A propos d’un cas clinique : intérêt de la moxibustion, de l’acupuncture et de l’électroacupuncture dans une oligoasthénozoospermie

Bhaktapur. Temple de Pashupatinath. XVIIe siècle. Position du couple en maithuna décrite dans le Kama Sutra – Népal
Bhaktapur. Temple de Pashupatinath. XVIIe siècle. Position du couple en maithuna décrite dans le Kama Sutra – Népal


Résumé 
Introduction : La baisse de la fertilité chez l’homme objectivée par de nombreuses études observationnelles est l’une des problématiques dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation. L’objectif de ce travail est d’étudier l’intérêt de la moxibustion associée à l’acupuncture et l’électroacupuncture (EA) en cas d’oligoasthénozoospermie. Méthodes. Une étude d’un cas clinique étudie un protocole de traitement suivant la différenciation des syndromes zheng. Ce cas entre dans le cadre d’un Vide de yang du Rein. Résultats. La moxibustion associée à l’acupuncture améliore nettement la mobilité et le nombre de spermatozoïdes. La discussion permet de tempérer ces résultats en fonction de la physiologie de la spermatogenèse et des autres syndromes zheng, même si les nombreux essais contrôlés randomisés et les études expérimentales montrent des résultats positifs. Conclusion. En cas de Vide de yang du Rein, une des causes d’oligoasthénozoospermie, il existe des preuves suffisantes d’efficacité pour que la moxibustion associée à l’acupuncture et l’EA fasse partie du panel de soins de santé. Mots-clés : oligo-asthénozoospermie –  infertilité – acupuncture – moxibustion – étude de cas – Vide de yang de Rein.

Summary: Background: The decline of fertility in men objectified by many observational studies is one of the issues in the context of assisted reproductive technology. The objective of this work is to study the benefit of moxibustion combined with acupuncture and electroacupuncture (EA) in case of oligo-asthenospermia. Methods: A study of a clinical case study of a treatment according to syndrome differentiation (bian zheng). This case is part of an Kidney-yang deficiency. Results. Moxibustion combined withacupuncture significantly improves mobility and sperm count. The discussion served to temper these results based on the physiology of spermatogenesis and other syndromes zheng, although the many randomized controlled trials and experimental studies showing positive results. Conclusion. In case of a Kidney-yang deficiency, one of the causes of oligo-asthenozoospermia, there is sufficient evidence of effectiveness for that moxibustion combined with acupuncture and EA is part of the panel of health care. Keywords:oligo-asthenozoospermia – Infertility – Acupuncture – Moxibustion – case study – Kidney-yang deficiency.

Introduction

Une étude fondée sur soixante et un articles a objectivé que les concentrations de spermatozoïdes diminuait de 1% par an en moyenne, de 113 millions/ml dans les années 1930 à 66 millions/ml dans les années 1990 aux Etats-Unis [[1]]. Très discutée, cette première étude observationnelle fut réactualisée par Swan et coll. en 1997. En intégrant d’autres études et en prenant en compte l’origine géographique des sujets,  ils confirmaient la baisse de la concentration spermatique aussi bien en Amérique du Nord qu’en Europe (figure 1), mais non dans les pays non occidentaux [[2]]. En France, trois études menées grâce aux donnée transmises par les Cecos (centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains) suggéraient également une diminution du nombre de spermatozoïdes mais montraient une disparité régionale avec par exemple un nombre de gamètes significativement plus élevé dans le Nord et plus bas dans le Sud-ouest [[3]]. Il était aussi observé au Cecos de Tours une diminution du pourcentage de spermatozoïdes mobiles passant de 64 à 49% entre 1976 et 2009 [[4]].

Figure 1. Densité moyenne du sperme observée sur les études Nord-Américaines (1), Européennes et australiennes (2) et non occidentaux (3) entre 1935 et 1995, d’après Swan [2].

Toutes ces observations épidémiologiques posent de ce fait le postulat qu’en dehors des facteurs géographiques, ethniques ou génétiques, il est possible que des facteurs environnementaux interviennent sur la production de spermatozoïdes chez l’homme [3]. De nombreux produits chimiques ont été incriminés comme l’exposition professionnelle au pesticide dibromochloropropane (DPCP) [[5]], au plomb inorganique [[6]], aux éthers de glycol [[7]], au dibromure d’éthylène [[8]] et autres pesticides [[9]], au disulfide de carbone [[10]]. Le stress et les conditions de vie [[11],[12]] interviennent également, ainsi que l’exposition à la chaleur [[13]]. D’autres arguments scientifiques plaident en faveur d’une exposition croissante à différents polluants environnementaux, comme les phtalates (Di-éthyl-hexyl-phtalate – DEHP ; DBP Dibutyl-phtalate ; BBP ; DEP etc.) et dérivés comme le MEHP (métabolite du DEHP). Ceux-ci sont largement utilisés dans la vie courante car produits en grandes quantités par les industries des plastiques. On les trouve dans les adhésifs, les revêtements de sol en vinyle, les détergents, les produits pharmaceutiques, les câbles électriques ou encore les huiles lubrifiantes. Ils entraîneraient une baisse de la fertilité chez l’homme par altération endocrinienne [[14],[15]]. D’autres composants fort répandus (bisphénol A, composés perfluorés, retardateurs de flamme (composés polybromés : PBDE- polybromodiphényléthers- etc.), parabènes) ont été analysés dans une expertise collective de l’Inserm et sont considérés aussi comme perturbateurs endocriniens. Un perturbateur endocrinien est une substance étrangère, produisant des effets pathologiques par modification de la fonction hormonale au niveau de l’appareil reproducteur en interférant avec la cascade de réactions intervenant dans le métabolisme et le catabolisme des ligands naturels responsables du maintien de l’homéostasie et de la régulation du développement de l’organisme [[16]]. Ainsi ont été mis en évidence chez l’homme le rôle de certaines molécules, comme le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane), le PCB, les phtalates DBP etc. qui agissent en agonistes ou antagonistes des stéroïdes sexuels pouvant avoir une action avant ou après la naissance [17-19].

Par ailleurs, il semble également que l’âge de l’homme intervienne dans l’infertilité d’origine masculine. En effet, un âge supérieur à 35 ans apparait comme un facteur majeur de risque d’échec dans la conception d’un enfant [[20]], tout comme un surpoids [[21]], l’exposition au tabac durant la vie intra-utérine [[22],[23]] ou la consommation d’alcool par la maman lors de la grossesse [[24]]. Bref, il s’avère que l’infertilité masculine peut résulter de causes multifactorielles.

Méthodes

Présentation du cas clinique et protocole de traitement

Mr Patrick S, âgé de 41 ans aux antécédents médicaux de syndrome dépressif, consulte fin août 2011 pour un problème d’infertilité. Il est en surpoids avec un indice de masse corporelle (IMC) à 27,7. Une insémination artificielle intra-utérine avec sperme du conjoint (IAC) est programmée chez son épouse fin octobre 2011.

Il me présente un spermogramme réalisé en janvier 2011 objectivant une oligoasthénozoospermie primaire puisque son nombre de spermatozoïdes est à 5,36 millions/ml avec une mobilité à la première heure de 26%. Le second spermogramme de contrôle idéalement réalisé à un mois d’intervalle n’a malheureusement pas été réalisé. L’évaluation endocrinienne avec dosage sérique de la FSH et de la testostérone est normale. Le bilan urologique ne relève ni varicocèle, ni infection génitale, ni auto-immunisation antispermatozoïde isolée. Il s’agit donc bien d’une oligoasthénozoospermie idiopathique.

Lors de sa première séance, on retrouve parmi les signes cliniques des lombalgies chroniques évaluées à l’échelle visuelle analogique à 2/10, une fatigue, des selles molles, une baisse de la libido. La langue est pâle. Les pouls sont xi (fin) et chen (profond). Aucun traitement médical n’a été prescrit. Tout ceci évoque un Vide de yang du Rein. Le traitement acupunctural va comporter l’utilisation d’acupuncture avec recherche du deqisur les points 3R (taixi), 13R (qixue), 23V (shenshu) et de moxibustion à l’armoise sur les points 3VC (zhongji), 4VC (guanyuan) et zigong (« palais de l’enfant »), 4VG (mingmen) et aussi sur le 23V. Une électroacupuncture (EA) est appliquée aussi sur le 29E (guilai) à la fréquence de 10Hz (durée d’impulsion rectangulaire asymétrique de 0,5ms d’un courant pulsé alternatif à moyenne nulle) par l’intermédiaire d’un stimulateur électrique Agistim duo Sédatelec® à une intensité supportable par le patient.  

Deux séances en moyenne de 25mn de stimulation acupuncturale et d’EA par semaine sont réalisées (douze séances au total) dont 10 à 15mn de moxibustion réalisées en début de séance, temps fonction de l’érythème et de la sensation de cuisson à chaque point chauffé.

A la sixième séance, sont rajoutés en acupuncture 6Rte (sanyinjiao) et 36E (zusanli en moxibustion) qui en tonifiant la Rate, renforcent le Sang, 20VG (baihui), 6MC (neiguan) et 7C (shenmen) qui calment le shen. En effet, se surajoutent des signes de Vide de Sang du Cœur, avec une langue toujours pâle et toujours des pouls xi (fin) et chen(profond). Mais les signes cliniques évoluent avec une asthénie physique et mentale plus intense. Apparaissent aussi quelques palpitations et acouphènes occasionnels, une insomnie avec anxiété associée à un état de stress plus marqué.

Résultats

Le spermogramme réalisé lors de l’insémination objective un nombre de spermatozoïdes de 8,01 millions/ml avec une mobilité 40%. Après optimisation, la mobilité passe à 80% et on insémine 1,11 million de spermatozoïdes mobiles. Malheureusement, la fécondation ne sera pas viable et le couple s’orientera vers une fécondation in vitro. Néanmoins, ce cas clinique permet d’observer une augmentation mais surtout une mobilité nettement accrue des spermatozoïdes.

Discussion

Le spermogramme est le reflet de la spermatogenèse (celle-ci dure  de 72 à 74 jours entre le moment de la maturation de l’état de cellule germinale –spermatogonie- à celui de spermatozoïde) qui va varier en fonction des tous les évènements intercurrents durant cette période. On sait aussi qu’il existe de grandes variations d’un spermogramme à l’autre chez un même patient, d’une semaine ou d’un mois à l’autre. On peut découvrir ainsi un spermogramme normal une semaine puis une oligozoospermie la semaine suivante, d’où la nécessité d’en réaliser plusieurs dans le temps avant de conclure [[25]]. De ce fait, il est difficile de donner des valeurs seuils pour un spermogramme insuffisant. Néanmoins pour avoir une bonne fertilité, il est retenu que le nombre de spermatozoïdes doit être supérieur à 15 millions/ml avec un pourcentage de mobilité totale supérieur à 40% [[26]].

L’oligoasthénozoospermie selon la Médecine Traditionnelle Chinoise ne s’embarrasse pas de chiffres. Elle répond aux tableaux cliniques de la différenciation des syndromes zheng.

Les syndromes zheng

L’oligoasthénozoospermie se manifeste selon la différenciation des syndromes zheng essentiellement par les tableaux cliniques de : Vide de yang du Rein ; Vide du yin du Foie et du Rein ; Vide de Rate ; syndromes Humidité-Chaleur du Réchauffeur inférieur et/ou du Foie ; Glaires-Humidité [27-30]. Néanmoins, peuvent se surajouter en plus du tableau clinique principal d’autres atteintes, comme dans ce cas clinique, le Vide de Sang du Cœur.

Les deux syndromes les plus fréquemment observés sont d’une part le Vide de yang du Rein et d’autre part les syndromes Humidité-Chaleur.

Le Vide de yang du Rein

Il correspond également au tableau de Vide du jing inné des Reins. L’Essence du Ciel antérieur est d’un point de vue physiologique le jing qui peut être désigné comme l’« Essence originelle séminale ». Ainsi, lors de l’acte sexuel, la vie naît de la rencontre des jing de l’homme et de la femme. Cette Essence du Ciel antérieur résulte donc de la dotation originelle et est transmise au fœtus. Elle est stockée au niveau des Reins qui sont dépositaires et transmetteurs de l’hérédité. Il s’agira donc de tonifier le Rein et aussi redonner de la vigueur à la Rate. Selon Zheng [35], c’est le syndrome essentiel de l’infertilité masculine.

On pourra remarquer par ailleurs que d’un point de vue physiopathologique, le jing étant en vide pourra entraîner un Vide de qi de Rate  qui recoupe le Vide de Sang. Le Cœur n’étant plus nourri en Sang, sa communication entre le shen du Cœur et le jing des Reins sera perturbée provoquant ainsi le Vide de Sang du Cœur, tel qu’on le retrouve dans ce cas clinique.

Les syndromes d’Humidité-Chaleur du Réchauffeur inférieur

Il faut les comprendre comme Humidité-Chaleur de la Rate et/ou Humidité-Chaleur du Foie. Ce sont des formes plénitudes. La langue n’est pas pâle et les pouls fins (xi) comme précédemment mais elle est rouge avec un enduit jaune et gras et les pouls sont mous (ru) ou  glissants (hua) et rapides (shuo). Ces syndromes sont considérés comme responsables des syndromes inflammatoires, voire infectieux des voies génitales.

Ce cas clinique semble donc objectiver qu’il est possible d’utiliser l’acupuncture en cas d’infertilité masculine. Les essais contrôlés randomisés (ECR) paraissent aussi le démontrer.

Les ECR

L’indication de traiter l’infertilité masculine est importante dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation. Ainsi Zhang et coll. ont réalisé une petite étude clinique sur vingt-deux patients dont deux cycles de FIV-ISCI en rapport avec une infertilité masculine avaient échoué. Les patients étaient traités par acupuncture deux fois par semaine pendant huit semaines, séances suivies d’un nouveau traitement ICSI. Par rapport au spermogramme de départ, on observait que l’acupuncture avait significativement amélioré la motilité des spermatozoïdes rapides (18,3% versus 11,0% ; p<0,01), ainsi que le ratio des formes normales (21,1% vs 16,2% ; p<0,05). Le pourcentage de fécondation après l’acupuncture (66,2%) était statistiquement (p<0,01) plus élevé que celui avant le traitement (40,2%) [[31]].

Une étude de Trong Khanh et Nguyen avait d’ailleurs montré en 2005 l’intérêt de l’acupuncture pour améliorer le spermogramme en se basant sur sept études cliniques occidentales et chinoises parues entre 1997 et 2005 [[32]]. Mais à part les ECR de Gunfinkel [[33]] et de Pei [[34]], la plupart des autres essais cliniques [30,[35],[36]] étaient hétérogènes, non randomisés, de petits effectifs et qualité méthodologique non satisfaisante.

Deux autres essais parus en 2008 montraient également une amélioration de l’oligoasthénozoospermie ou des anomalies du liquide séminal. Petit bémol néanmoins car ces deux essais en langue chinoise, l’un utilisant l’électroacupuncture et se comparant à la phytothérapie chinoise [[37]] et l’autre acupuncture et moxibustion associées à la phytothérapie chinoise [[38]] étaient difficilement analysables.

Bien meilleur est l’ECR de Dieterle et coll. [[39]] en simple aveugle et contre placebo, respectant les critères méthodologiques d’acupuncture STRICTA (Jadad=4) et qui s’est intéressé aux sévères oligoasthénozoospermies (concentration de spermatozoïdes < 1 million/ml). Deux groupes, groupe acupuncture (n=28) et un groupe placebo (n=29) ont bénéficié de deux séances de 45mn d’acupuncture par semaine pendant six semaines. Les points utilisés sont ceux inspirés du protocole de Pei [31] : 36E, 6Rte, 3R, 3F, 23V, 32V, 29E, 10Rte et 4VC (le 20VG est omis du protocole en raison de la difficulté technique de fixer une aiguille placebo). On utilisait des aiguilles factices non pénétrantes dans le groupe placebo, avec recherche du deqi dans le groupe acupuncture. Les résultats montraient une augmentation statistiquement significative (p=0,035) du pourcentage de motilité des spermatozoïdes par rapport au groupe placebo, mais pas sur leur concentration.

Mécanismes d’action

Le mécanisme d’action de l’acupuncture résulterait, similairement à l’ovaire, d’une augmentation du débit sanguin dans l’artère testiculaire (ou spermatique) comme cela a été démontré dans un ECR par l’équipe turque de Cakmak [[40]]. Ainsi la stimulation électroacupuncturale à une fréquence de 10hz au niveau du 29E (guilai) l’augmente de manière statistiquement significative (p<0,005) par rapport à l’état basal. Les auteurs notent qu’il n’y a aucun effet si la stimulation se fait à 2 Hz ou à la simple puncture. Idem, il n’existe aucun effet lors de la stimulation du 25E de quelque façon que ce soit.

L’hyperthermie scrotale (au-delà de 33°) est connue pour entraîner certaines altérations de la spermatogénèse dont l’oligoasthéno-tératozoospermie voire l’azoospermie [[41],[42]]. Siterman et coll. démontrent que l’acupuncture diminue la température scrotale et de ce fait améliore l’oligozoospermie. Ils ont réalisé huit à dix traitements appliqués selon la différenciation des syndromes : les points 6Rte, 4VC, 7P, 6R, 30E ont tous été stimulés pendant 25mn  en cas de Vide du  Rein ou d’Humidité-Chaleur. Sont rajoutés 3R, 23V, 11R et 52V en cas de Vide de yang du Rein exclusivement (attribué à un défaut de la spermatogenèse) ; ou 9Rte, 5F, 11GI, 28E et 41VB si Humidité-Chaleur (correspondant à une inflammation de l’arbre génital). Des points secondaires peuvent aussi être associés selon les zheng: 4GI, 36E, 10Rte, 7C, 20V, 6MC, 1VC, 2VC, 6VC, 4VG, 20VG, 20VB, 3F, 7R et 27VB. Pas plus de douze points par séance [[43]].

Siterman et coll. objectivent ainsi que l’acupuncture est d’autant plus efficace que l’on traite les tableaux zheng d’Humidité-Chaleur. L’acupuncture agirait en stimulant la réponse immunitaire de l’organisme.

L’action de l’EA sur l’hyperthermie scrotale est également analysée dans cette récente étude de Gao. Une augmentation du nombre de spermatozoïdes épididymaires mobiles est observée qui s’expliquerait par la prolifération des cellules germinales (spermatogonies) en rapport avec l’amélioration des fonctions des cellules de Sertoli [[44]] (figure 2).

Figure 2. Schéma montrant le protocole de traitement d’EA chez un rat Sprague-Dawley. Ce modèle de rat a été mis en condition pendant 30 min par augmentation de la chaleur du scrotum (43°C) dans le groupe traité ou température à 22°C dans le groupe témoin. Au 9ème jour, l’EA a été effectuée tous les trois jours pour un total de 10 séances (25 minutes chacun). Des échantillons de tissus ont été prélevés au jour 0, 1, 9, 25, 37, 46, 56 et 79. L’EA a été réalisée en six points d’acupuncture : baihui(20VG), guanyuan(4VC), sanyinjiao (6Rte; bilatéralement), zusanli(36E ; bilatéralement). Les points d’acupuncture ont été stimulés électriquement avec une alternance de fréquences de 3Hz et 9Hz pour éviter le phénomène de tolérance des tissus à la stimulation (figure d’après [44]).

Les traitements habituels de l’oligoasthénozoospermie

Nombreux sont les traitements non spécifiques proposés : androgénothérapie, antioestrogènes (comme le clomifène, le tamoxifène), GnRH, kallicréines, bromocriptine, pentoxifylline, gonadotrophines (HCG, HMG), carnitine, glutathion, arginine, zinc, sélénium, vitamines A, C, E, indométacine, coenzyme Q10 etc.. Mais par manque d’études contrôlés randomisées (ECR) en aveugle avec cross-over, aucun traitement n’a montré une efficacité certaine pour être recommandé dans le cadre d’une infertilité idiopathique sans anomalie biologique [45-48]. Par ailleurs, excepté certaines molécules comme les vitamines, ces thérapeutiques ne sont pas exemptes d’effets indésirables. De nombreuses autres molécules sont encore à l’étude comme on peut le constater dans le méta-registre d’essais cliniques contrôlés (mRCT) concernant la transplantation de cellules souches, l’utilisation de metformine, de la lisinopril, des inhibiteurs des aromatases, la supplémentation en vitamine D ou en oméga 3 etc., mais aucune concernant l’efficacité de l’acupuncture [[49]].

Conclusion

De nombreuses thérapeutiques, basées sur leur mode d’action in vitro ou des essais cliniques ouverts non contrôlés, ont été proposées pour jouer un rôle possible dans la gestion de l’infertilité masculine idiopathique.

Il existe aussi quelques essais contrôlés randomisés mais qui ne parviennent pas à démontrer clairement un avantage décisif de leur efficacité. D’autre part, certaines thérapies, tels que les androgènes et gonadotrophines, peuvent nuire à la spermatogenèse ou entraîner des complications importantes. En dehors de l’assistance médicale à la procréation, les options thérapeutiques conventionnelles sont limitées et certains experts préconisent de continuer à prescrire ce genre de médicaments. Cette politique de traitement peut être acceptable si le patient et le médecin pensent avoir des attentes réalistes de résultat, tout en préconisant les autres modalités thérapeutiques s’il n’y a pas d’amélioration après une période de trois à six mois.

Pourtant, d’autres protocoles sont possibles, comme en témoigne encore cette étude de cas iranienne de Bidouee et coll. [[50]]. En effet, ils montrent que quarante séances d’acupuncture utilisant l’approche de Siterman [43] à raison de deux par semaine chez un homme de 31 ans initialement en azoospermie a permis d’obtenir un spermogramme avec 18 millions de spermatozoïdes/ml dont 10% ayant une bonne motilité et 60% de forme normale.

Et dans notre étude de traitement d’un Vide de yang du Rein selon la différenciation des syndromes zhenget en appliquant les données en rapport avec la recherche physiologique des mécanismes d’action (EA à 10Hz), l’oligoasthénozoospermie peut être également améliorée par la moxibustion associée à l’acupuncture et l’EA.

Quoi qu’il en soit et compte tenu du fait que l’acupuncture est une thérapeutique sûre et sans effets secondaires significatifs, on se doit donc de la considérer comme ayant toute sa place dans le panel de soins de santé.

David de Michel-Ange (1501-1504) – Galleria dell’ Accademia – Florence – Italie
David de Michel-Ange (1501-1504) – Galleria dell’ Accademia – Florence – Italie

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Stéphan JM. A propos d’un cas clinique : intérêt de la moxibustion, de l’acupuncture et de l’électroacupuncture dans une oligoasthénozoospermie. Acupuncture & Moxibustion. 2012;11(2):118-125. (Version PDF imprimable)

Stéphan JM. A propos d’un cas clinique : intérêt de la moxibustion, de l’acupuncture et de l’électroacupuncture dans une oligoasthénozoospermie. Acupuncture & Moxibustion. 2012;11(2):118-125. (Version globale couleur).

Hypogalactie et asthénie du post-partum

Dame dans son bain (1571) – François Clouet – National Gallery Of Art – Washington DC – USA
Dame dans son bain (1571) – François Clouet – National Gallery Of Art – Washington DC – USA

Mme Laure est une primipare de 32 ans qui a eu une grossesse après la deuxième insémination. Suite au bilan clinique fait avant les inséminations, elle n’avait pas de cause physique détectée pour être étiquetée d’infertile et son conjoint non plus, cependant la grossesse s’est fait attendre 3 ans. La grossesse s’est passée sans problèmes, mise à part quelques nausées en début de grossesse, des contractions vers le sixième mois sans modification du col et vite passées avec le repos et une légère anémie. Elle a accouché à terme d’une petite Anne qui pesait 3020g après un travail long car elle avait des contractions irrégulières et inefficaces.

Maintenant elle est à J4 et souhaite allaiter mais ses seins sont mous, la montée laiteuse se fait attendre, elle est fatiguée, dort mal même quand Anne dort, a des étourdissements quand se met debout et des palpitations. Elle a des crises d’angoisse et de pleurs car se sent « incapable » de nourrir son enfant ce qui est «certainement un signe» qu’elle sera une « mauvaise mère ».

Quel diagnostic vous évoque cette patiente selon la différenciation des syndromes ?

Il s’agit une hypogalactie de type Vide [1] avec un Vide de Sang et de qi et particulièrement dans ce cas un vide du qi du Rein.  

Quels sont les signes cliniques qui vous permettent de poser votre diagnostic ?

Après détermination du syndrome général, c’est à dire le Vide de Sang, on peut déterminer les viscères impliqués. Ici le Vide de Sang de Cœur sera très évocateur du fait des palpitations, de l’insomnie et des vertiges. Le Vide de qi de Rate à évoquer en rapport avec les nausées et vomissements du début de grossesse et l’asthénie actuelle.

 Comment sont, selon vous, ses pouls et la langue ?

 Quel traitement proposez-vous en justifiant ?

La moxibustion est essentielle. Les points préconisés sont cités et décrits pour leur efficacité dans les hypogalacties par les différents Textes Classiques (DachengZhen Jiu Sheng JingNanjing etc.. ou moderne (Soulié de Morant). Néanmoins le point IG1 pourra se faire à l’aiguille avec recherche de deqi ou par électroacupuncture à 20Hz. On pourra faire aussi le VC17 à l’aiguille ou en moxibustion. Le Zhen jiu zi sheng  jing déclare : «  lorsqu’il existe une stagnation des vaisseaux du lait avec une lactation insuffisante, la moxibustion la guérit immédiatement » [2].

 Cas cliniques et essais contrôlés randomisés dans la littérature

 L’efficacité de ce traitement est objectivée dans des études de cas et deux ECR ayant utilisé quasiment les mêmes points dans le diagnostic de Vide de qi et de Sang. Toutefois le protocole de Wei [6] dans son ECR explicatif classant les femmes selon la différenciation des syndromes (zheng) n’offre pas plus d’amélioration dans les hypogalacties de type Vide que dans celles en Plénitude par stase de qi de FoieCependant,les auteurs notent que le point IG1 est plus efficace (p<0,01) que le point GI1 du groupe témoin (tableau I). Gageons néanmoins que s’ils avaient utilisé les autres points préconisés selon les zheng et non un point unique, le résultat aurait été sans doute différent.

Tableau I. Principales études du traitement par acupuncture de l’hypogalactie de type Vide. 

Auteur (année, pays)Type d’étude et populationGroupe intervention
Traitement
Résultats sur l’hypogalactie
Wang (2004, Chine) [3]Études de cas (N=54)IG1, VC17, ES18, VE20, ES36, RA6 (recherche deqi) : séance de 30mn
Moxibustion 20mn sur ES18 et VC17 (1 séance/j durant 11 jours)
Efficacité : 78%
Amélioration : 16%
Échec : 6%
Tian (1998, Chine) [4]Etudes de cas (N=63)Vide de qi et de Sang :
VC17, ES18, VB21, VE20 et ES36 (recherche deqi)
Injection sur les points 0,5mg Vitamine B121 séance 1 jour sur 2 (6-8 séances)
Efficacité : 89%
Amélioration : 8%
Échec : 3%
Neri (2011, Italie) [5]ECR pragmatique, parallèle, sans insu (N=90)1. groupe acupuncture-traitement commun :
IG1, ES18 et VC17
– vide de qi et de Sang : ES36, RA6 et VE20
– stase du qi du Foie : FO3, MC6
2. groupe conseils de soins habituels
Traitement  de trois semaines : 2 fois par semaine
Suivi : 3 mois
– Efficacité 100% à  3 semaines supérieure (p <0,03) au groupe contrôle (60%)
– A 3 mois : 35% versus 15% (p<0,03) dans le groupe contrôle.
-Acupuncture supérieure aux conseils de soins habituels
Wei (2008, Chine) [6]ECR analytique, parallèle, sans insu (N=92)1. groupe Acu IG1 avec deqi (n=46)
– vide de qi et de Sang (n=27)
– stase de qi de Foie (n=19)
EA 30 minutes après (20 Hz, 0,1A) 1 fois par jour : 5 jours, puis renouvellement de la session après un intervalle libre de 2 jours
2. groupe contrôle GI1 (n=46) : même stratégie de session 
suivi : 1 mois
Efficacité 100% dans groupe IG1 versus 69,6% groupe contrôle (p<0,01)

 Conclusion

 On peut donc conclure à l’équivalence du traitement individualisé et des protocoles des ECR utilisant la différenciation des syndromes (zheng) dans l’hypogalactie de type Vide (figure 1).  

Figure 1. Équivalence des traitements.

Références

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Mères et enfants au bord du Mékong - Laos
Mères et enfants au bord du Mékong – Laos

Guiraud-Sobral A, Stéphan JM. Hypogalactie et asthénie du post-partum. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(1):38-40. (Version PDF imprimable)

 Obstétrique et acupuncture factuelle. Quel niveau de preuve en 2015 ?

Taj Mahal – Mausolée construit en 1631 par l’empereur moghol musulman Shâh Jahân en mémoire de son épouse Arjumand Bânu Begam Agra morte en donnant naissance à leur quatorzième enfant – Uttar Pradesh – Inde
Taj Mahal – Mausolée construit en 1631 par l’empereur moghol musulman Shâh Jahân en mémoire de son épouse Arjumand Bânu Begam Agra morte en donnant naissance à leur quatorzième enfant – Uttar Pradesh – Inde

Résumé : Introduction. De plus en plus d’études cliniques concernant l’acupuncture en obstétrique sont publiées. Médecins, sages-femmes mais aussi patientes à la recherche de traitements efficaces non tératogènes pendant leur grossesse s’impliquent davantage. Méthodes. Un état des lieux des essais comparatifs randomisés (ECR) est réalisé à partir de la revue de littérature internationale référencée dans la base de donnée Pubmed-Medline. Résultats. Un grade de recommandations A de preuve scientifique établie s’applique aux nausées et vomissements gravidiques ; un grade de recommandations B de présomption scientifique est objectivé dans le syndrome anxio-dépressif, l’engorgement mammaire et la mastite ; et enfin dans les préventions de l’avortement spontané, un grade C de faible niveau de preuve scientifique peut être retenu. Conclusion. L’acupuncture peut être raisonnablement indiquée selon les niveaux de recommandations de la Haute Autorité de Santé Française. Mots-clés : obstétrique – nausées – vomissements – acupuncture –  syndrome douloureux pelvien gravidique – syndrome de Lacomme – mastite – prévention avortement spontané – ECR – recommandations.

Summary: Background. More and more clinical studies of acupuncture in obstetrics are published. Doctors, midwives but also patients seeking nonteratogenic effective treatment during pregnancy are more involved. Methods. An evaluation of the randomized controlled trials (RCTs) is made from the international literature review referenced in the Pubmed-Medline database. Results. A Grade A recommendation of established scientific evidence is attributed to nausea and vomiting of pregnancy; a scientific presumption of recommendation B grade is assigned to the anxiety-depressive syndrome, breast engorgement and mastitis; and finally in the prevention of miscarriage, a grade C low level of scientific evidence has been admitted. Conclusion. Acupuncture may be reasonably indicated according to the level of the recommendations by the French High Authority of Health. Keywords: obstetrics – nausea – vomiting – acupuncture – pregnancy pelvic pain syndrome – syndrome Lacomme – mastitis – prevention of miscarriage – RCT – recommendations.

En 2010, un état des lieux des essais comparatifs randomisés (ECR) avait permis de déterminer que, dans certaines indications, l’acupuncture pouvait être raisonnablement utilisée en consultation prénatale, en préparation maternelle, en salle de naissance et en suites de couches en fonction des données issues de la médecine factuelle fondée sur le niveau de preuve (EBM – Evidence-Based Medicine) [[1]]. Cinq années plus tard, les indications de l’acupuncture peuvent être analysées à nouveau à la lumière des récentes études de cas, ECR, méta-analyses ou recommandations professionnelles et l’évaluer selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé française (HAS). Un guide d’analyse de la littérature et gradation des recommandations a été publié par l’Agence nationale pour l’accréditation et l’évaluation en santé (Anaes) en 2000 et repris par la HAS en 2013 [[2]]. Ce guide récapitule le grade des recommandations proposées et classées en grade A, B ou C selon les modalités exposées dans le tableau I. 

Tableau I. Les grades des recommandations. 

Grade des recommandationsNiveau de preuve scientifique fourni par la littérature
 A 
Preuve scientifique établie
Niveau 1
– Essais comparatifs randomisés de forte puissance
 – Méta-analyse d’essais comparatifs randomisés
 – Analyse de décision fondée sur des études bien menées
B
Présomption scientifique
 Niveau 2
– Essais comparatifs randomisés de faible puissance
– Études comparatives non randomisées bien menées
 – Études de cohortes 
C
Faible niveau de preuve scientifique
 Niveau 3
– Études cas-témoins
Niveau 4
– Études comparatives comportant des biais importants
– Études rétrospectives 
– Série de cas
– Études épidémiologiques descriptives (transversale, longitudinale)

Nausées, vomissements gravidiques et hyperemesis gravidarum

En 2004, une synthèse méthodique des essais comparatifs randomisés concernant le traitement des nausées et des vomissements gravidiques (NVg) objectivait des résultats favorables à l’acupuncture. Ces essais étaient très hétérogènes mais de qualité méthodologique correcte selon l’échelle de Jadad. Deux techniques se sont révélées les plus efficaces avec un niveau de preuve élevé : la puncture du 6MC (neiguan) et le port d’un bracelet d’acustimulation électrique sur 6MC [[3]].

Une méta-analyse portant sur treize ECR (n=1615) objectivait en 2006 que l’acupuncture versus groupe témoin, toutes modalités confondues (EA, acupuncture ou acupression), réduisait la proportion des nausées (RR = 0,47, IC 95% : 0,35-0,62 ; p <0,0001) et des vomissements (RR = 0,59 ; IC 95% : 0,51-0,68, P <0,0001). Néanmoins, du fait d’un possible effet placebo par rapport aux groupes témoins, les auteurs préconisaient d’autres ECR de plus grande puissance et de haute qualité méthodologique [[4]].

La mise à jour 2015 de la collaboration Cochrane de Matthews et al. [[5]] objective, quant à elle, des preuves limitées concernant l’efficacité de l’acupression ou de l’électroacupuncture (EA) par le 6MC sur les NVg. En effet, l’efficacité de l’électroacupuncture sur MC6 versus dispositif placebo se base sur la seule et unique étude de Rosen de 2003 (n=187) qui en montre une réduction au cours du premier trimestre de la grossesse [[6]]. Cette étude en simple aveugle de bonne qualité méthodologique selon les auteurs de la collaboration Cochrane spécifie cependant que la diminution des NVg va engendrer une prise de poids statistiquement significative (p=0,023) et une diminution de la déshydratation (p=0,024) versus groupe placebo (figure 1).

Figure 1. Comparaison entre électroacupuncture au 6MC versus placebo. Critère de jugement : gain de poids après une période de 3 mois [5].

Toujours selon Matthews et al., l’acupuncture traditionnelle ou au 6MC n’a montré aucun avantage significatif dans les nausées et vomissements versus placebo. Ils se basent encore une fois sur la seule étude de Smith et al. (n=593) [[7]] et omettent de dire qu’il y a une supériorité statistiquement significative d’un protocole d’acupuncture traditionnelle selon la différenciation des syndromes (zheng) (stase de qi de Foie, Chaleur de l’Estomac etc..) dans le groupe acupuncture (n=148) versus acupuncture factice placebo (n=148) en ce qui concerne les nausées (figure 2).

Notons par ailleurs que l’acupuncture factice n’est pas réellement placebo car il s’agit de puncturer sur des zones proches de celles du groupe acupuncture véritable, et, de ce fait, on ne peut que récuser ce placebo qui n’en est pas vraiment un. On sait ainsi que l’acupuncture feinte sur des non-points, surtout appliquée sur le même dermatome, n’est pas inerte et ne peut être considérée comme placebo car faisant intervenir le système limbique [[8]]. Ce qui veut dire que l’acupuncture traditionnelle ou acupuncture factice sur des points du même dermatome est équivalente en terme d’efficacité sur les nausées.

Figure 2. Le protocole d’acupuncture traditionnelle est plus efficace de manière statistiquement significative (différence moyenne à modèle fixe -0.70 ; IC 95%, -1,36 à -0,04 ; p=0,038)  que l’acupuncture factice. Critère de jugement : les nausées au 7e jour [5].

Notons aussi que l’étude Cochrane 2015 fait abstraction de l’hyperemesis gravidarum qui sont des vomissements incoercibles s’accompagnant habituellement d’une perte de poids, d’une cétonurie et de troubles hydro-électrolytiques avec éventuelle déshydratation. Des ECR [9-11] objectivent une efficacité dans cette pathologie et Nguyen dans son article de 2006 [[12]], toujours d’actualité, montre l’intérêt de l’acupuncture versus métoclopramide. Aucun effet indésirable, aucun incident ou accident grave n’a été décrit au cours des séances d’acupuncture ou d’EA chez les femmes enceintes [[13],[14]]. Le métoclopramide, quant à lui, ne possède pas  l’indication spécifique pour les NVg et d’ailleurs ne peut être prescrit que de manière très ponctuelle sans excéder cinq jours en raison des risques neurologiques et cardiaques.

La Haute Autorité de Santé en France en 2005 précise que la stimulation du point d’acupuncture 6MC est efficace dans les nausées et vomissements gravidiques avec un grade de recommandation A, c’est- à-dire preuve scientifique établie [[15]]. En Grande Bretagne, le rapport du National Institute for Health and Care Excellence (NICE) de 2008 recommande l’utilisation du point 6MC [[16]]. En conclusion, l’utilisation de l’acupuncture dans les NVg chez la femme enceinte peut toujours être proposée en 2015 avec un grade A de recommandation avec un niveau 1 de preuve scientifique établie selon les recommandations de la HAS.

Prévention de l’avortement spontané ou fausse couche

Il s’agit de l’expulsion spontanée du produit de la fécondation entre la détection de celle-ci et la date de viabilité fœtale que l’on considère à 24 semaines d’aménorrhées (SA). On parle de fausse couche lorsque l’enfant ne montre aucun signe vital comme la respiration, les battements du cœur ou les pulsations du cordon ombilical et que son poids est inférieur à 500 g.

Depuis l’analyse de littérature réalisée en 2008 qui objectivait le peu d’études disponibles sur la prévention de l’avortement spontané par acupuncture [[17]], des auteurs ont suggéré en 2012 que l’acupuncture devait faire partie de l’arsenal thérapeutique dans la prévention des fausses couches en se basant sur quatre études concernant des soins de soutien (contrôle plus régulier avec monitoring, relaxation, soutien affectif, conseils informatifs sur mode de vie, alimentation etc.) [[18]]. En effet, lorsque les soins de soutien sont fournis pour les femmes présentant des fausses couches à répétition, on observait une augmentation des résultats bénéfiques dans les groupes en soutien par rapport aux groupes témoins recevant des soins prénataux classiques. Ainsi une étude observationnelle de cohorte prospective a rapporté un taux de grossesse de 75% au-delà de 24 semaines de gestation (n=226) [[19]] ; un ECR a objectivé un pourcentage de 86% dans le groupe soutien (n=44) versus 33% dans le groupe témoin (n=9) [[20]]. Cependant, concernant l’acupuncture, il n’existe qu’un seul essai pragmatique chinois positif. Mais il compare deux variétés d’acupuncture (n=60) mais avec des risques de biais importants sans troisième groupe témoin, sans aucune mise en insu et sans randomisation décrite [[21]]. De ce fait, difficile de conclure. On peut remarquer néanmoins que dans l’assistance médicale à la procréation (AMP), une étude a révélé une réduction statistiquement significative des taux de fausses couches chez les femmes recevant un traitement d’acupuncture (p<0,05). Bien que d’autres études soient nécessaires pour confirmer cela, les auteurs concluaient que l’acupuncture avait le potentiel de promouvoir des réponses hormonales bénéfiques en début de grossesse permettant d’éviter la menace d’avortement spontané [[22]]. En conclusion, dans cette indication, un niveau 4 de faible niveau de preuve scientifique avec un grade de recommandations C peut être retenu.

Syndrome anxio-dépressif durant la grossesse et en post-partum

Une méta-analyse de 2013 de la collaboration Cochrane [[23]] étudiant deux ECR réalisés en 2004 et 2010 [[24],[25]] a montré que les preuves ne sont pas concluantes alors qu’une revue systématique analysant les mêmes études, considère qu’il existe des preuves de haut niveau pour soutenir l’utilisation de l’acupuncture dans les états dépressifs majeurs durant la grossesse [[26]]. Un suivi acupunctural d’un cas clinique sur près de six mois permet à la patiente le sevrage complet de l’inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) [[27]] laissant envisager que l’acupuncture peut être une alternative séduisante aux traitements classiques sans risque iatrogène, ni risques secondaires. A contrario, a été évoqué en fin de grossesse un risque accru d’hypertension artérielle pulmonaire néonatale chez les enfants de mères exposées à un ISRS [[28]].

Dans le post-partum, un ECR pilote en double aveugle réalisé durant les six mois ayant suivi l’accouchement, mais malheureusement de faible population (n=20) a objectivé que l’EA permettait de réduire de manière statistiquement significative l’état dépressif majeur en post-partum [[29]].

En conclusion, l’utilisation de l’acupuncture ou l’EA dans les états dépressifs chez la femme enceinte et en post-partum peut être proposée avec un grade B de présomption scientifique de niveau 2 de preuves selon les recommandations de la HAS.

Syndrome douloureux pelvien gravidique (syndrome de Lacomme) et douleurs lombaires basses

En 2007 et 2008 deux revues systématiques recommandaient d’utiliser l’acupuncture dans les douleurs pelviennes et lombaires basses. La revue de Cochrane (8 ECR répertoriés, n=1305) montrait que l’acupuncture offrait de meilleurs résultats antalgiques par rapport à la kinésithérapie, surtout dans les algies en fin de journée [[30]]. La revue de 2008 de Ee et coll. [[31]] confirmait ces résultats en analysant trois essais sur les quatre-cent-trente-deux références sélectionnées et estimait l’acupuncture, en adjonction au traitement standard, supérieure au traitement standard seul et à la kinésithérapie dans le soulagement des douleurs pelviennes et lombaires basses. Mais ils concluaient que les preuves étaient limitées du fait des nombreux biais et de la faiblesse méthodologique. Ils considéraient que de nouveaux essais contrôlés randomisés de haute qualité méthodologique étaient nécessaires. Quoiqu’il en soit en 2009, un grade de recommandations de niveau B était préconisé [[32]]. En 2015, la mise à jour de la revue Cochrane était réalisée (34 ECR, n=5121) ; six ECR (n=889) s’intéressant aux douleurs pelviennes et treize (n=2385 patientes) concernant à la fois les douleurs lombaires et pelviennes traitées par différentes interventions (exercices, kinésithérapie, manipulations, éducation, gymnastique aquatique, ceinture, acupuncture…) [[33]]. La conclusion évoluait peu, à savoir que l’acupuncture réduisait les douleurs lombo-pelviennes versus la prise en charge habituelle en se basant sur l’unique étude de Kvorning [[34]] (figure 3). Malheureusement, tout se base encore une fois sur une unique étude ouverte de qualité méthodologique médiocre (score de Jadad 2/5) et de faible population.

Ce syndrome douloureux gravidique suscite encore des études, même si elles ne sont pas toutes de haute qualité méthodologique. Ainsi, deux petites études prospectives ouvertes ont été réalisées dans le nord de la France, l’une au centre hospitalier de Lens (n=21), l’autre à celui de Douai (n=30)  [[35],[36]]. Toutes deux ont montré une amélioration des algies mais aussi de l’incapacité fonctionnelle. Un ECR est en cours qui a bénéficié d’une étude pilote (n=41) objectivant également l’efficacité de l’acupuncture à la fois sur la douleur et la fonction [[37]].

Figure 3. L’acupuncture associée aux soins usuels prénataux est statistiquement plus efficace (RR=4,16 IC 95% 1,77 -9,78 p=0,0011) que les soins usuels seuls [33].

Enfin, une revue de littérature systématique de novembre 2015 a conclu à partir de sept ECR que le traitement acupunctural durant la grossesse réduisait les algies lombo-pelviennes et améliorait la fonction et la capacité au travail. Aucun effet secondaire n’était objectivé. Les auteurs concluaient que le niveau de preuve était suffisamment important pour préconiser l’acupuncture dans les douleurs lombo-pelviennes de la grossesse [[38]]. Néanmoins, la population étudiée n’est pas encore très élevée et la méta-analyse n’a pas été réalisée en raison de l’hétérogénéité des ECR déjà présentés précédemment [32]. En conclusion et en attendant d’avoir un ECR de haute qualité méthodologique, un grade B de présomption scientifique de niveau 2 de preuves selon les recommandations de la HAS peut donc être proposé.

 Engorgement mammaire et mastite

En 2011, une analyse des essais contrôlés randomisés avait montré l’intérêt de l’acupuncture dans les engorgements mammaires et les mastites. En effet, l’acupuncture en association avec les recommandations de positionnement correct du nourrisson offre une possibilité de prévenir les arrêts d’allaitement suite à des engorgements mammaires ou des mastites [[39]]. On observait ainsi chez les femmes recevant l’acupuncture versus soins habituels une plus grande amélioration statistiquement significative des symptômes à partir du 4e jour (RR= 0,82 ; IC 95% 0,82 [0,69-0,96], p=0,0014) et qui restait encore significative (p=0,041) au 5e jour [[40]]. Les auteurs de cette revue Cochrane avaient analysé l’ECR suédois de type pragmatique de Kvist de 2007 (n=140) [[41]]. L’action préventive de l’acupuncture dans l’atténuation des inconvénients de la montée laiteuse a bénéficié aussi d’une étude de cohorte (n=149), prospective et comparative (groupe acupuncture n=102 ; groupe témoin n=47) permettant d’analyser l’efficacité d’une seule et unique séance d’acupuncture réalisée au lendemain de l’accouchement. Les points choisis : 37VB (guangming), 41VB (zulinqi), 6R (zhaohai), 44E (neiting) ont diminué la douleur de la montée laiteuse dès J3 versus le groupe témoin [[42]]. Un grade B de présomption scientifique de niveau 2 de preuves selon les recommandations de la HAS peut donc être proposé.

Conclusion

En raison de la progression constante des études cliniques concernant la femme enceinte, le niveau de preuve évolue. Depuis 2010, deux-cent-quatre-vingt-deux publications ont été référencées dans la base de données américaine Pubmed-Medline.gov dépendant de la National Center for Biotechnology Information (NCBI) concernant l’obstétrique, dont soixante-quatre ECR. Ainsi selon l’HAS, un grade de recommandations A de preuve scientifique établie s’applique toujours aux nausées et vomissements gravidiques ; un grade de recommandations B de présomption scientifique est objectivé dans le syndrome anxio-dépressif, l’engorgement mammaire et la mastite ; et pour une nouvelle indication, les préventions de l’avortement spontané, un grade C de faible niveau de preuve scientifique peut être retenu.

Dans un prochain article, seront étudiées les autres indications de l’acupuncture chez la femme enceinte comme les versions, l’analgésie durant le travail, l’induction et la maturation … mais aussi la procréation médicale assistée.

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Syndrome anxio-dépressif et grossesse : synthèse à propos d’un cas clinique traité par zhenjiu (针灸) et électroacupuncture

Crater Lake (lac de cratère) dans la caldeira du volcan Mazama – Oregon – USA
Crater Lake (lac de cratère) dans la caldeira du volcan Mazama – Oregon – USA


Résumé
 : Introduction. L’objectif de ce travail est d’évaluer la possibilité d’utiliser l’acupuncture-moxibustion (zhenjiu) et l’électroacupuncture dans le syndrome anxio-dépressif chez la femme enceinte. Méthodes. Une étude d’un cas clinique d’une anxio-dépression mesurée à 21 sur l’échelle d’évaluation de la dépression HDRS de Hamilton 17 permet d’étudier le protocole de traitement selon la différenciation des syndromes (bianzheng). Après un rappel de la physiopathologie selon la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) et celle de la médecine expérimentale, un état des lieux des essais comparatifs randomisés (ECR) et méta-analyses est réalisé. Résultats. L’acupuncture peut être utilisée en monothérapie chez la femme enceinte. Selon les preuves issues des ECR et méta-analyses, on peut considérer sa contribution utile et efficace et elle peut être une alternative raisonnable soit des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), soit de la psychothérapie. Conclusion.L’utilisation de l’acupuncture dans les états dépressifs chez la femme enceinte peut être proposée avec un grade B de présomption scientifique selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé française (HAS). Mots clés : Acupuncture – grossesse –dépression – bianzheng – axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien –sérotonine – BDNF – glutamate –  hippocampe – GABA – noradrénaline – stress – HDRS.

SummaryBackground. The objective of this study was to evaluate the possibility of using acupuncture-moxibustion (zhenjiu) and electroacupuncture in the anxiety-depressive syndrome in pregnant women. Methods. A study of a clinical case of anxiety and depression measured 21 on the HDRS Depression Rating Scale Hamilton 17 allows to study the treatment protocol according to the differentiation of syndromes (bianzheng). After a review of the pathophysiology according to Traditional Chinese Medicine (TCM) and the experimental medicine, an overview of randomized controlled trials (RCTs) and meta-analysis is performed. Results. Acupuncture can be used as monotherapy in pregnant women. According to evidence from RCTs and meta-analyzes, one can consider its useful and effective contribution and it can be a reasonable alternative to selective inhibitors of serotonin reuptake (SSRIs) or psychotherapy. Conclusion. The use of acupuncture in depression in pregnant women can be offered with a grade B Scientific presumption, according to the recommendations of the French High Health Authority (HAS). Keywords: Acupuncture – pregnancy – depression – bianzheng – hypothalamic-pituitary-adrenal axis – serotonin – BDNF – glutamate – hippocampus – GABA – noradrenaline – stress – HDRS.

Introduction

En juin 2012, madame Nelly P, âgée de 44 ans sans antécédents particuliers, hormis une allergie aux pollens, aux poils de chat, consulte pour un syndrome anxio-dépressif.

Depuis juillet 2011, elle est en arrêt de travail suite à un harcèlement moral professionnel et a saisi le Conseil de Prud’hommes afin de régler son litige avec son employeur. Elle bénéficie d’un traitement antidépresseur par inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (citalopram 20mg) et anxiolytique (bromazepam 3mg).  

Son médecin traitant l’adresse pour sevrage, car elle est enceinte.

En effet, elle est à 18 semaines d’aménorrhée (18SA).

Elle avait bénéficié sur plus d’une dizaine d’années de différentes techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP), onze au total, et toutes sans succès.

De ce fait, cette grossesse inespérée est précieuse, surtout qu’elle avait été considérée comme stérile.

 Observation

Anamnèse du cas clinique

19 juin 2012 : 18SA : état anxio-dépressif modéré

Madame Nelly P se présente ce jour très angoissée. Soixante et onze kilogrammes pour 1m66, elle n’a pris que deux kilos par rapport au début de la grossesse. Et malgré celle-ci, elle a du mal à s’imaginer enceinte. A l’échelle d’évaluation de la dépression de Hamilton 17 (HDRS – Hamilton Depression Rating Scale) [[1]], son état dépressif est coté à 21 (toute cotation au dessus de 17 montre que les symptômes dépressifs sont modérés à sévères). L’inventaire de dépression de Beck (échelle BDI), indique également une dépression modérée puisque cotée à 15 (cotation de 8 à 15 correspond à une dépression modérée), et cela malgré le traitement [[2]].

Son sommeil est très agité, parsemé de rêves et de cauchemars, avec difficulté à l’endormissement. Elle est toujours angoissée, anxieuse. Problèmes digestifs à type de ballonnements, perte d’appétit. Elle est constamment fatiguée, fatigue qu’elle évalue à 6,5 (sur une échelle visuelle analogique allant de 0 à 10, 10 étant le maximum de fatigue).

La langue est pâle et avec empreintes de dents. Les pouls sont fins (xi) et faibles (ruo). Cela évoque un Vide combiné de Sang de Cœur et de Vide de qi de Rate selon la différenciation des syndromes (bianzheng) associé à un Vide de qi de Rein.

Les points appliqués durant vingt minutes sont 14VC (juque), 15V (xinshu), 7C (shenmen), point assentiment shu de Cœur, 36E (zusanli), 20DM (baihui), 4DM (mingmen) et 23V (shenshu) en moxibustion à l’armoise et 6MC (neiguan) en électroacupuncture (EA) à la fréquence de 2 Hz (durée d’impulsion rectangulaire asymétrique de 0,5ms d’un courant pulsé alternatif à moyenne nulle) par l’intermédiaire d’un stimulateur électrique Agistim duo Sédatelec® à une intensité supportable par le patient.

Le traitement appliqué à une semaine d’intervalle produit ses effets car même si la cotation à l’HDRS et au BDI baisse peu (respectivement 18 et 13) à la troisième séance, elle est sevrée de son traitement allopathique.

9 juillet 2012 : 20SA+6j : syndrome du canal carpien

Cependant, un syndrome du canal carpien bilatéral apparaît à la quatrième séance, Des paresthésies surtout au niveau de la main droite, estimées à 6 sur une échelle visuelle analogique de la douleur (EVA, 10 étant la douleur maximale) et 4 à gauche commencent à la réveiller la nuit.

Les pouls changent aussi car deviennent xian (tendus) en Barrière, tout en restant xi (fins) ailleurs. La langue est toujours pâle, la pointe et les bords rouges. Au Vide combiné du qi de Rate et de Reins et de Sang de Cœur, la Stase du qi du Foie est responsable de la Stase de Sang aux poignets, et en particulier au niveau du shoujueyin, Méridien du Maître du Cœur, lié au Foie.

Le traitement précédent est adapté. Sont ajoutés 7MC (daling), stimulé avec le 6MC en EA à la fréquence de 15Hz ; 11GI (quchi), point qui fait circuler le qi, chasse le Vent et l’Humidité, équilibrant xue et qi (Sang et Energie) ; 8MC (laogong) qui disperse localement l’Humidité et les Mucosités ; 4MC (ximen) en tonification, car point xi, point des affections aiguës [[3]] ; 14F (qimen), point mu du Foie et enfin 3F (taichong), point source qui draine la stase du qi du Foie. En deux séances, l’amélioration est obtenue (EVA à 2 bilatéralement).

23 août 2012 : 27SA+3j : reprise évolutive

Un mois de vacances et sans acupuncture réactive le syndrome du canal carpien (EVA=6,5 bilatéralement) avec paresthésies insomniantes depuis une dizaine de jours et sensation de gonflement et d’engourdissement. Elle présente aussi les jambes lourdes liées à une insuffisance veineuse. La digestion devient difficile et une constipation s’est installée. Par contre, l’état anxio-dépressif est amélioré puisque le HDRS est coté à 15 et le BDI à 10. La fatigue est moins prononcée, moins anxieuse même si la dépression est toujours présente. La langue est malgré tout pâle avec empreintes des dents plus marquées et toujours les bords rouges. Les pouls sont devenus davantage hua (glissant) et ru (mou) aux Barrières, xi (fins) au niveau des autres loges. Selon la différenciation des syndromes (bianzheng), il s’agit encore d’une combinaison de Vide de Sang associé à celui du Vide de qi de Rate et d’une stagnation du qi du Foie. Quatre séances de vingt minutes à une semaine d’intervalle sont pratiquées utilisant le même traitement que précédemment mais en supprimant les points 20DM en moxibustion et le point 4MC. A la place, sont rajoutés 12VC (zhongwan), point mu de l’Estomac qui harmonise Rate-Pancréas et Estomac et 6RP (sanyinjiao) point de réunion des trois yin du membre inférieur (tonifie le qi de la Rate, d’où nourrit le Sang). A nouveau, le syndrome du canal carpien s’améliore : elle n’est plus réveillée la nuit (EVA 3). La constipation persiste. L’état anxio-dépressif reste stable.

Du 2 octobre 2012 (33SA) jusqu’au terme : constipation, lombalgie

Six séances de 20 mn à une semaine d’intervalle vont se succéder jusqu’au terme à 40SA+6j où la constipation sera au premier plan, mais aussi les lombalgies en rapport avec un Vide de yin des Reins. Persistent encore l’insomnie et l’anxiété. La langue est à ce moment rouge globalement et plus seulement à la pointe et sur les bords ; le pouls est xi (fin), shuo (rapide), xian (tendu). On a toujours un Vide de Cœur et une Stase du qi de Foie.

3R (taixi), 6R (zhaohai) ont été ajoutés alors que les points 11GI, 8MC, 7MC ont été supprimés du fait de la diminution nette du syndrome du canal carpien (EVA=2). Neiguan et qimen sont stimulés en EA à la fréquence de 2HZ. La constipation s’est améliorée progressivement et le 8 novembre, Madame Nelly P. accoucha par césarienne d’une petite Coralie, 3 kg 500. Le syndrome anxio-dépressif ne s’est jamais amendé complètement puisque deux jours avant sa césarienne, le test d’Hamilton était toujours à 12, signe de dépression légère.

Discussion

Physiopathologie selon la Médecine Chinoise

Le traitement global a consisté à produire du Sang en tonifiant à la fois le qi de Rate et le Sang du Cœur, mais aussi en fin de grossesse le yin des Reins. Au préalable et du fait des onze AMP, on peut considérer qu’elle avait un Vide de jing acquis (le Vide de Sang) et inné (Vide des Reins).

L’influence du shen est primordiale dans la grossesse. L’émotion de l’événement, mais aussi la crainte, l’angoisse, l’anxiété et les divers troubles émotionnels engendrent ce Vide de yin et de Sang du Cœur. Les pathologies des organes et des entrailles en Vide ou Plénitude peuvent entraîner le Feu Mental en rapport avec l’âme viscérale du Cœur, le shen. Celui-ci sera perturbé en cas d’insuffisance du yin du Rein, de Foie ou de Rate entraînant un yang apparent par non-contrôle du yin de Cœur.

Mécanismes physiopathologiques expérimentaux

La recherche actuelle physiopathologique

En raison de l’hétérogénéité clinique et étiologique du trouble dépressif majeur, il est difficile d’élucider sa physiopathologie. De ce fait, il est préférable d’étudier les théories neurobiologiques actuelles en fonction de leurs fondements empiriques les plus valides et de leur plus haute pertinence clinique en étudiant forces et faiblesses des preuves. Les théories choisies sont basées sur des études portant sur le stress psychosocial mais aussi l’action des hormones de l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien, les neurotransmetteurs comme la sérotonine, la noradrénaline, la dopamine, le glutamate, l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), les circuits neuronaux, des facteurs neurotrophiques, les rythmes circadiens, l’altération système endocannabinoïde endogène [[4],[5]]. La physiopathologie dépressive peut varier pendant le cours de la maladie, mais aussi selon les différents malades. Il s’avère donc que la connaissance existante actuelle ne plaide pas pour une hypothèse physiopathologique unifiée de cette maladie. En conséquence, les traitements antidépresseurs, y compris les approches psychologiques et biologiques, doivent être adaptés en fonction de l’individualité de chaque patient et de son état pathologique. Le tableau I ci-dessous résume les différentes hypothèses. 

Tableau I. Hypothèses neurobiologiques cliniquement pertinentes du trouble dépressif majeur (d’après [5]). 

HypothèsePrincipale forcePrincipale faiblesse
Vulnérabilité génétiqueDes preuves solides à partir des études réalisées sur des jumeaux montre une prévalence des facteurs génétiques de 30-40 % [[6]] Aucune interaction de gène spécifique ou d’un gène-environnement a été identifié avec certitude [[7]]
Activité de l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien altéré  (CRH, cortisol, cytokines etc.)Explication plausible que le stress traumatique de l’enfance et/ou le stress récent soit un facteur de risque de dépression [8-10]Aucun effet antidépresseur cohérent des médicaments ciblant préférentiellement  l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien, comme les cytokines ou les antagonistes des récepteurs CRH [[11]] 
Carence en monoamines (sérotonine, noradrénaline, dopamine..)Presque chaque molécule inhibant la recapture de la monoamine a des propriétés antidépressives [12-14]. C’est la théorie neurobiologique la plus cliniquement pertinente de la dépression.La carence des monoamines serait probablement un effet secondaire d’autres anomalies biologiques en amont de la synthèse de la monoamine, comme le laissent supposer l’action des agonistes dopaminergiques et celle des sympathomimétiques d’action centrale [[15],[16]] 
Dysfonction des régions spécifiques du cerveauLa stimulation profonde des régions spécifiques du cerveau, comme le cortex cingulaire subgénual peut produire des effets antidépresseurs [[17]]Les différentes méthodes de neuroimagerie (IRMf, PET, SPECT) dans la dépression majeure fournit un chevauchement limité des résultats entre les régions du cerveau les plus systématiquement identifiés qui comprennent les zones de le cortex cingulaire antérieur, dorsolatéral, médial et inférieur, le cortex préfrontal, l’insula, le gyrus temporal supérieur, les ganglions de la base et du cervelet [[18]] 
Processus neurotoxiques (glucocorticoïdes, glutamate) et altération de facteurs neurotrophiques (Brain derived neurotrophic factor – BDNF, Glial Derived Neurotrophic Factor – GDNF)Les états dépressifs itératifs, non traités ou les stress répétés engendrent une perte en volume du cerveau en particulier au niveau hippocampe et cortex préfrontal en rapport la baisse d’expression des facteurs neurotrophiques (Brain derived neurotrophic factor – BDNF) dans la neurogenèse hippocampique [19-21] Aucune preuve chez les humains pour les mécanismes neurobiologiques spécifiques, comme par exemple pour l’amygdale [[22]]
Réduction de l’activité GABAergique (acide gamma-aminobutyrique) dans les cortex préfrontal et occipitalConvergence des données provenant d’études de spectroscopie en résonance magnétique et en post mortem [[23]]Aucun effet antidépresseur cohérent des molécules ciblant le système GABA [[24,25]]
Dérèglement du système glutamateEffets potentiellement rapides et robustes de médicaments ciblant le système du glutamate en particulier  par les antagonistes du récepteur  glutamate N-methyl-D-aspartate (NMDA) [[26], [27]] Spécificité discutable, car le glutamate est impliqué dans presque toutes les activités du cerveau [[28]]
Rythmes circadiens altérésManipulation des rythmes circadiens (par exemple, la privation de sommeil) peut avoir une efficacité antidépressive [[29]] Aucune compréhension moléculaire du lien entre perturbations du rythme circadien et dépression [[30]]
Altération du système endocannabinoïde endogène (anandamide et 2-arachidonoylglycérol -2-AG)Rôle possible du système endocannabinoïde dans le traitement des émotions anormales, utile pour des troubles psychiatriques comme la dépression majeure [[31],[32]] Pas d’action dans une méta-analyse des cannabinoïdes dans la dépression  des affections bipolaires [[33]] mais davantage sur l’anxiété [[34]]

En résumé, la vulnérabilité génétique et le stress sont des facteurs clés de l’étiopathogénie de la dépression. La dysrégulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien réduit les volumes et l’activité de l’hippocampe et du cortex préfrontal chez les patients déprimés et perturbe l’homéostasie des circuits neuronaux, en particulier la neuroplasticité. Celle-ci désigne l’ensemble des mécanismes qui permettent au cerveau d’adapter sa structure et ses fonctions au stress de l’environnement et recouvre la synaptogenèse (mécanismes de potentiation et de dépression à long terme de la transmission synaptique), processus de résistance aux stress cellulaires, mécanismes de survie et de mort neuronale sous dépendance des facteurs neurotrophiques et enfin la neurogenèse (formation de nouveaux neurones). Il reste à confirmer si les changements structurels cérébraux liés à ces anomalies de la neuroplasticité sont totalement réversibles dans le temps et au contraire, ne s’installent pas définitivement au cours du vieillissement [4,35-38]. La figure 1 résume l’ensemble de l’étiopathogénie.

 Figure 1. Etiopathogénie de la dépression. Le stress, la vulnérabilité génétique vont déclencher des processus moléculaires engendrant la dépression. Libération de glucocorticoïdes et de corticotrophine CRH (corticotropin-releasing hormone) et cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL-1, IL-6) interviennent dans la physiologie du stress [38]. Dans la dépression, la perturbation de la sérotonine (5-HT), la noradrénaline (NA) et la dopamine (DA) entrave la transmission les boucles de régulation en rétroaction (feedback) qui éteignent normalement la réponse au stress. L’hyperactivité sympathique contribue à l’activation immunitaire et la libération de cytokines inflammatoires. Les cytokines inflammatoires interfèrent davantage avec le système monoaminergique et la signalisation neurotrophique (BDNF et GDNF). Ils peuvent aussi diminuer la sensibilité du récepteur central au corticostéroïde, conduisant à la rupture de commande de la rétroaction.

L’acupuncture expérimentale

Les travaux de recherche expérimentale concernant les mécanismes d’action de l’acupuncture-moxibustion (zhenjiu 针灸) et de l’électroacupuncture (EA) sur la dépression ont essentiellement été menés sur des modèles d’animaux en état de stress [38,[39]]. Ainsi, les expériences sur animaux ont objectivé que l’acupuncture et l’EA agissent à tous les niveaux précédemment décrits.

Axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien et cytokines

Chez des modèles d’animaux mis en situation de stress (immobilisation, exposition à la chaleur, au froid, nage forcée etc.), il a été démontré de nombreuses fois que l’EA ou l’acupuncture inhibe l’hypersécrétion des hormones glucocorticoïdes (cortisol et corticostérone) [40-44], augmente l’IL-2 qui est généralement diminuée en cas de stress [39,45-47] et diminue l’IL-1 [[48]].

Système limbique et brain-derived neurotrophic factor (BDNF)

Chez des rats soumis à un stress, l’EA du point ES36 (zusanli) restaure de manière statistiquement significative l’expression de l’ARNm du BDNF (brain-derived neurotrophic factor) au niveau de l’hippocampe [[49]], tout comme l’acupuncture sur 20VG, yintang et neiguan (6MC) entraîne un effet identique par régulation positive (up-regulation) dans le cortex préfrontal et l’hippocampe sur des modèles de rats dépressifs par stress [[50]]. De même, l’acupuncture augmente les neurones à NPY (neuropeptide Y) dans l’aire CA1 et le gyrus dentelé de l’hippocampe [[51]] et appliquée au point shenmen (7C) augmente le BDNF au niveau du cortex préfrontal [[52]]. Elle possède aussi une action sur l’amygdale en augmentant le nombre de cellules à NPY, permettant de réduire l’anxiété comportementale chez des rats devenus adultes [[53]] ou sur l’hypothalamus par action sur l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien [[54]]. Une autre étude expérimentale a démontré un effet potentiel antidépresseur de l’EA (60/4Hz 30 mn) sur les points 20VB et anmian dans un modèle de dépression chez le rat induit par stress chronique qui pourrait être médié par la régulation positive des cellules du gyrus dentelé [[55]]. L’EA montre donc essentiellement son activité antidépressive ou anxiolytique par son action au niveau de l’hippocampe [44,56-62].

Molécules informationnelles (monoamine, noradrénaline, GABA, système glutamate  etc.)

Sur un modèle de rats en dépression, l’acupuncture augmente dans l’hypothalamus et l’hippocampe la noradrénaline (NA), la 5-hydoxytryptamine (5-HT – sérotonine) et la dopamine [[63]]. De même, dans la région C4 de l’hippocampe, l’EA (2 Hz) sur sanyinjiao (6RA) et baihui (20VG) augmente de manière statistiquement significative (p<0,05) le 5-HT et l’acétyl-cholinestérase [[64]], comme l’acupuncture régule en augmentant la 5-HT au niveau du cortex préfrontal [52]. L’EA mais aussi la moxibustion et l’acupuncture agiront aussi en stimulant les systèmes dopaminergiques et sérotoninergiques chez des modèles de rats stressés [[65]], réduit l’adrénaline et la noradrénaline sur des modèles de rat en stress d’immobilisation [[66]], augmente la dopamine au niveau du cortex préfrontal et de l’hippocampe et diminue la corticostérone [[67]].

L’EA ou l’acupuncture vont permettre aussi d’activer les récepteurs GABAergiques A et B en régulant négativement les neurones glutaminergiques de l’hippocampe [68-70].

Rythmes circadiens

L’EA à une fréquence de 2Hz appliquée sur baihui (20VG) et yintang permet d’améliorer le rythme circadien de la température et celui de la concentration en mélatonine et d’améliorer de ce fait une dépression induite par le stress chez le rat [[71]].

Les études cliniques

En 2007, un essai clinique quasi randomisé à deux bras ayant inclus des femmes enceintes entre 15 et 30 SA (semaines d’aménorrhée) dans un groupe acupuncture (n=28) et un groupe témoin sans acupuncture (n=23) a étudié les troubles de l’humeur : état dépressif, anxiété, irritabilité. Le critère d’évaluation : échelle EVA (0 à 10). Les points utilisés : 7C (shenmen), 6MC (neiguan), 9P (taiyuan), 36E, 3F (taichong), yintang, 20VG, 17VC (shanzhong) avec recherche du deqi.  Douze sessions de 25mn une fois par semaine avec possibilité dans les deux groupes d’utiliser de la phytothérapie : passiflora  edulis et hypericum perforatum. Aucun effet indésirable n’a été retrouvé. On observe une amélioration de la détresse émotionnelle diminuée de 60% à l’EVA chez 15/25 des patientes dans le groupe d’étude versus le groupe témoin (26%) ; 5/19 (p = 0,013) [[72]]. Malheureusement , les limites et biais sont nombreux : critères de jugement non valables (pas d’utilisation des échelles reconnues comme le HDRS ou le BDI ; pas de groupe placebo ni de mise en insu du fait qu’il s’agit d’un essai pragmatique ; faible puissance du fait d’une population étudiée peu nombreuse et d’un score Jadad évalué à 0.

La méta-analyse Cochrane de Dennis et Dowswell conclut d’ailleurs en 2013 que les preuves ne sont pas suffisamment concluantes pour permettre de recommander l’acupuncture dans le traitement de la dépression prénatale. Pourtant, par rapport au début du traitement, elle montre néanmoins que l’acupunture spécifique a une réduction de 50% du score HDRS versus acupuncture non spécifique (RR= 1,68 ; IC 95% 1,06 à 2,66) [[73]].

Cette méta-analyse a pris en compte deux essais comparatifs (ou contrôlés) randomisés (ECR), ceux de Manber en 2004 et 2010. Une autre revue systématique aussi de 2013 et analysant les deux mêmes ECR conclut par contre qu’il existe des preuves de haut niveau pour soutenir l’utilisation de l’acupuncture dans les états dépressifs majeurs durant la grossesse [[74]].

L’ECR de Manber en 2004 (n=61) a inclus des femmes entre 11 et 28SA avec un HDRS17 >=14. Huit semaines de traitement en douze sessions. Trois groupes : acupuncture (n=20), acu non spécifique (n=21) et massages (n=20). Les points ont été choisis individuellement selon les principes de la médecine chinoise. Des points ont été interdits : 4F, 1 et 6RP, 21VB, 60 et 67V, 3 et 4RM, 5 et 6RM, 36ES et 45ES, 23V et 32V, 4R et 44VB, 12RM en fin de grossesse.

Les critères de jugement sont l’HDRS17 et le BDI (échelle Beck). On observe 69% d’efficacité de l’acupuncture spécifique avec amélioration significative de l’HDRS et BDI (p<0,0001). Ce pourcentage est équivalent à celui du traitement allopathique (50-70%). Les massages et l’acupuncture placebo offrent un taux respectif d’amélioration de 32% et 47%. Pas de différence significative néanmoins entre les deux groupes acupuncture (p=0,115) [[75]]. Cette étude est de qualité méthodologique moyenne car le score de Jadad peut être estimé à 3. Il y a bien randomisation, mais non décrite ; l’insu-patient non prouvé par un questionnaire ; il y a un insu-évaluateur et une analyse en intention de traiter. Mais on peut objectiver des limites comme la faible puissance avec une population (n=61) trop homogène.

L’objectif du second ECR (n=152) en double aveugle de Manber en 2010 a été d’estimer l’efficacité de l’acupuncture dans la dépression pendant la grossesse. Cent-cinquante femmes enceintes (12 à 30SA) qui avaient des critères de trouble dépressif majeur (HDRS>14) selon le DSM IV-TR ont été randomisées en trois groupes. Le premier groupe (n=52) a bénéficié d’acupuncture spécifique individualisée de la dépression. Le deuxième groupe : acupuncture contrôle non spécifique (n=49) ; troisième groupe (n=49) : massages. Le traitement a duré huit semaines (douze séances de vingt-cinq minutes, à raison de deux séances par semaine les quatre premières semaines, puis une par semaine les quatre dernières semaines). Le critère principal : HDRS, calculé par des évaluateurs en aveugle, au départ, puis à quatre et huit semaines de traitement. On observe une diminution statistiquement significative (p<0,05) de la gravité des symptômes chez les femmes qui ont bénéficié de l’acupuncture spécifique versus les deux autres groupes combinés ou le groupe acupuncture non spécifique seul (figure 2). En conclusion, ce protocole d’acupuncture spécifique a montré son efficacité avec un pourcentage de réponse comparable à celui observé dans les traitements de la dépression standard de durée similaire. Les auteurs déclaraient que l’acupuncture pourrait être une option thérapeutique valide dans la dépression durant la grossesse. Cet ECR est d’excellente qualité méthodologique (Jadad = 5) [[76]].

Figure 2. Changement du score (HDRS) de la sévérité de la dépression dans les trois groupes, d’après 76].

Conclusion

A la lumière de ce cas clinique, des études expérimentales et de ces ECR, on peut donc considérer que l’acupuncture est une alternative séduisante aux traitements classiques. Sans effets secondaires, sans effets iatrogènes autant sur la maman que sur l’enfant alors que l’on connaît les effets indésirables associés au traitement pharmacologique des états dépressifs sur les fœtus à échéance [[77]]. Il ne serait pas déraisonnable d’utiliser l’acupuncture en tant que monothérapie dans les dépressions des femmes enceintes. Cela pourrait être une alternative raisonnable aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ou de la psychothérapie. Néanmoins, il est nécessaire de réaliser de nouveaux ECR de grande puissance et grande qualité méthodologique et même de réaliser des ECR entre acupuncture et ISRS si l’éthique le permet, ceci afin de déterminer si l’acupuncture peut être considérée comme un traitement de première ligne chez les femmes enceintes. En conclusion et compte tenu de tous ces éléments, l’utilisation de l’acupuncture dans les états dépressifs chez la femme enceinte peut être proposée avec un grade B de présomption scientifique de niveau 2 de preuves selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé française (HAS) [[78]].

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 Electroacupuncture chez la femme enceinte – abord pratique et théorique dans les algies

La statue d’Helvetia sur les bords du Rhin -Bâle – Suisse
La statue d’Helvetia sur les bords du Rhin -Bâle – Suisse


Résumé :
 Introduction. L’objectif de ce travail est d’évaluer la possibilité d’utiliser l’électroacupuncture (EA) à visée antalgique ou analgésique chez la femme enceinte. Méthodes. A partir de trois cas cliniques (douleurs lombo-pelviennes, céphalées et syndrome du canal carpien), la discussion portera sur l’intérêt d’utiliser l’EA en obstétrique en complément de l’acupuncture manuelle. Après un rappel des contre-indications, des effets indésirables et des points interdits, est réalisé un état des lieux des essais comparatifs randomisés (ECR) et méta-analyses concernant l’analgésie par stimulation électrique des points d’acupuncture au cours du travail de l’accouchement. L’acupuncture expérimentale est abordée également, permettant de mieux appréhender les mécanismes neurophysiologiques. Résultats. L’utilisation de l’EA ou de la TEAS potentialise les effets de l’acupuncture manuelle seule. Il s’agira de privilégier dans les algies nociceptives l’EA alternant basse (2 Hz) et haute fréquence (100 Hz) alors que dans les douleurs neuropathiques, l’EA basse fréquence de 2 à 16 Hz est plus efficace que les hautes fréquences. Conclusion. Selon les preuves issues des ECR, on peut considérer que l’EA ou la neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture (TEAS) doit être utilisée avec ou sans acupuncture manuelle. Mots clés : Electroacupuncture – Algies – Analgésie –Travail – Obstétrique – Effets secondaires – Points interdits – Neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture – TEAS – Mécanismes neurophysiologiques.

Summary: Introduction. The objective of this study was to evaluate the possibility of using electroacupuncture (EA) for pain or analgesic referred in pregnant women. Methods. From three clinical cases (lumbar-pelvic pain, headache and carpal tunnel syndrome), the discussion will focus on the benefits of using EA in obstetrics in addition to manual acupuncture. After recalling the contraindications, adverse events and forbidden points, an overview of randomized controlled trials (RCTs) and meta-analyzes of analgesia by electrical stimulation of acupuncture points in the labor of the delivery is made. The experimental acupuncture is also addressed, to better understand the neurophysiological mechanisms. Results. The use of electroacupuncture or TEAS potentiates the effects of the single manual acupuncture. It will be preferred in the nociceptive pains alternating bass EA (2 Hz) and high frequency (100 Hz) while in neuropathic pain, the low-frequency EA 2 to 16 Hz is more effective than the higher frequencies. Conclusion. According to evidence from RCTs, we can consider that the EA or transcutaneous electrical nerve stimulation applied to acupuncture points (TEAS) must be used with or without manual acupuncture. Keywords: Electroacupuncture – Algies – Analgesia – Labor – Obstetrics – adverse events – forbidden points – TEAS – neurophysiological mechanisms–  transcutaneous electrical acupoint stimulation.

Introduction

L’électroacupuncture (EA) permet, au travers des aiguilles, de délivrer aux points d’acupuncture de faibles courants électriques caractérisés par la durée de l’impulsion (de 50µs à 500µs – 0,05ms à 0,50ms), l’intensité (de 0,1 à 20 mA) et la fréquence (de 1 à 120 Hz), le tout variable selon les appareils. A différencier de la neurostimulation électrique transcutanée (TENS) ou de la neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture (TEAS = transcutaneous electrical acupoint stimulation). L’EA est percutanée alors que le TENS ou le TEAS est réalisée par l’intermédiaire d’électrodes adhésives appliquées sur la peau, donc transcutanée. Le tableau I objective les différences possibles. On différenciera également l’acupuncture manuelle des techniques électriques. En effet, la stimulation sur les afférences des fibres Aδ (delta) et C engendrée par la rotation de l’aiguille à une fréquence de deux tours par seconde pendant 30s, ne pourra être assimilée qu’à l’EA basse fréquence à 2Hz, et comme elle, implique l’activation de certains récepteurs opioïdes [[1],[2]].

A partir de cas cliniques, la discussion va permettre d’évaluer l’intérêt de l’électroacupuncture dans les pathologies les plus couramment observées lors de la grossesse, les contre-indications, les modalités des protocoles confrontés aux données issues des essais comparatifs randomisés (ECR).

Tableau I. Différences dans l’action antalgique entre TENS ou TEAC et EA inspiré de l’article [[3]].

EATENS ou TEAS
Courant stimulant en profondeur par l’intermédiaire des aiguillesCourant nécessitant le passage de la barrière cutanée présentant une impédance estimée à 2000 ohms [[4],[5]]
Selon les fréquences, l’EA favorise davantage les fibres nerveuses myélinisées Aβ, Aγ ou Aδ et de façon moindre les afférences nociceptives non myélinisées de type CStimulation des mêmes fibres nerveuses mais nécessité de franchir l’interface électrode – gel – peau qui se comporte comme un condensateur ou comme une résistance : cela peut provoquer des variations de courant pendant et après l’impulsion. De ce fait, cela peut être source de douleurs et d’inconfort d’autant plus grande que l’impédance cutanée diminue lors de la production de sueurs ou de la pression appliquée sur la peau.
Récepteurs opioïdes impliqués
En fonction de la fréquence : à 2 Hz activation des récepteurs μ et δ via les β endorphines, les enképhalines et les endomorphines ; à 100 Hz : les récepteurs κ via la dynorphine
Mêmes récepteurs opioïdes impliqués en fonction de la fréquence [[6],[7]]
Effet sur processus nerveux plus facile et durable :
analgésie opiacée
réparation tissulaire
Les variations de l’impédance cutanée rendent le TENS moins prévisible que l’EA.
Nécessité d’une intensité plus forte pour stimuler en profondeur les fibres motrices ou sensitives
Risque d’activation des fibres C nociceptives en raison de la sensibilité à l’hydratation cutanée, la pression et la fréquence du courant 
Action antalgique et sur la circulation
Tolérance dès 30 mn
Non utilisable à domicile
Action antalgique et sur la circulation
Mais la largeur de l’électrode de surface du TENS permet de recruter un volume d’afférences plus grandes :
Tolérance retardée
Action plus forte sur la circulation
Usage possible à domicile

Cas cliniques

Douleurs lombo-pelviennes

À 35SA, Madame N. N se présente avec des douleurs lombaires basses avec irradiation bilatérale de type L5, chroniques depuis 15 jours. Elle quantifie sa douleur sur une échelle visuelle analogique (EVA) à 7,1. Son incapacité fonctionnelle évaluée avec l’Oswestry Disability Index (ODI) est à 50% sur une échelle de 0 à 100% (0% = absence d’incapacité à une incapacité totale = 100%). La langue pâle, pouls fins et faibles. Elle est fatiguée. Le diagnostic de Vide de qi des Reins selon la différenciation des syndromes (bianzheng), permet de puncturer est le 3R (taixi), 23V (shenshu), mais aussi 62V (shenmai), 41VB (zulinqi), les points huatojiaji par EA à une fréquence de 2Hz alternée à celle de 100 Hz (durée de l’impulsion 300µs ; 2/100Hz), et enfin les points douloureux locaux (points ashi). Au terme de trois séances (une par semaine), l’EVA passe à 2,5 et l’ODI 20%.

Canal carpien

À 24SA, Mme R. S présente un syndrome du canal carpien bilatéral depuis 3 semaines. Elle évalue ses douleurs et paresthésies nocturnes et les engourdissements diurnes à 6 à l’EVA. La langue est pâle sans enduit, mince. Le pouls est fin (xi).  On peut considérer qu’il y a un Vide de qi et Stase de Sang résultant au shoujueyin, Méridien du Maître du Cœur. L’EA est appliquée sur 7MC (daling) et 6MC (neiguan) à une fréquence de 15Hz (500µs). Les autres points poncturés sont les 4MC (ximen), 11GI (quchi), 5TR (waiguan). Une amélioration est obtenue en quatre séances à une semaine d’intervalle entre elles.

Céphalées

Depuis le début de sa grossesse, cette femme à 21SA se plaint de céphalées frontales en barre, chroniques, survenant une fois par semaine associées à des cervicalgies ou des céphalées pouvant toucher toute la tête. Elle évalue une douleur fluctuante entre 3 et 6 à l’EVA. Elle se plaint d’asthénie, de stress, de myalgies diffuses et de vertiges. La langue est pâle. Les pouls sont fins (xi) et faibles (ruo). On peut la catégoriser selon les bianzheng dans le Vide de qi et de Sang (avec Vent interne). Selon la physiopathologie chinoise, le yang du Foie, le Feu du Foie et le Vide de Sang du Foie peuvent être les causes de Vent interne. Dans notre cas, on peut considérer que le Vide de Sang devient Vent. De ce fait, le traitement appliqué va consister à chasser ce Vent par le 20VB (fengchi) par EA à une fréquence de 100Hz (300µs). Le 20DM (baihui), le yintang, le 3F (taichong) et le 6MC (neiguan) sont stimulés également avec recherche du deqi. L’amélioration se fait sentir à la 2e séance avec un EVA estimé à 2 et à la 3e séance, il n’est plus que de 1.

Contre-indications

L’EA est comme le TENS contre-indiquée de manière absolue ou relative selon les circonstances chez la femme enceinte sur des régions cutanées lésées ou insensibilisées ; sur la région cervicale antérieure au niveau des sinus carotidiens, au niveau de l’abdomen ; en cas d’utilisation avec tout dispositif médical implantable actif de type stimulateur cardiaque (pacemaker) et en cas d’utilisation concomitante avec un autre appareil réalisant électrocardiogramme, électroencéphalogramme, etc. [6], du fait de possibles interférences. A noter que s’agissant du pacemaker, il s’avère que l’EA puisse être malgré tout utilisée en prenant certaines précautions [[8]].

 Les effets secondaires et sécurité de l’électroacupuncture chez la femme enceinte

Acupuncture

Deux revues systématiques récentes de 2014 et 2015 montrent qu’il n’y a aucune preuve objective de préjudice de l’acupuncture chez la femme enceinte. Aucune fausse couche, aucun accouchement prématuré ou autres complications obstétricales ont été attribués à l’acupuncture [[9],[10]]. La plupart des effets secondaires sont mineurs et correspondent à ceux que l’on retrouve dans la population tout venant, à savoir étourdissements, perte de conscience, baisse de pression, ecchymoses ou douleurs au site d’insertion de l’aiguille [[11]]. En effet, les effets secondaires chez la femme enceinte sont mieux connus, de même que la notion des points dits interdits [[12],[13]]. D’ailleurs, il serait plus judicieux de parler des points à utiliser avec précaution et à puncturer en fonction de la grossesse. De ce fait, Carr  a répertorié quinze essais cliniques utilisant ces fameux points interdits dans leur protocole (n=823 femmes bénéficiant de 4549 à 7234 traitements d’acupuncture sur un ou plusieurs points interdits) et a objectivé que le taux de naissances prématurées et de mort-nés était équivalent à celui des groupes témoins non traités et conforme au taux habituel de ces complications dans la population générale [[14]]. De même, une grande étude observationnelle allemande (n=5885 femmes avec acupuncture sur les points interdits à tous les stades de la grossesse) a observé que les taux de fausse couche, de rupture prématurée des membranes, le travail prématuré ou menace de travail prématuré sont comparables à ceux des femmes enceintes non traitées et/ou compatibles avec l’incidence prévue [[15]].

Electroacupuncture

Un autre point important à connaître est la sécurité et les effets secondaires de l’utilisation de l’électroacupuncture indépendamment de l’acupuncture manuelle. Ceux-ci ont été étudiés dans plusieurs études essayant de démontrer le rôle abortif de l’EA en stimulant les points considérés comme interdits. Ainsi en 1977, Tsuei et coll. [[16]] ont utilisé l’EA au 4GI (hegu) et 6Rte (sanyinjiao) afin d’induire une fausse couche ou le travail dans une tentative de mettre fin à sept grossesses saines, mais indésirables, à mi-terme. Aucune réussite, en dépit du ramollissement et de l’effacement col utérin et des fortes contractions utérines alors que pour trente-quatre femmes à terme, le déclenchement par EA fut une réussite (78% des femmes).

Une autre étude chinoise fut réalisée sur 276 parturientes entre 37 SA et 42 SA au premier stade du travail réparties en un groupe EA (n=138) et un groupe ocytocine (n=138). Le groupe EA bénéficiait d’EA au point 4GI après recherche du deqi puis stimulation électrique à une fréquence alternée 2 et 100 Hz pendant 30 mn associée à une perfusion d’ocytocine. Le groupe ocytocine n’avait pour seul traitement que la perfusion d’ocytocine. La fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, la pression artérielle des femmes, la fréquence cardiaque fœtale ainsi que le score d’Apgar à la naissance ont été enregistrés. Pas d’effets secondaires ni d’incidents n’ont été rapportés dans les deux groupes. Les auteurs ont juste remarqué que l’EA au 4GI associé à la perfusion d’ocytocine permettait d’intensifier les contractions utérines et de raccourcir le travail [[17]].

Un autre ECR multicentrique (n=350 femmes en phase de travail, 38 à 41SA) ont été répartis au hasard dans le groupe EA (point dit interdit 6Rte) stimulé à une fréquence 4/20 Hz ; 30 mn), le groupe EA témoin et le groupe contrôle sans thérapeutique. De même, cette étude a montré aucun événement indésirable observable au cours du processus du travail dans les trois groupes (pas de différence sur la durée des contractions, les hémorragies, la délivrance, la sécrétion lactée, etc.) [[18]].

Plus récemment, un autre ECR en simple aveugle (n=111) s’est intéressé aux effets de l’EA toujours sur 6Rte (2/100hz) durant le travail dans trois groupes EA (38 cas), un groupe acupuncture placebo (37 cas) et un groupe témoin (36 cas). La pression artérielle et le rythme cardiaque des femmes ainsi que le rythme cardiaque du fœtus ont été mesurés à 20 min de l’EA et 30 min après le retrait des aiguilles. On observait une phase active de la 1re étape du travail statistiquement plus courte que celle des autres groupes (p <0,05). Par ailleurs, il n’y avait pas de différences statistiquement significatives entre les trois groupes en ce qui concerne le rythme cardiaque du fœtus, les saignements 24h après le travail et le score Apgar des nouveau-nés à 1mn. Pas d’effets secondaires, ni d’incidents dans les trois groupes [[19]].

Pour terminer, il est à noter que des études expérimentales réalisées chez des rates gravides ont démontré que l’EA n’entraînait ni avortements, ni augmentation de morts in utéro, ni malformation durant la grossesse [[20]]. Guerreiro da Silva et coll. ont d’ailleurs retrouvé des résultats similaires toujours chez des rates gravides. L’utilisation conjointe d’EA (5Hz ; 25mn) sur les points interdits 6Rte et 4GI mais aussi 27V (xiaochangshu) et 28 V (panguangshu) pendant toute la gestation n’avait pas d’influence sur le taux de décès embryonnaire lors de l’implantation ou sur la provocation de fausse couche, de perte fœtale ou de résorption [[21],[22]].

En conclusion, on constate que tous ces résultats sont rassurants et que l’EA peut être utilisée sans arrière-pensée.

Implications à visée antalgique et analgésique

 La douleur du travail lors de l’accouchement

L’un des premiers ECR concernant l’analgésie obstétricale par EA durant le travail est celui de Martoudis et Christofides qui utilisaient l’EA (3-4 Hz) et objectivaient une diminution des algies par stimulation du point 4GI (hegu) pendant une durée de 20 à 40 mn. La durée moyenne de l’analgésie était de 6 heures. Les auteurs montrèrent dans cet essai ouvert (n=186) sans groupe placebo, sans groupe contrôle et sans randomisation que 87,75% des femmes étaient soulagées [[23]].

En 2007, Chao et coll. dans un ECR en double aveugle objectivait une amélioration de la douleur durant le premier stade du travail. Ils utilisaient dans le groupe (n=52) traité par TEAS (2/100Hz en alternance ; intensité 10-18 mA ; durée d’impulsion : 250µs, 30mn) les points 4GI (hegu) et 6Rte (sanyinjiao) bilatéralement. Le second groupe (n=53) avait un placebo de TENS (stimulation électrique à moins de 5mA et sans alternance de fréquence). Le groupe TEAS a eu une réduction statistiquement significative du score de 3 sur l’EVA versus le groupe placebo (p<0,001) [[24]]. Un autre ECR (n=49) de 2007, mais utilisant cette fois l’EA au lieu du TEAS, et sur les mêmes points (2/100 Hz ; 14 à 30 mA pendant 20 mn) objectivait une intensité de douleur inférieure et un meilleur degré de relaxation que dans le groupe témoin (p=0,018 ; p=0,031). Par ailleurs, en second critère de jugement étaient objectivés des augmentations significatives des concentrations plasmatiques de β-endorphine et de 5-HT (sérotonine) mesurées avant et après le début du traitement dans le groupe EA versus groupe témoin [[25]].

Borup et coll. comparèrent l’effet de l’acupuncture versus TENS (100 Hz ; 60µs ; 20 à 45mn) et analgésiques traditionnels (papules d’eau stériles, pethidine, protoxyde d’azote, péridurale) dans un ECR non en aveugle (n=607), utilisant trente-quatre points (4GI, 6Rte, 6MC, 7C (shenmen), 34VB (yanglingquan), 9Rte (yinlingquan), etc. Le traitement était individualisé selon la localisation de la douleur. Si les résultats objectivent que l’utilisation des méthodes invasives ou pharmacologiques était significativement plus basse dans le groupe acupuncture versus groupe analgésique traditionnel (p < 0,001) et versus TENS (p=0,031), par contre l’intensité de douleur était comparable dans les trois groupes [[26]].

La méta-analyse de Cho et coll. basés sur deux thèses chinoises [[27],[28]] objective que l’EA (2/100 Hz) sur le 6Rte est davantage analgésique à 15 et 30mn (p=0,04 et p=0,003) versus placebo. Malheureusement, l’effet de l’EA n’est pas maintenu au-delà de 30mn (figure 1) [[29]].

Figure 1. EA vs EA placebo à 15mn, 30mn pendant l’EA ; à 1, 2 et 3h après l’EA.

En 2011, Ma et coll. dans un ECR multicentrique (n=350) objective que l’EA (4 Hz en alternance à 20 Hz) permet d’engendrer une analgésie dès 30 mn et jusqu’ à 4 heures après le retrait des aiguilles. Par convenance et laisser les mains libres à la patiente en EA, seul le point 6Rte a été stimulé (figure 2) [[30],[31]].

Figure 2. Versus groupe EA placebo et groupe témoin, l’analgésie est statistiquement significative (p<0,05) à 30mn, 2 et 4h pendant le travail dans le groupe EA 4/20 Hz sur 6Rte (sanyinjiao).

Cependant MacKenzie et coll. dans un ECR en double aveugle (n=105) montraient qu’il n’y avait aucun avantage analgésique dans la douleur du travail chez les nullipares observé entre quatre groupes : EA (n=26 ; 4GI et 6Rte, 60V kunlun et 67V zhihin ; 2Hz, 500µs ; 30mn) ; acupuncture manuelle (n=26) ; acupuncture placebo (n=27) et groupe témoin (n=27) [[32]].

Le TEAS (5/10 Hz ; 250µs) au 4GI et au 6Rte a de nouveau été évalué en 2014 dans la gestion de la douleur du travail. Il n’y avait pas de différence significative entre les trois bras de cet ECR (groupe 4GI (n=40) ; groupe 6Rte (n=40) et groupe témoin). Néanmoins, antalgie et raccourcissement de la durée du travail étaient davantage observés dans le groupe 4GI [[33]].

Vixner et coll. dans un ECR longitudinal (n=303 nullipares) ont randomisé trois groupes : acupuncture manuelle (AM), électroacupuncture (80Hz) ou soins standard sans acupuncture (SA). Les séances duraient 40 mn. Les points les plus utilisés : 4GI, EX-B-2 (huatuojiaji), 3F, 6Rte, 7P, 6MC, 11R, 20VG, etc. Il n’y avait également aucune différence significative entre les trois groupes concernant l’analgésie. Par contre, les auteurs remarquaient que les femmes dans le groupe EA avaient peu utilisé l’analgésie péridurale (46%) par rapport aux femmes du groupe MA (61%) et celles du groupe SA (70%) (EA vs SA : odds ratio OR=0,35 ; (IC 95% = 0,19 -0,67), ce qui laissait supposer que l’effet de l’EA avait été sous-estimé [[34]].

En Chine, en 2014, l’équipe de Dong et coll. ont à nouveau évalué la gestion de la douleur du travail dans un ECR comprenant trois groupes de femmes nullipares : un groupe huatuojiaji (EX-B-2, les points situés latéralement de part et d’autre de la 10e vertèbre thoracique à la 3e vertèbre lombaire ; n=63), un groupe 6Rte (n= 61) et un groupe témoin (n=64). La stimulation électrique a été délivrée à partir d’un appareil (Hans-100B®) à la fréquence 2 Hz alternée à 100Hz (durée de l’impulsion=500µs ; 15mA, voire plus en fonction de la demande). Après 30 min d’intervention, on notait un effet antalgique dans les deux groupes TEAS par rapport au groupe témoin (p<0,01) sans différence significative entre les deux groupes TEAS (p>0,05). Après une intervention de 60 et 120 minutes, l’analgésie de la TEAS aux points EX-B-2 était de manière statistiquement significative plus forte que dans le groupe 6Rte (p<0,05). Par ailleurs, la phase active du travail était aussi diminuée versus groupe témoin (p <0,05) [[35]].

Une confirmation de ces données était donnée en 2015 par l’ECR de Liu et coll. avec une TEAS sur huatuojiaji (T10 à L3) et ciliao (32V) à une fréquence de 100/2Hz et une intensité de 15-30 mA produit par un stimulateur « Acupoint Nerve Stimulator Han »®) [[36]].

Acupuncture expérimentale

Expérimentalement, L’EA module le message nociceptif par de multiples mécanismes centraux et périphériques tout le long de sa transmission. Vont intervenir les différents opioïdes et leurs récepteurs µ, κ, δ, les récepteurs adrénergiques, cholinergiques, sérotoninergiques, GABAergiques, au glutamate (NMDA), etc. La modulation de la douleur pourra se faire par le système inhibiteur descendant sérotoninergique et catécholaminergique, le système hypotalamo-hypophysaire, etc. [37-39].

Plus spécifiquement dans le travail au cours de l’accouchement, des études ont montré que l’EA inhibe le cortisol sanguin et l’hormone corticotrope (ACTH) [[40]] et augmente la libération de β-endorphine et 5-HT (sérotonine) [25]. Néanmoins, les mécanismes d’action précis de l’EA dans l’analgésie durant le travail lors de l’accouchement ne sont pas clairs. De ce fait, une étude en 2016 sur un modèle expérimental de douleur du travail chez des rats enceintes (n=120) a exploré les mécanismes sous-jacents de l’action de l’EA (2/100Hz ; 0,1-0,3 mA). Quatre groupes (6Rte, 4GI, 6Rte+4GI, 10Rte (xuehai) ont été randomisés. Les auteurs ont démontré que l’EA dans tous les groupes a considérablement soulagé la douleur du travail. La concentration de dynorphine sérique a augmenté. L’EA permet la régulation du système dynorphine – récepteur κ (kappa/OP2/KOR) au niveau de la moelle épinière lombaire, mais pas dans le cortex cérébral. Le maximum d’effet se voit dans le groupe EA 6Rte, puis dans l’ordre 4GI, association 4GI+6Rte et enfin 10 Rte [[41]].

En pratique

Il ressort de toutes ces ECR et études expérimentales que le choix des paramètres électriques est important dans l’efficacité de l’EA. La plupart des études citées objectivent par exemple que l’analgésie du travail n’est pas observée si la fréquence de stimulation est haute [26,34] ou basse non alternée [32], alors qu’elle est observée dans les études avec fréquence de stimulation alternant hautes et basses fréquences.

En effet, de nombreux paramètres électriques interviennent : la fréquence, la durée d’impulsion, l’intensité de la stimulation. Il faudra aussi tenir compte du temps d’intervention et du choix des points. On sait que dans les algies de type nociceptif comme les douleurs lombo-pelviennes, l’effet optimum de l’EA sera obtenu globalement en stimulant par alternance en basse (2 Hz) et haute fréquence (100 Hz) ou éventuellement à la fréquence de 15 Hz, de façon à ce que les quatre sortes de peptides opioïdes endogènes (endorphines, enképhalines, endomorphines, dynorphines) soient libérées simultanément [[42],[43]]. L’EA à 2 Hz active les récepteurs μ et δ ; celle à 100 Hz, les récepteurs κ et la dynorphine. Il s’avère aussi que le mode d’alternance toutes les 3 s des fréquences 2/100 Hz est 40% plus antalgique que le mode 2+100 Hz car ce dernier ne libère que de la dynorphine. Dans les céphalées, on privilégiera pour les céphalées en phase de crise l’EA haute fréquence (100Hz), et, l’EA basse fréquence (2-10Hz) pour le traitement antalgique à long terme. La douleur du canal carpien est une douleur de type neuropathique qui sera davantage sensible, selon les études expérimentales, à l’EA basse fréquence de 2 à 16Hz impliquant la médiation des récepteurs sérotoninergiques (5-HT), des récepteurs GABAergiques, des récepteurs du glutamate (NMDA), des récepteurs opioïdes μ et δ, des récepteurs α2-adrénergique, des récepteurs cholinergiques, etc. [[44]]. Ainsi les effets antalgiques de l’EA (2Hz ; 500µs) sur une douleur neuropathique de type allodynie créée sur un modèle animal par section des racines nerveuses S1 et S2 sont en relation principalement avec les récepteurs cholinergiques muscariniques [[45]].

La durée de l’impulsion en pratique est en général fixée par le constructeur à 500µs (ex. Agistim duo Sédatelec®) valeur optimum pour les différentes fréquences, mais il est possible de les moduler de 50 à 300 µs sur le stimulateur schwa-medico ®. Savoir aussi qu’à une intensité de 1 mA, une EA de 10 Hz (2000 µs) produit un effet antalgique à court terme similaire à celle produite à une intensité de 3 mA et une fréquence de 100 Hz avec une impulsion de 100µs. Il apparaît ainsi que l’accroissement de la durée de l’impulsion a le même effet que l’accroissement de la fréquence électrique ou que l’augmentation moyenne de la durée de stimulation [[46]].

L’intensité de la stimulation est à tenir compte aussi : plus l’intensité sera forte et meilleure sera l’antalgie. Demander donc au patient d’endurer la limite du supportable.

Il s’agira aussi d’être vigilant à la durée de l’intervention : un traitement de 20mn est plus adapté dans l’analgésie qu’un traitement court (10 mn) voire long (30 mn) qui entraînera une certaine tolérance, résultat d’une désensibilisation des récepteurs opioïdes mais aussi d’une libération des anti-opioïdes (octapeptide cholecystokinine CCK-8, orphanine FQ, etc.). Pour éviter cette tolérance et maintenir l’effet antalgique comme dans l’analgésie du travail, il est nécessaire d’utiliser l’alternance de fréquence 2/100 Hz.

Et enfin bien choisir le point d’acupuncture à stimuler en fonction de sa spécificité.

Conclusion

L’EA ou la neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture (TEAS) partage avec l’acupuncture manuelle les mêmes effets secondaires et les mêmes considérations sur les points interdits. Dans l’analgésie du travail, la stimulation électrique des points cutanés à la fréquence alternée 2/100 Hz semble être à ce jour le traitement le plus antalgique, à condition de l’utiliser dans les conditions temporelles optimum. Dans les autres pathologies douloureuses de la femme enceinte, il sera nécessaire de faire le bon choix des fréquences d’intervention de la stimulation électrique. En dehors de son action antalgique, l’EA a-t-elle sa place dans les autres pathologies de la femme enceinte ? Ce sera le thème d’un prochain article.

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Stéphan JM. Electroacupuncture chez la femme enceinte – abord pratique et théorique dans les algies. Acupuncture & Moxibustion. 2016;15(2):130-138. (version PDF imprimable)

Place de l’électroacupuncture chez la femme enceinte dans les nausées-vomissements, la maturation cervicale et l’induction du travail

Temple de la grotte de Varaha – Mamallapuram – golfe du Bengale -Tamil Nadu – Inde
Temple de la grotte de Varaha – Mamallapuram – golfe du Bengale -Tamil Nadu – Inde

Résumé : Introduction. L’objectif de ce travail est d’évaluer la possibilité d’utiliser l’électroacupuncture (EA) chez la femme enceinte dans les nausées-vomissements, la maturation cervicale et l’induction du travail. Méthodes. A partir de deux cas cliniques, la discussion portera sur l’intérêt d’utiliser l’EA en obstétrique en complément de l’acupuncture manuelle en se basant sur un état des lieux des essais comparatifs randomisés (ECR) et des méta-analyses. L’acupuncture expérimentale est abordée également, permettant de mieux appréhender les mécanismes neurophysiologiques. Résultats. L’utilisation de l’EA ou de la neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture (TEAS) potentialise les effets de l’acupuncture manuelle seule. Conclusion. Selon les preuves issues des ECR, l’EA peut être considérée comme plus efficace dans les nausées et vomissements, la maturation du col utérin et l’induction du travail chez la femme enceinte que l’acupuncture manuelle isolée. Mots clés : Electroacupuncture – Nausées – Vomissements – Maturation du col – Induction du travail – Obstétrique – Neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture – TEAS – Mécanismes neurophysiologiques.

Summary: Introduction. The objective of this study was to evaluate the possibility of using electroacupuncture (EA) in pregnant women in nausea, vomiting, cervical ripening and induction of labor. Methods. From two clinical cases, discussion will focus on the benefits of using EA in obstetrics in addition to manual acupuncture based on an inventory of randomized controlled trials (RCTs) and meta-analyzes. The experimental acupuncture is also addressed, to better understand the neurophysiological mechanisms. Results. Using the EA or transcutaneous electrical acupoint stimulation (TEAS) potentiates the effects of manual acupuncture alone. Conclusion. According to evidence from RCTs, the EA can be considered more effective in nausea and vomiting, ripening the cervix and inducing labor in pregnant women that the only manual acupuncture. Keywords: Electroacupuncture – Nausea – Vomiting – Maturation of the cervix – Induction of labor – Obstetrics – Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation applied to acupuncture points – TEAS – neurophysiological mechanisms.

Nous avons vu dans un précédent article la place de l’électroacupuncture (EA) [[1]] dans les algies chez la femme enceinte. Nous abordons à partir de cas cliniques, son intérêt dans les pathologies de la grossesse en dehors de l’action analgésique avec les modalités des protocoles confrontés aux données issues des essais comparatifs randomisés (ECR). 

Cas cliniques 

Nausées et vomissements du premier trimestre 

Une jeune femme de 28 ans, primipare, consulte à 15 semaines d’aménorrhée (SA) pour des nausées opiniâtres accompagnées d’hypersialorrhée, de crachats mousseux et de vomissements clairs de glaires et salive. La langue est épaisse avec empreintes des dents et enduit lingual central blanc, gras. Le pouls est glissant, perlé (hua). Selon la différenciation des syndromes (bianzheng), un diagnostic de Mucosités-Glaires est porté. Trois séances de 20mn à une semaine d’intervalle entraînent la disparition complète des nausées et vomissements. Les points utilisés : 6MC (neiguan), 12VC (zhongwan), 40E (fenglong) stimulé par EA à une fréquence de 100Hz (300µs), 3Rt (taibai) et 36E (zusanli).

Maturation du col et induction du travail 

Chez cette seconde pare à 41SA, avec un petit retard d’un jour par rapport à la date présumée d’accouchement et sans contractions utérines, une induction du travail est souhaitée. Un traitement non individualisé standard est utilisé impliquant les points 3F (taichong), 4GI (hegu), 6Rt (sanyinjiao), 31V (shangliao) et 32V (ciliao), 3VC (zhongji) et 4VC (guanyuan), les quatre derniers points en EA à une fréquence de 2Hz (300µs) pendant 30 minutes. Quelques contractions surviennent durant la séance et l’accouchement survient 20h après.

L’électroacupuncture à visée antiémétique

Le seul et unique ECR concernant l’EA dans les nausées et vomissements (NV) de la femme enceinte et qui démontre son efficacité est celui de Rosen [[2]]. Cet ECR en simple aveugle de bonne qualité méthodologique (n=187) montre une réduction au cours du premier trimestre de la grossesse de l’EA (fréquence non connue) sur 6MC (neiguan) versus groupe placebo. En fait, il s’agirait davantage d’un dispositif de neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture (TEAS = transcutaneous electrical acupoint stimulation) car la stimulation électrique se ferait par l’intermédiaire d’un bracelet Velcro de 34g muni d’électrodes adhésives appliquées sur la peau. La TEAS est réalisée par l’intermédiaire d’électrodes adhésives appliquées sur la peau de manière transcutanée alors que l’EA est percutanée. Quoiqu’il en soit et selon la collaboration Cochrane de Matthews et coll. [[3]], la stimulation électrique serait plus efficace que l’acupuncture manuelle.

Pour se faire une idée de l’efficacité de l’EA dans les NV, il faut se rapprocher aussi de ce qui se fait dans les NV induits par la chimiothérapie. Ainsi, la méta-analyse de Ezzo et coll. qui a étudié les trois différentes formes d’interventions (acupuncture manuelle, EA et acupression) objective que l’EA dans trois ECR (n=134) est bénéfique dans les vomissements aigus versus le traitement habituel (p=0,02). Versus groupe témoin, l’acupuncture manuelle ne serait pas efficace dans les NV et l’acupression le serait dans les nausées aiguës mais pas dans les vomissements [[4]]. L’EA est utilisée aux points 36E (zusanli) et 6MC (neiguan) à une fréquence de 2 à 10Hz (impulsion de 500µs à 700µs) [[5]].

Acupuncture expérimentale

Expérimentalement chez la souris, on observe que l’EA (2Hz alternée à 15Hz) au point 12VC (zhongwan) réduit la motilité gastrique par action sur les récepteurs vanilloïdes 1 (TRPV1) [[6]]. Une autre théorie suggère que chez le chien, l’EA au 6MC (1 à 30Hz) réduit les contractions rétrogrades péristaltiques à travers l’action directe sur les muscles lisses de l’intestin grêle et de l’estomac, action abolie par la naloxone, d’où l’implication des neuropeptides opioïdes [[7]]. Idem chez l’homme avec une EA à 1Hz, mais avec une modulation de l’activité myoélectrique gastrique visible par électro-gastrographie (EGG). Ainsi, l’EA sur le 6MC inhibe l’amplitude du péristaltisme gastrique alors que le 36E l’amplifie. Par contre, s’ils sont stimulés ensemble, on a un effet synergétique par diminution du péristaltisme gastrique [[8]].

Chez quatorze sujets sains dont on a déclenché volontairement une distension gastrique, la stimulation électrique du 6MC par TEAS (100Hz avec impulsion de 100µs) réduit de manière significative (40% ; p<0,02) la relaxation transitoire du sphincter inférieur de l’œsophage (RTSIO)[a]action non inhibée par la naloxone chez l’homme. Cet effet ne semble pas être médié par les récepteurs µ opioïdes [[9]]. On retrouve le même résultat chez le chat. L’EA à une fréquence de 2Hz alternant avec celle de 100Hz (2/100Hz) sur le 6MC et 36E réduit la RTSIO et peut être médiée par l’oxyde nitrique (NO)[b], les récepteurs CCK-A et les récepteurs µ opioïdes [[10]] et les voies cholinergiques [[11],[12]].


Commentaires sur le cas clinique

Selon les conceptions de la Médecine Chinoise, la croissance progressive du fœtus enclenche une augmentation progressive du qi, lequel associé à l’accumulation du qi du chongmai va déclencher une remontée de qi à contre-courant. Ce mécanisme contrarie le mouvement de descente normale du qi de l’Estomac qui va alors s’épuiser progressivement. Dans ce cas clinique, il y a un Vide de qi de la Rate et l’Humidité s’accumule et entraîne au final la formation de Mucosités-Glaires (tanyin). Le point important à puncturer est donc le 40E. Selon les données expérimentales réalisées chez l’homme, mais aussi chez l’animal, l’EA à une fréquence de 100Hz ou 2/100Hz semble le meilleur compromis pour réduire la RTSIO. En cas d’un bianzheng évoquant un Vide de qi de Cœur et Feu du Cœur, le 6MC en EA à une fréquence de 2Hz aurait été plus judicieux.


L’électroacupuncture dans la maturation du col puis l’induction du travail 

La provocation des contractions utérines ne suffit pas pour déclencher l’accouchement. On sait que pour se dilater, un col de l’utérus doit subir des modifications de structure. De ce fait, la méthode de déclenchement dépendra de l’état du col de l’utérus à apprécier par le toucher vaginal grâce au score probablement le plus utilisé en obstétrique, le score de Bishop (figure 1).  

Évaluation de la maturation du col utérin selon le score de Bishop (1964)[c]
 0123
Dilatation du colfermé1-2 cm3-4 cm≥ 5 cm
PositionPostérieureCentraleAntérieure 
EffacementLong (0-30%)Mi-long (40-50%)Court (60-70%)Effacé (>80%)
ConsistanceFermeMoyenneMolle 
Présentation (Positionnement de la présentation fœtale par rapport aux épines sciatiques)Mobile (3 cm au dessus)Amorcée (2 cm au dessus)Fixée (<1cm au dessus)Engagée

Figure 1. Valeurs du score : de 0 à 13 ; score >= à 7 : pronostic favorable (travail de moins de 4 heures chez les multipares).

 Lorsque le score de Bishop est favorable, le déclenchement du travail se fait directement. En cas de score défavorable, il est alors nécessaire tout d’abord de réaliser une maturation du col qui sera ensuite suivi du déclenchement.

La méta-analyse Cochrane de Smith et coll.

La Haute Autorité de Santé préconise la maturation cervicale par l’utilisation des prostaglandines E2 sous forme intravaginale, préférable à celle de l’ocytocine, du misoprostol (prostaglandine E1) et de la mifépristone pour le déclenchement artificiel du travail. En 2008, la HAS notifiait que les données disponibles ne permettaient pas de conclure sur l’intérêt de l’utilisation de l’acupuncture pour induire le travail[d]. Elle se basait sur la revue Cochrane de 2004 [[13]] et deux essais comparatifs randomisés [[14],[15]] qui avait pour objectif d’évaluer les effets de l’acupuncture sur la maturation cervicale et le déclenchement du travail pendant le troisième trimestre de grossesse. La revue Cochrane réalisée en 2004 et réactualisée en 2008 concluait qu’on avait besoin d’essais contrôlés randomisés bien conçus et de haute qualité méthodologique pour évaluer le rôle de l’acupuncture dans l’induction du travail avec des résultats cliniquement significatifs. Pourtant, les auteurs s’appuyaient sur trois ECR (n=212) [14,15,[16]]. Smith et al. objectivaient une efficacité clinique de l’acupuncture statistiquement significative (147 femmes, risque relatif RR=1,45 avec un intervalle de confiance IC à 95% de 1,08- 1,95 ; p=0,01) par rapport au  groupe contrôle relatant que l’acupuncture nécessitait moins l’utilisation des autres techniques d’induction versus les groupes contrôles. Néanmoins, les auteurs concluaient que la population incluse était trop petite et que les femmes n’étaient pas décrites comme aveugles dans leur groupe. De ce fait, les résultats pouvaient être dus à un effet placebo [[17]].

Cette revue bénéficia d’une mise à jour en 2013 [[18]] avec inclusion de onze nouveaux ECR, soit quatorze ECR (n=2220 femmes). Trois critères de jugement principaux ont été étudiés : césarienne, morbidité néonatale grave et mortalité maternelle. Aucun essai ne documentait d’accouchement non conclu par voie basse dans les 24 heures et d’hyperstimulation utérine avec des modifications de la fréquence cardiaque fœtale (FCF).

On objectivait qu’il y avait certaines preuves d’un changement dans la maturation cervicale pour les femmes recevant de l’acupuncture par rapport au groupe témoin sous acupuncture simulée[e] (avec une différence moyenne (DM) : 0,40 ; IC à 95% = 0,11-0,69 ; p=0,0062 dans un ECR de 125 femmes) [[19]] et versus soins habituels avec misoprostol (DM : 1,30 ; IC 95% = 0,11-2,49 ; p=0,032) dans un ECR de 67 femmes [[20]] (figure 2). Remarquons que les auteurs de la Cochrane signalaient qu’une étude (Trémeau 1992 [[21]]) avait également apporté de plus grands changements dans la maturation du col de l’utérus dans le groupe acupuncture par rapport aux soins habituels, mais ne les avaient pas inclus dans la méta-analyse, du fait de l’hétérogénéité des protocoles.

Par contre, il n’y avait aucune autre différence statistiquement significative dans six ECR (n=654) en termes d’accouchements par césarienne entre groupe acupuncture et groupe témoin sous acupuncture simulée (risque relatif moyen (RR) : 0,95 ; IC à 95 % = 0,69 à 1,30 ; p=0,65) [19,21,[22],[23],[24],26]. Pas de différence non plus entre groupe acupuncture et groupe soins habituels dans six ECR (n=364) (RR moyen : 0,69 ; IC à 95 % = 0,40-1,20 ; p=0,19) [15,20,21,22,24,[25]] pour les accouchements par césarienne. Dans un ECR de 67 femmes [20], la durée du travail était plus courte dans le groupe de soins habituels (misoprostol) par rapport à l’acupuncture (moyenne de la différence moyenne standardisée DMS = 0,67 ; IC 95% = 0,18-1,17, p=0,0076).

A noter qu’il n’y avait pas de différence statistiquement significative dans les convulsions néonatales entre groupe acupuncture et groupe sous acupuncture simulée dans un essai (n=364) [[26]] (RR : 1,01 ; IC à 95% = 0,06 – 16,04 ; p=0,99), objectivant la sécurité de l’acupuncture.

Figure 2. Comparaison de l’acupuncture versus groupe témoin dans la maturité du col utérin dans les 24h par évaluation du score de Bishop [18].

Depuis cette méta-analyse Cochrane de 2013, trois ECR sont parus [27-29]. Ajori et coll. (n=80 femmes à 38SA) utilisant le protocole d’acupuncture (4GI, 6Rt, 67V) n’ont pas objectivé de maturation ou d’induction du travail. Même chose avec l’ECR d’Andersen et coll. (n=407 femmes à 41SA)[f], et celui de Neri et coll. (n=221 femmes à 41SA + 5 jours) qui ont planifié des séances d’acupuncture tous les deux jours pendant une semaine.

Electroacupuncture

Comme le laisse entendre la méta-analyse Cochrane, la stimulation électrique des points d’acupuncture (EA) offre une maturation et une induction du travail plus efficace que l’acupuncture manuelle.

Ainsi, dans trois études chinoises, la majorité des femmes enceintes en terme dépassé avaient commencé le travail pendant le traitement électroacupunctural (fréquences entre 2 et 8Hz sur les points 6Rt et 4GI). Cependant, aucune de ces études n’avait inclus de groupe témoin, d’où le risque majeur de biais [17].  On notera aussi que la neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture (TEAS = transcutaneous electrical acupoint stimulation) augmente la fréquence et la force des contractions utérines [[30]] (figure 3).

En 2006, dans l’ECR de Harper et coll. [15] l’EA à 2Hz montre une tendance à un accouchement plus rapide dans le groupe acupuncture par rapport au groupe témoin (p=0,36) ainsi qu’une tendance à avoir moins de césariennes. Mais il existe des limitations de ce travail liées à l’inclusion d’un petit nombre de femmes (manque de puissance) et une étude réalisée non en insu (figure 4).

Figure 3. Le protocole de TEAS de Dunn et coll. [30] utilisant la stimulation électrique à la fréquence de 30Hz. 

Figure 4. La punture des points 4GI (hegu), 6Rt (sanyinjiao) et l’EA (2Hz) appliquée aux 31V (shangliao) et 32V (ciliao) entraine un accouchement survenu 21 heures plus tôt dans le groupe acupuncture par rapport au groupe contrôle, mais statistiquement non significatif (p=0,36) et moins de césariennes que le groupe témoin [15].

Un autre ECR canadien [23] de Gaudet et coll. en 2008 a essayé de déterminer l’efficacité de l’acupuncture pour induire le travail chez les femmes à terme à 41 SA (282 jours de grossesse en moyenne). Les auteurs ont constaté une différence de 62 heures, pour ce qui est de l’intervalle séparant l’intervention et l’accouchement, entre les deux groupes (en faveur du groupe « traitement ») et des périodes de travail plus courtes (figure 5). Cette étude pilote en double insu contre placebo de haute qualité méthodologique est malheureusement de très faible puissance. Les auteurs ont d’ailleurs calculé que pour avoir une puissance à 80% avec un risque alpha α de 5%, il fallait trente-huit parturientes par groupe pour détecter une différence.

Figure 5. L’EA à la fréquence variant de 1 à 2Hz est appliquée sur 6Rt, 43E (xiangu), 60V, 4GI et 36VB (waiqiu). Le groupe sham (acupuncture simulée) reçoit l’acupuncture sur des sites adjacents mais en dehors des méridiens et stimulés également par EA [23].

L’ECR de Gribel et coll. [20] paru en 2011 au Brésil n’est pas en insu tant pour les patientes que les praticiens et vise à comparer les effets de l’utilisation de l’EA (5/50Hz) et du misoprostol dans l’induction du travail chez les parturientes ayant un score de Bishop inférieur à 7.

Il n’y a pas de différence significative du travail dans les deux groupes en ce qui concerne la fréquence (p = 0,07) et le temps d’induction (p = 0,29), ce qui objective que l’EA est aussi efficace que le misoprostol. Cependant, on note surtout une absence de complication obstétricale et une plus grande satisfaction des patientes (p = 0,046) observées chez les patients du groupe EA bien que la durée du travail (p = 0,036) soit plus longue. Il existe aussi une fréquence plus élevée de césariennes (p = 0,014) et les complications obstétricales (9,3%) ont été observés chez les patientes du groupe misoprostol.

En conclusion, on objective que l’EA offre des résultats similaires dans la maturation du col et l’induction du travail au misoprostol mais sans survenue de complications obstétricales (figure 6).

Figure 6. L’EA (alternance 5/50Hz ; durée d’impulsion 200µs) aux points hegu (4GI), sanyinjiao (6Rt), zusanli (36E), taichong (3F), shenshu (23V) et ciliao (32V) peut être utilisée pour obtenir la maturation du col, avec des résultats similaires au misoprostol, avec une fréquence significativement plus élevée d’accouchements par voie basse et sans survenue de complications obstétricales [20]. L’EA a été exécutée tous les 7 h durant une hospitalisation par période de 24 h par cure de 3 sessions. 

Paramètres électrophysiologiques 

Une étude d’électroacupuncture expérimentale chez des rates au dernier stade de la grossesse a permis de déterminer les paramètres d’efficacité pour induire le travail en mesurant les contractions utérines. Les auteurs ont objectivé que l’EA sur hegu (4GI) et sanyinjiao (6Rt) pendant 20mn, entraîne des contractions utérines statistiquement significatives dans tous les groupes d’EA (n= 12 dans chaque groupe ; groupe EA traité par EA à 15Hz, groupe EA fréquence 2Hz en alternance 50 Hz, groupe 30Hz, groupe 50Hz, groupe 2/15Hz et 2/30Hz) par rapport au groupe témoin (animaux sans grossesse). On constate néanmoins que le groupe EA 2/50Hz offre une moyenne des niveaux plus élevés d’amplitude et de fréquence des ondes de contraction de l’utérus par rapport aux autres groupes EA [[31]].


Commentaires sur le cas clinique

En fonction des données issues des ECR et de l’électroacupuncture expérimentale, il s’avère que l’EA est plus efficace dans la maturation du col puis l’induction des contractions utérines que l’acupuncture seule. La fréquence de stimulation doit être basse, entre 2 et 50Hz, soit en fréquence unique de 2Hz ou alternée à celle de 50Hz. Le choix des points est également important. Toutes les études ont un minimum de points communs qui sont taichong (3F), hegu (4GI), sanyinjiao (6Rt), ciliao 32V. On peut ajouter 3VC (zhongji) et 4VC (guanyuan) qui favoriseraient davantage la maturation du col. Ainsi selon la médecine chinoise, 3VC qui est le point mu de Vessie et également point de croisement avec les Méridiens de Rein, Foie et Rate-Pancréas (comme le 4VC), draine l’Humidité et fortifie la déficience du yang qi, de l’énergie originelle yuan qi et du Rein tout comme le 4VC. Il est à utiliser effectivement avec le 4VC, lui même point mu d’Intestin Grêle et point majeur dans les dystocies du col, favorisant ainsi la maturation du col. 


 Conclusion 

A partir des données issues de l’acupuncture factuelle, L’EA ou la neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture est plus efficace que l’acupuncture manuelle dans les nausées, vomissements, dans la maturation du col utérin et l’induction du travail chez la femme enceinte. Aucune complication obstétricale n’a été décelée, confirmant l’innocuité et la sécurité de l’EA. Et comme pour les algies [1], l’utilisation de l’acupuncture chez la femme enceinte peut être proposée avec un grade B de présomption scientifique de niveau 2 de preuves selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé française (HAS) [[32]] en attendant d’avoir un ECR de très grande qualité méthodologique.  

Fontaine-des-Girondins-Felix-Charpentier-1858-1924-Place-des-Quinconces-Bordeaux-France
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Notes

[a]. La distension excessive de l’estomac active des récepteurs à l’étirement qui déclenchent un réflexe vaso-vagal provoquant la relaxation du sphincter inférieur de l’œsophage.

[b]. L’oxyde nitrique (NO) est le neuro-transmetteur non adrénergique et non cholinergique. Il permet la relaxation des muscles lisses de l’appareil gastro-intestinal.

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[d]. Acupuncture sham par aiguilles placebo de type Park

[f]. Protocole d’acupuncture utilisant 4GI, 36E, 3R (taixi), 60V (kunlun), 31V, 32V, 20VG (baihui), 6Rt.


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L’acupuncture dans l’engorgement mammaire et la mastite

Résumé : L’engorgement mammaire et la mastite sont des pathologies douloureuses pouvant inhiber le développement d’un allaitement correct. Selon la MTC, ces affections sont liées à une dysharmonie entre zuyangming et zujueyin et aussi à la possibilité de stase de qi dans le chongmai. De nombreuses études de cas, mais aussi des essais contrôlés randomisés (ECR) objectivent que l’acupuncture améliore efficacement la symptomatologie. De ce fait, il est souhaitable qu’elle puisse faire partie dès à présent de la stratégie thérapeutique. Il sera néanmoins nécessaire que des ECR de haute qualité méthodologique soient réalisés pour que la recommandation puisse être de grade A selon la HAS. Mots clés : allaitement – engorgement mammaire – acupuncture – mastite – synthèse.

Summary: Breast engorgement and mastitis are painful conditions that can inhibit the development of a correct breastfeeding. According to TCM, these disorders are linked to a disharmony between zuyangming and zujueyin and the possibility of stagnation of qi in the chongmai. Many case studies, as well as randomized controlled trials (RCTs) objectify that acupuncture improves the symptoms effectively. Therefore, it is advisable that it can do part now of the therapeutic strategy. It will nevertheless be necessary for high methodological quality RCTs are made to the recommendation may be to grade A according to the HAS. Keywords: breastfeeding – breast engorgement – acupuncture – mastitis – synthesis.

Les gorges du Saut du tigre (虎跳峡 ), canyon sur le fleuve Yangzi entre les deux sommets du Yulong Xue Shan (5 596 m) et du Haba Xue Shan (5 396 m), situé à 60 km au nord de la ville de Lijiang – Yunnan – 1800m d’altitude – Chine

Depuis les années 1980, nombreuses ont été les initiatives nationales et internationales entreprises en vue d’encourager l’allaitement maternel. En 1978, l’Organisation Mondiale de la Santé et l’UNICEF ont promulgué des normes, énoncées ultérieurement dans leur déclaration conjointe et intitulée « Protection, encouragement et soutien de l’allaitement maternel : le rôle particulier des services liés à la maternité » comportant les dix conditions pour le succès de l’allaitement [[1]]. Ces deux organisations internationales préconisent une stratégie mondiale qui repose sur l’importance avérée de la nutrition dans les premiers mois et les premières années de vie et sur le rôle crucial des pratiques d’alimentation appropriées dans la réalisation d’un état de santé optimal. L’OMS objective que le défaut d’allaitement maternel – et notamment le défaut d’allaitement maternel exclusif – durant les six premiers mois de la vie sont des facteurs de risque importants de morbidité et de mortalité [[2]]. De ce fait, tout doit être mis en œuvre pour une bonne prise en charge afin d’éviter les principales pathologies liées à l’allaitement maternel. L’engorgement mammaire et la mastite en font partie.

Stratégies diagnostiques et thérapeutiques dans les principales pathologies liées à l’allaitement maternel

Engorgement mammaire

D’un point de vue historique, on a décrit au XVIIIe siècle la « fièvre de lait », caractérisée par une tension mammaire et une forte fièvre. Elle survient autour du troisième jour suivant l’accouchement lors de la « montée du lait » et peut être le résultat de l’évolution d’une stase laiteuse résultant d’une mauvaise évacuation. Elle peut survenir dans un contexte d’une congestion mammaire peu après l’accouchement, ou à n’importe quel moment, si l’enfant ne tête pas le lait produit par une partie ou l’ensemble du sein.

Dans la première semaine post-partum (entre le 3e et le 6e jour) on a une augmentation très importante du débit sanguin mammaire et du volume de lait produit. Cet engorgement physiologique disparaît rapidement avec des tétées efficaces. Cependant, l’engorgement mammaire pathologique se traduit par une stase capillaire et lymphatique donnant un œdème. Il s’accompagne de fièvre, de frissons, de douleur et d’une gêne à l’écoulement du lait qui peut évoluer vers une mastite si des mesures ne sont pas prises.

Ainsi de très nombreuses interventions thérapeutiques ont été proposées, mais insuffisamment évaluées, comme les ultrasons, la chaleur (douche, cataplasmes, compresses chaudes), les applications froides (glace, gels packs), les applications de feuilles de chou (figure 1), le drainage lymphatique manuel, les anti-inflammatoires, l’ocytocine, le massage aréolaire…

Figure 1. Feuille de chou.

Aucun traitement de l’engorgement n’a fait la preuve de son efficacité hormis l’expression du lait (manuelle ou à l’aide d’un tire-lait). Cependant, même si le bénéfice d’un traitement symptomatique (application de froid ou de chaud) n’est pas démontré, il peut être utilisé selon les recommandations établies par l’ANAES en 2002 [[3]].

Mastite ou lymphangite

Chez les femmes qui allaitent, la mastite est une pathologie inflammatoire qui peut s’accompagner ou non d’une infection, pouvant être provoquée par stase lactée due au blocage des canaux galactophores. De nombreux auteurs distinguent les mastites inflammatoires des mastites infectieuses. En cas de mastite infectieuse, la porte d’entrée est généralement cutanée par gerçures, crevasses et lésions du mamelon mais aussi par voie hématogène (mais très improbable en l’absence d’une pathologie infectieuse systémique).

Le germe en cause est le plus souvent un staphylocoque aureus, plus rarement un streptocoque β-hémolytique, un streptocoque fécal ou un escherichia coli. La prévalence des mastites est particulièrement élevée pendant les premières semaines post-partum.

Les signes cliniques sont habituellement unilatéraux, allant de la simple inflammation localisée d’un segment du sein avec rougeur, douleur et augmentation de la chaleur locale à un aspect beaucoup plus sévère de cellulite avec peau d’orange. Le quadrant supéro-externe du sein est le plus souvent atteint. Ces signes locaux peuvent précéder ou s’associer à des signes généraux (fièvre ou symptômes pseudo-grippaux). L’abcès est une complication sévère de la mastite. Ces affections représentent une charge de morbidité considérable et engendrent des coûts importants.

Le traitement repose sur la recherche des facteurs favorisants, l’observation d’une tétée et l’évaluation de la pratique de l’allaitement, l’écoulement efficace du lait maternel par la poursuite de l’allaitement en optimisant le drainage du sein et l’extraction du lait, surtout du côté atteint. Si la tétée est trop douloureuse, l’expression du lait (manuelle ou avec un tire-lait) est indispensable (figure 2). On évite de suspendre l’allaitement qui expose au développement d’un abcès du sein. Le traitement antibiotique est indiqué en cas de mastite infectieuse (confirmée si possible par une mise en culture du lait et réalisation d’un antibiogramme), en cas de symptômes graves d’emblée, d’une lésion du mamelon visible ou enfin si les symptômes ne s’amendent pas en 12 à 24 heures. Le traitement symptomatique repose sur l’application de chaud ou de froid sur le sein, qui peut être utilisée si elle procure un soulagement à la mère, et sur le repos [1].

Figure 2. Expression du lait par pompe tire-lait électrique.

L’allaitement selon les conceptions de la Médecine Traditionnelle Chinoise

Le chongmai, encore appelé Méridien d’Assaut ou Vaisseau des Attaques, Mer des cinq zang et des six fu, Mer du Sang [[4]] se disperse dans la poitrine et les seins sur lesquels il a une influence importante. Selon Maciocia, toute pathologie de stase de qi dans le chongmai « affecte les seins et engendre une distension ou une douleur… » [[5]].

Selon Zhu Zhenheng 朱震亨, plus connu sous le nom de Zhu Dan-xi, « les seins sont en rapport avec le yangming alors que les mamelons sont attribués au jueyin » [[6]]. Une dysharmonie entre zuyangming (Méridien Estomac) et zujueyin (Méridien Foie) est impliquée dans tous les troubles du sein. Ceux-ci, caractérisés par la douleur, l’œdème, l’inflammation ou un abcès peuvent être dus à deux principaux facteurs internes : le Feu de l’Estomac ou la stase du qi du Foie.

Au stade compliqué de la mastite, l’abcès du sein est lié à une obstruction du zujueyin et du zuyangming. Zhu Dan-xi dit encore : « Si la mère qui allaite a une alimentation trop riche ou endure des animosités ou des rancunes, le qi va donc cesser de circuler et les ouvertures seront bloquées. Parce que le lait n’est plus en mesure de sortir, le Sang du yangming devient chaud et se transforme en pus… Il y a cependant des cas où le souffle du bébé est brûlant, et, quand il est soufflé (sur la poitrine de la mère), donne lieu à des ganglions (dans le mamelon de la mère) » [[7]]. Zhu Dan-xi distingue donc en plus des facteurs internes, les facteurs pathogènes externes. L’engorgement ou la mastite peut être lié à un mécanisme de Chaleur locale plus ou moins important [[8]]. Truong considère lui aussi que cette production de Chaleur résulte soit d’une cause externe (en rapport avec les crevasses ou lésions liées à la tétée du nourrisson), soit d’une cause interne (asthénie autant physique que psychologique de la femme associée à une alimentation riche en lipides. « La colère et les aliments gras provoquent des troubles circulatoires du jueyin, associés à un surchauffement énergétique et à une stagnation du yangming» [[9]]. Ainsi la Chaleur du jueyin et le Feu du yangming qui en résulteraient atteindraient le sein, provoquant une inflammation. Le traitement va donc consister à éliminer la Chaleur en la dispersant.

Etudes cliniques

Etudes de cas

Il existe de très nombreuses études de cas concernant le traitement des mastites [10-15]]. La plupart sont en langue chinoise et non traduites ou avec un petit résumé. Il est donc difficile de juger de la qualité méthodologique des différents travaux. Mais le plus intéressant est de constater que les traitements varient énormément selon les auteurs qui appliquent différentes formes de thérapie :

– saignée ponctuelle des points 43V (gaohuangshu), 42V (pohu), 41V (fufen)  pour les mastites de la partie supérieure de la glande mammaire, ou 43V, 42V, 44V (shentang) pour les mastites centrales, ou 43V, 44V et 45V (yixi) pour les mastites inférieures [[16]] ;

– moxibustion indirecte à l’ail au VC17 (shanzhong) avec massage du point IG11 (tianzong) [[17]] ;

– acupuncture suivie de pose de ventouse sur ES18 (rugen) et VC17 et huatuojiaji dorsaux [[18]] ;

– acupuncture et massage sur GI11 (quchi) [[19]] ;

– cryothérapie sur les points VC17 et ES18 [[20]] ;

– acupuncture de point unique, le PO7 (lieque) [[21]] ou le point VB21 (jianjing) [[22],[23]], ou le point VB41 (zulinqi) [[24]] ;

– puncture sur des associations de points principaux VC17, GI11, huatuojiaji en T2 avec combinaison éventuelle de points complémentaires selon la symptomatologie : ES16 (yingchuang), VB21, ES18, ES40 (fenglong), IG11, ES36 (zusanli), GI4 (hegu), FO3 (taichong) et VG14 (dazhui), le tout associé à une émission de rayonnements sur la zone douloureuse par une lampe TDP (lampe Teding Diancibo Pu, dispositif émettant des infrarouges équivalent à la moxibustion) [[25]].

Bref ces études de cas cliniques, même si elles concernent une population nombreuse sont beaucoup trop hétérogènes, aussi bien du point de vue des points utilisés que de celui de la technique mise en œuvre (moxibustion, cryothérapie, massage, acupuncture etc.), pour permettre d’établir des recommandations. En France, Pelletier-Lambert dans une étude d’un cas préconisait la puncture des points VC17, VB41, VB21, ES15 et VG20 dans l’engorgement mammaire entrant dans le cadre d’un syndrome Chaleur [[26]].

Il existe aussi des essais contrôlés randomisés (ECR) chinois s’intéressant au traitement de la mastite par acupuncture et/ou saignée [[27],[28]], mais aussi par massage tuina des points VC17, ES15 (wuyi), ES16 (yingchuang), ES18, IG1 (shaoze), GI4, VB21, ES34 (lianqiu), FO3, ES36 [[29]]. Mais là aussi, même si l’efficacité est présente avec une nette amélioration de la symptomatologie, il est nécessaire de confirmer ces différents travaux par des ECR de bonne qualité méthodologique.  

Les essais contrôlés randomisés en acupuncture

De ce fait, la bonne qualité méthodologique a été retrouvée dans deux ECR qui ont étudié l’action de l’acupuncture dans l’engorgement mammaire durant la lactation.

Le premier est un essai pilote qui a été conduit en Suède pour évaluer l’intérêt de l’acupuncture dans les symptômes inflammatoires du sein. Quatre-vingt-huit mères ont été randomisées dans trois groupes. Les conseils de drainage du sein, d’extraction du lait et de confort (application de serviettes chaudes, massages, antipyrétiques, etc.) ont été donnés dans ces trois groupes. Le groupe 1 appliquait le traitement des conseils habituels et utilisation de spray d’ocytocine. Le groupe 2 était traité de la même façon mais sans spray d’ocytocine et avec addition d’acupuncture aux points CO3 (shaohai), VB21 (jianjing). Enfin, le groupe 3 avait le même traitement que le groupe 2 auquel on ajoutait le point RA6 (sanyinjiao), réputé pour avoir une action ocytocique.

Les mères ont exprimé une satisfaction relative vis-à-vis de leur situation d’allaitement malgré l’inconfort considérable dans tous les groupes. Mais aucune différence significative entre les groupes ne fut notée concernant la guérison, ni dans la sévérité symptomatologique au bout de trois jours. L’ECR fut arrêté prématurément du fait de l’utilisation d’antibiotiques chez 9% seulement de la population (n=88) alors que de nombreuses études rapportent un taux d’antibiothérapie plus élevé (supérieur à 38% en moyenne) en cas d’inflammation. Quoi qu’il en soit, cette étude pilote non en aveugle était insuffisante pour établir des recommandations. Ainsi, en se basant sur ces résultats, les auteurs ont calculé que pour avoir une puissance suffisante et établir que l’acupuncture puisse avoir une efficacité thérapeutique sur l’inflammation dans le sein allaitant, deux cents femmes devaient participer à un ECR de bonne qualité méthodologique [[30]].

Cet ECR en intention de traiter a donc été réalisé en 2006 par les mêmes auteurs dans une clinique d’allaitement en Suède [[31]]. L’objectif du critère principal était de comparer le traitement par acupuncture par rapport aux interventions classiques de soins (conseils de drainage du sein, applications de serviettes chaudes) dans le soulagement des symptômes inflammatoires du sein pendant la lactation. Deux cent dix mères ont été incluses dans trois groupes similaires au précédent travail [30]. Tous les points d’acupuncture ont été stimulés pendant 30 mn au maximum après obtention préalable du deqi tous les jours et aussi longtemps que les patientes le jugeaient nécessaire. Un index de sévérité (IS) des symptômes (classifiant la douleur, l’érythème et la tension des seins) a été créé avec une échelle allant de 0 (symptômes les moins sévères) à 19 (grande sévérité).

On constata une différence statistiquement significative (p=0,01) concernant l’index de sévérité qui était moins élevé dans les deux groupes acupuncture au 3ème et 4ème jour de traitement versus le groupe avec traitement classique. Aucune preuve donc que le point RA6 ait une action ocytocique au cours de la période d’allaitement.

En outre, l’antibiothérapie ne fut prescrite que chez 15 % de la population (n=210) de l’étude quel que soit le groupe. On infirma donc malheureusement que l’acupuncture pouvait avoir un effet sur l’éventuel passage à l’infection. Les auteurs concluent que si l’acupuncture est acceptable pour la mère, ce traitement et les interventions de soins (correction de la position de l’enfant lors de l’allaitement au sein par exemple) pourraient être un meilleur choix thérapeutique que l’utilisation d’ocytocine en spray nasal.

Bref, même si cet ECR est d’une bonne qualité méthodologique avec un Jadad estimé à 3, il souffre malgré tout du fait qu’il ne soit pas en aveugle et surtout qu’il n’y ait pas de groupe acupuncture placebo (on ne peut donc pas évaluer l’évolution naturelle de la maladie). Mais il s’agit avant tout d’un ECR pragmatique dont le but essentiel est d’étudier l’efficacité de l’acupuncture dans une situation clinique globale sans se préoccuper des effets spécifiques ou non spécifiques.

Revue Cochrane

Néanmoins, il est à noter que dans l’engorgement mammaire, l’acupuncture a objectivé des preuves d’efficacité alors que cela n’est pas le cas pour de nombreuses autres thérapeutiques ou techniques habituellement utilisées.

La revue Cochrane a ainsi évalué à partir de huit ECR (n=774) toutes ces techniques (application de froid ou de chaud, de feuilles de choux, ocytocine, ultrasons, comprimés de complexe protéolytiques et enfin acupuncture). Seules deux interventions ont montré une efficacité : les complexes protéolytiques (mais l’étude japonaise datant de 1965 (n=59), il est semble difficile de confirmer l’ECR) et l’acupuncture.

On observait ainsi chez les femmes recevant l’acupuncture versus soins habituels une plus grande amélioration des symptômes à partir du 4ème jour (RR= 0,82 ; IC95% 0,82 [0,69-0,96], p=0,0014) et qui restait encore significative (p=0,041) au 5ème jour. A noter que les auteurs de la revue Cochrane ont analysé l’ECR de Kvist de 2007 en combinant les deux groupes acupuncture en un seul groupe de traitement (n=140) [[32]].

Conclusion

En 2002, l’ANAES, dans ses perspectives de recherche, objectivait la nécessité de bien définir les difficultés de l’allaitement (douleurs et lésions du mamelon, engorgement mammaire, mastite) afin de prévenir un arrêt précoce de l’allaitement maternel exclusif [3]. Bien que de très nombreuses études chinoises montrent l’efficacité de l’acupuncture dans ces pathologies, cela n’avait pas été analysé, peut-être par méconnaissance et sans doute en raison de la grande hétérogénéité des études chinoises à méthodologie défaillante. Pourtant, certaines autres méthodes thérapeutiques qui avaient été étudiées à partir d’essais cliniques de plus ou moins grande qualité, ont été recommandées alors que leur efficacité n’a pas été suffisamment jugée ou bien, comme les anti-inflammatoires non évalués sur le plan de la cinétique lactée et du suivi des enfants allaités.

En 2011, il s’avère que l’acupuncture, en association avec les recommandations de positionnement correct du nourrisson offre une possibilité significative de prévenir les arrêts d’allaitement à la suite d’engorgements mammaires ou des mastites.

Il ne reste plus qu’à réaliser de nouveaux ECR de haute qualité méthodologique afin d’utiliser l’acupuncture avec une recommandation de grade A selon la Haute Autorité de Santé1

La Gorgonne – Laurent Honoré Marqueste (1876) -Musées des Beaux-Arts -Lyon -Rhône –
Région Auvergne-Rhône-Alpes – France
La Gorgonne – Laurent Honoré Marqueste (1876) -Musées des Beaux-Arts -Lyon -Rhône – Région Auvergne-Rhône-Alpes – France

Notes

  1. Les grades de recommandations de la Haute Autorité de Santé(HAS) sont pondérés par le niveau de preuve des études sur  lesquelles elles sont fondées, selon l’échelle suivante : une recommandation de grade A est fondée sur des études scientifiques de fort niveau de preuve (exemple : méta-analyses d’ECR, ECR en double aveugle contre placebo de grande puissance ; une  recommandation de grade B est fondée sur des présomptions scientifiques fournies par des études de niveau de preuve intermédiaire (ECR de faible puissance, ECR pragmatiques etc.) ; une recommandation de grade C est fondée sur des études de faible niveau de preuve (études de cas-témoins, études comparatives comportant des biais importants, série de cas, études rétrospectives). En l’absence de précisions, les recommandations reposent sur un accord professionnel exprimé par le groupe de travail et le groupe de lecture.

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Stéphan JM. L’acupuncture dans l’engorgement mammaire et la mastite. Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(3):180-185. (Version PDF)

Stéphan JM. L’acupuncture dans l’engorgement mammaire et la mastite. Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(3):180-185.

Électroacupuncture : modalités techniques et implications pratiques dans les algies

Cables électriques et transformateurs dans les rues de Kyoto – Japon
Cables électriques et transformateurs dans les rues de Kyoto – Japon


Résumé :
 De nombreux paramètres interviennent dans l’analgésie électroacupuncturale : la  fréquence, l’intensité, la durée d’impulsion, le temps d’intervention. On devra tenir compte à la fois du développement de la tolérance souvent lié à l’octapeptide cholécystokinine (CCK-8) ou à la nociceptine, mais aussi de la variabilité individuelle à l’électroacupuncture (EA). Chez le rat, l’effet optimum dans les algies par action de l’EA sera obtenu globalement en stimulant par alternance en basse (2 Hz) et haute fréquence (100 Hz) ou simplement à la fréquence de 15 Hz, de façon à ce que les quatre sortes de peptides opioïdes (endorphines, enképhalines, endomorphines et dynorphine) soient libérées simultanément. Il s’agira également de ne pas dépasser les 30 minutes de stimulation sous peine de déclencher le système anti-opioïde. Mots-clés : électroacupuncture – fréquences – peptides opioïdes – tolérance – octapeptide cholécystokinine.

Summary: Many parameters involved in electroacupunctural analgesia: frequencies, intensity, pulse width, intervention time. It should take into account both the development of tolerance often linked to the cholecystokinin octapeptide (CCK-8) or the nociceptine, but also of individual variability in the electroacupuncture (EA). In rat, the optimum effect in pain by action of the EA will be achieved globally by alternately stimulating low (2 Hz) and high frequency (100 Hz) or just 15 Hz, so that the four types of opioid peptides (endorphins, enkephalins, endomorphins and dynorphin) are released simultaneously. It will also not exceed 30 minutes on pain stimulation to trigger the antiopioids. Keywords: electroacupuncture – frequencies – opioid peptides – tolerance – cholecystokinin octapeptide.

Les derniers travaux de physiologie et d’imagerie concernant l’électroacupuncture dans les algies ont permis de se faire une idée plus précise de la nature de ses mécanismes neurophysiologiques. On connaît l’implication de la libération des neuropeptides opioïdes, l’action inhibitrice des récepteurs ionotropiques glutaminiques et la modulation de la douleur par le système inhibiteur descendant sérotoninergique et catécholaminergique [ [1] ]. Pour bien maîtriser cette technique, il convient alors de bien connaître les différents paramètres électrophysiologiques.

Caractéristiques paramétriques de l’électroacupuncture

La stimulation électrique des points d’acupuncture s’appelle l’électroacupuncture (EA). On utilise des appareils permettant de délivrer soit des courants pulsés alternatifs à moyenne nulle (constitués d’impulsions soit positives, soit négatives, mais qui ne changent pas de polarité cycliquement), soit des courants pulsés unidirectionnels (constitués d’impulsions uniquement positives). Les appareils doivent être manufacturés de manière réglementaire, car dans une étude, il s’est avéré qu’au moins deux des paramètres mesurés sur trois ne se trouvaient pas dans la marge de sécurité des valeurs données par le constructeur, ce qui peut être inquiétant pour le patient [ [2] ].

Le courant est caractérisé par :

–  la forme de son impulsion : carrée ou rectangulaire,

– la durée de cette impulsion : variable de 0,1 ms à 5 ms, (voir figure 1)

– l’intensité efficace : variable de 0,1 à 6 mA

– la fréquence : variable de 2 à 100 Hz 

Variables électrophysiologiques de l’électroacupuncture

Fréquence

De nombreux paramètres influencent l’action de l’électroacupuncture, en particulier l’utilisation de différentes fréquences, qu’elles soient basses (2 à 4 Hz) ou élevées (100 à 200 Hz). En effet, des études révèlent par exemple que l’EA à fréquence basse entraîne une libération d’enképhaline, de bêta-endorphine et d’endomorphine, alors qu’à fréquence haute, il y a libération d’un autre type d’endorphine : la dynorphine [3-9].

Dès 1992, Chen et Han montrent que l’analgésie produite par l’EA (durée d’impulsion de forme carrée de 0,3 ms) est médiée par trois types de récepteurs opioïdes [ [10] , [11] ]. Ainsi, l’EA à 2 Hz active les récepteurs μ et δ ; celle à 100 Hz, les récepteurs κ. Mais mieux, l’EA à 15 Hz produit une activation des trois sortes de récepteurs chez le rat [9 ].

En 1996, Guo et coll. [ [12] , [13] ] démontrent que l’électroacupuncture à 2 Hz et à 100 Hz (durée d’impulsion de forme rectangulaire de 0,3 ms) a un effet sur le niveau de l’expression des gènes encodant trois neuropeptides du cerveau chez le rat. Ainsi la stimulation à 2 Hz augmente l’expression c-fos au niveau du noyau arqué de l’hypothalamus avec augmentation de l’expression de l’ARN messager pour un précurseur de l’endorphine, le préproenképhaline (PPE). Au niveau, de la formation réticulaire rostro-médiale (noyau gigantocellulaire, paragigantocellullaire, formation réticulaire latérale), la stimulation à la fréquence de 100 Hz augmente sélectivement l’expression de l’ARN messager pour le préprodynorphine (PPD). Les auteurs montrent aussi que les protéines proto-oncogènes c-fos et/ou c-jun jouent davantage un rôle dans la transcription des gênes des opioïdes PPD que dans celles de PPE et des POMC [12-14].

L’électroacupuncture (ES36, RA6) à la fréquence de 2 Hz agit aussi dans les algies en diminuant la réponse à l’inflammation locale par l’intermédiaire de la modulation de l’expression des récepteurs ionotropes au glutamate et en particulier le récepteur au  N-méthyl-D-aspartate (NMDA) dans la corne dorsale de la moelle épinière [ [15] , [16] ]. Malheureusement, dans ces études, du fait du manque de groupe contrôle sham, les résultats ne peuvent attribués complètement à l’action de l’électroacupuncture seule.

Selon la fréquence de la stimulation, l’EA chez les rats diminue la douleur neuropathique induite par ligature d’un nerf rachidien. Il a ainsi été observé que l’EA à basse fréquence (2 Hz) sur le ES36 et RA6 produisait davantage d’effets antinociceptifs et prolongés dans le temps sur l’allodynie (douleur produite par un stimulus non nociceptif) et l’hyperalgie nociceptive thermique que l’EA à haute fréquence (100 Hz) sur un modèle de rats. Les récepteurs opioïdes et les récepteurs NMDA participent à ces effets antalgiques de longue durée [ [17] , [18] ].

La combinaison des fréquences alternées et asynchrones permet d’améliorer l’action de l’EA. Ainsi deux modes d’EA ont été étudiés : le mode 2+100 Hz, mode où la stimulation de 2 Hz est appliquée à la patte arrière gauche du rat en même temps que 100 Hz à la patte arrière droite ; le mode 2/100Hz où la stimulation 2 Hz est alternée toutes les 3 secondes avec celle de 100 Hz. Il s’avère que le mode 2/100 Hz est 40% plus antalgique que le mode 2+100 Hz (p<0,01). L’injection intrathécale d’un antagoniste des récepteurs opioïdes mu a bloqué l’effet anti-nociceptif du mode 2/100 Hz, mais pas celui de l’EA 2+100 Hz, tandis que l’injection d’un antagoniste des récepteurs opioïdes kappa a bloqué les deux modes d’EA. En conclusion, l’EA 2/100 Hz augmente la libération à la fois des endomorphines-2 et de la dynorphine. L’EA 2+100 Hz libère seulement la dynorphine [ [19] ].

Lao et coll. ont créé un modèle de douleur inflammatoire par injection d’adjuvant de Freund (émulsion d’eau et d’huile quelquefois additionnée de bactéries, bacilles de Koch inoffensifs) sur la patte arrière des rats. Ils ont évalué ensuite les paramètres de l’analgésie par EA (fréquence, intensité, durée du traitement, et durée d’impulsion). Ils précisent ainsi que l’analgésie par EA à 10 Hz est plus efficace que celle à 100 Hz pour les traitements antalgiques à long terme. L’EA à 100 Hz est à privilégier pour les effets rapides à court terme [ [20] ].

Plus récemment, on constate que l’EA à 100Hz (intensité 0,5 mA, onde biphasique carrée asymétrique) entraîne un effet antinociceptif qui est variable en fonction du point d’acupuncture stimulé et sans doute en fonction de l’algie. Ainsi sur un modèle de douleur orofaciale induite par chaleur sur la branche maxillaire du nerf trigéminal chez le rat, l’EA à 100 Hz appliquée sur le ES36 pendant 20 minutes sera analgésique, mais pas l’EA à 5 Hz et 30 Hz. Pas d’action analgésique non plus de l’EA à 5, 30 ou 100 Hz appliquée sur le GI4. L’effet antinociceptif de l’électroacupuncture est médiée par l’activation des opioïdes endogènes (la dynorphine dans ce cas), elle même activée par le monoxyde d’azote (NO) et dépend donc de la localisation de la douleur, du choix du point et de la fréquence de stimulation [ [21] ].

Intensité

Huang et coll. vont montrer chez la souris que l’analgésie induite par EA varie en fonction de la fréquence, mais aussi de l’intensité. Ainsi l’analgésie ne sera produite chez la souris (évaluée par le test de tail-flick qui mesure la latence entre l’application de la stimulation thermique et le premier mouvement échappatoire de la queue) qu’à partir d’une intensité de 0,5 mA et sera à son optimum pour 2 Hz et 100 Hz (durée d’impulsion carrée commune respectivement de 0,6 ms et 0,2 ms) par rapport au groupe témoin [ [22]].

Une autre étude montre l’importance de l’intensité de l’EA. Les récepteurs opioïdes du noyau thalamique submédian sont impliqués dans l’analgésie de l’EA à haute intensité et basse fréquence (5 mA, 5 Hz par série d’impulsions carrées constantes de 0,3ms) alors qu’à haute fréquence et faible intensité (50 Hz, 0,5mA), c’est le noyau antérieur prétectal qui intervient, tout en sachant que ces deux structures sont habituellement impliquées dans la modulation du système inhibiteur descendant [ [23] ].

Lao et coll. constatent que les fréquences 10 et 100 Hz à une intensité de courant de 3 mA produisent la plus grande analgésie. Une intensité moindre à 1 ou 2 mA est moins efficace [20 ].

Durée de l’impulsion

La durée d’impulsion électrique correspond à celle d’un stimulus constant. Ainsi, dans une période de temps donnée et à une fréquence de 10 Hz, une impulsion d’une durée de 2 ms fournit vingt fois plus de stimuli électriques qu’une impulsion de 0,1 ms. Romita et coll. ont évalué la durée d’impulsion électrique de l’EA (4 Hz) nécessaire pour une analgésie efficace sur un modèle de nociception-chaleur chez le rat. Ils constatent qu’une durée d’impulsion (de forme carrée monophasique) de 0,2 ms est satisfaisante en terme de persistance et d’efficacité de la réponse antinociceptive à court terme mais celle-ci s’atténue sur le long terme par rapport aux réponses produites avec une EA à une impulsion de 2 ms ou 5 ms. Cela s’explique par le fait que l’activation des fibres C nécessite généralement une durée d’impulsion au minimum de 0,5 ms, voire égale ou supérieure à 1 ms [ [24] ]. De ce fait, dans leur étude suivante sur l’action antinociceptive de l’EA , ils ont choisi une EA à 4 Hz avec une impulsion de forme carrée de 2 ms appliquée pendant 20 mn [ [25] ].

L’étude paramétrique de Lao et coll. analyse toutes les variables électrophysiologiques de l’EA : fréquence, intensité, durée d’intervention, spécificité du point d’acupuncture et surtout une des seules à étudier précisément la durée de l’impulsion. La durée d’impulsion a été aussi étudiée avec un stimulateur électrique (A300 pulsemaster®, World Precision Instruments) (figure 2). Les auteurs ont observé dans ce travail qu’avec une intensité de 1 mA, une EA de 10 Hz/2 ms produit un effet antalgique à court terme similaire à celle produite à une intensité de 3 mA et une fréquence de 100 Hz avec une impulsion de 0,1ms. Ils objectivent aussi que les effets prolongés observés à 10 Hz/0,1ms disparaissent quand la durée d’impulsion passe à 2 ms. Il apparaît ainsi que l’accroissement de la durée de l’impulsion a le même effet que l’accroissement de la fréquence électrique ou que l’augmentation moyenne de la durée de stimulation [20 ].


Figure 2. Le stimulateur A300 pulsemaster.

Durée d’intervention

Lao et coll. ont montré aussi qu’une EA délivrée pendant 20 minutes est plus adaptée dans l’analgésie qu’un traitement court (10 mn) ou long (30 mn). Le VB30 (huantiao) est plus efficace que le point 5TR (waiguan) ou qu’un point placebo ou même que le point VB30 opposé à l’inflammation algique. D’où spécificité de l’action du point d’acupuncture [20 ].

Sur un modèle de douleur inflammatoire induite chez le rat par l’adjuvant de Freund, l’EA appliquée avec un Han’s Acupoint Nerve Stimulator (HANS), 100 Hz, 0,5-1,0-1,5 mA, 10 min pour chaque intensité, impulsion carrée de 0,2ms en une seule session sur 36ES et 6RP augmente de façon statistiquement significative le seuil de retrait dans les algies mécaniques mais pas dans les algies thermiques (plaque chaude à 52 +/- 0,2°C). La répétition des sessions deux fois par semaine pendant 4 semaines montre une diminution sensible de l’hyperalgésie mécanique à la troisième et quatrième semaine, sans incidence sur l’hyperalgésie thermique. L’effet analgésique est inhibé par la naloxone, objectivant encore l’intervention du système opioïde [ [26] ].

Taguchi [ [27] ] a induit une hyperalgie en injectant de la carragénine (inducteur inflammatoire extrait d’algues rouges) dans le tissu sous-cutané de la patte postérieure de rats afin d’étudier l’effet analgésique de différentes fréquences, d’intensités et de durée de l’EA. Les seuils nociceptifs ont été évalués par un test de Randall-Selitto qui permet de les déterminer en exerçant une pression mesurable. L’EA (durée d’impulsion de forme carrée biphasique de 0,1 ms) sur ES36 a été appliquée à 3, 15 ou 100 Hz pendant 1, 15, ou 60 minutes. L’EA est commencée trois heures après l’injection de carragénine. L’EA à 3 Hz (au bout de 15mn et à 60 minutes) a induit une analgésie statistiquement significative qui a persisté pendant 24 heures après l’injection. Par contre, pas d’analgésie avec l’EA à 15 ou 100 Hz dans le cadre des algies provoquées par la carragénine chez le rat à la différence de celle provoquée par l’adjuvant de Freud [20 ]. Importance donc de la fréquence, de la durée dans l’induction de l’analgésie. Le tableau I récapitule les principaux résultats de ces travaux.

Tableau I. Récapitulatif des principaux travaux et leurs conclusions.

Auteur (année)Caractéristiques de l’électroacupunctureLocalisation cérébrale :  visualisation par expression c-fos  / ac anti-récepteurs stimulés / imagerie fonctionnelleConclusions 
Chen et Han (1992)[10 ,11 ](durée d’impulsion de forme carrée de 0,3 ms) 2 Hz de 1mA à 3mA par palier de 10mn
ES36 et RA6 chez le rat
récepteurs μ et δLibération de : Endorphines
Met-enképhaline
endomorphine [9 ]
100 Hz de 1mA à 3mA par palier de 10 mn
ES36 et RA6 chez le rat
récepteurs κLibération de :
dynorphine
2 Hz en alternance avec 15 Hz  toutes les 2,5s de1mA à 3mA 30mn
ES36 et RA6 chez le rat
récepteurs μ et δ et κLibération de :
Endorphines
Met-enképhaline
dynorphine
Guo (1996) [12 ,13](durée d’impulsion de forme rectangulaire de 0,3 ms)
2 Hz au ES36 (zusanli) et RA6 (sanyinjiao)
1mA, 2mA, 3mA chez le rat (10mn à chaque intensité)
Télencéphale (amygdale médiale et corticale, noyau supraoptique-noyau paraventriculaire, noyau médial optique)
Hypothalamus (noyau arqué, noyau paraventriculaire, périventriculaire, dorsomédial, ventromédial, noyau supramammillaire)
Mésencéphale substance grise périaqueducale
Tronc cérébral (ruban de Reil latéral-lemniscus latéral ventral,noyau solitaire, noyau parabrachial latéral)
Libération de :
Préproenképhaline
100 Hz : 36ES (zusanli) et 6RA (sanyinjiao)
1mA, 2mA, 3mA chez le rat (10mn à chaque intensité)
Télencéphale 
(Amygdale médiale et corticale, habenula –pédoncule antérieur de l’épiphyse, noyau supraoptique-noyau paraventriculaire, noyau medial optique)
Diencéphale
 (Noyau thalamique paraventriculaire)
Mésencéphale
substance grise périaqueducale
Tronc cérébral ( tubercules quadrijumeaux – inferior colliculus, noyau gigantocellulaire, paragigantocellullaire, formation réticulaire latérale)
Libération de :
préprodynorphine
Lao (2004)[20 ](durée d’impulsion = 0,1 ; 1 et 2 ms)
10 Hz, 100 Hz pendant 10,20,30mn
1 à 3 mA 
Algie induite par adjuvant de Freund chez rat
VB30, TR5, points placebos
Expression C-fos :
10 et 100 Hz : 
suppression
couches superficielles de Rexed (I / II) de la corne dorsale de la moelle épinière (afférences nociceptives, lame I, ou couche marginale, reçoit des fibres Aδ ; lame II, ou couche gélatineuse : fibres C.)
activation
couches superficielles de Rexed  (III / IV) (terminaisons des fibres Aα et Aβ)
– Analgésie de l’EA à 10 ou 100 Hz (3 mA) de 20 minutes plus efficace que 10 mn ou 30 mn : importance de la durée
-10 Hz/0,1ms/3 mA plus bénéfique que 100 Hz sur l’algie inflammatoire à long terme
– importance de l’intensité : 10 ou 100 Hz/0,1ms/ 3 mA plus efficace qu’à 1mA
spécificité d’action du point
– durée d’impulsion = même effet que l’augmentation de la fréquence
Zhu (2004)[23 ]5 Hz (ES36)
5 mA, 15 mn
Noyau thalamique submédian
(fibres afférentes de petit diamètre A-δ et C)
Efficacité similaire de la haute ou basse intensité, mais différents effets
50 Hz (ES36)0,5 mA 15mnNoyau antérieur prétectal (fibres afférentes de gros diamètre A-β)
Wang (2005)[19 ]2+100 Hz2 Hz la patte arrière gauche du rat en même temps que 100 Hz à la patte arrière droiteLibération dynorphineEfficacité plus grande de l’EA 2/100 Hz
2/100 Hz
alternance 2 Hz toutes les 3 secondes avec 100 Hz
Libération dynorphine + endomorphine-2
Taguchi (2007)[ 27 ]impulsion biphasique carrée de 0,1ms
3, 15, or 100Hz pendant 1mn, 15 mn,60mn intensité : 3mA (3Hz) ; 1,5mA (15 et 100Hz) ES36
 Analgésie produite dès 15mn à la fréquence de 3 Hz. 
Importance de la fréquence et de la durée.
Algie induite par carragénine chez rats 
Almeida(2008)[21 ]intensité 0,5 mA, onde biphasique carrée asymétrique
5, 30, or 100Hz 20 mn ES36 et GI4
Libération dynorphine (médiée par NO) induit par EA à 100Hz sur ES36
Pas d’action de l’EA à 5 et 30 Hz sur ES36
Pas d’action de l’EA à 5 et 30 et 100 Hz sur GI4
Importance de la spécificité du point d’acupuncture en fonction de l’algie
Importance de la fréquence de l’EA (100Hz)
Algie orofaciale induite par chaleur chez le rat 

La tolérance

En 1981, la tolérance à l’analgésie acupuncturale a été décrite en observant que la durée de l’analgésie était corrélée à la durée de l’administration de l’EA. Appliquée au rat pendant 30 mn, l’EA augmente son seuil de tolérance à la douleur de 89%. Lorsque la stimulation est répétée plus de six sessions consécutives avec des intervalles de repos de 30 mn, une sensibilité décroissante (tolérance) va se développer avec un retour à l’état basal [ [28] ]. Cette tolérance est le résultat d’une désensibilisation des récepteurs opioïdes (down regulation), mais aussi à la libération de l’octapeptide cholecystokinine (CCK-8) [ [29] ]. Han et coll. vont même annuler le phénomène de tolérance par une injection intraventriculaire d’antisérum de CCK-8 au groupe de rats ayant bénéficié d’EA en continu pendant 8h [ [30] ]. Il a été ainsi mis en évidence chez le rat que CCK-8 réalise un rétro-contrôle négatif de l’analgésie électroacupuncturale au delà de 30 mn de stimulation, et en fonction des fréquences. Le pourcentage d’augmentation en CCK-8 est obtenu à la fin de la première heure (+36%), atteint un niveau maximal  (+60%) à la fin de la 2ème heure, fluctue entre 3 et 5 h puis se maintient à haut niveau (+54%) à la fin de la 6ème heure. Ce sont les fréquences hautes de 15 Hz ou 100 Hz qui libèrent davantage de CCK-8 [ [31] , [32] ]. Il faut noter que l’électroacupuncture à 100 Hz (0,2-0,3 mA, impulsion de 0,3ms, 30 mn) du 36ES limite la satiété chez les rats Sprague-Dawley LETO en rapport avec la CCK agissant sur le récepteur CCK-1 [ [33] ].

La CCK-8 n’est pas le seul anti-opioïde intervenant dans la tolérance de l’électroacupuncture. Tian et coll. montrent que l’orphanine FQ (ou nociceptine) participe également à la modulation de l’analgésie induite par l’EA à 100 Hz [ [34] ] et que la tolérance produite par EA (100Hz, 3mA, impulsion carrée de 0,3 ms sur le 36ES et 6RP) sera réversible par injection intracérébro-ventriculaire d’anticorps anti-orphanine FQ (OFQ-ab) [ [35] ].

Différences individuelles et potentialisation de l’EA

Il existe des différences individuelles à l’électroacupuncture. En effet, de nombreux auteurs ont distingué des répondeurs et non répondeurs sensibles à l’EA. Le mécanisme impliqué est double : un bas niveau de libération de peptides opioïdes dans le SNC et un haut niveau de libération de CCK-8 dans la substance grise périaqueducale [ [36] , [37] ].

Prolonger l’effet analgésique de l’électroacupuncture est possible en la combinant avec la dizocilpine (MK-801), antagoniste non compétitif du récepteur NMDA du glutamate. Sur un modèle d’hyperalgie provoquée par injection de Freund dans le coussinet plantaire de la patte de rat, l’EA (30VB) à la fréquence de 10 et 100 Hz (A300 pulsemaster® : impulsion de 0,1ms à 3 mA) associée au MK-801 en sous-dose efficace est statistiquement plus antalgique (p<0,05) que  le MK-801 seul [ [38] ]. On a le même effet synergique avec l’indométacine [ [39] ] ou avec de faibles doses de celecoxib [ [40] ].

 Que retenir ? Les points essentiels

Fréquence : dans les algies, il faut stimuler à la fois en basse (2 Hz) et haute fréquence (100 Hz), chacune durant 3 secondes en alternance, de sorte que les quatre sortes de peptides opioïdes (enképhalines, endorphine, endomorphine et dynorphines) soient libérées simultanément, produisant une interaction synergique. Une possibilité équivalente est de stimuler dans la fréquence 15 Hz qui entraîne la même action sur les neuropeptides. A noter que les fréquences hautes (100 Hz) sont à privilégier si on veut une action immédiate à court terme, alors que les basses (2 Hz) produisent une action antalgique plus durable.

Durée de l’impulsion : en pratique, il n’est pas possible d’agir sur cette variable qui est en général fixée par le constructeur à 0,5 ms, valeur optimum pour les différentes fréquences.

Intensité de la stimulation : plus l’intensité sera forte et plus l’antalgie sera meilleure. Demander donc au patient d’endurer la limite du supportable, tout en sachant que la plupart des appareils ne délivrent généralement que 4 à 5 mA sur 1000 Ohm d’intensité efficace maximale.

Durée d’intervention : pas plus de 30 mn. Au-delà, le phénomène de tolérance se déclenche par activation du système anti-opioïde.

Spécificité du point d’acupuncture : bien choisir le point et la fréquence de stimulation en fonction de l’algie.  

Implications pratiques dans les algies

Des essais contrôlés randomisés (ECR) ont mis en pratique les données expérimentales. Pour exemple, un ECR en double aveugle contre placebo de haute qualité méthodologique (jadad à 5) concernant les douleurs post-thoracotomiques chez 27 patients opérés suite à un carcinome pulmonaire a montré que dans le groupe EA, il y avait au deuxième jour une diminution de l’usage de la morphine statistiquement significative par rapport au groupe placebo (7,5 +/- 5 mg versus 15,6 +/- 12 mg ; p < 0,05). Les points de l’EA utilisés étaient : GI4, VB34, VB36 et TR5, points reconnus pour leur influence sur les algies thoraciques. L’EA était commencée immédiatement au retour de la salle d’opération. Le patient recevait deux sessions de 30 mn par jour d’EA à la fréquence de 60 Hz et cela pendant un total de 7 jours. La fréquence 60 Hz a été choisie comme fréquence moyenne (comme le 15 Hz) entraînant une action sur tous les récepteurs opioïdes. Cependant, les auteurs recommandaient de réaliser d’autres études en utilisant différentes fréquences [[41] ]. 

En conclusion, l’électroacupuncture doit faire partie de l’arsenal de tout acupuncteur dans les algies de quelque nature que ce soit, à condition d’en bien maîtriser tous les paramètres. La découverte de l’action de l’EA sur la libération des neuropeptides opioïdes a même engendré des études cliniques dans les addictions aux morphiniques. Ainsi, Zhang et coll. [ [42] ] ont permis une détoxication de 121 héroïnomanes au bout de 14 jours suite à une électroacupuncture pluri-quotidienne alternées de 2 et 100 Hz utilisant la méthode d’EA issus des travaux de Han [3 ,6 ,7 ]. Plus récemment, Mu et coll. objectivent une amélioration des effets de sevrage dans l’addiction à l’héroïne grâce à l’EA de points jiaji (EX-B2) [ [43] ]. Malheureusement, ces deux ECR montrant une efficacité, résultent d’études en langue chinoise dont l’évaluation méthodologique reste difficile à apprécier [ [44] , [45] ].

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Stéphan JM. Électroacupuncture : modalités techniques et implications pratiques dans les algies. Acupuncture & Moxibustion. 2008;7(3):226-234. (Version PDF)

Stéphan JM. Électroacupuncture : modalités techniques et implications pratiques dans les algies. Acupuncture & Moxibustion. 2008;7(3):226-234. (Version couleur HTML)

Champs magnétiques statiques et acupuncture : intérêt dans l’antalgie ?

La tour Eiffel – Paris – France
La tour Eiffel – Paris – France

Résumé : Objectif. Les champs magnétiques statiques (CMS) engendrés par les aimants pourraient-ils avoir un effet bénéfique dans l’amélioration des algies ? Méthodes. Les mécanismes biologiques des effets antalgiques des CMS sont étudiés en expérimentation animale. Une étude de la revue de littérature (revues systématiques et méta-analyses) est réalisée concernant l’application des aimants en un point quelconque de la peau ou sur les points spécifiques d’acupuncture. Résultats.On ne peut pas recommander l’usage des CMS dans un but thérapeutique antalgique. De même, les preuves de l’efficacité antalgique des dispositifs magnétiques sur des points d’acupuncture sont insuffisantes. Conclusions. Malgré quelques essais cliniques montrant une certaine efficacité dans les douleurs musculo-squelettiques, il est néanmoins nécessaire de réaliser des essais contrôlés randomisés à haute qualité méthodologique. Mots-clés : Champs magnétiques statiques – aimants – acupuncture – antalgie.

Summary: Objective. Could the static magnetic fields (SMF) engendered by magnets have a beneficial effect in the relief pains? Methods. The biological mechanisms of the analgesic effects of SMF are studied in animal experiment. A study of the literature review (systematic review and meta-analysis) is performed concerning the application of magnets in some point of the skin or on the specific points of acupuncture. Results. The evidence does not support the use of SMF for pain relief. Also, the evidences of reducing pain effectiveness of the magnetic devices on points of acupuncture are insufficient. Conclusions. In spite of some clinical trials showing a certain effectiveness in the musculoskeletal pains, it is nevertheless necessary to realize randomized controlled clinical trials in high methodological quality. Keywords: Static magnetic fields – magnets – acupuncture – relief pain.

Afin de prolonger l’effet du traitement par les aiguilles, les acupuncteurs peuvent être tentés d’utiliser des dispositifs engendrant un champ magnétique statique (CMS). Ainsi un aimant logé sur l’injecteur des aiguilles semi-permanentes (ASP) utilisées en auriculothérapie permet d’induire directement un champ magnétique dans l’aiguille implantée. Ne s’embarrassant pas des notions de médecine traditionnelle chinoise, certains praticiens placent également des aimants sur la peau au niveau des zones douloureuses et en dehors des points d’acupuncture.

Que doit-on penser de ces pratiques ? Les champs magnétiques statiques ont-ils un réel effet thérapeutique dans le domaine de l’antalgie ? Le but de cette étude est d’établir à partir de la littérature la réalité des effets des CMS.     

Introduction

En physique, le champ magnétique est une grandeur caractérisée par la donnée d’une intensité et d’une direction, définie en tout point de l’espace et déterminée par la position et l’orientation d’aimants, d’électroaimants et le déplacement de charges électriques. La présence de ce champ se traduit par l’existence d’une force agissant sur les charges électriques en mouvement (dite force de Lorentz) et divers effets affectant certains matériaux (paramagnétisme, diamagnétisme ou ferromagnétisme selon les cas). La grandeur qui détermine l’interaction entre un matériau et un champ magnétique est la susceptibilité magnétique. Le champ magnétique forme, avec le champ électrique les deux composantes du champ électromagnétique décrit par l’électromagnétisme [[1]].

L’unité de l’intensité d’un champ magnétique dans le système international est le tesla (T). On utilise aussi en médecine le gauss (G) en sachant que 1G = 100µT =  10-4T (10 000 G = 1 T = 1 Weber/m2)

A proximité de certains appareils, les valeurs du champ magnétique peuvent être de l’ordre de quelques centaines de micro teslas [[2]]. Le champ magnétique terrestre est évalué à 47 µT au centre de la France (figure 1). L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) utilise des appareils émettant des champs magnétiques entre 1,5 T à 3 T dans le domaine du diagnostic médical, voire jusque  17 T, réservé aux expériences sur les rats ou souris.

Figure 1. Valeurs du flux magnétique terrestre, évoluant de 25 µT en Amérique du Sud à 65 µT en Antarctique [[3]].

Expérimentation animale sur l’effet antalgique des champs magnétiques statiques

La réponse biologique aux champs magnétiques statiques (CMS) délivrés par les aimants a été étudiée de manière expérimentale sur les animaux. Sur la centaine d’études que compte la littérature, quelques unes se sont intéressées particulièrement à l’effet antalgique ou anti-inflammatoire des champs magnétiques statiques. Les résultats observés sur les effets antinociceptifs des CMS sont contradictoires.

Certains auteurs ont rapporté que l’exposition des souris ou des rats à un champ magnétique statique pouvait supprimer le stress, induire une analgésie en rapport avec la libération de peptides opioïdes ou diminuer les constantes biologiques inflammatoires [4-13].

D’autres ont trouvé que les CMS avaient un effet inverse avec la suppression de l’analgésie qui faisait intervenir les opioïdes ou la mélatonine [14-16].

La raison de ces contradictions résulte semble-t-il des différences entre les espèces et les caractéristiques du champ magnétique, comme  l’intensité ou la durée de l’exposition (aigue ou chronique).

Notons qu’il n’existe pas d’étude expérimentale sur l’utilisation précise des CMS sur les points spécifiques d’acupuncture.

Les essais contrôlés randomisés concernant les CMS

Les preuves d’efficacité des CMS sont limitées. On retrouve quelques  essais contrôlés randomisés (ECR) montrant une efficacité dans le soulagement de différentes pathologies algiques (douleurs post-poliomyélitiques, neuropathie diabétique, fibromyalgie, douleurs chroniques pelviennes, canal carpien, gonarthrose, coxarthrose) [17-23]. Une revue de littérature étudie d’ailleurs les différents ECR et montre une certaine efficacité [[24]].

Mais il existe aussi autant d’autres ECR objectivant l’inefficacité des CMS dans l’amélioration des douleurs (myalgies, odontalgies, lombalgies chroniques, cervicalgies et douleurs d’épaule, talalgies, canal carpien, douleurs postopératoires [25-32]. Une autre revue de littérature conclut à l’inefficacité et propose d’éviter les aimants [[33]]. Une revue de littérature Cochrane montre également l’inefficacité des CMS dans les cervicalgies [[34]].

Méta-analyses

A la lecture de ces différents travaux, il est donc difficile de se faire une opinion sur l’impact réel des CMS dans les algies. D’où l’intérêt des méta-analyses dont le principal objectif est d’essayer de déterminer l’efficacité d’une thérapie à partir de la synthèse d’essais contrôlés randomisés.

Pittler et coll. en 2007 [[35]] ont procédé à une étude systématique et à une méta-analyse des ECR évaluant l’efficacité des aimants statiques dans le traitement d’algies de différentes étiologies. Seules les études comportant un placebo ou un aimant de très faible champ magnétique utilisé dans le groupe témoin ont été incluses. Le critère principal d’évaluation était la variation moyenne de la douleur mesurée sur une échelle visuelle analogique (EVA) de 100 mm (100 mm signifiant le maximum de douleur). Vingt-neuf ECR ont été éligibles. Mais seulement neuf parmi ces vingt-neuf ont été retenus dans cette méta-analyse qui, au final, n’a révélé aucune différence significative entre le groupe placebo et le groupe témoin en ce qui concerne l’atténuation de la douleur (différence moyenne pondérée -WMD- sur l’EVA égale à 2 mm ; intervalle de confiance à 95 % –1,8 à 5,8 mm ; p = 0,29) (figure 2). Bien que d’un point de vue statistique, l’hétérogénéité est non significative (I²=11,4%, p=0,16), il n’en demeure pas moins que cette méta-analyse souffre d’un biais important de validité interne et comporte en réalité une hétérogénéité clinique. En effet, les critères nosologiques retenus ne sont pas pertinents : ainsi dans les causes étiologiques, on retrouvait la fibromyalgie [[36]], les lombalgies, les algies du canal carpien, la neuropathie diabétique, les talalgies, la coxarthrose, les myalgies [[37]] et algies du pied [[38]]. Les analyses de sensibilité ont été réalisées. Cela a consisté à comparer les résultats obtenus en incluant ou pas des ECR pour lesquels il était difficile de trancher de leur éligibilité dans la méta-analyse. Ainsi par exemple en incluant juste les ECR dans les douleurs musculo-squelettiques, les auteurs n’ont pas retrouvé de différence significative entre groupe CMS et groupe placebo. En conclusion, les auteurs ne proposent pas d’utiliser les aimants statiques et ne les recommandent pas non plus comme traitement efficace des algies. Toutefois dans le cas de l’arthrose, il existe des données probantes mais qui ne suffisent pas à prouver un important avantage clinique et ouvre plutôt la porte à d’autres études.

Figure 2. Effet des CMS sur la douleur avec moyenne pondérée des tailles d’effets (weighted mean difference avec l’intervalle de confiance à 95%. La ligne verticale ne représente aucune différence entre les aimants et le placebo. Figure à partir de CMAJ. 2007. doi: 10.1503/cmaj.061344 [35].

Cependant, suite à cette méta-analyse une controverse [[39]] est née du fait que certaines études avec bras placebo pouvaient ne pas avoir été réalisées réellement avec bras placebo. En effet, les aimants pour être dits thérapeutiques doivent avoir un CMS supérieur à 300G (30 mTesla) [[40],[41]]. Or il s’avère que certains aimants considérés justement comme thérapeutique avaient un champ magnétique statique équivalent à cette force. Ainsi Harlow et coll. [23] utilisaient comme aimants placebo des aimants de 30mT. D’ailleurs Colbert et coll. [[42]] dans une revue de littérature parue au même moment, critiquent les ECR et argumentent que 34 d’entre eux (soit 61% des ECR recensés) ne fournissent pas suffisamment de détails concernant les différents paramètres des champs magnétiques statiques pour permettre à de nouveaux chercheurs de reproduire les résultats dans d’autres investigations. 

 

Champs magnétiques statiques et acupuncture

Du fait de la spécificité du point d’acupuncture en rapport avec la mécanotransduction [[43]], la transduction au niveau du tissu conjonctif [[44]] et de l’action des molécules informationnelles au niveau du système nerveux central [[45]], il est tout à fait possible que l’effet du CMS additionné à celui du point d’acupuncture puisse avoir un effet bénéfique sur la douleur, supérieur à celui du CMS seul. De ce fait, une revue de littérature a été réalisée en 2008 [[46]].Trois cent huit références ont été trouvées dont 50 études répondaient aux critères d’inclusion. 31 ECR étaient en langue anglaise et 11 études en chinois. La revue était très hétérogène en raison d’une grande variété de dispositifs magnétiques utilisés dans différentes maladies (dépression, hypertension artérielle, nystagmus congénital, insomnie, migraine etc..) avec de multiples dispositifs de contrôle-placebo.

Trente-sept des 42 études (88%) ont déclaré un bénéfice thérapeutique. Mais la mauvaise qualité de l’ensemble des essais contrôlés ne permet pas d’affirmer qu’il existe des éléments de preuve recommandant le traitement par CMS. D’ailleurs, seules trois études concernaient les douleurs musculo-squelettiques : la périarthrite scapulo-humérale [[47]], lésions des tissus mous [[48]] (2 études de cas) et un ECR utilisant auriculothérapie et CMS dans les lombalgies [[49]]. En conclusion, aucune preuve de l’efficacité des CMS associés à l’acupuncture dans la douleur ne semble exister à l’heure actuelle. Les ECR sont à réaliser.

Effets secondaires et risques

Les aimants sont généralement considérés sans danger. Cependant, il est plus prudent de ne pas les utiliser chez certaines personnes [[50]] :

–       les femmes enceintes, car les possibles effets des aimants sur le fœtus ne sont pas connus ;

–       les personnes utilisant des dispositifs médicaux tels qu’un stimulateur cardiaque, défibrillateur, ou pompe à insuline, parce que les aimants peuvent interférer avec le fonctionnement de l’appareil médical ;

–       les personnes qui utilisent des patchs qui délivrent des thérapeutiques à travers la peau, car cela pourrait entraîner une vasodilatation et affecter la distribution du médicament.

Les effets secondaires rapportés sont peu nombreux et bien qu’en laboratoire, on ait pu montrer que les cellules pouvaient s’aligner dans le champ à partir de 5000G, les implications ne sont pas claires.

Des études animales ont montré une action sur le système vestibulaire à partir de 4T. Une induction de courants électriques autour du cœur et de la majeure partie des vaisseaux sanguins a été objectivée à partir de CMS de 1000 G chez les animaux, mais aucun effet désirable n’a été relevé.

On a néanmoins rapporté que les hautes intensités des aimants (en l’occurrence 2000G) appliqués sur six points d’acupuncture, soit 12000G (1,2T) et laissés en place pendant 72 heures pour traiter des bouffées de chaleur (personnes traitées par chimiothérapie en raison d’un cancer du sein), avaient entraîné une exacerbation de ces bouffées ainsi qu’une irritation de la peau, sans doute due à l’adhésif de contention [[51]]. D’où l’importance de ne pas multiplier les points d’acupuncture à traiter simultanément.

Dans des champs de 8T, les effets cardiovasculaires ont été observés chez l’être humain mais ces effets ont été limités et entrent dans l’échelle des variations physiologiques.

Cependant, certaines personnes exposées à des champs d’environ 2T ou davantage, peuvent éprouver des réactions transitoires : vertiges et goût métallique dans la bouche. Des études épidémiologiques et des rapports de cas cliniques n’ont pas rapporté d’effets indésirables à long terme, mais les données sont rares et il n’y a aucune étude de suivi de patients à long terme des ECR concernant les CMS.

Dans l’ensemble, on peut conclure qu’au niveau de l’exposition aux CMS (à partir d’environ 2T), les effets sensoriels transitoires peuvent affecter certaines personnes. Aucun effet grave ou permanent sur la santé n’a été objectivé jusqu’à un niveau de 8T, mais les investigations scientifiques sont limitées. Par contre au delà de 8T, les effets sur le corps humain sont inconnus mais quelques effets cardiovasculaires et sensoriels pourraient se voir avec des CMS très élevés [2].

Conclusion

Les champs magnétiques statiques engendrés par des aimants et appliqués sur des points d’acupuncture dans le cadre des algies pourraient prolonger l’effet des aiguilles. Cependant, aucun ECR à l’heure actuelle n’a objectivé une quelconque efficacité. Compte-tenu des effets secondaires négligeables, cette voie de recherche clinique est à suivre avec attention. Il sera néanmoins nécessaire d’appliquer un protocole méthodologique précis et rigoureux [[52]].


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Stéphan JM. Champs magnétiques statiques et acupuncture : intérêt dans l’antalgie ? Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(1):26-31.(Version PDF)

Stéphan JM. Champs magnétiques statiques et acupuncture : intérêt dans l’antalgie ? Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(1):26-31.(Version couleur HTML)

Laser de faible puissance et utilisation en acupuncture : principes physiques et mécanismes d’action

Concert au Palais Rameau – Lille – France
Concert au Palais Rameau – Lille – France

Résumé : Une technique associée à l’acupuncture est le laser de faible puissance. Utilisée sur le point d’acupuncture, l’émission laser peut remplacer l’aiguille. La connaissance de ses caractéristiques physiques (longueur d’onde, énergie, puissance, irradiance, fluence) est primordiale pour un effet optimal de la thérapie par acupuncture laser (TAL). Les études expérimentales montrent que les effets photobiologiques résultent d’effets directs avec stimulation de la microcirculation (effets sur l’angiogenèse, stimulation trophique au niveau cellulaire) qui engendrent à leur tour des effets indirects : anti-inflammatoires, antalgiques, trophiques, antiallergiques, effets de détoxification par activation des radicaux libres. La TAL a donc un intérêt notable pour tous ceux ayant peur des aiguilles et doit faire partie du panel de soins de la médecine moderne. Néanmoins des essais contrôlés randomisés sont nécessaires pour mieux définir les paramètres d’un traitement optimal. Mots-clés : laser – acupuncture – faible puissance – irradiance – fluence – absorption tissulaire – TPKR – ROS – TNF-α – interleukine IL-1β – récepteurs 5-HT1 et 5-HT2A – β endorphine. 

Summary: An acupuncture related technique is the low-power laser. Used on the acupuncture point, the laser output can replace the needle. Knowledge of its physical characteristics (wavelength, energy, power, irradiance, fluence) is essential for optimal effect of laser acupuncture therapy (LAT). Experimental studies show that the photobiological effects result from direct effects with stimulation of the microcirculation (effects on angiogenesis, trophic stimulating in cellular level), which in turn generate indirect effects: anti -inflammatory, analgesic, trophic, antiallergic, detoxification effects by activation of free radicals. LAT thus have a significant for all those with a fear of needles and should be part of the panel care modern medicine interest. Nevertheless, randomized controlled trials are needed to better define the parameters of optimal treatment. Keywords: laser – acupuncture – Low power – irradiance – influence – tissue absorption – TPKR – ROS – TNF- α – IL- 1β interleukin – 5-HT1 and 5 -HT2A – β endorphin.

  


La thérapie par laser de faible puissance (TLFP) est une forme de photothérapie qui va engendrer différents processus biologiques dépendant de paramètres physiques spécifiques comme la longueur d’onde, la puissance, l’énergie, la fluence et l’irradiance. En raison de ses propriétés antalgiques et anti-inflammatoires, elle peut être utilisée par exemple dans les cervicalgies [[1]], même si son efficacité est controversée dans une autre méta-analyse plus récente [[2]]. Une intéressante modalité de la TLFP est la thérapie par acupuncture laser (TAL) définie comme l’utilisation du laser par stimulation d’une combinaison de points d’acupuncture soit de façon simultanée [[3]], soit de façon séquentielle [[4]] selon les paradigmes de la médecine chinoise. Les avantages du TAL, outre la rapidité du temps de traitement, sont son intérêt chez les personnes ayant la crainte des aiguilles, et surtout le fait de n’entraîner aucun risque d’infection, ni effets secondaires, à condition que patient et praticien protègent leurs yeux par des lunettes adaptées à la longueur d’onde.

 

Aspects physiques du laser

 Quelques notions de base

 Un laser (acronyme de l’anglais « Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation » est un appareil qui produit une lumière spatialement et temporellement cohérente basée sur l’effet laser. Celui-ci a pour principe fondamental l’émission stimulée (ou émission induite) décrite en 1917 par Albert Einstein. En 1960, le physicien américain Maiman obtient pour la première fois une émission laser au moyen d’un cristal de rubis. Un an plus tard, Javan mettait au point un laser au gaz (hélium et néon) puis en 1966, Sorokin construisait le premier laser à liquide. Einstein montre que l’émission d’un photon lorsqu’un atome se désexcite peut être induite, stimulée, par un photon de même énergie. Dans ce processus appelé « émission stimulée », le photon émis possède les mêmes caractéristiques que le photon « stimulant » : même énergie, même direction d’émission, même phase, mais avec une énergie double du fait de l’amplification de lumière par émission stimulée de radiation (figure 1).


 Le phénomène d’absorption. Lorsqu’il est éclairé par un rayonnement électromagnétique (photon hν = la lumière), un atome peut passer d’un état n à un état n’ > n, en prélevant l’énergie correspondante sur le rayonnement. L’atome passe de son état fondamental E1 vers l’état excité E2. 

Le phénomène d’émission stimulée. Un atome dans l’état n’ peut se « désexciter » vers le niveau n sous l’effet d’une onde électromagnétique, qui sera alors amplifiée. On peut l’interpréter comme l’émission d’un photon d’énergie qui vient s’ajouter au rayonnement. La désexcitation de l’atome est stimulée par l’arrivée du photon incident. Le photon émis vient s’ajouter au champ incident : il y a amplification.

Figure 1. Les phénomènes d’absorption et d’émission stimulée expliquant l’effet laser (l’émission spontanée, troisième mécanisme d’interaction qui engendre l’émission d’un photon à direction et phase aléatoire n’est pas abordée dans ce schéma).

Pour avoir un effet laser, il est nécessaire qu’il y ait davantage d’atomes dans l’état excité que dans l’état fondamental : il faut donc provoquer une « inversion de population » et donc sortir de l’état d’équilibre thermodynamique. Un tel déséquilibre est réalisé à partir de méthodes dites de «pompage» qui apportent sans cesse de l’énergie et intensifient la population d’atomes dans l’état excité. On augmente ainsi le taux d’émissions stimulées par « amplification résonante » en utilisant une cavité constituée de deux miroirs parallèles. Dans cette cavité résonante qui constitue un oscillateur optique, on obtient une amplification favorisant l’émission stimulée dans la direction de propagation de la lumière grâce à l’un des miroirs semi-réfléchissants qui permet au faisceau de sortir du dispositif.

Un laser se définit donc par trois éléments fondamentaux :

– Un milieu amplificateur optique de différents types (matériau gazeux, solide ou liquide). Dans ce milieu, on trouve des atomes, molécules, ions ou électrons dont les niveaux d’énergie sont utilisés pour accroître la puissance d’une onde lumineuse au cours de sa propagation. Le principe physique mis en jeu est l’émission stimulée.

– Un système d’excitation du milieu amplificateur (aussi appelé système de pompage) : il permet de créer les conditions d’une amplification lumineuse en apportant l’énergie nécessaire au milieu. Le système de pompage peut être de différente nature : pompage optique (le soleil, lampes flash, lampes à arc continues ou lampes à filament de tungstène, diodes laser ou autres lasers …), électrique (décharges dans des tubes de gaz, courant électrique dans des semi-conducteurs …) ou même chimique.

– La cavité qui permet de recycler les photons et d’obtenir par effet en cascade une amplification de la lumière déjà existante. La cavité la plus simple est constituée de deux miroirs, dont l’un est partiellement réfléchissant. Ce résonateur optique qui est un oscillateur laser permet donc de confiner l’onde à l’intérieur de la cavité, puis d’augmenter son parcours dans le milieu amplificateur, de façon à obtenir une amplification considérable. L’oscillateur laser peut être schématisé par la figure 2 avec ses éléments fondamentaux : le milieu amplificateur excitable, le système de pompage, et les miroirs formant la cavité, dont le miroir de sortie. Différentes techniques permettent d’obtenir une émission autour d’une seule longueur d’onde. Les longueurs d’ondes concernées étaient d’abord les micro-ondes (maser inventé en 1954 par Townes), puis elles se sont étendues aux domaines de l’infrarouge, du visible, de l’ultraviolet et commencent même à s’appliquer aux rayons X [[5],[6]].

Figure 2. Principe de fonctionnement du laser : 1 – milieu excitable ; 2 – énergie de pompage 3 ; – miroir totalement réfléchissant ; 4 – miroir semi-réfléchissant 5 – faisceau laser. Le composé 1, par exemple le gaz He-Ne ou un cristal (rubis, etc.) est placé entre les deux miroirs dont un laisse passer une petite partie de la lumière. Ce composé est ensuite excité de manière à libérer des photons lorsqu’il perd cette énergie (quand les électrons du composé passent à une couche inférieure). La taille du système qui correspond à la cavité résonnante est prévue pour que lorsqu’un photon heurte un miroir, deux photons repartent dans l’autre sens pour générer le faisceau laser (schéma d’après http://fr.wikipedia.org/wiki/Laser).

Les différents types de laser peuvent être classés suivant les caractéristiques qu’ils présentent, en deux grandes catégories :

Dans une première catégorie, sont classés les lasers selon le mode temporel d’émission. On trouve ainsi des sources émettant en mode dit continu (durée de l’impulsion constante, exemple τ>0,25s pour l’He-Ne) ; des sources dites impulsionnelles ou pulsées dont la fréquence et la puissance sont modulables. Ce sont des lasers utilisant une diode capable de fonctionner une très courte durée (quelques femtosecondes) mais avec énormément de puissance (près d’1 MW = 1 000 kW = 1 000 000 W pour les plus puissants).

Dans une seconde catégorie peuvent être classés les lasers pour lesquels la nature du milieu actif diffère [[7]].

  – Lasers à gaz tels que les lasers atomiques neutres (laser He-Ne, He-Cd, …), les lasers atomiques ionisés (Argon Ar+, Kryton Kr+) et les lasers moléculaires (CO2, excimères, etc.). Les lasers à gaz couvrent tout le spectre optique, depuis l’ultraviolet jusqu’à l’infrarouge lointain.

  – Lasers solides tels que le laser à rubis, Nd-YAG (grenat d’yttrium-aluminium dopé au néodyme Nd-YAG) etc. ;

– Lasers à colorants : utilisation de colorants pour avoir la longueur d’onde exacte désirée (au centième de nanomètre près) ;

– Lasers à semi-conducteurs à diode laser (les photons sont produits par deux semi-conducteurs traversés par un courant électrique) ; à électrons libres ;

– A fibres (le milieu amplificateur est une fibre optique dopée avec des ions rares).

 Définition des caractéristiques des émissions lasers

Un laser est caractérisé par sa longueur d’onde en nanomètre (1 nm : 10-9 mètre), son énergie en Joule (J), sa puissance en Watt (W), son irradiance, parfois appelée densité de puissance en Watt/centimètre carré (W/cm² ou mW/cm²), sa fluence ou dose délivrée en Joule/centimètre carré (J/cm²). 

 La longueur d’onde

Lorsque la longueur d’onde λ (lambda) se situe entre 400 nm et 750 nm, le rayon laser est visible à l’œil humain (exemple : He-Ne 632 nm : rouge ; argon 514 nm : vert). Les longueurs d’onde inférieures à 400 nm sont situées dans l’ultraviolet et celles supérieures à 750 nm figurent dans l’infrarouge. Le tableau I montre le spectre électromagnétique.  Les longueurs d’onde entre 633 à 670 nm sont la meilleure option pour la thérapie au laser de faible puissance avec une profondeur de pénétration n’excédant pas le centimètre [[8]].

 Tableau I. Spectre électromagnétique et exemples de longueur d’onde avec correspondance avec la fréquence en Hertz (Hz).

Longueur d’onde (dans le vide)DomaineFréquence 
supérieure à 10 mradioinférieure à 30 MHz 
de 30 cm à 1 mmmicro-onde (Wifi, téléphones portables, radar, etc.)de 1 GHz à 300 GHzincluse dans les ondes radios
de 500 μm à 780 nminfrarouge de 0,5 THz à 350 THzinfra-rouge C (3000nm- 1mm)(3µm-1000µm)infra-rouge B (1,4µm-3µm)infra-rouge A (780nm -1400 nm (1,4µm))
de 380 nm à 780 nmlumière visiblede 350 THz à 750 THzrouge (620-780 nm)
orange (592-620 nm)
jaune (578-592 nm)
vert (500-578 nm)
bleu (446-500 nm)
violet (380-446 nm)
de 100 nm à 380 nmultravioletde 750 THz à 30 PHz 
de 10 pm à 10 nmrayon Xde 30 PHz à 30 EHz 
inférieure à 10 pmrayon γsupérieure à 30 EHz 

L’énergie

L’énergie est la capacité d’un système à produire un travail, entraînant un mouvement ou produisant par exemple de la lumière, de la chaleur ou de l’électricité. C’est une grandeur physique qui caractérise l’état d’un système et qui est d’une manière globale conservée au cours des transformations. L’énergie s’exprime en joules (E= Puissance en mW x Temps en seconde). Exemple : 1J= 1 W-s (watt seconde).

La puissance

La puissance est la quantité d’énergie par unité de temps. L’unité de puissance est le watt qui correspond donc à un joule fourni par seconde. Ne pas confondre la puissance exprimée en watts (W) avec l’énergie exprimée en watt-heures (W-h) ou avec l’unité de variation de puissance exprimée en watts par heure (W/h). En vue de calculer la dose à administrer au point d’acupuncture, il est important de connaître la puissance de sortie du laser. En effet, deux types de laser sont utilisés en médecine : le laser de haute puissance (500mW-50W : hard laser) et le laser de faible puissance (5mW-500mW), encore appelé soft laser ou basse énergie. Celui-ci est utilisé en acupuncture pour ses propriétés non thermiques alors que le hard laser est réservé pour les techniques chirurgicales (scalpel, photo coagulation etc.).

L’irradiance

 Il s’agit de la densité de puissance qui quantifie la puissance d’un rayonnement électromagnétique par unité de surface. Elle s’exprime en watts par centimètre carré (W/cm²). I=P/S avec I : irrradiance ; P : puissance et S la surface.  

 La fluence

C’est l’énergie délivrée par unité de surface, encore appelée dose délivrée, dont l’unité est le J/cm².  F= E/S avec F : la fluence ; E : énergie et S : surface. Elle est fonction de l’irradiance et du temps d’application : irradiance x Temps = Fluence. Exemple : Pour traiter une surface de 8 cm2 avec une dose délivrée (fluence) de 3 J/cm2 et un laser de 50mW, il faut un temps de 20 sec x 3 J/cm2 x 8 cm2 = 480 sec soit 8 minutes alors qu’il faut seulement 90 sec avec 250 mW, 45 sec avec 500mW et 24 sec avec 1Watt.


Est ce que 1 J/cm² est équivalent à 1 W/cm² ? Différence entre fluence et irradiance.

En pratique, est ce qu’une dose délivrée sur la peau en 9 minutes de 32 J/cm2 à partir d’une source laser est équivalente à une irradiance de 32 W/cm2 en 9 minutes. Non car il existe un facteur de temps. Ainsi 1 watt n’est pas égal à 1 joule. La puissance en watts est égale à l’énergie en joules, divisée par le temps en secondes. 9 minutes = 540 secondes.  
Ainsi, une fluence de 32 J/cm ² administrée en 9 minutes est équivalente à une irradiance de 32 J/cm²/540s = 0,059 J/cm² s• = 0,059 W/cm ² 


Caractéristiques techniques des lasers de faible puissance

 La puissance se situe entre 10 et 500 mW. L’irradiance retrouvée habituellement est comprise entre 5mW/cm² et 5W/cm², la longueur d’onde est comprise entre 600 et 1000 nm et la fluence entre 0,05 et 20 J/cm².

La World Association for Laser Therapy (WALT) a proposé les doses recommandées pour un traitement optimal. Ainsi dans le canal carpien, avec un laser de longueur d’onde compris entre 780 et 860 nm, en émission d’une puissance entre 5 mW et 500 mW, les temps de traitement doivent être compris entre 20 et 300 secondes avec une application d’un minimum de 4 J par point pour un total de 8 J par poignet (traitement réalisé chaque jour pendant 15 jours ou tous les deux jours pendant 4 semaines). Il est nécessaire de différencier la fluence (J/cm²), de l’énergie (J), car par exemple une haute fluence peut facilement être obtenue en jouant sur la surface de traitement ou la surface du faisceau laser. Ainsi 1 joule appliquée sur une surface de 1 cm² (fluence=1 J/cm²) correspondra à une dose délivrée de 10 J/cm² sur une surface de 0,1cm² [9 ,10 ,11 ]. Il est donc important de connaître le diamètre du faisceau laser pour connaître la dose délivrée réelle.


Calcul de la fluence

Les paramètres : laser de 50 mW de puissance en émission constante ; diamètre du faisceau laser : 1 mm ; point traité pendant 5 secondes. Pour calculer la fluence, nous avons besoin de deux paramètres : la puissance et l’aire de distribution du faisceau.  Ainsi, 50 mW émis durant 5 s signifie qu’une énergie de 250 mJ =0,25 J a été émise du laser (0,75 J pour 15 secondes). L’aire est égale à 0,785mm², soit 0,00785cm² (1 mm de diamètre). En supposant que l’irradiance soit la même sur chaque point, la fluence sera donc de 0,25 J / 0,00785 cm² = 31,84 J/cm², fluence qui sera délivrée aux cellules en contact direct avec le faisceau laser, soit sur une aire de 0,785mm². Si on veut calculer la dose moyenne de la fluence délivrée sur une aire de 1cm² (diamètre 1,13cm) autour du point de puncture, nous retrouvons une fluence de 0,25 J/cm², ce qui veut dire que l’effet thérapeutique suivra une loi de distribution gaussienne avec effet maximum près de l’ouverture du faisceau et effets moindres plus on s’en éloigne.


Mécanismes d’action du laser de faible puissance

Les effets physiologiques de l’émission laser s’observent déjà pour une irradiance supérieure à 1,3W/cm² [3,[12]]. Une fluence de 4 J/cm2 est considérée comme la dose optimale pour la stimulation biologique d’un point sur la base de résultats empiriques [[13]] bien que de nouvelles recherches concernant le laser ultra faible puissance (3 mW ; 0,45mJ/cm²) objectiveraient également une photo-biostimulation [[14]]. Ainsi la TAL (670 nm ; 3mW ; 0,21 mJ/mm² par point) appliquée sur ES36 et TR5 aurait un effet anti-œdémateux et antalgique sur un modèle de douleur inflammatoire et neuropathique chez le rat. Pas d’action par contre sur la douleur viscérale [[15]].

Mester en 1968 a été le premier à réaliser des travaux de recherche concernant les effets non thermiques des lasers sur la croissance des cheveux de la souris [[16]]. Dans une étude ultérieure [[17]], le même groupe a rapporté une accélération de la cicatrisation des plaies et l’amélioration de la capacité de régénération des fibres musculaires après lésion grâce à un laser basse énergie à rubis (694 nm) d’une fluence d’un 1 J/cm2.

A la différence des lasers forte puissance qui induisent des effets thermiques, l’un des traits les plus marquants des lasers faible puissance est que les effets sont plutôt médiés par un processus appelé photobiostimulation. On utilisera en règle générale des sources de rayonnement dans la région spectrale rouge et proche infrarouge (620 à 1200 nm de longueur d’onde), pour la raison que l’hémoglobine n’absorbe pas ce rayonnement. De ce fait, l’émission laser peut pénétrer plus profondément dans les tissus vivants et interréagir [[18]].

Effets d’absorption tissulaire du rayonnement laser

Outre les spécificités physiques précédemment décrites, il convient effectivement de connaître la profondeur d’absorption du rayonnement laser dans le tissu cutané, ceci afin d’en comprendre le mécanisme d’action. En effet, la structure du tissu se compose essentiellement de chromophores comme l’eau, l’hémoglobine et les pigments tels la mélanine, la bilirubine ou le carotène. Il existe une « fenêtre optique » comprise entre 600 et 1300 nm pour laquelle la pénétration est maximale. Au-delà de 1300 nm, l’eau va absorber toute l’énergie, tout comme en dessous de 600 nm, le rayonnement sera absorbé par l’hémoglobine et les pigments [[19],[20]].

 Figure 3. Coefficients d’absorption en mm des trois principaux chromophores biologiques (oxyhémoglobine, mélanine et eau) en fonction de la longueur d’onde (d’après [20]).

Ainsi sur un échantillon de peau abdominale humaine de 0,784mm d’épaisseur, l’intensité du rayonnement laser (longueur d’onde 850 nm ; 100mW ; 0,28mm du diamètre de la sonde) est réduite de 66%.  Cela suggère que le rayonnement laser est absorbé dans le premier mm du tissu cutané [[21]]. Notons que le derme qui a une épaisseur moyenne de 1 à 2 mm, est une des trois couches constitutives de la peau comprise entre l’épiderme et l’hypoderme. Il est formé de tissu conjonctif principalement composé d’une matrice extracellulaire produite par des fibroblastes qui interviennent justement dans la mécanotransduction induite par l’acupuncture [[22]]. Ankri et coll. suggèrent que la longueur d’onde optimale pour un effet thérapeutique dans la cicatrisation des lésions est de 730 nm car la pénétration va jusqu’à 1,6mm de profondeur et 0,5mm pour une longueur d’onde à 480 nm [[23]]. Cependant la pénétration du laser diffère aussi selon les localisations cutanées. Ainsi le faisceau laser He-Ne (632,8 nm ; 50 mW) pénètre à 80,5% dans un tissu abdominal de 0,03mm d’épaisseur ; à 6,5% dans un tissu de 2,60mm ; à 0,3% pour 19mm. Au niveau de la face antérieure du bras la pénétration n’est que de 58% pour un tissu cutané de 0,024 mm d’épaisseur et descend à 10% pour un tissu cutané de 1,5mm. Les résultats montrent que la pénétration du rayonnement laser diffère selon les différentes localisations à la surface de la peau [[24]], tout comme on piquera plus ou moins profondément selon les concepts de la médecine traditionnelle chinoise.

Effets photobiologiques de l’émission laser

On peut considérer que les effets photobiologiques vont résulter d’effets primaires ou directs avec stimulation de la microcirculation (effets sur l’angiogenèse, stimulation trophique au niveau cellulaire) engendrant à leur tour des effets indirects : effets anti-inflammatoires et anti-œdémateux, antalgiques, immunosuppresseurs, trophiques et cicatrisants, effets antiallergiques, effets de détoxification par activation des radicaux libres. A ce jour, plusieurs mécanismes d’action biologique ont été proposés, mais aucun n’est clairement établi et satisfaisant. Par ailleurs, ces effets ont été démontrés en utilisant des dispositifs de laser de faible puissance variables et souvent non comparables. Pour ajouter à la confusion, il existe un effet dose-dépendant actif sur une gamme étroite de longueur d’ondes qui peuvent disparaître avec l’augmentation de la dose délivrée. En effet, les effets de la biostimulation par le laser sont régis par la loi d’Arndt-Schultz à savoir que des stimuli faibles activent l’activité physiologique cellulaire alors que les stimuli intenses les diminuent jusqu’à engendrer une réponse négative [[25],[26]]. Selon cette loi, la biostimulation apparaît à une fluence comprise entre 0,05 et 10 J/cm² [[27]], avec une valeur optimale comprise entre 0,5 et 4 J/cm² [[28]] (figure 4).

Figure 4. La loi d’Arndt-Schultz pour thérapie par laser de faible puissance (d’après [28 ]). 

 Effets directs

 Sur la cellule

La stimulation laser à faible puissance favorise la prolifération de plusieurs cellules, principalement à travers l’activation de la chaîne respiratoire mitochondriale et l’initiation de la signalisation cellulaire. Gao et coll. ont réalisé une revue de littérature concernant ces effets et ont montré l’implication des récepteurs à tyrosine kinase (TPKR) qui sont phosphorylés. Les TPKR activés pourraient engendrer à leur tour des éléments de signalisation par transduction (Ras/Raf/MEK/ERK, PI3K/Akt/PI3K/Akt/eNOS etc.). Il y a aussi implication de deux autres voies de transduction : ATP/cAMP/JNK/AP-1 et ROS/Src (dérivés réactifs de l’oxygène). Cela aboutit en aval à la synthèse ou la libération de nombreuses molécules, comme les facteurs de croissance, les interleukines, les cytokines inflammatoires etc. [[29]]. Ces mécanismes cellulaires sont similaires à ceux observés par l’action de l’aiguille d’acupuncture qui déclenche une transduction dans le tissu conjonctif [[30]].

Sur l’angiogenèse et le flux sanguin

Il a été objectivé chez le lapin que le laser (830 nm ; 60 mW ; 40 mW/mm² ; 1,4mm de diamètre, 39 mW/cm² déclenchait une accélération de la vélocité du flux sanguin, une augmentation du diamètre des artérioles dans les groupes traités par acupuncture ou par laser en rapport avec l’accroissement de la concentration en oxyde nitrique (NO) [[31]]. De la même façon, chez l’être humain, on pourra observer un accroissement de la microcirculation par activation de la NO, synthèse via la synthase NO (NOS) pour une longueur d’onde de 385-750 nm (40 mW/cm2, 12 J/cm2) [[32]].Wang et coll. observent même chez des volontaires sains que la TAL (405 nm, 110 mW) appliquée sur 14VG (dazhui) accélère les effets vasculaires périphériques de la microcirculation érythrocytaire [[33]].  

 Effets anti-inflammatoires

 Chez la souris, on observe qu’une fluence de 5 J/cm² pour des longueurs d’onde variant de 635 nm à 905 nm peuvent déclencher une modulation de la réponse inflammatoire en entraînant une régulation positive (uprégulation) de l’expression des gènes de la synthase inductible de l’oxyde nitrique (iNOS) [[34]]. Cela est à nouveau confirmé sur un modèle de blessure musculaire chez le rat Wistar bénéficiant d’une émission par diode laser (GaAlAs) avec les paramètres suivants : mode continu, 808 nm, 30 mW de puissance, 47 secondes d’émission, surface stimulée : 0,00785 cm2, fluence : 180 J/cm2, irradiance 3,8 W/cm2, avec une énergie totale de 1,4 J par point. On retrouve une réduction du stress oxydatif dans le groupe des rats traités (n=20) versus groupe contrôle non traité (n=20) par diminution de la production d’oxyde nitrique (NO), probablement en rapport avec la réduction de la forme inductible (iNOS) de l’oxyde nitrique. En outre, la thérapie par laser de faible puissance (TLFP) augmente l’expression du gène de la superoxide dismutase (SOD, antioxydant permettant de lutter contre les radicaux libres de type ROS) et une réduction de la réponse inflammatoire mesurée par la diminution de l’expression du gène du NF-kβ, de la cyclooxygénase-2 (COX2), inhibant la libération de cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-α, et l’interleukine IL-1β [[35]].

Un travail très récent sur un modèle de lésion musculaire inflammatoire chez le rat confirme que la TLFP (904 nm ; pulsé à 700 Hz ; 60 mW ; irradiance =1,67 W/cm² ; 1 J) diminue de manière significative (p <0,05) les cytokines inflammatoires telles que l’IL-1β, IL-6 et les concentrations de TNF-α par rapport au groupe non traité ainsi que les groupes diclofénac et cryothérapie [[36]].

Piva et coll. ont analysé vingt-deux travaux de recherche réalisés aussi bien in vitro (chez l’animal) qu’in vivo (chez l’homme). Ils ont conclu que la TLFP exerce un important effet anti-inflammatoire précoce dans les processus de cicatrisation en réduisant les cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-1β, l’IL-2, les IL-6 et 10, le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α), l’histamine, la prostaglandine E2 (PGE2). Par ailleurs, la TLPF réduit aussi la migration des cellules inflammatoires comme les leucocytes, les neutrophiles et augmente les facteurs de croissance tels que le fibroblast growth factor-2 (FGF-2), le platelet-derived growth factor (PDGF), l’insulin-like growth factor 1 (IGF-1) et l’insulin-like growth factor-binding protein 3 (IGFBP3) etc. Les auteurs montrent néanmoins un manque de standardisation sur le choix des paramètres physiques et observent par exemple que la plupart des lasers utilisés concernaient la longueur d’onde comprise entre 632,8 et 685 nm [[37]].

Effets analgésiques

Sur un modèle de rat, la stimulation du point zusanli (36ES) bilatéralement par laser pendant 6 secondes (830 nm ; 30 mW ; 1,6 mm de diamètre de faisceau ; 3 J/cm², 6 mm² d’aire, 180 mJ) inhibe les contractions abdominales induites par injection d’acide acétique intra-péritonéale et à la fois les douleurs nociceptives et inflammatoires induites par le formaline. Les auteurs démontrent que ces effets sont médiés par l’activation des systèmes opioïdes (β endorphine) et sérotoninergiques (récepteurs 5-HT1 et 5-HT2A, mais pas les récepteurs 5-HT3) [[38]]. Ce travail corrobore l’étude réalisée par Hagiwara et coll. qui objectivait l’effet analgésique du laser en rapport avec la libération de β endorphines [[39]].

 Effets antiallergiques

 La stimulation de la muqueuse intra-nasale incluant le point hors méridien neiyingxiang (EX-HN9) par un dispositif laser de faible puissance (658 nm, 30 mW, 0,2 cm², 320s :1000 mJ/cm² et 640s : 2000 mJ/cm²) sur un modèle de rhinite allergique chez la souris entraîne une inhibition statistiquement significative de la concentration totale en IgE, en interleukine IL-4, en interféron de type II (IFN-γ) et en TARC (CCL17), chimiokine en rapport avec une réponse humorale des lymphocytes Th2. Il sera noté que la faible fluence 1000 mJ/cm² est plus efficace que la haute fluence (2000 mJ/cm²). Les auteurs notent l’importance de la dose thérapeutique optimale, sans doute en rapport avec la loi d’Arndt-Schultz [[40]].

 Conclusion

Le laser provoque peu ou pas de sensations, avantage notable pour tous ceux ayant peur des aiguilles d’acupuncture, ou en pédiatrie. Néanmoins, il est important d’en connaître ses caractéristiques physiques.  Plusieurs mécanismes d’action biologique ont été proposés. Aucun n’est clairement établi et satisfaisant car trop de variables influent sur les résultats. Aussi, des essais contrôlés randomisés sont nécessaires pour mieux définir les paramètres d’un traitement optimal, incluant la longueur d’onde, l’irradiance, la fluence et l’énergie du laser, afin de maximiser les avantages physiologiques et la rentabilité de cette technique thérapeutique associée à l’acupuncture.

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