Éthique et enseignement de l’acupuncture

École – Ava – Myanmar (Birmanie)

L’acupuncture est une composante essentielle de la médecine chinoise dont le fondement est à la croisée de courants de pensée à la fois philosophique et religieux (chamanisme, taoïsme, école confucéenne, école naturaliste), mais aussi depuis le milieu du XXe siècle, scientifique et factuel.

Et pourtant, nombreuses sont les écoles de Médecine Traditionnelle Chinoise qui entendent enseigner l’acupuncture en se basant essentiellement sur les Classiques Chinois et la philosophie en minimisant la part réservée à la médecine occidentale. Certes cet enseignement ne s’adresse pas principalement à des médecins. Et les enseignants de ces écoles sont des praticiens non médecins, ayant des diplômes chinois sous couvert ou pas du Ministère de la Santé Publique de la République Populaire Chinoise. Certains titulaires de ces diplômes non reconnus en France peuvent se déclarer « docteur », mais bien souvent, il ne s’agit pas d’un doctorat de médecine, mais plutôt d’un doctorat ès sciences humaines ou ès sciences sociales, etc. Ou bien il peut s’agir d’un titre réel de docteur en médecine dans le pays d’origine mais qui n’autorise pas la pratique de la médecine en France sauf accord spécifique [[1]].

Le doctorat de médecine est un « doctorat d’exercice », à ne pas confondre avec un doctorat de recherche qui est délivré en principe après trois années d’études postérieures au grade de master et à la suite d’une soutenance de thèse en rapport avec la réalisation d’un travail scientifique original. Le doctorat a fait l’objet en 1984 d’une réforme profonde suite à la loi Savary [[2]] et entre dans le cadre du troisième cycle de l’enseignement supérieur. Contrairement à d’autres pays, comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, l’appellation de « docteur » en France n’est souvent donnée dans la vie quotidienne qu’aux seuls médecins, vétérinaires et dentistes. Son usage est le vestige d’une législation ancienne sur l’exercice illégal de la médecine. Mais d’un point de vue international et à l’exception de la France, il est habituel de réserver cette appellation aux titulaires d’un doctorat universitaire de troisième cycle. Conséquence de la mondialisation, l’usage du titre de docteur tend à s’imposer également en France pour les titulaires du grade de docteur de recherche, d’où la confusion que ce titre peut entraîner par exemple dans un diplôme universitaire consacré à la médecine traditionnelle chinoise ou dans une école d’acupuncture.

Ainsi récemment, se sont ouverts dans deux ou trois facultés de médecine des diplômes universitaires (DU) de Médecine Chinoise avec pour enseignants des titulaires de doctorat de recherche. Le programme de ces DU, souvent strictement non médical et à visée sinologique ne pose pas de problème pour le public concerné. Connaître ou pas la langue chinoise et a fortiori la culture chinoise par exemple avait fait l’objet d’un long débat concernant leurs utilités dans la connaissance et l’enseignement de l’acupuncture [3-6].

Par contre, cela devient un problème quand des séminaires ou des congrès a priori médicaux et donc non sinologiques sont proposés à des médecins avec pour intervenants ces enseignants qui peuvent faire par ce biais de l’enseignement médical. Et bien que les étudiants ou les congressistes soient d’ailleurs souvent friands d’expertises sinologiques ou philosophiques, cela peut apporter une confusion de genre surtout lorsque qu’il y a intervention dans un domaine purement médical.

Est-il éthique ainsi qu’un docteur ès études chinoises par exemple propose un traitement médical, sans être lui-même docteur en médecine ? Sa fonction d’expert non-médecin se doit d’être bien spécifiée en toute transparence.

Son enseignement ne peut être autorisé qu’à la condition qu’il ne favorise pas l’exercice illégal de la médecine en France.

Références

[1]. Article L.4111-1 du Code de la Santé Publique. Version en vigueur du 22 juin 2000 au 23 juillet 2009. Available from: URL: http://www.legifrance.gouv.fr.

[2]. Loi n°84-52 du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur. Article 16.

[3]. Phan-Choffrut  F. (Ni shuo bu shuo zhong wen ?) [Parles–tu chinois ?]. Acupuncture & Moxibustion. 2004;3(4):233.

[4]. Nguyen J. Entrer en Chine ou en sortir ? Acupuncture & Moxibustion. 2004;3(4):234.

[5]. Bui Anh Tuan. Parler chinois : est-ce nécessaire, est ce suffisant ? Acupuncture & Moxibustion. 2006;5(3):236-237.

[6]. Dinouart-Jatteau P. Parler chinois : peut-on conclure ? Acupuncture & Moxibustion. 2004;5(3):237.

Stéphan JM. Ethique et enseignement de l’acupuncture. Acupuncture & Moxibustion. 2012;11(2):87-88. (Version PDF imprimable)