La pratique quotidienne de l'acupuncture nous amène à côtoyer les innombrables douleurs de nos contemporains. Et parmi celles-ci figurent en bonne place les algies de l'épaule. Notre propos est donc d'établir un traitement parfaitement codifié, utilisant le Jing Jin du Shou Yang Ming (Gros Intestin), permettant dans la grande majorité des cas d'améliorer ces algies de façon notable.

A partir de 17 observations cliniques intéressant les 3 types de périarthrites scapulo-humérales les plus fréquemment observées, ce protocole acupunctural a été évalué.

I) LA PERIARTHRITE SCAPULO-HUMERALE SELON LA NOSOLOGIE OCCIDENTALE

Le terme de périarthrite scapulo-humérale fut introduit par Duplay (19) en 1872, suite à la description d'adhérences fibreuses péri-articulaires de la bourse sous-acromio- deltoïdienne retrouvées à l'autopsie d'une épaule enraidie et douloureuse. Cette description anatomique devient un véritable syndrome dans les années 1960 sous l'impulsion de l'école rhumatologique de De Sèze qui le codifie en quatre différents tableaux cliniques dans son article (12) de 1964 intitulé "épaule pseudo-paralysée, épaule douloureuse, épaule bloquée, le démembrement anatomo-clinique de la périarthrite de l'épaule".

En 1972, la pathologie sous-acromio coracoïdienne est décrite par Neer sous le terme de syndrome du conflit antérieur sous-acromial (impingement syndrome) (24). Il englobe l'ensemble des manifestations douloureuses de la coiffe des rotateurs, dues à un conflit avec la voûte ostéofibreuse acromio-coracoïdienne. Celle-ci correspond à la paroi supérieure du défilé servant de passage aux tendons (sus-épineux, long biceps), la paroi inférieure est représentée par la tête humérale, en dedans la coracoïde, et en dehors l'acromion, eux-mêmes réunis par le ligament acromio-coracoïdien. La partie postérieure de ce défilé est large, malheureusement la partie antérieure est étroite, les tendons étant directement au contact de la tête humérale et du ligament acromio-coracoïdien. De ce fait, cela explique les différentes lésions de cette pathologie qui touche essentiellement le tendon sus-épineux. Trois stades anatomo-cliniques sont décrits (2,8,21).

Il s'agit du stade I : c'est un sujet jeune entre 20 et 30 ans dont les épaules sont soumises à un surmenage sportif ou un adulte réalisant des efforts intenses et épisodiques. Anatomiquement, on retrouve des lésions oedémateuses et micro-hémorragiques réversibles de la bourse sous-acromio- deltoïdienne. Il y a absence d'anomalie radiologique. C'est une tendino-bursite simple.

Le stade II touche des sujet de 30 à 40 ans et correspond généralement à une tendinite de la longue portion du biceps ou du sus-épineux, associée à une fibrose de la bourse séreuse sous-acromio-deltoïdienne. Au moindre surmenage, les douleurs réveillées par l'activité se produisent et limitent les mouvements. Radiologiquement, il y a une ascension de la tête humérale lors de la manoeuvre de Leclercq, en abduction contrariée. C'est la tendinose dégénérative.

Le stade III survient après 40 ans et correspond à une rupture du tendon du sus-épineux ou du long biceps. La douleur permanente ne cède pas au repos et réveille parfois le malade, l'empêche toujours de dormir sur son épaule. L'examen radiographique montre une ascension de la tête humérale vers l'acromion avec rupture du cintre omo-huméral, une sclérose et quelques ostéophytoses sur la surface antéro-inférieure de l'acromion : c'est déjà le début de l'omarthrose.

Les chirurgiens ont même rajouté un stade IV, retrouvé après la soixantaine, d'un grand polymorphisme clinique se traduisant par des épisodes algiques modérés du type de l'épaule douloureuse simple, ou tout à fait asymptomatique. Il s'agit d'une arthrose scapulo-humérale avec ascension de la tête par rupture de la coiffe des rotateurs (22).

Notons toutefois, qu'il n'existe pas de superposition parfaite entre l'aspect clinique décrit par De Sèze et les lésions anatomiques de Neer.

En effet, le démembrement de la périarthrite scapulo-humérale, selon De Sèze, permet de décrire 4 tableaux, 6 pour certains auteurs (2).

1) L'épaule douloureuse simple

C'est une épaule douloureuse très fréquente, surtout après 40 ans. Elle survient souvent après un traumatisme ou une sollicitation anormale de l'épaule, quelquefois sans cause déclenchante. Les algies apparaissent avec les mouvements de l'épaule et rendent l'habillage, le fait de se coiffer difficiles. Elles sont souvent nocturnes. Les mouvements passifs de l'épaule ont une amplitude normale mais peuvent être douloureux en fin de course. Les mouvements actifs, abduction, rotation externe sont douloureux, mais leur amplitude reste normale à 10° près. Il s'agira très souvent d'une lésion de la coiffe des rotateurs composée de la fusion de quatre tendons : le sous-scapulaire en avant, le sus-épineux en haut, le sous-épineux et le petit rond en arrière. Le tendon du long biceps traverse cette coiffe puis chemine à sa face profonde et s'insère au pôle supérieur de la cavité glénoïde. De ce fait, l'examen clinique de l'épaule douloureuse simple permettra de retrouver essentiellement soit:

L'examen radiographique est généralement normal. On peut cependant mettre parfois en évidence une calcification péri-articulaire ou des signes indirects de détérioration de la coiffe des rotateurs : atrophie trochitérienne, ascension de la tête humérale, ostéophytose acromiale externe ou condensation acromiale inférieure.

Le traitement habituel fait appel aux antalgiques et surtout aux anti-inflammatoires non stéroidiens (AINS). L'épaule douloureuse simple guérit souvent en quelques semaines. Pourtant, certains patients ne guérissent pas au bout de trois mois et l'on passe à la forme clinique suivante.

2) L'épaule douloureuse simple prolongée

Elle peut correspondre à plusieurs mécanismes.

a) les calcifications tendineuses

Il s'agit d'une calcification de la coiffe des rotateurs entraînant généralement l'association d'un fond douloureux chronique et de poussées plus aiguës évoquant des épisodes d'épaule hyperalgique.

b) le conflit antéro-supérieur

La douleur est dans ce cas antérieure ou antéro-externe. L'étude des radiographies met en évidence un bec acromial anormalement développé, une ossification du ligament acromio-coracoïdien, ou une ostéophytose acromio-claviculaire importante. Par ailleurs, on retrouve souvent des signes indirects de la rupture de la coiffe des courts rotateurs, en particulier une ascension de la tête humérale.

Le traitement a généralement recours à la chirurgie au bout de six mois, en effectuant un geste de décompression tel l'acromioplastie avec résection du ligament acromio-coracoïdien. D'autre part, on effectue également une réparation de la coiffe des courts rotateurs.

c) rupture de la coiffe des rotateurs

La rupture de la coiffe des rotateurs est souvent associée au conflit antéro-supérieur et se traduit par une diminution de force de l'abduction accompagnée d'une éventuelle amyotrophie des fosses sus et sous-épineuses. Là aussi, la réparation chirurgicale doit être envisagée, lorsque la rééducation est inefficace..

d) le conflit antéro-interne ou sous-coracoïdien.

Il résulte du rétrécissement de l'espace coraco-huméral et se signale par une douleur antérieure. Ce conflit touche essentiellement les sujets jeunes, sportifs.

3) L'épaule douloureuse mixte

Elle réalise un tableau voisin de l'épaule douloureuse simple mais dans lequel les mobilité active et passive sont diminuées. Cette diminution résulte d'une contracture antalgique réflexe. La rotation externe passive y est généralement conservée. L'évolution de cette épaule douloureuse mixte est superposable à celle de l'épaule douloureuse simple.

4) L'épaule douloureuse hyperalgique

C'est une complication des calcifications de la coiffe des courts rotateurs de l'épaule. Il y a une inflammation péri-articulaire aiguë en rapport avec des microcristaux d'apatite constituant des calcifications, mises en contact avec la bourse séreuse sous-deltoïdienne ou les tendons. Cette inflammation est responsable de douleurs extrêmement vives, à début brutal, insomniantes. Le tableau est complété souvent par une impotence complète de l'épaule et de la fièvre. L'affection est parfois récidivante. La radiographie objective une calcification tendineuse ou bursale. Celle-ci peut cependant disparaître au cours de la crise.

5) L'épaule pseudo-paralytique

Il s'agit d'une rupture de la coiffe des rotateurs. L'abduction active est limitée alors que la mobilité passive est normale. L'épaule est peu ou pas douloureuse. La radiographie montre la rupture de la coiffe des rotateurs par une diminution de la distance entre la tête humérale et l'acromion, due à l'ascension de la tête. Cette variété d'épaule s'observe essentiellement après 60 ans, à la suite d'un effort d'abduction voire d'un simple mouvement du bras.

6) L'épaule bloquée

Elle correspond à une capsulite rétractile responsable d'un enraidissement de l'articulation gléno-humérale. Elle vient parfois compliquer l'évolution d'une épaule douloureuse simple, mais s'installe habituellement d'emblée, de manière progressive. Le début est souvent très algique, puis les douleurs au repos disparaissent, mais l'épaule s'enraidit alors que les tentatives de forcer cette raideur deviennent peu ou pas douloureuses. On a donc une épaule bloquée ou gelée, raide et indolore. A noter que l'évolution spontanée de la capsulite rétractile est favorable mais très lente : la guérison s'obtient en six mois à deux ans. L'épaule bloquée peut également entrer dans le cadre d'une algodystrophie de l'épaule, suite à un traumatisme, une prise médicamenteuse (barbituriques), ou un diabète.

En résumé, la périarthrite scapulo-humérale correspond à un conflit mécanique lors des mouvements d'élévation du bras et résulte du frottement entre l'insertion trochitérienne du sus-épineux et l'arche acromio-coraco-claviculaire.

 

La classification française des épaules douloureuses distingue de 4 à 6 grands tableaux anatomo-clinique, précis et cohérents. Elle n'aborde pas la notion d'évolution et ne correspond qu'à des moments précis de la vie de l'épaule.

La classification de Neer offre par contre la description dans le temps du syndrome conflictuel. L'amalgame de ces 2 classifications permet ainsi d'associer au stade I de tendinite simple : l'épaule douloureuse simple, l'épaule douloureuse mixte, l'épaule douloureuse simple prolongée et l'épaule aiguë hyperalgique.

Au stade II de tendinose dégénérative, les tableaux cliniques seront variés avec une plus grande fréquence des épaules douloureuses mixtes, des épaules douloureuses simples prolongées et des épaules pseudo-paralytiques.

Enfin, au stade III, stade de dégénérescence tendineuse chronique, correspondent aussi les épaules douloureuses simples prolongées, les épaules douloureuses mixtes mais également davantage d'épaules pseudo-paralytiques et bloquées.