La stimulation laser de points d'acupuncture diminue-t-elle la fréquence des migraines et les taux plasmatiques de noradrénaline et de dopamine ?
RESUME
Question
La
stimulation laser de points d'acupuncture diminue-t-elle la fréquence des
migraines et les taux plasmatiques des catécholamines ?
Plan
expérimental
Essai contrôlé randomisé en double insu, stimulation laser versus simulation de stimulation laser (placebo), avec suivi de 5 mois.
Cadre
Clinique de Médecine Interne Générale, de l'Université de Kiel, Allemagne.
L'étude a reçu un avis favorable de la commission d'Ethique de la Chambre des Médecins du Schleswig-Holstein.
Patients
50 patients (25 dans le groupe laser-verum, 25 dans le groupe laser-placebo).- recrutement: sur une période non précisée, les patients ont été adressés par le dispensaire anti-douleur du service de neurologie de la clinique universitaire ou par leur médecin traitant.- critères d'inclusion: antécédent de migraine depuis au moins un an (avec ou sans aura), fréquence des crises avant le début de l'étude de 2 à 6 par mois.- critères d'exclusion: céphalées symptomatiques, céphalées permanentes par abus médicamenteux (pas de précisions autres), grossesse, période de rémission (de migraine), maladies psychiatriques selon le DSM-III, prise de drogues ainsi que médicaments pouvant influer sur les paramètres de mesures (antidépresseurs, bêtabloquants, antagonistes calciques, carbamazepine [Tegretol~R en France], lithium, méthysergid [Desernil-Sandoz~R en France], naproxen [Apranax~R en France], neuroleptiques, pizotifen [Sanmigran~R en France] et tranquillisants).Les participants ont donné leur consentement éclairé écrit pour leur participation à l'étude.
Intervention
Après
une phase d'élimination médicamenteuse (wash out) de 6 semaines (4 semaines
pour les bêtabloquants, 8 semaines pour la flunaricin [Sibelium R en France] ) pendant laquelle les
traitements de crise doivent être pris selon les besoins, il y a une
classification des céphalées selon le Headache Classification Committee suivie
d'un interrogatoire sur l'anamnèse et d'un examen neurologique puis
randomisation des patients entre les 2 groupes:
1) groupe
laser-verum (25 patients):- points utilisés (non
cités) choisis selon la localisation de la céphalée (occipitale: méridiens
VE/IG, temporale: méridiens VB/TR, frontale: méridiens ES/GI), 6 à 10 par
patient,- pas de puncture, stimulation par laser infra rouge Gallium-Arsenium
(ABRA Neural-Laser de la firme Pierenkemper), de 30 secondes en moyenne par
point ( énergie délivrée de 0,053 Ws ou Joule) soit une durée totale de
stimulation de 3 à 5 minutes par patient; le thérapeute et le patient portent
des lunettes de protection pour la rétine,- une séance par semaine pendant 8
semaines, soit 8 séances,- la compétence de l'acupuncteur n'est pas mentionnée.
2) 2) groupe
placebo (25 patients): Même protocole avec utilisation d'un laser modifié en usine de
façon à n'émettre qu'un faisceau de lumière rouge indiscernable du rayon laser;
ainsi ni le thérapeute ni le patient ne savent à quel groupe ils ont affaire. II
y a similitude statistique entre les groupes au début de l'étude pour 1' âge
(test de khi2), le sexe et pour l'ancienneté des migraines( test de Student) (
p>0,05))
Principaux
critères de jugement
Les
critères sont mesurés à 3 moments: au début de 1'étude après la phase de
latence de 6 semaines, à 1'issue du traitement (8 semaines) et 3 mois après la
fin du traitement, soit au total 5 mois de suivi après le début du traitement.
- critère
principal clinique: fréquence
des accès de migraines, grâce à un cahier de suivi journalier démarré 6
semaines avant le début de l’étude.
- critères
secondaires biologiques:
dosages plasmatiques des catécholamines (adrénaline, noradrénaline et
dopamine).
Principaux
résultats
- fréquence
des migraines: une plus
nette diminution est observée dans le groupe laser-verum par rapport au groupe
placebo, mais sans être significative (analyse de variance, p>0,05).
-
catécholamines plasmatiques: une
réduction significative dans le temps des concentrations de noradrénaline et de
dopamine est observée dans les 2 groupes ( analyse de variance de rang de
Friedman, p<0,05), sans différence spécifique au groupe laser-verum (test de
Mann-Whitney, p>0,05).
II n'y a pas de mention du suivi des patients inclus (sorties d'étude?).
Conclusion
L'effet de la stimulation-laser de points d'acupuncture sur la fréquence des accès de migraines et sur les catécholamines plasmatiques est estimé comme modéré, un effet significatif n'ayant pu être démontré. La stimulation laser peut être proposée en complément d'autres thérapeutiques, et bien sûr pas de première intention.
COMMENTAIRES
Score
de qualité de JADAD adapté: (randomisation nommée: 1, randomisation décrite et
adéquate: 1, patient insu: 1, évaluateur insu: 1, suivi des patients non
décrit: 0) soit un score de 4 points sur 5, 1'étude est donc PRESUMEE de bonne
qualité méthodologique ( exempte de certains biais majeurs) mais ce score ne
prend pas en compte la qualité du protocole acupunctural (ici réduit à un choix
de points non cités, dont on ne peut apprécier la qualité...).
Le
plan expérimental de cette étude cherche à montrer un effet spécifique d'une
stimulation laser de points d'acupuncture par rapport à une stimulation
lumineuse rouge non nulle (il s'agit d'un placebo actif du fait d'un potentiel
d'activité de la lumière rouge qui commence à être étudié en Chine[1])
probablement indiscernable par le patient (si la stimulation laser n'engendre
aucune sensation particulière) ou le thérapeute. Mais l'effet du rayonnement
laser sur un point d'acupuncture est mal connu: en supposant que le rayon
n'endommage pas le point et qu'il n'y ait pas de période d'hypoactivité
engendrée par une stimulation laser, certains attribuent l'effet à l'énergie
totale délivrée, d'autres à la fréquence de la lumière laser; un auteur [2]
pense que, selon les conditions d'émission, la lumière laser peut avoir des
effet stimulant ou dispersant; l'effet sur les points d'acupuncture passerait
par une réaction immunitaire.
Dans
l'hypothèse théorique où le laser aurait une efficacité sur les points
comparable à celle d'une aiguille, la réflexion ne doit pas oublier qu'un
traitement acupunctural peut avoir une activité plus ou moins forte: dans un
essai clinique de faible effectif avec un groupe verum acupuncture moyennement
actif versus un groupe placebo faiblement actif, la probabilité de ne pas
mettre en évidence une différence statistiquement significative est grande;
cela semble être le cas dans cette étude: les points n'étant pas cités, on ne
peut analyser leur pertinence et leur stimulation par laser est mal connue, en
conséquence l'activité du groupe verum ne peut être appréciée; d'autre part le
groupe placebo possède une activité. En toute logique, il est impossible de
trancher, quant au résultat de l'étude non significatif, sur une cause tenant
aux points (localisation ou choix erronés), à leur stimulation laser
insuffisante ou au placebo trop actif ( il y a certainement conjonction
défavorable de tous ces facteurs); ceci est en contradiction avec l'auteur qui
impute le résultat seulement à un faible effet de la technique laser de
stimulation utilisée.
L'essai
manque donc de puissance pour montrer une différence significative: un futur
essai pourrait se réaliser avec calcul préalable du nombre de sujets
nécessaires en utilisant les éléments statistiques fournis par cette étude, de
façon à augmenter la probabilité de mettre en évidence une différence
statistiquement significative entre les 2 groupes si elle existe .Une
indication potentielle d'une stimulation laser de points d'acupuncture, s'il se
confirmait ultérieurement une efficacité, serait les sujets pusillanimes ou
fragiles réticents à la puncture.
Jean-Luc Gerlier
Groupe de
travail « évaluation et lecture critique en acupuncture »
FAFORMEC
Références
1. Wang Y et al. Treatment of infantile proctoptosis by red light point
radiation therapy: a report of 26 cases. TCM Shanghai Journal of Acupuncture and
Moxibustion 2000;3(1):42-43.
2. Bahn J. Klinische Anwendung der
Laserreiztherapie bei Akupunkturindikationen . Arztezeitschr. Naturheilverf
1988; 4: 283-290.
Date de
création 11/01/2001