Pseudoanévrysme
de l'aorte abdominale après acupuncture lombaire ?
Un
homme de 54 ans se présente aux urgences pour douleurs abdominales
accompagnées d’une masse palpable et pulsatile. En raison de douleurs
abdominales, il avait été traité un mois auparavant par acupuncture
avec des aiguilles longues d’environ 10 cm insérées au niveau lombaire.
Après la séance, la douleur abdominale avait été exacerbée. Un scanner
abdominal révèle un pseudoanévrysme de l'aorte abdominale (7 x 5 x
3,5 cm). Une intervention chirurgicale est effectuée. En l'absence
d'autres facteurs (traumatisme, maladie de Behçet ou maladie du tissu
conjonctif) les auteurs rattachent le pseudoanévrysme à la séance
d'acupuncture avec les aiguilles longues.
Kim DI, Huh SH, Lee BB, Kim DK, Do YS. Pseudoaneurysm
of the abdominal aorta caused by acupuncture therapy. Surg Today 2002;32(10):942-3.
Sansung Medical Center, Sungkyunkwan University School of Medecine,Seoul,
South Korea.
COMMENTAIRE
ET RECOMMANDATIONS
Il s'agit donc
d'un patient chez qui on diagnostique en urgence un pseudoanévrysme
de l'aorte abdominale un mois après une séance d'acupuncture à l'aiguille
longue (> 10 cm) au niveau dorsal pour des douleurs abdominales.
Devant l'absence d'une autre étiologie possible, les auteurs concluent
à un accident lié à l'utilisation d'aiguilles longues au niveau lombaire,
en observant que la distance revêtement cutané dorsal - aorte est
relativement faible (9 à 10 cm). Olivier Goret et Florence Phan Choffrut
avait déjà commenté un cas similaire rapporté dans la littérature
et concernant un hématome rétropéritonéal par rupture d'un pseudoanévrysme
de l'artère rénale après acupuncture pour lumbago [1]. Mais ils observaient
que l'enquête étiologique menée était insuffisante pour éliminer d'autres
causes et que la profondeur nécessaire à une lésion de l'artère rénale
rendait improbable la mise en cause de l'acupuncture [2]. Dans le
cas que nous rapportons l'implication de l'acupuncture est étayée
par l'utilisation avérée d'aiguilles longues.
Le pseudoanévrysme
étant situé au niveau de l'aorte abdominale (les auteurs parlent de
4 cm au dessous de l'artère rénale gauche), les points d'acupuncture
susceptibles d'être impliqués se situent entre L2 et L5. Les seuls
points possibles sur la branche interne du méridien de la Vessie sont
donc les 23V, 24V et 25V, ce dernier point (dachangshu)
étant le plus usuel pour des douleurs abdominales. Mais à partir de
ces points il est tout à fait impossible d'atteindre l'aorte qui est
en position prévertébrale (figure 1 et 2). La seule possibilité serait
une puncture oblique en dedans à partir de la branche externe du méridien
de la vessie. Le point impliqué serait alors le 52V (zhishi),
mais dans une indication non usuelle et puncturé dans un angle et
avec une profondeur également non usuelle. Inversement la figure 1
nous montre qu'une lésion de l'artère rénale est possible par une
puncture profonde au 23V. La distance de sécurité peau-parenchyme
rénal au niveau de ce point a été étudiée par scannographie [3]. Celle-ci
a été évaluée à 7,23 cm ± 0,55 pour les sujets en
sous-poids à 9,56 cm ± 0,20 pour ceux en surpoids.
Dans le cas
que nous discutons, l'acupuncture avait été indiquée pour des douleurs
abdominales. Une possibilité est un anévrysme préexistant au traitement
par acupuncture et cause des douleurs. Cet anévrysme devient alors
accessible à une puncture profonde à partir du 25V par exemple. Il
pourrait donc s'agir soit d'une évolution naturelle, soit d'un accident
par puncture profonde sur une lésion préexistante. L'observation rapportée
attire notre attention sur la nécessité d'un bilan clinique attentif
avant le début d'un traitement par acupuncture. La meilleure prévention
reste une localisation correcte des points et un respect des profondeurs
et des angles de puncture telles qu'elles sont décrites classiquement.
Il est des pratiques qui utilisent des punctures profondes au delà
des profondeurs usuelles. Il convient d'évaluer leur intérêt par des
essais contrôlés versus profondeurs classiques. Avant toute mise en
pratique une étude précise des risques doit être réalisée. Retenons
une profondeur de puncture maximale de 60 mm au niveau des points
23V-24V-25V (90 mm pour les sujets en surpoids avéré).
1.
Matsuyama H, Nagao
K, Yamakawa GI, Akahoshi K, Naito K. Retroperitoneal hematoma due
to rupture of a pseudoaneurysm caused by acupuncture therapy. J
Urol 1998;159(6):2087-8.
2.
Goret O, Phan-Choffrut F. Hématome rétro-péritonéal par rupture de
pseudo-anévrysmesde l’artère rénale après acupuncture ? Revue
Française de MTC 2000;186-187,106-107.
3.
Jaung-Geng Lin et
al. Determination of safe needling depth via ct-scan studies of tissue
thicknesses at acupoint locationss of lower back. American
journal of acupuncture 1998;26(2/3):121-27.
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Figure
1. Coupe axiale au niveau de L2. Une puncture profonde au
niveau du 23V gauche peut atteindre l'artère rénale gauche (16)
mais non l'aorte (Ao). Une lésion de l'aorte serait théoriquement
possible avec une puncture profonde, oblique en dedans à partir
du 52V.
6. Colon
7. Foie
8. Duodénum
9. Tête du pancréas
14. Veine cave inférieure
15. Veine rénale gauche
16. Artère rénale gauche
17. Rein gauche
18. Rein droit
20. Disque intervertébral L1-L2
21. Muscle psoas-iliaque
22. Muscle carré des lombes
25. Muscle érecteur du rachis.
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Figure
2. Coupe axiale au niveau de L4. Une puncture profonde au
niveau du 25V ne peut atteindre l'aorte
(11). Elle n'est en théorie possible qu'à partir de la
branche externe du méridien de la vessie (A), mais aucun point
n'est répertorié à ce niveau. Une anse jéjunale peut être atteinte
à partir du 25V (deuxième observation).
3- Anse terminale de l'iléon
4. Valve iIéocolique
7. Coecum
8- Vaisseaux gonadiques
9. Muscle posas-iliaque
10. Veine cave inférieure
11. Aorte
12. Veine mésentérique inférieure
13. Anses jujénales
14. Colon
15. Crête iliaque
16. Muscle érecteur du rachis
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Paraplégie avec spondylodiscite, abcès
épidural et abcès du psoas après acupuncture
Un homme de 64 ans consulte
en urgence pour des douleurs lombaires sévères avec troubles de la
marche. Trois jours auparavant il avait été traité par acupuncture
pour des lombalgies évoluant depuis 20 ans. D'après le patient, la
séance d'acupuncture avait comporté quatre aiguilles lombaires d'une
longueur supérieure à 10 cm. Une IRM au premier jour ne montre pas
de différence avec une autre IRM réalisée il y a quelques mois (diagnostiquant
alors un canal lombaire étroit). Une infection est suspectée sur les
premiers examens biologiques. Au deuxième jour apparaît un fort état
fébrile et une confusion mentale faisant entreprendre un traitement
antibiotique. Au 3ème jour un choc septique se déclare
entraînant son transfert en réanimation et sa mise sous respiration
artificielle. L'échographie abdominale est normale. Au 5ème
jour les hémocultures mettent en évidence Escherichia coli. Un scanner
et une nouvelle IRM montrent alors des abcès bilatéraux du psoas,
une spondylodiscite et un abcès épidural. Au 9ème jour
l'examen neurologique décèle l'installation d'une paraplégie. Le patient
refuse le drainage chirurgical des abcès et le traitement médical
est maintenu jusqu'à résolution de l'état infectieux. Le patient est
alors transféré dans le service de rééducation fonctionnelle d'où
il sort trois mois après sans récupération de sa paraplégie (classée ASIA C niveau L1 : atteinte neurologique
incomplète, la fonction motrice est conservée en dessous de L1 et
la majorité des muscles clés en dessous de ce niveau ont un score
moteur inférieur à 3 sur 5). Les auteurs rattachent la succession
dramatique des événements à la puncture profonde des points lombaires.
Ils évoquent la possibilité de microperforations du colon par l'acupuncture
expliquant les abcès par Escherichia coli.
Bang MS, Lim SH. Paraplegia caused by spinal infection
after acupuncture. Spinal Cord 2005. Department of Rehabilitation Medicine, College of Medicine, Seoul National
University, Seoul, Korea.
COMMENTAIRE
ET RECOMMANDATIONS
Chez ce patient traité également par des
aiguilles longues pour des lombalgies, les points d'utilisation probable
sont les mêmes points de la branche interne de la vessie (23V-24V-25V)
auxquels on peut ajouter éventuellement les points huatuojiaji. Les auteurs suggèrent de microperforations
du colon comme cause déclenchante. Mais l'analyse des coupes axiales
montre l'impossibilité d'atteindre le colon à partir du 23V (figure
1). Par contre à partir du 25V il est possible de perforer une anse
jéjunale ou colique (figure 2). Mais en l'absence de symptôme évocateur
associé et de lésion intestinale avérée, on peut s'interroger sur
la pertinence de cette cause traumatique. L’évocation de cette cause
semble être en rapport avec le fait de trouver de l’Echerichia coli
issue de la flore intestinale saprophyte. Néanmoins, l’explication
la plus simple serait tout simplement une complication infectieuse
liée à une mauvaise pratique. Ce qui est rapporté par les auteurs
comme une complication traumatique de l'acupuncture n'est probablement
qu'une complication infectieuse liée à une mauvaise pratique. L'insertion
d'une aiguille longue implique une puncture à deux mains, la main
gauche servant de guide à l'aiguille (figure ci-contre). Il est évident
qu'une hygiène inadéquate des mains du praticien est une source potentielle
très sérieuse de contamination bactérienne en profondeur. Et même
si l’Echerichia coli ne fait pas partie de la flore cutanée habituelle,
on peut la considérer comme une bactérie issue de la flore transitoire
[1]. Un autre cas d'abcès du psoas (associé à un pseudoanévrysme de
l'aorte abdominale) a été décrit dans la littérature [2], mais après
mise en place de catgut selon une technique similaire à celle rapportée
par Alfredo Embid [3]. L'utilisation d'aiguilles longues impose l'usage
de gants stériles pour l'implantation.
1. Stéphan JM. Désinfection
cutanée et acupuncture. Acupuncture & moxibustion 2004;3(1-2):47-51.
2. Origuchi N, Komiyama T, Ohyama
K, Wakabayashi T, Shigematsu H. Infectious aneurysm formation after
depot acupuncture. Eur J Vasc Endovasc Surg 2000;20(2):211-3.
3. Embid A. Une nouvelle technique d’implantation de catgut sur les points
d’acupuncture. Acupuncture & Moxibustion 2005;4(4),271-273.
Brûlure après acupuncture associée à un traitement aux infrarouges
Une patiente de 68 ans
est admise dans le service de chirurgie plastique et reconstructive.
Elle présente une brûlure profonde du 3ème degré au niveau
du dos (figure ci-contre). Elle avait eu trois séances d'acupuncture
associées à un traitement par lampe à infrarouges dans un "centre
d'acupuncture traditionnelle". Les deux premières séances avaient
duré 30 minutes et la troisième plus d'une heure (10 jours avant l'hospitalisation).
Après excision une autogreffe est réalisée.
Gul A, O'Sullivan ST. Iatrogenic burns caused by infra red
lamp after traditional acupuncture. Burns 2005;31(8):1061-2. Departement
of Plastic Surgery and Reconstructive Surgery, Cork University Hospital,
Wilton, Cork, Ireland.
COMMENTAIRE ET RECOMMANDATIONS
La brûlure est bien sûr une complication du traitement par lampe infrarouge
et non une complication de l'acupuncture. Mais le titre des auteurs
"brûlure iatrogène causée par lampe infrarouges après acupuncture
traditionnelle" est assez équivoque pour le non-spécialiste,
de même que l'utilisation du terme "traditionnelle" pour
qualifier l'acupuncture. L'association aux infrarouges apparaît très
fréquente en Chine, et on peut retrouver de nombreuses études, notamment
dans le domaine rhumatologique. Dans le dernier Acupuncture &
Moxibustion, Patrick Sautreuil rapporte également cette association
dans son reportage au Tibet (figure [1]). Le Centre d'Acupuncture
Traditionnelle irlandais utilisait donc probablement ce type de techniques.
Les auteurs recommandent de ne pas dépasser 30 minutes d'exposition,
de ne pas approcher la source à moins de 46 cm, et de respecter les
indications des constructeurs.
1. Sautreuil
P, Bellver PM. Éléments de médecine traditionnelle Tibétaine. Acupuncture
& Moxibustion 2005;4(4):258-65.