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Modulation et contrôle de la douleur neuropathique par acupuncture

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Résumé : La douleur neuropathique résulte d’un mécanisme de sensibilisation périphérique et centrale, modulée par les contrôles inhibiteurs spinaux et supraspinaux. Comme le montrent les nombreuses études acupuncturales expérimentales sur modèle animal de neuropathie, le contrôle de la douleur peut s’effectuer par modulation de différentes molécules et récepteurs comme le GABA, le glutamate et ses différents récepteurs (AMPA, NMDA…), le système sérotoninergique (5HT), le système opioïde, la noradrénaline (NE), les récepteurs cholinergiques etc. On note que sur les douleurs neuropathiques, l’électroacupuncture (EA) à basse fréquence (2Hz) a une action analgésique bien supérieure à celle à haute fréquence (100 Hz).

 Summary: Neuropathic pain results from a mechanism of peripheral and central sensitization, modulated by spinal and supraspinal controls inhibitors. As shown in many acupuncture experimental studies of animal model of neuropathy, pain control may be effected by modulation of different molecules and receptors such as GABA, glutamate and its different receptors (AMPA, NMDA …), the serotonin (5HT) system, the opioid system, norepinephrine (NE), cholinergic receptors etc. Note that on neuropathic pain, electroacupuncture (EA) at low frequency (2 Hz) has analgesic effect much higher than high-frequency (100 Hz). 

La douleur neuropathique résulte d’une sensibilisation périphérique, centrale et d’une plasticité synaptique au niveau du système nerveux central (SNC) impliquant de nombreuses molécules que l’acupuncture module au niveau du neurone, voire localement au niveau du tissu cutané [1]. Cette algie, qu’elle soit neuropathique ou même nociceptive, suscite nécessairement la mise en jeu de contrôles inhibiteurs exercés par des structures aussi bien spinales que supraspinales.

Les axones des neurones nociceptifs de la corne postérieure constituent ainsi les faisceaux médullaires ascendants des voies extra-lemniscales. Ceux-ci projettent leur information à différents niveaux supraspinaux : thalamus (noyau ventral postéro-latéral VPL), substance grise périaqueducale, noyau cunéiforme, hypothalamus, système limbique avec le complexe amygdalien, puis projection vers les aires somesthésiques S1 et S2 du cortex pariétal. Certains neurones du thalamus médian projettent aussi leurs axones vers les aires corticales frontales, le cortex insulaire et le cortex cingulaire antérieur, impliqués dans les réactions émotionnelles plus élaborées à la douleur [2].

La douleur neuropathique, quant à elle entraîne des changements d’activité des réseaux thalamo-corticaux, qui développent des processus autonomes qui entretiennent la douleur. La représentation corticale des territoires corporels change après une lésion nerveuse. Ces changements pourraient être corrélés à la survenue des douleurs de type neuropathique.

Le cortex cingulaire antérieur (CCA) est impliqué ainsi de façon majeure dans cette perception. Les neurones du CCA sont des neurones inhibiteurs produisant du GABA et/ou neuropeptides recevant souvent une innervation glutamatergique. Le glutamate est le principal transmetteur excitateur rapide dans le cortex cingulaire antérieur (CCA). Différents types de récepteurs du glutamate (AMPA, KA, NMDA) ainsi que des récepteurs métabotropiques liés à une protéine G (mGluR1 et mGluR5) y sont distribués et engagés dans la réponse excitatrice à l’origine de l’algie neuropathique. Par ailleurs, on notera aussi l’implication du cortex insulaire, structure aussi du système limbique [3,4].

 

Figure 1. Contrôle segmentaire du « Gate control » (théorie du portillon de Melzack & Wall). 

 

Les mécanismes de contrôle de la douleur : supraspinaux, structures cérébrales et cortex cingulaire antérieur

  De manière schématique, on distingue quatre catégories de systèmes de contrôle.

 Les contrôles segmentaires spinaux

La mise en jeu du contrôle segmentaire a été modélisée par Melzack et Wall [4] dans leur « théorie du portillon » (gate control theory) [5,6]. Ils ont mis en évidence l’importance du rôle de la corne postérieure de la moelle épinière dans la modulation de la transmission des messages nociceptifs. Ce modèle repose sur l’équilibre d’une balance entre deux types d’activités exercées sur les neurones nociceptifs non spécifiques médullaires. Les fibres nociceptives de petit diamètre Aδ et C d’origine segmentaire périphérique sont activatrices alors que les autres fibres de gros diamètre non nociceptives Aα, β de même origine périphérique sont inhibitrices. L’activation des fibres de gros diamètre de la sensibilité tactile légère Aα, β inhibe ainsi les réponses nociceptives par des mécanismes d’inhibition exercés par l’intermédiaire de l’activation de deux familles d’interneurones segmentaires localisés dans la couche II (substance gélatineuse). L’une est inhibitrice des neurones à convergence à l’origine des faisceaux ascendants des voies extra-lemniscales (neurone T « trigger cells ») activés par les fibres Aα, β et l’autre activatrice des neurones T activés par les fibres Aδ et C. Ces deux familles sont sous le contrôle de systèmes descendants d’origine supraspinale par l’intermédiaire d’acides aminés inhibiteurs comme la glycine ou l’acide gamma aminobutyrique (GABA). L’activation des fibres de la sensibilité tactile légère Aα, β, en augmentant l’activité des interneurones inhibiteurs, fermerait le portillon et bloquerait la transmission de l’information nociceptive vers les structures supraspinales (figure 1). 

Les contrôles inhibiteurs descendants supraspinaux

 Les contrôles inhibiteurs descendants issus du tronc cérébral s’exercent principalement à partir de deux structures à l’origine de voies descendantes dans la moelle épinière, l’une mésencéphalique avec la substance grise périaqueducale (SGPA), et l’autre bulbaire avec la région bulbaire ventromédiane (RBVM) associant le noyau du raphé magnus (NRM) et les noyaux paragigantocellulaire et gigantocellulaire. La stimulation électrique de ces structures entraîne des effets analgésiques résultant de la mise en jeu de voies descendantes sérotoninergiques exerçant un contrôle inhibiteur sur les neurones nociceptifs non spécifiques médullaires par libération de sérotonine et d’opioïdes endogènes dans les couches superficielles de la corne postérieure [7]. Il existe aussi une boucle de rétroaction négative spinobulbospinale mise en jeu par les axones des neurones sérotoninergiques qui se projettent directement dans la corne postérieure de la moelle. Par ailleurs, on a également la mise en jeu de systèmes inhibiteurs descendants noradrénergiques issus du locus coeruleus et du locus subcoeruleus en rapport avec des récepteurs α2-noradrénergiques activés physiologiquement par la noradrénaline (figure 2) [8,2 ].

Figure 2. Contrôle inhibiteur descendant faisant intervenir les systèmes à médiation sérotoninergique, opioïdergique et noradrénergique.

Les contrôles facilitateurs descendants supraspinaux

Des contrôles facilitateurs descendants également issus du tronc cérébral, en particulier de la RBVM exacerberaient les conséquences d’une stimulation nociceptive au niveau spinal. Deux types de neurones interviendraient dans la région bulbaire ventromédiane : les neurones « on » excitateurs sur les cellules de transmission (effets facilitateurs proalgiques) et les neurones « off » inhibiteurs antalgiques. L’activation des cellules « off » inhibe la transmission de l’information nociceptive au niveau spinal de la corne postérieure et peut donc être corrélée avec le renforcement de l’inhibition « descendante » de la réponse nociceptive spinale (figure 3) [2,9].

Figure 3. Les contrôles facilitateurs descendants selon Fields.

 Les contrôles inhibiteurs diffus induits par une stimulation nociceptive (CIDN)

Si les mécanismes segmentaires antalgiques peuvent bien être engendrés par la stimulation du métamère correspondant, il existe de surcroît un contrôle inhibiteur descendant diffus hypoalgésique engendré par une stimulation nociceptive sur d’autres parties du corps et différentes du site de la douleur initiale. En effet, les neurones à convergence de la corne postérieure sont très fortement inhibés lorsque l’on applique une stimulation nociceptive sur une quelconque partie du corps, différente de leur champ périphérique excitateur : cette stimulation déclenche les CIDN. Les CIDN sont sous-tendus par une boucle complexe faisant intervenir des structures supraspinales appartenant à la formation réticulée bulbaire comme le subnucleus reticularis dorsalis (SRD). Les neuromédiateurs sont endorphiniques et sérotoninergiques (figure 4) [2,8].

Figure 4. Le CIDN : après stimulation nociceptive quel que soit le métamère, on a une inhibition puissante de tous les segments médullaires (et trigéminaux) non concernés par le stimulus initial (d’après [8]).

Mécanismes d’action de l’acupuncture et de l’électroacupuncture (EA) dans la douleur neuropathique

 Les différents opioïdes et leurs récepteurs

 En 1992, Chen et Han montrent que l’analgésie produite par l’EA est régulée par trois types de récepteurs opioïdes [10]. Ainsi, l’EA à 2 Hz active les récepteurs μ et δ via les β endorphines, les enképhalines et les endomorphines ; celle à 100 Hz, les récepteurs κ via la dynorphine. L’EA à 15 Hz produit une activation de ces trois sortes de récepteurs chez le rat [11].

On a montré que les effets analgésiques de l’EA sur la douleur nociceptive aiguë sont médiés par les opioïdes endogènes [12], de même que dans les douleurs chroniques [13], l’hyperalgie inflammatoire [14] et les douleurs neuropathiques induites par lésions nerveuses [15].

Cependant il est important de différencier les douleurs nociceptives des douleurs neuropathiques car les effets analgésiques de l’EA varient en fonction de la fréquence.

Il s’avère que les récepteurs opoïdes μ et δ de la corne postérieure de la moelle, stimulés par l’EA à fréquence basse (2Hz) sont impliqués dans l’inhibition de la douleur neuropathique. Par contre, les récepteurs opioïdes κ activés par l’EA à fréquence haute (100Hz) ne le sont pas. Hwang et coll. ont objectivé ainsi sur un modèle de douleur neuropathique chez le rat que la stimulation à 2Hz sur le point houxi (IG3) engendrait un effet antiallodynique réversible par la naloxone [16]. Dans l’allodynie mécanique et l’hyperalgésie thermique induite par lésion nerveuse sur un modèle de rat, on précise que l’EA à 2 Hz a des effets plus importants et plus prolongés que l’EA à 100 Hz [15,17,18].

Par de la capsaïcine injectée à la face plantaire de la patte arrière de rats, Kim et coll. ont créé une hyperalgie persistante par sensibilisation centrale de type neuropathie. Les auteurs démontrent ainsi que l’EA (2Hz, 3mA) appliquée pendant 30mn sur deux points spécifiques (IG3 houxi et TR8 sanyangluo) produit un effet analgésique médié par l’activation des récepteurs opioïdes μ et δ de la corne postérieure de la moelle [19].

L’acupuncture manuelle par stimulation (rotation de l’aiguille à une fréquence de deux tours par seconde pendant 30s) des points sanyinjiao (RA6) et/ou zusanli (ES36) montre son efficacité par inhibition de l’hypersensibilité mécanique sur un modèle animal de douleur neuropathique (ligature des racines lombaires L5-L6 chez le rat). Les auteurs objectivent que le système opioïde est impliqué dans l’efficacité de l’acupuncture manuelle [20].

Une étude expérimentale en utilisant un modèle de rat avec neuropathie périphérique induite par le paclitaxel a évalué l’effet de l’EA sur l’hyperalgésie et l’allodynie mécanique induite par cet agent anticancéreux. L’allodynie mécanique est évaluée par la pression des filaments von Frey (de 4-15 g). L’EA à 10Hz a diminué de manière statistiquement significative (p<0,05) toutes les algies neuropathiques par rapport à l’EA placebo. L’EA à 100Hz va seulement diminuer l’allodynie mécanique à une pression de 15 g. Via les récepteurs opioïdes μ et δ mais non par les récepteurs κ, l’EA à 10Hz inhibe l’allodynie mécanique et l’hyperalgésie paclitaxel-induite plus efficacement que l’EA à 100Hz [21].

 Les récepteurs adrénergiques

La noradrénaline (NE) issue du locus coeruleus et des noyaux noradrénergique adjacents au niveau du tronc cérébral sont en rapport avec des récepteurs α2-noradrénergiques et provoque une inhibition directe des neurones de la corne postérieure de la moelle.

L’intervention des récepteurs α2 adrénergiques dans l’analgésie par EA (100Hz) a été observée sur un modèle d’algie nociceptive par entorse chez le rat [22]. De même en 2008, Kim et coll. s’intéressent aux différentes fréquences de stimulation d’EA sur la douleur de type inflammatoire induite par injection de carragénine. Ils observent que l’inflammation est réduite par l’EA à haute ou basse fréquence. L’EA à basse fréquence (1 Hz), tout comme l’acupuncture manuelle avec recherche du deqi (avec rotation à fréquence de 1Hz pendant 90s), est médiée par les ganglions sympathiques post-synaptiques alors qu’à haute fréquence (120 Hz), c’est le système médullaire sympathico-surrénalien qui intervient, sans que la corticostérone ne soit impliquée [23]. Zhang et coll démontrent que, sur un modèle de douleur inflammatoire par injection d’adjuvant de Freund chez le rat, l’analgésie par EA basse fréquence (10Hz) est médiée par les récepteurs α2a adrénergiques [24].

Par contre dans les algies de type neuropathique, l’EA à basse fréquence soulage davantage les douleurs que celle en haute fréquence.

Ainsi, afin d’examiner le rôle des récepteurs α2-adrénergiques dans les mécanismes de l’EA, Kim et al. ont administré une dose d’antagoniste α2-adrénergiques (yohimbine) dans un modèle de douleur neuropathique par section de la racine S1 et S2 innervant la queue du rat. Au préalable, ils avaient stimulé par EA à 2 et à 100Hz le point ES36 (zusanli). Ils montrent que l’EA à 2Hz induit sur l’allodynie au froid un effet analgésique médié par les récepteurs α2-adrénergiques de la moelle plus important que celui médié par l’EA à 100 Hz [25].

En 2007, Li et coll. objectivent que l’EA (10 Hz à 3mA) appliquée pendant 20mn dans un modèle d’algie par injection d’adjuvant complet de Freund (CFA) sur la patte de rat inhibe la transmission nociceptive et hyperalgique en activant les neurones supraspinaux qui se projettent sur la moelle épinière par le système inhibiteur descendant. L’EA active la sérotonine et les catécholamines des neurones du noyau raphé magnus et du locus coeruleus dont l’expression c-fos est significativement augmentée [26].

 Les récepteurs cholinergiques

 Le système nerveux sympathique fonctionne sur un modèle à deux neurones : le premier pré-ganglionnaire fait synapse avec le second post-ganglionnaire au niveau de la corne postérieure de la moelle. Le neuromédiateur des neurones pré-ganglionnaire est l’acétylcholine alors que celui des neurones post-ganglionnaires est en général la noradrénaline. Il existe deux types de récepteurs cholinergiques : le récepteur nicotinique (récepteur ionotrope perméable aux ions sodium ainsi qu’aux ions K+ sensible à l’acétylcholine) et le récepteur muscarinique (récepteurs métabotropes) tous deux impliqués dans la douleur neuropathique. Cependant, le rôle des récepteurs nicotiniques dans les effets anti-nociceptifs reste plutôt controversé et les récepteurs muscariniques interviendraient davantage [27-29].

Dans la douleur de type inflammatoire, Baek et coll. objectivent ainsi que l’EA à basse fréquence (2Hz, 0,03 ms, 0,07mA) induit un effet analgésique via les récepteurs muscariniques [30].

De la même manière, Park et coll. montrent aussi que les effets antalgiques de l’EA (2Hz ; durée de l’impulsion : 0,5ms) sur l’allodynie au froid et au chaud en rapport avec la douleur neuropathique créée sur un modèle animal par section de racines nerveuse S1 et S2 sont en relation principalement avec les récepteurs muscariniques, en particulier le sous-type M1 [31]. Kim et coll. [[32]] confirment toujours sur le même modèle animal d’algie neuropathique que l’administration intrathécale de néostigmine (parasympathomimétique qui par son effet inhibiteur des cholinestérases, prolonge et augmente les effets nicotiniques et surtout muscariniques de l’acétylcholine) associée à la stimulation d’EA (2 Hz ; 0,5 ms à une intensité de 0,2 -0,3 mA ; 30 mn) produit un effet antalgique synergique qui dure plus de 80 mn.

 Les récepteurs sérotoninergiques

 L’EA aux fréquences de 2, 10 et 100 Hz a des effets antalgiques dans la douleur de type nociceptive, médiée par les récepteurs 5-HT1A, 5-HT3, mais pas par le récepteur 5-HT2A [33]. Ces observations sont affinées par Baek et coll. qui montrent que l’EA à basse fréquence (2Hz, 0,03 ms, 0,07mA) induit un effet analgésique sur la douleur de type inflammatoire, médié par des récepteurs 5-HT1A et 5-HT3, mais non par le récepteur 5-HT2A chez le rat [30]. Par contre, Takagi et coll. ont déterminé chez le lapin sur un modèle de douleur nociceptive que les récepteurs impliqués dans l’EA à basse fréquence (2Hz) étaient le 5-HT1 (excepté le 5-HT1A), le récepteur 5-HT3, le 5-HT2(excepté le 5-HT2A) [34]. La petite discordance résulte du fait que l’expérimentation a eu lieu dans deux espèces animales différentes, l’une sur un modèle expérimental d’arthrite chez le rat, et l’autre chez le lapin.

Zhang et coll confirment aussi que, sur un modèle de douleur inflammatoire par injection d’adjuvant de Freund chez le rat, l’analgésie par EA basse fréquence (10Hz) est médiée par les récepteurs 5-HT1A au niveau de la corne postérieure de la moelle [24].  

Dans la douleur typiquement neuropathique, Kim et coll. suggèrent que l’EA à fréquence basse (2 Hz) est plus appropriée et plus efficace pour le traitement de l’allodynie au froid que l’EA à haute fréquence (100 Hz). Les récepteurs 5-HT1A et 5-HT(mais pas le récepteur 5-HT2A)jouent un rôle important dans la médiation des effets antalgiques de la douleur neuropathique à l’allodynie au froid chez le rat [25]. L’EA (10 Hz) active la sérotonine au niveau des neurones du noyau raphé magnus dont l’expression c-fos est significativement augmentée [26].

 Les récepteurs GABAergiques

 L’un des principaux neuropeptides inhibiteurs, le GABA, libéré dans la substance grise périaqueducale (SGPA) joue un rôle important dans le contrôle inhibiteur descendant de la douleur. Au niveau de la corne postérieure de la moelle épinière, le GABA module la neurotransmission nociceptive entre les neurones afférents primaires et les neurones secondaires des voies spinothalamiques. Les récepteurs GABAA et GABAcontribuent donc principalement à la modulation de la douleur. Ainsi, les agonistes des récepteurs GABAA et GABAB ont des effets anti-nociceptifs [35]. Fusumada et coll ont démontré ainsi que la stimulation par EA (2Hz) au point zusanli (36ES), induisait un effet analgésique chez les rats avec visualisation de l’expression C-Fos au niveau de la SGPA correspondant aux neurones GABAergiques [36].

Dans la douleur de type neuropathique, Park et coll. objectivent sur un modèle animal (section des racines S1 et S2 innervant la queue du rat) que l’EA (2Hz) appliquée au zusanli soulage l’allodynie au froid. Les antagonistes des récepteurs du GABAA et GABA(respectivement gabazine et saclofène) bloquent l’effet de l’EA à 2Hz signifiant que l’effet antalgique est médié par ces deux récepteurs [37]. Par conséquent, il est possible que le traitement EA à basse fréquence puisse agir en synergie et renforcer les effets analgésiques des médicaments GABAergiques, tels que les agonistes GABA, sur la douleur neuropathique.

 Les récepteurs du glutamate (NMDA)

 Le glutamate intervient comme neurotransmetteur excitateur qui libéré dans l’espace synaptique, à partir des terminaisons neuronales, se fixe sur ses récepteurs postsynaptiques dont l’activation induit la dépolarisation du neurone cible. Le glutamate agit sur trois récepteurs canaux distincts dénommés par le nom de leur agoniste le plus sélectif : les récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA), kainate (KA) et a-amino-3-hydroxy-5-métyl-4-isoxazolepropionate (AMPA). Ces trois récepteurs sont des récepteurs ionotropiques capables de transmettre instantanément un message au neurone cible par modification du potentiel de la membrane post-synaptique en quelques millièmes de secondes.

On a mis en évidence deux familles de récepteurs, respectivement AMPA et kainate (KA) à la fin des années 1970. Les sous-unités AMPA et kainate peuvent être colocalisées au sein d’un même neurone mais ne peuvent s’assembler entre elles. Les différentes sous-unités des récepteurs AMPA/KA sont abondamment exprimées dans l’ensemble du SNC. Les récepteurs au NMDA jouent un rôle important dans différents processus physiologiques en augmentant la transmission du processus douloureux. La kétamine est un antagoniste des récepteurs au NMDA et son injection produit une analgésie puissante.

L’EA (ES36, RA6) à la fréquence de 2 Hz (0,3ms ; 2mA) agit dans les algies nociceptives en diminuant la réponse à l’inflammation locale par l’intermédiaire de la modulation de l’expression des récepteurs ionotropes au glutamate et en particulier le récepteur au NMDA au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière [38,39]. Zhang et coll., sur un modèle expérimental animal de douleur inflammatoire par injection de carragénine, montrent que l’EA (2/60Hz) utilisée conjointement avec des antagonistes des récepteurs NMDA ou AMPA/KA possède une action synergétique antinociceptive vis à vis de la douleur inflammatoire [40].

La stimulation des récepteurs α2 adrénergiques par EA à basse fréquence (10Hz) sur un modèle de douleur inflammatoire par injection de CFA chez le rat diminue la libération de glutamate au niveau de la corne postérieure de la moelle par régulation de la sous-unité NR1 des récepteurs NMDA. De ce fait, la NE va engendrer une diminution de la libération pré-synaptique de glutamate, conduisant ainsi à l’inhibition de la douleur de type inflammatoire [24].

Wang et coll. ont confirmé en 2006 le rôle de la modulation de l’expression des récepteurs de la NMDA par EA (4 Hz/16 Hz) sur un modèle de rat hyperalgique induit par injection de CFA, jouant un rôle inhibiteur du développement de la sensibilisation centrale en rapport avec la douleur inflammatoire chronique [41].

Concernant la douleur neuropathique proprement dite, Xing et coll. a démontré que l’EA à basse fréquence (2 Hz) intervient dans la plasticité synaptique rachidienne par une dépression à long terme de la transmission synaptique au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière contribuant aux effets analgésiques de longue durée. Ces effets de l’antinociception s’expliqueraient par l’induction des récepteurs NMDA via l’activation du système des peptides opioïdes endogènes [42].

 Conclusion

 L’analgésie induite par acupuncture ou électroacupuncture de la douleur neuropathique fait intervenir, comme dans la douleur nociceptive [12], différents mécanismes entraînant une modulation de la sensibilisation périphérique, centrale et de la plasticité synaptique au niveau du SNC [1] via les contrôles inhibiteurs spinaux et supraspinaux. Le rôle des systèmes opioïdes (récepteurs opioïdes μ et δ), adrénergiques (récepteur α2-adrénergique), sérotoninergiques (récepteurs 5-HT1A et 5-HT3), cholinergiques (récepteur muscarinique M1) et GABAergiques (récepteurs GABAA et GABAB) est prépondérant [43] (figure 5). L’EA à basse fréquence est plus efficace que celle à haute fréquence dans les douleurs neuropathiques. 

Figure 5. Modulation et contrôle de la douleur neuropathique par l’EA au niveau du SNC. La douleur neuropathique est transmise par les fibres afférentes primaires via la substance gélatineuse (SG). L’EA engendre une stimulation par les cellules (M) marginales correspondant aux neurones T de la théorie du « portillon » via le faisceau spino-thalamique, où le signal est transmis vers le cortex. Il y a implication des neurones cholinergiques, enképhalinergiques et GABAergiques. La SGPA projette des neurones vers le NRM qui envoie à son tour des fibres sérotoninergiques (5-HT) vers la corne dorsale. Le LC envoie également des fibres noradrénergiques vers la corne dorsale. La NE, par l’intermédiaire des récepteurs α2 -adrénergiques accentue l’action des neurones cholinergiques et GABAergiques de la moelle et engendre une diminution de la libération de transmetteurs pronociceptifs au niveau des fibres afférentes primaires. Elle inhibe aussi la transmission des signaux de la douleur au niveau des afférences secondaires supraspinales. La sérotonine active les enképhalines (ENK) et le GABA des neurones intrinsèques à travers les récepteurs sérotoninergiques à 5-HT3 et inhibe les afférences secondaires par les récepteurs sérotoninergiques 5-HT1A. Les neurones cholinergiques, enképhalinergiques et GABAergiques, par le biais des récepteurs muscariniques M1, des récepteurs opioïdes μ, δ, des récepteurs NMDA et des récepteurs GABAA et GABAB contrôlent les entrées nociceptives de la périphérie vers le cortex. SG : substance gélatineuse ; M : cellules marginales ; SGPA : substance grise périaqueducale ; NRM : noyau du raphé magnus ; LC: locus coeruleus ; 5-HT : la sérotonine ; NE: noradrénaline ; Ach : acétylcholine ; ENK : enképhaline. Schéma d’après [43].


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Acupuncture expérimentale dans l’insuffisance ovarienne

Statuettes de femmes de la province de Fianarantsoa à Madagascar, sculptées par Tongamana en 1903 (Exposition Madagascar Quai Branly 2018 – Paris)
Statuettes de femmes de la province de Fianarantsoa à Madagascar, sculptées par Tongamana en 1903 (Exposition Madagascar Quai Branly 2018 – Paris)

Résumé : Des essais cliniques randomisés ont démontré que l’acupuncture avait une action sur les syndromes liés à l’insuffisance ovarienne, tels que anovulation, syndrome des ovaires polykystiques, ménopause etc. La médecine expérimentale permet donc d’en clarifier les mécanismes d’action. Deux voies principales se dégagent : action des bêta-endorphines sur l’axe hypothalamo-hypophysaire, inhibant la sécrétion de GnRH et de LH, action sur l’aromatisation des androgènes en oestrogènes. A noter aussi qu’en cas d’ovariectomie, l’électroacupuncture diminue les expressions de la protéine et de l’ARNm des récepteurs à estrogène au niveau des zones hypothalamo-hypophysaires. Mots-clés : électroacupuncture – revue – aromatase – insuffisance ovarienne – axe hypothalamo-hypophysaire – bêta-endorphines – récepteurs à estrogène – protéine c-fos

Summary:  Randomized clinical trials showed that acupuncture had an action on ovarian diseases, such as anovulation, polucystic ovarian disease, menopause etc.  Experimental medicine thus allows to clarify the mechanisms of electroacupuncture. Two main roads emerge : action of beta-endorphines on hypothalamic-pituitary-ovarian axis, inhibiting the secretion of GnRH and LH, action on aromatization of androgens into oestrogens. Electro-acupuncture decreases also expression of estrogen receptor protein and estrogen receptor mRNA of the zones hypothalamo-hypophysaires after ovariectomy. Keywords : acupuncture – review – aromatase – ovarian desease – hypothalamic-pituitary-ovarian axis – beta-endorphins – estrogen receptors – c-fos protein


Lorsque Claude Bernard écrivit en 1858 son ouvrage « Principes de médecine expérimentale Ou de l’expérimentation appliquée à la physiologie, à la pathologie et à la thérapeutique », il ne se serait pas douté que la Médecine Traditionnelle Chinoise et en particulier l’acupuncture puisse appliquer ses méthodes dans le but d’en découvrir les mécanismes histo et neurophysiologiques. Actuellement, une des principales voies de recherche en gynécologie mise en exergue par son efficacité dans les essais cliniques randomisés, explore l’action de l’acupuncture dans l’axe hypothalalo-hypophyso-ovarien. Ainsi, en 1991 une électrostimulation acupuncturale chez onze femmes aux cycles anovulatoires induisait une ovulation chez six femmes. Les auteurs concluaient que l’électro-acupuncture régulait la fonction de cet axe par la libération centrale des bêta-endorphines, inhibant ainsi la sécrétion anormale de GnRH (gonadotropin-releasin hormone) et par conséquent de LH (Hormone Lutéinique) [[1]].

Hormones hypothalamiques et hypophysaires : GnRH, LH

Chez des rates ovariectomisées, l’électro-acupuncture (EA) augmente l’activité des corticosurrénales, avec sécrétion d’androgènes qui se transforment ensuite en œstrogènes par aromatisation, palliant ainsi à l’ovariectomie [[2]]. Chen et coll. [[3]] montre que l’EA agit aussi sur les dysfonctions de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien en normalisant la sécrétion des hormones GnRH (encore appelée LHRH, lutéinizing hormone releasing hormone), LH et estradiol (E2) chez des rates ovariectomisées.

Une stimulation de 30 minutes à basse fréquence (4 à 5 Hz) pendant 3 jours des points RM4 (guanyuan), RM3 (zhongji), RA6 (sanyinjiao) et zigong (HM16) entraîne chez les rates ovariectomisées une induction de la maturation puis de l’exfoliation des cellules vaginales, augmente la concentration plasmatique de l’estradiol, de la corticostérone, diminue le niveau hypothalamo-hypophysaire de GnRH et de LH alors que la sécrétion de bêta-endorphines est augmentée dans l’hypothalamus et l’hypophyse, le tout par rapport au groupe des rates non ovariectomisées (intact) (voir figure 1). 


Figure 1. Les modifications dans l’hypothalamus de la GnRH et des bêta-endorphines, dans l’hypophyse de la LH et des bêta-endorphines, au niveau plasmatique de la LH et des bêta endorphines avant et après électrostimulation (EA) des points RA6, RM4, RM3 et HM16 (d’après Chen et coll.).

Cela s’explique par l’augmentation de la synthèse des hormones d’origine surrénalienne et en particulier des androgènes qui sont aromatisés en œstrogènes. Celles-ci par rétroaction négative freinent la sécrétion des hormones hypothalamiques et hypophysaires de GnRh et de LH.

De plus, l’électroacupuncture accélère la libération des bêta-endorphines hypothalamo-hypophysaires, en particulier au niveau de l’aire préoptique hypothalamique (POA), du noyau amydgalien médial, du noyau arqué, du noyau périventriculaire hypothalamique (PVN), du noyau paraventriculaire de l’hypothalamus (PAVN) etc.. Ces bêta-endorphines vont inhiber par conséquence la sécrétion anormalement élevée de GnRh et LH chez ces rates ovariectomisées. Tout ceci a été mis en évidence par Chen et coll. par analyse immuno-histochimique de l’expression des protéines proto-oncogène c-fos (qui sont souvent retrouvées à la suite d’un stress mécanique [4-6]). On sait que les protéines c-fos sont toutes des protéines régulatrices des gènes. Guo et coll. [7-9] ont démontré que l’électro-acupuncture à 2 Hz et à 100 Hz avait un effet sur le niveau de l’expression des gènes encodant trois neuropeptides du cerveau chez le rat. Les protéines proto-oncogènes c-fos et/ou c-jun jouent ainsi un rôle dans la transcription  des gênes des opioïdes pré-pro-dynorphyne [[10]].

Protéines des récepteurs à l’estrogène

De la même façon dans cette étude, les protéines c-fos disparaissent deux semaines après l’ovariectomie. L’électroacupuncture va alors activer l’expression c-fos dans le groupe des rates ovariectomisées et entraîne également une diminution de l’expression de la protéine et de l’ARNm des récepteurs à estrogène au niveau des zones hypothalamo-hypophysaires précédemment citées par rapport aux rates ovariectomisées sans EA (figure 2).


Figure 2. Effet de l’électroacupuncture (EA) sur l’expression de la protéine des récepteurs à estrogène au niveau hypothalamique dans les 4 groupes de rates :INT : sans ovariectomieINT+EA : sans ovariectomie + électroacupunctureOVX : ovariectomieOVX : ovariectomie +EA + + : p<0,01(d’après Chen et coll. )

Chen et coll. en 1998, par des techniques immuno-histochimiques de radioimmunoassay (RIA), RNA dot blot and Northern blot etc.., confirmaient la normalisation d’une dysfonction de l’axe hypothalomo-hypophyso-ovarien par action de l’électroacupuncture. On sait que l’ovariectomie entraîne une diminution des estrogènes plasmatiques et une augmentation de l’expression cérébrale des protéines des récepteurs à l’estrogène et de l’ARNm. Ces chercheurs montraient que l’EA produisait une augmentation plasmatique de l’estradiol (E2) en rapport avec une augmentation ou une suppression de l’expression des protéines des récepteurs à l’estrogène et de l’ARNm dans le système nerveux central des rates ovariectomisées [[11]].

 En 2003, Zhao et coll. [[12]] vont confirmer à nouveau ces résultats en démontrant que toujours chez des rates ovariectomisées, l’EA entraîne de manière statistiquement significative une augmentation du niveau sanguin d’estradiol. Par ailleurs, le nombre de neurones à CRH (corticotropin-releasing hormone) localisés au niveau du noyau hypothalamique paraventriculaire (PAVN) est plus élevé dans le groupe des rates ovariectomisées bénéficiant d’une EA que dans celui des rates ovariectomisées sans EA [[13]].

Aromatisation des androgènes

La stimulation répétée électroacupuncturale active donc l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénallien et augmente la circulation plasmatique d’œstrogènes chez les rates ovariectomisées. Une autre étude toujours de Zhao et coll. [[14]] va donc explorer la source de l’augmentation accrue des oestrogènes plasmatiques en détectant l’aromatisation extraglandulaire des androgènes. On sait que les oestrogènes sont composés de 18 atomes de carbone et sont issus de l’aromatisation des androgènes. L’aromatase est l’enzyme qui réalise cette conversion. L’aromatisation des androgènes en oestrogènes a lieu dans plusieurs sites extraglandulaires, notamment dans le tissu adipeux, mais aussi le foie.

Des rats femelles sont répartis en cinq groupes :  1) intact (INT), 2) intact avec électroacupuncture aux points spécifiques (INT+EA) : RM4 (guanyuan), RM3 (zhongji), RA6 (sanyinjiao) et zigong (HM16), 3) ovariectomisées (OVX), 4) ovariectomisées avec EA aux points spécifiques (OVX+EA) et 5) ovariectomisées avec EA aux points non spécifiques : TR5 (waiguan)  et HM21 (huatuojiaji) (OVX+C) (figure 3).

Figure 3. Vue de la face ventrale (A) : les points d’acupuncture spécifiques. Face dorsale (B) : les points non spécifiques (d’après Zhao et coll. )

Les techniques de radioimmunoassay (RIA), Western blot et RT-PCR ont été utilisées et ont permis de déterminer que l’aromatisation extraglandulaire des androgènes se réalisait dans les tissus abdominaux sous-cutanés et dans le foie des rates (figure 4). Cela entraîne de ce fait une augmentation des concentrations plasmatiques en œstrogène chez les rats ovariectomisées bénéficiant d’électroacupuncture.

Figure 4. Activité de l’aromatase dans le tissu adipeux sous-cutané et le foie dans les différents groupes de rates : INT (n=12), INT+EA (n=12), OVX (n=12) et OVX+EA (n=10). *** p<0.01 vs INT, INT+EA et OVX (d’après Zhao et coll.)

La figure 5 récapitule l’ensemble des interactions engendrées par l’électroacupuncture

Figure 5. Action de l’électroacupuncture sur l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique et extra-gonadique dans l’insuffisance ovarienne.

En conclusion, tous ces travaux de médecine expérimentale suggèrent que les femmes souffrant d’une dysfonction ovarienne telles que anovulation, ménopause, ovariectomie, syndrome ovarien polykystique et même ostéoporose ou ostéopénie, comme le laisse entendre cette étude récente chez les rates ovariectomisées [[15]] peuvent bénéficier d’acupuncture.


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Stéphan JM.  Acupuncture expérimentale dans l’insuffisance ovarienne. Acupuncture & Moxibustion. 2005;4(1):68-72

Stéphan JM.  Acupuncture expérimentale dans l’insuffisance ovarienne. Acupuncture & Moxibustion. 2005;4(1):68-72 (version 2005)

Acupuncture expérimentale et  syndrome des ovaires polykystiques

Temple of Beauty (1925) de Jules Pascin (1885-1930) — Musée d’Art Moderne – Paris – Île de France – France
Temple of Beauty (1925) de Jules Pascin (1885-1930) — Musée d’Art Moderne – Paris – Île de France – France

Résumé : Le syndrome des ovaires polykystiques, encore appelé syndrome de Stein-Leventhal, associe anovulation, stérilité, obésité, hirsutisme et différents troubles hormonaux (hyperandrogénisme..) chez les femmes en âge de procréer. La médecine expérimentale va essayer de clarifier les mécanismes d’action physiopathologique de l’acupuncture. Plusieurs voies ont été explorées : Corticotropin-releasing hormone (CRH) hypothalamique et ovarienne, nerve growth factor (NGF) et système nerveux sympathique, endothéline-1, flux sanguin ovarien et  enfin action des bêta-endorphines sur l’axe hypothalamo-hypophysaire. L’électroacupuncture entraîne un effet sur chacune de ces voies.

Mots-clés : électroacupuncture – revue – syndrome des ovaires polykystiques – CRH – NGF – endothéline-1 – physiopathologie – axe hypothalamo-hypophysaire – bêta-endorphines – système nerveux sympathique

Summary : Polycystic ovary syndrome (PCOS), still called Stein-Leventhal‘s syndrome, is a complex endocrinological disorder, associated with ovulatory dysfunction, infertility, obesity, hirsutism and various hormonal disorders (hyperandrogenism..) among women in age to procreate.  Experimental medicine will try to clarify the mechanisms physiopathological of acupuncture.  Several ways were explored : hypothalamic and ovarian Corticotropin-releasing hormone (CRH), nerve growth Factor (NGF) and nervous system sympathetic nerve, endothelin-1, ovarian blood flow and finally action of beta-endorphins on axis hypothalamic-pituitary.  The electro-acupuncture involves an effect on each one of these ways. 

Key words : acupuncture – review –  hypothalamic-pituitary-ovarian axis – beta-endorphins – Polycystic ovary syndrome – PCOS – CRH – NGF –  endothelin-1 – physiopathology – sympathetic system


Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), encore appelé syndrome de Stein-Leventhal demeure une des causes les plus communes de l’anovulation chez les femmes en âge de procréer. L’association d’une spanioménorrhée ou d’une aménorrhée, d’un problème de stérilité, d’un hirsutisme, d’une obésité, avec des taux hormonaux sériques anormalement élevés d’androgènes (testostérone, déhydroépiandrostérone, androstènedione, et dihydrotestostérone) et/ou d’hormone lutéinisante (LH), et la démonstration histologique ou échographique de la présence de deux gros ovaires polykystiques, sont les principales caractéristiques du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). L’étiologie reste mal connue et multifactorielle. Des études objectivent que l’hyperinsulinisme ou une résistance à l’insuline en serait une des causes [ 1-3 ]. D’autres études montrent que ce syndrome est associé à une hyperactivité du système nerveux sympathique pouvant être secondaire à l’hyperinsulinémie [ [4-5] ], mais aussi par le fait que l’innervation par des fibres nerveuses cathécolaminergiques est plus dense dans les ovaires liés aux SOPK que dans les ovaires normaux [ [6-7] ].

Corticotropin-releasing hormone (CRH) hypothalamique et ovarienne

Nous savons que la CRH au niveau hypothalamique active les surrénales par l’intermédiaire de la sécrétion de l’ACTH hypophysaire entraînant donc une production excessive d’androgènes en cas de syndrome des ovaires polykystiques.

 La CRH est présente aussi au niveau des cellules de la thèque intra-ovarienne et joue ici un rôle autocrine / paracrine dans l’inhibition de la synthèse de stéroides ovariens. Les ovaires normaux présentent une concentration plus élevée en CRH que les ovaires polykystiques, suggérant que ce neuropeptide joue un rôle de normalisation dans une ou plusieurs des diverses fonctions de cette gonade, telles que la maturation folliculaire, l’ovulation, la régression luthéale, les réactions inflammatoires via les cytokines (interleukine-1) en rapport avec la physiologie ovarienne, et/ou la biosynthèse ovarienne stéroïde. In vitro, le CRH d’origine ovarienne inhibe la production d’estrogènes FSH-dépendante des cellules de la granulosa de rat et d’humain. Cet effet semble être lié à l’inhibition de l’activité d’aromatisation. D’autre part, en fonction de la concentration en CRH, la production d’estrogènes sera variable et pourra être diminuée de 25 à 50% [ [8] ]. In vivo, Muramatsu et coll. confirme que le CRH d’origine ovarienne a la capacité d’inhiber la biosynthèse ovarienne stéroïdienne [ [9] ]. Par ailleurs, sa concentration et localisation diminuées dans les ovaires polykystiques semblent liées à la biosynthèse accrue d’androgènes par la thèque [ [10] ]. 

La concentration de CRH (corticotropin-releasing hormone) dans le cerveau, les glandes surrénales et les ovaires a été étudiée chez les rates présentant des ovaires polykystiques induits par du valérate d’estradiol (OPK), paradigme le plus proche du SOPK humain. La concentration de CRH était plus élevée de manière statistiquement significative au niveau du noyau hypothalamique paraventriculaire aussi bien chez les rates OPK que dans le groupe OPK bénéficiant de 12 séances d’électroacupuncture (EA) par rapport au groupe témoin sain, indiquant une augmentation de l’activité de l’axe hypothalamo-hypophysaire.

Mais, la concentration de CRH dans les ovaires était significativement réduite dans le groupe OPK-EA comparé au groupe contrôle OPK sans électroacupuncture. Tout ceci indique que l’EA répétée peut changer l’état neuro-hormonal dans les ovaires [ [11] ]. Bref, en cas de SPOK l’action de l’électroacupuncture, stimulant la production de CRH d’origine hypothalamique activerait la production d’androgènes mais celle-ci par un effet de rétroaction de la CRH d’origine ovarienne, mettant en jeu une diminution de l’inhibition des aromatases, serait modulée d’une manière cybernétique avec production au final d’estrogènes (voir figure 1).

Figure 1. Action de l’électroacupuncture sur la CRH dans le syndrome des ovaires polykystiques

Nerve growth factor, Endothéline-1 et système nerveux sympathique

L’hyperactivité dans le système nerveux sympathique a été aussi étudiée par l’intermédiaire du NGF (nerve growth factor) qui appartient à la classe des facteurs de croissance neurotrophiques. C’est une cytokine, polypeptide d’environ 100 acides aminés, synthétisée dans diverses zones du cerveau, le cortex cérébral, l’hippocampe, le bulbe olfactif. Elle est captée par les neurones cholinergiques qui la transportent jusqu’aux noyaux cellulaires. Le NGF augmente l’activité de la choline acétyl-transférase responsable de la synthèse d’acétylcholine et inhiberait la dégénérescence des neurones cholinergiques notamment. Le NGF est connu comme neurotrophine du système nerveux sympathique mais aussi sensoriel et améliore l’activité des catécholamines.

Des concentrations plus élevées de NGF ont été trouvées de manière statistiquement significative dans les ovaires et les glandes surrénales dans le groupe des rates présentant des ovaires polykystiques induits par du valérate d’estradiol (OPK) comparé à celui du groupe témoin injecté avec de l’huile ou du NaCl.  L’électroacupuncture (EA) est connue pour réduire l’hyperactivité dans le système nerveux sympathique.  Pour ces diverses raisons, les effets de l’EA (12 traitements, approximativement 25 minutes chacun pendant plus de 30 jours) ont été étudiés chez les rates OPK (figure 2).


 
Figure 2. Face dorsale du rat : 2 aiguilles  placées bilatéralement sur le muscle spinal en regard de la 12ème vertèbre thoracique, et 2 bilatéralement sur le muscle quadriceps(D’après le schéma de Stener-Victorin et coll.)

L’étude a permis de montrer que l’EA à basse fréquence (2 Hz) n’entraîne aucune amélioration morphologique du groupe OPK-EA par rapport aux autres groupes. Par contre, l’EA inhibe l’hyperactivité du système nerveux sympathique en diminuant de manière statistiquement significative les concentrations de NGF dans les ovaires du groupe de rates OPK par rapport au groupe de celles non traitées par électroacupuncture ou du groupe témoin [ [12] ].

L’équipe suédoise de Stener-Victorin en 2003 a de nouveau observé l’effet des traitements répétés de l’électroacupuncture (EA) chez les rates présentant des ovaires polykystiques induits par du valérate d’estradiol (OPK). L’électroacupuncture module la concentration du NGF (Nerve Growth Factor)  dans les ovaires ainsi que la corticolibérine (CRH corticotropin-releasing hormone) au niveau du noyau hypothalamique paraventriculaire (PVN). Dans cette étude, a été évaluée l’hypothèse que des traitements répétés d’électroacupuncture à des fréquences alternées de 2 Hz et 80Hz au niveau de la zone métamérique correspondant à l’innervation ovarienne module l’activité du système nerveux sympathique chez les rats avec OPK. Ceci a été réalisé en analysant l’endothéline-1 (ET-1), un puissant vasoconstricteur impliqué dans les fonctions ovariennes, ainsi que la NGF et l’expression par l’ARNm de la NGF également impliqués dans le processus physiopathologique des ovaires polykystiques stéroïdes-induits.

Le principal résultat de cette étude est que les concentrations d’ET-1 dans les ovaires sont de manière statistiquement significative (p < 0,05) inférieures dans le groupe OPK recevant l’EA par rapport au groupe contrôle en bonne santé. Cependant, dans l’hypothalamus les concentrations ET-1 se sont avérées sensiblement plus élevées dans le groupe OPK recevant l’EA que dans le groupe contrôle (voir tableau I). 

Tableau I. Concentrations d’Endothéline-1 (ET-1) (moyenne ± erreur type sur la moyenne) dans les ovaires, les glandes surrénales et l’hypothalamus dans les trois groupes expérimentaux : groupe sain, groupe contrôle des ovaires polykystiques (OPK), et groupe OPK recevant l’électroacupuncture (EA). 
 Concentrations d’ ET-1 (pmol/g)
 
 Groupe sainContrôle OPKOPK + EA
Ovaires0.44 ± 0.110.38 ± 0.140.15 ± 0.05 *
Glandes surrénales0.01 ± 0.010.05 ± 0.020.06 ± 0.04
Hypothalamus0.14 ± 0.050.33 ± 0.100.71 ± 0.23 *
 p < 0.05 quand  le groupe OPK-EA est comparé avec le groupe sain 

Tableau  extrait de « Reprod Biol Endocrinol. 2003; 1 (1): 33 » ; http://www.rbej.com/content/1/1/33

Les concentrations ovariennes de NGF étaient significativement plus hautes (p < 0,001) dans le groupe OPK comparé au groupe contrôle en bonne santé, et ces concentrations diminuent de manière statistiquement significative (p < 0,05) après des traitements répétés d’EA par rapport à ceux du groupe OPK jusqu’à atteindre les concentrations du groupe contrôle en bonne santé (tableau II). 

Tableau II. Concentrations des protéines Nerve Growth Factor (NGF) (moyenne ± erreur type sur la moyenne) dans les ovaires, les glandes surrénales et la partie dorsale de la moëlle épinière dans les quatre groupes expérimentaux :  groupe sain, groupe sain + EA, groupe contrôle des ovaires polykystiques (OPK), et groupe OPK recevant l’électroacupuncture (EA).
 concentrations de NGF (pg/g)
 
 groupe saingroupe sain + EAContrôle OPKOPK + EA
Ovaires294.85 ± 17.00265.79 ± 20.99479.77 ± 26.86 *385.34 ± 12.26 **
Surrénales102.42 ± 26.14119.97 ± 51.8198.82 ± 12.4694.42 ± 14.32
Moëlle épinière867.36 ± 65.521600.59 ± 360.031351.26 ± 220.821081.94 ± 193.72
 p < 0.001 quand le groupe OPK est comparé avec le groupe sain et le groupe sain+EA. **p < 0.05 quand le groupe OPK+EA est comparé au groupe OPK de contrôle 

Tableau  extrait de Reprod Biol Endocrinol. 2003;1(1):33 ; http://www.rbej.com/content/1/1/33

En conclusion, ces résultats indiquent que l’EA module l’état neuro-endocrinologique des ovaires, très probablement en modulant l’activité du système sympathique dans les ovaires, qui peut être un facteur dans l’entretien des ovaires polykystiques stéroïdes-induits [ [13] ].

On sait donc que le NGF (Nerve Growth Factor) est impliqué dans la pathogénie du SOPK [ [14] , [15] ]. En 2004, dans une autre étude, ce syndrome a été expérimentalement induit par une injection intra-musculaire de 4 mg de valérate d’estradiol chez la rate, afin de déterminer si l’électroacupuncture pouvait affecter l’ovaire polykystique. Le point d’acupuncture RA6 (sanyinjiao) a été stimulé pour déterminer l’efficacité de l’électroacupuncture dans l’expression de la protéine du NGF.  Pendant la période expérimentale de 8 semaines, un groupe de rats a été traité par électroacupuncture deux fois par semaine ; ce groupe a été comparé à un groupe sain contrôle et à un groupe estradiol-injecté non soumis à l’électroacupuncture. Au soixantième jour, l’expression de la protéine NGF a été examinée par des méthodes immuno-histo-chimiques au niveau des ovaires, des glandes surrénales et au niveau du cerveau.  Le traitement à l’estradiol induit un aspect net d’ovaires polykystiques, et a été associé à une augmentation importante de l’expression de la NGF dans les ovaires, les glandes surrénales et le cerveau. Or, le traitement électroacupunctural a en partie inversé l’augmentation de NGF, en particulier dans les ovaires, mais pas dans le cerveau. Ces données prouvent donc que l’électroacupuncture affecte l’implication du NGF dans le dysfonctionnement ovarien [ [16] ] et confirment les travaux de l’équipe suédoise de Stener-Victorin [13 ].

Flux sanguin ovarien

Comme nous l’avons vu précédemment le système nerveux sympathique est impliqué dans la physiopathologie du syndrome des ovaires polykystiques.  De plus l’ovaire est une glande très richement vascularisée et le maintien d’un flux sanguin ovarien est important dans le processus de l’ovulation. Les nerfs du système sympathique apparaissent être impliqués distinctement dans le contrôle et la régulation de l’activité ovarienne [ [17] ]. Et même plus, les nerfs sympathiques ovariens sont des régulateurs importants du flux sanguin ovarien.

Les travaux de Stener-Victorin  et coll. [ [18] ] ont, de ce fait, mis en évidence le rôle crucial du système nerveux sympathique dans le flux sanguin ovarien chez les rates. Ainsi, le flux sanguin ovarien (FSO) a été étudié par débitmètre laser doppler et mesure de la pression artérielle en réponse à la stimulation électroacupuncturale à différentes fréquences et intensités chez des rats anesthésiés. Deux fréquences de 2 Hz (basse fréquence) et 80 Hz (haute fréquence) avec 3 intensités différentes de 1,5mA, 3 et 6 mA ont été appliquées pendant 35 secondes sur des aiguilles d’acupuncture implantées sur des muscles abdominaux et de hanche. Le flux sanguin ovarien a été mesuré sur la surface de l’ovaire gauche. L’électroacupuncture (EA) à haute fréquence à 1,5 mA et l’EA à haute fréquence à 3 mA n’ont eu aucun effet sur le flux ou la pression artérielle moyenne (PAM). L’EA de basse fréquence à 3 et 6 mA a permis d’obtenir une augmentation statistiquement significative du flux sanguin ovarien. En revanche, l’EA à haute fréquence avec une intensité de 6 mA a entraîné une diminution significative du flux sanguin ovarien, suivi d’une diminution de la pression artérielle moyenne sanguine. Après section des nerfs sympathiques ovariens, les augmentations du FSO en réponse à l’EA de basse fréquence à 3 et 6 mA ont été totalement supprimées, et la réponse à 6 mA a montré une tendance à diminuer, probablement en raison des diminutions concomitantes de la pression artérielle moyenne. Les réponses diminuées du FSO et de la pression artérielle moyenne sanguine à l’EA à haute fréquence à 6 mA demeurent après la sympathectomie ovarienne. En conclusion, il est prouvé que la stimulation EA à basse fréquence augmente le flux sanguin ovarien, comme réponse réflexe par l’intermédiaire des nerfs sympathiques ovariens, tandis que la stimulation EA à haute fréquence diminue le FSO.

La même procédure de travail a été ensuite reprise chez des rates avec des ovaires polykystiques stéroides-induits expérimentalement par une injection de valérate d’estradiol (OPK). Le but était d’étudier si l’électroacupuncture (EA) à différentes fréquences et intensités pouvait améliorer le flux sanguin ovarien (FSO) chez la rate à OPK.  Le groupe des rats de contrôle a bénéficié d’une injection d’huile. L’implication des deux nerfs sympathiques ovariens :  le nerf ovarien supérieur (NOS) et le plexus nerveux ovarien (PNO) dans les réponses au maintien du flux sanguin ovarien a été élucidé par section des deux nerfs NOS et PNO dans le groupe OPK et de contrôle. Le flux sanguin ovarien (FSO) a été mesuré par débitmétrie doppler à laser avec mesure de la pression artérielle comme dans le précédent travail réalisé par la même équipe suédoise en 2003. L’EA de basse fréquence (2 Hz) aux intensités de 3 et 6 mA a permis d’obtenir des augmentations statistiquement significatives du flux sanguin ovarien dans le groupe contrôle par rapport au flux ovarien basal. Dans le groupe OPK, les augmentations du FSO étaient significatives seulement en stimulant avec l’EA de basse fréquence à 6 mA. Après section des nerfs sympathiques ovariens, l’augmentation du FSO qui avait été induite par EA de basse fréquence dans les deux groupes a été abolie, indiquant l’implication des nerfs sympathiques ovariens dans la réponse du FSO.

L’EA à haute fréquence (80 Hz) à 6 mA diminue de manière statistiquement significative à la fois le FSO et la pression artérielle moyenne dans le groupe de contrôle comparé aux mesures basales. Dans le groupe OPK, la même stimulation produit les diminutions semblables de la pression artérielle moyenne (PMA), mais pas du FSO. En conclusion, la stimulation EA de basse fréquence avec une intensité forte (6 mA) augmente le flux sanguin ovarien chez les rats avec ovaires polykystiques stéroïdes-induits tandis qu’une intensité moins forte (3 mA) induit des changements similaires dans le groupe contrôle. La section des nerfs sympathiques ovariens suppriment cette augmentation du FSO dans les deux groupes d’étude, ce qui suggère l’implication des nerfs sympathiques ovariens (voir figure 3).

Figure 3. Effet de l’EA à basse fréquence (2 Hz) sur le flux sanguin ovarien (FSO) et la pression artérielle moyenne (PAM). Récapitulatif des réponses des FSO (A, C, E) et PAM (B, D, F) à la fois sur le groupe des rates contrôle et celui des rates OPK avec une stimulation à  2 Hz. Les variations dans les FSO et PAM sont calculées chaque minute (1 s d’enregistrement), et la magnitude de réponse est exprimée en pourcentage de la ligne basale avant stimulation, valeur au point 0mn de la ligne de temps. Les lignes verticales et la barre horizontale épaisse indiquent la période de la stimulation. Les données sont exprimées comme moyenne ± erreur type sur la moyenne. p < 0.05, p < 0.01 (rate contrôle) * p < 0.05, **p < 0.01 (rates OPK), comparée avec la valeur contrôle de pré-stimulation. Figure extraite de « Reprod Biol Endocrinol. 2004;2:16 » ; http://www.rbej.com/content/2/1/16

Bêta-endorphines et système immunitaire

La même équipe en 2004, après avoir démontré que l’hyperactivité du système nerveux sympathique était impliquée dans la pathogénie des ovaires polykystiques stéroïdes-induits (OPK) chez la rate a étudié d’une part, les concentrations de bêta-endorphines hypothalamique et plasmatique et d’autre part les altérations et l’activité des populations des cellules immunes circulantes. Les traitements d’électroacupuncture (EA) répétés à basse fréquence (2 hertz) sont connus pour moduler la libération de bêta-endorphines et les réponses immunitaires, ainsi que l’activité du système nerveux autonome. L’EA à basse fréquence a été appliquée en séances de 25 minutes pendant  plus de 30 jours. Les concentrations de bêta-endorphines hypothalamiques et plasmatiques ainsi que la fréquence des cellules lymphocytaires CD4+ T et des cellules CD8+ T étaient significativement plus basses dans le groupe contrôle des rats OPK par rapport au groupe témoin de rates huile-injectée. Suite aux traitements répétés d’EA chez les rates OPK, les concentrations de bêta-endorphines dans l’hypothalamus ont augmenté alors de manière statistiquement significative. En conclusion, ces résultats prouvent que les systèmes bêta-endorphinique et immunitaire sont sensiblement altérés chez les rates avec ovaires polykystiques stéroïdes-induits et que les traitements répétés d’EA peuvent reconstituer certaines de ces perturbations [ [19] ]. Et on le sait déjà, la libération centrale des bêta-endorphines, en inhibant la sécrétion anormale de GnRH (gonadotropin-releasin hormone) et par conséquent de LH (Hormone Lutéinique) favorisera ainsi l’ovulation [ [20] ].

En conclusion, la médecine expérimentale nous offre plusieurs voies d’approche pour expliquer les mécanismes physiopathologiques du syndrome des ovaires polykystiques et de son traitement par électroacupuncture (figure 4). Bien sûr, cela n’est pas suffisant pour affirmer avec certitude qu’un traitement acupunctural puisse être une meilleure alternative à un traitement classique pharmacologique. Néanmoins, les chinois n’hésitent pas à promouvoir ces méthodes dans les hôpitaux d’obstétrique et de gynécologie, comme ils le font par exemple, à Shanghai depuis de nombreuses années [ [21] ].

Figure 4. Mécanismes physiopathologiques de l’effet de l’électroacupuncture dans le syndrome des ovaires polykystiques


Références

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Stéphan JM. Acupuncture expérimentale et syndrome des ovaires polykystiques. Acupuncture & Moxibustion. 2005;4(2):153-159.

Hypertension artérielle : acupuncture expérimentale

Cœurs du musée des Beaux-Arts -Montréal – Canada
Cœurs du musée des Beaux-Arts -Montréal – Canada

Résumé : L’hypertension artérielle résulte d’une origine multifactorielle. Par les travaux de médecine expérimentale, on objective que l’acupuncture pourrait avoir un effet hypotenseur sur ces multiples facteurs allant de la modulation de certaines molécules comme l’endothéline-1, la rénine plasmatique, l’angiotensine II, l’aldostérone, à l’action sur le monoxyde d’azote (NO). L’acupuncture intervient aussi sur les niveaux plasmatiques de sérotonine (5HT), norépinephrine, dopamine, enképhaline, ß endorphine et acide γ-aminobutyrique (GABA). En bref, l’acupuncture semble réduire l’activation du système nerveux sympathique via l’activation du système cholinergique et des récepteurs opioïdes du noyau RVLM (rostral ventrolateral medulla) du bulbe rachidien.

Mots-clés : Acupuncture – hypertension artérielle – endothéline-1 – rénine – aldostérone – NO – 5HT – norépinephrine -dopamine – GABA – RVLM – endorphine.

Summary : High blood pressure results from a multifactorial origin. By the work of experimental medicine, one objective that acupuncture might have a hypotenseur effect on these multiple factors ranging from the modulation of some molecules such as endothelin-1, plasma rennin, angiotensin II, aldosterone, to action on nitric oxide (NO). The acupuncture also works on the plasma levels of serotonin (5HT), norepinephrine, dopamine, enkephalin, ß endorphin and acid γ-aminobutyrique (GABA). In short, acupuncture appears to reduce activation of the sympathetic nervous system via the activation cholinergic system and opioid receptor in the RVLM (rostral ventrolateral medulla) of the medulla.

Keywords : Acupuncture – hypertension – endothelin-1 – renin – aldosterone – NO – 5HT – norepinephrine, dopamine – GABA – RVLM – endorphin.

Introduction

Malgré l’adoption de mesures hygiéno-diététiques telles que la limitation de la consommation d’alcool et de sel, l’arrêt du tabac, la pratique d’une activité physique régulière, la réduction du poids en cas de surcharge pondérale et la prise d’un traitement antihypertenseur, souvent poursuivi à vie, il s’avère que la compliance des malades n’est pas toujours respectée. Ainsi, le taux d’arrêt des traitements antihypertenseurs s’élève jusqu’à 50% et il a été estimé que l’inobservance est à l’origine de 50% des échecs thérapeutiques. De ce fait, l’implication du patient doit rester un objectif majeur pour améliorer l’observance thérapeutique en lui expliquant les enjeux de sa maladie et en personnalisant l’éducation aux mesures hygiéno-diététiques, tout en privilégiant la qualité de vie par l’évaluation régulière de la tolérance aux traitements [[1]]. En effet, les effets indésirables, la complexité du traitement sont communément cités comme une barrière pour l’adhérence du patient à sa thérapeutique [[2]]. D’où l’intérêt croissant à utiliser aussi des thérapeutiques intégratives, dont l’acupuncture pour contrôler l’HTA.

Après un rappel de la physiopathologie de l’HTA, nous verrons dans un premier temps les mécanismes physiopathologiques supposés être à la base de l’action de l’acupuncture, puis dans un prochain article, nous ferons un état des lieux des essais contrôlés randomisés réalisés en acupuncture.

 

Rappel de la physiopathologie de l’HTA

Selon la théorie multifactorielle, l’élévation prolongée de la pression artérielle est due à l’association de multiples facteurs et parmi eux, l’interaction entre le système nerveux sympathique et le système rénine-angiotensine-aldostérone. L’innervation sympathique de l’appareil juxtaglomérulaire du rein libère de la rénine ; l’angiotensine stimule les centres nerveux végétatifs du cerveau et augmente le tonus sympathique. L’angiotensine stimule aussi la synthèse d’aldostérone, ce qui provoque une rétention de sodium (Na) ; des taux excessifs de Na intracellulaire augmentent la réactivité du muscle vasculaire lisse à la stimulation sympathique (schéma récapitulatif : figure 1).

 Figure 1. Le système Rénine-Angiotensine-Aldostérone (-ADH) : SRAA(A). Schéma adapté à partir de www.memobio.fr.

On peut avoir aussi des anomalies du transport du Na transmembranaire dues à une perturbation ou une inhibition de la pompe à Na-K (Na+,K+ATPase) ou à une perméabilité accrue au Na+. Il en résulte une augmentation du Na intracellulaire, ce qui rend la cellule plus sensible à l’hypertonie sympathique. Parce que le calcium (Ca) suit le Na, on suppose que c’est l’accumulation intracellulaire de Ca qui est responsable de l’hypersensibilité. La Na+,K+ATPase peut aussi être responsable du recaptage de noradrénaline par le neurone sympathique pour inactiver ce neurotransmetteur. Ainsi, l’inhibition de ce mécanisme pourrait augmenter considérablement les effets de la noradrénaline.

L’HTA peut être due aussi à un déficit d’une substance vasodilatatrice plutôt qu’à l’excès d’un vasoconstricteur comme l’angiotensine ou la noradrénaline. Le système kallicréine, qui synthétise la bradykinine, un puissant vasodilatateur, pourrait intervenir.

Enfin, les cellules endothéliales produisent de puissants vasodilatateurs tels l’oxyde nitrique (NO), la prostacycline et le plus puissant vasoconstricteur connu qui est l’endothéline. De ce fait, une dysfonction endothéliale peut avoir un impact majeur sur la pression artérielle [[3]].

Mécanismes physiopathologiques de l’acupuncture dans l’HTA

L’acupuncture pourrait avoir un effet hypotenseur qui passerait par une modulation de certaines molécules comme l’endothéline-1, la rénine plasmatique, l’angiotensine II, l’aldostérone. Il y a également une action sur le monoxyde d’azote (NO). L’acupuncture intervient aussi sur les niveaux plasmatiques de sérotonine (5HT), norépinephrine, dopamine, enképhaline, ß endorphine et acide γ-aminobutyrique (GABA). En bref, l’acupuncture semble réduire l’activation du système nerveux sympathique via l’activation du système cholinergique et des récepteurs opioïdes du noyau RVLM (rostral ventrolateral medulla) du bulbe rachidien.

Ainsi chez l’animal, de nombreux travaux expérimentaux ont démontré l’efficacité de l’acupuncture dans la baisse de la pression artérielle. Par exemple, des chats en bonne santé ont été anesthésiés par un mélange kétamine/xylazine qui leur provoque une hypertension transitoire. L’EA (2/100 Hz en alternance toutes les 3 secondes pendant 20mn) appliquée sur le 6MC (neiguan) inhibe l’hypertension artérielle systolo-diastolique induite par l’anesthésique au bout de 90mn (figure 2), ralentit la fréquence cardiaque et raccourcit les temps de récupération en post anesthésie [[4]]. Voyons plus en détail l’action de l’acupuncture sur les différentes molécules impliquées dans l’HTA.


Figure 2. Courbe par groupe de traitement des réponses moyennes sur (A) Pouls, (B) La pression artérielle systolique, (C) la pression diastolique, et (D) La pression artérielle moyenne. Ligne pointillée : groupe anesthésie ; ligne solide : EA. D’après le graphique de Lin JH et coll. Evid Based Complement Alternat Med. 2008. 

Endothéline-1

 L’endothéline-1 (ET-1) est comme l’angiotensine II un puissant vasoconstricteur (figure 3). Ces deux peptides sont générés, respectivement, grâce à l’enzyme de conversion de l’angiotensine II et de l’endothéline-1. En inhibant leur action, il est possible de traiter efficacement l’hypertension.

Stener-Victorin en 2003 a observé ainsi que des traitements répétés de l’électroacupuncture (EA à fréquence alternée 2/80 Hz) chez les rates présentant des ovaires polykystiques induits par du valérate d’estradiol (OPK) entraînait une diminution de la concentration d’ET-1 dans les ovaires de manière statistiquement significative (p < 0,05) dans le groupe OPK recevant l’EA par rapport au groupe contrôle en bonne santé  et modulait l’activité du système nerveux sympathique [[5]]. 


Figure 3. Structure de l’endothéline.

Cela a été directement démontré chez l’être humain. En effet, dans une étude contrôlée randomisée portant sur soixante personnes hypertendues au grade 1 à 3 (30 : groupe contrôle, traités par captopril ; 30 : groupe traitement acupunctural associé au captopril), on a observé une diminution des niveaux d’endothéline-1 (p<0,05) après traitement dans le groupe acupuncture. Les points sélectionnés (11GI quchi, 40ES fenglong, 3F taichong) ont été puncturés avec des aiguilles d’acupuncture magnétisées qui, après recherche du deqi ont été laissées en place pendant 30 mn. Le traitement a été appliqué six jours sur sept pendant 3 semaines. Mais cette étude de basse qualité méthodologique (score de Jadad à 1/5) qui objective une baisse significative de la pression artérielle, ne montre pas cependant de différence significative (p>0,05) entre les deux groupes [[6]]. 

Rénine

Cinquante patients hypertendus non traités ont participé à une étude comparative chinoise dans le but d’étudier les effets de l’acupuncture sur la baisse de l’HTA. Trente minutes après la séance d’acupuncture, on observait une diminution significative (p < 0,01) de la pression systolique (169 ± 2 à 151 ± 2 millimètres Hg), de la pression diastolique (107 +/-1 à 96 +/-1 millimètre Hg) et de la fréquence cardiaque (77 ± 2 à 72 ± 2 bpm). De même étaient observés une baisse significative (p< 0,01), de la concentration de l’activité rénine plasmatique (1,7 ± 0,4 à 1,1 ± 0,2 ng/ml/2h) mais pas de diminution des concentrations plasmatiques de la  vasopressine (AVP ou hormone antidiurétique ADH)  et du cortisol [[7]]. 

Angiotensine II

L’angiotensine II est produite par clivage enzymatique de l’angiotensine I par l’enzyme de conversion de l’angiotensine I, elle-même inactive. Les actions pressives directes et indirectes de l’angiotensine II sont médiées par l’activation du récepteur AT1. Le récepteur AT1 appartient à la famille des récepteurs à sept domaines transmembranaires, couplé à la voie des inositols phosphates. Après électroacupuncture chez les rats au 36E (zusanli) pendant 20 minutes, il a été démontré qu’il y a baisse de la pression artérielle avec un taux d’angiotensine I (Ang-1-7) diminué via la libération d’acides aminés excitateurs (glutamate) au niveau du noyau RVLM (rostral ventrolateral medulla) du bulbe rachidien [[8]].

Une autre étude a comparé l’influence de la manipulation au niveau du 36E et du 3F (taichong) sur des rats hypertendus et a montré que les manipulations douces (angle de rotation 144° et 75 tours/mn) et modérées (225°, 111 tours/mn) font décroître la pression artérielle mais n’influent pas sur le taux d’angiotensine II myocardiaque. Par contre, une stimulation forte (360°, 140 tours/mn) augmente la pression artérielle, mais sans influer non plus sur la libération d’angiotensine II [[9]].

Une étude contrôlée randomisée chinoise a étudié les effets de l’auriculothérapie par puncture du point Coeur dans l’HTA de grade 2 à 3 et les effets sur l’angiotensine II chez trente patients. Les aiguilles furent placées bilatéralement et stimulées électriquement à une fréquence de 5 Hz par séance de 30 mn tous les jours pendant trente jours. Les auteurs observent un effet immédiat sur l’hypertension qui persiste pour 63,3% des patients pendant le suivi entre 3 à 6 mois après la fin du traitement. Pas d’effet sur l’HTA lorsque le point d’Estomac a été puncturé. Les auteurs observent aussi une diminution statistiquement significative (p<0,001) du taux d’angiotensine II dans l’HTA de grade 3, dès la deuxième séance. Malheureusement cet ECR est aussi de basse qualité méthodologique (Jadad à 1) [[10]]. 

Aldostérone

Chez l’homme, un essai sur 65 patients hypertendus au stade 1 et 2 montre que l’acupuncture entraîne un effet hypoaldestéronémique [[11]]. Lee et coll. montre que la puncture du point 23V (shenshu) diminue le niveau plasmatique de l’ANP (peptide natriurétique atrial, l’hormone natriurétique d’origine auriculaire) tandis que l’action sur le 15V (xinshu) l’augmente. De même, la stimulation du 15V fait décroître le niveau plasmatique d’aldostérone et celle du 23V celle de l’activité rénine plasmatique [[12]].

Ces résultats ne sont pas totalement retrouvés chez l’animal. En effet, la moxibustion appliquée sur les points 15V et 27V (xiaochangshu) entraîne différents effets sur la fonction rénale, la pression artérielle systolique, les niveaux de l’activité rénine plasmatique, de l’aldostérone et de l’ANP chez le rat spontanément hypertendu. Ainsi, on montre que le volume urinaire augmente significativement après moxibustion du 15V, mais diminue après moxibustion du 27V. L’excrétion urinaire de sodium diminue après moxibustion des points 15V et 27V. La pression systolique diminue après moxibustion du 15V mais pas après moxibustion du 27V. Les niveaux d’aldostérone et l’activité rénine plasmatique sont augmentés significativement, mais pas celui de l’ANP, qui est diminué après moxibustion du point 15V. La moxibustion du 27V augmente significativement les niveaux plasmatiques d’aldostérone et de l’ANP mais pas l’activité rénine plasmatique [[13]]. Cette discordance de l’action du 15V sur l’aldostérone pourrait s’expliquer par la différence entre les espèces mais aussi par les différences entre acupuncture et moxibustion ; l’effet hypotenseur du 15V serait du à l’augmentation du volume urinaire. Ainsi, chez le lapin, les points 23V, 4VG et 20 VG entraînent une diminution du niveau plasmatique de l’aldostérone et de l’hormone antidiurétique [[14]]. 

Monoxyde d’azote (NO)

Le monoxyde d’azote ou oxyde nitrique (NO) a été impliqué dans le contrôle de la sécrétion de la rénine dans des expérimentations animales mais aussi chez l’être humain [[15]].

La réaction de biosynthèse du NO est sous la dépendance d’une famille d’enzymes, les NO synthases (NOS), dont il existe au moins trois isoformes. Schématiquement, ces trois isoformes diffèrent entre elles par leurs localisations cellulaires, leurs fonctions et leurs caractéristiques biochimiques. Les isoformes présentes dans les cellules endothéliales (eNOS3 endothéliale), d’une part, et les cellules nerveuses (nNOS1 neuronale), d’autre part, appartiennent à la famille des NOS constitutives, c’est-à-dire celles dont l’expression (normalement présente à l’état physiologique) permet la synthèse du NO respectivement en tant que médiateur paracrine de la relaxation du muscle lisse vasculaire entraînant une vasodilatation et en tant que neurotransmetteur avec une activité sur les acides aminés neuro-exitateurs. A l’inverse, l’isoforme macrophagique appartient à la famille des NOS inductibles (iNOS2), c’est-à-dire celles dont l’expression – normalement absente à l’état physiologique – ne se manifeste que dans des états pathologiques tel le choc septique induit par les endotoxines bactériennes. La régulation de la synthèse de la NOS inductible se fait au niveau transcriptionnel, par activation des facteurs de transcription comme  le nuclear factor-κB et le NF-κB (jouant ainsi un rôle majeur dans les mécanismes cellulaires relayant l’activation membranaire par des cytokines pro-inflammatoires et la synthèse de novo de la NOS inductible en réponse au stimulus inflammatoire). L’activité de la NOS constitutive se traduit par la production d’une faible quantité de NO pendant une période brève. Une fois synthétisé, le NO diffuse rapidement à l’extérieur de la cellule qui le synthétise pour agir sur les cellules avoisinantes selon le mode paracrine [[16]].

L’électroacupuncture a montré dans de nombreux travaux son action sur les trois isoformes de la NO synthase. Ainsi, sur un modèle de rat hypertendu par stress chronique (bruits et décharges électriques aux pattes), anesthésiés à l’uréthane et la chloralose, l’EA aux points bilatéraux zusanli (36E) pendant 20 minutes a eu pour conséquence un abaissement des pressions systolique et diastolique associé à une bradycardie ainsi que d’une atténuation de la pression ventriculaire systolo-diastolique gauche. L’EA avec microinjection de N(omega)-Nitro-L-Arginine, inhibiteur de la synthèse d’oxyde nitrique (NO) dans la substance grise périaqueducale ventrale (vPAG) a eu pour effet une réduction voire suppression de l’action de l’EA sur le cœur de manière statistiquement significative. Ces résultats suggèrent que l’effet dépresseur de l’EA sur les rats hypertendus stress-induits pourrait être en rapport avec l’oxyde nitrique ou monoxyde d’azote (NO) synthétisé dans le vPAG avec activation du système inhibiteur sympathique [[17]]. Cet effet hypotenseur de l’EA (3Hz, 10Hz, 30Hz) sur 36E a été à nouveau retrouvé dans l’étude de Chen et coll. qui montre outre une baisse de la pression artérielle, l’intervention de la nNOS1 dans le noyau gracile du bulbe rachidien [[18]].

Une étude plus récente a ensuite déterminé les changements des isoformes synthase neuronale et inductible de l’oxyde nitrique (nNOS1 et iNOS2), ainsi que de leurs ARNm dans le RVLM (rostral ventrolateral medulla) bulbaire sur un modèle de rats hypertendus par stress avant et après acupuncture. La pression artérielle systolique dans le groupe des rats stressés est augmentée de façon significative (p <0,01) et est accompagnée d’une augmentation de l’expression de la NOS1 neuronale avec élévation de l’expression de l’ARNm dans le RVLM (p<0,01), tandis que celle de la NOS2 inductible est statistiquement diminuée (p<0,05). L’EA ( 4-20Hz 4mA) aux points 36E et lanwei (point 33 hors méridien situé à 2 cun sous E36) entraîne une diminution de la pression systolique (p<0,05) et diminution de la nNOS1 et augmentation de la iNOS2 (p<0,01). Cela suggère que le mécanisme thérapeutique dans l’HTA stress induit chez le rat est en relation avec des changements de la nNOS1 et de la NOS2 inductible au niveau du RVLM [[19]].

En 2006, on montre sur un modèle de hamster hypertendu que 30 minutes d’EA au point 36E (2Hz, 0,5ms) par jour pendant cinq jours réduit l’hypertension artérielle par activation des mécanismes de la réaction de biosynthèse du NO sous dépendance des NO synthases. La pression artérielle moyenne passe de 160,0 ± 7,6 mm Hg à 128,0 ± 4,3 mmHg Hg avec 20% de réduction comparativement au groupe hypertendu non traité (p<0,05). L’EA augmente la concentration périartériolaire de NO de 309,0 ± 21,7 nM à 417,9 ± 20,9 nM mesurée avec des microélectrodes sensibles au NO (figure 4). Chez le hamster, l’HTA réduit l’oxyde nitrique synthase endothéliale (eNOS3) et l’oxyde nitrique synthase neuronale (nNOS1). L’EA au 36E sur un modèle de hamster hypertendu empêche donc la réduction des expressions de l’eNOS3 et de la nNOS1 associées à l’HTA chez le hamster [[20]].

 
Figure 4. Sur un modèle de hamster pesant 80-120g (2K1C : 2 reins, 1 clip protocole induisant une HTA rénovasculaire ), on applique une EA sur le point 36E. Cela entraîne une réduction de la pression artérielle moyenne et visible sur ce schéma une augmentation de la concentration périartériolaire. Les nombres entre parenthèses montre le nombre d’hamsters inclus dans chaque groupe. EA, électroacupuncture. *p <0,05 comparé avec les hamsters non traités (2K1C) ; #p <0,05 comparé aux hamsters ayant subi une opération placebo. Kim DD et coll. Microcirculation. 2006; 13(7): 577–585. 

Kim et coll. en 2008 confirment que l’EA au 36E module l’expression et l’activité de la nNOS1 dans l’hypothalamus de rats spontanément hypertendus en diminuant la synthèse du nNOS1. Les auteurs suggèrent que la down-regulation de la nNOS en rapport avec l’EA serait en rapport avec la synthèse et la libération de plusieurs neurotransmetteurs (ocytocine, vasopressine, dopamine, corticotrophine-releasing hormone et enképhalines) au niveau de l’hypothalamus (noyaux paraventriculaire et supraoptique) avec implication du système nerveux autonome [[21]].

En conclusion et à la lumière de ces résultats expérimentaux spécifiques à chaque animal de laboratoire, il semble que l’électroacupuncture entraîne également une modulation chez l’homme des enzymes NO synthases (eNOS3 et nNOS1) dans la biosynthèse du NO, monoxyde d’azote qui est le médiateur principal de la vasodilatation dépendante de l’endothélium. 

Système nerveux autonome et son interaction avec le système opioïde

Une étude expérimentale chez vingt rats spontanément hypertendus a permis de montrer que trois séances d’acupuncture sur les points quchi (11GI) et zusanli (36E) baissaient de façon spectaculaire (p<0,01) la pression artérielle. Par ailleurs, les taux plasmatiques de norépinephrine (NE) et de sérotonine (5-hydroxytryptamine, 5-HT) ont été diminués de manière statistiquement significative (p <0,05 ; <0,01) tandis que celui de dopamine (DA) était augmenté (p<0,05) par rapport à celui du groupe témoin. Au niveau du tronc cérébral, de l’hypothalamus et du cortex cérébral, la NE et le 5-HT étaient augmentés tout comme le taux de DA au niveau du tronc cérébral et du cortex cérébral (p<0,005-0,01) par rapport à celui du groupe témoin. Il semblerait donc que les mécanismes hypotenseurs de l’acupuncture chez les rats spontanément  hypertendus résident dans la possibilité d’ajuster la NE, la DA et le 5-HT aussi bien au niveau plasmatique qu’au niveau du système nerveux central, permettant ainsi d’ajuster l’activité du système sympathique [[22]].

De même, la stimulation des points 5MC (jianshi) et 6MC (neiguan) chez le chat réduit la réponse sympathique à travers un mécanisme opioïde impliquant les récepteurs opioïdes δ et μ (forte affinité avec les bêta-endorphines et les enképhalines) dans le noyau RVLM (rostral ventrolateral medulla) du bulbe rachidien [[23]] mais aussi au niveau de la substance grise périaqueductale ventro-latérale (vlPAG) [[24]]. Chao et coll. [[25]] avaient d’ailleurs déjà en 1999 démontré cela en faisant des micro-injections de naloxone dans le RVLM (rostral ventrolateral medulla) bulbaire sur un modèle de chats avec ischémie myocardiaque et hypertension chez qui on appliquait aussi une EA (4Hz, 0,5ms ; 25mn) au 6MC. Ainsi l’EA entraînait une baisse significative de la pression artérielle (p<0,05) et la naloxone eût pour effet de lever l’effet inhibiteur de la réponse du système nerveux sympathique. Ce qui signifie que l’EA basse fréquence au 6MC active les récepteurs opioïdes localisés dans le noyau RVLM. Celui-ci est formé de plusieurs groupes de neurones dont les projections excitatrices rejoignent la corne latérale de la substance grise de la moelle où sont situés les corps cellulaires des neurones sympathiques préganglionnaires.

Les mêmes auteurs ont confirmé et montré sur un modèle de chats hypertendus que l’EA (1-2 mA, 5 Hz, 0,5ms) sur les points 5MC (jianshi) et 6MC (neiguan) entraîne une diminution de 39% de la pression en relation avec l’activation des récepteurs opioïdes δ (delta) et μ (mu) au niveau du RVLM (rostral ventrolateral medulla) du bulbe rachidien. Par contre pas d’activation des récepteurs κ (kappa). Donc les neurotransmetteurs endogènes impliqués dans la modulation des réponses cardiovasculaires réflexes à l’EA à 5 Hz chez le chat hypertendu sont les bêta-endorphines et enképhalines, mais pas la dynorphine [[26]].

On a vu qu’une boucle liant la substance grise périaqueductale ventro-latérale (vlPAG) et le noyau RVLM (rostral ventrolateral medulla) du bulbe rachidien est impliquée dans les effets cardiovasculaires sympatho-inhibiteurs de l’EA entraînant une diminution prolongée (1-2 h) des élévations réflexes de la pression artérielle chez le chat anesthésié. Tjen et coll. ont démontré que l’effet hypotenseur de l’EA sur 5 MC et 6MC (2–4 Hz, 2–4 mA, 0,5ms, 30mn) est médié à travers cette voie faisant intervenir à la fois les récepteurs des opioïdes et de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) dans le RVLM du bulbe rachidien mais aussi au niveau du noyau arqué de l’hypothalamus (ARC). Par contre, pas d’action sur le récepteur de la nociceptine (orphanine FQ). Ainsi il apparaît que l’inhibition des réponses cardiovasculaires par EA au niveau du système autonome sympathique va activer les fibres A δ (delta) et C et fait donc intervenir une longue boucle impliquant le vlPAG, le RVLM et l’ARC [[27]].

Acupuncture manuelle et électroacupuncture

Nombreuses sont les études expérimentales réalisées en électroacupuncture alors qu’on en a peu en acupuncture manuelle. Pour pallier ce manque, Zhou et coll. ont comparé l’influence de l’acupuncture manuelle versus électroacupuncture dans les réponses cardiovasculaires sympathico-excitatrices sur un modèle de rat anesthésié et hypertendu par distension gastrique. Trente minutes d’EA de faible intensité et de basse fréquence (0,3-0,5 mA, 2 Hz) sur les points 5MC et 6MC, 36E et 37E, 6C et 7C ont sensiblement diminué la réponse hypertensive respectivement de 40, 39 et 44%.

En revanche, l’acupuncture placebo impliquant l’insertion d’aiguilles, sans stimulation sur 5 et 6MC ou 30 mn d’EA du 6 et 7GI n’entraîne pas de réaction antihypertensive ainsi que l’EA à la fréquence de 40 ou 100 Hz. L’acupuncture manuelle (MA) avec recherche du deqi en tournant l’aiguille à une fréquence de 2 Hz pendant 2 minutes sur les points 5 et 6MC en répétant toutes les 10 mn sur une période de 30 minutes a inhibé la réponse cardiovasculaire réflexe hypertensive de 33%, valeur non significativement différente de l’EA à 2 Hz (figure 5).

Ces données suggèrent que, d’une part l’acupuncture manuelle est équivalente en terme d’efficacité par rapport à l’EA basse fréquence à 2Hz sur l’effet hypotenseur du 5 MC et du 6MC, et d’autre part, qu’il n’y a pas une synergie ou un effet additif par l’utilisation de deux points d’acupuncture ayant le même effet hypotenseur. On note par ailleurs que l’EA à haute fréquence (40 et 100 Hz) n’a pas d’action hypotensive et que l’action sur l’hypertension de l’EA basse fréquence ou l’acupuncture manuelle est activée par les afférences des fibres A δ (delta) et C [[28]].

  
Figure 5. Les histogrammes objectivent l’augmentation de la pression artérielle sur un modèle de rats hypertendus par distension gastrique toutes les 10mn. On observe la réponse de la pression artérielle moyenne (MAP) après 30mn d’EA à 2 Hz (A) ou d’acupuncture manuelle (MA ; B) aux points 5 et 6MC. N = nombre de rats. * p< 0,05 : en comparaison EA et MA durant la stimulation versus la préstimulation. Schéma de Zhou W et coll. J ApplPhysiol. 2005. 

La figure 6 récapitule tous les mécanismes physiopathologiques des effets de l’acupuncture ou de l’EA sur l’hypertension observés chez l’animal.

 Figure 6. Mécanismes physiopathologiques des effets de l’acupuncture ou de l’EA sur l’hypertension.

Conclusion

 La médecine expérimentale objective que l’effet hypotenseur de l’acupuncture passerait par une modulation de nombreuses molécules (endothéline-1, rénine plasmatique, angiotensine II, aldostérone, NO, 5HT, norépinephrine, dopamine, enképhaline, ß endorphine et acide γ-aminobutyrique (GABA). Dans un prochain article, à partir d’une étude de cas et des essais contrôlés randomisés sur l’homme, nous étudierons si et de quelle manière peuvent être confirmées ces actions.

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Stéphan JM. Hypertension artérielle : acupuncture expérimentale. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(2):136-145. (Version PDF)

Stéphan JM. Hypertension artérielle : acupuncture expérimentale. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(2):136-145. (Version Globale HTML)

Acupuncture expérimentale et grossesse

Ennutsiak (1896-1967): scène d'accouchement - sages-femmes (1950) - musée des Beaux Arts - Montréal - Canada
Ennutsiak (1896-1967): scène d’accouchement – sages-femmes (1950) – musée des Beaux Arts – Montréal – Canada

Résumé : La popularité croissante de l’acupuncture dans la médecine de la reproduction demande un sérieux débat à propos de son efficacité, sa sécurité et sa documentation scientifique. Peut-on intégrer ainsi l’acupuncture dans le cadre du suivi de la grossesse, dans la menace d’accouchement prématuré ou dans l’assistance médicale à la procréation par exemple ? L’acupuncture expérimentale offre des réponses physiopathologiques, en particulier l’action tocolytique par inhibition de la cyclooxygénase-2 ou la régulation du système sympathique par les bêta-endorphines. Mots-clés : acupuncture expérimentale – revue –  grossesse – cyclooxygénase-2 – COX-2 – système sympathique

 Summary :  The increasing popularity of acupuncture in reproductive medicine requires a serious debate about its efficacy, safety and scientific documentation.  Can one thus integrate acupuncture within the framework of follow-up of the pregnancy, in the medical threat premature delivery or assited reproduction therapy for example? Experimental acupuncture offers physiopathological answers, in particular tocolytic action by inhibition of the cyclooxygenas-2 or the regulation of the system sympathetic nerve by beta-endorphins. Key words :  experimental acupuncture – review – pregnancy –  cyclooxygenase-2 – COX-2 – system sympathetic nerve

En 2002, une étude contrôlée randomisée a évalué l’effet de l’acupuncture sur le taux de grossesse lors de l’assistance médicale à la procréation. Par rapport à un groupe de contrôle ne recevant aucune acupuncture, Paulus et coll. ont comparé un groupe de patientes ayant reçu un traitement acupunctural (MC6 neiguan, RA8 diji, FO3 taichong, VG20 baihui et ES29 guilai) avec recherche de deqi avant et après (ES36 zusanli, RA6 sanyinjiao, RP10 xuehai et GI4 hegu) transfert d’embryon. Des grossesses cliniques ont été observées chez 34 des 80 patients (42,5%) dans le groupe acupuncture, tandis que le taux de grossesse était seulement de 26,3% (21 sur 80 patients) dans le groupe contrôle [1] .

Les points utilisés avant le transfert ont été choisis essentiellement pour réduire l’activité du système sympathique par l’intermédiaire des bêta-endorphines et par la régulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien [2] mais aussi pour réduire l’impédance (résistance) vasculaire dans les artères utérines [3] . Cela permet de réduire la pression artérielle et l’activité vasoconstrictive du système sympathique tout en augmentant le flux sanguin ovarien [4] . Après le transfert de l’embryon, le but était d’utiliser des points ayant une action tocolytique. L’acupuncture semble donc être utile pour améliorer le taux de grossesse.

Quels sont les mécanismes physiopathologiques de cette tocolyse ? 

 Inhibition de la COX-2

La production des prostaglandines s’accroît en milieu de gestation jusqu’à l’approche du terme, en corrélation avec une variation de l’expression des enzymes responsables de leur production. Par exemple, l’expression de la cyclooxygénase constitutive (COX-1) dans le myomètre diminue à terme, tandis que celle de la forme induite (COX-2) augmente. Par ailleurs, I’expression de COX-1 n’est pas modifiée par le travail alors que celle de COX-2 diminue, soulignant 1’existence d’un contrôle différentiel de ces enzymes. A l’inverse, l’expression de COX-2 augmente dans l’amnios avec le travail, suggérant que cette isoforme serait impliquée dans l’initiation du travail, et pourrait représenter une cible pour des inhibiteurs spécifiques de la synthèse des prostaglandines. Au fur et à mesure de l’évolution de la grossesse, les concentrations utérines en prostaglandines augmentent donc. On sait que les prostaglandines E1 et E2 favorisent la dilatation du col et les contractions utérines, particulièrement en fin de grossesse. C’est pourquoi la régulation de la concentration utérine des prostaglandines joue un rôle important dans l’accouchement.

Le point GI4 (hegu) a été puncturé dans deux groupes de rates gravides et non gravides afin d’évaluer son efficacité dans l’expression des enzymes COX-2 et dans la motilité utérine. Que les rates soient gravides ou pas, la localisation immunohistologique de l’enzyme COX-2 est principalement retrouvée dans l’endomètre utérin et faiblement dans le myomètre. En cas de grossesse, le niveau de l’expression est intensifié dans ces deux endroits, mais est réduit par l’acupuncture au point GI4. La perfusion de prostaglandines F2 alpha (PGF2) chez les rates gravides augmente l’expression COX-2 dans le myomètre, mais la diminue dans l’endomètre. Par ailleurs, la motilité utérine est réduite de 67% chez les rates non gravides, et de 75% chez les rates gravides lors de la stimulation acupuncturale au point GI4. La perfusion de PGF2 alpha chez les rates gravides augmente la motilité utérine de 117,3%. Une réduction statistiquement significative de la motilité utérine chez les rates gravides montre donc le rôle du point d’acupuncture GI4 qui inhibe l’expression de l’enzyme COX-2, d’où inactivation des prostaglandines [5] .

Réguler la concentration de prostaglandines dans l’utérus est donc un facteur principal pour contrôler la durée du travail. Or nous venons de le voir, la synthèse des prostaglandines dans l’utérus est sous la dépendance de la cyclooxygénase-2 (figure 1). En 2003, les mêmes auteurs, poursuivant leurs travaux sur les rates gravides, ont démontré que le traitement acupunctural au point RA6 (sanyinjiao) contrôle aussi la motilité utérine pendant la grossesse [6] . Dans cette étude, une analyse immunohistochimique a objectivé que l’enzyme COX-2, principalement retrouvée dans l’endomètre et le myomètre de l’utérus de rate, voit son expression s’intensifier au cours de la grossesse, mais se réduire suite à un traitement par acupuncture pendant 30 mn au point RA6. De même sous acupuncture, la motilité utérine est réduite de 28,15% (p < 0,05) chez les rates gravides et de 19,88% (p < 0,05) chez les rates non gravides. La réduction statistiquement significative de la motilité de l’utérus gravide objective à nouveau le rôle inhibiteur de l’expression de la COX-2 pendant la grossesse du point d’acupuncture RA6, comme celui du GI4.

Figure 1. La cyclooxygénase-2 ( COX-2) 

 En conclusion, comme des molécules célèbres de la famille des coxibs (célécoxib et rofécoxib), on peut considérer RA6 et GI4 comme des inhibiteurs sélectifs de la cyclo-oxygénase de type 2, mais sans leurs effets délétères. 

Effet ocytocique ?

Les travaux réalisés par Pak et coll. en  2000 démontraient aussi que l’acupuncture avec recherche du deqi au point GI4 supprimait les contractions utérines induites chez la rate gravide par perfusion d’ocytocine [7] . Par contre, la stimulation acupuncturale au point RA6 et la moxibustion au point RM4 (guanyuan) n’avaient pas d’effet tocolytique statistiquement efficace.

On met ainsi en lumière les deux écoles de pensées actuelles qui peuvent sembler antinomiques : action tocolytique ou ocytocique de l’acupuncture.

Tempfer et coll. [8] , Zeisler et coll. [9] montraient que l’acupuncture avait un effet inducteur du travail par action ocytocique sur l’utérus gravide alors que Tsuei et coll. en 1977 [ [10] ], Lyrenas et coll en 1987 [ [11] ] démontraient l’inverse, c’est à dire une tocolyse avec allongement de la durée du travail.

En fait, en fonction des points utilisés, nous aurons soit une induction ou un ralentissement du travail. Cependant, il est encore difficile de trancher car selon les auteurs, RA6 devra être considéré comme ocytocique [10 ], ou tocolytique [11 ]. D’ailleurs, Johan Nguyen dans sa rubrique d’acupuncture expérimentale le faisait aussi remarquer et insistait sur le fait que d’autres travaux étaient nécessaires pour confirmer l’une ou l’autre des hypothèses [ [12] ]. La figure 2 récapitule l’action tocolytique de l’acupuncture.

 Figure 2. Effets de RA6 et GI4 sur la COX-2 et les prostaglandines et la tocolyse

 En conclusion, il apparaît que l’acupuncture peut être un traitement alternatif dans toute la médecine de la reproduction. L’induction d’une ovulation, un retard du travail ou inversement une menace d’accouchement prématuré sont les applications possibles de l’acupuncture sans les effets secondaires d’un traitement pharmaceutique. Il ne reste plus qu’aux cliniciens à réaliser des essais cliniques randomisés de bonne qualité méthodologique pour confirmer davantage ces résultats expérimentaux. Et comme le disent Stener-Victorin et coll., le manque de preuves d’un effet ne veut pas dire des preuves d’un manque d’effets en médecine de la reproduction [13] .


Références 

 [1] . Paulus WE, Zhang M, Strehler E, El-Danasouri I, Sterzik K. Influence of acupuncture on the pregnancy rate in patients who undergo assisted reproduction therapy. Fertil Steril 2002;77(4):721-4.

[2] . Stéphan JM. Acupuncture expérimentale dans l’insuffisance ovarienne. Acupuncture & Moxibustion 2005;4(1):68-72.

[3] . Stener-Victorin E, Waldenstrom U, Andersson SA, Wikland M.  Reduction of blood flow impedance in the uterine arteries of infertile women with electro-acupuncture. Hum Reprod 1996;11(6):1314-7.

[4] . Stéphan JM. Acupuncture expérimentale et  syndrome des ovaires polykystiques. Acupuncture & Moxibustion 2005;4(2):153-159

[5] . Kim J, Shin KH, Na CS. Effect of acupuncture treatment on uterine motility and cyclooxygenase-2 expression in pregnant rats. Gynecol Obstet Invest 2000;50(4):225-30. 

[6] . Kim JS, Na CS, Hwang WJ, Lee BC, Shin KH, Pak SC.  Immunohistochemical localization of cyclooxygenase-2 in pregnant rat uterus by Sp-6 acupuncture. Am J Chin Med 2003;31(3):481-8. 

[7] . Pak SC, Na CS, Kim JS, Chae WS, Kamiya S, Wakatsuki D, Morinaka Y, Wilson L Jr. The effect of acupuncture on uterine contraction induced by oxytocin. Am J Chin Med 2000;28(1):35-40.  

[8] . Tempfer C, Zeisler H, Heinzl H, Hefler L, Husslein P, Kainz C.  Influence of acupuncture on maternal serum levels of interleukin-8, prostaglandin F2alpha, and beta-endorphin: a matched pair study.Obstet Gynecol 1998;92(2):245-8.

[9] . Zeisler H, Tempfer C, Mayerhofer K, Barrada M, Husslein P.  Influence of acupuncture on duration of labor.

Gynecol Obstet Invest 1998;46(1):22-5.

[10] . Tsuei JJ, Lai Y, Sharma SD.  The influence of acupuncture stimulation during pregnancy: the induction and inhibition of labor.Obstet Gynecol 1977;50(4):479-8.

[11] . Lyrenas S, Lutsch H, Hetta J, Lindberg B. Acupuncture before delivery : effect on labor. Gynecol Obstet Invest. 1987;24(4):217-24.

[12] . Nguyen J. Action utérorelaxante du 6Rte durant la grossesse ? Acupuncture & Moxibustion 2004;3(3):224.

[13] . Stener-Victorin E, Wikland M, Waldenstrom U, Lundeberg T. Alternative treatments in reproductive medicine: much ado about nothing. Acupuncture-a method of treatment in reproductive medicine: lack of evidence of an effect does not equal evidence of the lack of an effect.Hum Reprod 2002;17(8):1942-6.

Stéphan JM. Acupuncture expérimentale et grossesse. Acupuncture & Moxibustion. 2005;4(3):236-239. (Version PDF)

Stéphan JM. Acupuncture expérimentale et grossesse. Acupuncture & Moxibustion. 2005;4(3):236-239. (Version globale html)


Les troubles du sommeil du nourrisson : traitement par stimulation électro-acupuncturale

Enfant de l'ethnie NaXi à Lijiang Yunnan - Chine
Enfant de l’ethnie NaXi à Lijiang Yunnan – Chine

RésuméLes troubles du sommeil du nourrisson, motif fréquent de consultation, peuvent bénéficier d’un traitement électroacupunctural associant stimulation cutanée et électro-acupuncture des « fosses du Qi » : Neiguan (MC6), Daling (MC7), Shenmen (C7), Taiyuan (P9), Zhaohai (R6), Shenmai (V62), Yintang (HM1) et Baihui (VG20). 
Après un rappel de définition de l’insomnie selon la médecine occidentale, puis selon la médecine traditionnelle chinoise, l’étude commentera le choix des points en fonction des Textes, le tout appliqué à la physiologie propre du nourrisson. Auparavant, six observations auront permis d’illustrer les différents propos. Mots clés : Electro-acupuncture, Pédiatrie, Insomnie, Sommeil, Yin & Yang Chiao Mai, Shen, Jing Qi, Wei Qi, Rong Qi, Xue.

Summary: The sleeping disorders of the newborn, frequent motive of consultation may have the benefit of an electroacupunctural treatement associating cutaneous stimulation and electroacupuncture of « the fosses du Qi » (Qi holes) : Neiguan (MH6), Daling (MH7), Shenmen (H7), Taiyuan (LU9), Zhaohai (K6), Shenmai (BL62), Yintang (EP1) et Baihui (GV20).
After recalling the defenition of insomnia according to occidental medicine, then according to chinese traditional medicine, the study will explain the choice of the points according to the texts, the whole applied to the particular physiology of the newborn. Previously, six observations will have illustraded these various purposes.Keywords: Acupuncture, Electroacupuncture, Pediatry, Insomnia, Sleep, Yin & Yang Chiao Mai, Shen, Jing Qi, Wei Qi, Rong Qi, Xue.

En dehors de toute pathologie organique aiguë ou chronique, les troubles du sommeil de l’enfant sont représentés en priorité par les éveils nocturnes répétés et prolongés. Le nourrisson d’un mois est éveillé normalement pendant un tiers du temps nocturne. Progressivement, le sommeil se déplace dans la nuit et la veille dans le jour. A trois ans, 25 à 38% des enfants se réveillent la nuit ; cette proportion devient négligeable après cinq ans. Ainsi les troubles du sommeil sont un motif fréquent de consultation. Le présent travail tentera tout d’abord de définir l’insomnie selon la médecine occidentale, puis dans un second temps selon la médecine traditionnelle chinoise. Enfin après la description de six observations, le choix des points utilisés sera commenté en fonction des textes.

L’insomnie selon la Médecine Occidentale 

Dans la classification internationale des troubles du sommeil, l’insomnie entre dans la catégorie des désordres de l’initiation et du maintien du sommeil .

Trois sortes d’insomnie sont décrites :

– l’insomnie du début de la nuit liée à une difficulté d’endormissement ;

– l’insomnie par éveils multiples au cours de la nuit ;

– l’insomnie matinale par réveil précoce en fin de nuit.

Par ailleurs, il est également intéressant de classer ces troubles du sommeil en fonction de l’âge :

– l’insomnie du premier semestre ;

– l’insomnie du second semestre ;

– l’insomnie de la deuxième et troisième année ;

– l’insomnie au delà de 3 ans.

L’insomnie du premier semestre 

Les besoins en sommeil sont variables selon les nouveaux nés. Le sommeil nocturne de l’enfant comporte normalement une certaine proportion de veille. L’étude du sommeil de nuit à l’aide d’enregistrements polygraphiques a montré qu’elle occupait un tiers de la nuit à un mois d’âge. Ainsi le rythme nycthéméral sommeil-veille s’établit progressivement et n’atteint souvent sa régularité que vers l’âge de 3 mois. Les cycles du sommeil chez les bébés sont réguliers et caractéristiques de chaque enfant. Le sommeil nocturne se découpe en tranches de 3 à 4 heures où alternent sommeil profond et sommeil paradoxal.

A intervalles réguliers, le bébé traverse un état semi-conscient où il peut s’activer et pleurer. Ce cycle veille-sommeil est étroitement lié aux besoins ; la faim réveille l’enfant qui se rendort aussitôt qu’il est repu. Ces éveils nocturnes ne constituent pas une manifestation pathologique. Et progressivement, la veille qui apparaissait toutes les 3-4 heures au cours des premiers mois, va se déplacer dans le jour, et le sommeil dans la nuit.

On peut alors définir l’apparition du sommeil stable du nourrisson comme la possibilité de dormir sans interruption pendant une période de cinq heures, de minuit à 5 heures du matin. Cependant chez certains, l’insomnie du premier semestre se traduit par des crises de larmes le soir qui se prolongent et retardent l’endormissement. L’anxiété et la tension des parents ne font qu’accroître ces difficultés, alors qu’il est nécessaire de procurer au bébé une certaine détente et de respecter un rituel pour qu’il puisse s’endormir facilement.

Par ailleurs, une suppression prématurée des repas de nuit, un horaire ou des rations qui ne tiennent pas compte des besoins personnels du bébé peuvent conduire le plus souvent à des réveils nocturnes, fréquents. L’enfant est agité, il pousse des cris incessants pendant des heures ; le sommeil des parents est perturbé, ce qui accroît les réponses inadaptées. Heureusement la majorité des enfants acquiert un sommeil nocturne stable ou réglé entre trois et six mois. Cependant la plupart des auteurs constatent une recrudescence des éveils nocturnes dans la deuxième partie de la première année.

L’insomnie du deuxième semestre 

A cette époque, les difficultés d’endormissement, les réveils nocturnes sont liés au refus de se séparer de la mère et de quitter un environnement qui offre de plus en plus d’intérêt, au besoin de passer à l’action. Ainsi entre 6 et 12 mois, 25% des enfant s’éveillent encore la nuit.

Le rôle des parents est important : ils doivent apprendre au nourrisson à dormir, à passer de la veille au sommeil. S’ils interviennent trop, lors des périodes normales de demi- conscience, de pleurs ou de jeux nocturnes, le bébé ne saura plus passer de lui-même de cet état à celui de sommeil plus profond. Outre l’anxiété des parents, qui pousse à intervenir au premier appel du bébé, et éventuellement à donner l’habitude d’un biberon nocturne, la douleur des poussées dentaires, les maladies infectieuses (rhino-pharyngites), l’hyperactivité d’un bébé dont on restreint la dépense motrice dans la journée, peuvent être d’autres causes de difficultés de sommeil.

Là encore, un cercle pathologique peut rapidement s’installer : le bébé, fatigué, ne peut se détendre et dort mal dans la journée, ce qui contribue à perturber davantage le sommeil durant la nuit. les parents épuisés et énervés, n’arrivent plus à procurer à leur enfant la détente et le calme dont il a besoin, et leurs interventions deviennent de plus en plus inadéquates. L’apprentissage du sommeil ne peut se faire et au contraire l’enfant prend l’habitude de mal dormir.

L’insomnie des deuxième et troisième années 

Les troubles du sommeil y sont assez fréquents. Ils font encore, à cet âge, partie du développement normal de l’enfant. Relativement banals, ils peuvent être pérennisés ou aggravés par des conditions de vie pertubées par des inadéquations éducatives, l’inquiétude et la fatigue des parents. Selon certains auteurs, il faut noter que 9,5 % des enfants qui s’éveillent encore la nuit, à cet âge auraient un trouble sévère du sommeil. Ces troubles du sommeil sont très variables. On pourra constater :

-Une opposition au coucher : surtout fréquente entre deux et trois ans chez des enfants hyperactifs et volontaires qui redoutent le sommeil et luttent contre lui. Parfois l’anxiété est importante et l’enfant est pris de panique à l’idée de s’endormir. Peuvent s’y associer les rituels du coucher qui s’observent bien souvent à partir de deux ans. L’enfant a besoin pour s’endormir de la présence de son objet familier ou d’une histoire racontée par les parents.

-Les réveils nocturnes peuvent être épisodiques ou très fréquents au cours de la nuit dans la deuxième année, ils peuvent être liés à des situations d’inconforts, à la douleur des poussées dentaires, ou à des cauchemars.

-Les cauchemars : peuvent survenir très tôt, dès le début de la deuxième année. Ils se produisent durant la phase du sommeil paradoxal. L’enfant se réveille en pleurant, en criant et peut avoir du mal à se calmer. Il ne peut pas encore raconter son rêve et les cauchemars peuvent être difficiles à reconnaître.

-Les terreurs nocturnes : il s’agit de crises hallucinatoires impressionnantes et brèves, avec cris, gesticulations, visage terrifié, yeux ouverts, reprise difficile de contact avec la réalité, amnésie de l’incident. Elles surviennent à partir d’un stade de sommeil profond, en général plus tard vers deux ans.

-Enfin les rythmies du sommeil : caractérisées par une agitation très rythmée, un balancement qui peut déplacer le lit, brusquement au cours de la nuit. Elles durent de quelques instants à plus de quinze minutes et peuvent se répéter par périodes. Les rythmies apparaissent surtout dans les stades légers du sommeil, jamais en sommeil profond, plus souvent un peu avant ou un peu après les phases du sommeil paradoxal. Ce comportement nocturne particulier est fréquent, souvent sans gravité, mais devient parfois inquiétant par son aspect spectaculaire et bruyant. Il peut être accompagné de réveils nocturnes et de difficultés du comportement de l’enfant durant la journée, de troubles de la relation parents-enfant.

L’insomnie au delà de 3 ans 

Dans une étude suédoise chez des enfants d’âge pré-scolaire, 3 % des enfants de 4-5 ans sont considérés comme de mauvais dormeurs. On retrouvera surtout les cauchemars, les terreurs nocturnes, les rythmies du sommeil. Cependant à cet âge, les problèmes de sommeil sont moins fréquents, mais peuvent ressurgir à l’adolescence.

Entre 10 et 13 ans, 5 % des enfants se réveillent la nuit, alors que moins de 1 % a du mal à se rendormir. Ainsi donc les difficultés d’endormissement et les éveils nocturnes répétés viennent en tête des demandes de consultation pour les insomnies et diminuent avec l’âge. D’autres troubles du sommeil peuvent leur être associés. Ces manifestations cliniques variées regroupées sous le terme de parasomnies sont : la somniloquie, l’énurésie, le somnambulisme, les éveils avec confusion.

L’insomnie selon la Médecine Traditionnelle Chinoise 

Les troubles du sommeil doivent être considérés comme la résultante d’une dysharmonie de l’homme avec son environnement. De ce fait les insomnies sont toujours dues à une plénitude de Yang ou un vide de Yin ou association relative des deux.

Ainsi selon les Textes :  » Dans la journée le Yang règne à l’extérieur (périphérie du corps); il éclôt à l’aube, culmine à midi et s’anéantit au coucher du soleil, alors que se referment les « portes du souffle  » (Qi Men). Aussi quand, le soir, le Yang se retire, doit-on ne pas s’exposer au surmenage physique, au brouillard et à la rosée. Toute violation à ces règles lors de ces trois moments incite les perversions à assiéger puis envahir le corps. » (Su Wen)  » Ne pas dormir est toujours causé par un excès de Yang » (Soulié de Morant).

 » L’insomnie vient de ce que l’énergie défensive Wei ne peut pas rentrer dans le Yin comme elle devrait le faire durant la nuit, il s’ensuit que le Yang est en plénitude et que son méridien Yang Chiao Mai est en très grande plénitude. Le Yin ne recevant plus d’énergie, devient vide, alors les yeux ne peuvent plus être fermés, c’est l’insomnie… » (Ling chou).

L’insomnie, dysharmonie Yin-Yang, aura donc pour étiologie un déséquilibre dans les états de vide ou plénitude des différents méridiens s’exprimant par les merveilleux vaisseaux Yin et Yang Chiao Mai. Ainsi on pourra constater un état d’insomnie en présence d’une plénitude de :

-foie,

-cœur,

-maitre du coeur,

-triple réchauffeur,

-estomac,

-poumon,

-vessie ;

d’une insuffisance de Yin de

-cœur,

-maitre du coeur,

-rate-pancréas,

-rein,

-foie.

Sans détailler chaque état pathologique, il est cependant intéressant d’étudier les principaux :

L’excès de Yang à l’estomac conjugué à une insuffisance de Yin de Rate-Pancréas

L’ excès de Yang à l’estomac se caractérisera par un sommeil agité, troublé de rêves et de cauchemars ; les yeux ne peuvent se fermer. Le sujet sera dans un état de surexcitation et d’agitation psychique, comme on peut le voir dans l’atteinte du Yang Ming, ceci dans le cadre d’une pathologie psychiatrique. Cet excès de Yang va tarir le Yin de Rate-Pancréas. Le sujet ne trouve pas le repos ; il est préoccupé, soucieux, témoignage d’un trouble du Yi et d’un épuisement du sang.

De ce fait, la rate entrainera alors une atteinte de la loge feu avec insuffisance du Yin du coeur. Cette insuffisance du Yin au coeur se traduira également par une plénitude du Yang apparent et une déficience du Shen. Le sommeil sera très agité, associé à des cauchemars et des palpitations.

Le vide de Yin des reins

La plénitude de Yang apparent au coeur peut également être produite lorsque le Yin du rein est épuisé ou insuffisant. De ce fait le rein-Yang va se trouver en excès. Il va ascensionner au réchauffeur supérieur, occasionnant indirectement un vide de coeur ou un excès de Yang apparent.

Ainsi, lors d’une atteinte du Shao Yin, on retrouve une insomnie de fin de nuit, avec réveil prématuré. Le sujet ne peut dormir, il est agité, angoissé.

Le vide de Yin de foie

En cas de vide de sang ou vide de foie on retrouve une somnolence diurne associée à une insomnie dans le cadre d’une dépression. Le tout, est bien souvent accompagné des signes de la série dystonique : spasmes divers, thoraciques, abdominaux, bouffée congestive du visage, paresthésie, crise de larmes, spasmophilie, crise d’angoisse, migraine…

Tous ces symptômes appartiennent aux mêmes mécanismes énergétiques : l’insuffisance de Yin ou insuffisance de l’énergie essentielle Jing Qi de l’organe foie, avec insuffisance corollaire du sang, qui descend et s’amasse en bas, suscitant l’échappement consécutif de l’énergie (ou Yang du foie), vers le haut.

Par ailleurs ce vide de foie génère dans le cycle de production un tarissement du sang au niveau du coeur et du maitre du coeur, d’où une libération du Yang et un vide de Shen.

Le vide de Yin de cœur

Les pathologies des organes et des entrailles en vide ou plénitude peuvent entrainer le Feu Mental en rapport avec l’âme viscérale du coeur : le Shen.

Ainsi comme nous l’avons vu précédemment, le Shen sera diminué en cas d’insuffisance du Yin du rein, de foie ou de rate-pancréas entrainant un Yang apparent par non-contrôle du yin de coeur. Cliniquement, le sommeil est toujours agité accompagné de cauchemars et d’angoisse; l’éveil est précoce.

A propos de six cas cliniques

Méthode

Le traitement électro-acupunctural consiste à appliquer l’électrode active pendant quelques secondes sur le point d’acupuncture, la masse étant mise au niveau des fesses ou de l’abdomen. L’appareil utilisé est un simple détecteur-stimulateur que l’on trouve dans les maisons médicales spécialisées dans la médecine traditionnelle chinoise La fréquence de stimulation est comprise entre 40 et 60 Hz; l’intensité sera fonction de la réaction de l’enfant : pleurs, myoclonies, ou tentatives de retrait. Les points utilisés sont :

MC 6 (Neiguan)
MC 7 (Daling)
C 7 (Shenmen)
P 9 (Taiyuan)

R 6 (Zhaohai)

V 62 (Shenmai)

HM 1 (Yintang)
VG 20 (Baihui)

Tous ces points sont stimulés électriquement, excepté le VG 20 qui, en plus, sera piqué avec une aiguille de diamètre compris entre 0,20 et 0,26mm maximum.

Observations

1e observation : Anthony P…

Anthony P…, nourrisson de 14 mois, ayant dans les antécédents bénéficié d’une cure bilatérale d’hernie inguinale, subi des rhino-pharyngites et bronchites à répétition, présente depuis plus d’un mois des troubles très importants du sommeil. Il n’existe pas de troubles d’endormissement, mais plutôt des réveils nocturnes, incessants chez un enfant très agité, dormant en moyenne, deux heures par nuit. Par ailleurs l’état général est satisfaisant, pas d’infection rhino-pharyngée; le jour de la séance, l’examen clinique est normal. Suite au premier traitement, l’enfant fait trois nuits sur sept; il est sage durant la journée. Une nouvelle séance est faite. La régulation du sommeil est complète une semaine après cette deuxième séance.

2e observation : Charles L….

Charles est âgé de 8 mois lorsque sa maman consulte pour des troubles du sommeil à type de réveils nocturnes, incessants, environ quatre à six fois par nuit. Le sommeil est agité, il pleure sans cesse, désire sa mère. Depuis la naissance, Charles n’a fait qu’une bronchite à 4 mois, associée à un muguet buccal. Les vaccinations ont été faites. Comme pour le petit Anthony il a bénéficié de multiples médications (calcibronat, nopron, galirène, euphytose etc.), les troubles du sommeil persistants déjà depuis plus d’un mois. L’examen général est tout à fait normal. La régulation du sommeil sera réalisée en une seule séance.

3e observation : Perrine F…

Prématurée à 7 mois, sans antécédents, Perrine âgée de 17 mois est insomniaque toutes les nuits depuis deux mois de 2h à 4h du matin. Les parents sont très nerveux, elle-même ne tient pas en place durant la journée. Séance d’acupuncture. Elle est revue quarante jours après; elle est plus calme, plus détendue. Cinq jours après la première séance, les nuits étaient complètes ; cependant depuis une semaine, les troubles du sommeil reprennent avec réveils de 23h à 4h du matin. Le même traitement est entrepris. Trois mois plus tard. Une poussée dentaire associée à une bronchite, deux semaines auparavant, avait à nouveau déstabilisé les nuits, entrainant des réveils nocturnes de 10h à 5h du matin cette fois. A noter, qu’après la deuxième séance, l’effet acupunctural avait été immédiat.

4e observation : Christopher P….

Christopher, nourrisson de 8 mois, très nerveux, ayant des parents eux-mêmes très nerveux, se réveille systématiquement à 2 h du matin, puis à 6h. Il dort peu et pleure sans cesse. L’examen clinique est tout à fait normal. Le pédiatre consulté en dernier recours, a été amené à mettre du nopron, du piptal mais sans succès. Le traitement habituel est appliqué. Christopher est revu la semaine suivante, sans amélioration. Même traitement. L’enfant sera revu cinq mois plus tard. Six jours après la deuxième séance, les nuits étaient complètes, plus aucun réveil nocturne. Ce jour, l’enfant ne dort plus depuis trois semaines, il se réveille la nuit de façon incessante. Une rhino-pharyngite chronique depuis un mois le gène beaucoup. Le même traitement est cependant entrepris. Un coup de téléphone nous informa de l’amélioration complète, une semaine après la séance acupuncturale.

5e observation : Aurélien B…

Le petit Aurélien âgé de 22 mois, enfant prématuré à sept mois, ayant bénéficié d’une cure d’hernie inguinale bilatérale, souffre de troubles du sommeil à type de réveils nocturnes, cauchemars, peur du noir, depuis un mois environ. Il est agité, très nerveux dans la journée; la nuit il ne peut dormir si sa maman est absente. L’insomnie a débuté après une radiographie du crâne, réalisée en milieu hospitalier, au cours de laquelle sa mère fut tenue éloignée. Une semaine après la séance d’acupuncture, Aurélien fut revu. La nuit qui suivit la première séance fut très calme, sans réveil. Toutefois, l’agitation repris peu à peu. Un nouveau traitement électro-acupunctural fut entrepris; nuits complètes dès la deuxième cure.

6e observation : Alexandre M...

Depuis la naissance, Alexandre né par césarienne, présente un sommeil très agité, avec de nombreux réveils durant la nuit. Dans la journée il est nerveux mais sage. A 22 mois hormis quelques rhino-pharyngites, il n’a jamais été malade. Le traitement préconisé jusqu’à présent a été nopron, neurocalcium, théralène, passiflore, le tout sans succès. Le traitement électro-acupunctural aura raison de son trouble du sommeil.

Commentaires 

Les troubles du sommeil du nourrisson peuvent être résolus par l’électro-stimulation cutanée des points d’acupuncture associée à l’électro-acupuncture d’une seule aiguille au Baihui (VG 20), piquée en dispersion. On évitera ainsi les aiguilles, traumatisantes pour les nourrissons.

Dans l’étude deux catégories d’enfants ont été concernées : les enfants du deuxième semestre et ceux au cours de leur deuxième année. Selon la classification internationale des troubles du sommeil, les insomnies que nous avons traitées sont des insomnies par éveils multiples au cours de la nuit.

Avant tout, il est important de s’assurer que l’enfant n’offre aucune contre-indication au traitement acupunctural. En effet il est illusoire d’essayer de traiter l’insomnie si l’enfant présente une maladie infectieuse évolutive lors de la consultation.

Par ailleurs, il convient de rechercher une contre-indication liée au principe même de l’électro-acupuncture. Recherche donc, d’antécédents de crises convulsives quelqu’en soit la cause étiologique : neurologique, métabolique, hyperthermique.

La stimulation à une fréquence de 40 à 60 Hz, est choisie dans le but d’obtenir un effet sédatif rapide. L’intensité à utiliser est guidée par la provocation de la sensation douloureuse manifestée par les cris, les pleurs de l’enfant ou surtout, par la réaction de retrait, les myoclonies.

La durée moyenne de l’application de la stimulation n’excède pas quelques secondes au niveau de chaque point.

Le choix des points utilisés découle de l’enseignement tiré des Textes.

Ainsi le Maitre Céleste Qi Bo répond à l’empereur Huang Di dans le Su Wen :  » Chez la fille à 7 ans l’émanation rénale abonde, la denture change, la chevelure s’allonge… Chez le garçon à 8 ans l’émanation rénale s’affirme, la chevelure s’allonge, la denture change… ».

Le Jing Qi

Par la fille de 7 ans ou le garçon de 8 ans, on parle de la fille ou du garçon pendant la première période de 7 ou 8 ans. Durant cette période, on constate donc une poussée de l’énergie du Rein. Cette énergie qui réside dans les reins est l’énergie dite essentielle ( Jing Qi). Elle permet la croissance et est mobilisée à la demande dans le circuit des merveilleux vaisseaux, quoique ceux-ci s’interpénètrent avec les 12 méridiens principaux.

Dans le Ling ShouQi Bo dit : « l’énergie essentielle des cinq organes et des six entrailles a son point de concentration dans les yeux. Dans les yeux, tous les méridiens sont concentrés et se rattachent au cerveau et de là à la nuque ».

Le Jingming n’est ainsi qu’une émanation du Jing c’est à dire de l’essence des cinq organes. Le Jingming (V1) est également le point noeud du Tai Yang, point de concentration énergétique maximale, lieu de réunion du Zu Tai Yang et du Shou Tai Yang.

L’énergie essentielle emprunte le trajet des merveilleux vaisseaux Yang Chiao Mai et Yin Chiao Mai, comme d’ailleurs l’énergie défensive Wei. Ces curieux vaisseaux se réunissent aussi à l’angle interne de l’oeil au Jingming. L’énergie essentielle acquise (Jing Qi) comme l’énergie nourricière (Rong Qi), et l’énergie défensive (Wei Qi) sont issues de la digestion et de l’assimilation des aliments et des boissons. En fait, chaque organe alimenté par le Rong et Wei Qi peut synthétiser son Jing Qi. Ce Jing Qi est ensuite entreposé au rein et mobilisé à la demande.

Le Wei Qi

Le Wei Qi est une énergie Yang et superficielle.

Elle circule dans chaque méridien suivant différents rythmes, en particulier un rythme rapide de 50 cycles par 24 heures, comprenant 25 cycles diurnes et 25 cycles nocturnes.

Selon le Ling Shou : « L’énergie Wei circule le jour dans le Yang, la nuit dans le Yin. Au Yin correspond la nuit, le calme, pendant laquelle on dort. L’énergie Yang a tendance à remonter vers le haut ; elle correspond au haut et à l’extérieur du corps, l’énergie Yin au contraire se dirige vers le bas et à l’intérieur du corps. Elle correspond à la profondeur et à l’intérieur de l’organisme…

En général, l’énergie Yang est faible pendant la nuit l’énergie Yin forte.

Durant le jour l’énergie Yang est à son maximum, l’énergie Yin est faible. Le jour l’homme est donc éveillé, la nuit il dort… »

Ainsi donc pendant le jour, la circulation s’effectue dans la partie Yang du corps, et pendant la nuit elle s’effectue dans la partie Yin du corps, dans les organes suivant le cycle de domination. Elle commence au rein, puis le coeur, poumon, foie, rate etc… Le matin en se réveillant, l’énergie Wei remontera à la surface vers tous les méridiens Yang, et ceci par l’intermédiaire bien-sûr du merveilleux vaisseau Yang Chiao Mai. Ensuite la circulation s’effectuera comme la nuit, suivant le cycle de domination au niveau des entrailles (vessie, intestin grèle, gros intestin, vésicule biliaire, estomac).

A noter que le transfert d’énergie entre les cycles diurnes et nocturnes s’effectue à la plante des pieds par le méridien du rein ; et l’impulsion de l’énergie du méridien des poumons est indispensable pour une circulation correcte. Par ailleurs le Yin chiao Mai est couplé au merveilleux vaisseau Ren Mai, lequel fait intervenir le poumon.

Le Rong Qi

Le méridien de poumon propulse la circulation de Rong Qi aussi bien dans la grande circulation que dans la petite circulation (Du Mai et Ren Mai).

L’énergie Rong, énergie Yin et profonde circule dans tous les méridiens. D’où l’énergie circule tout d’abord dans le poumon de 3 à 5h, puis le gros intestin de 5 à 7h, puis l’estomac de 7 à 9h, rate-pancréas de 9 à 11h, et ainsi de suite jusqu’au foie de 1h à 3h du matin. A partir du foie l’énergie Yang va pénétrer dans la petite circulation intéressant les méridiens curieux Du Mai et Ren Mai d’où elle rejoindra le méridien principal de poumon au Zhongfu (P1).

On stimulera donc le Zhaohai (R6) et le Shenmai (V62) respectivement maître du Yin Chiao Mai et du Yan Chiao Mai. Ces points clés permettront l’ouverture des méridiens curieux. Le Jingming (V1) ne sera pas utilisé compte-tenu du risque oculaire chez des enfants très nerveux. On lui préfèrera le Yintang (HM 1).

 » Toutes les énergies, le sang, le Yang et le Yin des organes et des entrailles passent par les méridiens des poumons et de l’estomac pour aller en haut ou descendre en bas du corps, pour aller vers l’intérieur ou l’extérieur du corps exactement comme l’énergie du ciel qui circule partout…(Ling Shou) ».

De ce fait l’utilisation du Taiyuan (P9) est privilégiée, outre que le poumon est considéré comme un grand carrefour entre la circulation Rong et Wei des méridiens principaux et la circulation Jing des méridiens curieux Ren Mai et Du Mai, le point Taiyuan est également le point de tonification de l’organe et le point de régulation du poumon.

C’est aussi le point Roe des artères et de la circulation. Ainsi le méridien poumon sera tonifié car il donne l’impulsion permettant une bonne circulation des énergies Wei, Rong et Jing. Par ailleurs, notons que Soulié de Morant préconise de puncturer le Taiyuan dans l’insomnie par agitation interne.

Le Xu

Le Baihui (VG20) « cent réunions » est placé au sommet du crâne. Il est le seul point à être puncturé. Le VG 20 est le point de convergence de tous les méridiens Yang du corps. Par ailleurs le trajet céphalique terminal du méridien de foie aboutit également au Baihui. Le foie va stocker le Xue (le sang), qui sera propulsé dans la circulation générale en fonction de la demande. Pendant le sommeil, le sang sera mis en réserve dans le foie. « Dans le sommeil le sang rejoint le foie … (Su Wen) ».

Dès le réveil, les besoins en sang augmentent : le foie libèrera le Xue.

En cas d’insuffisance du sang ou d’énergie essentielle Jing Qi du foie, on observera un Jue, c’est à dire un reflux du Yang qui déferle vers le haut du corps, en particulier vers la tête et le Baihui (VG 20). D’où la déficience du Yin avec élévation consécutive du Yang peut correspondre à un vide du Yin du foie ou une déficience du Yin des reins. Si le sang est stocké par le foie, contrôlé par le rein, formé par la rate et propulsé par les poumons, il est également gouverné par le coeur.

Le Shen

« Les artères ( dansantes comme le feu) sont associées au Cœur qui fait l’éclat du teint, et que domine le rein. « 

 » Les trésors des cinq viscères : le coeur abrite le Shen (esprit défini comme la perfection du Qi essentiel), le poumon abrite le Po (âme végétative, suppléant du Qi essentiel), le foie abrite le Hun (âme spirituelle, conseiller du Shen)… »(Su Wen).

Ainsi par l’intermédiaire du coeur et du maître du cœur, le sang a une fonction spirituelle : le Shen. Or le Shen sera libéré en cas de troubles du Xue par vide, stase ou plénitude.

D’où l’intêret d’utiliser les trois points appartenant à la loge Feu : le MC7, C7, MC6.

Le Shenmen (C7), point de dispersion, sera utilisé en tant que point Yuan (source) et porte de l’âme viscèrale Shen. Le Daling (MC7) est également un point Yuan, et le point de dispersion du maître du coeur. Il ne faut pas utiliser le Shenmen et le Daling dans l’intention de disperser la loge Feu mais plutôt, dans l’intention de la réguler, afin d’harmoniser l’activité mentale consciente et inconsciente: le Shen.

Enfin le Neijuan (MC6) sera stimulé en tant que point clé du Yin Wei Mai, merveilleux vaisseau qui contrôle qualitativement le Yin. Par ailleurs le Neijuan (MC6 barrière interne), point Lo du Shou Jue Yin permet de faire croître le Yin et de stabiliser le Shen.

D’autre part, notons que Le Shen énergie mentale et le Jing Qi, l’énergie essentielle sont intimement liés. En effet Qi Bo dit dans le Su Wen : « La tête est la « demeure » de la « lucidité » (Jing Ming), si la tête se renverse et le regard se noie c’est que le Shen essentiel va défaillir ».

En définitive, on peut considérer que le nourrisson est un être dont le Jing Qi, énergie essentielle acquise et stockée dans les reins, devrait être à son optimum. Mais pour une raison ou une autre, mauvaise digestion, infection rhino-pharyngée à répétition, mauvais environnement, poussée dentaire, nervosité diurne ect…, une insuffisance du Jing Qi s’installe progressivement. De ce fait, le Jing Qi du rein constitué du Yin et du Yang de rein entrainera alors un affaiblissement de celui-ci. S’ensuivra un blocage du Qi qui pourra s’exprimer par un Jué, c’est à dire élévation du Yang par déficience du Yin (excès de Yang vers le haut du corps). Par ailleurs, l’insuffisance de Yin du rein entraînera une pertubation du Shen par insuffisance de sang ou stagnation de sang, ou insuffisance de Yin du coeur.

Voici un schéma récapitulatif

Pour terminer, une petite réflexion concernant le mécanisme d’action de la stimulation électro-acupuncturale. Au cours des différentes séances, les petites secousses musculaires font suggérer l’intervention physiologique de plusieurs neurotransmetteurs cérébraux.

On peut essayer de faire un parallèle entre l’électro-stimulation et la sismothérapie dont bénéficient certains sujets déprimés. L’électroconvulsivothérapie consiste à provoquer une crise d’épilepsie généralisée au moyen d’un courant électrique qui traverse l’encéphale à partir de deux électrodes placées en temporo-temporale, fronto-frontale ou temporo-pariétale. Bien sûr, l’intensité est très nettement supérieure (de l’ordre de 100 mA), de même sont différents les autres paramètres électriques. Cependant, le mécanisme d’action de la sismothérapie pourrait être transposé à l’électro-acupuncture chez le nourrisson. Malheureusement, ce mode d’action est loin d’être élucidé. Tout au plus pense t-on qu’il fait appel à l’interaction de plusieurs neurotransmetteurs cérébraux (noradrénaline, sérotonine, dopamine, endorphines) classiquement impliqués dans l’hypothèse monoaminergique de la dépression. En conclusion, chez le nourrisson, il est fort probable que la stimulation électro-acupuncturale de certains points d’acupuncture puisse entrainer une libération de neurotransmetteurs, responsables de l’effet régulateur du sommeil et de l’humeur.

Bibliographie

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Enfants de l'ethnie NaXi à Lijiang - Yunnan - Chine
Enfants de l’ethnie NaXi à Lijiang – Yunnan – Chine

 The sleeping disorders of the newborn: electroacupunctural treatment

«  The insomnia comes from what the Wei defensive energy can not go into the Yin like it should do it during the night, it follows that the Yang is in fullness and that his meridian Yang Chiao Mai is in very great fullness ».

« The Yin, which does not receive the energy, becomes empty, so the eyes can not be closed, this is the insomnia » (LingChou).

The insomnia, dysharmonia Ying Yang, will have for etiology an unbalance in the states of empty or fullness of differents meridians expressing by wonderfull vessels Yin and Yang Chiao Mai. So, it could notice a state of insomnia in presence fullness from meridians of : liver, heart, master of heart, triple heater, stomach, lung, bladder ; or an insufficiency about Ying from meridians of : heart, master of heart, spleen-pancreas, kidney, liver.

 Six clinical observations concerning newborns aged from 8 to 22 months old have allowed to elaborate a standard protocol of treatment about the sleeping disorders. This six newborns will suffer since about one month, except one only who presented a broken sleep since the birth.   

In general, the sleeping disorders are clearly improved by one or two sessions.

This study concerns two categories of children. The children from second semester and those from the second year. In accordance with the international classification, the treated insomnias are the insomnias by multiple awakenings during the night.

The recommended acupunctural treatment consists to apply the active electrode during some seconds on the point of acupuncture, the mass being puted at buttocks or abdomen level.

The used system is a detector-stimulator WQ-10 C2 manufactured in the China Populary Republic. The frequency of the transcutaneoused stimulation is composed between 40 and 60 Hz ; the intensity will be fonction of the reaction about the child : cries, myoclonies or recession attempt.

     The points used are :

          HC 6 (Neiguan)   LU 9 (Taiyuan)   EP 1 (Yintang)

          HC 7 (Daling)    K 6 (Zhaohai)    GV 20 (Baihui)_

          HT 7 (Shenmen)   BL 62 (Shenmai).    

All these points are stimulated electrically, excepted the GV 20 which will be pricked with a needle whose the diameter is composed between 0,20 and 0,26 mm maximum. The electric stimulation will be here relieved through the needle (percutaneous stimulation).   

The choice of used points follows from the education taken from texts.

So, the celestial Master QI BO answers to the emperor  Huang Di in the Su Wen :  » in girl aged 7 years old, the kidney Qi abounds, the teeth changes, the hair gets longer… In boy aged 8 years old, the kidney Qi is asserting itself. By the girl aged 7 yeard old or the boy aged 8 years old, it talks about the child during the first period from 7 or 8 years old in the course of which it notices a pressure of the energy from kidney. The energy which resides in the kidneys is the energy that it says essential (Jing Qi). It permits the growth and it is mobilized by request in the circuit from wonderfull vessels, although those interpenatre themselves with 12 mains meridians.

In accordance with the Ling Chou : « the Wei energy is circulating the day in the Yang, the night in the Yin. At Yin corresponds the night, the still during which it is sleeping.The Yang energy has a tendency to go up. It corresponds at high and at the outside from the body, the Yin energy, on the contrary, makes for the low and the inside from the body… In general, the Yang energy is weak during the night, the Yin energy is strong. During the day, the Yang energy is at maximun, the Yin energy is weak. The day, the man (human) is awaked, the night, he is sleeping… ».

The essential energy follows the route of wonderfull vessels Yang Chiao Mai and Yin Chiao Mai, like the Wei defensive energy. These stranges vessels meet at the intern angle from the eye at Jingming (V1). So, it will use the K6 and the BL62, « keys points » in permitting the opening. It will stimulate the Yintang (EP1) instead of Jingming, condidering the ocular risk at very nervous children.

The meridian of lung propels the circulation of Rong Qi, that it says, the nourishing energy. Therefore, the use of Taiyuan (LU9) is privileged. The lung is considered like a great crossroads between the circulation Rong and Wei from mains meridians and the circulation Jing from stranges meridians Ren Mai and Du Mai. The Taiyuan point is too the point of tonification and regulation of lung. So the meridian lung will be toned up because it gives the impulse permitting a good circulation of energies Wei, Rong and Jing.

The Baihui (GV20)  » hundred meetings » is the only point to be pricked. It is the convergence point of all yang meridians from body.

At the time of the insufficiency about blood or essential energy Jing Qi of liver, it will observe (see) a Jue, that is to say a backward surge of Yang which surges for the high body, in particular for the head and the Baihui (GV20).

The deficiency about Yin with consecutive elevation about Yang can correspond to a void of Yin liver or a deficiency about yin kidneys. Where the interest do prick the GV20.

The Shen, mental energy and the Jing Qi, the essential energy are intimately binded. By the intermediary of heart and of master of heart, the blood has a witty office : the Shen.

Now the shen will be released in case of some troubles of Xue by empty, stagnation or plenitude. It will use so the three points belonging to the lodge fire : HC7, HT7, HC6. These differents points will be used in the intention to regulate, to harmonize the mental activity conscious and inconscious: the Shen.

Eventually, it can consider that the newborn is a person whose the Jing Qi, essential energy acquired and stocked in kidneys, should be at his optimum. But for a reason or an other, bad digestion, throat infection with repetition, bad environment, pressure dental, diurnal excitability…. A insufficiency about Jing Qi settles progressively. So, the Jing Qi of kidney constitued from Yin and Yang of kidney will entail a weakening about it. It will follow a block about Qi which could express by a Jue, that is to say : elevation about Yang by deficiency of Yin (excess of Yang for the high of body).

Otherwise, the insufficiency about Yin of kidney will entail a disturbance about shen by insufficiency blood or   stagnation blood, or insufficiency Yin of heart. Where the newborn insomnia.

In conclusion, at the newborn, it is very likely that the electroacupunctural stimulation from certains points can entail a liberation of neurotransmetors, responsible for the regulating effect about sleep and the mood.

Stéphan JM. Les troubles du sommeil du nourrisson : traitement par stimulation électro-acupuncturale. Méridiens. 1990;87:149-167.

L’acupuncture a-t-elle sa place dans les coliques du nourrisson ?

Travail des noix de cajou - village près de Banjul - frontière sénégalo-gambienne - Gambie
Travail des noix de cajou – village près de Banjul – frontière sénégalo-gambienne – Gambie

Evaluation de l’acupuncture

Landgren K, Hallström I, Tiberg I. The effect of two types of minimal acupuncture on stooling, sleeping and feeding in infants with colic: secondary analysis of a multicentre RCT in Sweden (ACU-COL). Acupunct Med. 2021 Apr;39(2):106-115.


Commentaires

Dans la précédente étude publiée en 2017, les mêmes auteurs rapportaient une diminution de la durée du temps de pleurs dans les deux groupes traités par acupuncture (efficacité similaire) par rapport au groupe témoin ne recevant pas d’acupuncture. Dans cette nouvelle et récente publication parue en avril 2021 [[3]], ils rapportent les résultats complémentaires de l’analyse secondaire de cette étude AcuCol  de 2017 [1], concernant cette fois-ci les coliques infantiles.

L’analyse complémentaire [3] observe versus groupe témoin l’effet de ces deux types d’acupuncture (A et B) sur les habitudes de selles, de sommeil et d’alimentation chez les 147 nourrissons inclus parmi les 426 nourrissons examinés pour l’admissibilité. Finalement, aucune différence significative entre les trois groupes n’a été observée.

Néanmoins, les nourrissons inclus ont bénéficié de quatre visites supplémentaires en dehors des visites habituelles au centre de santé infantile.

Les modifications de fréquence des selles et d’heures de sommeil par jour ont été évaluées. Les données sont collectées en utilisant : (1) le journal santé rempli par les parents à la semaine de référence, pendant les deux semaines de traitement et la semaine de surveillance ; (2) des questionnaires avec composantes quantitatives et qualitatives, utilisés à la deuxième et quatrième visite et lors de l’appel téléphonique de suivi.

D’après les données recueillies dans les journaux tenus par les parents, aucune différence concernant les selles, l’alimentation ou le sommeil entre les trois groupes n’a été observée. En revanche, lors de l’appel téléphonique de suivi, davantage de parents des groupes A et B (par rapport au groupe C) ont signalé un changement dans l’alimentation et le sommeil et une amélioration des symptômes de coliques.

La colique infantile est une affection caractérisée par des pleurs excessifs au cours des premiers mois de la vie, entraînant une détérioration considérable de la qualité de vie des nourrissons et de leurs parents. Le nourrisson présente des paroxysmes de pleurs inconsolables dépassant trois heures par jour, trois jours par semaine, pendant plus de trois semaines. Les pleurs excessifs chez les nourrissons sont un problème pour 10 à 20% des familles, provoquant un climat de stress dans la cellule familiale. Les causes des coliques infantiles ne sont pas vraiment connues. On pense que cela peut être en rapport avec altération de la microflore fécale, une intolérance aux protéines ou au lactose du lait de vache, une immaturité ou une inflammation gastro-intestinale, une sécrétion accrue de sérotonine, une mauvaise technique d’alimentation, le tabagisme de la maman, etc. [[4]].

Dans certains cas, la colique peut être résolue si les protéines du lait de vache sont éliminées. Des compléments nutritionnels de Lactobacillus reuteri peuvent également être utilisés avec un certain succès. En revanche, l’efficacité et l’innocuité des autres types de traitements, comme la siméticone, la dicyclomine, les inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole..) restent à prouver. Il est plausible que l’acupuncture puisse avoir des effets positifs sur les coliques infantiles car elle est reconnue pour son effet calmant, pour réduire la douleur et restaurer la fonction gastro-intestinale [4].

Cakmak [[5]], quant à lui, pense que des indices physiopathologiques indiquent que la colique infantile est une pathologie partagée entre la mère et le bébé, en particulier dans le cas des mères allaitantes. La théorie qu’il propose implique les taux trop élevés de la TNFα (facteur de nécrose tumorale-alpha, importante cytokine impliquée dans l’inflammation) dans le lait maternel, ce qui influencerait le métabolisme de la mélatonine (en diminution) et de la sérotonine (en augmentation) chez le bébé, pouvant alors engendrer les coliques infantiles. La TNFα peut être normalisée soit en puncturant uniquement la mère qui allaite, soit, par puncture également du bébé. Et diminuer par acupuncture la concentration de TNFα engendrerait donc une augmentation de la production nocturne de mélatonine, normalisant ainsi les taux de sérotonine du nourrisson par effet inhibiteur du TNFα sur le recaptage de la sérotonine.

Le manque de connaissances sur la physiopathologie des coliques infantiles limite toutefois le développement de médicaments efficaces ainsi que des modalités de prise en charge par l’acupuncture.

L’acupuncture est utilisée en Scandinavie comme traitement des coliques infantiles. D’après les résultats d’un ECR en aveugle (n=90 nourrissons) réalisé en 2013 [[6]], concernant la mesure du temps des pleurs entre un groupe acupuncture (sur E36 – zusanli) versus un groupe témoin sans acupuncture, il est objectivé une tendance en faveur du groupe acupuncture, avec une réduction moyenne (par rapport à l’inclusion) de 13 minutes (IC à 95% -24 à + 51), mais non significative pour être considérée comme cliniquement pertinent.

Depuis la publication de l’étude AcuCol en 2017 [1], deux revues systématiques relatives aux coliques infantiles ont été réalisées.

La première méta-analyse réalisée en 2018 par des auteurs norvégiens et suédois sur le rôle de l’acupuncture dans le traitement des coliques infantiles est controversée dans le sens où les ECR disponibles sont à petits effectifs et présentent des résultats contradictoires ; et que d’autre part, d’un point de vue éthique, on ne peut disposer que du consentement des parents.

Ainsi sur les trois essais comparatifs randomisés (n=307), un seul a obtenu une mise en aveugle complète des évaluateurs des résultats dans les groupes d’acupuncture et témoin. La différence moyenne (MD) dans le temps de pleurs entre le groupe acupuncture et le groupe témoin était -24,9 min (intervalle de confiance de 95%, IC : -46,2 à -3,6) ; à mi-traitement, -11,4 min (IC à 95% : -31,8 à 9,0) et à la fin du traitement -11,8 min (IC à 95% : -62,9 à 39,2 sur un seul ECR) au suivi de 4 semaines. L’hétérogénéité était négligeable dans toutes les analyses. Bref, dans cette méta-analyse, on n’observe pas de différence cliniquement importante entre le groupe des nourrissons recevant l’acupuncture et le groupe témoin.

Par ailleurs, les données indiquent que l’acupuncture induit une certaine douleur de traitement chez de nombreux nourrissons. Les auteurs ont conclu que l’acupuncture percutanée à l’aiguille ne doit pas être recommandée pour le traitement des coliques infantiles de manière générale [[7]].

Également en 2018, des auteurs coréens ont publié une revue systématique sur le sujet, mais pas de méta-analyse, en raison de l’hétérogénéité clinique considérable des études réalisées chez des nourrissons âgés de 0 à 25 semaines atteints de coliques infantiles. Sur les 601 ECR identifiés, seuls quatre ECR, tous menés dans des pays d’Europe du Nord, ont été inclus. Une acupuncture minimaliste au point 4GI (hegu) ou 36E (zusanli) sans forte stimulation a été utilisée dans toutes les études. D’après l’analyse narrative des parents, l’acupuncture semble être efficace pour soulager les symptômes des coliques, y compris les pleurs et les problèmes d’alimentation et de selles, et ne présente que des effets indésirables mineurs. Cependant, les preuves cliniques n’ont pas pu être confirmées en raison de l’hétérogénéité clinique considérable et de la petite taille des échantillons des études incluses [[8]].

En septembre 2020, Hjern et coll. ont évalué toutes les preuves d’interventions, en prévention ou en thérapeutique pour les coliques infantiles. Ils confirment à nouveau que les quatre ECR d’acupuncture sont sans effet ou avec un effet minimal sur la durée des pleurs et que le Lactobacillus reuteri serait davantage un traitement prometteur pour les coliques infantiles mais à confirmer avec des ECR de plus grande puissance [[9]].

Néanmoins, il est plausible que l’acupuncture puisse avoir des effets positifs sur les coliques infantiles car elle est reconnue pour son effet calmant, pour réduire la douleur et restaurer la fonction gastro-intestinale. Dans les ECR, le traitement est de courte durée et standardisé et par conséquent ne reflète sans doute pas ce qui est pratiqué dans la vraie vie, comme on a pu le constater avec cette analyse secondaire de Landgren [3]. Des effets positifs de l’acupuncture ont été rapportés pour soulager la douleur et l’agitation lorsqu’elle est pratiquée par des acupuncteurs qualifiés qui adaptent chaque traitement à la symptomatologie du nourrisson telle que rapportée par les parents.

Les points 4GI et 36E, tous deux considérés comme importants dans le traitement des symptômes gastro-intestinaux et coliques infantiles, figurent parmi les points les plus utilisés. Par ailleurs, les points sifeng sont classiquement indiqués dans les troubles de la digestion chez l’enfant et sont considérés comme fournissant un stimulus plus efficace mais aussi plus douloureux. L’acupuncture minimaliste, une technique douce sans recherche de deqi est  principalement utilisée pour traiter les coliques infantiles.

Il n’existe actuellement aucune preuve concluante sur l’efficacité de l’acupuncture pour traiter les coliques infantiles. Des ECR à plus grand effectif et plus solides sur le plan méthodologique sont nécessaires pour préciser les meilleurs emplacements des points d’insertion d’acupuncture, le temps de stimulation ainsi que de la durée du traitement.

On peut toutefois noter que l’acupuncture japonaise chez le nourrisson (shonishin) [2] pourrait être utile. Néanmoins, contrairement à l’acupuncture traditionnelle chez l’enfant dont l’efficacité commence à être évaluée, le shonishin ne l’est toujours pas [[10]].

Jean-Marc Stéphan, Tuy Nga Brignol


Notes 

[1]. Sifeng est un point hors-méridien (Ex-UE-10), situé sur la face palmaire de chaque doigt (à l’exception du pouce), au milieu des plis transversaux de l’articulation inter-phalangienne proximale. Il est considéré harmoniser la circulation du qi entre le Réchauffeur Supérieur et le Réchauffeur Moyen

[2]. Le shonishin se pratique essentiellement sur le nourrisson, le bébé et le jeune enfant. Le soin bref, variant d’une à cinq minutes, voire à une vingtaine de minutes pour un enfant plus vieux est réalisé par le médecin. Après un petit apprentissage, la mère ou le père pourront même poursuivre le traitement à la maison. Mise au point au XVIIe siècle, cette technique acupuncturale spécialisée pour les enfants était pratiquée à Osaka au Japon. Mais initialement, c’est dans le Huangdi neijing lingshu et spécialement dans le premier chapitre « Des neuf aiguilles » que l’on retrouve en fonction de leur forme et de leur emploi différents une catégorie d’aiguilles en forme de bâton : aiguilles à tête ronde (yuan) et aiguilles émoussées (ti), non blessantes, utilisées pour masser et presser les points.


Références

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[2]. Landgren K, Tiberg I, Hallström I. Standardized minimal acupuncture, individualized acupuncture, and no acupuncture for infantile colic: study protocol for a multicenter randomized controlled trial – ACU-COL. BMC Complement Altern Med. 2015 Sep 14;15:325.

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Mère et enfant - Yunnan - Chine
Mère et enfant – Yunnan – Chine

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