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Patrick Triadou (ASMAF)

Enquête sur la pratique et les représentations

de l’acupuncture en France aujourd’hui.

 

 

 

Introduction

On ne dispose que peu d’éléments permettant de connaître la place de l’acupuncture dans le système de soin. Essais cliniques et expérimentations biologiques visent à préciser les domaines d’efficacité clinique et les mécanismes d’action des aiguilles. Une seconde approche de la compréhension de la pratique de l’acupuncture (ACU) est celle de l’analyse de la demande de soin. Cette approche a été développée dans les pays anglo-saxons grâce à des enquêtes de consommation. C’est celle-ci qui est ici exposée.

 

Matériel et méthode

L’enquête comporte deux étapes. Une première exploratoire qualitative a été réalisée grâce à des interviews s’appuyant sur un guide d’entretien élaboré et validé par un groupe d’experts  comprenant des acupuncteurs et des sociologues (50 patients et  17 acupuncteurs en 2002).La phase quantitative de l’enquête a été réalisée à l’aide d’un questionnaire distribué auprès de 2000 patients,  et l’analyse a porté sur 825 en 2003.

 

Résultats

L’accès à l’ACU se fait essentiellement sur le mode du bouche à oreille, par l’intermédiaire des amis ou de la famille (54%), plus rarement par les médias (surtout la  presse, 22%), enfin par les médecins (16%). Il n’y pas de déterminisme socio démographique.  Le profil type du patient d’ACU est une femme < 55 ans, mariée avec enfants, vivant en ville, dont les revenus sont < 2290. Les principales demandes thérapeutiques sont : douleurs articulaires (54%),  fatigue, stress, troubles du sommeil (22%), absence d’effets des soins classiques. 53% des patients avant de découvrir l’ACU se faisaient traiter par la médecine classique (MC). Depuis 20% ont une pratique exclusive de l’ACU,  28%  utilisent en complément  de  l’ACU  la MC, et 40% les Méd. alternatives.

Caractéristiques de la pratique : -  fréquence (1 fois /mois 43%, 2 fois 30%) ; - pas de différence : H/F, âge ; - célibataires > mariés (pour > 3 fois /mois) ; - prix (2 fois/mois, 25 E = 36% ; 48 E = 16%) ; -  l’ancienneté  de la pathologie n’a  pas d’effets ;  durée de l’entretien initial > 30 mn.

Relation médecin / malade : - meilleurs accueil et écoute / MC (anonymat et indifférence) ; - précision, transparence, ouverture,  confiance/ MC ( «  fragmente, ne va pas au fond  des problèmes »).

Médicaments prescrits par l’acupuncteur : homéopathie (40%), phytothérapie (28%), antalgiques (26%), anti allergiques (10%) Ceux prescrits par le MC sont : antalgiques (26%), antibiotiques (28%), antidépresseurs (24%), anxiolytiques et somnifères (22%), antihypertenseurs (19%). Depuis le début de la pratique de l’ACU, 76% des patients consomment moins de médicaments et 22,5% autant.  Avec l’ancienneté  de la pratique de l’ACU, augmentent les doubles prescriptions (x 1.5) et diminue la consommation d’antidépresseurs, d’anxiolytiques de somnifères et d’antalgiques. Plus de 75% des patients essayent d’éviter les médicaments.

Perception  des effets des séances : -  mieux après (87%) ; - mieux pendant 1 à 4 semaines (42%) ; -  les effets augmentent avec la fréquence des séances, l’ancienneté de la pratique, l’idée d’une action sur corps et esprit, et la confiance dans l’ACU; les effets sont plus durables et plus intenses chez les patients ne prenant pas ou prenant moins de médicaments

Rapport à la science des patients de l’ACU : globalement positif (55%). Ces patients sont inquiets des nouvelles technologies (clonage humain (94.4%),  animal (72,5%),  des plantes (44.9%), OGM  (61.1%), énergie nucléaire (50.3%)), mais pas du progrès médical représenté par les vaccins. Les plus confiants dans la science sont ceux ayant une croyance religieuse.

Représentations que les patients se font de l’ACU pour comprendre cette demande de soin : - le relationnel avec l’importance accordée à l’écoute, l’accueil et la ponctualité (/MC) ; - l’image meilleure de l’acupuncteur s’il est considéré comme spécialiste de l’énergie ; - l’action sur le corps et l’esprit (67%) qui autorise une prise en charge de l’individu  dans son intégralité (75%) ; - les conseils d’hygiène de vie (globalité, harmonie) ; - la  confiance dans les médecines douces égale à celle mise dans la MC, bien supérieure aux thérapies non médicales ; - la complémentarité des deux médecines ; - l’imaginaire du corps (corps  bloqué, noué,  mis en aiguilles ou re possédé) avec une nouvelle responsabilité vis-à-vis du corps.

Typologie : les néophytes enthousiastes (29,8%), les fidèles de la MC utilisant l'acupuncture comme méthode complémentaire (25,3%), les patients souffrant de troubles psychologiques utilisant l'acupuncture comme thérapie de soutien (13,8%),  les déçus de la MC (11,3%), les adeptes des médecines douces (19,8%).

 

Conclusion

Les modalités de l’accès à l’acupuncture sont dominées par le réseau des relations immédiates. Cette quête thérapeutique répond à une demande non satisfaite par ailleurs et à une  exigence pragmatique d’efficacité,  même si ses effets ne sont pas encore scientifiquement complètement expliqués. Du point de vue de la relation médecin / malade, cette demande répond à un retour du sujet - acteur de sa guérison qui recherche une prise en charge globale par opposition à l’impression de fragmentation que laisse la prise en charge classique s’appuyant de manière exclusive sur le médicament.

 

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