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Histoire de l’acupuncture et techniques associées – Textes Classiques de la médecine chinoise

Abrégé de l’histoire de la médecine chinoise

Pétra – cité nabatéenne – La Khazneh (1siècle AEC) – patrimoine mondial de l’UNESCO (1985) – Jordanie
Pétra – cité nabatéenne – La Khazneh (1siècle AEC) – patrimoine mondial de l’UNESCO (1985) – Jordanie

Formation : mise au point 
OBJECTIF : Connaître l’essentiel de l’histoire de la médecine chinoise, des civilisations protohistoriques à nos jours.
Tradition inventée ou médecine intégrative ? De la naissance de l’acupuncture au cours des dynasties Xia, Shang et Zhou au 16 novembre 2010, date de l’inscription de l’acupuncture – moxibustion au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, un abrégé de l’histoire de la médecine vous propose de comprendre son évolution au cours des siècles.

Introduction

Il semble difficile d’isoler l’Acupuncture de la Médecine Chinoise dans son ensemble [[1]]. De même, on peut se poser la question de savoir si « Médecine Chinoise » correspond bien à la « Médecine Traditionnelle Chinoise » (MTC).

Il est généralement admis que la MTC comporte cinq disciplines qui sont la diététique 营养学 (yingyangxue), l’acupuncture et moxibustion 针灸 (zhenjiu), les massages 推拏 (tuina), la pharmacopée 制藥学 (shiyaoxue comprenant la phytothérapie chinoise à base de plantes, mais également l’utilisation des minéraux et des substances animales) et les exercices énergétiques 太極拳氣功 (taijiquan et qigong).

Mais, en fait la MTC serait une « tradition inventée » [[2],[3]]. Dès la fondation de la Chine communiste en 1949 par Mao Zedong, des « médecins aux pieds nus » furent formés sur le terrain pour offrir leurs soins autant à l’armée qu’à la population. Les formes traditionnelles de la médecine, y compris l’acupuncture, ont été utilisées, autant par fierté nationale que par simple aspect pratique. Cette médecine était peu coûteuse et fournissait ainsi les niveaux de base en soins de santé à une population massive. De fait, Mao Zedong affirme en octobre 1958 pour promouvoir la MTC : « La médecine chinoise est un grand trésor du patrimoine et tout doit être fait pour l’explorer et l’élever à un plus haut niveau de connaissance » [[4]].

Civilisations protohistoriques 

Ces civilisations sont représentées par trois dynasties : la dynastie Xia 夏(2205‐1766 AEC1), Shang 商 (1765-1122 AEC) et Zhou 周 (1121-722 AEC)  [ 5]].
Les plus anciennes origines de la médecine chinoise sont liées au chamanisme ancestral chinois [[6]]. Les chamans avaient pour rôle de communiquer aux hommes la volonté et la puissance des esprits. On faisait appel à leurs aptitudes pour rétablir la continuité de l’Ordre Cosmique. Un cauchemar réveillant un Prince, une douleur abdominale chronique ou une sécheresse étaient perçus comme autant de problèmes qui nécessitaient l’intervention du chaman. Durant cette période, il semble que la médecine est dominée par les charmes, les incantations, les amulettes. Des inscriptions d’ordre médical sont retrouvées sur os gravés ou écaille de tortues [ 5 ].

Les premiers indices relevant de l’acupuncture se situent à la période de l’âge de bronze (durant la dynastie Shang). C’est Quan Yuan Qi de l’époque de la dynastie du Sud Liang (502 – 557 EC) qui proposa pour la première fois que la thérapeutique au poinçon de pierre (pierre 砭 Bian) était à l’origine de l’acupuncture à aiguille métallique. Mais suite aux découvertes archéologiques de Mawangdui, il apparaît que l’invention de la thérapeutique par acupuncture n’a pas de lien direct avec la thérapeutique au poinçon de pierre, instrument médical de la forme d’un couteau principalement utilisé plutôt pour ouvrir et faire suppurer les furoncles ou pour procéder aux saignées. Bref, la croyance selon laquelle la thérapeutique au poinçon de pierre était à l’origine de l’acupuncture à aiguille métallique peut être considérée comme erronée [[7]]. Des aiguilles de bambou, d’os, de terre cuite, ou même de piquants herbacés ont aussi été utilisées ensuite avant d’être supplantées par les aiguilles métalliques en bronze.

Le Yijing (易經, également transcris Yi King ou Yi-King) ou «Classique des Changements ou des Mutations » date de la dynastie Zhou. Il s’agit d’un livre de divination dont les principes vont imprégner à la fois le Confucianisme, mais surtout le Taoïsme [[8]].

Époque des Printemps et des Automnes (722‐481 AEC)

 À cette époque, la Chine est soumise à un régime féodal. Les rois de la dynastie des Zhou ne contrôlent directement qu’un petit domaine royal, centré sur leur capitale (l’actuelle Luoyang). Partout ailleurs, le pouvoir est exercé par la noblesse, au travers de fiefs. On compte, au huitième siècle, plusieurs centaines de petits États vassaux des Zhou. La plus ancienne mention écrite concernant l’acupuncture date de 580 AEC, il s’agit des Annales des Printemps et des Automnes (春秋 Chunqiu), description historique de l’État de Lu. Le Zuozhuan (左傳) se présente sous la forme d’un commentaire du Chunqiu et rend compte de l’état de la médecine à l’époque des Annales des Printemps et des Automnes qui est encore mal séparée de la magie. La sphygmologie et l’acupuncture systématisée sont inconnues [ 5 ].

Époque des Royaumes Combattants (Vème‐ 221 AEC)

Si les croyances de base dans la cosmologie chamanique n’évoluent pas au cours des Royaumes Combattants, la perception de l’organisation du monde change. Les phénomènes naturels sont désormais perçus comme tous liés les uns aux autres dans une cosmologie corrélative. Tout événement est analysé et reporté dans des almanachs afin de comprendre les différents cycles. L’Univers semble en perpétuel mouvement. Dans ce contexte vont s’élaborer toutes les concepts théoriques et les fondements dialectiques du qi, du yin et du yang, des Cinq Phases ou Mouvements (wuxing), de la divination issue du Yijing observant les mutations. Cette intense intellectualisation aboutit à une redéfinition de l’Univers qui offre une nouvelle perception de l’espace et du temps, des pratiques rituelles et même de la médecine. La médecine chinoise devient alors une « médecine scientifique » à part entière.

C’est à cette époque que vécurent deux personnages, Laozi (auteur présumé du Daodejing 道德經)  et Confucius (Kongfuzi 孔夫子) dont les pensées exercèrent une influence déterminante sur la philosophie chinoise et indirectement sur la médecine.

Le Huangdi neijing (黄帝内經) ou Classique interne de l’empereur Jaune, considéré comme le plus ancien ouvrage de médecine chinoise aurait été publié au cours de cette époque, mais selon les dernières découvertes issues des manuscrits de Mawangdui 馬王堆 (168AEC), l’ouvrage sous la forme que l’on connaît serait bien plus tardif et remanié dès le IIème EC [8].

Dynastie Qin (-221 à -206 AEC)

 Cette dynastie a mis fin à des siècles de féodalité en jetant les bases administratives d’un État centralisé qui favorisa l’unité culturelle du territoire. Son fondateur, le Premier Empereur, Qin Shi Huangdi (秦始皇帝), connu pour son régime cruel, autoritaire et impopulaire a été redécouvert en 1974 par l’intermédiaire de son monumental mausolée à Xi’an et de ses milliers de soldats en terre cuite. Il est parfois considéré comme le « père » de la Grande Muraille (figure 1) et fut à l’origine en 213 AEC d’un autodafé visant à la destruction de tous les ouvrages de l’empire, à l’exception des manuels d’agriculture et de divination. Néanmoins le Huangdi neijing fut sauvé du désastre [[9]].

La grande muraille de Chine à Badaling (1504) - dynastie Ming - Chine
La grande muraille de Chine à Badaling (1504) – dynastie Ming – Chine

Figure 1. La grande muraille  de Chine à Badaling.

Dynastie des Han (206 AEC‐ 220 EC)

Cette période est prolifique aussi bien en classiques renommés qu’en médecins célèbres. Le Nanjing 難經, encore appelé Classique des difficultés daterait du I ou IIème AEC (mais discuté [8]), les manuscrits de “Mawangdui” (168 AEC), le Shanghanlun 傷寒論 (Traité des atteintes du froid), le Shennong bencaojing 神农本草經 (L’herbier de Shennong) qui est le premier traité de matière médicale (Ier AEC) sont quelques uns des ouvrages réputés. Le chirurgien Hua Tuo 華佗 (110-207EC) pratiqua des interventions chirurgicales abdominales avec anesthésie par les plantes (chanvre indien, datura). On lui attribue d’autre part l’unité de mesure variable permettant de localiser les points : le cun  [9,[10]]. Zhang Zhongjing (158-219 EC), autre médecin célèbre qui rédigea le Shanghanlun a été surnommé l’Hippocrate chinois.

Les Trois Royaumes, Dynastie Jin, dynasties du Nord et du Sud (220-581)

 Durant cette période, le Maijing 脈經 « Classique des Pouls », écrit par Wang Shuhe 王叔和 au IIIème siècle et reconnu pour sa description des vingt-huit pouls pathologiques donne au diagnostic en acupuncture toute son originalité [[11]].

Le premier ouvrage de «simplification» de la médecine chinoise, le Zhenjiu jiayijing (針灸甲乙經, L’ABC d’Acupuncture et de Moxibustion) fut écrit en 259 de notre ère par Huangfu Mi 皇甫謐 (215-282) sous la dynastie des Jin. Cet ouvrage rassemble toutes les théories traditionnelles dans le domaine médical, et donne le nom et le nombre de points de chaque méridien selon leur localisation exacte ainsi que leurs indications [8].

Ge Hong 葛洪 (283–343 EC), alchimiste et médecin taoïste a laissé deux traités médicaux importants : les « Médications du Coffre d’Or » (Jinkui yaofang 金匱藥方) et les « Prescriptions d’Urgence » (Zhou hou bei jifang 肘後備急方) qui donnent des conseils de médecine préventive pour prolonger la vie et éviter les maladies [[12]]. Il est aussi l’auteur du célèbre Baopuzi (抱朴子), traité sur l’alchimie, la diététique et certaines pratiques médicales magiques, à la recherche de l’immortalité physique. La partie ésotérique de son œuvre, le Baopuzi neipian 抱朴子內篇 est d’ailleurs entièrement consacrée à cette quête de longévité. Il s’agit en effet d’un véritable traité d’immortalité, dans lequel la question est abordée sous tous ses aspects, philosophiques comme techniques [[13]].

Dynasties Sui et Tang (581-907)

 Cette époque a vu un grand développement de l’acupuncture, comme l’attestent les manuscrits de Dunhuang (Dunhuang yiyao wenxian jijiao 敦煌醫藥文獻輯校)découverts dans les grottes de cette cité importante de la Route de la Soie, point d’échanges entre la Chine et le monde extérieur. Plus d’une centaine de manuscrits médicaux des dynasties Sui et Tang a ainsi été répertoriée. L’importance de ces manuscrits est considérable dans l’optique d’une approche historique de la médecine chinoise et pour l’histoire de la médecine dans son ensemble [[14]]. Ainsi de nombreux manuscrits décrivent les fléaux et les maladies retrouvés le long de la route de la soie. Par exemple, l’un d’eux écrit vers 803 EC est un texte intitulé « Les dix Maladies mortelles » qui sont apparemment des maladies contagieuses : nuebing 疟病 (fièvre intermittente), tianxing 天行 (terme générique pour les maladies épidémiques), zubing 卒病 (maladies mortelles), zhongbing 肿病 (maladies inflammatoires), chanbing 产病 (maladies lors de l’accouchement) huanfu 患腹 (maladies abdominales), huanyong 痈患 (maladies dermatologique, furoncles), fenghuangbing 风黄病 (maladies liées au vent, hépatites, normalement associées à un ictère), shuili 水痢 (diarrhées), yanbing 眼病 (maladies de l’œil) [[15]]. Un autre manuscrit est un schéma de l’utilisation des points de moxibustion, datant de 600-900 EC (figure 2), la plus ancienne des cartographies de moxibustion que l’on ait découverte [[16]]. Les textes retrouvés ont des similitudes avec le Huangdi neijing, mais aussi le Shanghanlun (傷寒論), le Maijing et bien d’autres classiques moins connus comme le Tangren xuanfang (唐人選方) ou le Bingxing maizhen (形脈診).

Figure 2Jiufa tu (灸法圖) : schéma des points de moxibustion (Or.8210/S.6168a)

Sous la dynastie Tang, un grand médecin Sun Simiao 孫思邈 (581-682) se fait connaître au travers de ses œuvres, le Yinhai Jingwei (la Mer d’Argent) [[17]], premier traité chinois d’ophtalmologie s’intéressant aux 81 maladies de l’œil et son traité principal le Qianjin Fang (Prescriptions Valant Mille Pièces d’Or) dans lesquelles sont abordées la diététique, la sphygmologie, l’acupuncture, la phytothérapie. Il recommande ainsi les algues marines pour le goitre thyroïdien et des haricots pour le béri-béri [9].

Sun Simiao serait aussi à l’origine des points ashi, points douloureux que l’on puncture et que l’on reconnaît actuellement comme des trigger points.

Chao Yuanfang 巢元方(550-630), médecin de l’Empereur Yang Di de la dynastie des Sui, prit en charge la rédaction du célèbre ouvrage Zhubing yuanhou zonglun (« Traité général de l’étiologie et la symptomatologie des maladies » qui fut le premier travail chinois dans ce domaine et resta un ouvrage de référence pendant longtemps. Il a été écrit en 610, en 50 volumes  (67 parties avec 1720 cas) avec étiologie et symptômes des maladies diverses.

Dynastie Song du nord (960‐1127)

Au cours de cette dynastie et sous l’autorité de l’Empereur, de nombreuses écoles d’acupuncture fleurissent afin de systématiser la connaissance médicale. Wang Weiyi (987-1067), acupuncteur célèbre fit couler ainsi deux statues creuses grandeur nature en bronze, sur la surface de laquelle étaient marqués les trajets des méridiens et la localisation exacte des points. Il récapitula ses recherches détaillées sur les 657 points d’acupuncture dans son livre, le Tongren shuxue zhen jiu jujing (Manuel illustré des points d’acupuncture et de moxibustion indiqués sur la statue de bronze) (1027). D’autres statuettes en réplique réduite seront fondues pour différentes écoles. Les statues enduites d’une couche de cire jaune et remplies d’eau servaient aux étudiants pour localiser avec exactitude les points d’acupuncture. En perçant la couche de cire avec une aiguille, ils devaient faire jaillir l’eau du modèle si le point était bien repéré (figure 3). Une faculté est ouverte entre 1068 et 1086 à Kaifeng, ce qui facilitera l’enseignement de l’acupuncture [9].

Figure 3. Exemple de reproduction d’une statue en bronze de la dynastie Song (extrait du Zhong Guo Yi Xue Tong Shi Tu Pu Juan. [consulté 10 avril 2011],en.tcm-china.info/acupuncture/origin/75565_2.shtml. 

Dynasties Jin-Yuan (1115 – 1368), Ming (1368 ‐1644) et Qing (1644 ‐1911)

Même si l’acupuncture est pratiquée hors des frontières de Chine comme le Japon, la Corée, le Vietnam ou le Tibet, l’importance de l’acupuncture décline rapidement. Mais quatre nouvelles écoles sous les dynasties Jin et Yuan auront encore une grande influence avec des médecins de valeur : Liu Wansu 劉完素 et l’École du Froid et du Frais, Zhang Conzheng 張從正 et l’École de la Purgation, Li Gao 李杲 et l’École de la Tonification de la Terre et enfin Zhu Zhenheng 朱震亨 et l’École de l’Entretien du yin [[18]].

Sous la dynastie Ming, de grands ouvrages paraissent néanmoins comme le Bencao Gangmu 本草纲目 (Compendium de materia medica), le Binhu Maixue 濒湖脉学 (Étude du pouls de Bin Hu) et le « Compendium d’Acupuncture et Moxibustion » 針灸大成 (Zhenjiu dacheng), compilé par Yang Jizhou en 1601 [8]. Celui-ci s’inspire directement du Suwen, du Nanjing et bien d’autres ouvrages antérieurs et va demeurer l’ouvrage de référence pour tous les acupuncteurs traditionnels. Le Bencao Gangmu deLi Shizhen 李時珍 (1518-1593), gigantesque travail dressant la liste de 1892 substances médicales est le résultat de presque 30 ans de travail. Il s’agit non seulement d’un grand traité de pathologie et de thérapeutique, mais aussi un traité étendu sur différentes parties de l’histoire naturelle, comprenant la botanique, la zoologie, la minéralogie et la métallurgie [[19]] (figure 4). Le Binhu Maixue, écrit aussi par Li Shizhen en 1564 est quant à lui, un traité sur les vingt-sept types de pouls et leur valeur diagnostique [[20]].

Un autre traité, le Wen Relun 溫熱論(Traité sur les maladies fébriles) de Ye Tianshi sous la dynastie Qing (1690-1760) est édité en 1740, livre sur le diagnostic et le traitement des maladies fébriles dans lequel une théorie sur l’émergence de la maladie est expliquée. La pathologie se développe en fonction du niveau de wei (résistance superficielle), qi (énergie), ying (nutrition) et xue (Sang) [10].

Figure 4. Bencao Gangmu (Compendium de materia medica).

 Le Yixue yuanliu lun (Origines et histoire de la médecine) est écrit par Xu Dachun 徐大椿, un autre médecin célèbre de la dynastie Qing en 1757. Il retrace l’histoire de la médecine traditionnelle chinoise et aborde de manière critique tous les différents systèmes théoriques, diagnostiques et thérapeutiques de ces prédécesseurs. Il construit son propre système médical en ne tenant compte que des seuls classiques NeijingShennong bencaojing et Shanghanlun [[21]]. Ainsi on s’aperçoit que la majorité des médecins dédaigne l’acupuncture et la moxibustion au profit de la phytothérapie ou des massages tuina.

Et, l’acupuncture faillit disparaître !

En 1822, les autorités ordonnèrent d’abolir l’acupuncture et la moxibustion à titre définitif de la faculté de médecine impériale parce qu’elles ne pouvaient convenir pour traiter l’empereur [[22],26]. Bien que l’interdiction ne s’étende pas au-delà des limites de la cité interdite, il est clair que les médecins avaient de ce fait peu de chances de se spécialiser en acupuncture.

Néanmoins des ouvrages sortent encore comme le Yilin Gaicuo 醫林改錯, écrit par Wang Qingren 王清任 en 1830 qui discute sur les erreurs anatomiques retrouvées dans la littérature classique et ses suggestions de corrections basées sur ses études des cadavres. Il ne se contenta pas de corriger les erreurs commises par les générations passées concernant les organes en aidant ainsi au passage des concepts de la médecine occidentale mais proposa aussi de nouvelles méthodes de traitement des troubles circulatoires et de l’hémiplégie.

République de Chine (1912‐1949)

La révolution de 1911 sonne le glas de la dynastie Qing, mais ne rétablit pas l’acupuncture dans ses prérogatives. Elle ne cesse de décliner et faillit à nouveau disparaître. En effet, en 1929, sous la pression de certains intellectuels progressifs du Mouvement du 4 mai 1919 et du Dr Yu Yunxiu, le gouvernement du Guomindang alla jusqu’à proposer l’abolition de la médecine chinoise qualifiée de vieille médecine réactionnaire, superstitieuse et irrationnelle en opposition à la nouvelle médecine venue de l’Ouest dont le Dr Sun Yat Sen (1866-1925), médecin formé à la manière occidentale était adepte. Aucune résolution d’abolition ne fut heureusement adoptée. Au contraire cela aboutit à une structuration de la médecine chinoise grâce entre autres à un célèbre acupuncteur Qin Bowei qui participera à la fondation d’un « Institut Chinois de Médecine » [3,23-25,31].

Et ce sursaut va venir aussi de quelques médecins qui vont promouvoir l’acupuncture comme une alternative bon marché à la médecine occidentale. L’un d’entre eux est Cheng Danan 承淡安 (1899-1957), un acupuncteur et pédiatre de Jiangsu, qui avait visité le Japon dans les années 1930. En Chine, il crée une « société pour la recherche sur l’acupuncture chinoise » à Wuxi avant de lancer sa propre revue. Son acupuncture est fondée sur les Classiques (Zhenjiu jiayijing, Dacheng etc.) qu’il tente de systématiser, mais aussi sur la théorie que le mécanisme d’action acupunctural pouvait être en rapport avec la stimulation des nerfs telle qu’elle était décrite à ce moment en médecine occidentale. Cheng (figure 5) insista pour que les points d’acupuncture soient redéfinis à la lumière de cette idée [[26]]. Par le biais de ses élèves (Gao Zhenwu, Shao Jingming etc.), ses écrits (Zhongguo zhenjiu zhiliaoxue [[27]] et son activité politique (il fut membre de nombreux comités nationaux en charge de la politique médicale et de l’éducation) Cheng a exercé une profonde influence sur le développement de l’acupuncture en Chine [[28]]. Il va d’ailleurs s’aider de l’évolution de l’acupuncture hors des frontières chinoises comme au Japon où un renouveau existe sous l’influence de Yanagiya Sorei [[29]] et Takeshi Sawada [[30]] qui développent une acupuncture en rapport avec les Méridiens et en France grâce à George Soulié de Morant (1875-1955) en poste au consulat de Kunming en 1908. D’ailleurs, il écrit un article sur l’acupuncture française où il montre l’intérêt des Français dès 1820 avec les travaux de Jules Cloquet, Dantu mais aussi ceux de Soulié de Morant [[31]]. Cheng ignore que son approche moderne initiale est à l’opposée de l’approche française qui s’appuie sur l’ésotérisme chère à Guénon [25] et le néo-hippocratisme influencé par les médecins du Carrefour de Cos dans un contexte du non-conformisme [1,2,[32],[33]].    

Figure 5. Cheng Danan 承淡安 (1898-1957).

République Populaire de Chine (1949 à nos jours)

 Mao Zedong qui fonda la République Populaire Chinoise en 1949 rejeta tout d’abord la médecine traditionnelle mais sous la pression économique (coût moindre) et politique (reconnaissance des paysans qui représentait à ce moment la plus grande part de la population), il redonna l’impulsion nécessaire à la renaissance ou l’invention de la médecine traditionnelle chinoise [2,3], tout en sachant que le Gouvernement Communiste devait faire face à une insuffisance importante de personnel médical et que le praticien traditionnel était donc une solution à ce problème.

En effet, les dirigeants communistes considéraient depuis longtemps la médecine chinoise comme une médecine ésotérique, superstitieuse et «féodale ». Mais, leur but non avoué était l’union des médecins à éducation moderne scientifique et des praticiens traditionnels pour un meilleur service de santé envers le peuple dans le concept de la médecine dite intégrative [[34]]. Ainsi on peut constater dans les articles médicaux de la période 1951-1955 du journal Beijing Zhonyi, des essais intensifs pour éduquer les médecins traditionnels selon les principes d’anatomie moderne [[35]]. Et à partir de 1954 des Collèges de médecine chinoise sont ouverts à Shanghai, Guangzhou, Chengdu et Pékin avec réédition des grands Classiques. En 1958, la médecine chinoise est déclarée « trésor national » par le gouvernement. Mais la médecine chinoise doit se moderniser, devenir plus scientifique et même intégrer la médecine occidentale.

Dans les années 1980, une loi est promulguée définissant la MTC comme faisant partie du système de soins de santé. Depuis les années 1990, le gouvernement chinois fait des efforts dans la mondialisation de la médecine chinoise pour développer son potentiel économique.

Néanmoins, à l’heure actuelle, même s’il existe un engouement important du monde occidental pour la MTC et plus particulièrement l’acupuncture, elle tend à avoir une place de moins en moins importante en Chine.

Ainsi il est apparu qu’il existait en Chine une remise en question de l’efficacité de la MTC. En 2006, Zhang Gong-Yao, professeur à l’Université chinoise de South Central dans le Hunan, a lancé une pétition en ligne pour la suppression de la MTC du système de santé de la Chine. Zhang explique qu’il n’y a aucune percée majeure de la MTC dans le traitement des maladies et que les syndromes tels que « Déficience du Rein yin » ou « Déficit du qi de Cœur » ne peuvent être définis comme de véritables maladies. Cette déclaration met en lumière la situation déplorable de la MTC en Chine où la médecine occidentale influence de manière déterminante les traitements, comme au temps où Mao Zedong, pourtant promoteur de la MTC, utilisait pour tous ses problèmes médicaux la médecine occidentale. Dans l’enseignement de la médecine chinoise, l’occidentalisation de la formation de la médecine chinoise est la norme. L’étude des grands Classiques est remplacée par des formations en recherche biomédicale occidentale et nombreux sont les étudiants inscrits à un doctorat de médecine chinoise qui ne connaissent pas le Huangdi neijing[23].

La réplique peut-être à cet état de fait est retentissante car l’acupuncture, à la demande de la Chine, est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO le 16 novembre 2010. Deux des motifs d’inscription : « l’acupuncture et la moxibustion sont un savoir et une pratique traditionnels transmis de génération en génération et reconnus par les communautés chinoises dans le monde entier comme élément de leur patrimoine culturel immatériel ; leur inscription sur la Liste représentative pourrait contribuer à la sensibilisation concernant la médecine traditionnelle dans le monde entier, tout en favorisant les échanges culturels entre la Chine et d’autres pays » [[36]].

Conclusion

 L’histoire de la médecine chinoise est en constante évolution. La « tradition inventée » par Mao semble n’être plutôt qu’une transformation, une mutation de la médecine chinoise en une médecine chinoise « intégrative » comme cela a été réalisé déjà au cours des siècles. Les acupuncteurs chinois ont toujours eu la prudence de ne pas rejeter les précédents concepts et ont préféré les intégrer au corpus initial. Ainsi, les anciens concepts Taoïstes du yin et du yang tirés du Naturalisme se mêlent aux idées de maladies dues aux possessions par les démons, aux théories des cinq éléments, aux méridiens et aux syndromes zheng plus modernes dans un respect tout à fait confucéen pour les précédents paradigmes. Les concepts de chaque période ont été assimilés, digérés comme le sont actuellement ceux de la médecine moderne. En Chine, même si l’acupuncture a été progressivement rejetée au profit de la médecine Occidentale, de nombreux modèles différents persistent où l’on voit se côtoyer acupuncture occidentale et acupuncture traditionnelle basée sur les grands Classiques dans une tentative d’unifier et de moderniser la pratique, que l’Occident a appelé MTC, mais qui pour les chinois n’est tout simplement que de la médecine chinoise.

Notes

Mes remerciements à Pierre Dinouart-Jatteau pour l’insertion des caractères chinois.


Références

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[2]. Nguyen J. Nguyen Van Nghi (1909-1999) : retour sur l’acupuncture au XXème siècle. (2) Crise et révolution scientifique. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(1):9-15. 

[3]. Hsu E. La médecine chinoise traditionnelle en République Populaire de Chine : d’une « tradition inventée » à une « modernité alternative ». In: Cheng A, De Tonnac JP, editors. La pensée en Chine aujourd’hui. 1ère ed. Paris: Gallimard, folio essais; 2007. p. 214-38.

[4]. Xinhuanet. Le développement de la pensée de Mao Zedong et la pratique de la médecine. 2008 dec [cited 2011 Mar 13]. Available from: URL : http://news.xinhuanet.com/politics/2008-12/25/content_10555599.htm

[5]. Huard P, Wong M. A la recherche de l’origine de la médecine chinoise. Bulletin de la société d’Acupuncture. 1962;43:17-79.

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[9]. Jacquemin J. Histoire de l’acupuncture en Chine, des origines à la fin des Ming. Histoire des sciences médicales. 1985:113-21. 

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[16]. The International Dunhuang Project: The Silk Road Online. Medicine on the Silk Road. Or.8210/S.6168a. Available from: URL : http://idp.bl.uk/database/oo_scroll_h.a4d?uid=14187764797;bst=1;recnum=11122;index=1;img=1

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Stéphan JM. Abrégé de l’histoire de la médecine chinoise. Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(2):138-146. (Version PDF)

Stéphan JM. Abrégé de l’histoire de la médecine chinoise. Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(2):138-146. (Version 2011)  

Électroacupuncture : épistémologie historique

Le char de pierre (Râtha) – temple de Vittala ( XVe) vestige de l’empire Vijayanagara – Patrimoine Unesco 2012 – Karnataka – Inde
Le char de pierre (Râtha) – temple de Vittala ( XVe) vestige de l’empire Vijayanagara – Patrimoine Unesco 2012 – Karnataka – Inde

Résumé. La plus ancienne utilisation thérapeutique de l’électricité semble être celle du poisson-chat électrique durant la Ve dynastie égyptienne de l’Ancien Empire (vers 2500 ans AEC). Pline, Plutarque puis Galien au 2e siècle de notre ère en parle aussi dans leurs écrits. Mais il faudra attendre le Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière en 1825, puis Edmond Hermel et Guillaume-Benjamin Duchenne de Boulogne pour connaître davantage ce qu’on appelait à l’époque électropuncture, une thérapeutique en rapport avec le galvanisme, puis la faradisation. Le XXsiècle verra apparaître véritablement l’électroacupuncture (EA) avec De la Fuÿe et Reinhold Voll mais une EA entachée de paradigmes sujets à caution, comme l’homéosiniatrie diathermique ou l’électroacupuncture selon Voll (EAV). L’EA à la démarche scientifique ne fera réellement son apparition qu’à partir de 1965 avec Han Ji Sheng, Cheng et Pomeranz, etc., qui objectivèrent l’intervention des récepteurs endorphiniques. A partir de ce moment, l’intérêt pour l’EA ne fléchit pas et le nombre d’essais comparatifs randomisés (ECR) et d’études animales expérimentales ne cesse d’augmenter chaque année pour en faire une composante majeure de l’acupuncture et des techniques associées. Mots clés. Electroacupuncture – épistémologie – histoire – galvanisme – Sarlandière – Duchenne de Boulogne – De la Fuÿe -TENS -Voll.

Electroacupuncture: historical epistemology

Summary. The oldest therapeutic use of electricity seems to be that of the electric catfish during the 5th Egyptian dynasty of the Old Kingdom (around 2500 BC). Pliny, Plutarch and then Galen in the 2nd century AD also mentioned it in their writings. But it was not until the Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière in 1825, then Edmond Hermel and Guillaume-Benjamin Duchenne de Boulogne, that more was known about what was then called electropuncture, a therapy related to galvanism, and then faradisation. The twentieth century will see the true appearance of electroacupuncture (EA) with De la Fuÿe and Reinhold Voll, but an EA tainted by questionable paradigms, such as diathermic homeosiniatrics or electroacupuncture according to Voll (EAV). The scientific approach to AE did not really appear until 1965 with Han Ji Sheng, Cheng and Pomeranz, etc., who objectified the intervention of endorphin receptors. From that moment on, interest in AE did not wane and the number of randomised controlled trials (RCTs) and experimental animal studies continued to increase each year, making it a major component of acupuncture and related techniques. Keywords. Electoacupuncture – epistemology – history – galvanism – Sarlandière – Duchenne de Boulogne – De la Fuÿe -TENS -Voll.

La plus ancienne utilisation de l’électricité en thérapeutique fait référence au poisson « Nar », le poisson-chat électrique égyptien retrouvé sur les papyri médicaux, mais aussi dans l’iconographie[note 1]. Ainsi, il est postulé que les céphalées, les migraines autant décrites dans la littérature égyptienne que dans la littérature grecque et latine avaient pour traitement l’utilisation du poisson-chat électrique (malapterurus electricus). Celui-ci pouvait atteindre une longueur de 120 cm et peser plus de 20 kg et, lorsqu’il est attaqué, déclenche une décharge électrique entre 100 et 450 volts [[1]].

D’ailleurs, une représentation du poisson-chat électrique du Nil (Malapterurus electricus) figure sur  la célèbre palette en schiste vert de Narmer, le roi conquérant qui a unifié l’Égypte en 3100 avant notre ère (AEC). L’animal héraldique adopté comme totem et utilisé comme rébus orthographique pour « Narmer » figure dans le cadre serekh des deux côtés de la palette (figure 1).

Durant la Ve dynastie égyptienne de l’Ancien Empire (vers 2500 ans AEC), on retrouva aussi dans les tombes égyptiennes des sculptures de la raie torpille marbrée (torpedo marmorata), témoin de leur possible utilisation.  Pline et Plutarque font référence également dans leurs écrits des effets de la raie torpille[note 2] (figure 2). Claude Galien (129-201 EC) signale l’intérêt d’appliquer la raie torpille vivante sur l’endroit douloureux, lors des céphalées chroniques ou en période de crise, et même sur un prolapsus anal qui peut être ainsi traité par choc électrique [2].

Figure 1. La palette de Narmer (recto) en schiste vert (64 cm de haut et 42 cm de large) est aujourd’hui exposée au musée égyptien du Caire. Au sommet des deux côtés de la palette, un premier registre est composé d’un serekh  qui est un rectangle entourant le nom hiéroglyphique du roi Narmer, les symboles nˁr (poisson-chat) et mr (ciseau). Le serekh est flanqué de chaque côté par une paire de têtes de bovins avec des cornes très courbées, censée représenter la déesse vache Bat. [consulté le 09/09/2021], disponible à l’URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/Palette_de_Narmer ; et photo : Auteur inconnu. Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=27339329. Poisson-chat électrique (malapterurus electricus) Par Stan Shebs, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=439814.

Figure 2. Raie torpille. Les décharges électriques produites peuvent atteindre 45V à une intensité de 5 à 10 ampères et une fréquence pouvant aller jusque 600 hertz (photo JM Stéphan).

Mais le début de la connaissance de l’électroacupuncture, qui implique la stimulation des aiguilles métalliques par l’électricité, peut se situer réellement au XIXe siècle en France. En 1816, Louis Berlioz, le père du compositeur Hector Berlioz fut le premier à écrire dans son ouvrage « Mémoire sur les maladies chroniques, les évacuations sanguines et l’acupuncture » que l’électricité pouvait augmenter les effets des aiguilles : « Vraisemblablement la communication du choc galvanique produit par un appareil de Volta, accroîtrait les effets médicaux de l’acupuncture. » [[3]].

Cependant, le mérite de la création de l’électroacupuncture revient au Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière que l’on peut considérer comme le véritable pionnier. « L’électro-puncture ou acupuncture électrique diffère de l’acupuncture proprement dite en ce que l’aiguille ne joue pas le principal rôle dans l’opération qu’on pratique, mais sert de conducteur à l’électricité… ».

Le Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière

En effet, le premier livre d’électroacupuncture est un livre français publié en 1825 par le Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière (1787-1838) : « Mémoires sur l’électro-puncture » [[4]].

« L’électro-puncture est le nouveau procédé que j’emploie, et dont j’ai si fort à m’applaudir pour les succès que j’en obtiens dans le traitement des rhumatismes, de la goutte et de beaucoup d’affections nerveuses ; celui-là je ne le dois à personne, seul j’ai imaginé de l’employer ; il n’a de commun avec l’acupuncture des Japonais que l’usage des aiguilles. ».
« .. l’électro-acupuncture, comparée à la percussion électrique externe, et à l’électrisation par bain, prouve : 1° que le fluide électrique peut s’introduire en grande quantité dans nos corps sans choc ni commotion, et qu’alors il ne suffit pas pour guérir ; 2° que les chocs déterminés à la surface cutanée peuvent se transmettre à travers son tissu et être ressentis par les cordons nerveux au moyen de l’électromètre de Lane ou de la bouteille de Leyde, ou même par de fortes étincelles, et dans ce cas l’électricité a été employée avec succès au traitement des maladies.. on en retirera infiniment plus en joignant à l’acupuncture, les bons effets qu’on obtient de l’électricité. ».

Le Chevalier Sarlandière va donc utiliser un condensateur électrique, la bouteille de Leyde inventé en 1745 (figure 3) adaptée à un instrument l’électromètre de Thimothy Lane en 1766 (figure 4). Il applique le galvanisme qui fait référence à la contraction du muscle lorsqu’il est stimulé par un courant électrique direct. Alessandro Volta donna ce nom en hommage  à Luigi Galvani, qui étudia l’effet de l’électricité sur des animaux disséqués dans les années 1780 et 1790. En effet, Galvani, médecin obstétricien et anatomiste italien découvrit la contraction réflexe, sous l’action d’électricité statique sur les cuisses de grenouilles préalablement disséquées [2].

Figure 3. Image de E. Drincourt – notions de physique, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=18788679. [consulté le 22/01/2021], disponible à l’URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouteille_de_Leyde.  

La bouteille de Leyde est l’ancêtre du condensateur. Elle fut réalisée la première fois en 1746 par le physicien néerlandais Pieter Van Musschenbroek de l’Université de Leyde aux Pays-Bas et Ewald Jürgen von Kleist, doyen de la cathédrale de Kamin en Poméranie occidentale (Pologne actuelle), tous deux travaillant indépendamment [[5]]. Il s’agit d’un condensateur électrique formé de deux conducteurs séparés par le verre de la bouteille. Dans sa forme initiale, c’est une fiole à moitié remplie d’eau dont l’ouverture était bouchée par un liège percé d’une tige métallique trempant dans l’eau. Pour charger la bouteille, l’extrémité libre de la tige était mise en contact avec un générateur à friction produisant de l’électricité statique. Lorsque le contact était interrompu, on pouvait constater la présence d’une charge puisque, en touchant l’extrémité de la tige, on recevait une secousse. Dans sa forme actuelle, la bouteille de Leyde comporte un récipient isolant, recouvert à l’intérieur et à l’extérieur d’une fine feuille métallique. Le revêtement externe est relié à la terre ; la feuille intérieure est reliée à une tige de laiton qui traverse le goulot du récipient. La bouteille de Leyde peut se décharger lentement ou instantanément. Pour la décharger instantanément, on la tenait à la main, et l’on mettait en communication les deux armatures à l’aide de l’excitateur simple, en ayant soin de toucher l’armature qu’on tenait à la main, sinon, on recevait la commotion. Pour la décharger lentement, on l’isolait sur un gâteau de résine, et l’on touchait alternativement, avec la main ou avec une tige de métal, l’armature intérieure, puis l’armature extérieure, et ainsi de suite, tirant à chaque contact une étincelle faible.

Figure 4. La bouteille électrométrique de Lane. L’armature externe de la bouteille de Leyde est reliée à une électrode horizontale graduée qui glisse sur une colonne. La longueur de l’étincelle qui éclate entre la sphère de l’électrode et celle de la tige, en communication avec l’armature interne de la bouteille, permet ainsi d’estimer la quantité d’électricité accumulée. Cet électromètre fut proposé par Timothy Lane en 1766 [[6],[7]].  

Sarlandière écrit dans son ouvrage : « C’est le fluide électrique dont je provoque la détonation sur l’aiguille qui lui sert de conducteur, qui constitue mon moyen curatif. La pointe de l’aiguille que j’enfonce jusque dans le tissu affecté est mise en contact immédiat d’une part avec les fibres musculaires ou fibreuses que je veux modifier, tandis que de l’autre le manche et le bouton qui terminent l’instrument communiquent avec l’excitateur ou le conducteur isolé de la machine. Au moment où j’opère la décharge électrique sur le bouton qui surmonte mon aiguille, la secousse se transmet instantanément à toutes les ramifications ou aux filets nerveux qui se distribuent dans le muscle ou dans le tissu fibreux que la pointe de mon aiguille a pénétré ..»..

« Nul que je sache ne s’est encore avisé d’introduire l’électricité à travers nos organes dans l’intérieur du corps. Les succès que je savais que les Japonais obtenaient au moyen de l’acupuncture, quelques succès aussi que j’en ai obtenus moi-même, et les avantages que d’autre part j’ai retirés de l’administration de l’électricité, m’en ont suggéré l’idée : c’est de là qu’est née l’électro-puncture, dont les succès ont outre-passé mon attente. ».

« Au moment où j’opère la décharge électrique sur le bouton qui surmonte mon aiguille, la secousse se transmet instantanément à toutes les ramifications ou aux filets nerveux qui se distribuent dans le muscle ou dans le tissu fibreux que la pointe de mon aiguille a pénétré ; j’en acquiers la certitude par la contraction de tout le muscle à la moindre étincelle, et par la sensation seulement dans les parties non musculaires, ou dont les contractions sont empêchées par les aponévroses qui les enveloppent. ».

Il s’agit d’un courant de basse fréquence, vraisemblablement entre 2 et 4 Hz qui engendre habituellement les contractions musculaires.

L’électroacupuncture appliquée par le Chevalier Sarlandière s’apparente à une application des points gâchettes (trigger points).

« L’aiguille ayant pénétré le tissu affecté, et étant par conséquent en contact immédiat avec les radicules nerveuses qui font éprouver la douleur.. ». Il ne s’agit donc pas de stimuler un point précis d’acupuncture mais une zone douloureuse, comme une sciatalgie ou une entorse, etc.

Mais cela peut être également sous-tendue par les notions de l’acupuncture chinoise telle qu’on l’entend dans la tradition.

« En général, dans toutes les affections de l’estomac et de la tête, et dans toutes celles d’un organe quelconque où l’estomac peut être enflammé, j’agis sur l’épigastre. C’est là qu’est le fameux  tjuquan des Chinois ». Le tjuquan est la dénomination issue de la figure japonaise que les Chinois nomment Tsoë-Bosi  et numérotée n°56 sur la figure 5 et qui correspond au point zhongwan (VC12).  Ainsi même si Sarlandière explique que l’électropuncture diffère de l’acupuncture proprement dite par le fait que l’aiguille ne joue pas le principal rôle mais sert de conducteur à l’électricité, il va utiliser malgré tout des points d’acupuncture dans les pathologies digestives.

Figure 5. Le Tsoë-Bosi de tsoë figure et de bosi prêtre, c’est-à-dire figure de prêtre, parce que la tête est représentée entièrement rasée à la façon des prêtres japonais [[8]].

De nombreux médecins (Fabré-Palprat, Magendie, La Beaume, Rayer, Puysaye..) de 1830 à 1840 utilisèrent à leur tour les propriétés du galvanisme et de l’électropuncture dans diverses affections, notamment les paralysies, l’amaurose, les spasmes coliques, les névralgies, etc.. [8]. Ainsi, Edmond Hermel décrit à son tour dans son ouvrage consacré aux névralgies en 1843 à partir de nombreux cas cliniques l’intérêt d’employer l’électropuncture [[9]]. Il décrit sa méthode également dans la revue « Journal de Médecine » en août 1844  publié sous la direction du Dr Beau, médecin des hôpitaux à Paris [[10]].

Edmond Hermel

« Névralgie traumatique du nerf lombo-sacré et du nerf petit sciatique, datant de cinq mois, guérie par huit applications d’électro-puncture. Le 9 mars 1842, le nommé Quevanne, journalier, âgé de quarante-quatre ans, est entré à l’Hôtel-Dieu, salle Sainte-Madeleine, et couché au 14 bis. Il nous raconta, qu’il y a cinq mois, chargeant un sac de blé sur son dos, il sentit un craquement très douloureux aux lombes du côté gauche ; son sac lui échappa, et depuis ce temps il n’a pu travailler. Il éprouve continuellement une douleur fixe vers le tiers postérieur de la crête de l’os iliaque ; de temps en temps, mais surtout la nuit, il se plaint d’élancements violents, partant d’un peu plus haut que le lieu déjà indiqué, s’étendant à la fesse, dans la partie postérieure de la cuisse ; à la partie supérieure du creux poplité, le trajet de cette douleur devient plus externe, se dirige vers la tête du péroné et se termine à la malléole externe…

D’après ce qui précède, nous pûmes reconnaître une névralgie d’un rameau du nerf lombo-sacré et du nerf petit sciatique, névralgie par cause traumatique qui avait forcé le malade de s’aliter. Sa santé du reste n’était point altérée. Première application. — Le lendemain du jour où nous avions pris cette observation, le 11 mars, on résolut d’employer l’électro-puncture. Une aiguille fut placée au niveau du tiers externe et postérieur de la crête de l’os iliaque gauche sur un des points douloureux, et une autre un peu au-dessus de la malléole externe en avant du péroné. L’aiguille supérieure fut mise en communication avec le pôle positif d’une pile à auge dont les couples avaient 0,09 centimètre carré ; l’autre conducteur fut fixé à  l’aiguille inférieure. La pile fonctionnant par l’action d’une eau fortement acidulée, il supporta graduellement les secousses de vingt couples pendant dix minutes. Une transpiration générale, plus abondante au membre galvanisé, s’établit ; aussitôt après le malade put fléchir et étendre la jambe avec beaucoup moins de douleurs. »

Et en conclusion de son ouvrage de 26 pages où il décrit de nombreux cas cliniques guéris par électro-puncture :

« -1° L’électro-puncture convient aux névralgies idiopathiques ou essentielles. 2° La violence des douleurs n’est point une contre-indication à l’emploi de cet agent thérapeutique ; jamais sous son influence les douleurs ne se sont exaspérées. 3° La paralysie qui survient dans le cours des névralgies essentielles cède au même traitement. Il est encore d’autres névralgies où l’on tire de grands avantages de l’électro-puncture, soit comme médication principale, soit comme médication accessoire : nous les ferons connaître ultérieurement ».

Guillaume Duchenne, quant à lui, même s’il reconnaît dès 1847 que l’électropuncture de Sarlandière est un véritable progrès dans les traitements, considère que l’application sur de plus grandes surfaces à l’aide d’une électrisation localisée est d’un plus grand secours.

En effet, il écrit que le galvanisme de Sarlandière qui est lié à l’utilisation d’un courant électrique direct engendrait de nombreux inconvénients comme les escarres, les inflammations, les abcès difficiles à guérir [[11]]. D’où il en résulte que l’électropuncture va voir sa pratique devenir éphémère et remplacée progressivement par le faradisation de Duchenne.

Guillaume-Benjamin Duchenne de Boulogne

Guillaume-Benjamin Duchenne, surnommé Duchenne de Boulogne (1806-1875), est un médecin neurologue français et l’un des plus grands cliniciens du XIXe, fondateur de la neurologie et qui a d’ailleurs donné son nom à la myopathie du même nom. A Paris où il s’établit, il développe les applications cliniques de l’électricité et publie « De l’art de limiter l’excitation électrique dans les organes sans piquer ni inciser la peau, nouvelle méthode d’électrisation, appelée électrisation localisée » qui lui permet d’utiliser des électrodes de surface. C’est déjà le début de la neurostimulation transcutanée, encore appelée TENS, qu’il nomme électricité de contact (faradisation).

« Afin de limiter l’action électrique dans les muscles qui présentent peu de surface, par exemple, ceux de la face, ou les interosseux, je me sers de rhéophores métalliques coniques qui se vissent sur les manches isolants. Les rhéophores coniques sont recouverts d’une peau trempée dans l’eau, et présentée par leur extrémité aux points qui recouvrent les muscles à faradiser. » [[12]] (figure 6).

Figure 6. Exemples de rhéophores (terme désuet remplacé désormais par le terme électrode) utilisés par Duchenne. Il s’agit donc de conducteur chargé de conduire le courant électrique de la pile à son point d’emploi. Le premier à gauche est métallique avec un manche isolant, le second est à disque métallique, le troisième est conique et le dernier est terminé par un boule métallique en forme d’olive.

Duchenne appliquera sa méthode d’électrisation localisée comme thérapeutique à diverses maladies, bien sûr en commençant par son champ d’activité neurologique comme il l’indique au début de son chapitre III page 105 « De la valeur de l’électropuncture appliquée au traitement des paralysies ».

« L’application de l’électropuncture au traitement des paralysies a constitué un véritable progrès, lorsque Sarlandière l’introduisit dans la pratique. Pour bien apprécier l’importance des services rendus par cette méthode d’électrisation à la thérapeutique, il faut se rappeler quel était alors l’état de l’électricité médicale. On sait quel enthousiasme cet agent thérapeutique excita dès son origine, lorsque la machine électrique fut inventée. On trouve en effet, des observations de guérisons incontestables, dues à l’application de l’électricité de tension, dans les auteurs qui, à cette époque se sont occupés d’électricité médicale, c’est-à-dire de 1743 à 1754. Ainsi Kruger, professeur Helmstadt, est le premier qui l’ait employée, comme agent thérapeutique, au commencement de 1744. Deux années plus tard, en 1746, lorsque l’on fut familiarisé avec les effets de la bouteille de Leyde, dont les fortes décharges avaient d’abord inspiré une grande terreur, Herman-Klyn guérit, avec cet appareil, une femme qui était paralysée depuis deux ans. ».

Duchenne considère néanmoins que l’électropuncture de Sarlandière est insuffisante pour traiter une paralysie [12 page 109].

« .. pour obtenir la guérison des anesthésies cutanées par l’électropuncture, il faudrait couvrir d’un grand nombre d’aiguilles toute la surface de la peau dépourvue de sensibilité. On conçoit qu’une pareille opération serait impraticable, surtout si elle devait être souvent renouvelée. Dans certains cas légers, il suffit d’une excitation produite par un très petit nombre d’aiguilles, peur rappeler la sensibilité ; mais ces cas sont exceptionnels. L’électropuncture ne peut servir à rappeler la sensibilité tactile ni de la main ni de la plante du pied, car on ne saurait enfoncer des aiguilles dans les doigts ou dans les téguments de la plante du pied, sans s’exposer à produire une inflammation ou des panaris. ».

Il propose donc sa méthode d’électrode cutanée. Notons qu’à cette époque, les aiguilles stériles à usage unique n’existaient pas et on comprend d’autant mieux la réticence de Duchenne. Sa méthode est basée sur la faradisation à courant alternatif plutôt que sur le galvanisme à courant continu.

« Combien est simple et rapide, au contraire, la faradisation localisée de chacun des muscles paralysés à l’aide des rhéophores humides et promenés sur la peau intacte. Dans l’électropuncture, l’aiguille traverse l’épaisseur du muscle, tandis que dans la faradisation localisée, les rhéophores humides n’agissent que sur leur surface. On pourrait en induire que l’électropuncture possède plus de puissance thérapeutique que la faradisation localisée par les rhéophores humides. Cette opinion ne serait pas fondée car j’ai établi précédemment qu’en appliquant un rhéophore humide sur la surface d’un muscle, l’excitation électrique traverse d’autant plus profondément les tissus, que les courants sont plus intenses. La faradisation peut donc, à l’aide de rhéophores humides, pénétrer un muscle dans le sens de son épaisseur, aussi bien qu’avec les aiguilles. De plus, en promenant ces rhéophores sur toute la surface des muscles, on leur distribue l’électricité en tous sens, ce qu’on ne pourrait jamais obtenir avec l’électropuncture. J’ai vu plusieurs paralysies modifiées heureusement sous l’influence de la faradisation focalisée par les rhéophores humides, et contre lesquelles l’électropuncture avait auparavant complètement échoué. »

Duchenne conclut : « Des considérations critiques que je viens d’exposer, il ne faut pas conclure que l’électropuncture doive être exclue de la pratique ; je crois au contraire que, dans certains cas, cette méthode peut être un auxiliaire puissant de la faradisation localisée. »

Duchenne appliquera sa méthode thérapeutique essentiellement à son champ d’activité, c’est-à-dire la neurologie avec diverses pathologies : traitement des paralysies, les atrophies musculaires mais aussi toutes les névralgies que ce soient les sciatiques, les névralgies faciales, etc.. Néanmoins, il discutera aussi, à partir de cas cliniques des effets de l’électrisation localisée dans la sphère cardio-pulmonaire (angine de poitrine, asphyxie..), gastroentérologique (constipation), urologique (incontinence urinaire, spasme vésicale..) et même en ce qui concerne les organes des sens comme la perte d’odorat, du goût ou même de l’audition, sans oublier les problèmes ophtalmologiques. Bref, cet ouvrage de 1120 pages du XIXe siècle bien en avance sur son temps est toujours à découvrir.

Duchenne de Boulogne est alors considéré par les électrothérapeutes français comme le maître de la discipline et insiste d’ailleurs sur le fait que sa thérapeutique ne puisse être exercée que par les médecins. Car au XIXe siècle l’électricité médicale est aussi associée au charlatanisme avec  les « saltimbanques autorisés à électriser sur les places publiques, aux femmes torpilles » [[13]].

En 1853, de l’autre côté de l’Atlantique, en Pennsylvanie, le Dr Holl utilise l’électropuncture dans les sciatiques et névralgies lombosacrées en prenant bien soin de placer sur le site même de la douleur l’électrode positive reliée à l’aiguille d’acupuncture [[14]].

Puis progressivement, l’électropuncture utilisant des aiguilles tombe dans l’oubli au profit des cabinets privés qui utilisent la simple électrothérapie. On les nomme les médecins électriciens. Parmi eux, à la fin du XIXe siècle, le célèbre docteur Paul Gachet, ami du non moins célèbre peintre Vincent Van Gogh qui note sur ses ordonnances « Applications de l’électricité au traitement des maladies chroniques et nerveuses » [13].

Le XXe siècle

Il faudra attendre George Soulié de Morant en 1925 pour que l’on s’intéresse à l’électricité appliquée à l’acupuncture, non pas dans un but thérapeutique mais plutôt dans celui d’expliquer le substratum du qi des Méridiens. En effet, il rencontra le docteur Dimier, un médecin électricien hospitalier qui assistait à plusieurs consultations d’acupuncture. Celui-ci proposa l’hypothèse que l’énergie humaine était soit entièrement électrique, soit portée par des ces mêmes ondes. Il mesurait l’électricité émanant du corps avec un galvanomètre ultrasensible et constatait qu’elle s’intensifiait le long des méridiens, en particulier au niveau des points d’acupuncture, comme le point zusanli (E36). Mais cela ne fut pas concluant et les expériences furent arrêtées au décès du Dr Dimier [[15]].

Roger de la Fuÿe s’est intéressé également aux points d’acupuncture que l’on détectait par leur moindre résistance électrique [[16]] comme d’ailleurs le firent à la même époque de nombreux autres médecins dont Niboyet et Mery [17-19]. Cependant dès 1936, il utilisait aussi l’électricité dans un but thérapeutique à une fréquence qu’il appelait haute (comprise entre 10 et 30Hz) [[20]]. Il appliqua cela dans le traitement des surdités (suppurations auriculaires, sclérose du tympan, ankylose des osselets, otospongiose, etc.), associant électropuncture et médicaments homéopathiques dans ce qu’il appela l’homéosiniatrie diathermique [[21]]. Ainsi, il calcula qu’il obtenait 66,61% de guérison ou d’amélioration (1197 cas) pour 33,99% d’échecs (600 cas) [[22]]. Néanmoins malgré le nombre important de cas, il est difficile d’affirmer une efficacité de l’électropuncture en raison d’un conflit d’intérêt. En effet, dès 1948, Robert de la Fuÿe exerçait une activité commerciale avec la vente des électropuncteurs en format cabinet et portatif (figure 7), mais aussi du fait que ces études n’étaient ni comparatives, ni randomisées. Cependant, on peut signaler qu’une méta-analyse de 2015 concernant la perte auditive neurosensorielle soudaine[ note 3] objective une amélioration de l’audition par électroacupuncture (EA) seule ou associée au traitement conventionnel. Selon les auteurs, ces résultats étaient néanmoins à interpréter avec prudence, compte-tenu de différents biais des essais comparatifs randomisés (ECR) et de la faible population étudiée [[23]].

Figure 7. L’électropuncteur portatif du Dr De la Fuÿe de 1948 construit par les Etablissements Walter.

Dans les années 1950, un médecin allemand, Reinhold Voll va s’appuyer sur les bases théoriques de l’acupuncture, de la médecine traditionnelle chinoise et de l’électrothérapie afin de concevoir son propre appareil d’électroacupuncture permettant de mesurer la résistance et la conductibilité électrique de la peau au niveau des points d’acupuncture et d’agir sur eux par électrostimulation. En 1954, il va plus loin et pense avoir découvert que les médicaments altèrent les propriétés de résistance électrique de la peau. Il met alors au point un « test de résonance des médicaments », permettant d’identifier les substances qu’il convient d’utiliser pour un traitement donné. Il s’agit des points de mesure de l’électroacupuncture selon Voll (EAV) qui est une méthodologie utilisant un ohmmètre calibré pour mesurer l’impédance bioélectrique sur certains points d’acupuncture situés sur les mains et les pieds et même les yeux en réponse à des changements dans les fonctions physiologiques des organes et des structures du corps. Ce processus évalue également l’impédance bioélectrique des points d’acupuncture lorsque des substances, telles que des médicaments, de la phytothérapie, des compléments alimentaires, des remèdes homéopathiques, etc. sont placées dans le même circuit électrique que le patient. De ce fait, Voll crée son propre paradigme et se détourne complètement de l’électroacupuncture [24-26]. Il va sans dire que même si depuis la disparition de Voll en 1989 et la parution de quelques travaux affirmant l’efficacité de l’EAV [27-30], aucun n’a permis de mettre en évidence des preuves formelles de réelle efficacité autant en termes de diagnostic[ note 4] qu’en termes de thérapie (il n’existe par exemple aucun essai comparatif randomisé contre placebo). Bref, l’EAV et ses corollaires (dépistage électrodermique -EDS, diagnostic des fonctions bioélectriques -BFD-, tests de biorésonance -BRT-, technique de régulation bioénergétique -BER-, etc.) restent encore totalement controversés [[31]], tout comme la réalité biophysique du point d’acupuncture [[32]].

C’est le professeur Han Ji Sheng qui le premier s’est engagé dans la recherche des mécanismes neurophysiologiques de l’électroacupuncture à partir de 1965 [[33,34]]. Cheng et Pomeranz objectivèrent en 1976 l’intervention des récepteurs endorphiniques. Ils montrèrent que l’effet analgésique de l’EA à basse fréquence (4Hz) était inhibé par la naloxone mais non à la haute fréquence de 200Hz et proposaient déjà l’intervention des endorphines à 2Hz et celle de la sérotonine à 200Hz [[35]]. Ils s’appuyaient entre autres sur les travaux du groupe d’anesthésie de Shanghai déjà célèbre pour ses thoracotomies sous acupuncture [[36],[37]]. Et dès les années 1990, l’électroacupuncture s’est imposée dans tous les champs de la médecine acupuncturale [[38]].

Conclusion

Actuellement, l’EA a acquis ses lettres de noblesse. Depuis 1960, sont référencés près de 6700 études expérimentales animales, études cliniques, essais comparatifs randomisés (ECR) et méta-analyses. Ainsi durant les cinq dernières années, 341 ECR ont été publiés dans la base de données PubMed Medline [[39]], auxquels on pourra aussi comptabiliser les 604 ECR concernant la neurostimulation transcutanée (TENS) qui s’appuient sur les mêmes mécanismes neurophysiologiques [[40]]. On pourra comparer ce nombre aux 483 ECR concernant la moxibustion [[41]], autre technique associée à l’acupuncture. De plus, la recherche expérimentale ne fléchit pas : parue en septembre 2021, cette dernière étude expérimentale épigénétique chez les  souris objective ainsi les mécanismes moléculaires complexes qui sous-tendent l’effet thérapeutique de l’électroacupuncture dans l’accident vasculaire cérébral ischémique [[42]]. De ce fait, l’EA se doit de faire partie de l’arsenal thérapeutique de tout médecin acupuncteur, au même niveau que la moxibustion.


Notes

[1]. Dans la mythologie égyptienne, Hatméhyt est la déesse poisson de la ville antique de Mendès, dans le delta du Nil. Attestée depuis la IVe dynastie, elle est représentée avec un poisson-chat sur la tête. Elle était une déesse de la vie et de la protection. [consulté le 12/09/2021], disponible à l’URL:https://fr.wikipedia.org/wiki/Hatm%C3%A9hyt.

[2]. DORIS.  Données d’Observations pour la Reconnaissance et l’Identification de la faune et la flore Subaquatiques. [consulté le 01/09/2021], disponible à l’URL: https://doris.ffessm.fr/Especes/Torpedo-marmorata-Torpille-marbree-321.

[3]. la perte auditive neurosensorielle soudaine se définit comme une perte auditive soudaine ou à progression rapide d’au moins 30 dB dans au moins trois fréquences contiguës différentes selon l’audiogramme standard sur une période de 72 heures.

[4]. L’étude de la valeur diagnostique d’un test de dépistage passe par le calcul de la spécificité SP=VN/(FP+VN) qui correspond à la probabilité calculée en pourcentage que le signe soit absent chez les individus non atteints par la maladie recherchée ; par la sensibilité SE=VP/(VP+VN) qui est la probabilité que le signe soit présent chez les individus atteints par la maladie recherchée et un test diagnostique est recherché par rapport au test ou signe de référence (gold standard).


Références

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Palais de Mysore (1897-1912) – Salle d’audience – architecture anglo-indienne – Mysore – Karnataka – Inde
Palais de Mysore (1897-1912) – Salle d’audience – architecture anglo-indienne – Mysore – Karnataka – Inde

Stéphan JM. Électroacupuncture : épistémologie historique. Acupuncture & Moxibustion. 2021;20(2):142-151.

Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng

Bibliothèque de Celsus (117 EC) Selçuk – İzmir – Turquie
Bibliothèque de Celsus (117 EC) Selçuk – İzmir – Turquie
Formation : mise au point
OBJECTIF
Connaître l’essentiel des Textes classiques et leur importance pour le praticien acupuncteur.
L’influence du taoïsme, de l’école naturaliste et de l’école confucéenne est manifeste dans l’élaboration de la Médecine Traditionnelle Chinoise. Tout acupuncteur désirant approfondir ses connaissances devra aborder les principaux textes que sont le Yijing, le Neijing, le Nanjing, le Shanghanlun, le Jiayijing et le Dacheng, tout en prenant conscience de la problématique des découvertes archéologiques récentes et des traductions du chinois vers les langues occidentales.

 L’élaboration de la Médecine Traditionnelle Chinoise fut influencée par trois courants de pensée : le taoïsme, l’école naturaliste et l’école confucéenne [[1]]. Le taoïsme est une réalité complexe devenant ultérieurement un courant religieux, associant une philosophie et un ensemble de pratiques liées à la quête de longue vie. Laozi, (VIème siècle-Vème siècle avant l’ère commune), que l’on considère comme le fondateur du taoïsme est l’auteur présumé du Daodejing (道德經). Zhuang Zhu (Zhuangzi) (IVème siècle AEC), auteur de l’ouvrage Zhuangzi (荘子) (Figure 1) produit une œuvre poétique de grande qualité qui développa en autres la notion du non-agir (wuwei 無為). Le troisième des trois grands classiques du taoïsme est le Liezi (列子) ou « vrai classique du vide parfait », recueil de fables philosophiques et d’aphorismes. Le taoïsme à ses débuts avait pour but la guérison des maladies et l’obtention de l’immortalité soit en ingérant minéraux, plantes, le tout accompagné de rituels et de prières, soit par un travail intérieur sur le corps et l’esprit, essentiellement à l’aide de la respiration et de la méditation [[2]]. Ainsi Zhuangzi, le premier parle de la quête de longue vie en ces termes : « Quiconque ne sait satisfaire ses aspirations et entretenir sa longévité ne comprend rien au Dao » ou « Conserver la vie jusqu’à la limite naturelle et tâcher de ne pas mourir prématurément. Voici la plénitude de la connaissance ».

Figure 1. Zhuangzi « Nan hua zhen jing » 莊子南華眞經 (commentaire de Guo Xiang 郭象). Le texte transmis par Guo Xiang a été réparti en trois groupes de chapitres, dont les derniers sont dans la mouvance des idées de Laozi, mais aussi des théories du yin et du yang et des Cinq Éléments (Mouvements) [[3]].

 L’école naturaliste, qui se distingue du taoïsme par l’absence d’intérêt qu’elle manifeste à l’égard de l’individu, regroupe en fait deux écoles : l’école du yin et du yang et l’école des Cinq Éléments [1]. On attribue à Zou Yan (鄒衍)(-305 -240 AEC), philosophe de la fin de la période des Royaumes Combattants un rôle déterminant dans le développement de ces théories. Aucun de ses ouvrages ne nous est parvenu mais on en trouve des extraits dans d’autres comme les Annales des Printemps et des Automnes (Chunqiu). Cette école a fourni à la médecine ses cadres théoriques et constitue la base du système des correspondances.

Selon la tradition, les Cinq Classiques (Wujing 五經) fondent le canon confucéen fixé sous le règne de Han Wudi (140-188) quand le confucianisme fut reconnu comme doctrine d’État. Tous sont censés avoir été compilés par Confucius (Kongfuzi 孔夫子 551-479 AEC). On retrouve donc le Classique des Mutations ou Yijing (易經) ; le Classique des vers ou des Odes (詩經, Shijing), livre composé de 305 poèmes ; le Classique des documents (書經, Shujing), ensemble de documents et de discours qui auraient été écrits par les dirigeants et les officiels de la dynastie Zhou ; le Livre des rites (禮記, Liji), livre qui décrit les rites anciens et les cérémonies de cour ; et enfin les Annales des Printemps et des Automnes (春秋 Chunqiu), description historique de l’État de Lu, d’où est natif Confucius et qui constitue une condamnation implicite des meurtres, incestes et autres escroqueries durant cette époque. Aucun de ces traités philosophiques n’est nécessaire à connaître pour pratiquer l’acupuncture, excepté sans doute le Yijing, le plus ancien Classique permettant d’appréhender la pensée Chinoise [[4]]. Néanmoins, la philosophie qui sous-tend la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) est à la base des cent à deux-cents ouvrages médicaux fondamentaux écrits sur plus de 20 siècles [[5]]. Nous allons en étudier sept, à commencer par le Yijing.

Dynastie Zhou (1121-722 avant notre ère)

 Yijing

La tradition chinoise fait remonter le Yijing, Livre des mutations, à l’invention des trigrammes par Fuxi (Fou Hi) (Figure 2).

Figure 2. Fuxi traçant les trigrammes du Yijing.

 Le Yijing (易經, également orthographié Yi King ou Yi-King), prononcé en français i ting, est un manuel chinois dont le titre peut se traduire par « Classique des changements » ou « Livre des Transformations » selon les différentes traductions françaises [6-8]. Il s’agit à l’origine d’une collection de signes à usage divinatoire. Les oracles étaient alors en usage dans l’antiquité. Les plus anciens d’entre eux se limitaient à un système de réponses binaires sous la forme « oui » ou « non », soit un trait plein (yang), soit le trait brisé (yin). Ainsi, le Yijing est constitué de 64 hexagrammes, formé de deux trigrammes. Il y a huit trigrammes simples (Figure 3), qui assemblés deux à deux forment les soixante-quatre hexagrammes (figures basées sur la combinaison de six traits).

Figure 3. Le bagua (八卦) est un diagramme octogonal avec un trigramme différent sur chaque côté avec le taiji (symbole du yin-yang) au centre (graphique réalisé par Benoît Stella).

 On consulte le Yijing à travers les trigrammes et hexagrammes (Figure 4) que l’on tire trait par trait. À chaque hexagramme ont été ajoutés ultérieurement des commentaires de Wen Wang, père du fondateur de la dynastie des Zou, vers 1150 AEC, ceux du duc Zhou Gong, frère du roi Wu et ceux de  Confucius, donnant des indications sur la qualité de l’état concerné.

Figure 4. Les 64 hexagrammes qui résultent de la combinaison de deux trigrammes.

Ainsi, à l’hexagramme 50 (鼎) ding (le Chaudron) correspond le trigramme du haut li Le Feu et le trigramme du bas xunLe Vent. « L’ensemble de l’hexagramme offre l’image du chaudron ; en bas sont les pieds, puis la panse, puis les oreilles, c’est-à-dire les anses, et, tout en haut, les anneaux qui servent à le porter. L’image du chaudron évoque en même temps l’idée d’alimentation. Le chaudron en bronze était le récipient qui, dans les temples des ancêtres et lors des festins, contenait les aliments cuits. Le chef de famille les y puisait et les plaçait dans les coupes de ses hôtes. « Le puits » avait également le sens secondaire de distribution de la nourriture, mais surtout pour le peuple. Le chaudron, en tant que réalisation d’une civilisation raffinée, évoque les soins et l’alimentation prodigués aux hommes de valeur, qui tournent au bien du peuple [8].

En pratique, les oracles issus du Yijing se réalisent en utilisant par exemple trois pièces identiques que l’on jette ensemble. On obtiendra le premier trait sur les six à construire. Il faut savoir que Face vaut 3 (impair et yang) et pile vaut 2 (pair et yin). Donc 3 pièces Face : Face Face Face → 9 ; Pile Pile Pile → 6 ; Face Face Pile → 8 ; Pile Pile Face → 7. On a donc construit le premier trait, celui du bas de l’hexagramme. Il faudra répéter l’opération six fois pour construire l’hexagramme complet en progressant vers le haut. Il faudra aussi tenir compte que le 6 et le 9 sont des traits dits muables, alors que 7 et 8 sont des traits dits stables ou au repos. A la fin de la construction de l’hexagramme, il ne reste plus qu’à lire les commentaires auxquels il se rapporte.

« Lorsque cet hexagramme se compose entièrement de traits en repos, l’oracle n’en retient que l’idée générale, telle qu’elle s’exprime dans le « jugement » du roi Wen et dans le « Commentaire sur la décision » de Confucius, auxquels s’ajoutent encore l’image de l’hexagramme et les paroles de texte qui y sont annexées. « Si, dans l’hexagramme ainsi obtenu, on a un ou plusieurs traits muables, il faut en outre prendre en considération les paroles annexées à ce ou ces traits par le duc de Zou » [8].

Royaumes Combattants (476-221 AEC)

Huangdi neijing

Le Huangdi neijing (黄帝内經) ou Classique interne de l’empereur Jaune est le plus ancien ouvrage de médecine chinoise traditionnelle. Il se divise en deux parties : le Suwen et le Lingshu. Tous les aspects de la médecine y sont abordés, avec leur traitement, et plus particulièrement le traitement par acupuncture. C’est à Huangdi, l’Empereur jaune mythique (figure 5) que l’on attribue la découverte de l’acupuncture et de la moxibustion.

Figure 5. Huangdi, l’Empereur jaune mythique.

Le Huangdi neijing s’intéresse beaucoup aux  « Cinq internes » représentant les cinq organes profonds du corps humain, au cœur de la vitalité, d’où son nom. On considère que l’ouvrage a été composé durant la période couvrant les Royaumes combattants (476 à 221 AEC) à celle de la dynastie Han (220 AEC à 220 EC), ce qui est tout à fait vraisemblable depuis les découvertes des manuscrits de « Mawangdui ». Cependant, le Huangdi neijing organisé tel que nous le connaissons ce jour, du moins pour les vingt-quatre parties et quatre-vingt-un chapitres du Suwen a été compilé par Wang Bing (710-804 EC sous la dynastie Tang) pendant douze années de sa vie. Il existe, outre la version de Huangfu Mi (215-282 EC) qui a repris de nombreux chapitres intégraux duSuwen dans son propre ouvrage le Zhenjiu jiayijing (針灸甲乙經), trois autres versions du Suwen : celle de Yang Shangshan (Huangdi neijing taisu, écrit sous la dynastie Sui), celle de Quan Yuanqi (520-577 EC), et bien sûr la plus connue, celle de Wang Bing [[9]].

Le souverain Huangdi pose au Maître Céleste Qi Bo des questions concernant les fondements de la vie humaine, abordant autant la physiologie (à travers l’étude des viscères et des trajets des méridiens) que l’étiologie (en décrivant les mécanismes physiopathologiques), le diagnostic (par la prise des pouls) ou que le traitement (puncture, moxibustion, phytothérapie, massages…). Bref, le Huangdi Neijing expose comment déceler les maladies et comment les traiter [[10]].

« Huangdi : Le pouls de printemps est en « corde ». Comment cela ?

Qibo : Il est celui du Foie, Est-Bois, début de la vie des créatures. Son qi est souple, léger, lisse et s’allonge tout droit (comme les jeunes pousses), c’est pourquoi il est dit en « corde » (d’arc). Sinon il est pathologique … » (Livre VI. Chapitre 19) [[11]].

Vont s’exposer la doctrine du yin et du yang, et aussi celle des Cinq Éléments (Cinq Mouvements 五行)qui prenaient leurs essors justement à l’époque de la rédaction de l’ouvrage. La physiologie va s’exprimer à travers l’étude des correspondances entre les cinq organes et les cinq éléments.

« ..Le froid et la chaleur, la sécheresse et l’humidité, le vent et le feu sont le yin et le yang célestes, Les 3 yin et les 3 yang les reçoivent d’en haut, Le Bois, le Feu, la Terre, le Métal, et l’Eau sont le yin et yang de la terre, et la naissance, la croissance, la maturation et l’engrangement leur répondent en bas », dans le yang il y a du yin et dans le yin il y a du yang » [11].

Le chapitre X « jingmai » du Huangdi neijing lingshu va décrire les trajets des méridiens. Et sur ces méridiens, on repère quelques points d’acupuncture. Dans le terme Lingshu, se retrouve le caractère Shu (樞), pivot, permettant l’ouverture et la fermeture alternée d’une « porte », entrée ou sortie de l’Energie (qi), laquelle s’écoule par l’intermédiaire des méridiens (jing, 經). Et c’est par les aiguilles et la pharmacopée que l’on peut préserver le but de la vie, c’est à dire la « relation vitale au Ciel, par les Esprits (shen) » [10]. A noter d’ailleurs que l’appellation Lingshu n’apparut que sous les Tang et que le Huangdi neijing lingshu se dénommait antérieurement le Classique des aiguilles (Zhenjing) [10,[12]].

 Qin et Han (221 AEC – 220 EC)

Les manuscrits de “Mawangdui” (168 AEC)

Lors de fouilles effectuées en 1972 et 1973 sur le site de Mawangdui dans la province du Hunan, les archéologues chinois découvrirent les plus anciens documents connus concernant la médecine chinoise (Figure 6) ainsi que des exemplaires du Daodejing et du Yijing dans un groupe de tombes datant de la dynastie Han. Parmi les trente-six ouvrages répertoriés dans les livres classés « techniques et recettes thérapeutiques », dont un manuel de palpation des pouls (Maifa), se trouvait le Huangdi neijing, parvenu sous une forme incomplète, très remaniée et datant de 168 AEC. On constata que les théories médicales étaient en pleine élaboration avec une quête obsessionnelle de la longévité et de la puissance sexuelle. Les méridiens, par exemple, sont décrits dans le Canon de moxibustion des onze méridiens yin et yang –version A (Yingyang shiyimai jiujing –jiaben) et sont au nombre de onze sur les douze que l’on connaît, le méridien manquant étant le shoujueyin (Maître du Cœur). Les textes apportent d’ailleurs la démonstration que le méridien MC est, parmi les méridiens principaux le dernier à apparaître. Inconnu au IIIème AEC, il est intégré comme douzième méridien entre le Ier siècle AEC et le I-IIème siècle EC, état de fait qui se verra dans le Nanjing où il est cité dans la difficulté 25 et 66 [[13]]. Les points (xue) d’acupuncture sont rarement mentionnés et leur dénomination est inconnue. En fait, il semblerait que ce soit Wang Bing qui les ait introduits [[14]]. On s’aperçoit qu’il n’y a pas de référence à une théorie des Organes/Entrailles ou à un système des cinq Phases. La moxibustion est la seule technique thérapeutique de la « médecine des méridiens » [[15]].

Figure 6. Manuscrit écrit sur rouleau de soie découvert à Mawangdui dans les années 1970.

 Bien sûr, les aiguilles métalliques sont totalement ignorées. Les thérapeutes de cette époque utilisent essentiellement la pharmacopée et la régulation des « souffles » [[16]]. Ces découvertes objectivent que pendant les deux siècles de la dynastie des Han occidentaux (206 AEC – 23 EC), la pensée médicale chinoise a subi un processus de normalisation complète et de systématisation. Les manuscrits médicaux de la tombe 3 montrent que les textes classiques de médecine, en particulier le Huangdi neijing qui est considéré comme le plus ancien des écrits de leur genre, avait non seulement été compilé bien plus tard qu’il n’est communément admis dans la tradition chinoise, mais que même des points de vue qui y sont représentés n’auraient pu se développer avant les Han. Ainsi, sur la base de ces textes manuscrits, on a pu déterminer que, au moment des Qin (221 AEC – 206 AEC) et le début des Han de l’Ouest la plupart des caractéristiques typiques de l’art de guérir chinois n’avait pas été systématisé. « Ces manuscrits brisent l’image d’une médecine chinoise quasi-révélée, figée dans une sorte de grandiose immobilité, et la remplacent par la vision de thérapeutes qui tâtonnent, cherchent, expérimentent et progressent » [16]. Ces manuscrits permettent aussi de souligner l’importance du Nanjing et son rôle dans l’établissement une nouvelle orientation du corpus standardisé et systématique des connaissances de la médecine chinoise. Enfin, il apparaît que la notion des méridiens était antérieure à celle des points d’acupuncture car « il se confirme que plus on remonte loin dans le passé, plus le nombre de points d’acupuncture décroit » [15]. Ainsi, le paradigme le plus couramment repris actuellement qui dit que le système des Jingluo doit être pensé comme la théorie d’intégration des points d’acupuncture et qui part du principe de leur antériorité, serait inexact car en réalité le système des méridiens ne serait que le reflet de trajet des douleurs projetées neurologiques (comme le trajet d’une sciatique) ou de trajet vasculaire.   

 Nanjing ( Ier ou IIsiècle AEC)

 Le Nanjing, encore appelé Classique des difficultés est un des Classiques les plus anciens de la médecine chinoise. Il daterait de l’époque des royaumes combattants et son auteur présumé serait Qin Yueren (également appelé Bianque, 407-310 AEC ?). Cependant les avis sont partagés : ainsi si Zang Ruilin et Nguyen Van Nghi [13,[17]] sont convaincus que Bianque (Figure 7) en est bien l’auteur, Lafont ne l’est pas.

En effet, à partir d’un essai de datation du Nanjing par comparaison au Huangdi neijing, l’œuvre ne pourrait pas remonter au-delà du IIIe siècle de notre ère et aurait été rédigée par un ou plusieurs médecins inconnus au début du IIIe siècle quelques temps après la partition du Huangdi neijing (en Suwen et Lingshu) que Lafont daterait du IIe EC [12].

Figure 7. Bianque (de son vrai nom Qin Yueren).

 Il semblerait que les manuscrits de “Mawangdui” (168 AEC) lui donnent raison, surtout que le Nanjing ne peut avoir été écrit avant le Huangdi neijing suwen et lingshu dont il explique en six chapitres, les 81 passages délicats. Les six chapitres sont le livre I qui aborde en 22 difficultés la sphygmologie ; le livre II : 7 difficultés sur les méridiens (jingmai) ; le livre III : 18 difficultés sur Organes et entrailles ; livre IV : 14 difficultés sur les pathologies ; livre V : 7 difficultés sur les points shu et le livre VI qui termine en 13 difficultés sur les techniques de l’acupuncture. Ainsi le livre VI explique dans la difficulté 69 le principe du traitement : tonifier la mère et disperser le fils alors que la difficulté 70 s’intéresse à la méthode de puncture suivant les quatre saisons [[18]].

Voici par exemple dans une traduction récente de Tran Viet Dzung, la difficulté 45 du livre III qui s’intéresse à la localisation des « huit réunions » :

« Question : Neijing parle des “huit réunions”. Où se trouvent-elles ? A quoi servent-elles ? Réponse : Le lieu de réunion de l’énergie des 6 entrailles se trouve au point zhongwan [12VC] du méridien curieux renmai »… [[19]].

 Shanghanlun

 Zhang Zhongjing (150-219 EC) (Figure 8) rédigea le Shanghanlun (Traité des atteintes du froid) au début du 3ème siècle de notre ère. Il ne s’agit pas à proprement parlé d’une œuvre d’acupuncture mais plus plutôt d’un traité de pharmacopée chinoise avec des recettes médicinales utilisant les théories médicales déjà utilisées dans le Huang neijing ou le Nanjing. C’est l’un des livres médicaux le plus commenté (entre cinq cents et neuf cents commentateurs), dont la plupart des recettes de phytothérapie sont encore utilisées de nos jours. Le Shanghanlun a la particularité également de ne traiter, comme son nom l’indique, que des atteintes par le froid (donc refroidissements infectieux, certaines pathologies pulmonaires, digestives, paludisme, maladies contagieuses etc.) [[20]].

  Figure 8. Zhang Zhongjing (張仲景), auteur du Shanghanlun.

 Les modes thérapeutiques de base sont au nombre de huit : sudorification, vomification, purgation, harmonisation, réchauffement, réfrigération ou purification, tonification et dispersion. La sudorification est surtout employée au premier stade de la maladie pour chasser les « énergies » pathogènes de la partie superficielle du corps (biao), comme le Vent ou le Froid. On utilisera des plantes telles que la branche de cannelier (cinnamomum aromaticum), l’éphèdre..

L’ouvrage est subdivisé en six parties en fonction des atteintes énergétiques selon le classement des Grands Méridiens allant de la superficie à la profondeur du corps : taiyangyangmingshaoyangtaiyinshaoyin, et jueyin. Il faut noter que l’évolution de la Maladie selon ces niveaux structurels sera identique dans les chapitres 31 du Huangdi suwen, mais différente dans le chapitre 6 où on retrouve un ordre différent : taiyangshaoyang, yangmingtaiyinshaoyin et jueyin [[21]]. Des auteurs modernes offrent aussi une autre classification selon la dialectique yinyang et le rapport biaoli (externe-interne)du chapitre 24 du Suwen : taiyangshaoyang, yangmingtaiyinjueyin et shaoyin [[22],[23],[24]]. Mariéconsidère que bien que l’on puisse étudier la pénétration de l’agent pathogène selon cette méthode, la méthode du Shanghanlun est préférable [[25]].

Ainsi dans les maladies du Taiyang, niveau énergétique le plus superficiel formé par l’association des méridiens Intestin Grêle et Vessie, on pourra observer deux sortes de maladies : le shanghan et le zhongfeng. On observera par exemple au cours de cette dernière les symptômes suivants : maux de tête, nuque raide, fièvre, crainte du vent, sudation avec frilosité. La thérapeutique consistera à utiliser la sudorification par décoction de cannelle qui permettra d’harmoniser et régulariser les souffles défensifs et nourriciers [20].   

A noter que même si le traitement est phytothérapique, de nombreuses propositions acupuncturales ont été reprises dans le Dacheng. Ainsi une technique de sudorification en cas de d’atteinte du taiyang par le vent (zhongfeng) consiste à puncturer le GI4 (hegu), PO7 (lieque), VE12 (fengmen), VB20 (fengchi) [[26]].

Trois Royaumes, Jin, dynasties du Nord et du Sud (220-581)

Jiayijing 

Huang Fumi (215-282) sous la dynastie des Jin écrivit en 259 de notre ère le Zhenjiu jiayijing (針灸甲乙經, L’ABC d’Acupuncture et de Moxibustion). Il s’agit en fait du premier ouvrage de «vulgarisation» de la médecine chinoise. Huang Fumi (figure 9) fit une synthèse des données de la médecine chinoise de son époque, des conceptions théoriques traditionnelles du Taoïsme à la pratique clinique et thérapeutique, à partir de trois ouvrages, dont le Suwen. Le terme jiayi du titre vient du fait qu’au début, le texte était divisé en dix volumes, indexés selon le cycle des dix troncs célestes : jiayibingding etc., puis l’ouvrage comporta douze volumes, comme les 12 branches terrestres.

Figure 9. Huang Fumi (皇 甫謐), auteur du Zhenjiu jiayijing.

 Deux traductions françaises existent [[27],[28]] dont celle réalisée par l’Association Française d’Acupuncture. Les textes originaux proviennent donc pour la plupart du Huangdi neijing, mais non agencés de la même façon [[29]]. Ainsi, le livre I comporte seize chapitres et le livre IV, le plus court, n’en comporte que trois. On pourra remarquer que certains chapitres du Suwen, correspondent aux mêmes dans le Zhenjiu jiayijing. Exemple : « De la piqûre miu » du chapitre 63 du Suwen va correspondre le Zhenjiu jiayijing V-3 « La piqûre miu ». Par contre, d’autres livres approfondissent ou explicitent davantage les données du Suwen. Le livre II contient ainsi sept chapitres consacrés uniquement aux méridiens Luo,aux méridiens extraordinaires, aux nœuds et racines des méridiens etc.

« Lorsque le pervers s’installe dans le corps, il loge d’abord nécessairement dans la peau et les poils. S’il reste et ne part pas, il pénètre et loge dans les sunluo ; s’il reste et ne part pas, il pénètre et loge dans les vaisseaux luo(luomai) ; s’il reste et ne part pas, il pénètre et loge dans les méridiens (jingmai), il entre à l’intérieur se joindre aux cinq organes et se diffuse dans l’estomac et les intestins.…. »

 Dynastie Ming (1368 – 1644)

Zhenjiu Dacheng

 Le « Compendium d’Acupuncture et Moxibustion » (Zhenjiu dacheng) qui a été compilé par Yang Jizhou en 1601 dissipe les confusions entre les points et les méridiens et essaie d’établir un consensus. L’auteur lui-même explique au début de son œuvre [[30]] qu’il a établi la synthèse d’une vingtaine d’ouvrages dont parmi les plus importants se trouvent bien sûr le Suwen, le Nanjing, mais aussi d’autres aussi importants comme le Tongren shuxue zhenjiu tujing (« Classique illustré des points d’acupuncture de l’homme de bronze » publié par Wang Wei Yi en 1027) ou le Qianjin Fang (Prescriptions Valant Mille Pièces d’Or) écrit par Sun Simiao (581-682) sous la dynastie Tang.

Le Dacheng dans son premier livre correspond au Neijing suwen et au Nanjing. Les deuxième et troisième livres exposent les chants et poèmes d’acupuncture comme le chapitre 56 : « Chant du dragon de Jade ». Il s’agit d’un chant qui indique cent-vingt points dont l’efficacité thérapeutique est certaine dans les maladies difficiles. Voici un extrait : « 12 – Aphonie soudaine : puncturer un seul point, le yamen 15VG. Se rappeler que la puncture doit être superficielle, la voix se rétablit après la puncture. » [[31]].

Le livre 4 traite de la manipulation de l’aiguille selon les différents Classiques ou selon les différents maîtres, par exemple le chapitre 81 : « Tonification / dispersion selon la famille Yang de la cité Sanqu : manipulation d’aiguille ; différentes techniques de puncture ; les « 8 règles » de conduction énergétique » [[32]].

Le livre 5 parle de la règle minuit-midi et de l’utilisation des huit méridiens curieux : le chapitre 116 a pour titre par exemple : « Tableau des ‘ jours’ et des ‘ heures’ d’ouverture des points de liaison (points clés) des méridiens curieux durant un cycle de 60 jours (cycle jiaji) » [32].

Les livres 6 et 7 s’intéressent aux méridiens et aux points, tels que les points du zujueyin (Foie) et leurs indications. Auteroche et Navailh ont fait d’ailleurs une traduction personnelle à partir d’une traduction d’une édition du Zhenjiu dacheng de 1843 et d’une édition de 1973. Ils ont ainsi constaté qu’il n’y avait pas de différence essentielle entre les deux textes. Le texte commence par un rappel de citations du Suwen relatives aux caractéristiques de l’organe Foie. La pharmacopée chinoise est décrite permettant de traiter les troubles du Foie et de son méridien. Ensuite, le Dacheng détaille les treize points du Méridien du Foie (Figure 10) avec leurs emplacements et leurs indications thérapeutiques. A cette occasion les auteurs font remarquer que le méridien du Foie ne compte que treize points dans le Dacheng  alors qu’actuellement, il en existe quatorze. Le jimai (12F) est manquant [[33]].

Le livre 8 correspond au traitement des différentes pathologies par acupuncture tel que le «154. Traitement des maladies psychiatriques (folies yin et folies yang» alors que le livre 9 présente les traitements de célèbres acupuncteurs ainsi que la moxibustion comme «184. Méthode de localisation et de moxibustion du point shangqiang, VG1 dans le traitement des hémorroïdes ».

Enfin le dixième livre traite essentiellement des nourrissons. Le chapitre 218 a d’ailleurs pour titre : « Conduite à tenir chez le nouveau né : pendant la grossesse ; lors de la délivrance ; réanimation ; troubles intestinaux et urinaires ; bain ; section du cordon ombilical ; syndrome de Tifeng : coupure des cheveux ; hygiène alimentaire et surveillance ».

L’œuvre de Yang Jizhou a été traduite en français sous la forme d’ouvrage en trois volumes [32,[34]]. Il faut noter enfin que le Dacheng a été aussi la principale référence pour Soulié de Morant qui l’a traduit sans publication [33] et s’en est servi pour introduire l’acupuncture en France dans les années 1930 [[35]].

Figure 10. Le méridien de Foie (zujueyin). Planche extraite du Zhenjiu dacheng de Yang Jizhou, dessiné par Zhang Tingui en 1843.

Problématique de la traduction chinoise

Auteroche [[36]], Choain [[37]], Beyens [[38]], Dinouart-Jatteau [[39]] entre autres médecins sinologues, nous ont mis en garde contre les pièges et les difficultés de la traduction qui guettent tout novice ignorant la langue chinoise et son histoire. Larre [[40]] explique : « Il ne faut ni éluder les difficultés et contourner les obstacles, ni transposer en une idéologie occidentale parée d’exotisme, ni être à ce point obsédé qu’on obscurcisse le sens en multipliant les effets, ce qui pousse la traduction assez paradoxalement vers l’abstrait et lui faire prendre des allures de commentaire ». On comprendra donc que des concepts très éloignés chronologiquement surgissent des textes chinois classiques, faisant obstacle à une traduction éclairée. En effet, chaque traducteur a sa façon d’appréhender les caractères chinois, allant jusqu’à « occidentaliser » la médecine chinoise, entraînant des omissions, voire des erreurs comme le fait remarquer Milsky [29]. Des termes chinois seront ainsi traduits de façon multiple avec des sens multiples. Ainsi le terme jingjin sera traduit selon les différents auteurs par méridien tendino-musculaire, tendons des méridiens, zone tendino-musculaire des méridiens ou muscle des méridiens, pouvant entraîner une confusion [[41]]. De ce fait, il est nécessaire de se plonger dans plusieurs traductions du même livre pour y dénicher une certaine vérité.


Références

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[41]. Stéphan JM. Les jingjin 經筋, Méridiens Tendino-Musculaires ou Muscles des Méridiens. Acupuncture & Moxibustion. 2007;6(2):177-182.

 © Stéphan JM. Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(4):290-301.

Stéphan JM. Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(4):290-301. (version PDF)

Stéphan JM. Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(4):290-301. (version 2010)