
Detroit, The Detroit Institute of Arts

 

-        Le bleu prédomine dans de nombreuses œuvres de Van Gogh (ex : La nuit étoilée ; Branches fleuries d’amandier ; Champ de blé sous un ciel orageux).

 

La nuit étoilée (Cyprès et village) / (juin 1889)
Huile sur toile, 73.7 x 92.1 cm
New York, MOMA

 

La couleur bleue n’existe pas dans le tableau classique de correspondances des couleurs avec les Cinq Eléments. Selon le Feng Shui, le bleu est assimilé à l’élément Eau, donc à l’organe Rein. Ce qui pourrait expliquer la prédominance du bleu par le vide du yin des Reins.

Mais si l’on rapproche le bleu du vert en se référant à une certaine similitude d’écriture en chinois, l’attirance par la couleur bleue chez Van Gogh pourrait alors être assimilée au vide de Sang du Foie. 

-        La plénitude de Feu de Cœur (suite au vide du Rein yin) pourrait être l’explication de la quasi-absence de couleur rouge dans ses œuvres (exception : La vigne rouge ; Le café de nuit, place Lamartine, Arles).

 La vigne rouge (novembre 1888)
Huile sur toile, 75 x 93 cm
Moscou, Musée Pouchkine


Le Café de nuit (septembre 1888)

70 x 89 cm

Yale University Art Gallery, New Haven, Connecticut, USA

 Tableau IV. Correspondance entre les couleurs des œuvres de Van Gogh et les Cinq Eléments/Organes

 

Couleurs prédominantes

Organes /Elément

Peintures

Marron

Rate/Terre

Les mangeurs de pommes de terre (avril 1885)

Jaune

Rate/Terre

Tournesols dans un vase (août 1888);

Jaune/Marron & Bleu

 

Le semeur au coucher du soleil (juin 1888) ; Moissons en Provence (juin 1888) ; Terrasse du café le soir (septembre 1888) ; Chambre de Vincent à Arles (octobre 1888) ; Souvenir du jardin à Etten (novembre 1888) ; Iris (mai 1889) ; Portrait du docteur Gachet (juin 1890)

Vert & Bleu

Foie/Bois & Reins/Eau

Les bords de l’Oise à Auvers (juillet 1890) ; Champ de blé sous un ciel orageux (juillet 1890)

Bleu/Noir

Reins/Eau

La nuit étoilée (juin 1889) ;

Autoportrait à l’oreille bandée (1889) ; Autoportrait à Saint-Rémy (septembre 1889) ; Le semeur (1889) ; Branches fleuries d’amandier (février 1890) ; Route avec un cyprès et une étoile (1890)

 


Le semeur au coucher du soleil (novembre 1888)
Huile sur jute sur toile, 73,5 x 93
Zurich, Fondation collection E. G. Bührle

 


Les mangeurs de pommes de terre (avril 1885)
Huile sur toile, 82 x 114 cm
Amsterdam, Musée Vincent Van Gogh

 

 Autoportrait à Saint Remy (septembre 1889)
Huile sur toile, 65 x 54 cm
Paris, Musée d'Orsay

 

 

Branches fleuries d'amandier (février 1890)
Huile sur toile, 73,5 x 92 cm
Rijksmuseum, Amsterdam

 

Portrait du docteur Gachet (juin 1890)
Huile sur toile, 66 x 57 cm
Collection privée (Christie's New York, 1990)

 

Iris (mai 1889)
huile sur toile, 71 x 93 cm
Malibu, Paul Getty Museum

 


Champ de blé sous un ciel orageux (juillet 1890)
Huile sur toile 50 x 100,5 cm.
Amsterdam, Rijksmuseum Vincent Van Gogh

 

 Conclusion

 Il existe une concordance entre les divers diagnostics allopathiques attribués à Van Gogh et les déséquilibres énergétiques vus sous l’angle de syndromes physiopathologiques en médecine traditionnelle chinoise. La prédominance de jaune, vert et bleu dans l’ensemble de ses peintures pourrait être attribuée à ses troubles traduits en termes de déséquilibres énergétiques selon la médecine chinoise (tableau IV).

 

 

Dr Tuy Nga Brignol

Rédactrice en chef d'Acupuncture & Moxibustion

Rédactrice en chef de la revue « Les cahiers de myologie »

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 Conflit d’intérêts : aucun

 Références

 1- Naifeh S, Gregory White Smith, « Van Gogh : The Life”. Random House (New York), 2011.

2- Voskuil PH.. Van Gogh's disease in the light of his correspondence. Front Neurol Neurosci. 2013;31:116-25.

3- Michel FB, « Van Gogh, psychologie d’un génie incompris », Ed Odile Jacob, 2013.

4- Voskuil P. Diagnosing Vincent van Gogh, an expedition from the sources to the present "mer à boire". Epillpsy Behav. 2013;28(2):177-80.

5- Lanthony P, [Van Gogh's xanthopsia], Bull Soc Ophtalmol Fr. 1989 Oct;89(10):1133-4. 

6- Arnold WN, Loftus LS, Xanthopsia and van Gogh's yellow palette, Eye (Lond). 1991;5 ( Pt 5):503-10.

7- Lee TC, Van Gogh's vision. Digitalis intoxication? JAMA. 1981;245(7):727-9.

8- Elliott DB, Skaff A, Vision of the famous: the artist's eye, Ophthalmic Physiol Opt. 1993;13(1):82-90.

9- Lanthony P.  [Dyschromatopsias and pictorial art]. J Fr Ophthalmol. 1991;14(8-9):510-20.

10- Hart WM Jr. Acquired dyschromatopsias. Surv Ophthalmol. 1987;32(1):10-31.

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12- Arenberg IK, Countryman LL, Bernstein LH, Shambaugh GE Jr, Vincent's violent vertigo. An analysis of the original diagnosis of epilepsy vs. the current diagnosis of Meniére's disease, Acta Otolaryngol Suppl. 1991;485:84-103.

13- Meissner WW, The artist in the hospital: the van Gogh case, Bull Menninger Clin. 1994;58(3):283-306.

14- ter Borg M, Trenité DK. The cultural context of diagnosis: the case of Vincent van Gogh. Epilepsy Behav. 2012;25(3):431-9.

15- Janka Z, [Artistic creativity and bipolar mood disorder], Orv Hetil. 2004;145(33):1709-18.

16- González Luque FJ, Montejo González AL, [Implication of lead poisoning in psychopathology of Vincent van Gogh], Actas Luso Esp Neurol Psiquiatr Cienc Afines. 1997;25(5):309-26.

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22- Norris S – Chromothérapie – Série Découverte et Initiation – 224 p – The Ivy Press Limited 2001.

 

Nos remerciements au Ciné-Club de Caen (Partie Beaux-Arts) pour l’iconographie.

Visitez leur site : http://www.cineclubdecaen.com/peinture/materiel/grandspeintres.htm

 

 Brignol TN. Van Gogh : revue de littérature de ses diverses pathologies et essai d’analyse du déséquilibre énergétique à travers ses peintures. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(3) 

 

L’entraînement de taijiqigong améliore la force musculaire de l’épaule et le bien-être fonctionnel dans les suites d’un cancer du sein

Evaluation de l’acupuncture

 Claude Pernice

Fong SSM. Shamay SMN. Luk WS. Shoulder Mobility, Muscular Strength, and Quality of Life in Breast Cancer Survivors with and without Tai Chi Qigong Training. Evidence-Based Complementary and Alternative Medicine, Volume 2013, Article ID 787169, 7 pages

RÉSUMÉ

Objectifs

Les auteurs ont expérimenté l’intérêt de la pratique de taijiqigong sur la mobilité et la force musculaire de l’épaule et étudié la relation entre l’état fonctionnel de l’épaule et la qualité de vie dans les suites du traitement d’un cancer du sein.

Plan expérimental      

Il s’agit d’une étude rétrospective de cohorte, non randomisée. 23 patientes ayant eu une mastectomie pour cancer du sein sont divisées en deux groupes. Le premier (groupe actif, n=11) a suivi un entraînement régulier de taijiqigong. Le second (groupe contrôle, n=12) est un groupe sédentaire. Ces deux groupes sont comparés à un groupe de référence sain (groupe référence, n=16).

Cadre de l’étude          

Cet essai monocentrique a été effectué à Hong Kong dans des « classes de pratique du taijiqigong pour suites du cancer du sein » au Hong Kong Wushu and Art Service Centre.

Patientes

Composition des trois groupes

Les patientes sont âgées de 18 ans ou plus. Celles des deux premiers groupes ont eu une mastectomie avec ou sans traitement annexe de radiothérapie ou chimiothérapie. Ces traitements conventionnels sont achevés et ces patientes sont médicalement stabilisées. Le groupe de référence est composé de 16 femmes en bonne santé.

Critères d’exclusion

Les éléments d’exclusion sont la présence d’un antécédent neurologique ou musculosquelettique tel qu’une épaule gelée ou une luxation de l’épaule ; une récidive de cancer du sein ou un cancer d’autres organes ; avoir eu une résectomie de la tumeur au lieu de la mastectomie et être en cours de traitement anticancéreux (acupuncture, remèdes anti-cancéreux, radiothérapie ou chimiothérapie) ; et sur un plan plus général sont exclues les femmes enceintes, les fumeuses et les pratiquantes d’exercices physiques réguliers et celles qui ont un déficit psychologique ou cognitif et/ou un déficit neurologique connu des suites de traitements conventionnels.

Outre ces critères, pour appartenir au groupe de référence, les patientes ne doivent pas avoir eu d’antécédents de diagnostic de cancer, ne pas avoir eu de traitement anticancéreux et ne pas avoir d’expérience antérieure de taijiqigong.

 

Intervention

Pour être dans le groupe actif, les patientes doivent avoir pratiqué le taijiqigong interne 18 formes pendant plus de six mois consécutifs avec une séance d’une heure trois fois par semaine

Les groupes n’ont pas été randomisés. Les évaluations se sont déroulées dans le laboratoire de rééducation et d’entraînement sportif de l’université de Hong Kong.

Critères de jugement

Les mesures démographiques et de qualité de vie ont été effectuées par un chercheur assistant. Les mesures physiques, faites en aveugle par un rééducateur, portent sur la mobilité, la force musculaire isocinétique de l’épaule et la qualité de vie.

Mobilité

Les mesures sont faites avec un goniomètre universel sur le bras affecté ou le bras dominant dans les cas de mastectomie bilatérale ou de patientes saines. L’épaule affectée est appréciée dans son complexe scapulo-gléno-huméral, c’est-à-dire sans fixer la scapula car la flexion et l’abduction de l’épaule sont intriquées avec l’élévation et l’abduction de la ceinture scapulaire. La patiente est assise, les amplitudes des mobilisations actives en flexion et en abduction sont évaluées.  Les amplitudes actives sont seules mesurées car elles sont plus fonctionnelles que les amplitudes passives.

On mesure également la distance de la pointe des doigts à l’apophyse épineuse de la 7e cervicale lors de l’épreuve main derrière le dos (adduction et rotation médiale scapulaire, extension et rotation interne de l’épaule, flexion du coude, pronation de l'avant-bras, déviation radiale du poignet et extension des doigts). C’est un mouvement quotidien par exemple pour attacher le soutien-gorge.

Force musculaire

La force musculaire isocinétique de l’épaule est mesurée sur les muscles rotateurs interne et externe, avec un dynamomètre isocinétique.

Qualité de vie

La qualité de vie est évaluée avec le Functional Assessment of Cancer Therapy-Breast (FACT-B, version 4) qui rassemble 36 questions réparties en 5 rubriques : bien-être physique, bien-être familial et social, bien-être émotionnel, bien-être fonctionnel, ainsi que des questions spécifiques au cancer du sein.

Résultats

Les trois groupes sont cohérents par rapport aux variables démographiques et sont donc comparables. Les patientes ayant eu un cancer du sein avaient toutes eu une mastectomie et une radiothérapie. Elles étaient seulement 2 dans le groupe taijiqigong et 1 dans le groupe contrôle à avoir eu une chimiothérapie. La mastectomie datait en moyenne de 7 ans.

Les amplitudes de mobilité active dans la flexion, l’abduction et l’épreuve de main derrière le dos n’ont pas montré de différence significative entre les trois groupes.

Dans les couples maximaux isocinétiques des rotateurs internes et externes de l'épaule, les amplitudes sont comparables entre le groupe actif et le groupe référence tandis que le groupe contrôle a des amplitudes significativement moindres.

Pour la qualité de vie, le groupe taijiqigong a un score plus élevé sur l’échelle fonctionnelle et plus bas sur celle spécifique du cancer du sein. Par contre les résultats des rubriques de bien-être physique, familial/social et émotionnel n’ont pas révélé de différence significative entre les deux groupes actif et contrôle. Dans le groupe actif, le score sur l’échelle fonctionnelle est corrélé aux mesures des couples maximaux isocinétiques des rotateurs internes et externes de l'épaule. 

Discussion

Sur la mobilité

Il y a une contradiction entre les résultats de cette étude et celles effectuées précédemment. Les études précédentes dans les suites du cancer du sein [1-2] montraient une limitation des amplitudes de la flexion, de l’abduction et de la main derrière le dos. Ces études comparaient les amplitudes de mobilité du bras homolatéral avec celles du bras sain. Or la radiothérapie ou la chimiothérapie affecte les deux épaules et rend la comparaison bilatérale incertaine, les auteurs ont donc comparé les amplitudes du bras homolatéral à celles du groupe témoin. D’autres différences telles que les variations de durées post-opératoires, les tranches d'âge des participants, les traitements reçus et la longueur de la réadaptation peuvent également expliquer cette divergence.

 On ne peut donc conclure que le taijiqigong augmente la souplesse de l’épaule et cette affirmation devra être confirmée par des études prospectives.

Sur la force musculaire isocinétique

Les muscles rotateurs interne et externe sont également testés car ils stabilisent fonctionnellement l’articulation gléno-humérale, parce qu’ils perdent leur force physiopathologiquement lors de troubles de l’épaule et enfin parce qu’ils sont affectés lors de la mastectomie.

Le traumatisme chirurgical, ainsi que l'évitement de l'activité peuvent être les principales causes de la faiblesse musculaire de l’épaule. Ceci explique, conformément aux études précédentes [3], la différence de couples maximaux isocinétiques des rotateurs internes et externes de l'épaule entre les groupes témoins sain et cancer du sein. Le taijiqigong est un exercice adapté pour améliorer  la force musculaire de l'épaule et par là la qualité de vie dans les séquelles de cancer du sein [4].

Comment expliquer cette augmentation de la force des rotateurs de l’épaule, également observée dans l’étude de Mustian et coll., [5] alors même que le taijiqigong implique un travail minimal des muscles, met l’accent sur la relaxation et ne correspond pas aux critères de renforcement musculaire des directives de prescription de l’American College of Sports Medicine ? Nous postulons que c’est l’association du travail corporel et mental qui produit ce résultat. On sait en effet que le contrôle mental de contractions musculaires peut améliorer les signaux de sortie corticaux qui animent les « muscles exercés mentalement » à un niveau plus élevé d'activation et ainsi augmenter la force musculaire [6].

Par ailleurs, la réputation de faiblesse même de l’exercice de taijiqigong et l’entraînement des amplitudes de mouvement peuvent réduire l’atrophie musculaire, la fibrose cicatricielle et atténuer ainsi la perte significative de la force musculaire [7].

Sur la qualité de vie

L’amélioration du bien-être fonctionnel par le taijiqigong conforte les résultats de l’étude de Ol et coll. [8]. La corrélation que les auteurs ont trouvée entre l’amélioration de la force musculaire de la coiffe des rotateurs et celle de la rubrique bien-être fonctionnel du FACT-B complète leurs résultats et trouve son explication logique dans le fait que les rotateurs de la coiffe de l’épaule sont les principaux stabilisateurs dynamiques de l’articulation gléno-humérale lors de nombreuses activités quotidiennes. D’autres études [9-10] ont montré que, dans la population générale, la diminution de la force de la coiffe des rotateurs découle d’affections de l’épaule, d’incapacité fonctionnelle et de réduction de la qualité de vie.

Les auteurs ont mis en évidence que dans la rubrique des questions spécifiques au cancer du sein du FACT-B les scores étaient moins bons dans le groupe actif que dans le groupe contrôle. Ces résultats sont en contradiction avec celles de l’étude de Mustian et coll. [11] qui montraient une meilleure estime de soi et qualité de vie chez les pratiquants de taijiqigong dans des populations de suivi à long terme de cancer du sein. Mais les auteurs ne savent pas si ces résultats négatifs sont liés à l’inefficacité du taijiqigong ou au biais du recrutement de l’échantillonnage (auto recrutement d’une étude transversale). La randomisation d’études ultérieures pourra résoudre ce problème.

La non différence entre le groupe actif et le groupe témoin dans les rubriques de bien-être physique, social et familial, et émotionnel est en contradiction avec les résultats de Oh et coll. [8]. Cela peut être en rapport avec la petite taille de l’échantillon.

Toutes rubriques confondues, la qualité de vie du groupe actif est similaire au groupe témoin. La contradiction avec les résultats l’étude de Mustian et coll. [11] s’explique également par sa petite taille ainsi que par son caractère rétrospectif.

Conclusions

S’il n'y a aucune diminution évidente de la mobilité d'épaule, l'affaiblissement de la force musculaire des rotateurs de l'épaule est manifeste parmi les survivantes de cancer du sein. La formation de taijiqigong pourrait améliorer la force musculaire de l'épaule et, par conséquence, le bien-être fonctionnel des survivantes de cancer du sein. Le taijiqigong peut être considéré comme une intervention thérapeutique possible dans les suites à long terme du cancer du sein.

Commentaires

Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective, transversale et non randomisée avec des effectifs relativement faibles. L’amélioration de la force musculaire des muscles rotateurs de l’épaule dans une activité physique réputée modeste montre l’intérêt de la synchronisation du corps et du mental. Sa corrélation avec l’amélioration du bien-être fonctionnel souligne encore l’intérêt de cette mise en jeu psycho-corporelle.

  Dr Claude Pernice

Membre du GERA

Membre du CFA-MTC

 43 avenue Victor Hugo, 13100 Aix en Provence

': 04 42 26 55 05.

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 Conflit d’intérêts : aucun

Références

1. Na YM, Lee JS, Park JS, Kang SW, De Lee H, Koo JY. Early rehabilitation program in postmastectomy patients: a prospective clinical trial. Yonsei Medical Journal.  1999;40(1):1–8.

2. Sugden EM, Rezvani M, Harrison JM, Hughes LK. Shoulder movement after the treatment of early stage breast cancer. Clinical Oncology. 1998;10(3):173–81.

3. Harrington S, Padua D, Battaglini C et al. Comparison of shoulder flexibility, strength, and function between breast. cancer survivors and healthy participants. Journal of Cancer Survivorship. 2011;5(2):167–74.

4. Lash TL, Silliman RA. Long-term follow-up of upperbody function among breast cancer survivors. Breast Journal.  2002;8(1):28–33.

5. Mustian KM, Katula JA, Zhao H. A pilot study to assess the influence of Tai Chi Chuan on functional capacity among breast cancer survivors. Journal of Supportive Oncology. 2006;4(3):139–45,.

6. Ranganathan VK, Siemionow V, Liu JZ, Sahgal V, Yue GH. From mental power to muscle power—gaining strength by using the mind. Neuropsychologia. 2004:42(7);944–56.

7. Grefte S. Improving the regeneration of injured muscle [thesis]. The Netherlands: Radboud University Nijmegen Medical Center; 2011.

8. Oh B, Butow P, Mullan B et al. Impact of Medical Qigong on quality of life, fatigue, mood and inflammation in cancer

patients: a randomized controlled trial. Annals of Oncology. 2009;21(3):608–14.

9. Warner JJP, Micheli LJ, Arslanian LE, Kennedy J, Kennedy R. Patterns of flexibility, laxity, and strength in normal shoulders and shoulders with instability and impingement. American Journal of Sports Medicine. 1990;18(4):366–75.

10. MacDermid JC, Ramos J, Drosdowech D, Faber K, Patterson S. The impact of rotator cuff pathology on isometric and isokinetic strength, function, and quality of life. Journal of Shoulder and Elbow Surgery. 2004;13(6):593–8.

11. Mustian KM, Katula JA, Gill DL, Roscoe JA, Lang D, Murphy K. Tai Chi Chuan, health-related quality of life and self-esteem: a randomized trial with breast cancer survivors. Supportive Care in Cancer. 2004 ;12(12) :871–6.

12. Brady MJ, Cella DF, Mo F, Bonomi AE, Tulsky DS, Lloyd SR, Deasy S, Cobleigh M, Shiomoto G. Reliability and validity of the Functional Assessment of Cancer Therapy-Breast quality-of-life instrument. J Clin Oncol. 1997;15(3):974-86.

 

Description Taijiqigong 18 formes

1)      Ouverture (comme « ouverture du taiji »)

2)      Ouvrir largement la poitrine (les mains à la hauteur des épaules, devant puis vers le côté)

3)      Balancer les bras au-dessus de la tête en décrivant un arc de cercle (arc en ciel).

4)      Balancer les bras pour disperser les nuages (comme « croiser les mains »)

5)      Tourner les bras sur chaque côté (comme « reculer en repoussant le singe »)

6)      Nager sur le lac (comme la brasse papillon)

7)      Lancer une balle devant l’épaule (comme avec une chistera, dans le plan transversal)

8)      Tourner le corps et regarder la lune (comme précédent, plus loin en arrière et en haut)

9)      Tourner le corps et pousser des mains (pousser tirer dans les deux diagonales)

10)  Mouvoir les mains dans les nuages (comme le mouvement du même nom)

11)  Ramasser de l’eau dans la mer et regarder le ciel (comme « croiser les mains » en plus grand et avec les « jambes en arc »)

12)  Pousser en arrière et en avant comme une vague (jambes en arc, pousser en diagonale)

13)  La colombe bat des ailes (jambes en arc, mains à la hauteur des épaules)

14)  Tendre les bras et frapper (comme « donner un coup de poing »)

15)  L’oie sauvage vole dans les airs

16)  Faire tourner les bras comme un volant (grands cercles du haut du corps depuis la taille)

17)  Marquer le temps et faire rebondir la balle (un genou monte en même temps que le bras controlatéral)

18)  Appuyer avec les paumes pour revenir au calme (les mains montent et descendent ensemble du pubis-dantian à la fourchette sternale)

vidéo : http://www.taichi18.com/

texte pdf : http://www.midoriyamabudokai.com/Qi%20GONG%2018.pdf

 

 

Le Functional Assessment of Cancer Therapy-Breast [12]

Le FACT-B, version 4 rassemble 41 questions réparties en 5 rubriques : bien-être physique (7 questions), bien-être familial et social (7 questions), bien-être émotionnel (6 questions), bien-être fonctionnel (7 questions), enfin des questions spécifiques au cancer du sein (14 questions). C’est un auto-questionnaire où chaque question est cotée de 0 à 4.

Dans la rubrique améliorée par le taijiqigong, celle du bien-être fonctionnel, on trouve des questions sur l’état émotionnel (plaisir et satisfaction) et deux questions sur l’appréciation de l’effectuation de son travail (capacité et satisfaction).

Dans la rubrique paramètres additionnels, propre au cancer du sein, on distingue des questions sur les changements ou capacités physiques : douleurs, conséquences du cancer et données plus appréciatives telles que se sentir stressée, attirante sexuellement ou craindre le cancer pour ses proches.

 

http://www.facit.org/FACITOrg/Questionnaires

 

 

 

 

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