Attention, c'est déjà arrivé !!
incidents et
accidents attribués à l'acupuncture
Jean-Marc
Stéphan
Fasciite nécrosante chez un diabétique après acupuncture
Arrivée aux urgences du CHU de Kuala
Lumpur en Malaisie, une femme de 55 ans, diabétique, présentait de
multiples fistules purulentes au dessus du genou droit. Depuis 3 mois,
elle était traitée par acupuncture en raison d'une gonarthrose bilatérale,
sa dernière séance datant d'une semaine. L'acupuncteur passait les
aiguilles au dessus de la flamme d'une bougie. La peau de la patiente
était nettoyée à l'aide d'un simple tissu humide sans désinfection
préalable. Deux jours après la dernière séance le genou droit montrait
de multiples fistules purulentes douloureuses au niveau des points
de puncture (figure 1) ; le genou gauche en était indemne, excepté
les traces de puncture (figure 2). Comme le traitement antibiotique
par sulbactam-ampicilline (Unacim ®) en intraveineux n'était pas efficace,
le diagnostic de fasciite nécrosante étant posé, une résection chirurgicale
large des tissus infectés suivie d'une greffe cutanée fut réalisée
du genou au pli de l'aine, mais sans succès dans un premier temps.
Un second débridement chirurgical (figure 3) et l'addition d'un autre
antibiotique de la classe des aminoglycosides furent nécessaires après
la découverte de pseudomonas dans les tissus mis en culture. Cinq
semaines d'hospitalisation permirent néanmoins la guérison. Suite à cette observation, et considérant
que de plus en plus de diabétiques âgés utilisent l'acupuncture dans
le traitement de l'arthrose, les auteurs préconisent des directives
de bonne conduite, à savoir que les acupuncteurs doivent posséder
les notions essentielles de l'anatomie, et surtout avoir une connaissance
primordiale de l'hygiène et de la stérilité : aiguilles à usage
unique et désinfection de la peau. Chaque acupuncteur doit en outre
être capable d'identifier les cas à hauts risques infectieux, en particulier
les diabétiques et les porteurs d'implants prothétiques, chez qui
les précautions d'usage doivent être impératives.
Saw A, Kwan MK, Sengupta S. Necrotising fasciitis: a life-threatening complication of acupuncture
in a patient with diabetes mellitus. Singapore Med J 2004;45(4):180-2.
Photos reproduites avec la permission de l'éditeur et des auteurs.
COMMENTAIRE ET RECOMMANDATIONS La fasciite nécrosante provoque une nécrose de l'hypoderme avec thrombose vasculaire, nécrose de l'aponévrose superficielle sous-jacente (le fascia) et secondairement nécrose du derme. C'est une infection rare et mortelle dans environ 30% des cas. Le taux de mortalité peut augmenter si l'infection est accompagnée du syndrome de choc toxique. Streptococcus pyogenes est un agent causal très fréquent, mais peuvent s'y associer dans 40 à 90% des cas d'autres germes comme le pseudomonas, les entérocoques, les anaérobies, le staphylocoque aureus etc.. Une effraction cutanée est retrouvée dans 60 à 80% des cas. Le traitement est médico-chirurgical associant antibiothérapie et débridement le plus précocement possible suivi d'une reconstruction par greffe [ [1] ]. Cet article montre encore l'importance
des aiguilles à usage unique, mais aussi l'effet néfaste d'une désinfection
mal conduite. Deux conceptions de l'hygiène de la peau avant puncture
s'opposent à l'heure actuelle. Dans mon précédent article [
[2]
], je préconisais la désinfection de la peau
du patient simplement avec une compresse imbibée au préalable par
de l'alcool à 70-75°, puis de laisser sécher une vingtaine de secondes
ou davantage (60 secondes souhaitables pour l'élimination
des mycobactéries alcoolo-résistantes) avant de puncturer. Eviter aussi
les aiguilles semi permanentes chez les personnes à risques. Je notais
que la plupart des cas d'infections survenues après acupuncture concernait
des personnes diabétiques, porteurs d'endoprothèse, présentant une
déficience immunologique ou simplement obèses. Johan Nguyen considérait
quant à lui que la désinfection cutanée avant puncture était un rituel
inutile [
[3]
]. Il s'appuyait en particulier sur deux
études anglaises, justement réalisées chez les diabétiques qui montraient
que sur près de 9000 injections sous-cutanées réparties sur 5 mois,
aucun infection cutanée n'avait été retrouvée. Par ailleurs, il notait
que le délai de 60 secondes ne pouvait être réellement tenu avant
la puncture. Yves Rouxeville, dont vous pouvez lire dans ce même numéro
l'intervention, préconise aussi une désinfection cutanée. Dans un
article paru récemment, Adrian White dans ses 40 directives pour une
approche de l'acupuncture sans risques soulignait que le besoin de
désinfection de la peau était encore débattu [
[4]
]. Effectivement, la désinfection cutanée
avant puncture est aussi débattue en France. A cet égard, le Collège
Français d'Acupuncture (CFA), société savante, a créé début avril
2004 une commission d'études sur le code de bonnes pratiques en acupuncture,
en particulier sur la désinfection. Cette commission a été chargée
d'édicter des directives consensuelles à appliquer pour pratiquer
une médecine dans les règles de l'art. Ne doutons pas que très rapidement,
nous aurons dans ces colonnes le résultat de leurs réflexions, ceci
afin d'éviter tout problème médico-légal. A ce propos, notons
que le décret no 99-1034 du 6 décembre 1999 nous est opposable comme
le confirme la jurisprudence qui, en matière d'infections
nosocomiales, met à la charge du praticien une obligation de sécurité
de résultat ; dans un tel contexte, le lieu où ont été réalisés les
soins présente un caractère accessoire, en l'occurrence le cabinet
médical privé. Selon l'arrêt n°1269 du 29 juin 1999 de la Cour de
Cassation " Un médecin est tenu vis à vis de son patient, en
matière d'infection nosocomiale, d'une obligation de sécurité de résultat
dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause
étrangère."[
[5]
]. D'autre part, de nombreuses circulaires
sur la stérilisation et l'hygiène sont parues ces dernières années
[
[6]
]. On considère en général qu'une circulaire
récente et actualisée résume le plus souvent, l'état de la science
sur un sujet et constitue une référence qui doit être connue des professionnels
de santé au titre des bonnes pratiques professionnelles comme le précise
l'article 11 du Code de déontologie médicale [
[7]
]. De ce fait, il ne faut pas oublier que
même s'il y a débat au sein de la communauté scientifique, la législation
fera toujours passer l'intérêt du malade avant toute autre considération.
L'article
référencé a été publié dans le Singapore Medical Journal 2004; 45(4):180-2
et les photos sont reproduites avec la permission de l'éditeur et
des auteurs ci-dessous.
Remerciements :
Dr Saw Aik Associate Professor Department of Orthopaedic Surgery University Malaya Medical Center 59100 Kuala Lumpur, Malaysia Reuel Ng Editorial Executive Singapore Medical Journal
Singapore Medical Association Level 2, Alumni Medical Center, 2, College Road Singapore 196850
[1]
. Société
de Pathologie Infectieuse de Langue Francaise et Société Francaise
de Dermatologie Conférence de Consensus. Érysipèle et fasciite nécrosante
: prise en charge. Méd Mal Infec 2000;30:241-5
[3]
. Nguyen
J. La désinfection cutanée avant puncture : un rituel inutile. Acupuncture
& Moxibustion 2004;3(1):52-53
[4]
. White A . Towards greater safety in
acupuncture practice--a systems approach. Acupunct Med 2004;22(1):34-9. [5] . Décret n° 99-1034 du 6 décembre 1999 relatif à l'organisation de la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé et modifiant le chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de la santé publique (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat). |