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ReportageArt, preuves et défis en acupuncture :
congrès ICMART 2007 à Barcelone
Jean-Marc Stéphan et Patrick Triadou |
Du premier au 3 juin 2007, Barcelone a été le siège du congrès international ICMART de l'acupuncture. Le thème en était « art, preuves et défis ». Parler de l'art médical dans une perspective tout à fait traditionnelle, actualiser les données et preuves scientifiques et enfin aborder de nouveaux challenges en élaborant de nouvelles théories, tel était l'esprit de ce congrès organisé par l'équipe performante de la section d'acupuncture du Col.legi Oficial de Metges de Barcelona menée par sa Présidente le Dr Isabel Giralt (figure 1). A l'image de la ville, les traits dominants de ce congrès ont été le dynamisme de la discipline et à faire montre, au fil des thèmes et des communications, de la modernité de son questionnement médical vis-à-vis à la fois des critères scientifiques, de la connaissance médicale et des demandes sociales de soins. Science et tradition ne semblent plus être des catégories pertinentes pour comprendre l'évolution des interrogations et des pratiques, qui n'adopte plus comme références des cadres historiquement construits, mais recherche des réponses où problématisation et rationalité en contexte trouvent le chemin de l'efficace, autrement dit de la Voie, et en l'espèce de la voie de la santé.
Figure 1. La Présidente du Congrès, le Dr Isabel Giralt, le Secrétaire Général de l'ICMART, le Dr François Beyens et le Dr Rafael Cobos Romana, Président de la Sociedad de Acupuntura Médica de España. Art
Figure 2. le Dr Jean-Louis Vicq expliquant son approche thérapeutique de la PSH.
Figure 3. Le Dr Christian Mouglalis en pleine conférence. Pere Marco Aznar (figure 4) a décrypté les critères
de différenciation du diagnostic lingual dans la pathologie rhumatologique.
Trois critères à prendre en compte. Le 1er critère :
l'aspect de la langue qui représente l'état énergétique général du
malade. Le deuxième critère, la couleur du corps de la langue qui
exprime un état énergétique « instantané ». Enfin, le dernier
critère, l'enduit lingual qui permet d'actualiser le processus pathologique
et qui permet de déterminer le type de l'agression externe. Aznar
applique ce diagnostic dans le cadre des maladies rhumatologiques
des syndromes bi. Le bi se manifeste par une déficience
de Sang et d'Energie, déficience de yang ou déficience de yin.
La langue sera pâle s'il y a une déficience de Sang et d'Energie
ou de yang. En cas de déficience de yin la langue sera
rouge sans enduit lingual, soit humide, soit sèche, soit brillante,
soit avec des points blancs. L'examen de la langue permet d'orienter
le traitement dans la stratégie diagnostique et thérapeutique de l'appareil
locomoteur. La conférence d'Aznar ponctuée par une riche iconographie
nous a rappelé que l'usage des pratiques diagnostiques relativement
simples était de plus en plus abandonné par la médecine occidentale
moderne alors qu'un simple examen de langue garde toute sa valeur
dans l'art d'apprécier l'état d'un malade. Intérêt peut-être de relire
des articles sur le sujet [[1],[2]].
(Pere
Marco Aznar. Tongue diagnosis (traditional approach) Particularities.
Lecturer for the Masters in Acupuncture at Fundació Bosch i Gimpera
- Universitat de Barcelona). Figure 4. Le Dr Pere Marco Aznar. Preuves De nombreux essais cliniques randomisés (ECR) ont
été exposés lors de ce congrès. En voici quelques uns. La brésilienne
Maria Fernanda G. Martins de l'Université de Sao Paulo (figure 4)
a montré l'efficacité de l'acupuncture chez des malades présentant
une apnée obstructive du sommeil. Randomisés en quatre groupes, quarante
patients âgés de 30 à 68 ans, présentant un index d'apnée -hypopnée
(IAH) de 15 à 30 par heure (visualisé par polysomnographie), ont bénéficié
d'acupuncture manuelle (n=10), d'électroacupuncture 2 Hz (n=10) et
10 Hz (n=10) au 6VC (qihai), 6RP (sanyinjiao), 6R (zhaohai), 12 VC (zhongwan), 6MC (neiguan),
17VC (shanzhong), 7MC (daling), 20 VG (baihui), 4GI (hegu)
et aucun traitement (groupe contrôle n=10). Les auteurs ont démontré
une amélioration significative de l'IAH dans tous les groupes traités
par rapport au groupe contrôle (p=0,005) avec une amélioration plus
forte dans le groupe d'électroacupuncture à 2Hz [[3]]. Figure 4. Le Dr Maria Fernanda G. Martins expliquant l'ECR réalisé par Freire AO, Sugai GCM, Martins MF et collaborateurs de l'Université Fédérale de Sao Paulo (UNIFESP).
Jung Woo-Sang (figure 5) a évalué l'effet de la tonification et de la dispersion par manipulation de l'aiguille au point shenmen (C7) et neiguan (MC6) sur la pression artérielle de sujets normotendus. Il s'agit d'un ECR de type étude croisée (cross-over), c'est-à-dire que chaque participant reçoit selon un ordre aléatoire le traitement étudié, puis le traitement témoin séparés par un intervalle libre de tout traitement (wash-out). Ainsi le groupe A (n=15) bénéficia du traitement en tonification (aiguilles insérées dans le sens de la circulation du flux du méridien, avec 9 rotations horaires et aiguilles retirées après 30 mn). Le groupe B (n=15) bénéficia en premier du traitement en dispersion (aiguilles insérées dans le sens contraire de la circulation avec 6 rotations antihoraires). La pression sanguine fut mesurée toutes les 10mn pendant 2 heures. Ensuite après la période de 3 jours de wash-out, les patients sont croisées. La figure 6 illustre cette étude croisée. Bien qu'il n'y ait pas eu de différence statistiquement significative entre les deux groupes, les auteurs ont observé que la stimulation par dispersion avait tendance à diminuer davantage la pression artérielle par rapport à la stimulation en tonification. Cependant, du fait de l'échantillon de population trop faible, ceci doit être confirmé par une étude de plus grande puissance.
Seung-Deok Lee représentant de la Dongguk University
School of Korean Medicine (figure 7) et son équipe ont cherché à savoir
si l'efficacité de l'acupuncture dans la gonarthose dépendait de la
technique acupuncturale. Cet ECR comprenait 2 groupes, un groupe standardisé
(n=25 sans manipulation d'aiguilles, c'est-à-dire sans recherche du
deqi) et un groupe individualisé (n=25 acupuncture avec manipulation
d'aiguilles et recherche du deqi). Les deux groupes ont bénéficié
d'un traitement identique deux fois par semaine (pendant 6 semaines,
20mn de séance) les auteurs ont montré qu'après un traitement local :
yanglingquan (34VB), yinlingquan (9RP), dubi (ES35),
heding (Point hors méridien), xiyan (point hors méridien),
points Ashi, associé à un traitement distal : 8F (ququan),
4F (zhonfeng), 8C (shaofu) et 2F (xingjian).
Les résultats : à 18 semaines de suivi, il s'avère que le groupe
individualisé avec recherche du deqi montre une amélioration
statistiquement significative par rapport au groupe standard, objectivé
sur l'échelle visuelle analogique (VAS).
Figure 7. Le Dr Seung-Deok Lee. DéfisNombreux sont les défis que l'acupuncture doit relever :
recherche des mécanismes d'action, recherche de la structure des points
d'acupuncture, visualisation cérébrale de leurs effets par IRM fonctionnelle
sans oublier la visualisation des méridiens, ni l'établissement de
nouvelles théories à rapprocher à la médecine intégrative. Les défis
sont aussi des challenges purement cliniques visant à montrer l'efficacité
de l'acupuncture, d'où le rôle très important des revues systématiques
ou méta-analyses, des essais contrôlés randomisés (ECR), essais cliniques
comparatifs (ECC). Actuellement, pour Mike Cummings, les défis majeurs
sont : montrer l'efficacité de l'acupuncture dans les nausées
et vomissements, les céphalées, les lombalgies, les gonalgies et trouver
les mécanismes d'action neurophysiologiques. (Mike Cummings. Summary
and future challenges. British medical Acupuncture Society, Honorary
Clinical Specialist. University of Hertfordshire UK). Pierre Moal nous a parlé des amas métalliques de cristaux de magnétite (Fe304), les fameux magnétosomes découverts aux niveaux des points d'acupuncture et qu'il avait déjà décrits au cours du congrès de la Faformec de Nantes [[4]]. Malheureusement toujours pas d'étude complémentaire comme nous le signalions déjà [[5]]. Diagnostic infrarouge en acupuncture : tel était le titre alléchant de la conférence de Walburg Maric-Oehler (figure 8) associée à Fritz-Albert Popp et Klaus-Peter Schlebusch, qui retraçait les travaux parus en 1995 [[6]]. Après stimulation d'un point d'acupuncture par moxibustion (longueurs d'onde comprises entre 3,4 et 5µm), les auteurs ont visualisé, à l'aide d'une caméra infrarouge travaillant dans les mêmes longueurs d'onde, des structures apparentées aux méridiens d'acupuncture de la Médecine Traditionnelle Chinoise (figure 9). Ceci semble non seulement confirmer l'existence des méridiens, mais ouvrirait de nouvelles perspectives quant à la compréhension de la dynamique des transferts d'énergie au sein de l'organisme humain. En effet, les méridiens selon ces auteurs ne seraient pas fixés morphologiquement, mais en rapport avec une excitation électromagnétique qui serait un soliton optique. Un soliton est une onde solitaire qui se propage sans se déformer dans un milieu non-linéaire et habituellement dispersif. En règle générale, cette onde est suffisamment intense pour exciter cet effet non linéaire qui va compenser l'effet normal de dispersion de l'énergie. Le meilleur exemple en est le tsunami. Cependant, certains auteurs comme Litscher pensent que ces images thermographiques des méridiens ne seraient qu'un artéfact du à la réflection de la radiation thermique de la moxibustion [[7]]. Bref, de nouvelles études sont nécessaires pour confirmer la théorie du soliton optique.
Depuis 1990, de nombreuses études ont contribué à comprendre
les effets centraux de l'acupuncture : IRMf, PET, de façon à découvrir
l'activation et désactivation des régions cérébrales. Im Quah-Smith
a étudié 23 études et s'est intéressé aux limitations des ces études.
En effet, il apparaît qu'elles sont réalisées chez des sujets sains,
qu'il y a peu de points d'acupuncture, souvent d'ailleurs distaux etc..
Il propose d'inclure donc des cas cliniques, de faire des images avant
et après l'intervention et de montrer les séquences des événements dans
l'activation et la désactivation des événements entre les régions du
cerveau, d'explorer les corrélations avec les principes de la MTC et
enfin d'utiliser l'IRMf et le PET pour prévoir les effets de l'acupuncture
sur chaque personne. Ainsi le principe yin correspondrait à une
réduction de l'activité métabolique (froid, déficit) avec pour corollaire
une activation et une réponse IRMf accrue (BOLD augmenté) alors que
le yang correspondrait à un accroissement métabolique (chaleur,
excès) engendrant une désactivation de la réponse IRMf. (Im Quah-Smith. Recommendations for the Reporting of Neuroimaging Studies on Acupuncture.
Neuropsychiatic Institute, Prince of Wales Hospital Randwick NSW 2031
Australia, jigs@tpg.com.au) Kathleen KS Hui (figure 9) postule que le système limbique joue un rôle majeur dans l'action acupuncturale et que cet effet serait corrélé avec la sensation du deqi. En cas de douleur nociceptive, on observe ainsi une activation du système limbique visualisée en IRM fonctionnelle (IRMf) alors que le deqi le désactiverait. Le point 4GI (hegu) produit le plus grand effet central en rapport avec une sensation de deqi d'autant plus forte. Hui démontre tout cela à partir de 5 études qu'elle rapporte au cours de sa magistrale conférence. Je n'en décrirai que deux. La première est parue dans la revue Human Brain Mapping en 2000 [[8]]. La puncture du 4GI (hegu) comparée à une simple stimulation tactile a été étudiée par IRM fonctionnelle chez 13 volontaires sains. Une stimulation tactile superficielle entraîne une élévation du signal surtout au niveau du cortex somatosensoriel secondaire (S2 : opercule pariétal), puis au niveau du cortex somatosensoriel primaire (S1), c'est-à-dire le gyrus postcentral, mais ne modifie pas le signal au niveau des structures sous-jacentes. Chez 11 sujets qui ont éprouvé la sensation du deqi, on note la même élévation du signal au niveau du cortex somatosensoriel, mais de surcroît, il se produit une nette diminution des signaux IRMf dans le noyau accumbens, l'amygdale, l'hippocampe, le gyrus parahippocampique, l'hypothalamus, l'aire tegmentale ventrale, le gyrus cingulaire antérieur (BA 24), le noyau caudé, le putamen, l'insula antérieure et le pôle temporal (figure 10). Par contre, chez les deux sujets qui ont ressenti une douleur au lieu de la sensation du deqi classique, on a observé une augmentation du signal au lieu d'une diminution dans le gyrus cingulaire antérieur (BA 24), le noyau caudé, le putamen, le thalamus antérieur et l'insula ainsi que bien sûr une augmentation attendue du signal du cortex somatosensoriel. Ces résultats suggèrent que la manipulation d'aiguille d'acupuncture par recherche du deqi module l'activité du système limbique et des structures sous-corticales. Par ailleurs, une puncture superficielle au niveau cutané n'entraîne pas de modification observable au niveau des structures cérébrales profondes. Hui en arrive à la conclusion que la sensation de deqi diminue la réponse de l'IRMf du système limbique alors que la douleur l'augmente et qu'une douleur associée à une recherche de deqi entraîne une réponse mixte à la fois d'augmentation et de diminution du signal. Dans la seconde étude, Hui prend l'exemple du syndrome du canal carpien. Il s'agit d'une ECR (25 sujets : 13 personnes affectées d'un syndrome du canal carpien, et 12 personnes indemnes suivant le paradigme suivant : canal carpien / acupuncture véritable - canal carpien / acupuncture placebo pas de canal carpien / acupuncture véritable pas de canal carpien / acupuncture placebo). La stimulation avec recherche du deqi des points 7MC, 5TR, 3C, 3MC, 4IG, 5GI, 10GI, 5P associé au 4GI (hegu) entraîne une activation de l'hypothalamus et une désactivation de l'amygdale en IRMf par rapport aux sujets sains et par rapport à l'acupuncture placebo. Dans cette étude, l'acupuncture placebo ou sham consiste en une non-insertion de l'aiguille au 4GI remplacée par une stimulation tactile [[9]]. Ceci serait la preuve que les douleurs chroniques répondraient au traitement acupunctural à travers le réseau du système limbique incluant l'hypothalamus et l'amygdale.
Pourquoi il n'y a pas de description du système nerveux central ou périphérique dans la physiologie de la Médecine Traditionnelle Chinoise ? A cette question, Dorsher répond qu'en fait les méridiens d'acupuncture sont la représentation du système nerveux. Sa théorie se base sur le développement embryologique et sur les dermatomes neurologiques. Ainsi, le méridien Gros Intestin correspondrait au dermatome C6 dorsal, avec une innervation radiale et une composante sensitive du nerf radial. De la même façon, le méridien de Rate correspondrait au dermatome L4 et au nerf fémoral etc.. Sa théorie bien que séduisante ne correspond plus vraiment aux dernières données scientifiques. Si on se réfère par exemple aux travaux ci-dessus de Maric-Oehler et Popp, il semblerait que les méridiens ne soient pas des entités fixées morphologiquement. Par ailleurs, depuis les travaux de Langevin, on sait que le tissu conjonctif est une des bases du mécanisme d'action de l'acupuncture [[10]], mais en serait aussi le substratum anatomique [[11]]. (Peter Dorsher. Acupuncture Meridians Exist As Anatomic Structures. Mayo Clinic Jacksonville. Jacksonville, Florida). Médecine intégrativeUne grande partie du congrès s'est intéressée à l'acupuncture
et la médecine intégrative ou intégrée. Née en Chine dans les années
1970, la médecine dite intégrative a pour intérêt d'utiliser simultanément
la médecine traditionnelle chinoise et la médecine occidentale. La médecine
intégrative est une médecine qui tient compte de la personne entière
(corps, esprit), incluant tous les aspects du style de vie. Elle s'attarde
sur la relation thérapeutique et utilise aussi bien les thérapies conventionnelles
que complémentaires. Surtout développée aux USA et au Canada, la médecine
intégrative a fait l'objet dans ce congrès de nombreuses communications.
Ainsi Angelika Volmer nous proposa un traitement associant Médecine
Traditionnelle Chinoise (qigong, taijiquan) et conseils
hygénio-diétiétiques dans la prophylaxie du syndrome de Burnout. (Angelika
Volmer. Prophylaxis of the Burnout-Syndrom with Traditional
Chinese Medicine. General Medicine, Naturopathy, TCM Lecturer of the
German Medical Acupuncture Association). Steven Aung aborda entre autres
nombreuses communications, le rôle pivot de l'acupuncture dans la médecine
intégrative de famille, mais aussi en pédiatrie. (Steven K.H. Aung. The pivotal role of acupuncture in integrated family medicine. Pediatric
medical acupuncture: an integrative perspective. Medical qigong for
physicians and health care professionals. Associate Clinical Professor,
Departments of Medicine and Family Medicine, University of Alberta,
Edmonton, Alberta, Canada). Acupuncture et médecine intégrative : ce titre d'une des séances plénières annonçant l'émergence d'un nouveau paradigme, pour reprendre le cadre épistémologique défini par Thomas Kuhn, pourrait servir de manière emblématique à la bande annonce de ce congrès. La question sous-jacente était bien sûr : pourquoi continuer de penser Est / Ouest quand le mur des catégories a chuté ? Dans ces conditions, l'objectif pour les professionnels de santé de tout poil, médecins en tête, devient de trouver la meilleure réponse possible aux maladies chroniques, au meilleur coût et ayant l'assentiment du malade devenu consomm-acteur de santé. Les principes de la science médicale et de la science économique étant distinctes, business, consommation et prise en charge socialisée font le nouveau lit où Techne et Dao sont invité aux tendres ébats donnant naissance aux nouveaux fondements de la médecine post moderne avec son paradigme, bien entendu, Janus qui doit avoir présenté tous les visages de l'efficacité et dont les images comme les représentations seront accessibles à tous les internautes du village monde. Les chiffres sont têtus : 100 000 patients décèdent chaque année dans la patrie américaine du médicament de leurs effets secondaires. La médecine scientifique forte de sa victoire sur les maladies aiguës, piétine sur les terrains des maladies chroniques et des maladies de société, qui forment pourtant les gros bataillons des demandeurs de santé vieillissant aujourd'hui. La pluri-causalité de ces maladies émergentes et leur part comportementale ne sont sûrement pas étrangères à la faillite des modélisations plus simples qu'autorisait l'expérimentation sur les maladies aiguës. Le concept de médecine intégrée est par certains aspects un concept linguistique invitant les médecins adeptes à savoir parler plusieurs langues que comprennent les maladies et aux impératifs desquels elles peuvent en fonction des contextes, se soumettre. Une langue est inconcevable sans représentations de la réalité qu'elle sous tend. Selon Gustav J. Dobos du département « for internal and integrative medicine » de l'University de Dulsburg Essen (Allemagne), c'est à cette nouvelle espèce de thérapeutes - linguistes qu'appartiendraient les acupuncteurs et leurs patients. L'enjeu est de taille, ne serait-ce que pour la définition des cadres tarifaires de prise en charge, voire pour les formations universitaires des futurs médecins et de la recherche, surtout si on admet que la médecine a connu trois grandes métamorphoses : sa reconnaissance en tant qu'art il y a deux mille ans, puis en tant que science il y a deux cents ans, avant d'être reconnue en tant que business, il y a tout juste vingt ans. La femme est l'avenir de l'hommeCette affirmation, qu'aucun biologiste sérieux ne saurait contester, a été validée expérimentalement par une chiffre qui montre que 75% des clients des médecines complémentaires et alternatives sont en fait des clientes, qui, bien avant leurs partenaires dans la délicate opération de la continuité de l'espèce à suivre les données de la démographie européenne, ont eu l'intuition ou ont compris l'intérêt de la médecine intégrée pour être en santé, quoiqu'en disent les dogmatiques d'un scientisme passé de mode aux yeux du client roi ou reine. Après la femme, c'est donc l'homme qui doit se libérer d'un imaginaire d'un autre temps. Irène Lund du département de physiologie et de pharmacologie du Karolinska Intitute de Stockholm (Suède) a d'ailleurs répondu à la question de savoir si les femmes répondaient mieux à l'acupuncture que les hommes. L'existence de signes de plus grande sensibilité et de moindre tolérance à la douleur chez les femmes en font des candidates privilégiées pour souffrir de douleurs chroniques. Cette différenciation sexuelle du vécu de la douleur s'étend à la vastitude des zones douloureuses du corps que les hommes ignorent. Le contingent des femmes souffrant de fibromyalgies, des syndromes temporo- maxillaires, de migraines d'arthrites rhumatoïdes, et de colons irritables est aussi supérieur à celui de l'autre sexe. Si la science est en panne pour rationaliser ces différences, des facteurs biologiques et psychosociaux ont été incriminés. Systèmes neuronaux, hormones gonadiques, mais aussi croyances dans les représentations sexuées dominantes ont été appelés à la rescousse d'une rationalité invitée à quitter le terrain de l'universalisme pour gagner celui de la rationalité limitée ou contextuelle. Il semble que la capacité de réponse à l'acupuncture relève de la même différence sexuée innée et acquise. Allant plus loin dans cette réflexion, Carme Valls-Liobet qui est spécialiste en médecine interne et en endocrinologie, directrice de Dones, Salut i Qualitat de Vida programme, revient sur l'idée d'une science qui loin d'être totalement objective, se présente comme une construction sociale subissant des influences politiques, économiques, idéologiques et sociétales de lobbies dominants. Les scientifiques eux-mêmes ne sont pas insensibles à leurs stéréotypes concernant le sexe. Bâtie à l'hôpital sur des affections avant tout mâles, infarctus du myocarde, ulcères de l'estomac, pneumonies, la connaissance médicale a été généralisée de façon abusive et biaisée aux femmes comme si l'androcentrisme était scientifiquement validé et non un simple postulat qui ignorait des différences que le biologiste même débutant pouvait observer. La morbidité féminine devrait être plus prise en compte non pas tant pour les affections anatomiques qui relèvent de l'évidence, mais pour les affections touchant les deux sexes et pour lesquelles les femmes sont plus prédisposées comme l'anémie, les douleurs chroniques, les maladies auto-immunes, les désordres endocriniens, l'anxiété et la dépression. Une des valeurs de l'acupuncture réside dans les connaissances sur lesquelles elles reposent et qui prennent en compte les différences énergétiques. La différence de répartition sang / énergie selon les sexes en est une illustration. ConclusionCe congrès ICMART à Barcelone fut un bon cru. L'équipe d'organisation espagnole a réussi à concilier toutes les tendances actuelles de l'acupuncture. Je vous invite d'ailleurs, si vous voulez en savoir plus sur ce grand moment, à aller naviguer sur le magnifique site du congrès ICMART 2007 de Barcelone à l'adresse suivante : http://www.congresacupuntura2007.com. Vous y trouverez toutes les interventions au format PDF, intéressant du fait qu'il était impossible d'assister à tout. En effet, chaque congressiste pouvait choisir entre plusieurs conférences concomitantes. Notons enfin que les francophones ont été gâtés : une traduction simultanée en français, première depuis que les congrès ICMART existent, a permis aux non anglophones ou non hispaniques de comprendre toutes les communications. Mais je crains que ce cadeau de nos amis espagnols ne soit plus offert lors du prochain congrès ICMART qui aura lieu du 10 au 12 octobre 2008 à Budapest en Hongrie.
Références
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© Stéphan JM, Triadou P. Art, preuves et défis en acupuncture : congrès ICMART 2007 à Barcelone. Acupuncture & Moxibustion. 2007;6(3):269-277.