Du fait des complications liées à l'emploi du diazépam l'acupuncture peut-elle être une alternative pour faciliter la réalisation et réduire l'inconfort d'une fibroscopie oesogastroduodénale ?

Stellon A et Palmer T. Acupuncture as an alternative to diazepam sedation for diagnostic gastrointestinal endoscopy. Acupuncture in medicine, 1999  1(17)  p :2-4.

RESUME

Question

L'acupuncture peut-elle constituer une alternative pour faciliter l'intubation, diminuer les troubles émotionnels et l'inconfort physique lors d'une fibroscopie, du fait des complications liées aux diazépam.

Plan expérimental :

Essai comparatif à randomisation partielle, appelé aussi îlot de randomisation ou “ Randomized Block ”

Traitement de référence versus acupuncture, versus groupe contrôle sans traitement. La randomisation n'est faite qu'entre les deux groupes acupuncture et absence d'intervention. Le groupe traitement de référence étant constitué de volontaires. Il n'y a pas d'aveugle.

Cadre :

En Angleterre (sans précision supplémentaire).

Patients :

Ont été inclus 206 patient âgés en moyenne de 57 ans (extrêmes 20 - 95 ans). 51% pour de femmes. Les patients sont adressés pour une endoscopie en ambulatoire dans le service. Le recrutement a été réalisé de manière prospective entre janvier et septembre 1998.Il n'est pas mentionné de critères d'exclusion.

Le taux de suivi a été de 84 % (173 patients restent pour l'analyse car il y a eu 33 sorties d'études dont 3 ont refusé de remplir le questionnaire d'auto- évaluation, 13 ne l'ont pas rendu, 13 patients ont rendu un questionnaire inexploitable et 4 n’apparaissent pas dans le tableau de répartition des groupes).

Il y a une différence importante dans le sex- ratio pour le groupe Diazépam ( 2 femmes pour 1 homme) par rapport aux deux autres groupes (environ 1 femme pour 1,5 homme).

Intervention :

Dès le recrutement, la question est posée aux patients de leur préférence pour une sédation intraveineuse. Les refus de sédation sont alors randomisés entre le groupe acupuncture et le groupe contrôle. La méthode n’est pas décrite .

Utilisation de XYLOCAINE pharyngée pour tous les patients dans les trois groupes.

Groupe traitement de référence (95 patients)administration d’une injection intraveineuse de diazépam (VALIUM en France) en moyenne 8 mg (extrêmes de 2,5 à 20 mg).

Deuxième groupe (54 patients) : acupuncture sur les points GI4, MC6, ES9, VC23, VC24 soit 8 aiguilles d’une longueur de ½ pouce à 1 pouce ( soit 1,2  à 2,5 cm) insérées 5 minutes avant l’examen et laissées en place pendant la durée de celui-ci, après une stimulation manuelle de 1 à 2 secondes.

Troisième groupe : aucune intervention en dehors de l'anesthésie locale.

Principaux critères de jugement.

Mesure du malaise physique et de l'anxiété ressentie par une double méthode :

D'une part observation extérieure par les infirmières : notion de la facilité, du nombre de tentatives d'introduction, présence et intensité d'un réflexe nauséeux et cotation de l'état émotionnel et de l'angoisse perçue sur une échelle de 1 à 5 au départ et pendant le déroulement de l'examen.

D'autre part un auto- questionnaire de 35 items rempli par le patient ( échelle de  Lickert côté de 1 à 5 pour prévenir le biais de conformité) analysant la facilité de l'intubation, l'état émotionnel et l'angoisse ressentie par le patient entre le moment où il entre dans la salle d'examen et son retour à domicile.

Mesure de la saturation en oxygène par gaz du sang artériel pendant l'examen.

Principaux résultats :

malaise physique et  anxiété :

Critères d'observation extérieure : le nombre de tentatives (p<0.001), les scores de l'état émotionnel et de l'angoisse perçue (p<0.01) sont tous significativement plus bas dans le groupe traitement de référence par rapport au groupe absence d'intervention et acupuncture.

Critères d'auto- évaluation : les scores de facilité d'intubation (p<0.2) et de malaise physique (p<0.05) sont significativement plus bas dans le groupe traitement de référence par rapport au groupe absence d'intervention et acupuncture. L'auto-score de l'angoisse ressentie est plus bas dans les groupes acupuncture et traitement de référence par rapport à l'absence de traitement mais sans atteindre le seuil de significativité statistique.

Mesure de la saturation en oxygène : 8 patients dans le groupe traitement de référence, 2 dans le groupe abstention mais aucun dans le groupe acupuncture ont eu besoin d'oxygènothérapie  et de surveillance respiratoire pendant l'acte. Un des patients du groupe traitement de référence a nécessité une antagoniste des benzodiazépines (flumazénil ANEXATE en France).

Conclusion de l'auteur :

 Bien que cette étude rapporte ,dans le groupe traitement de référence (diazépam), un effet statistiquement supérieur au groupe absence de traitement ou acupuncture sur le soulagement de l'angoisse durantl’examen, l'acupuncture montre quelques preuves de réduction du score d'auto évaluation de l'état émotionnel .

COMMENTAIRES

Score de Jaddad

La randomisation étant partielle ( 2 groupes sur 3 ) on  peut appliquer  2 scores de Jaddad.

Traitement de référence versus acupuncture :seulement description des sorties d’étude donc 1/5

acupuncture versus absence de traitement :il y a randomisation et l'on dispose de la description des sorties d'études donc score  2/5.

Dans les deux cas  l'étude de mauvaise qualité méthodologique.

On peut discuter du choix du diazépam comme traitement de référence : en effet il est aujourd'hui dépassé et l'on utilise plutôt le midazolam (HYPNOVEL en France).

Du point de vue méthodologique : la méthodologique dite “Randomized Block ” est ici mal utilisée (Ref : Thomas KF, Fitter MJ. Evaluating complementary therapies for use in the National Health Service : “ Horses for course ”, part 2 : Alternative research strategies. Compl Ther Med 1997  5 : 94-8).

Sil s'agit de comparer l'acupuncture et la sédation, la stratégie normale aurait dû être la suivante :

Dès le recrutement la préférence demandée aux patients. Ils sont alors répartis en trois groupes : A = préférence pour l'acupuncture (par exemple) ; B = randomisation des patients sans préférence ; C = préférence pour le diazépam (par exemple).

À terme nous avons quatre groupes : A = acupuncture choisie ; B1 = acupuncture non choisie ; B2 = diazépam non choisie ; C = diazépam en choisie.

L'effet de la préférence peut être exploré en comparant A  versus B1 et B2  versus C.

L'efficacité des deux traitements peut être comparée : A versus C et B1 versus B2.

L'intérêt de cette méthodologie et d'être proche de la pratique réelle, dans laquelle le choix des patients est demandé. Il ne s'agit pas de vérifier l'efficacité spécifique de l'acupuncture, mais de comparer l'efficacité globale de deux traitements.

Si l'objectif était de vérifier la supériorité de l'acupuncture par rapport à l'absence traitement, un essai classique versus absence de traitement est suffisant. En voulant tout faire cet essai ne prouve rien .

Les résultats ne sont pas présentés dans un tableau précis intégrant les intervalles de confiance

 L'auteur se base sur un essai antérieur positif, (Cahn AM,Carayon R,Hill C,Flamant R.Acupuncture in gastroscopy .Lancet 1978 1 :182-183 ) mais celui-ci est peu comparable : Les points d'acupuncture sont différents(VC12,VC17,VC23,VC24 avec l'électrostimulation et ES36, MC6 sans stimulation électrique ).acupuncture versus acupuncture placebo (points à 1cm de ceux précédemment cités )

Raisons de l'échec :

Pas d'induction analgésique (mise en place des aiguilles cinq minutes avant l'intervention alors qu'une induction analgésique demande au minimum 20 minutes). L'auteur explique son choix en arguant de ne pas modifier le programme opératoire en allongeant la durée de l'examen. Toutefois l'essai précité ne respecte pas non plus ce délai de 20 minutes.

Pas de stimulation, pas de recherche du deqi

L'utilisation de spray anesthésique a pu, comme le souligne l'auteur, modifier l'effet de l'acupuncture.

Au total , essai de qualité méthodologique médiocre  et  qui ne présente que peu d’intérêt en pratique de toutes façons car il aurait fallu poser la question différemment : soit acupuncture versus absence de traitement ou anesthésie locale, soit acupuncture versus sédation , soit “ randomized block ” bien mené.

Elisabeth  Magot
Groupe de travail « évaluation et lecture critique en acupuncture »

FAFORMEC

Références :

1.Bell GD, McCloy RF, CharltonIE, et al. Recommendationsfor standards of sédation and patient monitoring during gastrointestinal endoscopy .Gut 1991 32 :823-827

2.QuineMA,Bell GD, McCloyRF, et al.Prospective auditofupper gastrointestinal endoscopy in two regions of England : safety, staffing and sedation methods.Gut 1995  36 :462-467

3. Cahn AM, Carayon R, HillC, Flamant R, Acupuncture in gastroscopy .Lancet 1978 1 : 182-183 .

4. Langhorne PA, in :NivenCA, Caroll D editors .The health psychology of women .Harward Academic Publishers 1993 . p 69-75 .

5.Thomas M, Acupuncture studies on pain .Acupuncture in medicine 1997 15(1) 23-31