Acupuncture et épilepsie réfractaire : l’effet sur la qualité de vie n’est pas démontré.

 

Stavem K et al Acupuncture in intractable epilepsy : lack of effect on health-related quality of life. Seizure 2000  9 : 422-426.

 

RÉSUMÉ

Question

L’acupuncture, en tant que traitement adjuvant de l’épilepsie réfractaire, a-t-elle un effet supérieur à celui l’acupuncture factice sur la qualité de vie des patients ?

 

Plan expérimental

Essai comparatif randomisé avec insu patient versus acupuncture factice (sham acupuncture). Suivi à 8 semaines.

 

Cadre

National Center for Epilepsy (Norvège)

Patients

Pour cette étude l’accord du comité d’éthique Régional a été obtenu. Le consentement des patients a été obtenu après information verbale et écrite. Critères d’inclusion : Age > 18 ans, épilepsie > 2ans, épilepsie réfractaire focale ou généralisée avec une ou plusieurs crises par semaines. Critères d’exclusion : crises non épileptiques isolées ou combinées à l’épilepsie, pathologie cérébrale dégénérative, incapacité à collaborer à l’étude. Recrutement : Sur 41 patients éligibles 7 patients se sont retirés pour convenance personnelle pendant la période d’observation avant randomisation. Trente quatre patients ont été randomisés, 18 dans le groupe acupuncture, 16 dans le groupe acupuncture factice.

 

Intervention

Après une période de pré-inclusion de 8 semaines les patients sont randomisés en 2 groupes équilibrés par blocs de 4. A l’inclusion les 2 groupes sont comparables pour les paramètres age, sexe, ancienneté de l’épilepsie (27 ans), age de survenue et fréquence des crises, antécédent de traitement par acupuncture. Les 2 groupes bénéficient de 20 séances sur 8 semaines : 3 séances par semaine pendant 3.5 semaines, pause de 1 semaine, 3 séances par semaine pendant à nouveau 3.5 semaines. Dans les 2 groupes la durée d’une séance est de 30 minutes. Les traitements sont pratiqués par 2 médecins acupuncteurs professeurs de l’universités de MTC de Shanghai. Chaque patient est traité par le même médecin tout au long de l’étude. Le patient et son neurologue traitant demeurent tout deux en aveugle.

Acupuncture. (n = 18) Après diagnostic selon les principes de MTC et diagnostique de l’une des 5 formes cliniques traditionnelles principales. Puncture bilatérale de F3 (Tai Chong), GI4 (He Gu), VG20 (Bai Hui) plus 1 ou 2 points dépendants du diagnostic propre à chaque patient pouvant comprendre crâniopuncture et électroacupuncture (Stimulateur Elpha 2000à 3Hz et 3-20 mA). Les aiguilles sont placées à profondeur variable avec recherche de Deqi par rotation ou stimulation manuelle.

Acupuncture Factice (sham acupuncture): (n = 16) Le protocole d’acupuncture factice, validé par des acupuncteurs chinois et norvégiens, consiste en une puncture bilatérale à 0.3 cun de profondeur sans stimulation manuelle ni électrique de 3 points factices : S1 (2.5 cun en-dehors de l’ombilic), S2 (3 cun en dessus du milieu de la rotule), S3 (1 cun en dessous du milieu de la ligne joignant GI15 et TR14).

Aucun test de crédibilité des procédure n’est décrit.


Principaux critères de jugement

La qualité de vie relative à la santé est évaluée par la traduction norvégienne validée de l’échelle à 89 items de qualité de vie en épilepsie (QOLIE-89). Cette échelle est une extension de la SF-36 enrichie d’items spécifiques à l’épilepsie, elle comporte 17 dimensions et évalue la qualité de vie au cours des 4 semaines précédentes.

Le critère principal est la différence entre le score QOLIE-89 à T0 et après 8 semaines de traitement.

La moyenne des différences des scores QOLIE-89 de base et après 8 semaines de traitement sont comparés entre les 2 groupes par un test t pour séries non appariées. Dans chaque groupe la différence moyenne de score entre T0 et après 8 semaines de traitement est comparée par un test t pour série appariées, cela pour le score globale et chacune des dimensions de l’échelle.

L’effectif inclus permet de détecter une différence de 1 écart type entre les groupes avec une puissance de 80%.

 

Principaux résultats 

A l’inclusion les groupes ne présentent pas de différence pour le score globale ni pour aucune des dimensions de l’échelle QOLIE-89. La normalisation des scores pour comparer la population étudiée à une population de américaine de référence met en évidence des scores moyens légèrement inférieurs dans la population étudié par rapport à la population américaine de référence.

La variation du score global QOLIE-89 entre T0 et 8 semaines ne diffère pas de façon statistiquement significative entre les 2 groupes : delta Acupuncture – Sham Acupuncture = -3.4 (IC 95% = [-14.4 , 7.7]). Les comparaisons réalisées sur chacune des dimensions du score ne mettent pas non plus en évidence de différences statistiquement significatives.

Pour chacun des 2 groupes pris indépendamment les variations de score global QOLIE-89 entre T0 et 8 semaines sont de 1.7 pour l’acupuncture factice et de –1.7 pour l’acupuncture (écarts types non précisés),.ces variations ne sont pas statistiquement significatives. L’étude de chacune des dimensions de l’échelle QOLIE-89 ne révèle pas non plus de différences statistiquement significatives.

Conclusion 

Sur une faible population, il n’a pas été mis en évidence de différences statistiquement significatives entre l’acupuncture et l’acupuncture factice au niveau de la qualité de vie de patients présentant une épilepsie réfractaire.

COMMENTAIRES

Cette étude est le deuxième volet d’une seule et même étude publiée par Kloster [1] en 1999.

Questions

Cotation

oui 1/ non 0

A- l'étude est-elle randomisée ?

1

B- la méthode de randomisation est-elle décrite et appropriée ?

1

C- L'étude est-elle décrite en insu patient avec une méthode appropriée ?

1

D- L'étude est-elle décrite en insu évaluateur avec une méthode appropriée ?

1

E- Y a -t-il une description des sorties d'essai et des perdus de vue ?

0

total

4

 

Au plan méthodologique :

Le score de Jadad et de 4. Cette étude devrait donc être considérée comme de bonne qualité méthodologique. Néanmoins un certains nombre de limitations méthodologiques méritent d’être discutées.

Les auteurs font état d’une puissance de 80% pour une différence de 1 écart type entre les groupes. D’une part ceci ne correspond pas à un calcul de nombre de patients à priori. D’autre part sans mentionner dans l’article la valeur de cet écart type les auteurs reconnaissent qu’une différence de un écart type correspondrait à une différence très élevé. La base correcte du calcul de puissance et donc du nombre de patients nécessaires aurait donc du reposer sur la plus petite variation de l’échelle QOLIE-89 considérée comme cliniquement significative.

Les tableaux de données détaillant les score QOLIE-89 font état d’effectifs variables selon les dimensions du score envisagées, pour le score global les effectifs sont de 10 pour le groupe acupuncture factice et 12 pour le groupe acupuncture pour un nombre de patients inclus de respectivement 16 et 18 par groupe, en conséquence de quoi nous sommes encore très certainement plus loin de la puissance annoncée. Cette différence entre le nombre de patients randomisés et le nombre de scores évalués peut s’expliquer : (1) par l’absence de cotation de certains items de l’échelle lors de la phase de bilan pré-thérapeutique, on peut remarquer qu’il eut été préférable de ne pas inclure ces patients. (2) par l’exclusion de 5 patients secondairement à une modification de leur traitement antiépiléptique, ces exclusion ne sont pas mentionnées dans l’article étudié mais sont cependant décrites dans la publication concernant le premier volet de cette étude [1] ce qui témoigne d’un traitement peu cohérent des données.

On pourrait également critiquer l’absence de test de crédibilité des procédures, ainsi que la pertinence des points factices et de leur technique de puncture, cependant dans le cas présent, en l’absence de variation des scores par rapport à T0, cela n’introduit pas de biais majeur dans la comparaison.

 

Au plan clinique :

Les auteurs indiquent que cette étude fait suite à une étude au cours de laquelle il n’a pas été possible de démontrer une efficacité du traitement acupunctural, que cela soit sur le nombre de crises ou sur les signes EEG. L’objectif principal du traitement à l’étude visait donc bien le maître symptôme (nombre de crises) et non une l’amélioration la qualité de vie par une action sur d’autres aspects de la maladie ou sur d’éventuels effets secondaires du traitement antiépileptique. De nombreuses dimensions ou items de l’échelle QOLIE-89 sont sensibles à la présence ou non de crises (mémoire, fatigue, découragement, capacité à conduire….) Dans ces conditions, l’amélioration de la qualité de vie se retrouve étroitement sous la dépendance de la réduction du nombre de crises. En l’absence de réduction du nombre de crises il n’est donc pas très étonnant de ne pas retrouver d’amélioration de la qualité de vie.

 

Au total :

La portée des conclusions de cet essais reste très limitée d’une part du fait de l’effectif extrêmement faible qui n’autorise aucune conclusion en termes statistiques et d’autre part du fait de la population étudié chez qui le poids de la persistance des crises peut faire s’interroger sur l’amélioration possible de la qualité de vie. La nécessité de la prise en compte de l’impact sur la qualité de vie d’un traitement antiépileptique est aujourd’hui bien reconnue [2], [3] mais le critère principal d’efficacité demeure la fréquence des crises. Soit l’acupuncture est positionné comme un traitement antiépileptique et à ce titre elle doit réduire le nombre de crises pour envisager une amélioration de la qualité de vie, soit l’acupuncture est positionné comme traitement adjuvant et une amélioration de la qualité de vie peut être attendue par le biais d’une action sur des signes d’accompagnement ou par une réduction des effets secondaires du traitement antiépileptique. Dans tous les cas, un essais plus puissant avec une finalité mieux définie et portant sur des formes d’épilepsies peut être moins graves serait souhaitable.

 

Bruno Koeltz

Groupe de travail « évaluation et lecture critique en acupuncture »

FAFORMEC

 
 Références

1 Kloster R et al The effect of acupuncture in chronic intractable epilepsy. Seizure 1999  8 : 170-174.

2 Dartigues JF, Loiseau P Les essais thérapeutiques dans l’épilepsie. Essais Thérapeutiques Mode d’emploi Editions Inserm

3 The European Agency for Evaluation of Medicinal Products (EMEA) Note for guidance on clinical investigation of medicinal products in the treatment of epileptic disorders CPMP/EWP/566/98 rev 1

date de création 19 mars 2001