Psoriasis

Tatouage – Miami – Floride - USA
Tatouage – Miami – Floride – USA

Echanges

Questions et réponses

Question :  J’ai un cas de psoriasis très difficile. J’ai commencé à traiter le sentiment nu (colère), « stagnation -nouure de qi de foie avec dégagement de chaleur du Sang »… J’ai aussi traité la partie liquidienne pour redonner de l’Eau. Ensuite, j’ai utilisé le yangqiaomai à chaque séance et j’ai eu de bons résultats, améliorant notablement le déséquilibre énergétique observé aux pouls et à la langue. Mais persiste l’érythème psoriasique bien que sans prurit sur le visage, surtout au niveau des plis nasaux. J’ai de bons résultats localement quand je traite avec le 4GI et le 11 GI, mais en peu de jours le problème réapparaît. Quelle autre technique pourrais-je utiliser ? Pouvez vous me conseiller pour un meilleur diagnostic différentiel ? (SL.., Argentine, traduction de l’espagnol : Dr JM Stéphan)

Réponse : Le psoriasis est une dermatose érythémato-squameuse, d’évolution chronique assez difficile à traiter en médecine occidentale. En médecine chinoise, et par acupuncture, on a des résultats qui ne sont pas du tout mauvais. Le psoriasis selon la physiopathologie de la médecine traditionnelle chinoise est une maladie qui atteint le mouvement Métal (Poumon – Gros Intestin), correspondance classique avec la peau. C’est aussi une maladie qui atteint le Grand Méridien taiyang car c’est la première couche touchée par atteinte des énergies perverses dans la relation Extérieur-Intérieur. Le taiyang (Intestin Grêle-Vessie) est la barrière de défense et s’ouvre à l’extérieur.

  1. Les terrains :

En pratique, il existe trois terrains victimes de choix de cette maladie : le terrain Métal, le terrain Terre, et le terrain Eau avec atteinte respectivement du shoutaiyin (Poumons) ou shouyangming (Gros Intestin), zutaiyin (Rate-Pancréas) ou zuyangming (Estomac), et enfin zutaiyang (Vessie). On a souvent donc un vide d’un de ces méridiens.

  1. Les énergies perverses

A cela, il faut aussi tenir compte des énergies perverses (xié) responsables : la Sécheresse ou le Froid associé à la Sécheresse, l’Humidité associée au Froid et plus rarement l’Humidité associée à la Chaleur et enfin le Vent. Le psoriasis Froid-Sec dépend d’un excès de l’Energie Cosmique yangming (Sécheresse) (ceci en fonction de la chronobiologie : prédominance excessive du qi Céleste en position à la source ou à la présidence en fonction de la loi « Maître de maison- hôte de passage (pour de plus amples explications consultez Méridiens 1994 n°103 p103-152).

Cette forme de psoriasis survient donc sur le terrain Métal (Poumons – Gros Intestin), avec insuffisance de Sang. D’où ceci peut ressembler au mécanisme de Froid-Chaud atteignant le jueyin. D’ailleurs le cas particulier du psoriasis du cuir chevelu constitue un syndrome atteignant spécifiquement le zujueyin. On a alors atteinte par les énergies perverses (Vent, Chaleur, Humidité) qui agressent le weiqi, le Sang (xue), d’où vide de Sang ou de Foie entraînant en corollaire un reflux de yang qui déferle vers le haut du corps et la tête.

Intérêt du point 20VG dans ce cas précis. Par contre dans l’atteinte du Poumon ou Gros Intestin, c’est surtout un psoriasis idiopathique constitutionnel apparu très rapidement avec des antécédents de psoriasis dans la famille.

 Le traitement habituel est d’agir sur le yangming.

Le psoriasis Eau-Humidité dépend de l’empiètement de la Terre sur l’Eau ou inversement. Dans les deux cas, il y a une perturbation du sang avec insuffisance de Rate. On trouvera dans les symptômes associés des signes d’humidité avec diarrhées, troubles digestifs, et aussi des signes de froid avec troubles intestinaux, douleurs osseuses et arthralgies liées à l’atteinte du taiyang. Cette variété se transforme après de nombreuses années en rhumatisme psoriasique. Le traitement est d’agir sur le taiyin et le taiyang

Le psoriasis Chaleur-Humidité : les énergies perverses Chaleur due au qi Céleste shaoyin peut s’associer à l’Humidité en excès et entraîner cette variété de psoriasis qui est développé souvent chez le diabétique. L’étiologie peut être aussi interne par des excès alimentaires ou alcoolisés. La conséquence est la Chaleur du Sang puis excès et stagnation du Sang. Le zutaiyin (Rate-Pancréas) et le zuyangming (Estomac) sont les méridiens préférentiellement atteints. Le traitement consiste à réguler bien sûr taiyin et yangming.

En conclusion, il est essentiel de connaître l’atteinte étiologique par les xié  Froid-Sec, Froid Humide…, voir la constitution du patient Terre, Métal, Eau ou éventuellement Bois. Le psoriasis qui résulte de la perturbation du Sang peut être considéré alors comme un Froid et Chaud, ce que Husson dans sa traduction du Su Wen appelle nué, et de ce fait, le traitement doit consister à tonifier ou disperser le Sang, tonifier ou disperser la Rate-Pancréas, le Poumon ; disperser le Froid, la Chaleur ou l’Humidité selon le cas.

Par ailleurs, il faudra aussi tenir compte des Âmes Viscérales.

  1. Les Entités Viscérales

Dans les causes des maladies, la Médecine Traditionnelle Chinoise distingue deux causes principales :

les causes externes et les causes internes.

Par cause externe, on entend les énergies perverses (xié), Vent, Froid, Humidité, Sécheresse, Chaleur qui agressent l’organisme que l’on vient de voir plus haut, mais aussi tous les traumatismes physiques. A noter que le Su Wen spécifie que si l’homme subit les attaques du xie, c’est parce que son énergie essentielle est déjà affaiblie.  » Les trésors des cinq viscères : le Cœur abrite le shen (esprit défini comme la perfection du qi essentiel), le Poumon abrite le po (âme végétative, suppléant du qi essentiel), le Foie abrite le hun (âme spirituelle, conseiller du shen)…  » (Su Wen). De ce fait les causes internes opèrent sur l’homme. Il s’agit des perturbations psychiques, c’est à dire les shen ou zang ou entités viscérales, âmes végétatives ou même âmes viscérales selon les auteurs : colère (hun), joie ( shen), soucis (yi), tristesse (po), peur (zhi). Ainsi le stress, les soucis, le surmenage vont décompenser le mouvement de la Terre (Rate-Pancréas – Estomac) entraînant un vide de yin de Rate-Pancréas et un Feu d’Estomac ou une plénitude de yang de Rate-pancréas. Cet excès de yang va tarir le yin de Rate-Pancréas. Le sujet ne trouve pas le repos ; il est préoccupé, soucieux, témoignage d’un trouble du yi et d’un épuisement du Sang (xue).

D’où l’intérêt d’agir aussi sur les shen.

Enfin pour terminer, un cas clinique. J’ai traité en mars 2000 un homme atteint d’un psoriasis depuis 20 ans, évoluant par poussée, de type psoriasis eau-humidité, avec vide de yin de Rate-Pancréas, un shen et un zhi perturbés. J’ai traité les 5 âmes viscérales et rééquilibré le Sang et la Rate-Pancréas, sans me préoccuper d’un traitement local. Le résultat ne s’est pas fait attendre. En 4 séances, sa peau est revenue quasi normale. Et depuis mars, il n’a plus eu de poussée. Je l’ai vu la dernière fois fin juillet, et toujours en rémission complète. Cela ne lui était jamais arrivé. Ceci pour dire que traiter les âmes viscérales me parait aussi important que rééquilibrer par exemple une atteinte du Sang.

Stéphan JM. Psoriasis. Acupuncture & Moxibustion. 2002;1(3-4),98-9

 Le traitement des rides en acupuncture esthétique 

Bain recouvert de boue noire dans la Mer Morte – Jordanie
Bain recouvert de boue noire dans la Mer Morte – Jordanie

Madame I.S., infirmière dans un centre hospitalier de la région parisienne, vient de « subir » trois séances d’acupuncture sur le visage pour traiter ses rides. Elle va en toute confiance chez ce médecin généraliste qui pratique l’acupuncture (séance de 30 mn sur deux patientes groupées dans des cabines pendant qu’une troisième consultation est réalisée en médecine générale).

«  Après des renseignements d’ordre administratif, mais aucun sur mes antécédents médicaux, la séance commence. Je me suis d’emblée étonnée de l’absence de passage d’un produit antiseptique sur ma peau avant la séance. Pas de commentaire particulier. Ce médecin m’a remis les aiguilles dans un tube à essai pour les rapporter à la séance suivante. Seconde séance : même technique avec encore plus d’aiguilles…une quarantaine environ !! (figure 1) Et une douleur qui m’a fait monter les larmes aux yeux. Les aiguilles sont déposées dans un plateau et « arrosées » d’alcool à 70° pendant une minute à peine…Je repars ensanglantée…

Je constate le lendemain l’apparition d’hématomes très importants sur le visage.

3e séance idem, où elle m’a semblée contrariée car je lui ai reformulé mon étonnement sur le manque de désinfection cutanée sans oser évoquer davantage le problème du manque d’hygiène.

J’ai néanmoins abordé le fait que les aiguilles pouvaient s’émousser à la longue, ce qui pouvait expliquer la douleur.  Le soir,  je me sens ridicule d’avoir toléré cela. J’ai deux énormes hématomes sur le visage (figure 2). Je suis scandalisée, mon entourage médical l’était tout autant et me conseille même de la dénoncer au Conseil de l’Ordre des Médecins. Il est vrai que de telles pratiques dans mon hôpital seraient tout de suite signalées ».

Figure 1. Près de 40 aiguilles.

Figure 2. Les deux hématomes sur la joue. 

Ce cas clinique très parlant objective des fautes à ne pas commettre et aborde la problématique de l’acupuncture esthétique. 

L’hygiène au cabinet médical

Plusieurs problèmes sont évoqués : le consentement éclairé, la désinfection de la peau, les aiguilles.

Tout d’abord avant tout traitement, le praticien a l’obligation d’informer son patient des risques des actes médicaux et lui fournir tous les éléments qui lui permettent d’accepter ou de refuser les actes à visée thérapeutique [[1]] et encore plus quand il s’agit comme ici d’actes esthétiques. L’information orale est considérée comme primordiale. Il est aussi nécessaire de donner un formulaire de consentement sans bien sûr faire l’impasse sur son explication. Le défaut d’information est une faute ! La loi du 4 mars 2002, appelée encore loi Kouchner précise ainsi qu’« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment » [[2]].

Dans ce cas clinique, il semble que le simple interrogatoire médical ait été ignoré ; pas d’explications sur le traitement ; refus d’explication aussi sur les risques encourus.

L’interrogatoire est pourtant important, de façon à ce que le praticien n’ignore pas une maladie hémorragique, la prise d’anticoagulants ou d’antiagrégants plaquettaires, un diabète éventuel, une maladie des valves cardiaques, bref de façon à éviter tout risque infectieux pour les patients et les professionnels. Les treize recommandations de bonnes pratiques médicales que nous avions annoncées en 2008 [[3]] ont été acceptées et reprises entièrement par le Collège Français d’Acupuncture et de MTC, et surtout font partie intégrante des recommandations diffusées par la Haute Autorité de Santé (HAS) et diffusées à tous les médecins de France, qu’ils soient acupuncteurs ou pas [[4]]. De ce fait, il est inacceptable que ce praticien continue à utiliser des aiguilles « individuelles » qui ne sont pas à usage unique. L’on peut même s’interroger, du fait que les aiguilles semblent émoussées, si les aiguilles utilisées ne sont pas effectivement des aiguilles à usage unique réutilisées, ce qui va à l’encontre de toutes les recommandations. Je ne m’attarderai pas sur l’élimination de ces dispositifs piquants que ce praticien semble totalement ignorer ! 

Les effets secondaires

Les petits saignements et les hématomes peuvent se produire après acupuncture. On retrouve cela dans environ 3% des cas. Le risque est d’autant plus grand que l’on met beaucoup d’aiguilles. Cependant même si ces incidents sont souvent mineurs et toujours transitoires, il apparait qu’ils peuvent être source de désagréments importants pouvant nécessiter un arrêt de travail, surtout pour des personnes exerçant en contact avec le public. Le coût n’est pas négligeable pour la société. Encore un fois une simple information du patient avant tout acte médical paraît absolument nécessaire. 

Problématique de l’acupuncture esthétique

D’après une étude de 2005 [[5]], le comblement des rides représenterait de 30 à 50 % de l’activité esthétique des dermatologues français car le vieillissement semble être de moins en moins accepté dans notre société occidentale.

D’ailleurs en naviguant sur Internet, on peut voir fleurir ici et là des annonces spectaculaires vous annonçant comment faire un lifting sans passer par la chirurgie ou par les injections de produits de comblement (collagène, acide hyaluronique etc..). Les réactions indésirables des produits dégradables, généralement dues à des mécanismes immunologiques, de type œdème, granulomes, nodules, sont souvent transitoires mais peuvent parfois persister quelques semaines. Par contre, les produits non dégradables, comme les hydrogels acryliques, alkylimide ou dimethylsiloxane, peuvent entrainer des granulomes définitifs.

De fait, nombreux sont les patients qui se tournent vers l’acupuncture, réputée plus sûre.

Ces actes sont réalisés par des acupuncteurs qui prétendent utiliser des aiguilles en or (en fait souvent juste « plaquées or ») ou de simples aiguilles en acier inoxydable comme dans ce cas et qui font payer très cher des actes controversés d’un point de vue efficacité.

Pourquoi et sur quelles bases scientifiques reposent ces techniques ?

On sait que l’acupuncture agit par l’intermédiaire de la mécanotransduction au niveau du tissu conjonctif [[6],[7]]. Puncturer des ridules voire des rides pourrait entraîner théoriquement une réaction du tissu conjonctif avec stimulation des fibroblastes engendrant une synthèse du collagène et des fibres élastiques. La microcirculation serait également activée.

Cela provoque donc localement une vasodilatation avec une action trophique par augmentation du flux sanguin, et, également une action anti-inflammatoire et antalgique. L’acupuncture accélère par exemple de manière significative la régénération de la peau dans les brûlures de second degré par rapport au classique pansement hydrocolloïde chez la souris [[8]], mais aussi aide dans la cicatrisation de certaines plaies comme les escarres [[9]] ou les ulcères cutanés [[10]]. Par contre, l’efficacité sur une peau considérée saine n’est pas prouvée. En effet, les rides ne correspondent pas à une maladie au sens propre du terme. Il s’agit d’un processus physiologique plurifactoriel à la fois intrinsèque (ou chronologique génétiquement déterminé) et extrinsèque héliodermique, lié à l’action néfaste des rayons ultraviolets.

Pourtant, une étude d’acupuncture expérimentale parue en  2008 [[11]] montre que l’acupuncture anti-âge entraînerait une augmentation de la teneur en hydroxyproline et du collagène soluble… Mais ceci ne concerne que la peau du rat et non celle de l’homme. Est ce suffisant pour transposer ces résultats obtenus chez l’animal à une possible efficacité chez l’homme ?

Il est d’ailleurs bien malaisé de découvrir des études cliniques parues dans la littérature médicale scientifique internationale fournissant des preuves formelles.

Tout au plus, retrouve-t-on  l’étude de Schnitzler et Adrien paru en 1991 dans la revue française de gynéco obstétrique [[12]]. Elle objective que l’électroacupuncture (et non l’acupuncture) montre des améliorations consistantes dans environ 70% des cas après dix à quinze séances et maintenues par des séances de rappel périodiques. Mais cette étude subjective est bien imparfaite d’un point de vue méthodologique et il est difficile de s’y fier surtout en ce qui concerne l’acupuncture manuelle. De plus les méthodes scientifiques d’exploration et d’évaluation de la surface cutanée à partir de l’analyse de l’anisotropie et d’information en 3D qui permettent de quantifier une ride et d’évaluer les effets réels d’un traitement antirides sont assez récentes.

En conclusion, il apparait que le traitement antirides par acupuncture doit encore faire l’objet de recherche pour prouver sa réelle efficacité.

Nous sommes donc toujours en attente d’un essai contrôlé randomisé (ECR) en double aveugle et contre placebo. Le problème, c’est que l’on risque d’attendre longtemps, car, jusqu’à présent le méta-registre d’essais cliniques contrôlés (mRCT) ne comporte aucun ECR de grande puissance sur ce sujet [[13]].

Note : je remercie Madame I.S. d’avoir accepté de témoigner et d’avoir accepté la publication des photos.

Références

[1]. Rouxeville Y, Nguyen J. Information du patient et consentement éclairé en acupuncture. Acupuncture & Moxibustion. 2003;2(3):153-5.

[2]. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Available from :URL:http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=E2C6AF0F427389ECA418BB4307239596.tpdjo08v_3?cidTexte=JORFTEXT000000227015&idArticle=&dateTexte=20090604

[3]. Stéphan JM et Nguyen J. 13 recommandations des bonnes pratiques médicales. Acupuncture & Moxibustion. 2008;7(1):49-51.

[4]. HAS. Hygiène et prévention du risque infectieux en cabinet médical ou paramédical. France; Juin 2007. Available from : URL: http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_607182/hygiene-et-prevention-du-risque-infectieux-en-cabinet-medical-ou-paramedical.  

[5]. Crickx B. Derme et vieillissement. Avant-propos. Ann Dermatol Venereol. 2008 Jan;135(1 Pt 2):1S3-4.

[6]. Stéphan JM. Acupuncture, tissu conjonctif et mécanotransduction. Acupuncture & Moxibustion. 2006 ;5(4):362-367.

[7]. Fung PC. Probing the mystery of Chinese medicine meridian channels with special emphasis on the connective tissue interstitial fluid system, mechanotransduction, cells durotaxis and mast cell degranulation. Chin Med. 2009 May 29;4:10.

[8]. Lee JA, Jeong HJ, Park HJ, Jeon S, Hong SU. Acupuncture accelerates wound healing in burn-injured mice. Burns. 2011 Feb;37(1):117-25.

[9]. Mingam-Gourhant M. Aiguilles chinoises et cicatrisation. Méridiens. 1999;112:101-10.

[10]. Que HF, Wang YF, Xing J, Zhang Z, Xu JN. [Applying collateral disease theory to treat chronic dermal ulcer]. Zhong Xi Yi Jie He Xue Bao. 2008 Oct;6(10):995-9.

[11]. Lu Y. [Effects of « surrounding needling » on hydroxyproline content and ultrastructures in the dermis of aged rats]. Zhongguo Zhen Jiu. 2008 Jan;28(1):61-4.

[12] . Schnitzler L, Adrien A. [Cutaneous electric stimulation in aging. Electroacupuncture of wrinkles following the procedure of Ph. Simonin]. Rev Fr Gynecol Obstet. 1991 Jun;86(6):461-6.

[13]. metaRegister of Controlled Trials. www.controlled-trials.com/mrct/search.html (2012 february 9), date last accessed). 

Stéphan JM. Le traitement des rides en acupuncture esthétique. Acupuncture & Moxibustion. 2012;11(1):54-56.

Acupuncture, psoriasis et insuffisance surrénalienne

Bain recouvert de boue noire dans la Mer Morte – Jordanie
Bain recouvert de boue noire dans la Mer Morte – Jordanie

Résumé : Introduction. Le psoriasis est une maladie inflammatoire multifactorielle de la peau. Outre une prédisposition génétique, les facteurs psychologiques, tels que les chocs affectifs, stress, etc., interviennent par l’intermédiaire d’une sécrétion accrue de neuromédiateurs et d’hormones surrénaliennes, comme le cortisol.  L’objectif de ce travail est de savoir si l’acupuncture et techniques associées (électroacupuncture, moxibustion, neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture (TEAS) peuvent améliorer la qualité de vie voire guérir les patients atteints de psoriasis sans entraîner d’effets indésirables comme une insuffisance surrénalienne. Cette étude fait suite à la plainte d’un patient traité pendant deux ans et qui se découvre une insuffisance surrénale concomitante à l’arrêt de l’acupuncture. Méthodes. A partir de ce cas clinique de psoriasis en gouttes étendu ayant bénéficié d’un traitement corticoïde à la fois sous forme topique que per os pendant vingt ans, la discussion établira un état des lieux des essais comparatifs randomisés (ECR) et des méta-analyses des traitements par acupuncture et techniques associées. L’acupuncture expérimentale est abordée également, permettant de mieux appréhender les mécanismes neurophysiologiques de l’action de l’acupuncture sur l’axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien et la sécrétion de cortisol. Résultats. L’utilisation de l’acupuncture et techniques associées potentialise les effets du traitement usuel de dermocorticoïdes mais sans entraîner comme ceux-ci une éventuelle insuffisance surrénale souvent en rapport avec des doses et des durées de traitement non recommandées en pratique courante. Grâce à l’acupuncture, on observe dans la majorité des cas une diminution de la concentration plasmatique du cortisol au préalable élevée et qui sera, de ce fait, régulée de manière cybernétique. Conclusion. Selon les preuves issues des ECR et des études expérimentales, l’acupuncture et techniques associées doivent rejoindre le panel de soins du psoriasis et s’intégrer dans le cadre de la médecine intégrative. On ne peut que la recommander avec un grade C de faible niveau de preuve scientifique selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé française (HAS). Mots clés : Acupuncture – Électroacupuncture – Dermatologie – Psoriasis – Insuffisance surrénalienne – Cortisol – Mécanismes neurophysiologiques – Axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien.

SummaryIntroduction. Psoriasis is a multifactorial inflammatory disease of the skin. In addition to a genetic predisposition, psychological factors, such as affective shocks, stress, etc., are mediated through increased secretion of neurotransmitters and adrenal hormones, such as cortisol. The objective of this work is to know whether acupuncture and related techniques (electroacupuncture, moxibustion, transcutaneous electrical neurostimulation applied to acupuncture points (TEAS) can improve the quality of life and even cure patients with psoriasis without causing adverse effects such as adrenal insufficiency. This study follows the complaint of a patient treated for two years and discovers adrenal insufficiency concomitant with the cessation of acupuncture. Methods: From this clinical case of extended-droplet psoriasis treated with topical corticosteroid treatment for 20 years, the discussion will establish an inventory of randomized controlled trials (RCTs) and meta-analyzes acupuncture treatments and associated techniques. Experimental acupuncture is also discussed, allowing better understanding of the neurophysiological mechanisms of the action of acupuncture on the hypotalamo-pituitary-adrenal axis and cortisol secretion. Results. The use of acupuncture and associated techniques potentiates the effects of the usual treatment of dermocorticoids but with no risk of potential side effect of adrenal insufficiency often related to doses and duration of treatment not recommended in current practice. By virtue of acupuncture, in the majority of cases, a reduction in the plasma concentration of the pre-high cortisol is observed and will, therefore, be regulated cybernetically. Conclusion. According to evidence from RCTs and experimental studies, acupuncture and associated techniques must join the psoriasis care panel and integrate within the framework of integrative medicine. One can only recommend it with a grade B scientific presumption of level 2 of evidence according to the recommendations of the High Authority of French Health (HAS). Keywords: Acupuncture – Electroacupuncture – Dermatology – Psoriasis – Adrenal insufficiency – Cortisol – Neurophysiological mechanisms – Hypotalamo-hypophyso-adrenal axis.

Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique de la peau se manifestant par des plaques rouges présentant des squames. La maladie est le plus souvent bénigne, 20% des cas sont des formes sévères qui associent atteinte généralisée et/ou douleurs articulaires.

Le psoriasis en plaques a pour lésion typique une plaque érythémato-squameuse. La taille des lésions est variable allant de lésions simples arrondies, nummulaires de un à plusieurs centimètres de diamètre (psoriasis en gouttes), à de véritables plaques étendues (psoriasis en plaques). Les lésions sont habituellement nombreuses dans le psoriasis en gouttes, alors que dans le psoriasis en plaques, on peut voir aussi bien une plaque isolée ou au contraire de multiples lésions étendues. Les zones les plus fréquemment atteintes sont les zones exposées aux frottements : coudes et bord externe de l’avant-bras, genoux, région lombo-sacrée, cuir chevelu et ongles. Ces lésions sont prurigineuses lors des poussées dans 20 à 30 % des cas.

Rappels : facteurs étiologiques, physiopathologie et principes du traitement

 Facteurs étiologiques 

Le psoriasis est une maladie inflammatoire multifactorielle de la peau qui touche environ 2% de la population française. Dans 30% des cas, il existe une prédisposition génétique qui correspond à des formes familiales. Plusieurs variants génétiques associés à la maladie sont très majoritairement situés au niveau de gènes impliqués dans l’immunité, codant le système Human Leukocyte Antigen (HLA), les lymphocytes T ou encore les interleukines 17 et 22 agissant dans l’inflammation de la peau. Ces variants sont nombreux et seule l’association de plusieurs d’entre eux est associée au psoriasis. Aucune mutation ne peut déclencher la maladie à elle seule. Ainsi, lorsque l’affection survient durant l’enfance, elle est fréquemment liée aux antigènes d’histocompatibilité HLA Cw6 et DR7. Ce terrain génétique augmenterait la sensibilité du système immunitaire, en abaissant le seuil de déclenchement de l’inflammation face à des facteurs d’environnement (stress, infection, frottements, traumatisme, des modifications climatiques, consommation d’alcool, tabac ou encore la prise de médicaments comme les sels de lithium, bêta-bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, etc. Le rôle des facteurs psychologiques, tels que les chocs affectifs, les traumatismes affectifs est également bien connu. Les stress psychologiques agiraient par l’intermédiaire d’une sécrétion accrue de neuromédiateurs et d’hormones surrénaliennes, comme le cortisol. 

Physiopathologie 

Un dérèglement immunitaire, entraînant une inflammation chronique et exagérée de la peau et une surproduction de kératinocytes est à l’origine de la maladie. Des cellules immunitaires (lymphocytes T activés et polynucléaires neutrophiles) se retrouvent dans la peau et y produisent des molécules inflammatoires (cytokines Il-17, Il-22, TNF-alpha qui agit sur la synthèse de l’IL-8, et autres substances). Ces dernières stimulent la prolifération des kératinocytes. Le délai de renouvellement de ces cellules, normalement de trois semaines, passe alors à trois jours. Il en résulte une accumulation des kératinocytes immatures à la surface de la peau, augmentant l’épaisseur de la couche externe engendrant l’hyperkératose. 

Principes du traitement 

Tous les traitements ont pour seul objectif de réduire les symptômes et d’améliorer la qualité de vie du malade. Aucune thérapeutique n’est à l’heure actuelle capable d’engendrer une guérison complète du psoriasis.

Les médicaments de première intention sont des pommades anti-inflammatoires, les dermocorticoïdes (bétaméthasone, clobétasol, fluticasone, hydrocortisone, etc.) ou les analogues de la vitamine D (calcipotriol, tacalcitol, calcitriol). Les kératolytiques (acide salicylique à la concentration de 2 à 5 % dans un excipient gras, urée à 10 ou 20 %) sont utiles dans les lésions très kératosiques ; des dérivés de la vitamine A (tazarotène) sont efficaces mais ont un effet irritatif important. Les bains et les émollients permettent également de décaper les lésions.

Quand le psoriasis est étendu au-delà de 20 à 30% de la surface corporelle, un traitement par voie orale (acitrétine – analogue aromatique de synthèse de l’acide rétinoïque, méthotrexate, ciclosporine…) ou par exposition aux ultraviolets sous contrôle dermatologique (puvathérapie) est indiqué, avec une efficacité d’environ 50%.

Si le psoriasis résiste à au moins deux de ces traitements, le dernier recours est la biothérapie qui offre le plus souvent des résultats remarquables sur les psoriasis résistants et les rhumatismes psoriasiques. Elle consiste en l’injection d’anticorps monoclonaux, les anti-TNF (étanercept, infliximab, adalimunab, golimumab, certolizumab pegol) qui ciblent spécifiquement un médiateur de l’inflammation (TNF-alpha). Avec ces traitements, plus de deux tiers des patients obtiennent la rémission de plus de 75% de leurs symptômes.

Les traitements disponibles peuvent être améliorés, notamment en ce qui concerne leur efficacité chez certains patients, et leur sécurité. Ainsi, les biothérapies ne sont pas dénuées d’effets indésirables, avec notamment un risque infectieux en raison de la dépression du système immunitaire qu’elles induisent. En outre, en cas d’arrêt, le psoriasis revient en général après quelques semaines.

Deux inhibiteurs des interleukines peuvent être aussi utilisés dans le psoriasis résistant : un anticorps monoclonal anti Il-17 (secukinumab) et un anticorps monoclonal anti Il-12 et IL-23 (ustékinumab). Autre médicament d’exception, l’immunosuppresseur (apremilast) qui inhibe l’enzyme phosphodiestérase-4 nécessaire au bon fonctionnement des lymphocytes T est en attente d’évaluation à long terme [1-4]. Quoi qu’il en soit, tous ces traitements généraux, utilisés exceptionnellement, doivent faire l’objet d’une surveillance particulière.

Cas clinique

Un médecin a traité par acupuncture pendant deux ans un patient présentant un psoriasis en gouttes étendu. La première consultation survient après une longue période de vingt ans de corticothérapie percutanée et orale.  Le patient âgé de 41 ans, aux antécédents d’intoxication alcoolo-tabagique sevré depuis 2005, 1m70, 66 kg (indice de masse corporelle : 22,8) se plaint également de troubles de l’humeur.

Dans les mois précédents cette première consultation, le patient avait été victime d’un accident de la voie publique justifiant six mois d’arrêt de travail en raison d’une fracture du bras nécessitant une intervention chirurgicale suivie d’une complication infectieuse à staphylocoque. Cet accident avait élevé considérablement son niveau de stress et aggravé l’étendue de son psoriasis.

Seule une élévation de son taux de cholestérol et triglycérides avait été signalée par le patient comme justifiant pour lui son recours à l’acupuncture. Dès le début du traitement, il avait présenté des signes d’hypercorticisme non spécifiques qui nécessitaient par ailleurs, d’être suivi régulièrement par un médecin généraliste, un dermatologue, un phlébologue et un psychiatre.

Sur la base de ce tableau clinique, le patient avait été traité par acupuncture dans le but de réduire essentiellement son stress et d’agir sur le psoriasis avec une fréquence d’une séance en moyenne par quinzaine au début du traitement, puis, une par semaine, fréquence adaptée en fonction de l’évolution du psoriasis et des ressentis tels que sueurs, sensation de chaleur, nervosité, etc.

Le traitement a consisté à harmoniser généralement le couple Foie, Vésicule Biliaire, calmer le shen et réguler le Poumon. Le traitement le plus couramment appliqué : VB24 (rihu), RM14 (juque), DM24 (shenting), V2 (zanzhu), P5 (chize), P9 (taiyuan).

Les examens biologiques effectués une dizaine de jours après l’interruption des séances d’acupuncture avaient mis en évidence une insuffisance surrénale corticotrope documentée par une concentration plasmatique diminuée du cortisol et de l’ACTH, le tout associé à de l’ostéoporose.

Problème médico-légal car le patient étant persuadé que l’acupuncture réalisée avait entraîné son insuffisance surrénale, a déposé plainte auprès du Procureur de la République. Confondant aiguilles d’acupuncture et aiguilles sous-cutanées, il soutient que le médecin acupuncteur lui aurait injecté des corticoïdes en lieu et place des séances d’acupuncture. Il se fonde notamment sur la présence de nodules sous cutanés et d’hématomes apparus approximativement autour des points d’implantations des aiguilles d’acupuncture, de pétéchies, de rougeurs sur le visage ; et sur le fait de l’amélioration rapide et notable (mais au terme d’un trimestre) pendant plusieurs mois de son psoriasis que l’acupuncture, selon lui, ne pourrait expliquer à elle-seule. Il se plaint également d’un état de dépendance aux séances d’acupuncture et d’un dysfonctionnement érectile consécutif, toujours selon lui, au traitement acupunctural.

Ce qui pose la problématique suivante :

– peut-on affirmer que l’acupuncture apporte une amélioration notable des signes physiques du psoriasis, notamment en diminuant le niveau de stress ?

– peut-on expliquer que l’action de l’acupuncture sur le stress et par voie de conséquence sur la sécrétion du cortisol (inhibition voire activation de l’axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien) puisse entraîner un épuisement des glandes surrénales. L’insuffisance surrénale révélée postérieurement aux séances d’acupuncture (mais malheureusement, aucun bilan biologique n’a été réalisé antérieurement), viendrait ainsi s’ajouter à vingt années de corticothérapie ?

En résumé, l’acupuncture a-t-elle pu masquer, voire stabiliser ou accentuer un dysfonctionnement préalable au traitement acupunctural ?

 Les preuves de l’efficacité de l’acupuncture

Le premier essai comparatif randomisé (ECR) a été réalisé par l’équipe du Suédois Jerner en 1997 [[5]]. Cinquante-six patients souffrant de longue date de psoriasis en plaques ont été randomisés pour bénéficier deux fois par semaine pendant dix semaines soit d’un traitement actif selon les principes de la médecine traditionnelle chinoise par électroacupuncture (EA à une fréquence de 10-20 Hz pendant 20mn ; n=35) associé à un traitement d’auriculothérapie, soit d’un traitement sans EA, placebo par puncture des points situés à 1cm des points classiques. La sévérité des lésions de la peau a été notée par le score Psoriasis Area and Severity Index (PASI) [[6],[7]] avant, pendant et trois mois après la thérapie. Après dix semaines de traitement, la valeur moyenne du PASI avait diminué de 9,6 à 8,3 dans le groupe «actif» et 9,2 à 6,9 dans le groupe placebo (statistiquement significatif avec p <0,05 dans les deux groupes). Mais ces effets sont inférieurs à l’effet placebo, habituellement d’environ 30%. Pas de différence statistiquement significative entre les résultats des deux groupes au cours et au bout des trois mois de thérapie. Les auteurs concluaient que l’EA n’était donc pas supérieure à l’acupuncture placebo dans le traitement du psoriasis et qu’en tout état de cause aucun des deux traitements n’engendrait une amélioration du PASI supérieure aux 30% habituellement admis par l’effet placebo [[8]].

En 2009, Naldi et al. [[9]], à partir d’une revue systématique de toutes études concernant le traitement du psoriasis confirmaient en ré-analysant l’ECR de Jerner, que l’EA n’était pas plus efficace que l’acupuncture placebo. Mais on peut se poser la question de savoir si c’est bien de l’acupuncture placebo [[10]]. Par ailleurs, on sait que depuis les travaux de Linde et coll. que la différenciation entre effet spécifique de l’acupuncture et effet non-spécifique (placebo) nécessite le recrutement de huit-cents sujets par ECR en double bras pour une puissance de 80% et ceci afin d’obtenir une différence moyenne standardisée (SMD) de 0,2 pour un effet spécifique [[11]]. Cela suggère de ce fait que tous les ECR qui actuellement comparent l’acupuncture véritable à l’acupuncture factice sont tous de petite puissance. Cela peut expliquer aussi pourquoi certains ECR peuvent montrer une acupuncture factice aussi efficace que l’acupuncture véritable voire plus efficace. Quoi qu’il en soit dans cet ECR, ni l’acupuncture réelle, ni celle placebo ne dépasse les 30% d’efficacité.

Par contre, Wu et al. en 2011démontrent dans leur ECR chinois que l’acupuncture associée à la moxibustion est plus efficace que l’acitrétine (20 mg / jour pendant douze semaines). Soixante cas de psoriasis étaient ainsi randomisés dans un groupe acitrétine (A, n=30) et un groupe acu-moxibustion (A-M, n=30). Les principaux points utilisés étaient feishu (V13), geshu (V17), gansu (V18), pishu (V20) et shenshu (V23), combinés avec hegu (GI4), weizhong (V40), etc. en fonction de la partie du corps affectée. La moxibustion a été appliquée sur le shenshu (V23) et sur les zones lésées de la peau pendant environ 3 min à chaque fois. Ce traitement a été réalisé une fois tous les deux jours en continu pendant douze semaines. L’effet thérapeutique a été évalué par le score PASI. Après le traitement, les scores du PASI dans les deux groupes étaient diminués de manière significative (p <0,01) mais PASI significativement inférieur dans le groupe AM par rapport au groupe A (p<0,05) [[12]].

De ce fait, il est difficile d’évaluer l’efficacité des traitements d’acupuncture dans le traitement du psoriasis. Coyle et al. en 2015 [[13]] ont essayé de réaliser une méta-analyse à partir des ECR retrouvés jusqu’en mai 2013 dans les bases de données internationales (PubMed, Embase, Library Cochrane, China National Knowledge Infrastructure CNKI, Wanfang, etc.). Six études (n=522) ont été incluses. Mais, en raison de la diversité des interventions, des comparateurs et des critères de jugements PASI ou pas, la méta-analyse n’a pas été possible. Il existe néanmoins certaines preuves de l’intérêt de l’acupuncture-moxibustion et techniques associées dans le psoriasis. Cependant, les conclusions sont limitées par les deux seuls essais inclus qui concernaient l’acupuncture-moxibustion ou EA [5,12], les autres études traitaient par ventouses, saignées, champs magnétiques ou phytothérapie appliquée sur point d’acupuncture [14-16].

Ainsi un autre ECR de Li et al. publié en 2014 montre l’efficacité dans le psoriasis en rapport avec une stase de Sang selon la différenciation des syndromes bianzheng. Il s’agit d’un ECR (n=56) à quatre bras (n=14) utilisant une thérapie combinant acupuncture appliquée sur dazhui (VG14), feishu (V13), gansu (V18) et geshu (V17), saignée auriculaire, phytothérapie chinoise et techniques de puncture auriculaire. Cet ECR a montré que l’indice de sévérité (PASI) avant et après le traitement est diminué dans chaque groupe traité (p<0,05) versus groupe témoin. Cette diminution est plus importante dans le groupe thérapeutique combinant saignée auriculaire, phytothérapie et acupuncture [[17]]. Encore une fois, les méthodes utilisées sont trop hétérogènes pour être appliquées de manière pragmatique.


 Discussion

Nous sommes toujours en attente de plusieurs ECR de grande qualité méthodologique, de grande puissance respectant les normes STRICTA qui s’appliquent aux ECR d’acupuncture, extension de la norme CONSORT [[18]], de façon à réaliser une méta-analyse réellement applicable à l’acupuncture comme le préconisent Wang et al. afin d’évaluer l’efficacité et la sécurité de l’acupuncture dans le psoriasis [[19]].

Néanmoins, comme le laisse entendre cet auteur croate qui objective une spectaculaire amélioration du psoriasis par acupuncture, il serait regrettable de priver les malades de cette possibilité de traitement [[20]]. Même efficacité aussi dans ce cas clinique s’intéressant essentiellement à traiter les Âmes Viscérales (shen) qui permettent d’inhiber le stress et par voie de conséquence le cortisol [[21]]. Mais si efficacité il y a, il est aussi nécessaire d’évaluer les possibles effets indésirables.

On peut également affirmer que l’acupuncture apporte une amélioration des signes physiques du psoriasis, indépendamment du niveau de stress, même si cela y contribue comme on peut le comprendre par les mécanismes étiologiques et par l’acupuncture expérimentale.


Acupuncture expérimentale concernant la modulation du cortisol chez l’animal et chez l’homme

L’acupuncture peut s’assimiler à une action cybernétique permettant à l’organisme humain de maintenir son homéostasie par des mécanismes d’autorégulation et de rétrocontrôle engendrés par la puncture des points. Ainsi, ces mécanismes par des processus de feedback négatif ou positif visent à empêcher une dérive hors de la norme. De ce fait, en fonction de la pathologie, le point d’acupuncture stimulé pourra engendrer diverses réponses. Le psoriasis est lié à un dérèglement immunitaire entrainant une inflammation chronique et dont les dermocorticoïdes sont utilisés en première intention. Le stress et les facteurs psychologiques ont un rôle de premier plan.  Au cours du stress, on sait que le taux de cortisol sérique augmente significativement ainsi que paradoxalement de nombreuses cytokines pro-inflammatoires (IL-1b , IL-6…). Or, à partir des modèles d’animaux stressés, les travaux d’acupuncture expérimentale ont objectivé en général une diminution du cortisol grâce à l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et adrénergique (HPS) [[22]].

Il est possible aussi d’observer en fonction de la forme du stress une action de l’acupuncture sur le système immunitaire en diminuant par exemple l’activité de l’IL-1b, mais aussi en augmentant l’interleukine 2, généralement diminuée en cas de stress. L’IL-2 joue un rôle important dans la régulation du système immunitaire en assurant la stimulation générale de l’immunité cellulaire [[23]]. On peut alors se poser la question de savoir dans quelle mesure l’acupuncture et les techniques associées qui diminuent la production endogène et naturelle du cortisol à action anti-inflammatoire chez l’homme en cas de stress, pourraient déclencher un effet iatrogène, du style insuffisance surrénale associée à l’ostéoporose.

Effectivement, le cortisol est un glucocorticoïde endogène produit dans la glande surrénale dans des conditions physiologiques de stress. Il est nécessaire à la fonction cellulaire normale, y compris la fonction immunitaire, le métabolisme et le tonus vasculaire. Sa production est régulée par l’hypothalamus. Les sources exogènes de corticostéroïdes peuvent affecter la régulation de l’axe HPS en inhibant les voies en amont impliquées dans la production de cortisol (figure 1). Quid des sources endogènes ?

Figure 1. L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et régulation des corticostéroïdes pouvant entraîner un freinage corticotrope d’autant plus important que la corticothérapie est à forte dose et/ou prolongée dans le temps.

Chez l’homme, les études ont objectivé trois effets de l’acupuncture sur la sécrétion de cortisol, et cela en fonction des différentes conditions ou stress pathologiques. 

L’acupuncture augmente le cortisol

 Hypnotique pur à brève durée d’action, l’étomidate peut être utilisé comme agent inducteur de l’anesthésie générale ou hypnotique unique pour des interventions peu douloureuses de courte durée nécessitant un réveil rapide. Aux doses d’induction, l’étomidate a été associé à un abaissement des concentrations plasmatiques de cortisol et d’aldostérone ne répondant pas à l’injection de l’adrénocorticotrophine (ACTH). Chez les patients soumis à un stress important, particulièrement en cas de dysfonctionnement corticosurrénalien, une supplémentation en cortisol doit être discutée. Une stimulation de la glande surrénale n’est pas utile. Un ECR a permis de montrer que l’EA (fréquence basse en alternance 18/3,85 Hz) sur zusanli (ES36) et sanyinjiao (Rt6) peut atténuer l’inhibition corticale-surrénale induite par l’étomidate et peut réduire aussi la sécrétion de catécholamines pendant la chirurgie. Quatre groupes (n=20 chacun) ont été étudiés : groupe étomidate (ETO), groupe étomidate + électroacupuncture (ETO+EA), groupe étomidate + acupuncture simulée (ETO+SEA) et le groupe propofol (PRO), anesthésique n’inhibant pas la synthèse des hormones cortico-surrénaliennes). On a mesuré les concentrations de cortisol plasmatique avant induction de l’anesthésie (T0), 2 heures après le début de la chirurgie (T1), à la fin de l’intervention chirurgicale (T2) et 2h après l’opération (T3). Ainsi, les concentrations de cortisol étaient significativement plus élevées en tout temps sauf au temps T0 dans le groupe ETO+EA versus groupe ETO (figure 2) [[24]]. Cet ECR confirme ce que l’on avait observé dans des études antérieures qui avaient objectivé une augmentation de la concentration de l’hormone corticotrope (adrénocorticotrope, ACTH) chez l’homme [[25]], chez le rat [[26]] et des niveaux de glucocorticoïdes dans d’autres études d’acupuncture expérimentale chez les rats [[27],[28]]. Bref, tout cela suggère que l’EA peut activer les glandes surrénales pour augmenter la sécrétion de glucocorticoïdes, conduisant à la suppression des réponses inflammatoires.

Figure 2. Comparaison des concentrations de cortisol entre les quatre groupes. Les concentrations de cortisol ont augmenté de façon significative en T1, T2 et T3 par rapport aux valeurs de base dans le groupe PRO (^ p<0,001). Au contraire, il a été significativement diminué aux temps T1, T2 et T3 par rapport aux valeurs de base dans le groupe ETO et ETO+SEA (* p<0,01, ^ p<0,001). Notons cependant que les concentrations de cortisol ont seulement diminué au T3 dans le groupe ETO+EA (a p<0,01). En comparaison avec le groupe PRO, les concentrations de cortisol ont diminué de façon significative, à tout moment, sauf T0 dans le groupe ETO, ETO + EA et ETO+SEA (# p <0,001). Néanmoins, par rapport au groupe ETO, les concentrations de cortisol ont augmenté significativement à tout moment, sauf T0 dans le groupe ETO+EA (b p<0,05, c p<0,001). Figure adaptée et traduite selon « Creative Commons Attribution » et issue de [24].

Magarelli et al. ont étudié les variations dans le sérum du cortisol et de la prolactine associées aux séances d’acupuncture chez les femmes bénéficiant d’un traitement d’hyperstimulation ovarienne en vue d’un transfert d’embryon lors d’une fécondation in vitro (FIV). Les taux de cortisol dans le groupe acupuncture étaient significativement (p<0,05) plus élevés lors des jours de traitement comparativement au groupe témoin. Idem pour les taux de prolactine (p<0,034). Et pourtant les auteurs s’attentaient à une diminution de la concentration du cortisol chez ces femmes que l’on pourrait croire anxieuses. Quoi qu’il en soit il apparaît que l’acupuncture a un effet bénéfique sur la régulation du cortisol et de la prolactine permettant une meilleure efficacité de la FIV [[29]].

L’acupuncture diminue le cortisol

L’étude pilote randomisée en simple insu de Painovich et al. (n=33) a permis d’étudier l’efficacité de l’acupuncture traditionnelle dans les troubles vasomoteurs des femmes en ménopause ou périménopause, avec mesures plasmatiques du cortisol urinaire des 24h et de ses métabolites, de la déhydroépiandrostérone (DHEA) et un test de stimulation de l’ACTH. Le traitement a été donné trois fois par semaine pendant une période de douze semaines. Outre le fait de réduire les bouffées vasomotrices versus groupe acupuncture et groupe témoin (p=0,04), les auteurs observent une action sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien avec diminution du cortisol et de ses métabolites (tableau I) [[30]].

Tableau I. Mesures plasmatiques du cortisol urinaire des 24h et de ses métabolites, de la déhydroépiandrostérone (DHEA) Toutes les données sont présentées sous forme de moyenne ± écart-type ; DHEA = sulfate de déhydroépiandrostérone ; Androgènes surrénales = étiocholanolone + androstérone ; a valeur de P pour le test de Kruskal-Wallis. Adapté et traduit selon « Creative Commons Attribution » et issue de [30].  

 Acupuncture traditionnelle (n=12)Acupuncture placebo (n=12)Groupe témoin (n=9)P valuea
Entrée dans l’étude
DHEA47.7 ± 38.7104.0 ± 127.1265.7 ± 551.80.41
F (Cortisol)40.8 ± 17.450.4 ± 32.539.7 ± 16.00.90
Total F métabolites4,907.3 ± 2128.16,923.5 ± 3687.16,507.4 ± 4952.90.35
Androgènes surrénales972.5 ± 626.01,543.7 ± 1,508.41,524.4 ± 1,120.10.41
Sortie d’étude
 DHEA41.4 ± 27.4161.2 ± 222.7252.4 ± 385.40.04
 F (Cortisol)37.3 ± 16.766.2 ± 56.330.4 ± 11.30.05
 Total F métabolites4,658.9 ± 1,670.97,735.8 ± 3,747.95,166.0 ± 2,234.50.03
Androgènes surrénales888.1 ± 614.61,506.1 ± 766.61,219.0 ± 684.30.09

Dans la constipation fonctionnelle qui affecte la qualité de vie, l’électroacupuncture à basse et haute fréquence sur quchi (GI11) et shangjuxu (ES37) durant seize séances réparties sur quatre semaines engendre de manière statistiquement significative (respectivement p<0,01 et 0,05) une diminution de la concentration plasmatique en cortisol par rapport à la ligne de base. Par ailleurs, on objective une amélioration de la fréquence des selles, une diminution à la fois de l’anxiété et de la dépression alors que dans le groupe témoin traité par citrate de mosapride (agoniste des récepteurs 5-HT4 à la sérotonine), la concentration en cortisol augmente significativement (p<0,05) [[31]].

Dans les arthralgies du rachis, Bragin et al. ont montré que l’EA à basse fréquence réduisaient les concentrations plasmatiques du cortisol et de l’aldostérone s’accompagnant d’un effet antalgique [[32]].

De même, dans les gonalgies arthrosiques chroniques, Ahsin et coll. ont comparé les effets de l’EA (3Hz) appliquée tous les jours pendant dix jours [[33]]. Ils ont constaté une amélioration significative des algies à l’index WOMAC (Western Ontario Mc master universities index for osteoarthritis knee)[a] et sur l’échelle visuelle analogique (p=0,001), mais aussi une augmentation significative de la β-endorphine plasmatique (p=0,001) et une baisse significative du cortisol plasmatique (p=0,016). Dans cet ECR (n=84) avec stimulation des points locaux et à distance liangqiu (ES34), dubai (ES35), zusanli (ES36), ququan (F8), xuehai (Rt10), neiting (ES44), la concentration de cortisol plasmatique a été significativement réduite dans le groupe d’électroacupuncture alors que dans le groupe témoin, elle était augmentée. Les auteurs expliquaient cet effet par l’hypothèse que la baisse était plutôt le reflet d’une réduction du stress de la douleur et qu’il ne pouvait pas avoir dans ce cas une augmentation du cortisol, agent anti-inflammatoire. Dans le groupe placebo, l’augmentation du cortisol plasmatique après dix jours de traitement pourrait être liée à l’action du stress en raison d’une inefficacité du traitement.

L’ECR de Wu et al. (n=40) a étudié l’effet de la neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture (TEAS = transcutaneous electrical acupoint stimulation) sur le stress chez des patients ayant été perfusés par propofol lors d’une chirurgie cérébrale. On sait que le propofol n’engendre aucune interaction avec le cortisol. Les auteurs constatent que le TEAS réduit le stress de manière significative versus groupe témoin en stabilisant l’amplitude de la variation de la concentration en cortisol à 60 mn après l’incision céphalique par comparaison au début de la chirurgie (p<0,05), mais aussi de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle et de la concentration en adrénaline [[34]].

De nombreux autres ECR ont démontré une diminution de la concentration du cortisol. Ainsi au cours du stress de l’anesthésie [[35]] ; immédiatement après le transfert d’embryon dans un ECR en double aveugle (n=226) [[36]], ou 25 mn avant et 25 mn après le transfert de l’embryon dans un ECR également en double aveugle (n=370) [[37]] (mais dans ces deux ECR, on ne retrouve pas de différence significative entre les deux groupes acupuncture et placebo) ; dans l’état dépressif traité par EA (80/100 Hz) sur baihui (VG20) et yintang, action statistiquement significative (p<0,01) [[38]]. Dans le syndrome du côlon irritable, l’ECR de Schneider et coll. réalisé en 2007 avec utilisation des aiguilles placebo de type Streitberger montre outre l’amélioration de la qualité de vie, une diminution statiquement significative (p=0,005) du cortisol salivaire [[39]]. Même diminution du cortisol salivaire lors de la stimulation du GI4 (hegu), ES36, ES6 (jiache), P6 (kongzui) quatre heures avant l’épreuve chez des footballeuses professionnelles durant la période de compétition [[40]]. L’acupuncture, en préopératoire va réduire les douleurs post-opératoires (p<0,05) tout en réduisant la concentration en cortisone plasmatique entre 30 et 50% dans le groupe acupuncture (p<0,01) [[41]].

L’acupuncture n’objective aucune variation

Mesurés avant, pendant et après stimulation du GI4 et Rt6 (sanyinjiao), points sélectionnés en vue de diminuer les douleurs et la durée du travail chez la femme enceinte, les concentrations en cortisol ne varient pas [[42]] alors que ce paramètre est habituellement augmenté lors du travail en raison du stress [[43]]. A la maternité de Kayseri en Turquie, Mucuk et al. ont également étudié la variation de la concentration de l’ACTH et du cortisol plasmatique dans un groupe traité par TEAS (5/10 Hz ; 20 mn) sur le GI4 (hegu) versus groupe témoin sans traitement d’EA. Ils ont objectivé une diminution de ces deux concentrations, mais diminution non statistiquement significative [[44]].

Même chose, pas de variation du cortisol salivaire après acupuncture dans un ECR (n=151) évaluant son efficacité sur le système nerveux autonome par mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque chez des patients coronariens [[45]]. L’EA (2Hz) appliquée chez des patients facilite l’anesthésie sous sevoflurane dans cet ECR (n=55) versus groupe témoin. On retrouve une augmentation statistiquement significative (p<0,05) de l’adrénaline, possible reflet de l’activation sympathique mais pas de changement du taux de cortisol [[46]]. D’autres ECR en fonction de diverses pathologies ne montrent pas de variation du taux de cortisol : dans le stress émotionnel lié à une dysphonie phono-traumatique chez la femme [[47]], lors d’une analgésie electroacupuncturale en vue d’une colononoscopie [[48]], mais aussi tout simplement chez le sujet sain par puncture de ES36, GI11, Rt10 et VG14 [[49]].


Discussion

Il ressort de tous ces ECR que l’organisme humain en réponse à l’acupuncture et techniques associées offre une variabilité et une modulation très importante de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. En général, les études cliniques sur l’homme autant que sur l’animal montrent la plupart du temps une diminution statistiquement significative de la sécrétion du cortisol en cas de stress, même en cas d’algies où une augmentation du cortisol pourrait engendrer un effet antalgique par son action anti-inflammatoire [33]. Nous l’avons vu, le stress est partie intégrante du psoriasis, mais le traitement acupunctural n’intervient pas systématiquement dessus. Et la diminution du cortisol que l’on peut observer n’est pas toujours au rendez-vous, comme l’attestent de nombreux ECR où l’acupuncture est utilisée pour limiter le stress et l’anxiété [24,29,44,45,46, 47,48].

Quoi qu’il en soit, aucune étude n’a démontré un quelconque épuisement des glandes surrénales. Il faut remarquer toutefois que l’ECR le plus long a duré trois mois [30] mais à raison de trois séances par semaine, ce qui correspondrait entre neuf mois à dix-huit mois de traitement en France (il est habituel de faire une séance par semaine pendant trois à quatre semaines puis d’espacer à deux puis quatre semaines d’intervalle.

En conclusion dans le cas préalablement décrit, il serait plus judicieux de s’orienter vers les effets iatrogènes liés à la corticothérapie orale ou cutanée pour expliquer l’épuisement des glandes surrénales dans ce cas clinique.


 Les effets iatrogènes de la corticothérapie orale ou cutanée

Le cortisol est un glucocorticoïde endogène produit dans la glande surrénale dans des conditions physiologiques de stress (comme par exemple une infection, une lésion tissulaire). Sa production est régulée par l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien (HPS). Les sources exogènes de corticostéroïdes peuvent affecter la régulation de l’axe HPS en inhibant les voies en amont impliquées dans la production de cortisol (voir figure 1).

Comme le psoriasis est une maladie chronique, les dermocorticoïdes (DC) sont habituellement utilisés pendant de longues périodes de temps, souvent au-delà des recommandations contenues dans l’information sur la prescription. Leur utilisation en usage chronique peut entraîner des effets secondaires similaires à ceux des corticostéroïdes systémiques tels que troubles endocriniens et métaboliques (syndrome de Cushing iatrogène, inertie de la sécrétion d’ACTH, atrophie cortico-surrénalienne parfois définitive, diminution de la tolérance au glucose, révélation d’un diabète latent). On pourra aussi retrouver des troubles musculo-squelettiques (atrophie musculaire, ostéoporose, fractures pathologiques, en particulier tassements vertébraux, ostéonécrose aseptique des têtes fémorales), mais aussi des troubles digestifs, des troubles cutanés (atrophie cutanée, acné, purpura, ecchymose, hypertrichose, retard de cicatrisation), des troubles neuropsychiques (euphorie, insomnie, excitation mais aussi plus rarement : accès d’allure maniaque, états confusionnels et état dépressif à l’arrêt du traitement), troubles oculaires (glaucome et cataracte). Enfin on n’oubliera pas tous les désordres hydro-électrolytiques tels que l’hypokaliémie, rétention hydrosodée, hypertension artérielle, etc. Bref, tous ces effets secondaires sont bien connus et très bien documentés [[50]].

Les patients utilisant les DC ne sont pas systématiquement dépistés en ce qui concerne l’insuffisance surrénalienne. Cependant, des études ont démontré que cette insuffisance peut se produire dès la première semaine suivant l’utilisation du DC. 19% des sujets utilisant un DC de très grande puissance sur plus de 20% de la surface corporelle peuvent déclencher ce déficit de l’axe HPS. La méthode la plus courante pour diagnostiquer la déplétion surrénalienne est le test de stimulation à la cosyntropine (hormone corticotrope synthétique). La suppression surrénalienne est confirmée si le niveau de cortisol post-ACTH synthétique est inférieur à 18 mcg/dL. Lam et al. ont ainsi démontré par une étude rétrospective chez les sujets atteints de psoriasis modéré à sévère affectant 16 à 20% de la surface corporelle totale (SCT) que l’utilisation d’un DC de forte puissance avaient un niveau plus bas de cortisol post-cosyntropine 18,83 mcg/dL) que ceux ayant un psoriasis modéré impliquant 10 à 15% de la SCT totale et utilisant un DC de puissance inférieure au criblage (p=0,03).  Néanmoins, les deux groupes de sujets présentaient des niveaux inférieurs de cortisol post-cosyntropine par rapport aux adultes sains normaux (P <0,001 pour les deux). Les auteurs concluaient à la vigilance concernant l’utilisation chronique de ces topiques [[51]].

Une revue systématique de Castella et al. réalisée entre 1980 et janvier 2011 a eu pour but d’évaluer le risque de déplétion de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPS) et le risque d’atrophie cutanée par des dermocorticostéroïdes dans le traitement du psoriasis en plaques. Au total, 1269 références ont été trouvées, dont vingt-deux ECR ont été sélectionnés. L’effet sur l’axe HPS a été évalué par le taux de cortisol matin (11 études), les stéroïdes urinaires de 24 heures (cinq études) et/ou par le test à la corticostimuline de synthèse (synacthène®) dans trois études. La réduction du cortisol du matin a été observée chez 0-25% des patients dans dix études à court terme (deux dans le psoriasis du cuir chevelu, huit dans le psoriasis de corps) et dans 48% des patients dans des ECR avec traitement à court terme sur le psoriasis en plaques sur le corps. Seulement quatre de ces ECR ont évalué l’effet du traitement à long terme (durée de traitement de 6 mois ou plus) et n’ont pas identifié d’insuffisance de l’HPS au niveau de cortisol. Les auteurs démontraient qu’il n’y avait aucune preuve d’une déplétion cliniquement significative de l’axe de l’HPS due aux dermocorticostéroïdes et que l’analyse de la littérature dans le psoriasis était rassurante. Ils soulignaient néanmoins que la majorité des études étaient à court terme, d’où selon eux, la difficulté à conclure et la nécessité des études sur le long terme. On peut rajouter à cela qu’il existe un conflit d’intérêt majeur car tous les auteurs ont bénéficié d’honoraires de consultant réglés par les plus grands laboratoires pharmaceutiques de dermocorticoïdes [[52]].

Une autre revue plus récente de Levin et al. en 2014, n’objective pas d’insuffisance surrénale dans quinze des seize essais cliniques concernant la prise de topiques corticoïdes pour maladie cutanée. Dans l’unique ECR qui a rapporté une insuffisance surrénale, les patients avaient utilisé deux fois la quantité maximale recommandée de propionate de clobétasol en continu durant plus de dix-huit mois. Les auteurs concluaient néanmoins que si une insuffisance surrénale se produit, les dermocorticostéroïdes sont peu susceptibles d’être associés à des signes ou des symptômes de la suppression d’axe HPS cliniques s’ils sont utilisés dans le cadre des directives de sécurité en vigueur [[53]].

Conclusion

Dans le cas clinique relaté, il est plus qu’invraisemblable que le traitement durant une période de deux ans par acupuncture puisse engendrer une déplétion de cortisol suffisante pour entraîner une insuffisance surrénalienne au contraire de l’application chronique de dermocorticoïdes et de corticoïdes per os pendant vingt années. De manière plus générale, les personnes atteintes de psoriasis se doivent de bénéficier d’un traitement de médecine intégrative associant l’acupuncture à des doses moindres de thérapeutiques conventionnelles agressives susceptibles d’engendrer des effets iatrogènes secondaires en cas d’utilisation à fortes doses ou à utilisation prolongée. L’acupuncture réalisée dans les règles de l’art est sûre et sans effets secondaires. Elle améliorera à la fois la qualité de vie en diminuant l’état de stress mais aussi aura une activité spécifique sur l’inflammation du fait de son action cybernétique. On ne peut que la recommander avec un grade C de faible niveau de preuve scientifique selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé française (HAS) [[54] ] en attendant d’avoir un ECR de très grande qualité méthodologique.  


Notes

[a] . American College of Rheumatology. Western Ontario and McMaster Universities Osteoarthritis Index (WOMAC). À consulter sur le site :  http://www.rheumatology.org/I-Am-A/Rheumatologist/Research/Clinician-Researchers/Western-Ontario-McMaster-Universities-Osteoarthritis-Index-WOMAC.

Protection solaire avec le thanaka – Birmanie
Protection solaire avec le thanaka – Birmanie

Références

[1]. Cedef, Collège National des Enseignants de Dermatologie de France. Université Médicale Virtuelle Francophone. Psoriasis. 2010-2011. [Consulté le 10 décembre 2016]. Available from: URL: http://campus.cerimes.fr/dermatologie/enseignement/dermato_20/site/html/cours.pdf 

[2]. Cofer, Collège Français des Enseignants en Rhumatologie. Université Médicale Virtuelle Francophone. Psoriasis. 2010-2011. [Consulté le 10 décembre 2016]. Available from: URL: http://campus.cerimes.fr/rhumatologie/enseignement/rhumato17/site/html/cours.pdf.

[3]. Bouaziz JB. Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Le psoriasis. Décembre 2014. [Consulté le 8 décembre 2016]. Available from: URL: http://www.inserm.fr/thematiques/physiopathologie-metabolisme-nutrition/dossiers-d-information/psoriasis.

[4]. Association des Collèges des Enseignants d’Immunologie des Universités de Langue française. Université Médicale Virtuelle Francophone. Psoriasis : Diagnostic, évolution, physiopathologie, principes du traitement. 2010-2011. [Consulté le 10 décembre 2016]. Available from: http://campus.cerimes.fr/immunologie/enseignement/immuno_123/site/html/cours.pdf.

[5]. Jerner B, Skogh M, Vahlquist A. A controlled trial of acupuncture in psoriasis: no convincing effect. Acta Derm Venereol. 1997;77(2):154-6.

[6]. Fredriksson T, Pettersson U. Severe psoriasis–oral therapy with a new retinoid. Dermatologica. 1978;157(4):238-44.

[7]. Langley RG, Ellis CN. Evaluating psoriasis with Psoriasis Area and Severity Index, Psoriasis Global Assessment, and Lattice System Physician’s Global Assessment. J Am Acad Dermatol. 2004;51(4):563-9.

[8]. Fabre S. Placebo et effet placebo. Mars 2007.[consulté le 9 décembre 2016]. Available from: URL: http://www.med.univ-montp1.fr/enseignement/cycle_2/Autres-Mod-Oblig/MB4/MB4_ECN_168_Placebo.pdf.  

[9]. Naldi L, Rzany B. Psoriasis (chronic plaque). BMJ Clin Evid. 2009 Jan 9;2009.

[10]. Lund I, Lundeberg T. Are minimal, superficial or sham acupuncture procedures acceptable as inert placebo controls? Acupunct Med. 2006;24(1):13-5. 

[11]. Linde K, Niemann K, Schneider A, Meissner K. How large are the nonspecific effects of acupuncture? A meta-analysis of randomized controlled trials. BMC Med. 2010;8:75. 

[12]. Wu JP, Gu SZ. [Randomized controlled trials for treatment of 30 cases of ordinary psoriasis by acupuncture and moxibustion]. Zhen Ci Yan Jiu. 2011;36(1):62-5.

[13]. Coyle M, Deng J, Zhang AL, Yu J, Guo X, Xue CC, Lu C. Acupuncture therapies for psoriasis vulgaris: a systematic review of randomized controlled trials. Forsch Komplementmed. 2015;22(2):102-9.

[14]. Yin G, Zheng L. Clinical observation in 72 cases of blood-heat type psoriasis patients treated by blood-letting puncture (in Chinese). Xinjiang Journal of Traditional Chinese Medicine 2009; 27: 13–15.

[15]. Cheng L. The clinical efficacy research on resting plaque psoriasis with prick bloodletting (in Chinese). Master thesis, Chengdu University of Traditional Chinese Medicine, 2011.

[16]. Wang D, Chen J. Pingyinhu cream point application on CV8 for psoriasis vulgaris. Journal of External Therapy of Traditional Chinese Medicine 1999; 8: 4.

[17]. Li T, Liu ZY, Yang H, Ma Z, Qu HY, Li Y, Huang HB, Liu J, Li J, Wu JX. [Acupuncture combined with auricle cutting method for blood stasis-type psoriasis: a randomized controlled trial]. Zhongguo Zhen Jiu. 2014;34(5):449-53. 

[18]. MacPherson H, Altman DG, Hammerschlag R, Youping L, Taixiang W, White A, Moher D. STRICTA Revision Group. Revised STandards for Reporting Interventions in Clinical Trials of Acupuncture (STRICTA): extending the CONSORT statement. PLoS Med. 2010;7(6): e1000261. doi: 10.1371/journal.pmed.1000261 

[19]. Wang L, Yang H, Li N, Wang W, Bai Y. Acupuncture for psoriasis: protocol for a systematic review. BMJ Open. 2015 Jun 5;5(6):e007526.

[20].  Mahović D, Mrsić F. Acupuncture as a Complementary Method of Traditional Psoriasis Treatment: Myth or Reality? Acta Dermatovenerol Croat. 2016;24(3):221-2.

[21].Stéphan JM. Psoriasis. Acupuncture & Moxibustion. 2002;1(3-4),98-9.

[22]. Stéphan JM.  Acupuncture expérimentale, stress, axe neuro-endocrinien et système limbique. Acupuncture & Moxibustion. 2005;4(4):340-349.

[23]. Stéphan JM. Acupuncture expérimentale, stress et molécules informationnelles. Acupuncture & Moxibustion. 2006;5(2):162-170.

[24]. Yu JB, Dong SA, Gong LR, Wang M, Mu R, Li C, Zhang Y, Li ZD. Effect of electroacupuncture at Zusanli (ST36) and Sanyinjiao (SP6) acupoints on adrenocortical function in etomidate anesthesia patients. Med Sci Monit. 2014;20:406-12. 

[25]. Malizia E, Andreucci G, Paolucci D, Crescenzi F, Fabbri A, Fraioli F. Electroacupuncture and peripheral beta-endorphin and ACTH levels. Lancet. 1979;2(8141):535-6.

[26]. Pan B, Castro-Lopes JM, Coimbra A. Activation of anterior lobe corticotrophs by electroacupuncture or noxious stimulation in the anaesthetized rat, as shown by colocalization of Fos protein with ACTH and beta-endorphin and increased hormone release. Brain Res Bull. 1996;40(3):175-82. 

[27]. Li A, Zhang RX, Wang Y, Zhang H, Ren K, Berman BM, Tan M, Lao L. Corticosterone mediates electroacupuncture-produced anti-edema in a rat model of inflammation. BMC Complement Altern Med. 2007;7:27.

[28]. Zhang RX, Lao L, Wang X, Fan A, Wang L, Ren K, Berman BM. Electroacupuncture attenuates inflammation in a rat model. J Altern Complement Med. 2005;11(1):135-42.

[29]. Magarelli PC, Cridennda DK, Cohen M. Changes in serum cortisol and prolactin associated with acupuncture during controlled ovarian hyperstimulation in women undergoing in vitro fertilization-embryo transfer treatment. Fertil Steril. 2009;92(6):1870-9.

[30]. Painovich JM, Shufelt CL, Azziz R, Yang Y, Goodarzi MO, Braunstein GD, Karlan BY, Stewart PM, Merz CN. A pilot randomized, single-blind, placebo-controlled trial of traditional acupuncture for vasomotor symptoms and mechanistic pathways of menopause. Menopause. 2012;19(1):54-61.

[31]. Xiong F, Wang Y, Li SQ, Tian M, Zheng CH, Huang GY. Clinical study of electro-acupuncture treatment with different intensities for functional constipation patients. J Huazhong Univ Sci Technolog Med Sci. 2014;34(5):775-81.

[32]. Bragin EO, Malygina SI, Zharova TV, Erygina EG. [Functional changes in the pituitary-adrenal system during the action of electroacupuncture on patients with spinal osteochondrosis]. Vopr Kurortol Fizioter Lech Fiz Kult. 1989;(3):40-4.

[33]. Ahsin S, Saleem S, Bhatti AM, Iles RK, Aslam M. Clinical and endocrinological changes after electro-acupuncture treatment in patients with osteoarthritis of the knee. Pain. 2009;147(1-3):60-6.

[34].  Wu Q, Mo YC, Huang LP, Luo L, Wang JL. [Effect of transcutaneous acupoint electrical stimulation on stress in brain surgery with propofol target controlled infusion general anesthesia]. Zhongguo Zhong Xi Yi Jie He Za Zhi. 2013;33(12):1621-5.

[35]. Harbach H, Moll B, Boedeker RH, Vigelius-Rauch U, Otto H, Muehling J, Hempelmann G, Markart P. Minimal immunoreactive plasma beta-endorphin and decrease of cortisol at standard analgesia or different acupuncture techniques. Eur J Anaesthesiol. 2007;24(4):370-6.

[36]. So EW, Ng EH, Wong YY, Yeung WS, Ho PC. Acupuncture for frozen-thawed embryo transfer cycles: a double-blind randomized controlled trial. Reprod Biomed Online. 2010;20(6):814-21.

[37]. So EW, Ng EH, Wong YY, Lau EY, Yeung WS, Ho PC. A randomized double blind comparison of real and placebo acupuncture in IVF treatment. Hum Reprod. 2009;24(2):341-8.

[38]. Han C, Li X, Luo H, Zhao X, Li X. Clinical study on electro-acupuncture treatment for 30 cases of mental depression. J Tradit Chin Med. 2004;24(3):172-6.

[39]. Schneider A, Weiland C, Enck P, Joos S, Streitberger K, Maser-Gluth C, Zipfel S, Bagheri S, Herzog W, Friederich HC. Neuroendocrinological effects of acupuncture treatment in patients with irritable bowel syndrome. Complement Ther Med. 2007;15(4):255-63.

[40]. Akimoto T, Nakahori C, Aizawa K, Kimura F, Fukubayashi T, Kono I. Acupuncture  and responses of immunologic and endocrine markers during competition. Med Sci Sports Exerc. 2003;35(8):1296-302.

[41]. Kotani N, Hashimoto H, Sato Y, Sessler DI, Yoshioka H, Kitayama M, Yasuda T, Matsuki A. Preoperative intradermal acupuncture reduces postoperative pain, nausea and vomiting, analgesic requirement, and  sympathoadrenal responses. Anesthesiology. 2001;95(2):349-56.

[42]. Asadi N, Maharlouei N, Khalili A, Darabi Y, Davoodi S, Raeisi Shahraki H, Hadianfard M, Jokar A, Vafaei H, Kasraeian M. Effects of LI-4 and SP-6 Acupuncture on Labor Pain, Cortisol Level and Duration of Labor. J Acupunct Meridian Stud. 2015;8(5):249-54.

[43]. Benfield RD, Newton ER, Tanner CJ, Heitkemper MM. Cortisol as a biomarker of stress in term human labor: physiological and methodological issues. Biol Res Nurs. 2014;16(1):64-71. 

[44]. Mucuk S, Baser M, Ozkan T. Effects of noninvasive electroacupuncture on labor pain, adrenocorticotropic hormone, and cortisol. Altern Ther Health Med. 2013;19(3):26-30.

[45]. Mehta PK, Polk DM, Zhang X, Li N, Painovich J, Kothawade K, Kirschner J, Qiao Y, Ma X, Chen YD, Brantman A, Shufelt C, Minissian M, Merz CN. A randomized controlled trial of acupuncture in stable ischemic heart disease patients. Int J Cardiol. 2014;176(2):367-74.

[46]. Kvorning N, Akeson J. Plasma adrenaline increases in anesthetized patients given electro-acupuncture before surgery. Pain Med. 2010;11(7):1126-31.

[47]. Kwong EY, Yiu EM. A preliminary study of the effect of acupuncture on emotional stress in female dysphonic speakers. J Voice. 2010;24(6):719-23.

[48]. Wang HH, Chang YH, Liu DM, Ho YJ. A clinical study on physiological response in electroacupuncture analgesia and meperidine analgesia for colonoscopy. Am J Chin Med. 1997;25(1):13-20.

[49]. Kou W, Bell JD, Gareus I, Pacheco-López G, Goebel MU, Spahn G, Stratmann M, Janssen OE, Schedlowski M, Dobos GJ. Repeated acupuncture treatment affects leukocyte circulation in healthy young male subjects: a randomized single-blind two-period crossover study. Brain Behav Immun. 2005;19(4):318-24.  

[50]. Liu D, Ahmet A, Ward L, et al. A practical guide to the monitoring and management of the complications of systemic corticosteroid therapy. Allergy, Asthma, and Clinical Immunology : Official Journal of the Canadian Society of Allergy and Clinical Immunology. 2013;9(1):30.

[51]. Lam LH, Sugarman JL. Adrenal Suppression With Chronic Topical Corticosteroid Use in Psoriasis Patients. J Drugs Dermatol. 2016;15(8):945-8. 

[52]. Castela E, Archier E, Devaux S, Gallini A, Aractingi S, Cribier B, Jullien D, Aubin F, Bachelez H, Joly P, Le Maître M, Misery L, Richard MA, Paul C, Ortonne JP. Topical corticosteroids in plaque psoriasis: a systematic review of risk of adrenal axis suppression and skin atrophy. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2012;26 Suppl 3:47-51.

[53]. Levin E, Gupta R, Butler D, Chiang C, Koo JY. Topical steroid risk analysis: differentiating between physiologic and pathologic adrenal suppression. J Dermatolog Treat. 2014;25(6):501-6.

[54]. Haute Autorité de Santé (HAS). Niveau de preuve et gradation des recommandations de bonne pratique – État des lieux. 2013. [cité le 20/12/2016]. Available from URL : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-06/etat_des_lieux_niveau_preuve_gradation.pdf. 

Stéphan JM Acupuncture, psoriasis et insuffisance surrénalienne. Acupuncture & Moxibustion. 2016;15(4):286-298.

Abrégé de l’histoire de la médecine chinoise

Pétra – cité nabatéenne – La Khazneh (1siècle AEC) – patrimoine mondial de l’UNESCO (1985) – Jordanie
Pétra – cité nabatéenne – La Khazneh (1siècle AEC) – patrimoine mondial de l’UNESCO (1985) – Jordanie

Formation : mise au point 
OBJECTIF : Connaître l’essentiel de l’histoire de la médecine chinoise, des civilisations protohistoriques à nos jours.
Tradition inventée ou médecine intégrative ? De la naissance de l’acupuncture au cours des dynasties Xia, Shang et Zhou au 16 novembre 2010, date de l’inscription de l’acupuncture – moxibustion au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, un abrégé de l’histoire de la médecine vous propose de comprendre son évolution au cours des siècles.

Introduction

Il semble difficile d’isoler l’Acupuncture de la Médecine Chinoise dans son ensemble [[1]]. De même, on peut se poser la question de savoir si « Médecine Chinoise » correspond bien à la « Médecine Traditionnelle Chinoise » (MTC).

Il est généralement admis que la MTC comporte cinq disciplines qui sont la diététique 营养学 (yingyangxue), l’acupuncture et moxibustion 针灸 (zhenjiu), les massages 推拏 (tuina), la pharmacopée 制藥学 (shiyaoxue comprenant la phytothérapie chinoise à base de plantes, mais également l’utilisation des minéraux et des substances animales) et les exercices énergétiques 太極拳氣功 (taijiquan et qigong).

Mais, en fait la MTC serait une « tradition inventée » [[2],[3]]. Dès la fondation de la Chine communiste en 1949 par Mao Zedong, des « médecins aux pieds nus » furent formés sur le terrain pour offrir leurs soins autant à l’armée qu’à la population. Les formes traditionnelles de la médecine, y compris l’acupuncture, ont été utilisées, autant par fierté nationale que par simple aspect pratique. Cette médecine était peu coûteuse et fournissait ainsi les niveaux de base en soins de santé à une population massive. De fait, Mao Zedong affirme en octobre 1958 pour promouvoir la MTC : « La médecine chinoise est un grand trésor du patrimoine et tout doit être fait pour l’explorer et l’élever à un plus haut niveau de connaissance » [[4]].

Civilisations protohistoriques 

Ces civilisations sont représentées par trois dynasties : la dynastie Xia 夏(2205‐1766 AEC1), Shang 商 (1765-1122 AEC) et Zhou 周 (1121-722 AEC)  [ 5]].
Les plus anciennes origines de la médecine chinoise sont liées au chamanisme ancestral chinois [[6]]. Les chamans avaient pour rôle de communiquer aux hommes la volonté et la puissance des esprits. On faisait appel à leurs aptitudes pour rétablir la continuité de l’Ordre Cosmique. Un cauchemar réveillant un Prince, une douleur abdominale chronique ou une sécheresse étaient perçus comme autant de problèmes qui nécessitaient l’intervention du chaman. Durant cette période, il semble que la médecine est dominée par les charmes, les incantations, les amulettes. Des inscriptions d’ordre médical sont retrouvées sur os gravés ou écaille de tortues [ 5 ].

Les premiers indices relevant de l’acupuncture se situent à la période de l’âge de bronze (durant la dynastie Shang). C’est Quan Yuan Qi de l’époque de la dynastie du Sud Liang (502 – 557 EC) qui proposa pour la première fois que la thérapeutique au poinçon de pierre (pierre 砭 Bian) était à l’origine de l’acupuncture à aiguille métallique. Mais suite aux découvertes archéologiques de Mawangdui, il apparaît que l’invention de la thérapeutique par acupuncture n’a pas de lien direct avec la thérapeutique au poinçon de pierre, instrument médical de la forme d’un couteau principalement utilisé plutôt pour ouvrir et faire suppurer les furoncles ou pour procéder aux saignées. Bref, la croyance selon laquelle la thérapeutique au poinçon de pierre était à l’origine de l’acupuncture à aiguille métallique peut être considérée comme erronée [[7]]. Des aiguilles de bambou, d’os, de terre cuite, ou même de piquants herbacés ont aussi été utilisées ensuite avant d’être supplantées par les aiguilles métalliques en bronze.

Le Yijing (易經, également transcris Yi King ou Yi-King) ou «Classique des Changements ou des Mutations » date de la dynastie Zhou. Il s’agit d’un livre de divination dont les principes vont imprégner à la fois le Confucianisme, mais surtout le Taoïsme [[8]].

Époque des Printemps et des Automnes (722‐481 AEC)

 À cette époque, la Chine est soumise à un régime féodal. Les rois de la dynastie des Zhou ne contrôlent directement qu’un petit domaine royal, centré sur leur capitale (l’actuelle Luoyang). Partout ailleurs, le pouvoir est exercé par la noblesse, au travers de fiefs. On compte, au huitième siècle, plusieurs centaines de petits États vassaux des Zhou. La plus ancienne mention écrite concernant l’acupuncture date de 580 AEC, il s’agit des Annales des Printemps et des Automnes (春秋 Chunqiu), description historique de l’État de Lu. Le Zuozhuan (左傳) se présente sous la forme d’un commentaire du Chunqiu et rend compte de l’état de la médecine à l’époque des Annales des Printemps et des Automnes qui est encore mal séparée de la magie. La sphygmologie et l’acupuncture systématisée sont inconnues [ 5 ].

Époque des Royaumes Combattants (Vème‐ 221 AEC)

Si les croyances de base dans la cosmologie chamanique n’évoluent pas au cours des Royaumes Combattants, la perception de l’organisation du monde change. Les phénomènes naturels sont désormais perçus comme tous liés les uns aux autres dans une cosmologie corrélative. Tout événement est analysé et reporté dans des almanachs afin de comprendre les différents cycles. L’Univers semble en perpétuel mouvement. Dans ce contexte vont s’élaborer toutes les concepts théoriques et les fondements dialectiques du qi, du yin et du yang, des Cinq Phases ou Mouvements (wuxing), de la divination issue du Yijing observant les mutations. Cette intense intellectualisation aboutit à une redéfinition de l’Univers qui offre une nouvelle perception de l’espace et du temps, des pratiques rituelles et même de la médecine. La médecine chinoise devient alors une « médecine scientifique » à part entière.

C’est à cette époque que vécurent deux personnages, Laozi (auteur présumé du Daodejing 道德經)  et Confucius (Kongfuzi 孔夫子) dont les pensées exercèrent une influence déterminante sur la philosophie chinoise et indirectement sur la médecine.

Le Huangdi neijing (黄帝内經) ou Classique interne de l’empereur Jaune, considéré comme le plus ancien ouvrage de médecine chinoise aurait été publié au cours de cette époque, mais selon les dernières découvertes issues des manuscrits de Mawangdui 馬王堆 (168AEC), l’ouvrage sous la forme que l’on connaît serait bien plus tardif et remanié dès le IIème EC [8].

Dynastie Qin (-221 à -206 AEC)

 Cette dynastie a mis fin à des siècles de féodalité en jetant les bases administratives d’un État centralisé qui favorisa l’unité culturelle du territoire. Son fondateur, le Premier Empereur, Qin Shi Huangdi (秦始皇帝), connu pour son régime cruel, autoritaire et impopulaire a été redécouvert en 1974 par l’intermédiaire de son monumental mausolée à Xi’an et de ses milliers de soldats en terre cuite. Il est parfois considéré comme le « père » de la Grande Muraille (figure 1) et fut à l’origine en 213 AEC d’un autodafé visant à la destruction de tous les ouvrages de l’empire, à l’exception des manuels d’agriculture et de divination. Néanmoins le Huangdi neijing fut sauvé du désastre [[9]].

La grande muraille de Chine à Badaling (1504) - dynastie Ming - Chine
La grande muraille de Chine à Badaling (1504) – dynastie Ming – Chine

Figure 1. La grande muraille  de Chine à Badaling.

Dynastie des Han (206 AEC‐ 220 EC)

Cette période est prolifique aussi bien en classiques renommés qu’en médecins célèbres. Le Nanjing 難經, encore appelé Classique des difficultés daterait du I ou IIème AEC (mais discuté [8]), les manuscrits de “Mawangdui” (168 AEC), le Shanghanlun 傷寒論 (Traité des atteintes du froid), le Shennong bencaojing 神农本草經 (L’herbier de Shennong) qui est le premier traité de matière médicale (Ier AEC) sont quelques uns des ouvrages réputés. Le chirurgien Hua Tuo 華佗 (110-207EC) pratiqua des interventions chirurgicales abdominales avec anesthésie par les plantes (chanvre indien, datura). On lui attribue d’autre part l’unité de mesure variable permettant de localiser les points : le cun  [9,[10]]. Zhang Zhongjing (158-219 EC), autre médecin célèbre qui rédigea le Shanghanlun a été surnommé l’Hippocrate chinois.

Les Trois Royaumes, Dynastie Jin, dynasties du Nord et du Sud (220-581)

 Durant cette période, le Maijing 脈經 « Classique des Pouls », écrit par Wang Shuhe 王叔和 au IIIème siècle et reconnu pour sa description des vingt-huit pouls pathologiques donne au diagnostic en acupuncture toute son originalité [[11]].

Le premier ouvrage de «simplification» de la médecine chinoise, le Zhenjiu jiayijing (針灸甲乙經, L’ABC d’Acupuncture et de Moxibustion) fut écrit en 259 de notre ère par Huangfu Mi 皇甫謐 (215-282) sous la dynastie des Jin. Cet ouvrage rassemble toutes les théories traditionnelles dans le domaine médical, et donne le nom et le nombre de points de chaque méridien selon leur localisation exacte ainsi que leurs indications [8].

Ge Hong 葛洪 (283–343 EC), alchimiste et médecin taoïste a laissé deux traités médicaux importants : les « Médications du Coffre d’Or » (Jinkui yaofang 金匱藥方) et les « Prescriptions d’Urgence » (Zhou hou bei jifang 肘後備急方) qui donnent des conseils de médecine préventive pour prolonger la vie et éviter les maladies [[12]]. Il est aussi l’auteur du célèbre Baopuzi (抱朴子), traité sur l’alchimie, la diététique et certaines pratiques médicales magiques, à la recherche de l’immortalité physique. La partie ésotérique de son œuvre, le Baopuzi neipian 抱朴子內篇 est d’ailleurs entièrement consacrée à cette quête de longévité. Il s’agit en effet d’un véritable traité d’immortalité, dans lequel la question est abordée sous tous ses aspects, philosophiques comme techniques [[13]].

Dynasties Sui et Tang (581-907)

 Cette époque a vu un grand développement de l’acupuncture, comme l’attestent les manuscrits de Dunhuang (Dunhuang yiyao wenxian jijiao 敦煌醫藥文獻輯校)découverts dans les grottes de cette cité importante de la Route de la Soie, point d’échanges entre la Chine et le monde extérieur. Plus d’une centaine de manuscrits médicaux des dynasties Sui et Tang a ainsi été répertoriée. L’importance de ces manuscrits est considérable dans l’optique d’une approche historique de la médecine chinoise et pour l’histoire de la médecine dans son ensemble [[14]]. Ainsi de nombreux manuscrits décrivent les fléaux et les maladies retrouvés le long de la route de la soie. Par exemple, l’un d’eux écrit vers 803 EC est un texte intitulé « Les dix Maladies mortelles » qui sont apparemment des maladies contagieuses : nuebing 疟病 (fièvre intermittente), tianxing 天行 (terme générique pour les maladies épidémiques), zubing 卒病 (maladies mortelles), zhongbing 肿病 (maladies inflammatoires), chanbing 产病 (maladies lors de l’accouchement) huanfu 患腹 (maladies abdominales), huanyong 痈患 (maladies dermatologique, furoncles), fenghuangbing 风黄病 (maladies liées au vent, hépatites, normalement associées à un ictère), shuili 水痢 (diarrhées), yanbing 眼病 (maladies de l’œil) [[15]]. Un autre manuscrit est un schéma de l’utilisation des points de moxibustion, datant de 600-900 EC (figure 2), la plus ancienne des cartographies de moxibustion que l’on ait découverte [[16]]. Les textes retrouvés ont des similitudes avec le Huangdi neijing, mais aussi le Shanghanlun (傷寒論), le Maijing et bien d’autres classiques moins connus comme le Tangren xuanfang (唐人選方) ou le Bingxing maizhen (形脈診).

Figure 2Jiufa tu (灸法圖) : schéma des points de moxibustion (Or.8210/S.6168a)

Sous la dynastie Tang, un grand médecin Sun Simiao 孫思邈 (581-682) se fait connaître au travers de ses œuvres, le Yinhai Jingwei (la Mer d’Argent) [[17]], premier traité chinois d’ophtalmologie s’intéressant aux 81 maladies de l’œil et son traité principal le Qianjin Fang (Prescriptions Valant Mille Pièces d’Or) dans lesquelles sont abordées la diététique, la sphygmologie, l’acupuncture, la phytothérapie. Il recommande ainsi les algues marines pour le goitre thyroïdien et des haricots pour le béri-béri [9].

Sun Simiao serait aussi à l’origine des points ashi, points douloureux que l’on puncture et que l’on reconnaît actuellement comme des trigger points.

Chao Yuanfang 巢元方(550-630), médecin de l’Empereur Yang Di de la dynastie des Sui, prit en charge la rédaction du célèbre ouvrage Zhubing yuanhou zonglun (« Traité général de l’étiologie et la symptomatologie des maladies » qui fut le premier travail chinois dans ce domaine et resta un ouvrage de référence pendant longtemps. Il a été écrit en 610, en 50 volumes  (67 parties avec 1720 cas) avec étiologie et symptômes des maladies diverses.

Dynastie Song du nord (960‐1127)

Au cours de cette dynastie et sous l’autorité de l’Empereur, de nombreuses écoles d’acupuncture fleurissent afin de systématiser la connaissance médicale. Wang Weiyi (987-1067), acupuncteur célèbre fit couler ainsi deux statues creuses grandeur nature en bronze, sur la surface de laquelle étaient marqués les trajets des méridiens et la localisation exacte des points. Il récapitula ses recherches détaillées sur les 657 points d’acupuncture dans son livre, le Tongren shuxue zhen jiu jujing (Manuel illustré des points d’acupuncture et de moxibustion indiqués sur la statue de bronze) (1027). D’autres statuettes en réplique réduite seront fondues pour différentes écoles. Les statues enduites d’une couche de cire jaune et remplies d’eau servaient aux étudiants pour localiser avec exactitude les points d’acupuncture. En perçant la couche de cire avec une aiguille, ils devaient faire jaillir l’eau du modèle si le point était bien repéré (figure 3). Une faculté est ouverte entre 1068 et 1086 à Kaifeng, ce qui facilitera l’enseignement de l’acupuncture [9].

Figure 3. Exemple de reproduction d’une statue en bronze de la dynastie Song (extrait du Zhong Guo Yi Xue Tong Shi Tu Pu Juan. [consulté 10 avril 2011],en.tcm-china.info/acupuncture/origin/75565_2.shtml. 

Dynasties Jin-Yuan (1115 – 1368), Ming (1368 ‐1644) et Qing (1644 ‐1911)

Même si l’acupuncture est pratiquée hors des frontières de Chine comme le Japon, la Corée, le Vietnam ou le Tibet, l’importance de l’acupuncture décline rapidement. Mais quatre nouvelles écoles sous les dynasties Jin et Yuan auront encore une grande influence avec des médecins de valeur : Liu Wansu 劉完素 et l’École du Froid et du Frais, Zhang Conzheng 張從正 et l’École de la Purgation, Li Gao 李杲 et l’École de la Tonification de la Terre et enfin Zhu Zhenheng 朱震亨 et l’École de l’Entretien du yin [[18]].

Sous la dynastie Ming, de grands ouvrages paraissent néanmoins comme le Bencao Gangmu 本草纲目 (Compendium de materia medica), le Binhu Maixue 濒湖脉学 (Étude du pouls de Bin Hu) et le « Compendium d’Acupuncture et Moxibustion » 針灸大成 (Zhenjiu dacheng), compilé par Yang Jizhou en 1601 [8]. Celui-ci s’inspire directement du Suwen, du Nanjing et bien d’autres ouvrages antérieurs et va demeurer l’ouvrage de référence pour tous les acupuncteurs traditionnels. Le Bencao Gangmu deLi Shizhen 李時珍 (1518-1593), gigantesque travail dressant la liste de 1892 substances médicales est le résultat de presque 30 ans de travail. Il s’agit non seulement d’un grand traité de pathologie et de thérapeutique, mais aussi un traité étendu sur différentes parties de l’histoire naturelle, comprenant la botanique, la zoologie, la minéralogie et la métallurgie [[19]] (figure 4). Le Binhu Maixue, écrit aussi par Li Shizhen en 1564 est quant à lui, un traité sur les vingt-sept types de pouls et leur valeur diagnostique [[20]].

Un autre traité, le Wen Relun 溫熱論(Traité sur les maladies fébriles) de Ye Tianshi sous la dynastie Qing (1690-1760) est édité en 1740, livre sur le diagnostic et le traitement des maladies fébriles dans lequel une théorie sur l’émergence de la maladie est expliquée. La pathologie se développe en fonction du niveau de wei (résistance superficielle), qi (énergie), ying (nutrition) et xue (Sang) [10].

Figure 4. Bencao Gangmu (Compendium de materia medica).

 Le Yixue yuanliu lun (Origines et histoire de la médecine) est écrit par Xu Dachun 徐大椿, un autre médecin célèbre de la dynastie Qing en 1757. Il retrace l’histoire de la médecine traditionnelle chinoise et aborde de manière critique tous les différents systèmes théoriques, diagnostiques et thérapeutiques de ces prédécesseurs. Il construit son propre système médical en ne tenant compte que des seuls classiques NeijingShennong bencaojing et Shanghanlun [[21]]. Ainsi on s’aperçoit que la majorité des médecins dédaigne l’acupuncture et la moxibustion au profit de la phytothérapie ou des massages tuina.

Et, l’acupuncture faillit disparaître !

En 1822, les autorités ordonnèrent d’abolir l’acupuncture et la moxibustion à titre définitif de la faculté de médecine impériale parce qu’elles ne pouvaient convenir pour traiter l’empereur [[22],26]. Bien que l’interdiction ne s’étende pas au-delà des limites de la cité interdite, il est clair que les médecins avaient de ce fait peu de chances de se spécialiser en acupuncture.

Néanmoins des ouvrages sortent encore comme le Yilin Gaicuo 醫林改錯, écrit par Wang Qingren 王清任 en 1830 qui discute sur les erreurs anatomiques retrouvées dans la littérature classique et ses suggestions de corrections basées sur ses études des cadavres. Il ne se contenta pas de corriger les erreurs commises par les générations passées concernant les organes en aidant ainsi au passage des concepts de la médecine occidentale mais proposa aussi de nouvelles méthodes de traitement des troubles circulatoires et de l’hémiplégie.

République de Chine (1912‐1949)

La révolution de 1911 sonne le glas de la dynastie Qing, mais ne rétablit pas l’acupuncture dans ses prérogatives. Elle ne cesse de décliner et faillit à nouveau disparaître. En effet, en 1929, sous la pression de certains intellectuels progressifs du Mouvement du 4 mai 1919 et du Dr Yu Yunxiu, le gouvernement du Guomindang alla jusqu’à proposer l’abolition de la médecine chinoise qualifiée de vieille médecine réactionnaire, superstitieuse et irrationnelle en opposition à la nouvelle médecine venue de l’Ouest dont le Dr Sun Yat Sen (1866-1925), médecin formé à la manière occidentale était adepte. Aucune résolution d’abolition ne fut heureusement adoptée. Au contraire cela aboutit à une structuration de la médecine chinoise grâce entre autres à un célèbre acupuncteur Qin Bowei qui participera à la fondation d’un « Institut Chinois de Médecine » [3,23-25,31].

Et ce sursaut va venir aussi de quelques médecins qui vont promouvoir l’acupuncture comme une alternative bon marché à la médecine occidentale. L’un d’entre eux est Cheng Danan 承淡安 (1899-1957), un acupuncteur et pédiatre de Jiangsu, qui avait visité le Japon dans les années 1930. En Chine, il crée une « société pour la recherche sur l’acupuncture chinoise » à Wuxi avant de lancer sa propre revue. Son acupuncture est fondée sur les Classiques (Zhenjiu jiayijing, Dacheng etc.) qu’il tente de systématiser, mais aussi sur la théorie que le mécanisme d’action acupunctural pouvait être en rapport avec la stimulation des nerfs telle qu’elle était décrite à ce moment en médecine occidentale. Cheng (figure 5) insista pour que les points d’acupuncture soient redéfinis à la lumière de cette idée [[26]]. Par le biais de ses élèves (Gao Zhenwu, Shao Jingming etc.), ses écrits (Zhongguo zhenjiu zhiliaoxue [[27]] et son activité politique (il fut membre de nombreux comités nationaux en charge de la politique médicale et de l’éducation) Cheng a exercé une profonde influence sur le développement de l’acupuncture en Chine [[28]]. Il va d’ailleurs s’aider de l’évolution de l’acupuncture hors des frontières chinoises comme au Japon où un renouveau existe sous l’influence de Yanagiya Sorei [[29]] et Takeshi Sawada [[30]] qui développent une acupuncture en rapport avec les Méridiens et en France grâce à George Soulié de Morant (1875-1955) en poste au consulat de Kunming en 1908. D’ailleurs, il écrit un article sur l’acupuncture française où il montre l’intérêt des Français dès 1820 avec les travaux de Jules Cloquet, Dantu mais aussi ceux de Soulié de Morant [[31]]. Cheng ignore que son approche moderne initiale est à l’opposée de l’approche française qui s’appuie sur l’ésotérisme chère à Guénon [25] et le néo-hippocratisme influencé par les médecins du Carrefour de Cos dans un contexte du non-conformisme [1,2,[32],[33]].    

Figure 5. Cheng Danan 承淡安 (1898-1957).

République Populaire de Chine (1949 à nos jours)

 Mao Zedong qui fonda la République Populaire Chinoise en 1949 rejeta tout d’abord la médecine traditionnelle mais sous la pression économique (coût moindre) et politique (reconnaissance des paysans qui représentait à ce moment la plus grande part de la population), il redonna l’impulsion nécessaire à la renaissance ou l’invention de la médecine traditionnelle chinoise [2,3], tout en sachant que le Gouvernement Communiste devait faire face à une insuffisance importante de personnel médical et que le praticien traditionnel était donc une solution à ce problème.

En effet, les dirigeants communistes considéraient depuis longtemps la médecine chinoise comme une médecine ésotérique, superstitieuse et «féodale ». Mais, leur but non avoué était l’union des médecins à éducation moderne scientifique et des praticiens traditionnels pour un meilleur service de santé envers le peuple dans le concept de la médecine dite intégrative [[34]]. Ainsi on peut constater dans les articles médicaux de la période 1951-1955 du journal Beijing Zhonyi, des essais intensifs pour éduquer les médecins traditionnels selon les principes d’anatomie moderne [[35]]. Et à partir de 1954 des Collèges de médecine chinoise sont ouverts à Shanghai, Guangzhou, Chengdu et Pékin avec réédition des grands Classiques. En 1958, la médecine chinoise est déclarée « trésor national » par le gouvernement. Mais la médecine chinoise doit se moderniser, devenir plus scientifique et même intégrer la médecine occidentale.

Dans les années 1980, une loi est promulguée définissant la MTC comme faisant partie du système de soins de santé. Depuis les années 1990, le gouvernement chinois fait des efforts dans la mondialisation de la médecine chinoise pour développer son potentiel économique.

Néanmoins, à l’heure actuelle, même s’il existe un engouement important du monde occidental pour la MTC et plus particulièrement l’acupuncture, elle tend à avoir une place de moins en moins importante en Chine.

Ainsi il est apparu qu’il existait en Chine une remise en question de l’efficacité de la MTC. En 2006, Zhang Gong-Yao, professeur à l’Université chinoise de South Central dans le Hunan, a lancé une pétition en ligne pour la suppression de la MTC du système de santé de la Chine. Zhang explique qu’il n’y a aucune percée majeure de la MTC dans le traitement des maladies et que les syndromes tels que « Déficience du Rein yin » ou « Déficit du qi de Cœur » ne peuvent être définis comme de véritables maladies. Cette déclaration met en lumière la situation déplorable de la MTC en Chine où la médecine occidentale influence de manière déterminante les traitements, comme au temps où Mao Zedong, pourtant promoteur de la MTC, utilisait pour tous ses problèmes médicaux la médecine occidentale. Dans l’enseignement de la médecine chinoise, l’occidentalisation de la formation de la médecine chinoise est la norme. L’étude des grands Classiques est remplacée par des formations en recherche biomédicale occidentale et nombreux sont les étudiants inscrits à un doctorat de médecine chinoise qui ne connaissent pas le Huangdi neijing[23].

La réplique peut-être à cet état de fait est retentissante car l’acupuncture, à la demande de la Chine, est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO le 16 novembre 2010. Deux des motifs d’inscription : « l’acupuncture et la moxibustion sont un savoir et une pratique traditionnels transmis de génération en génération et reconnus par les communautés chinoises dans le monde entier comme élément de leur patrimoine culturel immatériel ; leur inscription sur la Liste représentative pourrait contribuer à la sensibilisation concernant la médecine traditionnelle dans le monde entier, tout en favorisant les échanges culturels entre la Chine et d’autres pays » [[36]].

Conclusion

 L’histoire de la médecine chinoise est en constante évolution. La « tradition inventée » par Mao semble n’être plutôt qu’une transformation, une mutation de la médecine chinoise en une médecine chinoise « intégrative » comme cela a été réalisé déjà au cours des siècles. Les acupuncteurs chinois ont toujours eu la prudence de ne pas rejeter les précédents concepts et ont préféré les intégrer au corpus initial. Ainsi, les anciens concepts Taoïstes du yin et du yang tirés du Naturalisme se mêlent aux idées de maladies dues aux possessions par les démons, aux théories des cinq éléments, aux méridiens et aux syndromes zheng plus modernes dans un respect tout à fait confucéen pour les précédents paradigmes. Les concepts de chaque période ont été assimilés, digérés comme le sont actuellement ceux de la médecine moderne. En Chine, même si l’acupuncture a été progressivement rejetée au profit de la médecine Occidentale, de nombreux modèles différents persistent où l’on voit se côtoyer acupuncture occidentale et acupuncture traditionnelle basée sur les grands Classiques dans une tentative d’unifier et de moderniser la pratique, que l’Occident a appelé MTC, mais qui pour les chinois n’est tout simplement que de la médecine chinoise.

Notes

Mes remerciements à Pierre Dinouart-Jatteau pour l’insertion des caractères chinois.


Références

 [1].Bossy J. Histoire de l’acupuncture en occident : exotisme–ésotérisme et opposition au rationalisme cartésien, complémentarité au système médical occidental. Méridiens.1980;49-50:13-54.

[2]. Nguyen J. Nguyen Van Nghi (1909-1999) : retour sur l’acupuncture au XXème siècle. (2) Crise et révolution scientifique. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(1):9-15. 

[3]. Hsu E. La médecine chinoise traditionnelle en République Populaire de Chine : d’une « tradition inventée » à une « modernité alternative ». In: Cheng A, De Tonnac JP, editors. La pensée en Chine aujourd’hui. 1ère ed. Paris: Gallimard, folio essais; 2007. p. 214-38.

[4]. Xinhuanet. Le développement de la pensée de Mao Zedong et la pratique de la médecine. 2008 dec [cited 2011 Mar 13]. Available from: URL : http://news.xinhuanet.com/politics/2008-12/25/content_10555599.htm

[5]. Huard P, Wong M. A la recherche de l’origine de la médecine chinoise. Bulletin de la société d’Acupuncture. 1962;43:17-79.

[6]. Mathieu R. Chamanes et chamanisme en Chine ancienne. L’Homme. 1987;27(101):10-34.

[7]. Bai Xinghua. La thérapeutique au poinçon de pierre est-elle à l’origine de l’acupuncture à aiguille métallique ? Acupuncture & Moxibustion. 2006;5(3):195-201.

[8]. Stéphan JM. Les Textes Classiques : YijingNeijingNanjingShanghanlunJiayijingDacheng. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(4):290-301.

[9]. Jacquemin J. Histoire de l’acupuncture en Chine, des origines à la fin des Ming. Histoire des sciences médicales. 1985:113-21. 

[10]. Gourion A et Roy JY. Principaux auteurs et ouvrages de la médecine traditionnelle de l’antiquité à nos jours. Revue Française de MTC. 1988;128:123-42.

[11]. Borsarello J. Les 28 formes pulsatiles pathologiques de Wang Chou Houo (267 après JC) Méridiens. 1979;47-48:37-48

[12]. Huard P, Wong M. Trois ermites médecins chinois. IIIèmes Journées Internationales d’Acupuncture, la Bouboule. 1957:23.

[13]. Che P. «Les arts de la chambre chez Ge Hong», Colloque Traduire l’amour, la passion, le sexe, dans les littératures d’Asie : Aix en Provence, Université de Provence, 15-16 décembre 2006 [cited 2011 Apr 27]. Available from: URL : http://publications.univ-provence.fr/lct2006/index149.html.

[14]. The International Dunhuang Project: The Silk Road Online. Medicine on the Silk Road. Available from: URL : http://idp.bnf.fr/education/medicine/index.a4d

[15]. The International Dunhuang Project: The Silk Road Online. Medicine on the Silk Road. Or.8210/S.3417. Available from: URL : http://idp.bl.uk/database/oo_scroll_h.a4d?uid=139121357521;bst=1;recnum=8371;index=1;img=1

[16]. The International Dunhuang Project: The Silk Road Online. Medicine on the Silk Road. Or.8210/S.6168a. Available from: URL : http://idp.bl.uk/database/oo_scroll_h.a4d?uid=14187764797;bst=1;recnum=11122;index=1;img=1

[17]. Huard P. A propos du Yinhai Jingwei de Léon Thomas. Méridiens. 1982;59-60:11-16.

[18]. Dinouart-Jatteau P. Les quatre écoles des dynasties Jin et Yuan. Acupuncture & Moxibustion. 2008;7(1):8-13.

[19] . Luo Xiwen, tr. Bencao Gangmu: Compendium of Materia Medica. 6 vols. Foreign Languages Press. 2003.

[20]. Duron A. Essai sur la pulsologie d’après l’ouvrage de liche tcheng. Méridiens.1977;39-40:11-21.

[21]. Triadou P. La tradition médicale chinoise à l’époque de la dynastie des Qing. Méridiens. 1993;100:17-68.

[22]. Wang Xuetai. Recherche sur l’origine et le développement de l’acupuncture chinoise et de la moxibustion.  Revue Française d’Acupuncture. 1981;25:37-54.

[23]. Young Jie De G.  China’s medical crisis. A prescription for revival. The Lantern. 2011;8(1). Available from: URL : http://thelantern.com.au/resource_detail.php?id=272

[24] Qian J. Traditional Chinese Medicine could make “health for one” true. WHO. Regional Consultation on Development of Traditional Medicine in the South East Asia Region, Pyongyang, DPR Korea, 22-24 June 2005. Report N°18. Available from: URL : http://www.searo.who.int/LinkFiles/Meetings_document18.pdf

[25]. Nguyen J. Science universelle ou tradition primordiale : de quoi est porteuse la tradition médicale chinoise ?  Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(2):79-82.

[26]. Andrews BJ. Acupuncture and the Reinvention of Chinese Medicine. APS Bulletin. 1999;9(3).

[27]. Cheng D . Chinese acupuncture and moxibustion therapeutics (Zhongguo zhenjiu zhiliaoxue.) Shanghai: Quanqingtang shuju. 1932.

[28]. Cheng D. Faguoren relie yanjiu Zhongguo zhi zhenjiu shu [engouement français pour l’acupuncture chinoise]. Zhenjiu zazhi [Revue d’acupuncture]. Wuxi; 1935;3(1):32-4.

[29]. Yanagiya S, trad. Mori A. Les points de puncture dans la médecine chinoise, leur nombre et leurs fonctions. Bulletin de la Société d’acupuncture.1956;21:18-20.

[30]. Fumihiko S. What Is the Sawada Style Taiji Method? NAJOM.1998;5(13). [cited 2011 Apr 5]. Available from: URL : http://www.najom.org/resources.html

[31]. Franzini S. 1935 : un premier écho chinois d’une acupuncture française. Revue Française d’Acupuncture. 1992;70:21-4.

[32]. Martiny M. Analogie entre la médecine pré-hippocratique et la médecine chinoise antique.Bulletin de la Société d’Acupuncture. 1962;46:33-49.

[33]. Candelise L. Construction, acculturation et diffusion de l’‘acupuncture traditionaliste française’ au XXème siècle », Document pour une histoire des techniques, Paris, décembre 2008, p. 76-88.

[34]. Yang L. Une nouvelle science par la fusion des deux médecines chinoise et occidentale. Bulletin de la Société d’Acupuncture. 1959;33:31-5.

[35]. Allen EJ. La médecine en Chine communiste (1949-1965). Méridiens. 1969;7-8:19-34.

[36]. Unesco. L’acupuncture et la moxibustion de la médecine traditionnelle chinoise. Available from: http://www.unesco.org/culture/ich/fr/RL/00425

Stéphan JM. Abrégé de l’histoire de la médecine chinoise. Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(2):138-146. (Version PDF)

Stéphan JM. Abrégé de l’histoire de la médecine chinoise. Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(2):138-146. (Version 2011)  

Électroacupuncture : épistémologie historique

Le char de pierre (Râtha) – temple de Vittala ( XVe) vestige de l’empire Vijayanagara – Patrimoine Unesco 2012 – Karnataka – Inde
Le char de pierre (Râtha) – temple de Vittala ( XVe) vestige de l’empire Vijayanagara – Patrimoine Unesco 2012 – Karnataka – Inde

Résumé. La plus ancienne utilisation thérapeutique de l’électricité semble être celle du poisson-chat électrique durant la Ve dynastie égyptienne de l’Ancien Empire (vers 2500 ans AEC). Pline, Plutarque puis Galien au 2e siècle de notre ère en parle aussi dans leurs écrits. Mais il faudra attendre le Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière en 1825, puis Edmond Hermel et Guillaume-Benjamin Duchenne de Boulogne pour connaître davantage ce qu’on appelait à l’époque électropuncture, une thérapeutique en rapport avec le galvanisme, puis la faradisation. Le XXsiècle verra apparaître véritablement l’électroacupuncture (EA) avec De la Fuÿe et Reinhold Voll mais une EA entachée de paradigmes sujets à caution, comme l’homéosiniatrie diathermique ou l’électroacupuncture selon Voll (EAV). L’EA à la démarche scientifique ne fera réellement son apparition qu’à partir de 1965 avec Han Ji Sheng, Cheng et Pomeranz, etc., qui objectivèrent l’intervention des récepteurs endorphiniques. A partir de ce moment, l’intérêt pour l’EA ne fléchit pas et le nombre d’essais comparatifs randomisés (ECR) et d’études animales expérimentales ne cesse d’augmenter chaque année pour en faire une composante majeure de l’acupuncture et des techniques associées. Mots clés. Electroacupuncture – épistémologie – histoire – galvanisme – Sarlandière – Duchenne de Boulogne – De la Fuÿe -TENS -Voll.

Electroacupuncture: historical epistemology

Summary. The oldest therapeutic use of electricity seems to be that of the electric catfish during the 5th Egyptian dynasty of the Old Kingdom (around 2500 BC). Pliny, Plutarch and then Galen in the 2nd century AD also mentioned it in their writings. But it was not until the Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière in 1825, then Edmond Hermel and Guillaume-Benjamin Duchenne de Boulogne, that more was known about what was then called electropuncture, a therapy related to galvanism, and then faradisation. The twentieth century will see the true appearance of electroacupuncture (EA) with De la Fuÿe and Reinhold Voll, but an EA tainted by questionable paradigms, such as diathermic homeosiniatrics or electroacupuncture according to Voll (EAV). The scientific approach to AE did not really appear until 1965 with Han Ji Sheng, Cheng and Pomeranz, etc., who objectified the intervention of endorphin receptors. From that moment on, interest in AE did not wane and the number of randomised controlled trials (RCTs) and experimental animal studies continued to increase each year, making it a major component of acupuncture and related techniques. Keywords. Electoacupuncture – epistemology – history – galvanism – Sarlandière – Duchenne de Boulogne – De la Fuÿe -TENS -Voll.

La plus ancienne utilisation de l’électricité en thérapeutique fait référence au poisson « Nar », le poisson-chat électrique égyptien retrouvé sur les papyri médicaux, mais aussi dans l’iconographie[note 1]. Ainsi, il est postulé que les céphalées, les migraines autant décrites dans la littérature égyptienne que dans la littérature grecque et latine avaient pour traitement l’utilisation du poisson-chat électrique (malapterurus electricus). Celui-ci pouvait atteindre une longueur de 120 cm et peser plus de 20 kg et, lorsqu’il est attaqué, déclenche une décharge électrique entre 100 et 450 volts [[1]].

D’ailleurs, une représentation du poisson-chat électrique du Nil (Malapterurus electricus) figure sur  la célèbre palette en schiste vert de Narmer, le roi conquérant qui a unifié l’Égypte en 3100 avant notre ère (AEC). L’animal héraldique adopté comme totem et utilisé comme rébus orthographique pour « Narmer » figure dans le cadre serekh des deux côtés de la palette (figure 1).

Durant la Ve dynastie égyptienne de l’Ancien Empire (vers 2500 ans AEC), on retrouva aussi dans les tombes égyptiennes des sculptures de la raie torpille marbrée (torpedo marmorata), témoin de leur possible utilisation.  Pline et Plutarque font référence également dans leurs écrits des effets de la raie torpille[note 2] (figure 2). Claude Galien (129-201 EC) signale l’intérêt d’appliquer la raie torpille vivante sur l’endroit douloureux, lors des céphalées chroniques ou en période de crise, et même sur un prolapsus anal qui peut être ainsi traité par choc électrique [2].

Figure 1. La palette de Narmer (recto) en schiste vert (64 cm de haut et 42 cm de large) est aujourd’hui exposée au musée égyptien du Caire. Au sommet des deux côtés de la palette, un premier registre est composé d’un serekh  qui est un rectangle entourant le nom hiéroglyphique du roi Narmer, les symboles nˁr (poisson-chat) et mr (ciseau). Le serekh est flanqué de chaque côté par une paire de têtes de bovins avec des cornes très courbées, censée représenter la déesse vache Bat. [consulté le 09/09/2021], disponible à l’URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/Palette_de_Narmer ; et photo : Auteur inconnu. Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=27339329. Poisson-chat électrique (malapterurus electricus) Par Stan Shebs, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=439814.

Figure 2. Raie torpille. Les décharges électriques produites peuvent atteindre 45V à une intensité de 5 à 10 ampères et une fréquence pouvant aller jusque 600 hertz (photo JM Stéphan).

Mais le début de la connaissance de l’électroacupuncture, qui implique la stimulation des aiguilles métalliques par l’électricité, peut se situer réellement au XIXe siècle en France. En 1816, Louis Berlioz, le père du compositeur Hector Berlioz fut le premier à écrire dans son ouvrage « Mémoire sur les maladies chroniques, les évacuations sanguines et l’acupuncture » que l’électricité pouvait augmenter les effets des aiguilles : « Vraisemblablement la communication du choc galvanique produit par un appareil de Volta, accroîtrait les effets médicaux de l’acupuncture. » [[3]].

Cependant, le mérite de la création de l’électroacupuncture revient au Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière que l’on peut considérer comme le véritable pionnier. « L’électro-puncture ou acupuncture électrique diffère de l’acupuncture proprement dite en ce que l’aiguille ne joue pas le principal rôle dans l’opération qu’on pratique, mais sert de conducteur à l’électricité… ».

Le Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière

En effet, le premier livre d’électroacupuncture est un livre français publié en 1825 par le Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière (1787-1838) : « Mémoires sur l’électro-puncture » [[4]].

« L’électro-puncture est le nouveau procédé que j’emploie, et dont j’ai si fort à m’applaudir pour les succès que j’en obtiens dans le traitement des rhumatismes, de la goutte et de beaucoup d’affections nerveuses ; celui-là je ne le dois à personne, seul j’ai imaginé de l’employer ; il n’a de commun avec l’acupuncture des Japonais que l’usage des aiguilles. ».
« .. l’électro-acupuncture, comparée à la percussion électrique externe, et à l’électrisation par bain, prouve : 1° que le fluide électrique peut s’introduire en grande quantité dans nos corps sans choc ni commotion, et qu’alors il ne suffit pas pour guérir ; 2° que les chocs déterminés à la surface cutanée peuvent se transmettre à travers son tissu et être ressentis par les cordons nerveux au moyen de l’électromètre de Lane ou de la bouteille de Leyde, ou même par de fortes étincelles, et dans ce cas l’électricité a été employée avec succès au traitement des maladies.. on en retirera infiniment plus en joignant à l’acupuncture, les bons effets qu’on obtient de l’électricité. ».

Le Chevalier Sarlandière va donc utiliser un condensateur électrique, la bouteille de Leyde inventé en 1745 (figure 3) adaptée à un instrument l’électromètre de Thimothy Lane en 1766 (figure 4). Il applique le galvanisme qui fait référence à la contraction du muscle lorsqu’il est stimulé par un courant électrique direct. Alessandro Volta donna ce nom en hommage  à Luigi Galvani, qui étudia l’effet de l’électricité sur des animaux disséqués dans les années 1780 et 1790. En effet, Galvani, médecin obstétricien et anatomiste italien découvrit la contraction réflexe, sous l’action d’électricité statique sur les cuisses de grenouilles préalablement disséquées [2].

Figure 3. Image de E. Drincourt – notions de physique, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=18788679. [consulté le 22/01/2021], disponible à l’URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouteille_de_Leyde.  

La bouteille de Leyde est l’ancêtre du condensateur. Elle fut réalisée la première fois en 1746 par le physicien néerlandais Pieter Van Musschenbroek de l’Université de Leyde aux Pays-Bas et Ewald Jürgen von Kleist, doyen de la cathédrale de Kamin en Poméranie occidentale (Pologne actuelle), tous deux travaillant indépendamment [[5]]. Il s’agit d’un condensateur électrique formé de deux conducteurs séparés par le verre de la bouteille. Dans sa forme initiale, c’est une fiole à moitié remplie d’eau dont l’ouverture était bouchée par un liège percé d’une tige métallique trempant dans l’eau. Pour charger la bouteille, l’extrémité libre de la tige était mise en contact avec un générateur à friction produisant de l’électricité statique. Lorsque le contact était interrompu, on pouvait constater la présence d’une charge puisque, en touchant l’extrémité de la tige, on recevait une secousse. Dans sa forme actuelle, la bouteille de Leyde comporte un récipient isolant, recouvert à l’intérieur et à l’extérieur d’une fine feuille métallique. Le revêtement externe est relié à la terre ; la feuille intérieure est reliée à une tige de laiton qui traverse le goulot du récipient. La bouteille de Leyde peut se décharger lentement ou instantanément. Pour la décharger instantanément, on la tenait à la main, et l’on mettait en communication les deux armatures à l’aide de l’excitateur simple, en ayant soin de toucher l’armature qu’on tenait à la main, sinon, on recevait la commotion. Pour la décharger lentement, on l’isolait sur un gâteau de résine, et l’on touchait alternativement, avec la main ou avec une tige de métal, l’armature intérieure, puis l’armature extérieure, et ainsi de suite, tirant à chaque contact une étincelle faible.

Figure 4. La bouteille électrométrique de Lane. L’armature externe de la bouteille de Leyde est reliée à une électrode horizontale graduée qui glisse sur une colonne. La longueur de l’étincelle qui éclate entre la sphère de l’électrode et celle de la tige, en communication avec l’armature interne de la bouteille, permet ainsi d’estimer la quantité d’électricité accumulée. Cet électromètre fut proposé par Timothy Lane en 1766 [[6],[7]].  

Sarlandière écrit dans son ouvrage : « C’est le fluide électrique dont je provoque la détonation sur l’aiguille qui lui sert de conducteur, qui constitue mon moyen curatif. La pointe de l’aiguille que j’enfonce jusque dans le tissu affecté est mise en contact immédiat d’une part avec les fibres musculaires ou fibreuses que je veux modifier, tandis que de l’autre le manche et le bouton qui terminent l’instrument communiquent avec l’excitateur ou le conducteur isolé de la machine. Au moment où j’opère la décharge électrique sur le bouton qui surmonte mon aiguille, la secousse se transmet instantanément à toutes les ramifications ou aux filets nerveux qui se distribuent dans le muscle ou dans le tissu fibreux que la pointe de mon aiguille a pénétré ..»..

« Nul que je sache ne s’est encore avisé d’introduire l’électricité à travers nos organes dans l’intérieur du corps. Les succès que je savais que les Japonais obtenaient au moyen de l’acupuncture, quelques succès aussi que j’en ai obtenus moi-même, et les avantages que d’autre part j’ai retirés de l’administration de l’électricité, m’en ont suggéré l’idée : c’est de là qu’est née l’électro-puncture, dont les succès ont outre-passé mon attente. ».

« Au moment où j’opère la décharge électrique sur le bouton qui surmonte mon aiguille, la secousse se transmet instantanément à toutes les ramifications ou aux filets nerveux qui se distribuent dans le muscle ou dans le tissu fibreux que la pointe de mon aiguille a pénétré ; j’en acquiers la certitude par la contraction de tout le muscle à la moindre étincelle, et par la sensation seulement dans les parties non musculaires, ou dont les contractions sont empêchées par les aponévroses qui les enveloppent. ».

Il s’agit d’un courant de basse fréquence, vraisemblablement entre 2 et 4 Hz qui engendre habituellement les contractions musculaires.

L’électroacupuncture appliquée par le Chevalier Sarlandière s’apparente à une application des points gâchettes (trigger points).

« L’aiguille ayant pénétré le tissu affecté, et étant par conséquent en contact immédiat avec les radicules nerveuses qui font éprouver la douleur.. ». Il ne s’agit donc pas de stimuler un point précis d’acupuncture mais une zone douloureuse, comme une sciatalgie ou une entorse, etc.

Mais cela peut être également sous-tendue par les notions de l’acupuncture chinoise telle qu’on l’entend dans la tradition.

« En général, dans toutes les affections de l’estomac et de la tête, et dans toutes celles d’un organe quelconque où l’estomac peut être enflammé, j’agis sur l’épigastre. C’est là qu’est le fameux  tjuquan des Chinois ». Le tjuquan est la dénomination issue de la figure japonaise que les Chinois nomment Tsoë-Bosi  et numérotée n°56 sur la figure 5 et qui correspond au point zhongwan (VC12).  Ainsi même si Sarlandière explique que l’électropuncture diffère de l’acupuncture proprement dite par le fait que l’aiguille ne joue pas le principal rôle mais sert de conducteur à l’électricité, il va utiliser malgré tout des points d’acupuncture dans les pathologies digestives.

Figure 5. Le Tsoë-Bosi de tsoë figure et de bosi prêtre, c’est-à-dire figure de prêtre, parce que la tête est représentée entièrement rasée à la façon des prêtres japonais [[8]].

De nombreux médecins (Fabré-Palprat, Magendie, La Beaume, Rayer, Puysaye..) de 1830 à 1840 utilisèrent à leur tour les propriétés du galvanisme et de l’électropuncture dans diverses affections, notamment les paralysies, l’amaurose, les spasmes coliques, les névralgies, etc.. [8]. Ainsi, Edmond Hermel décrit à son tour dans son ouvrage consacré aux névralgies en 1843 à partir de nombreux cas cliniques l’intérêt d’employer l’électropuncture [[9]]. Il décrit sa méthode également dans la revue « Journal de Médecine » en août 1844  publié sous la direction du Dr Beau, médecin des hôpitaux à Paris [[10]].

Edmond Hermel

« Névralgie traumatique du nerf lombo-sacré et du nerf petit sciatique, datant de cinq mois, guérie par huit applications d’électro-puncture. Le 9 mars 1842, le nommé Quevanne, journalier, âgé de quarante-quatre ans, est entré à l’Hôtel-Dieu, salle Sainte-Madeleine, et couché au 14 bis. Il nous raconta, qu’il y a cinq mois, chargeant un sac de blé sur son dos, il sentit un craquement très douloureux aux lombes du côté gauche ; son sac lui échappa, et depuis ce temps il n’a pu travailler. Il éprouve continuellement une douleur fixe vers le tiers postérieur de la crête de l’os iliaque ; de temps en temps, mais surtout la nuit, il se plaint d’élancements violents, partant d’un peu plus haut que le lieu déjà indiqué, s’étendant à la fesse, dans la partie postérieure de la cuisse ; à la partie supérieure du creux poplité, le trajet de cette douleur devient plus externe, se dirige vers la tête du péroné et se termine à la malléole externe…

D’après ce qui précède, nous pûmes reconnaître une névralgie d’un rameau du nerf lombo-sacré et du nerf petit sciatique, névralgie par cause traumatique qui avait forcé le malade de s’aliter. Sa santé du reste n’était point altérée. Première application. — Le lendemain du jour où nous avions pris cette observation, le 11 mars, on résolut d’employer l’électro-puncture. Une aiguille fut placée au niveau du tiers externe et postérieur de la crête de l’os iliaque gauche sur un des points douloureux, et une autre un peu au-dessus de la malléole externe en avant du péroné. L’aiguille supérieure fut mise en communication avec le pôle positif d’une pile à auge dont les couples avaient 0,09 centimètre carré ; l’autre conducteur fut fixé à  l’aiguille inférieure. La pile fonctionnant par l’action d’une eau fortement acidulée, il supporta graduellement les secousses de vingt couples pendant dix minutes. Une transpiration générale, plus abondante au membre galvanisé, s’établit ; aussitôt après le malade put fléchir et étendre la jambe avec beaucoup moins de douleurs. »

Et en conclusion de son ouvrage de 26 pages où il décrit de nombreux cas cliniques guéris par électro-puncture :

« -1° L’électro-puncture convient aux névralgies idiopathiques ou essentielles. 2° La violence des douleurs n’est point une contre-indication à l’emploi de cet agent thérapeutique ; jamais sous son influence les douleurs ne se sont exaspérées. 3° La paralysie qui survient dans le cours des névralgies essentielles cède au même traitement. Il est encore d’autres névralgies où l’on tire de grands avantages de l’électro-puncture, soit comme médication principale, soit comme médication accessoire : nous les ferons connaître ultérieurement ».

Guillaume Duchenne, quant à lui, même s’il reconnaît dès 1847 que l’électropuncture de Sarlandière est un véritable progrès dans les traitements, considère que l’application sur de plus grandes surfaces à l’aide d’une électrisation localisée est d’un plus grand secours.

En effet, il écrit que le galvanisme de Sarlandière qui est lié à l’utilisation d’un courant électrique direct engendrait de nombreux inconvénients comme les escarres, les inflammations, les abcès difficiles à guérir [[11]]. D’où il en résulte que l’électropuncture va voir sa pratique devenir éphémère et remplacée progressivement par le faradisation de Duchenne.

Guillaume-Benjamin Duchenne de Boulogne

Guillaume-Benjamin Duchenne, surnommé Duchenne de Boulogne (1806-1875), est un médecin neurologue français et l’un des plus grands cliniciens du XIXe, fondateur de la neurologie et qui a d’ailleurs donné son nom à la myopathie du même nom. A Paris où il s’établit, il développe les applications cliniques de l’électricité et publie « De l’art de limiter l’excitation électrique dans les organes sans piquer ni inciser la peau, nouvelle méthode d’électrisation, appelée électrisation localisée » qui lui permet d’utiliser des électrodes de surface. C’est déjà le début de la neurostimulation transcutanée, encore appelée TENS, qu’il nomme électricité de contact (faradisation).

« Afin de limiter l’action électrique dans les muscles qui présentent peu de surface, par exemple, ceux de la face, ou les interosseux, je me sers de rhéophores métalliques coniques qui se vissent sur les manches isolants. Les rhéophores coniques sont recouverts d’une peau trempée dans l’eau, et présentée par leur extrémité aux points qui recouvrent les muscles à faradiser. » [[12]] (figure 6).

Figure 6. Exemples de rhéophores (terme désuet remplacé désormais par le terme électrode) utilisés par Duchenne. Il s’agit donc de conducteur chargé de conduire le courant électrique de la pile à son point d’emploi. Le premier à gauche est métallique avec un manche isolant, le second est à disque métallique, le troisième est conique et le dernier est terminé par un boule métallique en forme d’olive.

Duchenne appliquera sa méthode d’électrisation localisée comme thérapeutique à diverses maladies, bien sûr en commençant par son champ d’activité neurologique comme il l’indique au début de son chapitre III page 105 « De la valeur de l’électropuncture appliquée au traitement des paralysies ».

« L’application de l’électropuncture au traitement des paralysies a constitué un véritable progrès, lorsque Sarlandière l’introduisit dans la pratique. Pour bien apprécier l’importance des services rendus par cette méthode d’électrisation à la thérapeutique, il faut se rappeler quel était alors l’état de l’électricité médicale. On sait quel enthousiasme cet agent thérapeutique excita dès son origine, lorsque la machine électrique fut inventée. On trouve en effet, des observations de guérisons incontestables, dues à l’application de l’électricité de tension, dans les auteurs qui, à cette époque se sont occupés d’électricité médicale, c’est-à-dire de 1743 à 1754. Ainsi Kruger, professeur Helmstadt, est le premier qui l’ait employée, comme agent thérapeutique, au commencement de 1744. Deux années plus tard, en 1746, lorsque l’on fut familiarisé avec les effets de la bouteille de Leyde, dont les fortes décharges avaient d’abord inspiré une grande terreur, Herman-Klyn guérit, avec cet appareil, une femme qui était paralysée depuis deux ans. ».

Duchenne considère néanmoins que l’électropuncture de Sarlandière est insuffisante pour traiter une paralysie [12 page 109].

« .. pour obtenir la guérison des anesthésies cutanées par l’électropuncture, il faudrait couvrir d’un grand nombre d’aiguilles toute la surface de la peau dépourvue de sensibilité. On conçoit qu’une pareille opération serait impraticable, surtout si elle devait être souvent renouvelée. Dans certains cas légers, il suffit d’une excitation produite par un très petit nombre d’aiguilles, peur rappeler la sensibilité ; mais ces cas sont exceptionnels. L’électropuncture ne peut servir à rappeler la sensibilité tactile ni de la main ni de la plante du pied, car on ne saurait enfoncer des aiguilles dans les doigts ou dans les téguments de la plante du pied, sans s’exposer à produire une inflammation ou des panaris. ».

Il propose donc sa méthode d’électrode cutanée. Notons qu’à cette époque, les aiguilles stériles à usage unique n’existaient pas et on comprend d’autant mieux la réticence de Duchenne. Sa méthode est basée sur la faradisation à courant alternatif plutôt que sur le galvanisme à courant continu.

« Combien est simple et rapide, au contraire, la faradisation localisée de chacun des muscles paralysés à l’aide des rhéophores humides et promenés sur la peau intacte. Dans l’électropuncture, l’aiguille traverse l’épaisseur du muscle, tandis que dans la faradisation localisée, les rhéophores humides n’agissent que sur leur surface. On pourrait en induire que l’électropuncture possède plus de puissance thérapeutique que la faradisation localisée par les rhéophores humides. Cette opinion ne serait pas fondée car j’ai établi précédemment qu’en appliquant un rhéophore humide sur la surface d’un muscle, l’excitation électrique traverse d’autant plus profondément les tissus, que les courants sont plus intenses. La faradisation peut donc, à l’aide de rhéophores humides, pénétrer un muscle dans le sens de son épaisseur, aussi bien qu’avec les aiguilles. De plus, en promenant ces rhéophores sur toute la surface des muscles, on leur distribue l’électricité en tous sens, ce qu’on ne pourrait jamais obtenir avec l’électropuncture. J’ai vu plusieurs paralysies modifiées heureusement sous l’influence de la faradisation focalisée par les rhéophores humides, et contre lesquelles l’électropuncture avait auparavant complètement échoué. »

Duchenne conclut : « Des considérations critiques que je viens d’exposer, il ne faut pas conclure que l’électropuncture doive être exclue de la pratique ; je crois au contraire que, dans certains cas, cette méthode peut être un auxiliaire puissant de la faradisation localisée. »

Duchenne appliquera sa méthode thérapeutique essentiellement à son champ d’activité, c’est-à-dire la neurologie avec diverses pathologies : traitement des paralysies, les atrophies musculaires mais aussi toutes les névralgies que ce soient les sciatiques, les névralgies faciales, etc.. Néanmoins, il discutera aussi, à partir de cas cliniques des effets de l’électrisation localisée dans la sphère cardio-pulmonaire (angine de poitrine, asphyxie..), gastroentérologique (constipation), urologique (incontinence urinaire, spasme vésicale..) et même en ce qui concerne les organes des sens comme la perte d’odorat, du goût ou même de l’audition, sans oublier les problèmes ophtalmologiques. Bref, cet ouvrage de 1120 pages du XIXe siècle bien en avance sur son temps est toujours à découvrir.

Duchenne de Boulogne est alors considéré par les électrothérapeutes français comme le maître de la discipline et insiste d’ailleurs sur le fait que sa thérapeutique ne puisse être exercée que par les médecins. Car au XIXe siècle l’électricité médicale est aussi associée au charlatanisme avec  les « saltimbanques autorisés à électriser sur les places publiques, aux femmes torpilles » [[13]].

En 1853, de l’autre côté de l’Atlantique, en Pennsylvanie, le Dr Holl utilise l’électropuncture dans les sciatiques et névralgies lombosacrées en prenant bien soin de placer sur le site même de la douleur l’électrode positive reliée à l’aiguille d’acupuncture [[14]].

Puis progressivement, l’électropuncture utilisant des aiguilles tombe dans l’oubli au profit des cabinets privés qui utilisent la simple électrothérapie. On les nomme les médecins électriciens. Parmi eux, à la fin du XIXe siècle, le célèbre docteur Paul Gachet, ami du non moins célèbre peintre Vincent Van Gogh qui note sur ses ordonnances « Applications de l’électricité au traitement des maladies chroniques et nerveuses » [13].

Le XXe siècle

Il faudra attendre George Soulié de Morant en 1925 pour que l’on s’intéresse à l’électricité appliquée à l’acupuncture, non pas dans un but thérapeutique mais plutôt dans celui d’expliquer le substratum du qi des Méridiens. En effet, il rencontra le docteur Dimier, un médecin électricien hospitalier qui assistait à plusieurs consultations d’acupuncture. Celui-ci proposa l’hypothèse que l’énergie humaine était soit entièrement électrique, soit portée par des ces mêmes ondes. Il mesurait l’électricité émanant du corps avec un galvanomètre ultrasensible et constatait qu’elle s’intensifiait le long des méridiens, en particulier au niveau des points d’acupuncture, comme le point zusanli (E36). Mais cela ne fut pas concluant et les expériences furent arrêtées au décès du Dr Dimier [[15]].

Roger de la Fuÿe s’est intéressé également aux points d’acupuncture que l’on détectait par leur moindre résistance électrique [[16]] comme d’ailleurs le firent à la même époque de nombreux autres médecins dont Niboyet et Mery [17-19]. Cependant dès 1936, il utilisait aussi l’électricité dans un but thérapeutique à une fréquence qu’il appelait haute (comprise entre 10 et 30Hz) [[20]]. Il appliqua cela dans le traitement des surdités (suppurations auriculaires, sclérose du tympan, ankylose des osselets, otospongiose, etc.), associant électropuncture et médicaments homéopathiques dans ce qu’il appela l’homéosiniatrie diathermique [[21]]. Ainsi, il calcula qu’il obtenait 66,61% de guérison ou d’amélioration (1197 cas) pour 33,99% d’échecs (600 cas) [[22]]. Néanmoins malgré le nombre important de cas, il est difficile d’affirmer une efficacité de l’électropuncture en raison d’un conflit d’intérêt. En effet, dès 1948, Robert de la Fuÿe exerçait une activité commerciale avec la vente des électropuncteurs en format cabinet et portatif (figure 7), mais aussi du fait que ces études n’étaient ni comparatives, ni randomisées. Cependant, on peut signaler qu’une méta-analyse de 2015 concernant la perte auditive neurosensorielle soudaine[ note 3] objective une amélioration de l’audition par électroacupuncture (EA) seule ou associée au traitement conventionnel. Selon les auteurs, ces résultats étaient néanmoins à interpréter avec prudence, compte-tenu de différents biais des essais comparatifs randomisés (ECR) et de la faible population étudiée [[23]].

Figure 7. L’électropuncteur portatif du Dr De la Fuÿe de 1948 construit par les Etablissements Walter.

Dans les années 1950, un médecin allemand, Reinhold Voll va s’appuyer sur les bases théoriques de l’acupuncture, de la médecine traditionnelle chinoise et de l’électrothérapie afin de concevoir son propre appareil d’électroacupuncture permettant de mesurer la résistance et la conductibilité électrique de la peau au niveau des points d’acupuncture et d’agir sur eux par électrostimulation. En 1954, il va plus loin et pense avoir découvert que les médicaments altèrent les propriétés de résistance électrique de la peau. Il met alors au point un « test de résonance des médicaments », permettant d’identifier les substances qu’il convient d’utiliser pour un traitement donné. Il s’agit des points de mesure de l’électroacupuncture selon Voll (EAV) qui est une méthodologie utilisant un ohmmètre calibré pour mesurer l’impédance bioélectrique sur certains points d’acupuncture situés sur les mains et les pieds et même les yeux en réponse à des changements dans les fonctions physiologiques des organes et des structures du corps. Ce processus évalue également l’impédance bioélectrique des points d’acupuncture lorsque des substances, telles que des médicaments, de la phytothérapie, des compléments alimentaires, des remèdes homéopathiques, etc. sont placées dans le même circuit électrique que le patient. De ce fait, Voll crée son propre paradigme et se détourne complètement de l’électroacupuncture [24-26]. Il va sans dire que même si depuis la disparition de Voll en 1989 et la parution de quelques travaux affirmant l’efficacité de l’EAV [27-30], aucun n’a permis de mettre en évidence des preuves formelles de réelle efficacité autant en termes de diagnostic[ note 4] qu’en termes de thérapie (il n’existe par exemple aucun essai comparatif randomisé contre placebo). Bref, l’EAV et ses corollaires (dépistage électrodermique -EDS, diagnostic des fonctions bioélectriques -BFD-, tests de biorésonance -BRT-, technique de régulation bioénergétique -BER-, etc.) restent encore totalement controversés [[31]], tout comme la réalité biophysique du point d’acupuncture [[32]].

C’est le professeur Han Ji Sheng qui le premier s’est engagé dans la recherche des mécanismes neurophysiologiques de l’électroacupuncture à partir de 1965 [[33,34]]. Cheng et Pomeranz objectivèrent en 1976 l’intervention des récepteurs endorphiniques. Ils montrèrent que l’effet analgésique de l’EA à basse fréquence (4Hz) était inhibé par la naloxone mais non à la haute fréquence de 200Hz et proposaient déjà l’intervention des endorphines à 2Hz et celle de la sérotonine à 200Hz [[35]]. Ils s’appuyaient entre autres sur les travaux du groupe d’anesthésie de Shanghai déjà célèbre pour ses thoracotomies sous acupuncture [[36],[37]]. Et dès les années 1990, l’électroacupuncture s’est imposée dans tous les champs de la médecine acupuncturale [[38]].

Conclusion

Actuellement, l’EA a acquis ses lettres de noblesse. Depuis 1960, sont référencés près de 6700 études expérimentales animales, études cliniques, essais comparatifs randomisés (ECR) et méta-analyses. Ainsi durant les cinq dernières années, 341 ECR ont été publiés dans la base de données PubMed Medline [[39]], auxquels on pourra aussi comptabiliser les 604 ECR concernant la neurostimulation transcutanée (TENS) qui s’appuient sur les mêmes mécanismes neurophysiologiques [[40]]. On pourra comparer ce nombre aux 483 ECR concernant la moxibustion [[41]], autre technique associée à l’acupuncture. De plus, la recherche expérimentale ne fléchit pas : parue en septembre 2021, cette dernière étude expérimentale épigénétique chez les  souris objective ainsi les mécanismes moléculaires complexes qui sous-tendent l’effet thérapeutique de l’électroacupuncture dans l’accident vasculaire cérébral ischémique [[42]]. De ce fait, l’EA se doit de faire partie de l’arsenal thérapeutique de tout médecin acupuncteur, au même niveau que la moxibustion.


Notes

[1]. Dans la mythologie égyptienne, Hatméhyt est la déesse poisson de la ville antique de Mendès, dans le delta du Nil. Attestée depuis la IVe dynastie, elle est représentée avec un poisson-chat sur la tête. Elle était une déesse de la vie et de la protection. [consulté le 12/09/2021], disponible à l’URL:https://fr.wikipedia.org/wiki/Hatm%C3%A9hyt.

[2]. DORIS.  Données d’Observations pour la Reconnaissance et l’Identification de la faune et la flore Subaquatiques. [consulté le 01/09/2021], disponible à l’URL: https://doris.ffessm.fr/Especes/Torpedo-marmorata-Torpille-marbree-321.

[3]. la perte auditive neurosensorielle soudaine se définit comme une perte auditive soudaine ou à progression rapide d’au moins 30 dB dans au moins trois fréquences contiguës différentes selon l’audiogramme standard sur une période de 72 heures.

[4]. L’étude de la valeur diagnostique d’un test de dépistage passe par le calcul de la spécificité SP=VN/(FP+VN) qui correspond à la probabilité calculée en pourcentage que le signe soit absent chez les individus non atteints par la maladie recherchée ; par la sensibilité SE=VP/(VP+VN) qui est la probabilité que le signe soit présent chez les individus atteints par la maladie recherchée et un test diagnostique est recherché par rapport au test ou signe de référence (gold standard).


Références

[1]. Park R. Ancient Egyptian Headaches: ichthyo – or electrotherapy? Pharmacy & Medicine in Ancient Egypt. 2010. Proceedings of conferences Cairo (2007) & Manchester (2008).

[2]. Macdonald AJR. A Brief Review of the History of Electrotherapy and Its Union with Acupuncture. Acupuncture in medicine. 1993;11(2):66-75.

[3]. Berlioz L.  Mémoire sur les maladies chroniques, les évacuations sanguines et l’acupuncture.  Paris : Croullebois ;1816. [consulté le 22/01/2021], disponible à l’URL : https://archive.org/details/BIUSante_31316/page/n315/mode/2up.

[4]. Sarlandière JB. Mémoires sur l’électro-puncture, considérée comme moyen nouveau de traiter efficacement la goutte, les rhumatismes et les affections nerveuses, et sur l’emploi du moxa japonais en France, suivis d’un traité de l’acupuncture et du moxa. Paris: Delaunay; 1825. [consulté le 22/01/2021], disponible à l’URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5832681w/f3.double.

[5]. Jenkins JD. The First Condenser – A Beer Glass. Sparkmuseum. [consulté le 22/01/2021], disponible à l’URL : http://www.sparkmuseum.com/BOOK_LEYDEN.HTM.

[6]. Blondel C, Wolff B. Quelques réflexions sur un instrument « fondateur ». Histoire de l’électricité et du magnétisme. [consulté le 22/01/2021], disponible à l’URL: http://www.ampere.cnrs.fr/parcourspedagogique/zoom/18e/bouteilleleyde/.

[7]. Lane T. To Benjamin Franklin from Timothy Lane, 15 October 1766,” Founders Online, National Archives, https://founders.archives.gov/documents/Franklin/01-13-02-0168. [Original source: The Papers of Benjamin Franklin, vol. 13, January 1 through December 31, 1766, ed. Leonard W. Labaree. New Haven and London: Yale University Press, 1969, pp. 459–465. [consulté le 22/01/2021], disponible à l’URL : https://founders.archives.gov/documents/Franklin/01-13-02-0168.

[8]. Dolhem R. Le chevalier Sarlandière et les débuts de l’électropuncture. Bulletin d’histoire de l’électricité. 1996;28:5-18. [consulté le 26/08/2021], disponible à l’URL :  https://www.persee.fr/doc/helec_0758-7171_1996_num_28_1_1336#helec_0758-7171_1996_num_28_1_T1_0012_0000.

[9]. Hermel E. Recherches sur les névralgies et leur traitement. 1e édition Paris; 1843. [consulté le 24/01/2021], disponible à l’URL :  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5734160c.

[10]. Hermel E. De l’électro-puncture dans le traitement des névralgies. Journal de Médecine. 1844: 244.

[11]. Duchenne (de Boulogne) G. De l’art de limiter l’excitation électrique dans les organes sans piquer ni inciser la peau, nouvelle méthode d’électrisation, appelée électrisation localisée. Compte rendu de l’Académie des sciences. 1847, et Archives générales de médecine, juillet et août 1850, février et mars 1851. [consulté le 22/01/2021], disponible à l’URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77365h/f1.item.

[12]. Duchenne (de Boulogne) G. De l’Électrisation localisée et de son application à la physiologie, à la pathologie et à la thérapeutique par courants induits et par courants galvaniques interrompus et continus. 3e ed. Paris : JB. Baillière; 1872.

[13]. Blondel C. La reconnaissance de l’électricité médicale et ses « machines à guérir » par les scientifiques français (1880-1930). Annales historiques de l’électricité. 2010;8(1):37-51. [consulté le 04/09/2021], disponible à l’URL : https://www.cairn.info/revue-annales-historiques-de-l-electricite-2010-1-page-37.htm

[14]. Mayor D.F. Electroacupuncture: A Practical Manual And Resource. 1er édition. Edinburgh : Churchill Livingstone; 2007.

[15]. Soulié de Morant G.  Chinese Acupuncture. 1e édition 1939-1941. Réédition. Edinburgh : Churchill Livingstone; 1994.

[16]. De la Fuye R. Détection ‘électro-cutanée’ des points chinois. Revue Internationale d’Acupuncture.1960;53:109-124.

[17]. Brunet R, Dufour, Hervet-Nadaud, Perpère, Grenier. Premières preuves matérielles de la nature électrique de l’énergie. Bulletin de la Société d’Acupuncture.1958;28:31-5. 

[18]. Niboyet J. Nouvelles constatations sur les propriétés électriques des points chinois. Bulletin de la Société d’Acupuncture.1958;30:7-13.

[19]. Méry A. Sur le mode d’action des aiguilles d’acupuncture. Bulletin de la Société d’Acupuncture.1958;30:15-6.

[20]. Rousseau, De la Fuÿe R. Electropuncture de haute fréquence. Concours médical. 1936;52(27):3707. 

[21]. De la Fuÿe R. Traité d’acupuncture ; la synthèse de l’acupuncture et de l’homéopathie ; l’homéosiniatrie diathermique Le François, Paris.1947.

[22]. De la Fuÿe R. 16 années de traitement des surdités par l’acupuncture diathermique homéopathique. Revue Internationale d’Acupuncture.1951;3(1):15-8.

[23].  Zhang XC, Xu XP, Xu WT, Hou WZ, Cheng YY, Li CX, Ni GX. Acupuncture therapy for sudden sensorineural hearing loss: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. PLoS One. 2015 Apr 28;10(4):e0125240.

[24]. Voll R. Die Messpunkte der Elektroakupunktur nach Voll (EAV) an Händen und Füssen Voll, Reinhold. – Uelzen : Med.-Literarische Verl.-Ges., 1995,5, überarb. und erw. Aufl.

[25]. Voll R.  Medikamententestung, Nosodentherapie und Mesenchymreaktivierung Uelzen : Med.-Literarische Verl.-Ges., 1990, 3. Aufl.

[26]. Voll R. New electroacupuncture (EAV) measurement points for the various eye structures. American Journal of Acupuncture.1979;7(1):5-13.

[27]. Tseng YJ, Hu WL, Hung IL, Hsieh CJ, Hung YC. Electrodermal screening of biologically active points for upper gastrointestinal bleeding. Am J Chin Med. 2014;42(5):1111-21.

[28]. Sancier KM. The effect of qigong on therapeutic balancing measured by Electroacupuncture According to Voll (EAV): a preliminary study. Acupunct Electrother Res. 1994 Jun-Sep;19(2-3):119-27.

[29]. Kail K. Clinical outcomes of a diagnostic and treatment protocol in allergy/sensitivity patients. Altern Med Rev. 2001 Apr;6(2):188-202.

[30]. Tsuei JJ, Lehman CW, Lam FMK, Zhu DAH. A Food Allergy Study Utilizing the EAV Acupuncture Technique. Journal of Advancement in Medicine. 1999;12:49-68.

[31]. Bresser H. « Allergiestestung » mit der « Elektroakupunktur nach Dr. Voll » [« Allergy testing » with « Dr. Voll electroacupuncture »]. Hautarzt. 1993 Jun;44(6):408-9.

[32]. Stéphan JM. A la recherche de la réalité biophysique du point d’acupuncture. Acupuncture & Moxibustion. 2004;3(4):269-274.

[33]. Han institute. Dr. Ji-Sheng Han. [consulté le 26/09/2021], disponible à l’URL : https://www.han-institute.com/founders/dr-ji-sheng-han/.

[34]. Sautreuil P, Piquemal M. Acupuncture expérimentale. Physiologie de l’acupuncture : revue de trente années de recherche. Acupuncture & Moxibustion. 2002;1(3-4):106-110.

[35]. Cheng RS, Pomeranz B. Electroacupuncture analgesia could be mediated by at least two pain-relieving mechanisms; endorphin and non-endorphin systems. Life Sci. 1979 Dec 3;25(23):1957-62.

[36]. Shanghai Acupuncture Anesthesia group. Acupuncture anesthesia. Peoples’s Publishing Co : pp60-168, 231-295. 1974.

[37]. Liu LG, Fan AY, Zhou H, Hu J. The history of acupuncture anesthesia for pneumonectomy in Shanghai during the 1960s. J Integr Med. 2016 Jul;14(4):285-90.

[38]. Ulett GA, Han S, Han JS. Electroacupuncture: mechanisms and clinical application. Biol Psychiatry. 1998 Jul 15;44(2):129-38.

[39]. National Library of Medicine. Pubmed- Medline. [consulté le 30/09/2021], disponible à l’URL :   https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/?term=electroacupuncture+OR+electro-acupuncture&filter=pubt.randomizedcontrolledtrial&filter=datesearch.y_5&filter=hum_ani.humans&sort=date&size=200

[40]. National Library of Medicine. Pubmed- Medline. [consulté le 30/09/2021], disponible à l’URL :   https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/?term=%22Transcutaneous+electrical+nerve+stimulation%22+OR+TENS&filter=pubt.randomizedcontrolledtrial&filter=datesearch.y_5&filter=hum_ani.humans&size=200

[41]. National Library of Medicine. Pubmed- Medline. [consulté le 30/09/2021], disponible à l’URL :   https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/?term=moxibustion&filter=pubt.randomizedcontrolledtrial&filter=datesearch.y_5&filter=hum_ani.humans

[42]. Wu C, Zhao L, Li X, Xu Y, Guo H, Huang Z, Wang Q, Liu H, Chen D, Zhu M. Integrated Bioinformatics Analysis of Potential mRNA and miRNA Regulatory Networks in Mice With Ischemic Stroke Treated by Electroacupuncture. Front Neurol. 2021 Sep 10;12:719354.

Palais de Mysore (1897-1912) – Salle d’audience – architecture anglo-indienne – Mysore – Karnataka – Inde
Palais de Mysore (1897-1912) – Salle d’audience – architecture anglo-indienne – Mysore – Karnataka – Inde

Stéphan JM. Électroacupuncture : épistémologie historique. Acupuncture & Moxibustion. 2021;20(2):142-151.

Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng

Bibliothèque de Celsus (117 EC) Selçuk – İzmir – Turquie
Bibliothèque de Celsus (117 EC) Selçuk – İzmir – Turquie
Formation : mise au point
OBJECTIF
Connaître l’essentiel des Textes classiques et leur importance pour le praticien acupuncteur.
L’influence du taoïsme, de l’école naturaliste et de l’école confucéenne est manifeste dans l’élaboration de la Médecine Traditionnelle Chinoise. Tout acupuncteur désirant approfondir ses connaissances devra aborder les principaux textes que sont le Yijing, le Neijing, le Nanjing, le Shanghanlun, le Jiayijing et le Dacheng, tout en prenant conscience de la problématique des découvertes archéologiques récentes et des traductions du chinois vers les langues occidentales.

 L’élaboration de la Médecine Traditionnelle Chinoise fut influencée par trois courants de pensée : le taoïsme, l’école naturaliste et l’école confucéenne [[1]]. Le taoïsme est une réalité complexe devenant ultérieurement un courant religieux, associant une philosophie et un ensemble de pratiques liées à la quête de longue vie. Laozi, (VIème siècle-Vème siècle avant l’ère commune), que l’on considère comme le fondateur du taoïsme est l’auteur présumé du Daodejing (道德經). Zhuang Zhu (Zhuangzi) (IVème siècle AEC), auteur de l’ouvrage Zhuangzi (荘子) (Figure 1) produit une œuvre poétique de grande qualité qui développa en autres la notion du non-agir (wuwei 無為). Le troisième des trois grands classiques du taoïsme est le Liezi (列子) ou « vrai classique du vide parfait », recueil de fables philosophiques et d’aphorismes. Le taoïsme à ses débuts avait pour but la guérison des maladies et l’obtention de l’immortalité soit en ingérant minéraux, plantes, le tout accompagné de rituels et de prières, soit par un travail intérieur sur le corps et l’esprit, essentiellement à l’aide de la respiration et de la méditation [[2]]. Ainsi Zhuangzi, le premier parle de la quête de longue vie en ces termes : « Quiconque ne sait satisfaire ses aspirations et entretenir sa longévité ne comprend rien au Dao » ou « Conserver la vie jusqu’à la limite naturelle et tâcher de ne pas mourir prématurément. Voici la plénitude de la connaissance ».

Figure 1. Zhuangzi « Nan hua zhen jing » 莊子南華眞經 (commentaire de Guo Xiang 郭象). Le texte transmis par Guo Xiang a été réparti en trois groupes de chapitres, dont les derniers sont dans la mouvance des idées de Laozi, mais aussi des théories du yin et du yang et des Cinq Éléments (Mouvements) [[3]].

 L’école naturaliste, qui se distingue du taoïsme par l’absence d’intérêt qu’elle manifeste à l’égard de l’individu, regroupe en fait deux écoles : l’école du yin et du yang et l’école des Cinq Éléments [1]. On attribue à Zou Yan (鄒衍)(-305 -240 AEC), philosophe de la fin de la période des Royaumes Combattants un rôle déterminant dans le développement de ces théories. Aucun de ses ouvrages ne nous est parvenu mais on en trouve des extraits dans d’autres comme les Annales des Printemps et des Automnes (Chunqiu). Cette école a fourni à la médecine ses cadres théoriques et constitue la base du système des correspondances.

Selon la tradition, les Cinq Classiques (Wujing 五經) fondent le canon confucéen fixé sous le règne de Han Wudi (140-188) quand le confucianisme fut reconnu comme doctrine d’État. Tous sont censés avoir été compilés par Confucius (Kongfuzi 孔夫子 551-479 AEC). On retrouve donc le Classique des Mutations ou Yijing (易經) ; le Classique des vers ou des Odes (詩經, Shijing), livre composé de 305 poèmes ; le Classique des documents (書經, Shujing), ensemble de documents et de discours qui auraient été écrits par les dirigeants et les officiels de la dynastie Zhou ; le Livre des rites (禮記, Liji), livre qui décrit les rites anciens et les cérémonies de cour ; et enfin les Annales des Printemps et des Automnes (春秋 Chunqiu), description historique de l’État de Lu, d’où est natif Confucius et qui constitue une condamnation implicite des meurtres, incestes et autres escroqueries durant cette époque. Aucun de ces traités philosophiques n’est nécessaire à connaître pour pratiquer l’acupuncture, excepté sans doute le Yijing, le plus ancien Classique permettant d’appréhender la pensée Chinoise [[4]]. Néanmoins, la philosophie qui sous-tend la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) est à la base des cent à deux-cents ouvrages médicaux fondamentaux écrits sur plus de 20 siècles [[5]]. Nous allons en étudier sept, à commencer par le Yijing.

Dynastie Zhou (1121-722 avant notre ère)

 Yijing

La tradition chinoise fait remonter le Yijing, Livre des mutations, à l’invention des trigrammes par Fuxi (Fou Hi) (Figure 2).

Figure 2. Fuxi traçant les trigrammes du Yijing.

 Le Yijing (易經, également orthographié Yi King ou Yi-King), prononcé en français i ting, est un manuel chinois dont le titre peut se traduire par « Classique des changements » ou « Livre des Transformations » selon les différentes traductions françaises [6-8]. Il s’agit à l’origine d’une collection de signes à usage divinatoire. Les oracles étaient alors en usage dans l’antiquité. Les plus anciens d’entre eux se limitaient à un système de réponses binaires sous la forme « oui » ou « non », soit un trait plein (yang), soit le trait brisé (yin). Ainsi, le Yijing est constitué de 64 hexagrammes, formé de deux trigrammes. Il y a huit trigrammes simples (Figure 3), qui assemblés deux à deux forment les soixante-quatre hexagrammes (figures basées sur la combinaison de six traits).

Figure 3. Le bagua (八卦) est un diagramme octogonal avec un trigramme différent sur chaque côté avec le taiji (symbole du yin-yang) au centre (graphique réalisé par Benoît Stella).

 On consulte le Yijing à travers les trigrammes et hexagrammes (Figure 4) que l’on tire trait par trait. À chaque hexagramme ont été ajoutés ultérieurement des commentaires de Wen Wang, père du fondateur de la dynastie des Zou, vers 1150 AEC, ceux du duc Zhou Gong, frère du roi Wu et ceux de  Confucius, donnant des indications sur la qualité de l’état concerné.

Figure 4. Les 64 hexagrammes qui résultent de la combinaison de deux trigrammes.

Ainsi, à l’hexagramme 50 (鼎) ding (le Chaudron) correspond le trigramme du haut li Le Feu et le trigramme du bas xunLe Vent. « L’ensemble de l’hexagramme offre l’image du chaudron ; en bas sont les pieds, puis la panse, puis les oreilles, c’est-à-dire les anses, et, tout en haut, les anneaux qui servent à le porter. L’image du chaudron évoque en même temps l’idée d’alimentation. Le chaudron en bronze était le récipient qui, dans les temples des ancêtres et lors des festins, contenait les aliments cuits. Le chef de famille les y puisait et les plaçait dans les coupes de ses hôtes. « Le puits » avait également le sens secondaire de distribution de la nourriture, mais surtout pour le peuple. Le chaudron, en tant que réalisation d’une civilisation raffinée, évoque les soins et l’alimentation prodigués aux hommes de valeur, qui tournent au bien du peuple [8].

En pratique, les oracles issus du Yijing se réalisent en utilisant par exemple trois pièces identiques que l’on jette ensemble. On obtiendra le premier trait sur les six à construire. Il faut savoir que Face vaut 3 (impair et yang) et pile vaut 2 (pair et yin). Donc 3 pièces Face : Face Face Face → 9 ; Pile Pile Pile → 6 ; Face Face Pile → 8 ; Pile Pile Face → 7. On a donc construit le premier trait, celui du bas de l’hexagramme. Il faudra répéter l’opération six fois pour construire l’hexagramme complet en progressant vers le haut. Il faudra aussi tenir compte que le 6 et le 9 sont des traits dits muables, alors que 7 et 8 sont des traits dits stables ou au repos. A la fin de la construction de l’hexagramme, il ne reste plus qu’à lire les commentaires auxquels il se rapporte.

« Lorsque cet hexagramme se compose entièrement de traits en repos, l’oracle n’en retient que l’idée générale, telle qu’elle s’exprime dans le « jugement » du roi Wen et dans le « Commentaire sur la décision » de Confucius, auxquels s’ajoutent encore l’image de l’hexagramme et les paroles de texte qui y sont annexées. « Si, dans l’hexagramme ainsi obtenu, on a un ou plusieurs traits muables, il faut en outre prendre en considération les paroles annexées à ce ou ces traits par le duc de Zou » [8].

Royaumes Combattants (476-221 AEC)

Huangdi neijing

Le Huangdi neijing (黄帝内經) ou Classique interne de l’empereur Jaune est le plus ancien ouvrage de médecine chinoise traditionnelle. Il se divise en deux parties : le Suwen et le Lingshu. Tous les aspects de la médecine y sont abordés, avec leur traitement, et plus particulièrement le traitement par acupuncture. C’est à Huangdi, l’Empereur jaune mythique (figure 5) que l’on attribue la découverte de l’acupuncture et de la moxibustion.

Figure 5. Huangdi, l’Empereur jaune mythique.

Le Huangdi neijing s’intéresse beaucoup aux  « Cinq internes » représentant les cinq organes profonds du corps humain, au cœur de la vitalité, d’où son nom. On considère que l’ouvrage a été composé durant la période couvrant les Royaumes combattants (476 à 221 AEC) à celle de la dynastie Han (220 AEC à 220 EC), ce qui est tout à fait vraisemblable depuis les découvertes des manuscrits de « Mawangdui ». Cependant, le Huangdi neijing organisé tel que nous le connaissons ce jour, du moins pour les vingt-quatre parties et quatre-vingt-un chapitres du Suwen a été compilé par Wang Bing (710-804 EC sous la dynastie Tang) pendant douze années de sa vie. Il existe, outre la version de Huangfu Mi (215-282 EC) qui a repris de nombreux chapitres intégraux duSuwen dans son propre ouvrage le Zhenjiu jiayijing (針灸甲乙經), trois autres versions du Suwen : celle de Yang Shangshan (Huangdi neijing taisu, écrit sous la dynastie Sui), celle de Quan Yuanqi (520-577 EC), et bien sûr la plus connue, celle de Wang Bing [[9]].

Le souverain Huangdi pose au Maître Céleste Qi Bo des questions concernant les fondements de la vie humaine, abordant autant la physiologie (à travers l’étude des viscères et des trajets des méridiens) que l’étiologie (en décrivant les mécanismes physiopathologiques), le diagnostic (par la prise des pouls) ou que le traitement (puncture, moxibustion, phytothérapie, massages…). Bref, le Huangdi Neijing expose comment déceler les maladies et comment les traiter [[10]].

« Huangdi : Le pouls de printemps est en « corde ». Comment cela ?

Qibo : Il est celui du Foie, Est-Bois, début de la vie des créatures. Son qi est souple, léger, lisse et s’allonge tout droit (comme les jeunes pousses), c’est pourquoi il est dit en « corde » (d’arc). Sinon il est pathologique … » (Livre VI. Chapitre 19) [[11]].

Vont s’exposer la doctrine du yin et du yang, et aussi celle des Cinq Éléments (Cinq Mouvements 五行)qui prenaient leurs essors justement à l’époque de la rédaction de l’ouvrage. La physiologie va s’exprimer à travers l’étude des correspondances entre les cinq organes et les cinq éléments.

« ..Le froid et la chaleur, la sécheresse et l’humidité, le vent et le feu sont le yin et le yang célestes, Les 3 yin et les 3 yang les reçoivent d’en haut, Le Bois, le Feu, la Terre, le Métal, et l’Eau sont le yin et yang de la terre, et la naissance, la croissance, la maturation et l’engrangement leur répondent en bas », dans le yang il y a du yin et dans le yin il y a du yang » [11].

Le chapitre X « jingmai » du Huangdi neijing lingshu va décrire les trajets des méridiens. Et sur ces méridiens, on repère quelques points d’acupuncture. Dans le terme Lingshu, se retrouve le caractère Shu (樞), pivot, permettant l’ouverture et la fermeture alternée d’une « porte », entrée ou sortie de l’Energie (qi), laquelle s’écoule par l’intermédiaire des méridiens (jing, 經). Et c’est par les aiguilles et la pharmacopée que l’on peut préserver le but de la vie, c’est à dire la « relation vitale au Ciel, par les Esprits (shen) » [10]. A noter d’ailleurs que l’appellation Lingshu n’apparut que sous les Tang et que le Huangdi neijing lingshu se dénommait antérieurement le Classique des aiguilles (Zhenjing) [10,[12]].

 Qin et Han (221 AEC – 220 EC)

Les manuscrits de “Mawangdui” (168 AEC)

Lors de fouilles effectuées en 1972 et 1973 sur le site de Mawangdui dans la province du Hunan, les archéologues chinois découvrirent les plus anciens documents connus concernant la médecine chinoise (Figure 6) ainsi que des exemplaires du Daodejing et du Yijing dans un groupe de tombes datant de la dynastie Han. Parmi les trente-six ouvrages répertoriés dans les livres classés « techniques et recettes thérapeutiques », dont un manuel de palpation des pouls (Maifa), se trouvait le Huangdi neijing, parvenu sous une forme incomplète, très remaniée et datant de 168 AEC. On constata que les théories médicales étaient en pleine élaboration avec une quête obsessionnelle de la longévité et de la puissance sexuelle. Les méridiens, par exemple, sont décrits dans le Canon de moxibustion des onze méridiens yin et yang –version A (Yingyang shiyimai jiujing –jiaben) et sont au nombre de onze sur les douze que l’on connaît, le méridien manquant étant le shoujueyin (Maître du Cœur). Les textes apportent d’ailleurs la démonstration que le méridien MC est, parmi les méridiens principaux le dernier à apparaître. Inconnu au IIIème AEC, il est intégré comme douzième méridien entre le Ier siècle AEC et le I-IIème siècle EC, état de fait qui se verra dans le Nanjing où il est cité dans la difficulté 25 et 66 [[13]]. Les points (xue) d’acupuncture sont rarement mentionnés et leur dénomination est inconnue. En fait, il semblerait que ce soit Wang Bing qui les ait introduits [[14]]. On s’aperçoit qu’il n’y a pas de référence à une théorie des Organes/Entrailles ou à un système des cinq Phases. La moxibustion est la seule technique thérapeutique de la « médecine des méridiens » [[15]].

Figure 6. Manuscrit écrit sur rouleau de soie découvert à Mawangdui dans les années 1970.

 Bien sûr, les aiguilles métalliques sont totalement ignorées. Les thérapeutes de cette époque utilisent essentiellement la pharmacopée et la régulation des « souffles » [[16]]. Ces découvertes objectivent que pendant les deux siècles de la dynastie des Han occidentaux (206 AEC – 23 EC), la pensée médicale chinoise a subi un processus de normalisation complète et de systématisation. Les manuscrits médicaux de la tombe 3 montrent que les textes classiques de médecine, en particulier le Huangdi neijing qui est considéré comme le plus ancien des écrits de leur genre, avait non seulement été compilé bien plus tard qu’il n’est communément admis dans la tradition chinoise, mais que même des points de vue qui y sont représentés n’auraient pu se développer avant les Han. Ainsi, sur la base de ces textes manuscrits, on a pu déterminer que, au moment des Qin (221 AEC – 206 AEC) et le début des Han de l’Ouest la plupart des caractéristiques typiques de l’art de guérir chinois n’avait pas été systématisé. « Ces manuscrits brisent l’image d’une médecine chinoise quasi-révélée, figée dans une sorte de grandiose immobilité, et la remplacent par la vision de thérapeutes qui tâtonnent, cherchent, expérimentent et progressent » [16]. Ces manuscrits permettent aussi de souligner l’importance du Nanjing et son rôle dans l’établissement une nouvelle orientation du corpus standardisé et systématique des connaissances de la médecine chinoise. Enfin, il apparaît que la notion des méridiens était antérieure à celle des points d’acupuncture car « il se confirme que plus on remonte loin dans le passé, plus le nombre de points d’acupuncture décroit » [15]. Ainsi, le paradigme le plus couramment repris actuellement qui dit que le système des Jingluo doit être pensé comme la théorie d’intégration des points d’acupuncture et qui part du principe de leur antériorité, serait inexact car en réalité le système des méridiens ne serait que le reflet de trajet des douleurs projetées neurologiques (comme le trajet d’une sciatique) ou de trajet vasculaire.   

 Nanjing ( Ier ou IIsiècle AEC)

 Le Nanjing, encore appelé Classique des difficultés est un des Classiques les plus anciens de la médecine chinoise. Il daterait de l’époque des royaumes combattants et son auteur présumé serait Qin Yueren (également appelé Bianque, 407-310 AEC ?). Cependant les avis sont partagés : ainsi si Zang Ruilin et Nguyen Van Nghi [13,[17]] sont convaincus que Bianque (Figure 7) en est bien l’auteur, Lafont ne l’est pas.

En effet, à partir d’un essai de datation du Nanjing par comparaison au Huangdi neijing, l’œuvre ne pourrait pas remonter au-delà du IIIe siècle de notre ère et aurait été rédigée par un ou plusieurs médecins inconnus au début du IIIe siècle quelques temps après la partition du Huangdi neijing (en Suwen et Lingshu) que Lafont daterait du IIe EC [12].

Figure 7. Bianque (de son vrai nom Qin Yueren).

 Il semblerait que les manuscrits de “Mawangdui” (168 AEC) lui donnent raison, surtout que le Nanjing ne peut avoir été écrit avant le Huangdi neijing suwen et lingshu dont il explique en six chapitres, les 81 passages délicats. Les six chapitres sont le livre I qui aborde en 22 difficultés la sphygmologie ; le livre II : 7 difficultés sur les méridiens (jingmai) ; le livre III : 18 difficultés sur Organes et entrailles ; livre IV : 14 difficultés sur les pathologies ; livre V : 7 difficultés sur les points shu et le livre VI qui termine en 13 difficultés sur les techniques de l’acupuncture. Ainsi le livre VI explique dans la difficulté 69 le principe du traitement : tonifier la mère et disperser le fils alors que la difficulté 70 s’intéresse à la méthode de puncture suivant les quatre saisons [[18]].

Voici par exemple dans une traduction récente de Tran Viet Dzung, la difficulté 45 du livre III qui s’intéresse à la localisation des « huit réunions » :

« Question : Neijing parle des “huit réunions”. Où se trouvent-elles ? A quoi servent-elles ? Réponse : Le lieu de réunion de l’énergie des 6 entrailles se trouve au point zhongwan [12VC] du méridien curieux renmai »… [[19]].

 Shanghanlun

 Zhang Zhongjing (150-219 EC) (Figure 8) rédigea le Shanghanlun (Traité des atteintes du froid) au début du 3ème siècle de notre ère. Il ne s’agit pas à proprement parlé d’une œuvre d’acupuncture mais plus plutôt d’un traité de pharmacopée chinoise avec des recettes médicinales utilisant les théories médicales déjà utilisées dans le Huang neijing ou le Nanjing. C’est l’un des livres médicaux le plus commenté (entre cinq cents et neuf cents commentateurs), dont la plupart des recettes de phytothérapie sont encore utilisées de nos jours. Le Shanghanlun a la particularité également de ne traiter, comme son nom l’indique, que des atteintes par le froid (donc refroidissements infectieux, certaines pathologies pulmonaires, digestives, paludisme, maladies contagieuses etc.) [[20]].

  Figure 8. Zhang Zhongjing (張仲景), auteur du Shanghanlun.

 Les modes thérapeutiques de base sont au nombre de huit : sudorification, vomification, purgation, harmonisation, réchauffement, réfrigération ou purification, tonification et dispersion. La sudorification est surtout employée au premier stade de la maladie pour chasser les « énergies » pathogènes de la partie superficielle du corps (biao), comme le Vent ou le Froid. On utilisera des plantes telles que la branche de cannelier (cinnamomum aromaticum), l’éphèdre..

L’ouvrage est subdivisé en six parties en fonction des atteintes énergétiques selon le classement des Grands Méridiens allant de la superficie à la profondeur du corps : taiyangyangmingshaoyangtaiyinshaoyin, et jueyin. Il faut noter que l’évolution de la Maladie selon ces niveaux structurels sera identique dans les chapitres 31 du Huangdi suwen, mais différente dans le chapitre 6 où on retrouve un ordre différent : taiyangshaoyang, yangmingtaiyinshaoyin et jueyin [[21]]. Des auteurs modernes offrent aussi une autre classification selon la dialectique yinyang et le rapport biaoli (externe-interne)du chapitre 24 du Suwen : taiyangshaoyang, yangmingtaiyinjueyin et shaoyin [[22],[23],[24]]. Mariéconsidère que bien que l’on puisse étudier la pénétration de l’agent pathogène selon cette méthode, la méthode du Shanghanlun est préférable [[25]].

Ainsi dans les maladies du Taiyang, niveau énergétique le plus superficiel formé par l’association des méridiens Intestin Grêle et Vessie, on pourra observer deux sortes de maladies : le shanghan et le zhongfeng. On observera par exemple au cours de cette dernière les symptômes suivants : maux de tête, nuque raide, fièvre, crainte du vent, sudation avec frilosité. La thérapeutique consistera à utiliser la sudorification par décoction de cannelle qui permettra d’harmoniser et régulariser les souffles défensifs et nourriciers [20].   

A noter que même si le traitement est phytothérapique, de nombreuses propositions acupuncturales ont été reprises dans le Dacheng. Ainsi une technique de sudorification en cas de d’atteinte du taiyang par le vent (zhongfeng) consiste à puncturer le GI4 (hegu), PO7 (lieque), VE12 (fengmen), VB20 (fengchi) [[26]].

Trois Royaumes, Jin, dynasties du Nord et du Sud (220-581)

Jiayijing 

Huang Fumi (215-282) sous la dynastie des Jin écrivit en 259 de notre ère le Zhenjiu jiayijing (針灸甲乙經, L’ABC d’Acupuncture et de Moxibustion). Il s’agit en fait du premier ouvrage de «vulgarisation» de la médecine chinoise. Huang Fumi (figure 9) fit une synthèse des données de la médecine chinoise de son époque, des conceptions théoriques traditionnelles du Taoïsme à la pratique clinique et thérapeutique, à partir de trois ouvrages, dont le Suwen. Le terme jiayi du titre vient du fait qu’au début, le texte était divisé en dix volumes, indexés selon le cycle des dix troncs célestes : jiayibingding etc., puis l’ouvrage comporta douze volumes, comme les 12 branches terrestres.

Figure 9. Huang Fumi (皇 甫謐), auteur du Zhenjiu jiayijing.

 Deux traductions françaises existent [[27],[28]] dont celle réalisée par l’Association Française d’Acupuncture. Les textes originaux proviennent donc pour la plupart du Huangdi neijing, mais non agencés de la même façon [[29]]. Ainsi, le livre I comporte seize chapitres et le livre IV, le plus court, n’en comporte que trois. On pourra remarquer que certains chapitres du Suwen, correspondent aux mêmes dans le Zhenjiu jiayijing. Exemple : « De la piqûre miu » du chapitre 63 du Suwen va correspondre le Zhenjiu jiayijing V-3 « La piqûre miu ». Par contre, d’autres livres approfondissent ou explicitent davantage les données du Suwen. Le livre II contient ainsi sept chapitres consacrés uniquement aux méridiens Luo,aux méridiens extraordinaires, aux nœuds et racines des méridiens etc.

« Lorsque le pervers s’installe dans le corps, il loge d’abord nécessairement dans la peau et les poils. S’il reste et ne part pas, il pénètre et loge dans les sunluo ; s’il reste et ne part pas, il pénètre et loge dans les vaisseaux luo(luomai) ; s’il reste et ne part pas, il pénètre et loge dans les méridiens (jingmai), il entre à l’intérieur se joindre aux cinq organes et se diffuse dans l’estomac et les intestins.…. »

 Dynastie Ming (1368 – 1644)

Zhenjiu Dacheng

 Le « Compendium d’Acupuncture et Moxibustion » (Zhenjiu dacheng) qui a été compilé par Yang Jizhou en 1601 dissipe les confusions entre les points et les méridiens et essaie d’établir un consensus. L’auteur lui-même explique au début de son œuvre [[30]] qu’il a établi la synthèse d’une vingtaine d’ouvrages dont parmi les plus importants se trouvent bien sûr le Suwen, le Nanjing, mais aussi d’autres aussi importants comme le Tongren shuxue zhenjiu tujing (« Classique illustré des points d’acupuncture de l’homme de bronze » publié par Wang Wei Yi en 1027) ou le Qianjin Fang (Prescriptions Valant Mille Pièces d’Or) écrit par Sun Simiao (581-682) sous la dynastie Tang.

Le Dacheng dans son premier livre correspond au Neijing suwen et au Nanjing. Les deuxième et troisième livres exposent les chants et poèmes d’acupuncture comme le chapitre 56 : « Chant du dragon de Jade ». Il s’agit d’un chant qui indique cent-vingt points dont l’efficacité thérapeutique est certaine dans les maladies difficiles. Voici un extrait : « 12 – Aphonie soudaine : puncturer un seul point, le yamen 15VG. Se rappeler que la puncture doit être superficielle, la voix se rétablit après la puncture. » [[31]].

Le livre 4 traite de la manipulation de l’aiguille selon les différents Classiques ou selon les différents maîtres, par exemple le chapitre 81 : « Tonification / dispersion selon la famille Yang de la cité Sanqu : manipulation d’aiguille ; différentes techniques de puncture ; les « 8 règles » de conduction énergétique » [[32]].

Le livre 5 parle de la règle minuit-midi et de l’utilisation des huit méridiens curieux : le chapitre 116 a pour titre par exemple : « Tableau des ‘ jours’ et des ‘ heures’ d’ouverture des points de liaison (points clés) des méridiens curieux durant un cycle de 60 jours (cycle jiaji) » [32].

Les livres 6 et 7 s’intéressent aux méridiens et aux points, tels que les points du zujueyin (Foie) et leurs indications. Auteroche et Navailh ont fait d’ailleurs une traduction personnelle à partir d’une traduction d’une édition du Zhenjiu dacheng de 1843 et d’une édition de 1973. Ils ont ainsi constaté qu’il n’y avait pas de différence essentielle entre les deux textes. Le texte commence par un rappel de citations du Suwen relatives aux caractéristiques de l’organe Foie. La pharmacopée chinoise est décrite permettant de traiter les troubles du Foie et de son méridien. Ensuite, le Dacheng détaille les treize points du Méridien du Foie (Figure 10) avec leurs emplacements et leurs indications thérapeutiques. A cette occasion les auteurs font remarquer que le méridien du Foie ne compte que treize points dans le Dacheng  alors qu’actuellement, il en existe quatorze. Le jimai (12F) est manquant [[33]].

Le livre 8 correspond au traitement des différentes pathologies par acupuncture tel que le «154. Traitement des maladies psychiatriques (folies yin et folies yang» alors que le livre 9 présente les traitements de célèbres acupuncteurs ainsi que la moxibustion comme «184. Méthode de localisation et de moxibustion du point shangqiang, VG1 dans le traitement des hémorroïdes ».

Enfin le dixième livre traite essentiellement des nourrissons. Le chapitre 218 a d’ailleurs pour titre : « Conduite à tenir chez le nouveau né : pendant la grossesse ; lors de la délivrance ; réanimation ; troubles intestinaux et urinaires ; bain ; section du cordon ombilical ; syndrome de Tifeng : coupure des cheveux ; hygiène alimentaire et surveillance ».

L’œuvre de Yang Jizhou a été traduite en français sous la forme d’ouvrage en trois volumes [32,[34]]. Il faut noter enfin que le Dacheng a été aussi la principale référence pour Soulié de Morant qui l’a traduit sans publication [33] et s’en est servi pour introduire l’acupuncture en France dans les années 1930 [[35]].

Figure 10. Le méridien de Foie (zujueyin). Planche extraite du Zhenjiu dacheng de Yang Jizhou, dessiné par Zhang Tingui en 1843.

Problématique de la traduction chinoise

Auteroche [[36]], Choain [[37]], Beyens [[38]], Dinouart-Jatteau [[39]] entre autres médecins sinologues, nous ont mis en garde contre les pièges et les difficultés de la traduction qui guettent tout novice ignorant la langue chinoise et son histoire. Larre [[40]] explique : « Il ne faut ni éluder les difficultés et contourner les obstacles, ni transposer en une idéologie occidentale parée d’exotisme, ni être à ce point obsédé qu’on obscurcisse le sens en multipliant les effets, ce qui pousse la traduction assez paradoxalement vers l’abstrait et lui faire prendre des allures de commentaire ». On comprendra donc que des concepts très éloignés chronologiquement surgissent des textes chinois classiques, faisant obstacle à une traduction éclairée. En effet, chaque traducteur a sa façon d’appréhender les caractères chinois, allant jusqu’à « occidentaliser » la médecine chinoise, entraînant des omissions, voire des erreurs comme le fait remarquer Milsky [29]. Des termes chinois seront ainsi traduits de façon multiple avec des sens multiples. Ainsi le terme jingjin sera traduit selon les différents auteurs par méridien tendino-musculaire, tendons des méridiens, zone tendino-musculaire des méridiens ou muscle des méridiens, pouvant entraîner une confusion [[41]]. De ce fait, il est nécessaire de se plonger dans plusieurs traductions du même livre pour y dénicher une certaine vérité.


Références

 [1]. Triadou P. Médecine, Science et philosophie. Méridiens. 1997;109:11-22.

[2]. Despeux C. L’élixir d’immortalité, l’élixir de longue vie. In: Réunion des Musées Nationaux (France). La voie du Tao, un autre chemin de l’être. Paris: Rmn; 2010. p. 63-73.

[3]. Delacour C. In: Réunion des Musées Nationaux (France). La voie du Tao, un autre chemin de l’être. Paris: Rmn; 2010. p.168.

[4]. Dinouart-Jatteau P, Levy A. Langue chinoise et sources de la médecine traditionnelle chinoise. Encyclopédie des médecines naturelles, Paris. 1989; IA-2:14P.

[5]. Nguyen J. Les classiques médicaux chinois : état des traductions en langue française et anglaise. Acupuncture & Moxibustion. 2007;6(4):337-341.

[6]. Le Yi King. Traduction de Paul-Louis-Félix Philastre, présentation de François Jullien.1ère Ed. Cadeilhan: Zulma; 1992.

[7]. Le Yi-Jing, Le livre des changements. Traduction Cyrille Javary, Pierre Faure. Paris: Ed Albin Michel; 2002.

[8]. Le Yi-King ou le livre des transformations. Traduction Richard Wilhelm. Paris: Ed Medicis; 1993. 

[9]. Triadou P. Histoire du Suwen et tradition de l’Empereur Jaune. Revue Française d’Acupuncture. 1995;83:7-24.

[10]. Larre C. Rochat E. Huangdi Neijing. Revue Française d’Acupuncture. 1987;49:9-16.

[11]. Husson A. Huangdi Neijing Suwen. 1ère Ed. Paris: Ed. A.S.M.A.F; 1973.

[12]. Lafont JL. Bian que, la légende et l’histoire. Acupuncture & Moxibustion. 2006;5(4):319-326. 

[13]. Zhang Ruilin. Traduction Marie-Emmanuelle Gatineaud. Mon point de vue sur la paternité du “Classique des 81 difficultés en Acupuncture” (Nanjing). Acupuncture & Moxibustion. 2007;6(1):8-13. 

[14]. Delacour C. In: Réunion des Musées Nationaux (France). La voie du Tao, un autre chemin de l’être. Paris: Rmn; 2010. p.242.

[15]. Nguyen P. La formation historique du système des méridiens : les textes de Mawangdui et leurs interpretations. Revue Française de MTC. 1987;124:217-226.

[16]. Robert Y. Aspects de la médecine chinoise au IIIème siècle avant notre ère. Médecine Chinoise et Médecines Orientales. 1993;7:53-61.

[17]. Nguyen Van Nghi. Problèmes difficiles de l’Acupuncture (Nanjing) de Qin Yue Ren, alias Bian Que -500 ans av.J.-C. Revue française de MTC. 1995;167:107-29. 

[18]. Nguyen Van Nghi. Problèmes difficiles de l’acupuncture. Revue Française d’Acupuncture. 1975;1:67.

[19]. Tran Viet Dzung. Nanjing : problèmes difficiles de l’acupuncture livre III, difficultés 45, 46 et 47 Acupuncture & Moxibustion. 2003;2(1-2):8-14.

[20]. Despeux C. Introduction au Shanghanlun. Revue Française d’Acupuncture. 1982;30:33-47.

[21]. Lafont JL. Maladies fébriles par atteinte du froid. La Revue des Séminaires d’Acupuncture de l’AFERA. 1986;2:59-63.

[22]. Borsarello JF. Traité d’acupuncture. Paris: Masson; 2005.

[23]. Cobos R, Vas J. Manual de Acupuntura y Moxibustión (libro de Texto). Volumen 1. Beijing: ediciones Morning Glory Publishing; 2000.

[24]. Maciocia G. Les principes fondamentaux de la médecine chinoise. 2ème Ed. Issy-les-Moulineaux: Elsevier; 2008.

[25]. Marié E. Introduction au diagnostic différentiel et au traitement de quelques syndromes de vent froid. Médecine Chinoise et Médecine Orientales. 1993;5:17-25.

[26]. Luu Tech-Khen. Revue des maladies du Froid. Méridiens. 1988;83:87-112.

[27]. Huangfu Mi. Jia Yi Jing (Canon d’acupuncture de Huang Fu Mi). Éléments de base de l’acupuncture. Traduction Dang-Vu Hung Paris: Masson; 1989.

[28]. Huangfu Mi. Zhenjiu jiayi jing. Traduction Milsky C, Andrès G. Paris: Trédaniel; 2004.

[29]. Milsky C. Réflexions sur la traduction du Zhenjiu jiayi jing. Revue Française d’Acupuncture. 1987;49:47-51.

[30]. Yang Chi Chou. Ouvrages de référence de l’acupuncture. Mensuel du Médecin Acupuncteur. 1982;91:811-3.

[31]. Nguyen Van Nghi, Tran Viet Dzung, Recours C. Le Chant du Dragon de Jade. Mensuel du Médecin Acupuncteur. 1981;85:565-71.

[32]. Nguyen Van Nghi, Tran Viet Dzung et Recours-Nguyen C. Art et pratique de l’acupuncture et de la moxibustion selon Zhen Jiu Da Cheng de Yang Chi Chou (3 volumes). Marseille: Edition NVN; 1982

[33]. Auteroche B et Navailh P. L’organe Foie et son méridien. Méridiens.1981;53-54:89-120.

[34]. Darras JC. Zhen Jiu Da Cheng. (3 volumes).  Paris: Editions Darras; 1981-1982.

[35]. Soulié de Morant G. Précis de la vraie acuponcture chinoise. Paris: Ed Mercure de France; 1934.

[36]. Auteroche B. A propos de la traduction des classiques chinois (1). Folia Sinotherapeutica. 1990;6:29-32.

[37]. Choain J. Connaissance des textes traditionnels. Imposture ou naïveté ? Acupuncture.1981;70:11-20.

[38]. Beyens F. Texte chinois et acupuncture ou le caractère de la tradition. Congrès national d’acupuncture, Paris. 1982:87.

[39]. Dinouart-Jatteau P, Levy A. Langue chinoise et sources de la médecine traditionnelle chinoise. In: Encyclopédie des médecines naturelles, Paris. 1989; IA-2:14P.

[40]. Larre CSJ. Impressionnisme. Revue Française d’Acupuncture. 1987;49:7-8.

[41]. Stéphan JM. Les jingjin 經筋, Méridiens Tendino-Musculaires ou Muscles des Méridiens. Acupuncture & Moxibustion. 2007;6(2):177-182.

 © Stéphan JM. Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(4):290-301.

Stéphan JM. Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(4):290-301. (version PDF)

Stéphan JM. Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(4):290-301. (version 2010)

Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes

Sur la route vers Madurai – Tamil Nadu – Inde
Sur la route vers Madurai – Tamil Nadu – Inde

Acuterme : un protocole de recherche sur la prise en charge par acupuncture des patientes à terme

Ce travail réalisé en 2010 par Maëlys Lécuyer et Sandrine Brame est la présentation d’un protocole d’essai contrôlé randomisé ouvert de type prospectif pouvant se dérouler en bi-centrique (maternités de Roubaix et Lens) comparant acupuncture versus population témoin. Le critère de jugement principal serait d’étudier l’efficacité de l’acupuncture dans l’induction du travail lors de la consultation de terme. Les critères secondaires : comparer l’évolution du score de Bishop chez les patientes à terme (T) et T+2 jours, comparer les recours aux thérapeutiques médicamenteuses, étudier la durée du travail et enfin évaluer le vécu et la satisfaction des patientes.

La fréquence nationale du nombre de patientes accouchant entre 41 et 41+6 jours est estimée en 2007 à 19%, taux similaire retrouvé dans les deux maternités. De ce fait, en faisant l’hypothèse d’une fréquence de début de travail spontané de l’accouchement de 18% sans traitement des femmes en terme dépassé accouchant à T+2 et de 33% avec traitement acupunctural (soit 15% d’accouchements de plus grâce à l’acupuncture), les auteurs du mémoire ont calculé qu’il était nécessaire d’inclure 344 patientes (pour une puissance de 90 % et un risque alpha de 5 %) c’est-à-dire 172 patientes par bras. La durée de l’étude pouvait donc être estimée à une année.

Les points du groupe acupuncture sont : FO3, GI4, RA6, ES30, VC4, RE3 à laisser en place pendant 30mn après la recherche du deqi. Par ailleurs, une tonification du GI4 devra être réalisée toutes les cinq à dix mn lors des deux séances d’acupuncture qui auront lieu à terme et à terme + 2 jours.

Dans le groupe témoin, ne sera réalisée qu’une évaluation du score de Bishop.

Intérêt du zhubin durant la grossesse

Zhubin, traduit littéralement par « maison des invités » est le point xi et le point d’entrée du qi du Méridien Curieux yinweimai, le vaisseau régulateur du yin. Selon les différents auteurs, zhubin tonifie le yin du Rein, calme le shen et le Cœur, procure un équilibre qui assure le bon déroulement de la grossesse en intervenant dans la croissance fœtale, diminuerait la transmission d’une mauvaise hérédité, les infections uro-génitales ainsi que les douleurs sur le trajet du méridien de Rein ou de yinweimai etc. De ce fait, Isabelle Charlet et Nathalie Dutriaux en 2011 ont entrepris une étude rétrospective chez des patientes ayant bénéficié de la puncture du zhubin RE9, en une ou deux séances en maternité pour des motifs de consultations suivants : lombalgies (34 cas), contractions utérines avec menace d’accouchement prématuré (23 cas de MAP), syndrome de Lacomme (10 cas), croissance fœtale limite sans étiologies connues (10 cas).

Cette étude s’est basée principalement sur les témoignages des patientes. Les résultats obtenus sont encourageants surtout pour les syndromes de Lacomme et les lombalgies. Le résultat positif de la puncture de zhubin dans le cas des menaces d’accouchement prématuré avant terme n’est pas négligeable et peut permettre de réduire et de potentialiser un traitement tocolytique classique. Les auteurs observent ainsi un arrêt total ou une diminution des contractions utérines dans près des deux tiers des personnes concernées (figure 1). On trouve une légère prédominance des primipares (huit primipares pour six multipares). Néanmoins, les séances d’acupuncture ne semblent pas être suffisantes pour obtenir une tocolyse parfaite chez toutes les patientes. Seules cinq femmes (21%) ont vu disparaître complètement leurs contractions alors que neuf patientes (39%) ont présenté une diminution conséquente du nombre de contractions ressenties, mais sans disparition complète. Il semble aussi préférable de programmer deux séances d’acupuncture. En effet, presque la moitié des patientes ayant vu un résultat positif, ont eu deux séances (six sur quatorze patientes) alors qu’une seule séance a été réalisée chez les patientes (sept cas sur neuf) ayant eu une absence de résultat.

Figure 1. Action du zhubin sur les menaces d’accouchements prématurés.

Jeune maman – sur la route vers Madurai – Tamil Nadu – Inde
Jeune maman – sur la route vers Madurai – Tamil Nadu – Inde

L’acupuncture et la mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes

La rupture des membranes est dite prématurée si elle survient pendant la grossesse mais avant le début du travail. Elle affecte 6 à 19 % des grossesses à terme, c’est-à-dire après 37 semaines d’aménorrhée, mais le chiffre est imprécis car il n’existe pas de consensus professionnel. En pratique, on effectue un prélèvement de liquide amniotique ; la parturiente est hospitalisée ; une antibiothérapie au bout de la douzième heure de rupture est mise en route et on programme un déclenchement après vingt-quatre heures. A la naissance, il est important de réaliser un bilan infectieux au nouveau-né.

Florence Cacheux et Emilie Theve en 2011 se sont intéressées à la mise en route du travail lors des ruptures prématurées des membranes. Il s’agit d’une petite étude contrôlée ouverte et non randomisée de type prospectif. Les critères d’inclusion ont été : âge gestationnel supérieur à 37 semaines d’aménorrhée ; la rupture de la poche des eaux ; l’absence de contraction utérine.

Le groupe acupuncture (n=30) a bénéficié de la puncture des points GI4, RA6, VC4 associée  à la puncture et la moxibustion des points liao : VE31 (shangliao), VE32 (liliao), VE33 (zhongliao) et VE34 (xialiao). Le second groupe témoin est un groupe d’expectative sans traitement (n=30).

On observe peu d’influence sur l’induction des contractions utérines (figure 2). Par contre, le délai entre la rupture de la poche des eaux et l’heure d’accouchement est plus court dans le groupe acupuncture, 27% des patientes ayant accouché dans les 12 heures alors qu’il n’est que de 13% dans les douze heures dans le groupe témoin. Mais au delà de douze heures, il n’y a plus de différence (figure 3).

Autre variable étudiée, le nombre d’heures de travail. On s’aperçoit que la phase active du travail est plus rapide dans le groupe de patientes ayant bénéficié d’acupuncture, puisque 37% d’entre elles ont accouché en moins de trois heures et qu’aucune n’a eu un travail supérieur à douze heures (figure 4).

 
Figure 2. Délai entre la rupture de la poche des eaux et le début des contractions. 

Figure 3. Délai entre la rupture de la poche des eaux et l’heure d’accouchement.

Figure 4. Nombres d’heures de travail. 

Figure 5. Modalités d’accouchement.

Les modalités d’accouchement semblent aussi être influencées par l’acupuncture. En effet, le nombre de voies basses spontanées est supérieur dans le groupe acupuncture que dans le groupe témoin, ceci pouvant peut-être s’expliquer par un travail plus rapide et donc une moindre fatigue (figure 5).

En conclusion, même si cet essai clinique de faible population souffre d’une méthodologie insuffisante, et sans rigoureuses statistiques comparatives, il a le mérite de montrer l’influence de l’acupuncture dans la réduction de la phase active du travail, sans action semble-t-il sur la mise en route du travail. Tout reste à infirmer ou confirmer par un essai clinique randomisé de haute qualité méthodologique.

Références

[1]. Décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019386996

[2]. Arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021245638

Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes [[1]] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [[2]] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale. A Lille, depuis 2010 un DIU a succédé à l’attestation universitaire d’études complémentaires (AUEC) en acupuncture obstétricale qui offrait une formation aux sages-femmes en deux années. Ce DIU sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan est validé par la soutenance d’un mémoire en fin de deuxième année. Régulièrement seront présentés dans ces colonnes les mémoires les plus significatifs des différentes facultés de médecine.

Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(1):69-72.

Sanyinjiao et périnée, zhubin et neiting dans le syndrome de Lacomme, sphygmologie quantitative

Femmes – Islam Khodja Madrasa – Khiva – Ouzbékistan
Femmes – Islam Khodja Madrasa – Khiva – Ouzbékistan

Expérimentation de la puncture du point RA6 en vue du relâchement du périnée lors de l’expulsion fœtale

En 2011, Anne-Sophie Piau et Sophie Broquet ont validé une étude clinique présentant une méthodologie basée sur l’OPC (objective performance criteria) [[3]]. Il s’agit d’une étude portant sur une population de cinquante-quatre femmes primipares ou seconde pare avec un utérus cicatriciel (ayant bénéficié d’une césarienne lors de leur première grossesse et qui n’avaient donc pas accouché par voie basse), en présentation du sommet et à un âge gestationnel supérieur ou égal à 37 semaines d’aménorrhée (SA). Ont été exclues les grossesses multiples (gémellaires ou triples), les présentations du siège, un âge gestationnel strictement inférieur à 37 SA, les patientes multipares…

Le but de l’étude  est d’étudier la qualité du relâchement du périnée par puncture du RA6 (sanyinjiao) par une aiguille de 25mm et de 0,25mm de diamètre posée bilatéralement à dilatation complète du col utérin, soit immédiatement, soit dans les minutes qui suivent ou encore juste avant les efforts expulsifs. Le critère d’efficacité a été les lésions périnéales au décours de l’accouchement par voie basse. L’étude est de type OPC car les auteurs ont comparé leur résultat avec une base de données fiable, norme objective qui sert de substitut au groupe témoin traditionnel. En l’occurrence, il s’agit de la base de données statistique de l’année 2010 (BD10) de l’hôpital Jeanne de Flandre à Lille concernant une même population de patientes primipares ou secondes pares avec césariennes antérieures (n= 2216 patientes). Pour un poids de naissance élevé supérieur à 3500g, connu pour être  facteur de risque important de lésions périnéales lors de l’accouchement par voie basse, seules 37,4% des patientes ont conservé un périnée intact en 2010 par rapport à 48% dans le groupe acupuncture. Aucune déchirure compliquée dans le groupe acupuncture versus BD10 (4,20%) ; 16% de déchirures simples versus 35,2%. Par contre, le nombre d’épisiotomies a été plus élevé dans le groupe acupuncture, 36% vs 23,2% en 2010 (figure 1).

Figure 1. Évaluation du périnée en fonction du poids.

Un autre facteur de risque de lésions périnéales est le périmètre crânien de l’enfant supérieur ou égal à 35cm. Plus de la moitié (58,33%) des patientes ayant donné naissance à un enfant de périmètre crânien supérieur à 35 centimètres ont conservé un périnée intact à l’issue de l’accouchement dans le groupe acupuncture versus 44,55% dans le groupe BD10 (figure 2).

Figure 2. Évaluation du périnée en fonction du périmètre crânien.

Malheureusement, les différences statistiquement significatives n’ont pas été calculées. Néanmoins, on peut considérer que chez ces femmes, l’acupuncture a suffisamment assoupli le périnée pour éviter les lésions accidentelles du périnée. Un essai contrôlé randomisé en double insu intéressant une population plus nombreuse pourrait confirmer ces résultats très prometteurs.

Le syndrome de Lacomme et acupuncture : étude prospective : évaluation de la douleur chez des femmes enceintes et traitement acupunctural 

Thaïs Richard et Marie Tavernier ont réalisé au centre hospitalier de Lens une étude clinique ouverte portant sur vingt et une patientes (douze multipares et neuf primipares) à terme compris entre 18+4 SA et 37+6 SA et présentant des symptômes type syndrome de Lacomme. Les critères de diagnostic étaient les suivants : douleurs symphysaires et/ou douleurs irradiantes dans le pli inguinal et toutes douleurs pouvant faire penser au syndrome de Lacomme. Deux points ont été poncturés : le Rn9 (zhubin) et ES44 (neiting) au cours de deux séances d’acupuncture de vingt minutes chacune espacées de huit à dix jours. Le critère de jugement était à l’échelle visuelle analogique (EVA) avant la séance, juste après et après la seconde séance. De manière générale, les résultats de l’étude montrent que les patientes sont soulagées par le traitement (tableau I). Plus particulièrement, après la première séance, 90% des patientes ont des douleurs qui diminuent lors de l’évaluation de l’EVA. La moitié des patientes soulagées n’ont quasiment plus aucune douleur après le traitement de la première séance (figure 3).

Tableau I : Résultats de l’EVA avant et après les séances.

 PARITÉTERMETERME de survenue des douleursEVA débutEVA après 1re séanceEVA après 2e séanceDURÉE entre les 2 séances (en jours)
13P30+2SA26SA88Perdue de vue6j
22P33+5SA33SA6427j
31P28+5SADébut de grossesse53Perdue de vue7j
41P35SA1/231SA5356j
51P30+1SA30SA7555j
61P2016SA60011j
72P30?80012j
81P2019SA60011j
92P3329SA8087j
102P34+5SA26SA8008j
112P1813SA4109j
121P18+4SA?7005j
132P35+1SA34SA6338j
144P24SA23+6SA5Non venue  
155P37+6SA37SA53Accouchement6j
163P34Sa32SA4108j
171p18+4SA15SA7105j
182P22SADébut de grossesse62015j
191P27SA26SA4227j
201P26 1/2SA25SA7309j
213P24 1/2244446j

Figure 3. Évaluation de la douleur après la première séance : amélioration 18 (90%), pas d’amélioration 2 (10%).

Après la deuxième séance, les résultats montrent que 75% des patientes sont soulagées après deux séances. Seules deux patientes, soit 10% de l’échantillon, ont une EVA qui ré-augmente par rapport à la valeur de départ. Les auteurs de l’étude se demandent si une troisième séance ou éventuellement des séances plus proches de la date d’apparition des douleurs auraient été bénéfiques. Bien que l’on puisse regretter que les critères objectifs de diagnostic du syndrome de Lacomme n’aient pas été utilisés comme le test de provocation de la douleur pelvienne, le test de « Patrick’s Faber etc.., tests permettant de diagnostiquer et de différencier les douleurs de la ceinture pelvienne des lombalgies basses, et qu’il n’y ait pas eu d’études statistiques, cet essai clinique montre tout l’intérêt de l’acupuncture dans le syndrome de Lacomme.

Pouls chinois et grossesse

L’intérêt de la prise des pouls (figure 4) au cours de la grossesse n’a pas échappé à Sandrine Huret et Emilie Bigotte lors de la soutenance de leur mémoire en 2012 intitulé « Pouls chinois et grossesse ». Après avoir réalisé une étude bibliographique sur l’intérêt diagnostique du pouls qualitatif et observé le pouls glissant hua physiologique de la grossesse traduisant l’apport supplémentaire de xue nécessaire à la croissance du fœtus, les auteurs se sont intéressées aux éléments de diagnostic apportés par le pouls quantitatif [4-6] lors de la grossesse normale. Notons que les auteurs ont choisi une terminologie de description des pouls bien spécifique au ressenti : état d’excès pour un pouls ample et fort ; état de vide pour un pouls en insuffisance, profond, fin et peu perçu.

Figure 4. La localisation des pouls radiaux selon George Soulié de Morant [[7]].

De janvier 2011 à mai 2011, une étude a été réalisée chez trente-huit patientes en consultation à la  maternité Saint Vincent de Paul à Lille ou en séances de préparation à la naissance en cabinet libéral. Sur trois périodes différentes (2et 3e trimestres de grossesse puis au-delà de 38SA à l’approche du terme) les pouls en excès et en vide ainsi que leur cinétique au fil de la grossesse ont été étudiés. Deux constatations se dégagent :

– Le pouls de Rate-Pancréas est observé en prédominance sur celui du Poumon, tous deux en excès par rapport aux autres pouls perçus dans les autres loges durant les 2e et 3e trimestres. Cette prédominance s’inverse nettement à partir de 38SA (figure 5).

Figure 5. Les pouls RP et P se distinguent étant tous deux en excès aux 2e et 3e trimestres et au-delà de 38SA. Mais notons la bascule de RP au profit de P au-delà de 38SA (pouls P davantage en excès chez 83,3% des cas versus 41,66% pour le pouls RP).

– La loge Rein/Vessie se retrouve souvent en vide au deuxième trimestre de la grossesse, vide qui s’accentue au troisième trimestre de la grossesse pour ensuite se normaliser dans les trois dernières semaines de grossesse (figure 6). 

Figure 6. Prédominance des pouls Rein et Vessie en vide (respectivement 80%et 60% des cas au cours du 2e trimestre. Les pouls Cœur, Intestin Grêle sont tous deux en vide dans 40% des cas alors que les pouls MC, TR et ES sont aussi en vide dans 20% des cas. Au 3e trimestre, le vide des Pouls Rein et Vessie persiste significativement dans 71,43% des cas pour chacun. Au-delà de 38SA, les pouls R et V persistent toujours en état de vide mais chez 33,33% des cas.

L’interprétation de cette cinétique des pouls Rate-Pancréas et Poumon pourrait trouver son explication dans le cycle des 5 mouvements énergétiques (figure 7) avec le passage de la phase de croissance à la phase de maturité durant les dix mois lunaires. Cette phase de maturité précède l’achèvement de la grossesse et l’accouchement [[8]].

Figure 7. Cinétique de l’évolution de la grossesse selon les mouvements du méridien de Foie lors du 1e mois de grossesse jusqu’au stade d’accouchement avec au 9e mois lunaire l’influence du Rein et au 10è celle du méridien de Vessie. 

Les auteurs constatent aussi que la bascule Rate-Pancréas vers le Poumon serait alors prédictive d’une mise en travail spontanée, physiologique qui s’observerait dans les trois semaines qui précèdent l’accouchement. A noter que ce travail confirme certains travaux [6,[9]].

Autre point que Sandrine Huret et Emilie Bigotte remarquent est la forte diminution du pourcentage de vide du pouls du Rein au-delà de 38 SA (33,33% des cas) qu’elles expliqueraient par le fait que le Rein est physiologiquement très important pour l’accouchement. Enfin, il est également noté que la loge Cœur/Intestin Grêle en vide de manière non négligeable (40% des cas) pourraient s’expliquer après étude des fiches des sept patientes concernées par une symptomatologie de fatigue et d’insomnie.

En conclusion, cette étude diagnostique de très faible niveau de preuve sans aucune étude statistique et biaisée sans doute par une certaine part de subjectivité, montre néanmoins tout l’intérêt de la sphygmologie dans le suivi de la grossesse. Espérons qu’elle soit suivie de nouvelles études diagnostiques de haute qualité méthodologique avec détermination des indices de sensibilité et de spécificité. Par exemple, on entend par test sensible la capacité de la bascule taiyin vers yangming à identifier correctement la mise en travail spontanée (une sensibilité à 100% ne donne aucun faux négatif) ; et test spécifique par la capacité de cette prise de pouls à identifier correctement la non-bascule du pouls parmi celles qui ne sont pas encore en travail spontané, bref qu’il n’y ait aucun faux positif.

Références

[1]. Décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes. [Consulté le 12 mars 2013].  Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019386996.

[2]. Arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes. [Consulté le 12 mars 2013].   Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021245638.

[3] . Brignol TN, Verta P. Une méthodologie basée sur l’OPC (objective performance criteria) est-elle valable pour prouver l’efficacité de l’acupuncture ? Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(3):204-206.

[4]. Lepron PA. Mouvement taiyin– yangming : « Là où tout se meut sans bouger ». Actes du 13° Congrès de la FA.FOR.MEC; 27-28 nov 2009; Lille, France. [Consulté le 12 mars 2013].  Available from: URL: http://www.acupuncture-medicale.org/faformec%20lille/

[5]. Schmidt A, Marion F, Lepron PA. Les pouls quantitatifs : intérêt en thérapeutique. Actes du 13° Congrès de la FA.FOR.MEC; 27-28 nov 2009; Lille, France.

[6]. Montaigne MH. Pouls quantitatifs taiyin yangming et yinbao  dans le suivi de grossesse. Actes du 13° Congrès de la FA.FOR.MEC; 27-28 nov 2009; Lille, France.

[7]. Soulié de Morant G. Précis de la vraie acuponcture chinoise. 2nd ed. Paris: Editions Mercure de France; 1971.

[8]. Eyssalet JM. Neuf mois, dix lunes, ou les règles hygiéno-diététiques de la grossesse, mois par mois, selon Ishimpo et d’autres classiques. Actes du 8e Congrès FA.FOR.MEC;26-27 nov 2004; Strasbourg, France. [Consulté le 12 mars 2013].  Available from: URL: http://www.acupuncture-medic.com/Congres/Strasbourg04/neuf%20mois%20dix%20lunes-strasbourg.pps

[9].  Guiraud-Sobral A. Manuel pratique d’acupuncture en obstétrique. 1e ed. Gap: Editions Désiris; 2012.

 Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes [[1]] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [[2]] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale. Voici trois nouvelles présentations de mémoire soutenus à Lille sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan.

Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Sanyinjiao et périnée, zhubin et neiting dans le syndrome de Lacomme, sphygmologie quantitative. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(2):147-151. (Version PDF)

Canal carpien, prise en charge de la montée laiteuse, variétés occipito-postérieures et travail

Demoiselles de Sigiriya – Sigirya – Ve siècle Sri Lanka (Ceylan)
Demoiselles de Sigiriya – Sigirya – Ve siècle Sri Lanka (Ceylan)

Les particularités du traitement du syndrome du canal carpien durant la grossesse

Le syndrome du canal carpien est une neuropathie compressive dont la prévalence varie de 21 à 59 % chez la femme enceinte selon les études. Il n’existe actuellement aucune prise en charge clairement établie. De ce fait, l’acupuncture apparaît comme une alternative possible, surtout qu’elle est déjà utilisée avec succès dans la population générale [5-7]. L’apparition du syndrome de canal carpien pendant la grossesse s’expliquerait par un phénomène de rétention d’eau avec œdème en regard du ligament annulaire du carpe, entraînant un phénomène compressif du nerf médian (figure 1).

Figure 1. Compression du nerf médian en regard du ligament annulaire du carpe chez la femme enceinte.

Une autre hypothèse mettrait en exergue la vulnérabilité particulière du nerf périphérique, liée à l’œdème de la gaine péri et épi-neurale sous l’effet des hormones, de la rétention d’eau et/ou de la carence en vitamine B6. Cliniquement, il a été remarqué que la symptomatologie du syndrome du canal carpien pendant la grossesse était différente de celle du syndrome du canal carpien idiopathique. En effet, la compression du nerf médian semble s’installer de façon aiguë ou subaiguë ; les paresthésies sont diurnes et s’accompagnent de phénomènes douloureux associées à une perte de force de préhension et de dextérité. Quoi qu’il en soit la plupart de ces syndromes s’améliorent spontanément après l’accouchement. La douleur diminue rapidement dans les premières semaines, mais des symptômes peuvent persister dans 50 % des cas un an après et dans 30 % des cas jusqu’à trois ans après l’accouchement. Patricia Gautier a donc réalisé une étude prospective au Centre Hospitalier de Douai du 29 juillet 2010 au 14 octobre 2011. Deux séances d’acupuncture d’une durée de vingt minutes, à une semaine d’intervalle ont été réalisées. Les critères de jugement principaux avec mesures par une échelle visuelle analogique (EVA) sont : l’évolution du caractère douloureux du syndrome du canal carpien ; l’évolution de la gêne occasionnée au quotidien ; l’évolution de l’intensité des symptômes. Les critères secondaires sont essentiellement l’évaluation de leur ressenti par rapport à l’acupuncture.  Ont été utilisés les points suivants : 7MC (daling) en dispersion pour vider le Méridien de son excès d’énergie ; 4MC (ximen) en tonification, car point xi, considéré donc comme point des affections aiguës ; 11GI (quchi), point qui fait circuler le qi, chasse le vent et l’humidité, équilibrant le Sang et l’Energie ; 10GI (shousanli) qui désobstrue le Méridien en facilitant la circulation.

Dix-neuf patientes de 24 à 39 ans ont été incluses. Le syndrome du canal carpien était bilatéral dans 78,95% avec présence d’œdèmes au niveau des mains dans 78,95%.

L’étude a montré que la première séance d’acupuncture a apporté une amélioration dans 89,47 % des cas, avec une amélioration la nuit pour 94,73 % et la journée pour 63,16 % (figure 2).

Figure 2. Évolution du caractère douloureux après les deux séances d’acupuncture.

La gêne ressentie diminue progressivement avec les séances d’acupuncture dans 63,7 % des cas. L’intensité des symptômes diminue progressivement avec les séances dans 68,42 % et reste stable dans 21,05 %. Sur un effectif de 18 patientes, 94,44% estiment avoir été soulagées par l’acupuncture, la patiente n’ayant pas été soulagée a été césarisée pour prééclampsie (figure 3).

Figure 3. Pourcentages de l’indice de satisfaction des patientes.

Bien sûr cette étude clinique sur une population faible est non randomisée, sans groupe en aveugle, sans utilisation d’aiguille placebo. Cependant, elle ouvre des perspectives intéressantes de traitement du canal carpien en obstétrique. Le soulagement est rapide, dès la première séance dans la majorité des cas ; de même le confort des patientes s’améliore avec le nombre de séances. Il serait intéressant donc de confirmer les résultats de cette étude préliminaire par un essai contrôlé randomisé de bonne qualité méthodologique avec des effectifs plus importants.

Action préventive de l’acupuncture dans l’atténuation des inconvénients de la montée laiteuse 

Même si les bénéfices de l’allaitement maternel sont connus, la décision finale d’allaiter ou pas appartient à la mère. En cas de refus, il est alors nécessaire de gérer la montée laiteuse physiologique. Pour l’éviter, la bromocriptine peut être prescrite. Cependant il existe de nombreuses contre-indications. Perrine Romion, Anne-Claire Hequet-Proy et Audrey Baratte ont donc choisi de s’intéresser à la prévention des inconvénients de la montée laiteuse par une seule et unique séance d’acupuncture réalisée au lendemain de l’accouchement.

Elles ont réalisé une étude de cohorte (n=149), prospective et comparative (groupe acupuncture n=102 ; groupe témoin n=47) qui s’est déroulée du 1er janvier au 1er avril 2010, à la maternité Jeanne de Flandre, dans le service de suites de couches

L’objectif principal de leur étude est d’évaluer si l’ensemble des points d’acupuncture choisis peut être considéré comme une prévention des inconvénients de la montée laiteuse chez les femmes non allaitantes et ayant une contre-indication à la bromocriptine. Les critères de jugements principaux sont la douleur (mesurée sur une échelle visuelle de 0 à 5) et l’intensité de la montée de lait. La cotation de la montée laiteuse (de 0 à 3) s’effectue de J1 à J5 selon les critères : force 0 signifiant aucune montée de lait ; force 1 : une simple augmentation du volume des seins (0 et 1 correspondant à une absence de montée de lait) ; 2 : une tension mammaire de moyenne intensité ; 3 : une tension mammaire très importante.

Après l’accouchement, on observe généralement deux tableaux cliniques selon la différenciation des syndromes (bianzheng) :

– Le vide de qi ou de Sang qui peut engendrer une absence d’écoulement de lait ou en faible abondance, aqueux et dilué. Les seins sont mous, non distendus et la patiente est pâle, fatiguée avec un pouls faible. Le principe du traitement est alors de tonifier le qi, nourrir le Sang, et de retenir les liquides.

– On peut aussi avoir Stagnation de qi donc Feu du Foie. L’écoulement de lait est épais, les seins sont distendus et douloureux, ainsi que les hypochondres. La patiente est irritable, insomniaque, se plaint de céphalées, de soif, d’amertume dans la bouche, et de constipation. Sa langue est rouge, plus rouge sur les bords, avec un enduit jaune. Son pouls est en corde et rapide. Le principe du traitement est d’apaiser le Foie et de drainer le Feu.

Comme il s’agit d’agir en préventif, le choix des points a été dicté dans le but d’éviter l’afflux de qi et la stase de yang aux seins, en le faisant circuler, et, d’harmoniser les méridiens Foie et Vésicule Biliaire tout en dispersant la chaleur et l’humidité. Les points ont été choisis selon ces principes : 37VB (guangming), 41VB (zulinqi), 6R (zhaohai), E44 (neiting).

Les résultats montrent que l’acupuncture est efficace sur la douleur de la montée de lait puisque 67,2% des patientes ayant reçu de l’acupuncture ont peu ou pas eu d’algies versus 52,4% des patientes dans le groupe témoin (figure 4).

Figure 4. Évaluation de la douleur dans le groupe acupuncture et el groupe témoin sans acupuncture avec cotation de 1 à 5 (5 étant un niveau de douleur maximum et 0 pas de douleur). 67,2% ont eu peu de douleur versus 52,4% dans le groupe témoin.

L’apparition de la montée laiteuse est moins forte dans le groupe acupuncture que dans celui témoin (figure 4).

Figure 5. Montée de lait effective par jour et selon les deux groupes.

En ce qui concerne l’intensité de la montée laiteuse, les auteurs observent une diminution de l’intensité de la montée laiteuse à partir de J2. Ainsi au 3e jour (J3) après l’accouchement, environ la moitié des patientes sous acupuncture (49%) ont une montée laiteuse cotée à 0 par rapport aux 31,9 % des patientes témoins. Pour les forces 1 et 2, les répartitions sont semblables : environ un quart des patientes pour chaque force (de 22,5 à 25,5%). Par contre, l’intensité de la montée laiteuse est de force 3 pour 4,9% de nos patientes avec acupuncture contre 19,1% des patientes témoins. Ainsi, seulement 27,5% de la population acupuncture a une montée de lait contre 42,5% pour la population témoin. De plus, cette montée laiteuse existante dans la population acupuncture est majoritairement de moindre intensité que celle de la population témoin (figure 6).

Figure 6. La montée laiteuse au 3e jour après l’accouchement selon les critères d’intensité.

On peut regretter néanmoins que cette étude manque de données statistiques exploitables pouvant objectiver une efficacité statistiquement significative entre les différents critères d’intensité, même si le graphique est parlant par exemple pour la force 3. Pour éviter la subjectivité de la cotation de la montée laiteuse, la mesure centimétrique du tour de poitrine prise de façon quotidienne aurait été intéressante. Cette étude clinique peut donc être considérée comme une étude préliminaire ouvrant la porte à un grand ECR.

Intérêt de l’acupuncture dans le traitement des variétés occipito-postérieures

La variété occipito-postérieure est une présentation céphalique dans laquelle l’occiput est situé en regard du sinus sacro-iliaque sur l’un des deux diamètres obliques du détroit supérieur du bassin (figure 7). Mais cette orientation de la tête fœtale peut entraîner une majoration des dystocies du travail et une augmentation des complications maternelles et fœtales si elles ne sont pas corrigées avant l’expulsion. Afin d’aider à la rotation de la tête fœtale, des traitements sont proposés en salle de naissance comme le renforcement du moteur utérin par une perfusion d’ocytocine ainsi que l’utilisation de postures.

Figure 7.  Les variétés postérieures : Occipito iliaque droite postérieure (OIDP) observées dans 33% des cas ; occipito iliaque gauche postérieure (OIGP) dans 6% des cas.

Clélia Capron et Élodie Hubert ont réalisé une étude prospective contrôlée non randomisée au bloc obstétrical du Centre Hospitalier de Douai (n=60) du 16 octobre 2011 au 16 mai 2012.

Le critère de jugement principal était d’améliorer la gestion du travail en termes de douleur, d’anxiété et d’aide à la rotation de la tête fœtale. Le critère secondaire était d’objectiver une action positive sur l’accouchement et les conséquences obstétricales et néonatales d’un travail ayant présenté une variété occipito-postérieure. Les critères d’inclusion à l’étude étaient : grossesse unique > 37SA, présentation céphalique, primipare ou multipare, un travail spontané, un déclenchement ou une maturation cervicale.

Les patientes ont été réparties en deux groupes durant le travail, mais sans randomisation : un groupe acupuncture (n=30), un groupe témoin (n=30).

Les points choisis se puncturent en trois temps au cours du travail (figure 8).

La première séance s’effectue dès le diagnostic de variété postérieure avec la puncture de 14F (qimen) et 32V (cialio) maintenus en place par un adhésif durant toute la durée du travail jusqu’à la délivrance ou la suture si besoin ; 7C (shenmen) et 9R (zhubin) pendant vingt minutes.

La deuxième séance se déroule dès que les contractions utérines (CU) sont régulières (toutes les 2-3 minutes) avec puncture des points 3F (taichong), 60V (kunlun) et 67V (zhiyin) pendant 20 minutes.

La troisième séance se fait à dilatation complète, le point 34VB (yanglingquan) est poncturé pendant vingt minutes.

Figure 8. Le protocole d’acupuncture suivi.

Les résultats montrent qu’il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes concernant la douleur (p=0,24) et l’anxiété (p=0,23). D’autre part, pas de différence significative non plus entre les deux groupes concernant la rotation des variétés postérieures. En effet, à la 3e séance, 48% des variétés deviennent antérieures et 52% restent postérieures dans le groupe acupuncture ; pour le groupe témoin, 59% des variétés deviennent antérieures, 41% restent postérieures. Il n’y a pas de différence significative (p=0,58) entre les deux groupes selon le test de Fisher (figure 9).

Figure 9. Pas de différence significative à la 2e (p=0,70) et 3e séance (p=0,58) entre les deux groupes concernant la rotation des variétés postérieures.

Si ce protocole d’acupuncture n’apporte aucune aide à la rotation de la tête fœtale par rapport au protocole du groupe témoin (p=0,58), on observe néanmoins qu’il a une action positive sur les critères secondaires de l’étude, à savoir l’accouchement et les conséquences obstétricales et néonatales (figure 10). On sait que la première conséquence des variétés postérieures est l’allongement de la durée du travail. Sa réduction était alors un bénéfice escompté de ce protocole. Il est observé, autant pour les primipares que pour les multipares, une durée moyenne du travail plus courte, non significative pour les primipares (p=0,21 ; test de Student) mais statistiquement significative chez les multipares (p=0,02). Chez les primipares et multipares, on note également une durée à dilatation complète inférieure dans le groupe acupuncture par rapport au groupe témoin. Cette différence est statistiquement significative (p=0,0002) dans le groupe des primipares (45 min avec acupuncture versus 1h48 dans le groupe témoin), mais pas dans le groupe des multipares (p=0,75).   

Figure 10. Les actions positives sur les critères secondaires de l’étude, à savoir réduction de la durée moyenne du travail et de la durée à dilatation complète.

En conclusion, cette étude non randomisée et sans mise en insu ouvre néanmoins la voie à de nouvelles études cliniques. Et même si la facilitation de la rotation n’a pas été validée, l’apport positif de l’acupuncture sur la dynamique du travail est prometteur. Une étude de plus grande puissance et de haute qualité méthodologique pourrait confirmer les tendances observées.

Références

[1]. Décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019386996.

[2]. Arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021245638.

[3]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(1):69-72.

[4]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Sanyinjiao et périnée, zhubin et neiting dans le syndrome de Lacomme, sphygmologie quantitative. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(2):147-151.

[5]. Stéphan JM. L’acupuncture dans le syndrome du canal carpien. Rôle du jing jin du Maître du Cœur.  Méridiens. 1997;108:181-192. 

[6]. Goret O. Conduite à tenir. Canal carpien ». Acupuncture et Moxibustion. 2006;5(1):62-64.

[7]. Goret O. Evaluation de l’acupuncture. Le traitement par laser-acupuncture associée au TENS est efficace dans le syndrome du canal carpien. Acupuncture et Moxibustion. 2006;5(2):158-161.

Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes [[1]] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [[2]] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale. Voici trois nouvelles présentations de mémoires soutenus à Lille en 2012 sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan, faisant suite aux travaux précédemment décrits [[3],[4]] et montrant que la recherche clinique réalisée par nos étudiantes et sous contrôle de leur chef de service obstétricien ne s’essouffle pas.

Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Canal carpien, prise en charge de la montée laiteuse, variétés occipito-postérieures et travail. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(3):240-245. (Version PDF)

Baihui et poussée hémorroïdaire post-partum ; qualité de vie et douleurs dans le syndrome de Lacomme

Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages- femmes [1] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [2] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale.
Voici une nouvelle présentation de mémoire soutenu à Lille en 2019 sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan, faisant suite aux travaux précédemment décrits [3-5] et montrant que la recherche clinique réalisée par nos étudiantes et sous contrôle de leur chef de service obstétricien ne s’essouffle pas.

Jeune fille allongée – 1751 – François Boucher – Musée Wallraf Richartz – Cologne – Rhénanie-du-Nord-Westphalie- Allemagne
Jeune fille allongée – 1751 – François Boucher – Musée Wallraf Richartz – Cologne – Rhénanie-du-Nord-Westphalie- Allemagne

Etude du point baihui (20DM) dans le traitement de la poussée hémorroïdaire du post-partum

Du 01 décembre 2010 au 31 mars 2011, au sein de la maternité de niveau III du Centre Hospitalier de Calais, Mireille Bailly, Pascale Ponthieu et Caroline Vandenbilcke ont réalisé une étude prospective non randomisée dans laquelle les patientes étaient leur propre témoin. L’objectif de cette étude a été d’évaluer l’intérêt et l’efficacité de l’acupuncture dans les douleurs des poussées hémorroïdaires du post-partum et ceci notamment par la puncture unique du point baihui (20VG). La prise en charge de la crise hémorroïdaire du post-partum est mentionnée par Rempp [[6]] et n’a pas été étudiée dans la littérature dans ce cadre même. Ces hémorroïdes surviennent selon la différenciation des syndromes bianzheng par :

– Stase de qi et de Sang, pouvant évoluer vers un amas de Sang, lié le plus souvent en médecine traditionnelle chinoise à une perturbation des sept sentiments. En effet, le post-partum est une période délicate sur le plan psychique pour la jeune mère ;

 – Vide de qi de Rate qui peut induire un Vide de Sang (lié aux pertes de sang et de liquide de l’accouchement).

Le protocole d’étude choisi, consiste donc en la puncture du point 20VG durant une durée de quinze à vingt minutes, durant lesquelles l’aiguille est moxée cinq fois. La séance est conduite quatre à douze heures après l’accouchement. Ce délai permet de dépasser l’analgésie supposée de la péridurale tout en ne retardant pas la prise d’un traitement allopathique éventuellement nécessaire. Les analyses statistiques ont été réalisées au vu du petit échantillon de l’étude avec le test de Wilcoxon apparié. Vingt-quatre patientes (âge moyen : 29 ans et 6 mois) ont été incluses. La population étudiée se comporte de dix primipares, soit 41,6%. 79% des patientes ont expulsées spontanément ; pour les autres la naissance a nécessité une extraction instrumentale. Le poids moyen des bébés est de 3430g.

Au niveau du périnée, 33% des patientes n’ont pas de lésions périnéales. Dans le restant de l’échantillon, on retrouve 45% de déchirures et 12% d’épisiotomie. Les auteurs de l’étude notent que 37,5% des patientes de l’échantillon déclarent souffrir de constipation chronique et 50% d’entres-elles de constipation de fin de grossesse.

Le critère principal de la douleur a été évalué grâce à l’échelle numérique (EN) cotée de 0 à 10, échelle qui diffère de l’échelle visuelle analogique (EVA) par l’absence de visualisation de la réglette. Seules vingt patientes ont pu être étudiées du fait que les questionnaires de début de l’étude ont été mal remplis.

Les résultats montrent que neuf patientes sur vingt (45%) n’ont pas ressenti d’amélioration de la douleur. Néanmoins pour les autres, 20VG réduit la douleur de manière statistiquement significative (p=0,01) (figure 1).

Figure 1. Evaluation de la douleur par Echelle Numérique avant et après puncture. On observe une réduction de la moyenne de l’EN de 25,4% (5,7→ 4,25).

Les critères secondaires étudiés : étude du prurit et de la pesanteur, étude de la gêne occasionnée en différentes positions (gêne en décubitus dorsal, en position assise ou à la marche) ne montrent pas d’amélioration significative.

En conclusion, cette étude tout à fait novatrice offre des possibilités thérapeutiques intéressantes, surtout que le choix d’un point unique et à distance du périnée permet une bonne acceptabilité du traitement par les patientes. Il ne reste plus qu’à réaliser un ECR de haute qualité méthodologique en double insu afin de confirmer l’efficacité de l’acupuncture.

 

Traitement par acupuncture du syndrome de Lacomme

Après l’étude de Thaïs Richard et Marie Tavernier réalisée au centre hospitalier de Lens et concernant l’action de l’acupuncture dans la douleur du syndrome de Lacomme [4], Pascale Faidherbe et Patricia Pilia ont approfondi le sujet en s’intéressant, outre à la douleur, à l’incapacité dans l’exécution de cinq activités quotidiennes.  Il ne s’agit pas d’un essai contrôlé randomisé (ECR) en insu mais d’une petite étude prospective réalisée du 16/09/2011 au 25/05/2012 à la maternité du centre hospitalier de Douai. Elle a porté sur trente femmes (moyenne d’âge de 29,1 ans ; 64,5% de multipares pour 35,5 de primipares) dont le terme moyen de la prise en charge acupuncturale était de 32 semaines d’aménorrhée (32SA). La présence de signes fonctionnels et physiques dont le toucher vaginal a été recherchée lors de la consultation d’inclusion (figure 2). Les critères d’exclusion de l’étude étaient essentiellement les douleurs postérieures associées de type de lombosciatalgies.

Figure 2.  Les signes physiquesPremier schéma : % de douleurs pubiennes si femme penchée en avant ; deuxième schéma : douleurs au palper au-dessus de la symphyse pubienne ; troisième schéma : douleurs à la traction des releveurs lors du toucher vaginal.

Deux points ont été poncturés sans manipulation : le Rn9 (zhubin) et ES44 (neiting) au cours de deux séances d’acupuncture de quinze minutes chacune espacées de huit jours. Le critère de jugement était l’évaluation de la douleur à l’échelle visuelle analogique (EVA) avant la séance, juste après et après la seconde séance. On observe une amélioration de la douleur dans 70% des cas dès la première séance et de 82% après la deuxième séance. Ces résultats sont similaires à ceux observés dans l’étude prospective de Richard et Tavernier (figure 3).

Figure 3. Après la 1re séance, 70% des patientes ont été soulagées, 20% n’ont pas eu d’amélioration, 10% ont eu une augmentation de la douleur. Après la seconde séance, 82% ont eu une baisse de leur douleur, 11% n’ont pas eu d’amélioration, 7% ont eu une augmentation de la douleur.

Le deuxième critère de jugement de l’acupuncture dans le syndrome de Lacomme a été la mesure de l’incapacité ou de la gêne dans l’exécution des activités quotidiennes à la marche, lors des travaux ménagers, en montant les escaliers, au changement de position dans le lit, au lever d’une chaise ou d’un lit. Par un petit questionnaire permettant d’évaluer cette gêne par des items (aucune, faible, moyenne, intense, très intense), il a été objectivé qu’après une séance, l’intensité de la gêne diminuait de 38,2% et de 68,9% après la seconde consultation (figure 4).

Figure 4. Variations de cette gêne après chaque séance. Le 0% correspond à aucune variation de la gêne, les valeurs négatives à une baisse de l’intensité. Après la 1re séance, la gêne au quotidien évaluée de «intense à très intense» a diminué de 38,2% ( 28,5% + 9,7%). Après la 2séance, la gêne évaluée de « moyen à très intense» a diminué de 68,9% ( 9,7%+30,9% +28,3%). Cette diminution est répercutée en intensité faible (33,2%) et nulle (35,7%).

Cette petite étude prospective, comme la précédente, souffre d’une méthodologie insuffisante : population faible, pas de groupe en insu, pas d’études statistiques etc. Quoi qu’il en soit, elle apporte un léger plus par rapport à celle de Richard et Tavernier, car elle identifie mieux le syndrome et s’intéresse à l’incapacité occasionnée. Et ce travail réalisé dans le cadre d’un mémoire de DIU Acupuncture Obstétrique conforte encore l’idée que l’acupuncture réalisée par nos sages-femmes apporte un bénéfice non négligeable aux femmes enceintes. Néanmoins, il faudra attendre encore les résultats d’un ECR respectant les normes STRICTA qui s’appliquent aux ECR d’acupuncture, extension de la norme CONSORT [[7]] pour que le développement de l’acupuncture se fasse dans toutes les maternités de France.

Références

[1]. Décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019386996.

[2]. Arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021245638.

[3]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(1):69-72.

[4]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Sanyinjiao et périnée, zhubin et neiting dans le syndrome de Lacomme, sphygmologie quantitative. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(2):147-151.

[5]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Canal carpien, prise en charge de la montée laiteuse, variétés occipito-postérieures et travail. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(3):240-245.

[6]. Rempp C, Bigler A. La pratique de l’acupuncture en obstétrique. Paris: Ed. La Tisserande; 1992.

[7]. MacPherson H, Altman DG, Hammerschlag R, Youping L, Taixiang W, White A, Moher D. STRICTA Revision Group. Revised STandards for Reporting Interventions in Clinical Trials of Acupuncture (STRICTA): extending the CONSORT statement. PLoS Med. 2010;7(6): e1000261. doi: 10.1371/journal.pmed.1000261

Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Baihui et poussée hémorroïdaire post-partum ; qualité de vie et douleurs dans le syndrome de Lacomme. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(4):330-332. (Version PDF)