Diététique chinoise de la femme
enceinte. De la gestation au post-partum GATINEAUD Marie-Emmanuelle, MENARD Jean-François
et CASTERA Philippe (préfaciers) Paris : Springer Verlag France, Collection : Médecines d'Asie : Savoirs et
Pratiques, 2010 216
p. ; 15,5 x 23,5 ; bibliographie, iconographie, Broché ISBN :978-2-287-99474-6: 35€ |
Ce
livre bien illustré est à réserver à tous ceux qui s’intéressent à la
diététique chinoise 药膳 (yaoshan) appliquée
à l’obstétrique.
Après l’explication
des principes de la diététique chinoise objectivant par exemple le rôle
important du Triple Réchauffeur sanjiao et de son
foyer central (Rate pi et Estomac wei), l’auteur va
consacrer d’importants chapitres à la diététique normale de la tonification
pendant la grossesse, puis durant le post-partum, ceci dans le but de prévenir les
pathologies gravidiques ou de post-partum.
Pour
chaque chapitre, Marie-Emmanuelle Gatineaud nous
propose des dizaines de recettes chinoises facilement réalisables à notre
époque de mondialisation, au total plus de cent quatre-vingts recettes.
Ainsi,
dans le chapitre consacré à la diététique thérapeutique des troubles de la
lactation et en particulier concernant l’hypogalactie, l’auteur fait bien la
différence entre hypogalactie de type Plénitude liée à la stase du qi du Foie avec seins durs et
douloureux, et hypogalactie de type Vide avec seins peu gonflés, souples et non
douloureux en rapport avec un vide de qi
et de Sang avec une loge Rate-Estomac faible. Dans chaque cas, elle préconisera
les aliments à éviter et les aliments à privilégier selon une liste d’aliments
classés selon leur saveur (doux, piquant, salé, acide, amère) ou leur nature
(neutre, fraîche, froide, tiède, chaude). Parmi les recettes conseillées, je me
suis attardé à la recette du Porc à la
vapeur aux graines de Lycium et aux hémérocalles
qui a pour effet thérapeutique de : « tonifie le qi et le Sang, stimule la lactation. Convient pour traiter les
insuffisances de lait liées aux Vides et insuffisances du qi et du Sang ». Cette recette fait intervenir outre le porc de
saveur douce et de nature neutre, deux composants essentiels : 10g de
graines de Lycium et 15g de pétales d’hémérocalle
jaune.
Le lyciet commun ou lyciet de
Barbarie (Lycium Barbarum)
est un arbuste de la famille des Solanaceae (comme la
tomate), largement répandu de l'Europe méridionale à l'Asie. Le lyciet commun est une des deux espèces de Lycium qui donne des fruits rouges (figure 1) que l’on peut
trouver en vente dans les magasins de diététique sous le nom de baies de goji (correspond
en réalité à la troisième espèce le Lycium Chinense, mais cette expression peut recouvrir aussi les
fruits du L. Barbarum). En fait, selon le Shennong bencaojing 神农本草經 (l'herbier
de Shennong), premier traité de matière médicale (Ier
AEC) compilé sous la dynastie Han, c’est la variété Lycium
Chinense qui a été étudiée. Ainsi il est indiqué dans
une courte notice que le gouqi
枸杞 est amer, froid, fortifie les
tendons et les os, rend le corps léger et freine le vieillissement. En outre, il
tonifie le Rein et le Cœur, nourrit le Foie, humidifie le Poumon, améliore
la vue, stimule l’essence (jing 精) et
revigore le qi 气 [[1]].
Figure 1. Baie rouge du Lycium Barbarum (photo de Sten Porse).
D’un
point de vue scientifique, une revue objective que l’action des fruits de L. Barbarum et Chinense résulte des protéoglycanes (lycium barbarum polysaccharides) qui ont montré des propriétés antioxydantes et quelques activités intéressantes
pharmacologiques dans l'athérosclérose et le diabète. Quant à l'écorce de la
racine, plusieurs composés ont démontré une action hépatoprotectrice
ainsi que des effets inhibiteurs sur le système rénine/angiotensine pouvant
soutenir l'utilisation traditionnelle dans le traitement de l'hypertension. Il
existe aussi une interaction médicamenteuse avec la warfarine
[[2]].
Les baies de goji permettent aussi d’améliorer la vision
en stabilisant l’apparition de drusen maculaires chez des sujets agées
de 65 à 70 ans par l’intermédiaire des propriétés antioxydatives
élevées liées à la zeaxantine comme cela a été
démontré dans un ECR en double aveugle versus placebo [[3]].
Le jus du fruit de L. Barbarum renforce aussi le
système immunitaire et augmente la sensation de bien-être général, le tout observé
dans un ECR chez des personnes âgées [[4]]
ou chez des souris ayant subi une irradiation ou une chimiothérapie myélosuppressive [[5]].
Par
contre, il est étonnant qu’aucune étude n’ait montré une quelconque efficacité
spécifique sur la lactation.
L’autre
composant est 15 g d’hémérocalle jaune. Il s’agit du nom commun donné aux
plantes du genre Hemerocallis qui appartiennent à la
famille des liliacées (lys), en l’occurrence ici il s’agit de Hemerocallis fulva (figure 2),
nommé également wang fu dans le Shennong bencaojing.
Figure 2. Hemerocallis fulva.
Les
racines, les fleurs et les feuilles d’hémérocalles ont été utilisées comme
aliments et thérapeutiques traditionnels depuis des milliers d'années en Asie
orientale. Les populations des Iles Ryukyu au Japon
utilisent ainsi cette fleur (la racine et les feuilles) dans l’insomnie, la
dépression, les hépatites et l’anémie [[6]].
Sa racine possède une activité antioxydante [[7],[8]]
et inhibitrice du trématode Schistosoma mansoni, responsable de bilharziose [[9]].
En outre, les anthraquinones extraits de l’hémérocalle ont une cytotoxicité forte contre plusieurs lignées cellulaires
cancéreuses humaines [[10],[11]].
Quoiqu’il en soit, et comme pour les graines de Lycium,
il n’existe là aussi aucune étude montrant son efficacité dans l’hypogalactie,
mais un jour peut-être !
De
plus, il sera important de bien respecter la recette, car il s’avère que deux
feuilles d’hémérocalle suffisent à déclencher la mort par insuffisance rénale
aiguë chez le chat [[12]].
Chez l’homme, la fleur peut être aussi
dangereuse du fait d’une toxicité digitaline-like due
au glycoside cardiaque [[13]].
En
conclusion, le livre de Marie-Emmanuelle Gatineaud
avec ses nombreuses recettes est à destiner aux amoureux de la cuisine
chinoise. Cependant, il est important de bien veiller à respecter les doses et à
ne pas abuser des doses prescrites des plantes inconnues. En effet, sous forme
d’extrait, il s’avère que certaines graines ou feuilles possèdent de puissants
effets qui peuvent s’avérer néfastes, surtout chez la femme enceinte et le
nourrisson allaité. Et comme le dit l’auteur : « Il est bon de garder à l’esprit que la diététique thérapeutique…
ne remplace pas les soins médicaux » et bien sûr en cas
d’inefficacité, il sera préférable d’avoir un avis médical.
Dr Jean-Marc Stéphan
* jean-marc.stephan@univ-lille2.fr
Conflit d’intérêts : aucun
Références
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© Stéphan JM. Recension. Diététique chinoise de la femme enceinte. De la gestation au post-partum de Marie-Hélène Gatineaud. Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(3):227-228.
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