Problématique de la place de l’acupuncture dans la FIV
Résumé : Suite à la première publication allemande de Paulus
sur l’influence de l’acupuncture dans la fécondation in vitro (FIV) parue en
2002 et objectivant une grossesse obtenue dans 42,5% du groupe acupuncture
versus 26,3% dans le groupe contrôle, de très nombreux essais contrôlés
randomisés ont étudié la possibilité d’augmenter le pourcentage d’implantation
embryonnaire et celui des naissances viables lorsque les séances encadrent de
25 mn le transfert embryonnaire. Les résultats sont souvent contradictoires. Huit
méta-analyses et revues sont parues depuis la première de Manheimer
(n= 1366 patientes) qui montrait que le recours à l’acupuncture augmentait les
chances de tomber enceinte de manière statistiquement significative. Leurs
analyses sont aussi contradictoires. Cette synthèse permet d’évaluer la
problématique de la place de l’acupuncture dans la FIV et d’établir pour toutes
les femmes infertiles des protocoles à appliquer selon les zheng, mais aussi selon la
technique de puncture et le temps optimum pour la
séance d’acupuncture. Mots-clés : FIV – pregnancy – in vitro fertilization -acupuncture – synthèse – zheng –indications.
Summary: Following the first German publication of Paulus on the influence of acupuncture in in vitro fertilization (IVF) published in 2002 and
objectified a pregnancy achieved in 42.5% of the acupuncture group versus 26.3%
in the control group, numerous randomized controlled trials have studied the
possibility of increasing the embryo implantation rate and live birth rate when
framing sessions of 25 minutes embryo transfer. The results are often
contradictory. Eight meta-analyses and reviews have appeared since the first of
Manheimer (n = 1366 patients) that showed that the
use of needles increased the chances of getting pregnant statistically
significant. Their findings are also contradictory. This synthesis assesses the
issue of place of acupuncture in IVF and establishes protocols for all
infertile women to apply as zheng, but also according to the technique and the optimum
time for acupuncture. Keywords: IVF
- pregnancy - in vitro fertilization-acupuncture - synthesis - zheng-indications.
En 2002, Paulus et coll. publièrent le premier essai contrôlé randomisé
(ECR) sur l’impact de l’acupuncture lors d’une FIV ou FIC-ICSI [[1]]. Le protocole de traitement encadre
la phase de transfert des embryons de deux séances d’acupuncture 25 mn avant et
25 mn après le transfert. Le taux de grossesse clinique est amélioré de manière
significative, avec une augmentation relative du bénéfice de 61,6% [[2]]. Avant le transfert, les points
utilisés sont : 6MC, 8Rte, 3F, 20VG, 29E et les points auriculaires shenmen, utérus,
endocrine, subcortex (deux à droite et deux à
gauche). Après transfert les points sont : 36E,
6Rte, 10Rte, 4GI avec les mêmes points auriculaires mais inversés. Dans les
différents ECR, les critères de jugement sont le pourcentage de grossesses
cliniques que l’on note par l’observation du sac gestationnel ou les battements
cardiaques à l’échographie après six ou sept semaines de gestation, ou le
pourcentage de naissances viables.
Essais contrôlés randomisés, revues systématiques et méta-analyses à la
recherche de l’efficacité de l’acupuncture dans la FIV
Les ECR
De nombreux ECR se sont inspirés de ce protocole de Paulus avec puncture ou non des points auriculaires [[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10],[11],[12],[13],[14],[15],] ainsi que quelques essais
cliniques ouverts [[16],[17]].
D’autres auteurs ont utilisé des protocoles différents. Ainsi, Dieterle et coll. [[18]] ont préconisé une séance
immédiatement après le transfert (4VC, 6VC, 29E, 6MC, 8 et 10Rte) et la seconde
séance trois jours après (4GI, 6Rte, 36E, 3R et 3F). Wang et coll. puncturaient à distance du transfert (deux fois par semaine
durant la phase folliculaire (6MC, 8 et 9VB, 29 et 36E, 8 et 10Rte, 3F, zizong, 4 et 6VC)
puis durant la phase lutéale (36E, 9 et 10Rte, 3F, 15V, 20 et 23V) pendant le
protocole de traitement de la FIV [[19]]. Chen et coll. ont préféré utiliser
un traitement selon les tableaux zheng [[20],[21]] etc.
Quoi qu’il en soit, les résultats sont très hétérogènes : il est
possible de trouver soit un bénéfice statistiquement significatif de
l’acupuncture par rapport au groupe contrôle [1,8,10,11,18, 20,21], soit aucune différence significative [3,6,7,9,12,13,19], voire même une efficacité du placebo par rapport au
groupe contrôle [3,15].
Les méta-analyses
Huit méta-analyses se sont succédés depuis 2008 pour essayer de faire la
part des choses [[22],[23],[24],[25],[26],[27],[28],[29]]. La première de Manheimer
[22] (n=1366 patientes) conclut que l’acupuncture
administrée pendant la période de transfert élève le taux de grossesse et de
naissance avec respectivement un odds ratio (OR) de
1,65 (intervalle de confiance à 95 % de 1,27 à 2,14 ; nombre de sujets à
traiter (NNT) : 10 ; de 7 à 17) et à 1,91 (IC 95% : 1,39 à 2,64 ; NNT 9 ;
de 6 à 17) par rapport au groupe contrôle. Cependant, Nguyen [2] dans l’étude de cette méta-analyse notait
des incohérences comme le fait de ne pas avoir analysé les ECR chinois [10,11] ou d’avoir exclus cinq ECR [[30],[31],[32],[33],[34]] ayant comme critère de jugement
principal l’analgésie [[35]].
Et il s’étonnait des discordances d’autres méta-analyses.
En effet la méta-analyse de Cheong [25] (méta-analyse Cochrane) de 2008, puis mise
à jour en décembre 2011, analysant treize ECR confirme que lorsque
l’acupuncture est exécutée le jour du transfert d'embryons, il y a des preuves
du bénéfice de l’acupuncture sur le taux de naissance d’un enfant vivant (OR :
1,86 ; IC à 95% 1,29 à 2,77) mais pas d’efficacité lorsqu’elle est exécutée
deux à trois jours après le transfert (OR : 1,79 ; IC 95% : 0,93 à 3,44).
Pas de preuve non plus du bénéfice de l’acupuncture sur la grossesse quand
l'acupuncture est réalisée autour du temps du recueil de l’ovocyte. Les auteurs
objectivent que même si un effet bénéfique de l’acupuncture est observé sur le
taux de naissance d’enfants vivants, il est possible que l’effet placebo en
soit la cause, du fait d’une population insuffisante incluse dans les essais [25]. La méta-analyse de Ng et
coll. confirme aussi les bénéfices de l’acupuncture avec un taux de grossesse
significativement augmenté lorsqu’elle est pratiquée le jour du transfert des
embryons (OR 1,83 ; IC 95% 1,40–2,9) [23].
Par contre, les quatre dernières méta-analyses parues entre fin 2008 et
2010 [24,26,27,28] concluent toutes que l’augmentation du pourcentage de
grossesse ainsi que celui des naissances viables par acupuncture manque de
preuves statistiquement significatives.
Une huitième méta-analyse (n=5807) vient de paraître en janvier 2012 [29] qui inclut vingt-quatre ECR, soit dix de
plus en moyenne que les précédentes méta-analyses. En fait par rapport à la
méta-analyse de Manheimer, les auteurs vont
réintroduire les cinq ECR que Nguyen avait relevés ayant comme critère
principal l’analgésie [2]. En outre, on trouvera d’autres ECR d’électroacupuncture (EA) non analysés [63,64], des ECR chinois [20,[36]],
un ECR à cinq bras utilisant le laser [[37]]
sur les points d’acupuncture selon le protocole de Paulus, un autre sur le
transfert des embryons congelés [[38]]
et enfin un résumé issu des actes d’un congrès européen [[39]].
L’équipe de Zheng a montré que, globalement, les femmes qui ont bénéficié d’acupuncture
ont eu un pourcentage de grossesse légèrement plus élevé que les femmes qui
n'ont pas eu de thérapie (OR=1,22 ; IC 95% 1,01-1,47 ; p=0,04), mais
pas un taux de natalité plus élevé. Hélas comme on pouvait s’y attendre, le
gros problème de cette méta-analyse est l’hétérogénéité très importante
(I²=58% ; p=0,0002). Les auteurs combinent des études trop différentes
d’un point de vue méthodologique : acupuncture manuelle, EA, laser
acupuncture etc., groupes témoins contrôles différents, calendriers des séances
d'acupuncture différents. Ainsi en excluant cinq études utilisant dans le
groupe témoin les aiguilles Streitberger, les
résultats concernant le pourcentage de grossesse clinique étaient meilleurs
(OR= 1,34 ; IC 95% =1,08-1,67 ; p=0,007) bien que toujours hétérogènes
(I²=52% p=0,005). De manière similaire, le pourcentage de naissance viable
était plus élevé versus groupe témoin sans aiguilles Streitberger
(OR= 1,63 ; IC 95% = 1,16-2,30 ; p=0,005), mais hélas ne concernait
que trois ECR [14,30,64]. De ce fait, on peut émettre des
réserves sur cette étude qui paraît juste montrer que les aiguilles placebo ne
sont pas si inertes que cela.
Ainsi, il apparait important d’essayer d’apporter plusieurs explications à ces
résultats discordants.
Problématique des discordances de résultats dans les méta-analyses et ECR
Problème du groupe
témoin et de l’acupuncture factice
La source d’hétérogénéité retrouvée dans les méta-analyses peut être en
rapport avec les différents groupes témoins (contrôle). En effet, les groupes
acupuncture sont comparés soit à des groupes témoins sans acupuncture, soit à
des groupes témoins avec acupuncture sur des non-points, soit acupuncture
factice avec aiguilles placebo (de type aiguille Streitberger
[[40]])
sur les vrais points ou sur des non-points. Il est donc aisé de comprendre la
large hétérogénéité des résultats (figure 1).
Figure 1. Les sources
d’hétérogénéité en fonction des groupes témoins.
Il est fort possible que les interventions avec acupuncture factice aient
des effets plus grands que les placebos aussi bien pharmacologiques que
physiques [[41]].
Ainsi l’acupuncture feinte sur des non-points, surtout appliquée sur le même dermatome, n’est pas inerte et ne peut être considérée
comme placebo car faisant intervenir le système limbique [[42]].
Par ailleurs, les travaux de Linde et coll. montrent que la différenciation
entre effet spécifique de l’acupuncture et effet non-spécifique (placebo)
nécessite le recrutement de huit cents sujets par ECR en double bras pour une
puissance de 80% et ceci afin d’obtenir une différence moyenne standardisée
(SMD) de 0,2 pour un effet spécifique [[43]].
Cela suggère de ce fait que tous les ECR qui actuellement comparent
l’acupuncture véritable à l’acupuncture factice sont tous de petite puissance.
Cela peut expliquer aussi pourquoi certains ECR peuvent montrer une acupuncture
factice aussi efficace que l’acupuncture véritable voire plus efficace.
D’autre part, l’acupuncture réalisée avec des aiguilles factices qui paraissent
pénétrer la peau mais qui en réalité coulissent dans le manche, entraîne
également une sensation de piqûre ou de pénétration pouvant simuler, chez un
sujet naïf en acupuncture, la sensation de réaliser une véritable séance. Malheureusement,
ces dispositifs semblent aussi être actifs comme l’attestent certains ECR
réalisés en acupression (qui déclenche une réaction
similaire) pour réduire les douleurs du travail [[44]]
ou les lombalgies [[45]],
ou comme semblent le penser certains auteurs [3].
Un autre point à souligner est le caractère subjectif ou objectif du
critère principal de jugement.
Ainsi, dans les études cliniques concernant l’efficacité de l’acupuncture
dans les algies, critère de jugement subjectif, il est judicieux de réaliser idéalement
des ECR à trois bras : un bras acupuncture,
un bras contrôle ou témoin et un bras acupuncture factice. Le but est
double : différencier l’effet spécifique de l’effet non-spécifique (c’est le
fait de comparer le bras acupuncture à celui de l’acupuncture factice),
démontrer l’efficacité de l’acupuncture (comparaison entre bras acupuncture
versus bras témoin sans traitement) et éventuellement de définir sa place dans
la stratégie thérapeutique (bras acupuncture versus bras contrôle avec
traitement).
Par contre dans les ECR concernant la FIV, les effets liés aux effets
placebo semblent moins importants à prendre en compte parce que le critère de
jugement principal est totalement objectif : la grossesse. Il n’y a donc pas
lieu de tenir compte d’un groupe témoin avec acupuncture factice comme pour les
ECR d’acupuncture à visée antalgique, où le caractère placebo peut entraîner le
patient, en attente d’un bénéfice, à minorer sa douleur. Manheimer
considère d’ailleurs que dans les ECR concernant la FIV où le critère de
jugement est la grossesse, critère non subjectif, le fait de prévenir les
patientes qu’elles peuvent se retrouver dans un groupe placebo peut être source
de biais [47]. En effet, on sait que la relation existant
entre stress, anxiété et FIV est susceptible d’être modulée par l’acupuncture [4]. De ce fait un biais de confusion peut
être trouvé car les femmes participant à un ECR sur la FIV pourraient bénéficier
de manière subjective d’une réduction de leur niveau de stress psychologique,
même si elles se trouvent dans un groupe d’acupuncture factice. Aussi, selon
Stener-Victorin et Mainheimer [[46],[47]], il est judicieux de se poser la
question de l’utilisation du groupe témoin avec acupuncture factice.
Le lieu de l’intervention
En étudiant l’hétérogénéité de certaines méta-analyses comme celles de El-Toukhy (I²=68,2%, p=0,003) [24] ou de Cheong (I²=71%,
p=0,01) [25] qui ne montrent aucune différence significative dans
le taux de grossesse clinique avec respectivement un RR=1,23 (IC 95%=0,96-1,58 ;
p=0,1) et un OR=1,38 (IC=0,78-2,44 ; p=0,27) entre les groupes témoin et
acupuncture, on constate que cette hétérogénéité semble due à l’étude de Craig
et coll. qui est le seul ECR objectivant un taux de grossesse clinique
nettement en faveur du groupe contrôle [15].
On s’aperçoit ainsi que même si cette étude a utilisé le protocole de
Paulus, elle est néanmoins la seule dont les séances d’acupuncture n’ont pas
été faites in situ dans le centre de PMA comme tous les autres ECR, mais en
dehors du site avant et après le transfert, ce qui peut engendrer un stress
lui-même responsable d’échecs de FIV.
Le choix des points
Se pose aussi la question des points interdits durant la grossesse qui
pourraient entraîner l’échec de la FIV. On constate que le protocole de Paulus
utilise 25mn après le transfert les points 4GI et 6Rte. Or selon différents
auteurs [[48],[49],[50],[51]]
la puncture de ces points est à éviter durant la
grossesse car ayant une action ocytocique sur un utérus gravide. Donc ils
favoriseraient la motilité utérine et induiraient le travail chez la femme
enceinte [[52],[53]].
Néanmoins une étude expérimentale récente de 2011 réalisée chez des rates
gravides a démontré que l’utilisation conjointe de ces deux points ne
favorisait ni avortements, ni augmentation de morts in utéro durant la
grossesse [[54]].
D’ailleurs d’autres travaux optaient pour une action tocolytique
ou régulatrice de la motilité utérine [[55],[56],[57]].
Le débat semble n’être pas clos [[58],[59]].
Néanmoins dans le cadre de la FIV et dans le doute d’une éventuelle
augmentation de la motilité utérine qui serait préjudiciable, ces points sont
peut être mal choisis.
Le nombre d’embryons transférés
Toujours dans cette étude de Craig, mais aussi dans celles de So [3] et de Moy [12] qui objectivent l’inefficacité de l’acupuncture,
voire l’efficacité du placebo, on peut remarquer que le pourcentage de
grossesse clinique est très important dans le groupe témoin par rapport au
groupe acupuncture. Par exemple, on retrouve respectivement pour ces trois ECR un
pourcentage de grossesse clinique de 69,6% dans le groupe témoin versus 43,8%
dans le groupe acupuncture [15], 55,1% versus 43,8% [3], 52,7%
versus 45,3% [12]. Ceci est à opposer aux pourcentages des autres ECR
positifs où la moyenne des grossesses cliniques ne dépasse pas les 30% dans les
groupes témoins. Stener-Victorin et Manheimer mettent
en exergue le fait que ces pourcentages aussi élevés dans le groupe témoin sont
déjà la limite maximale que l’on peut obtenir avec le traitement classique de
la FIV et que l’acupuncture, ni d’ailleurs aucune autre intervention ne pourrait
les augmenter davantage [46]. La raison potentielle serait les
multiples transferts d’embryons. En effet, on peut observer par exemple dans
l’ECR de So qu’il y a environ 90% de transfert de deux embryons (figure 2) pour
à peine 10% de transfert d’un unique embryon.
Figure 2. Transfert de deux
embryons au stade de quatre cellules.
Il est donc possible que l’acupuncture soit mieux indiquée dans les FIV
avec transfert mono-embryonnaire plutôt que pluri-embryonnaire. Ce qui
d’ailleurs va dans le bon sens car on sait que les grossesses multiples
constituent l’une des complications les plus fréquentes de la fécondation in
vitro et sont associées à un taux important de morbidité et de mortalité maternelle
et périnatale. Le coût peut être élevé pour la santé publique sans oublier les
conséquences sociales et psychologiques. De ce fait, de plus en plus de centres
de FIV en Europe appliquent actuellement le transfert électif d'un seul embryon
comme pratique standard chez les jeunes femmes. Une étude confirme d’ailleurs les
recommandations actuelles visant à limiter le nombre d'embryons transférés à un
ou à deux par cycle et ils suggèrent que le transfert de trois embryons ou plus
devrait être évité, quel que soit l'âge de la femme [[60]].
La stimulation électrique des points d’acupuncture
A la suite de ses méta-analyses [24,26,27], El-Toukhy et coll. ont
recommandé de ne pas utiliser l'acupuncture au moment du transfert de l’embryon
durant la FIV. En raison du manque de preuves, ils proclament d’autre part
qu’il est inutile de mener des recherches dans ce domaine ou d’incorporer
l’acupuncture dans la pratique quotidienne [[61]].
Pourtant, toutes les possibilités d’intervenir par différents protocoles et
techniques n’ont pas été explorées. Ainsi on remarque que les ECR analysés dans
les différentes méta-analyses ont été réalisés par utilisation de l’acupuncture
traditionnelle avec recherche du deqi.
Un ECR paru en octobre 2011 va employer non plus l’acupuncture mais la
stimulation électrique percutanée acupuncturale
(TEAS= transcutaneous electrical
acupoint stimulation) à l’aide d’électrodes collées
sur la peau en regard des points d’acupuncture [[62]].
Il s’agit d’un ECR prospectif en simple aveugle avec trois groupes de femmes
suivies pour FIV et FIV-ICSI. Le groupe 1 (n=99) est le groupe placebo
utilisant un faux traitement TEAS (2Hz intermittent 10s avec stimulation et 10s
sans, 5mA). Le groupe 2 (n=110) est le groupe TEAS avec administration de la
stimulation électrique à une fréquence de 2Hz (10-12mA) pendant 30mn après le
transfert. Le groupe 3 (n=100) est le groupe double TEAS avec stimulation de 30
mn (2Hz, 15-20mA) 24 h avant le transfert sur les points 8Rte (diji), 29E (guilai), 10Rte, zigong suivi
d’une autre séance 30mn après le transfert avec les mêmes paramètres
électriques que le groupe 2.
Pour les trois groupes, les points utilisés après transfert sont : 36E
(zusanli),
13R (taixi),
23V (shenshu)
et 4VC (guanyuan).
Le critère principal de jugement est le pourcentage de grossesse clinique
confirmée par une observation ultrasonique de l’activité cardiaque fœtale six
semaines après le transfert. Les critères de jugement secondaires sont le
pourcentage d’implantation embryonnaire et celui de naissances viables. Les
auteurs obtiennent une amélioration statistiquement significative dans le
groupe 2 respectivement 42,7% de grossesse clinique (p=0,044) et 37,3% de
naissance viable (p=0,011) par rapport au groupe 1 placebo respectivement 29,3%
de grossesse clinique et 21,2% de naissance viable et même davantage
d’amélioration en cas de double TEAS, respectivement 50% (p=0,003), 42%
(p=0,002). Pas de différence significative entre les groupes 2 et 3.
En conclusion les auteurs montrent une amélioration significative de
grossesse par TEAS lors de la FIV, tout particulièrement en cas de double
stimulation à 2Hz, 24h avant et 30mn après transfert.
Cet ECR en intention de traiter, bien randomisé, en simple aveugle offrant
une qualité méthodologique satisfaisante (Jadad=4) peut
réouvrir la voie vers d’autres ECR de plus grande
puissance concernant cette fois l’électroacupuncture
(EA).
En effet, il faut noter que si cet ECR est le premier à utiliser le TEAS,
l’EA elle-même a déjà montré un bénéfice dans la FIV [20,21] en utilisant le traitement selon les syndromes zheng et non
celui de Paulus et coll. [1]. Mais ces ECR n’avaient pas été inclus dans les
différentes méta-analyses car étaient en langue chinoise et de mauvaise qualité
méthodologique. De même, d’autres ECR utilisant l’EA, mais ayant comme critère
de jugement principal soit l’analgésie [30,31,32,33,34], soit plusieurs critères de jugements [[63],[64]] et non uniquement le taux de
grossesse clinique, n’avaient pas été incorporés dans les méta-analyses, sauf
dans celui de Zheng [29] dont on connait les réserves.
Acupuncture de l’infertilité selon les indications
L’acupuncture dans l’assistance médicale à la procréation semble donc
pouvoir être recommandée en appliquant certains protocoles et indications.
Protocole de traitement précédant de plusieurs mois la FIV et selon les zheng
Szabó propose un protocole de traitement de fond à commencer idéalement dans les
trois mois avant la FIV en fonction de la différenciation des syndromes (zheng) avec une
séance une fois par semaine ou tous les quinze jours, puis on continue par le
traitement adapté du protocole de Paulus durant le transfert [16].
Cela ne diffère guère du protocole de Guiraud-Sobral
[[65]]
qui préconise également le traitement en fonction des zheng à faire une fois en début
de cycle, puis une séance en 2ème partie du cycle pendant un ou
plusieurs mois jusqu’à obtention de cycles réguliers et l’équilibre des pouls. Puis,
il est proposé de puncturer dans les trois jours qui
suivent le transfert les points 36E, 6Rte et 7C et selon la pathologie (par exemple
en cas d’ovaires polykystiques : 25E, 12Rte et
13R).
Agissant également sur la différenciation des syndromes zheng, Cui et coll. [21] ont réalisé un essai clinique avec stimulation électroacupuncturale tous les jours pendant 30mn avant et pendant l'hyperstimulation de
l'ovulation contrôlée, deux jours après les règles du cycle précédent la FIV et
cela jusqu’au jour du prélèvement ovarien. Les points choisis communs à tous les
zheng sont : 4VC (guanyuan), zigong et 6Rte (sanyinjiao). Puis selon le diagnostic différentiel,
en cas de Vide du Rein, il est ajouté 3R (taixi) ; en cas de Glaires-Humidité,
40E (fenglong) ;
et si Stagnation du qi du Foie 3F (taichong), 4GI (hegu). Ont été comparés dans cet essai clinique cinquante-deux
cas de type Vide du Rein, quarante-quatre
cas de type Stagnation du qi du Foie,
30 cas de type Glaires-Humidité. Les auteurs constatent que le pourcentage de
grossesse clinique était supérieur chez les patientes stériles de type Vide du
Rein et de type Stagnation du qi du
Foie comparé au type Glaires-Humidité. Cet essai clinique est bien entendu de
faible qualité méthodologique (Jadad=0) et de faible
puissance, néanmoins il a le mérite de montrer la possibilité de traiter selon
les zheng.
Notons aussi l’intérêt de puncturer dans la phase
lutéale de la FIV : trois jours après le transfert selon l’ECR de Dieterle [18].
FIV dans les infertilités non affectées par une influence ovarienne ou séminale
L’équipe brésilienne de Madaschi et coll. [14] a étudié l’influence de l’acupuncture chez des
femmes en FIV-ICSI dans un ECR comprenant un groupe acupuncture (n=208) et un
groupe témoin (n=208) sans acupuncture. Aucun effet bénéfique de l’acupuncture
n’est retrouvé en appliquant le protocole de Paulus. Le pourcentage de
grossesse clinique évalué par échographie entre quatre et six semaines après le
transfert est de 32,8% dans le groupe témoin versus 40,4% dans le groupe
acupuncture (p=0,652) et les naissances viables respectivement 27,4% versus
33,7% (p=0,763). Cependant dans un sous-groupe concernant les facteurs tubo-utérins ou les causes idiopathiques, en d’autres
termes toutes les causes non affectées par une influence ovarienne ou séminale,
un bénéfice est observé de manière statistiquement significative (OR=5,15 ;
IC 95% de 1,03-34,5 ; p=0,048).
Cet ECR de qualité moyenne selon les normes méthodologiques (Jadad=3 - manque de groupe placebo, mais problématique
elle-même controversée comme nous l’avons vu plus haut dans le cadre de la FIV)
objective un intervalle de confiance bien trop large pour un échantillon de
population réduit (n=77). Néanmoins, c’est donc aussi une voie de recherche à
poursuivre.
Conclusion
Bien que l’acupuncture dans la FIV soit encore controversée, il semble que
l’engouement ne cesse pas. Ainsi actuellement sont référencés encore dix ECR en
phase de recrutement ou de publication dans le méta-registre d’essais cliniques
contrôlés (mRCT) et cela uniquement en langue
anglaise [[66]],
ce qui pourrait peut-être faire évoluer les connaissances. Et il est tout à
fait licite de recommander l’acupuncture
dans l’assistance médicale à la procréation selon certains protocoles et
indications chez toutes les femmes infertiles.
|
Dr Jean-Marc Stéphan * jean-marc.stephan@univ-lille2.fr Co-directeur de la revue « Acupuncture & Moxibustion » Co-coordinateur du DIU acupuncture obstétricale Lille 2 Chargé d'enseignement à la faculté de médecine Paris Sud XI et Rouen Conflit d’intérêts : aucun |
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