Étude préliminaire comparative du traitement de la
douleur par acupuncture lors de l’interruption médicamenteuse de grossesse
versus médication conventionnelle
Résumé : Introduction.
– L’objectif de ce travail est de déterminer si l’acupuncture est supérieure à
un traitement médicamenteux conventionnel antalgique lors de l’interruption
médicamenteuse de grossesse.
Méthode. Il s’agit d’une étude clinique comparative non
randomisée préliminaire se déroulant de mars 2005 à février 2006 dans un
département de gynéco-obstétrique du CHU de Strasbourg portant sur 94 patientes
recrutées. Deux groupes ont été pseudo-randomisés en un groupe A acupuncture
(n=47) bénéficiant de l’acupuncture aux points VB34, F3, C7, Rt8, GI4, Rt6 et un
groupe B traitement antalgique usuel (n=34). Le critère principal de jugement
était l’évaluation de la douleur objectivée par quantification sur l’échelle
visuelle analogique (EVA).
Résultats. On observe 68,1%
d’amélioration des douleurs dans le groupe A acupuncture (IC95% 52-80%) et
64,7% (IC95% 46-79%) dans celui du groupe B. Aucune différence significative
entre les deux groupes A et B n’a été montrée par le test du Chi-deux (χ²
=0,0063 ; p= 0,94). On objective une
diminution des douleurs dans le groupe acupuncture d’une moyenne de -4,85 ±
0,397 (IC à 95% : -4,478 ; -5,272) mais sans différence significative
(p=0,08) entre les deux groupes testés par l’analyse des variances (ANOVA).
Conclusion. L’acupuncture est équivalente par rapport au traitement
antalgique usuel et peut se substituer efficacement à la prise d’antalgiques,
permettant une diminution certaine de la douleur et agir de surcroît sur
l’inconfort et l’anxiété des femmes. Néanmoins cette étude clinique
préliminaire doit être confirmée par un essai contrôlé randomisé en double
aveugle de haute qualité méthodologique.
Mots clés : interruption de grossesse – misoprostol - acupuncture –
antalgie – essai clinique comparatif.
Summary: Background and purpose. - the objective
of this work is to determine whether acupuncture is superior to conventional analgesic drug therapy during the
medicinal interruption of pregnancy.
Methods. This is a
non-randomized comparative clinical study preliminary occurring from March 2005
to February 2006 in a department of gynecology and obstetrics of the University
Hospital of Strasbourg on 94 patients recruited. Two groups were
pseudo-randomized in a group A acupuncture (n=47) benefiting from acupuncture
in points GB34, LIV3, HE7, SP8, LI4, SP6 and a group B usual analgesics (n=34).
The main outcome measure was the evaluation of the pain objectified by
quantification on the visual analog scale (VAS).
Results. There is 68.1 %
improvement in pain in the acupuncture group A (95% CI 52-80 %) and 64.7 % (95%
CI 46-79%) than in group B. No significant difference between the two groups A
and B has been shown by the Chi-square test (χ² = 0.0063, p = 0.94). We assess a decrease of the pains in the acupuncture
group from an average of 4.85 ± 0.397 (95% CI: -4.478 ; 5.272) but not
significantly ( p=0.08 ) between both groups tested by the analysis of
variances (ANOVA).
Conclusion. Acupuncture is equivalent
relative to usual analgesics and can substitute effectively taking painkillers,
allowing a reduction of pain and some act in addition to the discomfort and
anxiety in women. Nevertheless, this preliminary clinical study must be
confirmed by a randomized controlled trial, double-blind high methodological
quality.
Keywords: interruption of
pregnancy - misoprostol - acupuncture - analgesia - comparative clinical trial.
Introduction
L’interruption
de grossesse par voie médicamenteuse peut s’avérer être une source de douleurs, préoccupation de l’équipe
médicale, qui ne peut l’ignorer. Aux douleurs pelviennes qui débutent en général
un quart d'heure après la prise de misoprostol, qui durent environ 45 minutes
et d’intensité correspondant à celle de règles douloureuses, s’associent des
troubles digestifs (nausées, vomissements, parfois diarrhée), assez fréquents,
mais rarement intenses. Nous nous sommes
donc intéressés à la mise en place d’une combinaison de points d’acupuncture
agissant sur les douleurs et pouvant éventuellement se substituer à la prise
d’antalgiques.
Notre objectif est de proposer une méthode efficace,
simple d’emploi, utilisable dans les meilleures conditions de sécurité, de
confort physique et psychologique afin de soulager les algies de ces patientes.
Notre hypothèse de travail est de vérifier si l’acupuncture supérieure ou
équivalente au traitement antalgique usuel.
Matériels et méthodes
Cette
étude a été menée à partir d’un groupe de patientes volontaires de mars 2005 à
février 2006 dans le département de gynéco-obstétrique
du Centre Hospitalier Universitaire de Strasbourg.
Il
s’agit d’une étude clinique comparative non randomisée avec suivi prospectif de
recherche de supériorité portant sur 94 patientes.
Cette
expérience, qui a été menée avec l’aval des patientes, a été conduite de
manière à confronter deux méthodes de soulagement de la douleur. L’ensemble des
observations a été réalisé à partir d’interventions à base d’antalgiques, d’acupuncture,
d’acupuncture complétée par une ou plusieurs prises antalgiques, et ceci dans le
cadre d’apparition de la douleur, et non à titre préventif.
Les
patientes recrutées ont une grossesse inférieure à 12 semaines d’aménorrhée
(SA) et présentent des douleurs abdominales évaluées comme supérieures à 4
sur une échelle visuelle analogique (EVA) quantifiée de 0 (pas de douleur) à 10
cm (douleur maximale).
Les
professionnels mobilisés dans cette étude ont été les infirmières du service.
Les
antalgiques ont été administrés par celles-ci, alors qu’une sage-femme assurait
l’intervention par acupuncture.
Le
nombre de patientes recruté au départ est de quarante sept femmes pour chacun des groupes, c’est-à-dire le
groupe A pour celui de « l’acupuncture », et le groupe B pour l’autre
« des antalgiques » ; pour chaque patiente du groupe A ayant
bénéficié d’une séance d’acupuncture, nous avons systématiquement pris le dossier B suivant.
Il
en résulte un effectif d’analyse de quatre-vingt un cas avec un groupe A acupuncture
(n=47) et groupe B antalgique (n=34) (voir figure 1).
Mise
en place de 4 comprimés de cytotec® (misoprostol), par voie intra -vaginale.
Trois
heures après la prise de misoprostol, en l’absence d’expulsion de la grossesse,
deux comprimés sont redonnés (en per
os).
Protocole par antalgique usuel
Un traitement antalgique est proposé à la patiente
dès que les douleurs sont trop intenses :
- profénid 100 mg® sous forme suppositoire (kétoprofène),
antalgique, anti-inflammatoire, l’ensemble de ces propriétés est lié une
inhibition de la synthèse des prostaglandines.
- diantalvic®
en comprimé (dextropropoxyphène - paracétamol),
- temgésic®
sous forme sub-lingual (buprénorphine), analgésique opioïde
Protocole
par acupuncture
On
utilise des aiguilles de 25 mm de longueur et de 0,22 mm de diamètre. Toutes
les aiguilles sont en acier inoxydable, à usage unique.
À
l’implantation, les aiguilles sont légèrement manipulées par rotation manuelle
de façon qu’elles soient saisies par la peau (recherche du deqi) ; puis les aiguilles sont laissées en place sans autre
manipulation pendant une durée de 20 minutes.
Dès
que la patiente manifeste des douleurs importantes, une séance d’acupuncture
lui est proposée avec possibilité d’avoir recours à une prise d’antalgique, si
la douleur n’est pas améliorée, atténuée ou supprimée à l’issue de la séance.
Évaluation de la douleur
Le
critère principal de jugement est l’évaluation de la douleur sur l'échelle
visuelle analogique (EVA).
L’intensité
de la douleur ou de l’inconfort sont évaluées avant la mise en place des
aiguilles.
Les
patientes sont informées que la prise en charge efficace de leur douleur est
une partie importante de leur traitement et qu’en conséquence, il est essentiel
qu’elles signalent toute douleur qui n’est pas suffisamment soulagée.
Le
degré de soulagement de la douleur est mesuré après la séance en respectant un
temps suffisant pour que le traitement ait eu le temps d’être efficace. On considère
qu’il y a soulagement par l’acupuncture ou par antalgie usuelle pour toute douleur
inférieure ou égale à 4 noté sur l’EVA.
Choix des points
d’acupuncture
La
stagnation de qi et la stase de Sang
bloquent les méridiens et provoquent la douleur.
Le
but du traitement d’acupuncture est de régulariser cette fonction énergétique (activer la circulation sanguine afin
d’éliminer la stagnation et faire circuler le qi pour calmer la douleur et apaiser le shen).
Résultats
On
observe 68,1% d’amélioration des douleurs dans le groupe A acupuncture (IC95%
52-80%) et 64,7% (IC95% 46-79%) dans celui du groupe B antalgique. Aucune différence
significative (p=0,94) entre les deux groupes A et B n’a été montrée par le
test du Chi-deux (χ² =0,0063 ; p= 0,94) à 1 degré de liberté, analyse
réalisée en intention de traiter. Les résultats sous forme de graphique des 47
patientes du groupe acupuncture avant et après séance d’acupuncture sont
récapitulés dans le tableau I.
Tableau I. Les résultats de l’étude.
En
cas d’efficacité, on objective une diminution des douleurs dans le groupe
acupuncture d’une moyenne de - 4,85 ± 0,397 avec un intervalle de confiance à
95% [- 4,478 ; - 5,272 ] (voir tableau II). Dans le groupe antalgique, on
a une baisse moyenne de - 4,45 ± 0,638 avec un intervalle de confiance à 95% [-
3,81 ; - 5,09]. L’analyse des variances par le test F (ANOVA) ne montre
pas de différence significative entre les deux groupes (F=1,71 à 31/21 degrés
de liberté, p=0,08), ce qui signifie une équivalence dans la diminution de la
douleur dans les deux groupes.
Tableau I. Quantification de la douleur de chaque patiente du
groupe acupuncture (n=47) selon l’EVA. La série 1 correspond à la
quantification avant acupuncture et la série 2 après séance d’acupuncture avec
une diminution moyenne de la douleur de -4,85 ± 0,397 avec IC à 95% sur les 32
patientes soulagées.
>
Discussion
L’exclusion de la personne dans le groupe B, dont l’EVA était quantifié à 7, résulte de son
refus a posteriori de son inclusion de prendre tout antalgique.
Nous
avons distingué sous la rubrique « efficacité
du traitement », les patientes soulagées, soit par le traitement
acupuncture, soit par celui antalgique.
Trente-deux
femmes du groupe acupuncture ont été soulagées par la seule séance
d’acupuncture ; vingt-deux femmes du
groupe antalgique, par la seule prise d’antalgiques.
Sous
la rubrique « échec de traitement », on retrouve les femmes qui n’ont pas
été améliorées par l’un ou l’autre traitement : deux femmes du groupe
acupuncture chez qui nous avons dû interrompre la séance. Ces patientes étant
extrêmement agitées, nous avons retiré les aiguilles avant la fin de la séance,
à leur demande. Treize autres femmes pour lesquelles la douleur n’a pu être
correctement soulagée par la seule séance d’acupuncture ont bénéficié d’un ou
plusieurs antalgiques après la séance d’acupuncture, c’est à dire dans l’heure
suivant le retrait des aiguilles. Parmi celles-ci, une femme note une faible
amélioration mais demande néanmoins un autre antalgique. Sept femmes ont réclamé
un antalgique dans les 30 mm suivant la séance d’acupuncture et ne notent
aucune amélioration de leur douleur. Quatre femmes ont été soulagées momentanément,
puis ont eu recours aux antalgiques, une heure après la séance d’acupuncture.
Deux femmes ont eu une séance interrompue, ce qui constitue donc un échec de
traitement. Soit au total quinze échecs dans le groupe acupuncture.
Dans
le groupe antalgique, onze femmes n’ont pu être améliorées par la prise des
antalgiques et ont ressenti des douleurs jusqu'à l’expulsion.
Le
protocole des points sélectionnés a été respecté dans la plupart des cas. Chez
trois patientes, un autre point a été associé au protocole, le MC6 en cas de
vomissements et nausées importants.
Les
douleurs observées sont des douleurs bien localisées, intenses, en « coup de
poignard ». Ce sont généralement des douleurs provoquées par les stases de Sang. Dans notre observation, la douleur siège
dans le bas-ventre ou la région sacrée, et s’étend parfois aux membres
inférieurs. Elle peut être également accompagnée d’une certaine agitation
mentale.
Les
résultats de cette étude nous ont permis d’apprécier l’efficacité d’un
protocole « standard », applicable à chaque patiente.
Cela
ne s’intègre pas entièrement à la pensée chinoise qui préconise un traitement
spécifique du malade en fonction des renseignements issus de l’interrogatoire,
de l’examen clinique, de la typologie.
Cependant
l’intérêt d’un protocole « standard » offre la possibilité de
démontrer son efficacité en milieu hospitalier.
D’un
point de vue statistique, le test du Chi-deux nous a permis de tester l’hypothèse
nulle qui sous-entend l’absence de différence entre les groupes traités.
Rejeter l’hypothèse nulle signifie qu’il existe une différence significative
entre les deux types de traitement. On ne peut donc conclure que le traitement acupunctural
est supérieur au traitement antalgique usuel, mais est plutôt équivalent.
Intérêt de l’acupuncture
Cette
alternative de soins offre une équivalence d’efficacité dans le traitement de
la douleur. Cependant, il faut mettre en exergue les points suivants :
D’une manière générale, les
femmes enceintes sont sujettes à des nausées et vomissements au début de leur
grossesse. De surcroît, nous avons constaté que les antalgiques utilisés
entraînaient certains effets indésirables
(effets gastro-intestinaux à type de nausées et vomissements), alors que
l’acupuncture n’a aucun secondaire et que, de plus le MC6, est un point reconnu
comme antiémétique [[1]].
Au
sein des « quinze échecs » du groupe acupuncture, quatre femmes n’ont été
aidées que provisoirement par la méthode de l’acupuncture, et ont nécessité,
après un délai d’une heure la prise d’un antalgique.
Dans
le groupe des antalgiques, les femmes n’ont été soulagées en moyenne qu’au bout
d’une heure.
Or
nous savons que pour le :
temgésic®,
la concentration plasmatique maximale est obtenue en deux à trois heures ;
profénid®,
l’absorption est plus rapide, les concentrations plasmatiques présentent un
plateau de la 45 à la 90ème minute ;
diantalvic®,
les concentrations plasmatiques maximales sont atteintes 30 à 60mm après
ingestion.
Considérations
de Médecine Traditionnelle Chinoise
Des
études ont montré que la « douleur de l’utérus » est liée à une hypercontractilité de celui-ci. La mifégyne®
(mifépristone) que l’on utilise dans l’interruption de grossesse, a un effet
antiprogestérone et agit sur l’utérus gravide en augmentant la contractilité du
muscle utérin.
Au
cours de ces contractions, le flux sanguin est réduit dans l’endomètre, et il y
a une corrélation entre la réduction du flux sanguin et les douleurs de type
colique, l’ischémie due à l’hypercontractilité est responsable de la douleur.
Cette
notion s’accorde bien à l’idée chinoise que la stagnation du qi et du sang intervient dans la
douleur.
Mais
il est à souligner ici que cette dimension de la douleur psychique n’a pas été
réellement prise en compte dans le travail conduit avec le groupe des
antalgiques.
La littérature
Notre
essai clinique concernant l’analgésie acupuncturale dans les interruptions de
grossesse n’est pas le premier. On peut retrouver deux essais cliniques chinois
positifs qui objectivent l’intérêt de l’acupuncture. Le premier paru en 1974 est
une petite série de cas (n=14) qui montre que dans l’interruption de grossesse thérapeutique
par aspiration, l’analgésie acupuncturale était satisfaisante dans 7 cas ; 4 cas
avaient une analgésie partielle et 3 cas étaient des échecs [[2]].
L’autre
étude porte sur une population plus importante lors de l'interruption de
grossesse. Deux groupes : un sous acupuncture (n=408) et l'autre témoin (n=324).
Les points choisis sont à la fois des points d’auriculothérapie (shenmen et utérus stimulés électriquement)
et injection de 3 ml d'eau distillée au Rt6 et 1 ml au GI4, le tout associé à
une aiguille insérée au anmian (point
réputé pour calmer le shen).
L'intervention commence 15 mn plus tard. Les résultats montrent que 94,61% des
femmes n’ont plus de douleurs, qu’elles sont supportables chez 4,41% des femmes
et insupportable dans 0,85% du groupe acupuncture. Dans le groupe témoin, on a respectivement
4,63% sans douleur, 93,2% de douleur supportable et 2,16% de douleur insupportable
[[3]].
Bien
sûr ces deux essais sont de qualité méthodologique nettement insuffisante, ne
satisfaisant à aucun des critères scientifiques des essais cliniques
randomisés, mais permettent de constater qu’il est possible de soulager les
femmes par l’acupuncture.
Rappelons
que l’analgésie acupuncturale peut être utilisée dans les accouchements [[4]].
Ainsi un état des lieux des essais contrôlés randomisés de l’acupuncture
obstétricale analgésique durant l’accouchement permet d’objectiver que
l’acupuncture peut raisonnablement être indiquée avec un grade B de présomption
scientifique selon le niveau des recommandations de la Haute Autorité de Santé
Française, bien que des ECR de haute qualité méthodologique soient encore
nécessaires pour avoir un haut niveau de preuves.
Protocole méthodologique d’acupuncture
Les
limitations de notre étude clinique sont bien sûr très nombreuses : population
insuffisante, essai clinique non en double aveugle, répartition non randomisée etc..
et l’essai ne répond donc pas évidemment aux recommandations CONSORT [[5]].
Mais elle a pour intérêt d’être préliminaire à un éventuel essai contrôlé
randomisé contre placebo. Nous avons essayé de limiter les sorties d’essai et
avons respecté les principes d’une analyse en intention de traiter avec prise
en compte de tous les patients non pas recrutés mais pseudo-randomisés. La
comparabilité des groupes à l’inclusion devra bien sûr être vérifiée, permettant
de constituer des groupes totalement comparables (en terme d’âge, de pathologie
associée, de terme etc..). On séparera bien le processus de recrutement de
celui de la randomisation afin d’éviter le biais de sélection comme dans cet
essai où la mise en groupe a été réalisée après avoir exclus treize personnes
pour EVA inférieure à 4, entraînant des groupes déséquilibrés. Pour éviter ce
biais, il eût fallu randomiser immédiatement après recrutement et juste avant
l’initiation du traitement.
En
effet, il s’agira tout d’abord que cet ECR soit bien aléatoire (utiliser par exemple des tables de permutation de
nombre au hasard), en double aveugle (insu-patient prouvé par exemple par un
questionnaire mettant en évidence l’impossibilité de savoir dans quel groupe le
patient se trouve ; insu-thérapeute en utilisant une intervention simulée
et insu-évaluateur) et que les sorties ou perdus de vue soient bien décrits.
Comme
il s’agit d’une intervention non pharmacologique, intervention la plus
difficile qui soit à évaluer, la comparaison de deux ou mieux trois groupes est
l’idéal à réaliser dans les essais d’acupuncture. Le contrôle en double insu
doit imiter parfaitement le traitement réel, mais sans que l'insertion des
aiguilles dans la peau du patient ne se fasse, ni que l'acupuncteur sache s’il
opère un traitement réel ou pas.
On
peut donc exécuter différentes possibilités d’acupuncture factice ou simulée
(sham). Il est possible ainsi d’insérer les aiguilles à des endroits non
traditionnels (les non-points d’acupuncture) tout en imitant l'acupuncture
traditionnelle, le sujet ignore alors si les aiguilles sont insérées selon la
pratique traditionnelle. On peut aussi lui cacher les points d'insertion, à
l'aide d'un écran [[6]]
(voir figure 2).
Figure 2. Le sujet ne peut voir l’insertion des aiguilles qui
sont masquées par la table (schéma issu de Martin et al [5]).
Les
aiguilles rétractables de Streitberger peuvent être aussi être un moyen semble-t-il
efficace [[7]].
Il s’agit d’une méthode qui empêche les aiguilles d'être véritablement insérées
sous la peau. Cette méthode permet au patient de voir comment se déroule la séance.
Il est bien sûr important que, quel que soit le groupe d’appartenance, le
patient doit penser qu'il reçoit le véritable traitement. D’où l’intérêt de
bien réaliser un questionnaire pour montrer qu’il n’y a aucune différence entre
les deux groupes et l’utilité que le patient soit naïf en ce qui concerne
l’acupuncture. La crédibilité du traitement pourra aussi passer par une
évaluation de l’équivalence de l’effet placebo entre les deux bras de l’étude
par un questionnaire de Vincent [[8],[9]].
De même, l’acupuncteur ne doit en aucun cas donner d’indication au patient et
doit avoir la même attitude aussi bien chez la personne dans le groupe
acupuncture que dans celui feint, mais il ne doit pas nécessairement être en
praticien-aveugle pour le traitement [[10]].
L’étude
en elle-même, concernant l’analgésie devrait présenter idéalement trois bras :
un bras acupuncture (A), un bras contrôle ou témoin (C) et un bras acupuncture
feinte (F). Le but est double : différencier l’effet spécifique de l’effet
non-spécifique (c’est le fait de comparer le bras acupuncture à celui de l’acupuncture
factice), et démontrer l’efficacité de l’acupuncture (comparaison entre bras
acupuncture versus bras témoin sans traitement) et éventuellement de définir sa
place dans la stratégie thérapeutique (bras acupuncture versus bras contrôle
avec traitement). Ernst et coll. suggéraient ainsi d'adopter un modèle de type A
versus C ou mieux de réaliser des ECR incluant trois groupes, dont un bras
placebo afin d’éviter les résultats faussement positifs en raison d'effets non
spécifiques tels que l'effet placebo, les autres soins donnés aux patients, les
rapports thérapeute-patient ou le désir souhaité du patient [[11]].
Enfin il peut être intéressant d’appliquer les recommandations de la standardisation
STRICTA pour les ECR d’acupuncture qui permettent ainsi d’éviter de grossières
erreurs de procédure [[12]].
En
conclusion, sur la base de cette étude préliminaire et compte-tenu tous les
biais détectés, un essai contrôlé randomisé de supériorité contre placebo et
contre traitement de référence à trois bras est envisageable.
En
faisant l'hypothèse d'une fréquence de 73% des algies rencontrées chez les
femmes lors d’une interruption volontaire de grossesse sans traitement, pour
mettre en évidence une réduction relative de leur fréquence à la fois sous acupuncture
ou sous traitement usuel de 40%, il est nécessaire d'inclure 165 patients (pour
une puissance de 90% et un risque alpha de 5%), soit 55 patientes par groupe
dans un essai de supériorité à critère binaire.
Dernier
point peut-être non négligeable, c’est qu’en terme économique, le traitement
acupunctural (en moyenne 0,02€ l’aiguille) coûte moins cher au centre
hospitalier que le traitement médicamenteux (exemple : temgésic®
: 1,54 à 3,08€ ; profénid® suppos : 0,29 à 0,88€ ;
diantalvic® : 0,47 à 0,71€,
le tout en coût de traitement journalier).
L’acupuncture
constitue une méthode efficace pouvant être intégrée avec succès à la prise en
charge de la douleur lors des interruptions médicales de grossesse. Elle peut
se substituer, surtout en cas d’intolérance ou d’allergie, à la prise
d’antalgiques, permettant une diminution certaine de la douleur, et agit en
plus sur l’inconfort et l’anxiété des femmes. Néanmoins cette étude clinique
préliminaire doit être confirmée par un essai contrôlé randomisé en double
aveugle de haute qualité méthodologique qui pourra même éventuellement montrer
une supériorité autant sur la douleur que sur les effets secondaires liés à la
prise soit du mifépristone ou des antalgiques.
Evelyne Rigaut
Sage-femme everigaut@free.fr CHU de Strasbourg / Hautepierre
Département de Gynécologie- Obstétrique service du Professeur Nisand |
Dr Jean-Marc Stéphan
jm.stephan@acupuncture-medicale.org
Co-coordinateur du DIU d’acupuncture obstétricale à la
faculté de médecine de Lille
|
Annexe 1 : Explication du choix des points.
VB34 « yanglingquan - Source de la
colline yang »
C’est
le point ou s’amasse, s’unit le qi
des tendons de l’ensemble du corps.
Il
a ainsi une action fondamentale à la fois pour détendre, déployer, et favoriser
une meilleure circulation dans les tendons
F3 « taichong - Grand
Carrefour »
Il
a la propriété de disperser le qi du
Foie, d’apaiser le Foie, et par conséquent de calmer la douleur.
Nous
savons que l’organe Foie a pour mission de favoriser une circulation fluide du qi mais aussi des émotions. Ce
point a une excellente action chez les
gens tendus intérieurement ou qui ont tendance à intérioriser leurs émotions,
ou qui doivent faire face à une frustration profonde et une colère refoulée.
C7
« shenmen -
Porte de l’Esprit »
C’est
le point le plus efficace pour calmer l’esprit en cas d’anxiété prononcée et de
soucis dus à des situations particulièrement stressantes.
Comme
tous les points xi, ce point lève les
obstructions et calme la douleur.
C’est
l’un des meilleurs points pour les dysménorrhées de tout type et probablement
le meilleur pour celles qui sont provoquées par une stase de Sang. Il active le
Sang et disperse les stases de Sang dans le Foyer Inférieur (il régularise le Sang
de l’utérus).
GI4 « hegu - Vallée de la jonction »
Utilisé
dans les troubles gynécologiques dus à une stagnation de qi et une stase de Sang, il est combiné au point Rt6.
Ce
point a un puissant effet calmant et antispasmodique, de sorte qu’on l’utilise
dans de nombreuses pathologies
douloureuses, surtout si la douleur vient des intestins ou de l’utérus.
Enfin,
GI4 est un point empirique qui facilite le travail pendant l’accouchement.
Rt6
« sanyinjiao –
Intersection des 3 yins »
Il
assure la libre circulation du qi du
Foie lorsque celui-ci stagne, surtout dans le Réchauffeur Inférieur. Point
incontournable pour les maladies qui impliquent un désordre du sang.
On
peut donc l’employer pour éliminer les stases de Sang, surtout si elles sont
liées à l’utérus.
Ce
point a un effet puissant pour « aplanir » les obstructions et calmer
la douleur. Dans le domaine émotionnel, il aide à assurer la libre circulation
du qi du Foie, à calmer l’esprit, et
à modérer l’irritabilité.
Références
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© Rigaut E, Stéphan JM. Étude préliminaire comparative du traitement de la douleur par acupuncture lors de l’interruption médicamenteuse de grossesse versus médication conventionnelle. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(3):196-203.
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