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Électroacupuncture : épistémologie historique

Le char de pierre (Râtha) – temple de Vittala ( XVe) vestige de l’empire Vijayanagara – Patrimoine Unesco 2012 – Karnataka – Inde
Le char de pierre (Râtha) – temple de Vittala ( XVe) vestige de l’empire Vijayanagara – Patrimoine Unesco 2012 – Karnataka – Inde

Résumé. La plus ancienne utilisation thérapeutique de l’électricité semble être celle du poisson-chat électrique durant la Ve dynastie égyptienne de l’Ancien Empire (vers 2500 ans AEC). Pline, Plutarque puis Galien au 2e siècle de notre ère en parle aussi dans leurs écrits. Mais il faudra attendre le Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière en 1825, puis Edmond Hermel et Guillaume-Benjamin Duchenne de Boulogne pour connaître davantage ce qu’on appelait à l’époque électropuncture, une thérapeutique en rapport avec le galvanisme, puis la faradisation. Le XXsiècle verra apparaître véritablement l’électroacupuncture (EA) avec De la Fuÿe et Reinhold Voll mais une EA entachée de paradigmes sujets à caution, comme l’homéosiniatrie diathermique ou l’électroacupuncture selon Voll (EAV). L’EA à la démarche scientifique ne fera réellement son apparition qu’à partir de 1965 avec Han Ji Sheng, Cheng et Pomeranz, etc., qui objectivèrent l’intervention des récepteurs endorphiniques. A partir de ce moment, l’intérêt pour l’EA ne fléchit pas et le nombre d’essais comparatifs randomisés (ECR) et d’études animales expérimentales ne cesse d’augmenter chaque année pour en faire une composante majeure de l’acupuncture et des techniques associées. Mots clés. Electroacupuncture – épistémologie – histoire – galvanisme – Sarlandière – Duchenne de Boulogne – De la Fuÿe -TENS -Voll.

Electroacupuncture: historical epistemology

Summary. The oldest therapeutic use of electricity seems to be that of the electric catfish during the 5th Egyptian dynasty of the Old Kingdom (around 2500 BC). Pliny, Plutarch and then Galen in the 2nd century AD also mentioned it in their writings. But it was not until the Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière in 1825, then Edmond Hermel and Guillaume-Benjamin Duchenne de Boulogne, that more was known about what was then called electropuncture, a therapy related to galvanism, and then faradisation. The twentieth century will see the true appearance of electroacupuncture (EA) with De la Fuÿe and Reinhold Voll, but an EA tainted by questionable paradigms, such as diathermic homeosiniatrics or electroacupuncture according to Voll (EAV). The scientific approach to AE did not really appear until 1965 with Han Ji Sheng, Cheng and Pomeranz, etc., who objectified the intervention of endorphin receptors. From that moment on, interest in AE did not wane and the number of randomised controlled trials (RCTs) and experimental animal studies continued to increase each year, making it a major component of acupuncture and related techniques. Keywords. Electoacupuncture – epistemology – history – galvanism – Sarlandière – Duchenne de Boulogne – De la Fuÿe -TENS -Voll.

La plus ancienne utilisation de l’électricité en thérapeutique fait référence au poisson « Nar », le poisson-chat électrique égyptien retrouvé sur les papyri médicaux, mais aussi dans l’iconographie[note 1]. Ainsi, il est postulé que les céphalées, les migraines autant décrites dans la littérature égyptienne que dans la littérature grecque et latine avaient pour traitement l’utilisation du poisson-chat électrique (malapterurus electricus). Celui-ci pouvait atteindre une longueur de 120 cm et peser plus de 20 kg et, lorsqu’il est attaqué, déclenche une décharge électrique entre 100 et 450 volts [[1]].

D’ailleurs, une représentation du poisson-chat électrique du Nil (Malapterurus electricus) figure sur  la célèbre palette en schiste vert de Narmer, le roi conquérant qui a unifié l’Égypte en 3100 avant notre ère (AEC). L’animal héraldique adopté comme totem et utilisé comme rébus orthographique pour « Narmer » figure dans le cadre serekh des deux côtés de la palette (figure 1).

Durant la Ve dynastie égyptienne de l’Ancien Empire (vers 2500 ans AEC), on retrouva aussi dans les tombes égyptiennes des sculptures de la raie torpille marbrée (torpedo marmorata), témoin de leur possible utilisation.  Pline et Plutarque font référence également dans leurs écrits des effets de la raie torpille[note 2] (figure 2). Claude Galien (129-201 EC) signale l’intérêt d’appliquer la raie torpille vivante sur l’endroit douloureux, lors des céphalées chroniques ou en période de crise, et même sur un prolapsus anal qui peut être ainsi traité par choc électrique [2].

Figure 1. La palette de Narmer (recto) en schiste vert (64 cm de haut et 42 cm de large) est aujourd’hui exposée au musée égyptien du Caire. Au sommet des deux côtés de la palette, un premier registre est composé d’un serekh  qui est un rectangle entourant le nom hiéroglyphique du roi Narmer, les symboles nˁr (poisson-chat) et mr (ciseau). Le serekh est flanqué de chaque côté par une paire de têtes de bovins avec des cornes très courbées, censée représenter la déesse vache Bat. [consulté le 09/09/2021], disponible à l’URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/Palette_de_Narmer ; et photo : Auteur inconnu. Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=27339329. Poisson-chat électrique (malapterurus electricus) Par Stan Shebs, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=439814.

Figure 2. Raie torpille. Les décharges électriques produites peuvent atteindre 45V à une intensité de 5 à 10 ampères et une fréquence pouvant aller jusque 600 hertz (photo JM Stéphan).

Mais le début de la connaissance de l’électroacupuncture, qui implique la stimulation des aiguilles métalliques par l’électricité, peut se situer réellement au XIXe siècle en France. En 1816, Louis Berlioz, le père du compositeur Hector Berlioz fut le premier à écrire dans son ouvrage « Mémoire sur les maladies chroniques, les évacuations sanguines et l’acupuncture » que l’électricité pouvait augmenter les effets des aiguilles : « Vraisemblablement la communication du choc galvanique produit par un appareil de Volta, accroîtrait les effets médicaux de l’acupuncture. » [[3]].

Cependant, le mérite de la création de l’électroacupuncture revient au Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière que l’on peut considérer comme le véritable pionnier. « L’électro-puncture ou acupuncture électrique diffère de l’acupuncture proprement dite en ce que l’aiguille ne joue pas le principal rôle dans l’opération qu’on pratique, mais sert de conducteur à l’électricité… ».

Le Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière

En effet, le premier livre d’électroacupuncture est un livre français publié en 1825 par le Chevalier Jean-Baptiste Sarlandière (1787-1838) : « Mémoires sur l’électro-puncture » [[4]].

« L’électro-puncture est le nouveau procédé que j’emploie, et dont j’ai si fort à m’applaudir pour les succès que j’en obtiens dans le traitement des rhumatismes, de la goutte et de beaucoup d’affections nerveuses ; celui-là je ne le dois à personne, seul j’ai imaginé de l’employer ; il n’a de commun avec l’acupuncture des Japonais que l’usage des aiguilles. ».
« .. l’électro-acupuncture, comparée à la percussion électrique externe, et à l’électrisation par bain, prouve : 1° que le fluide électrique peut s’introduire en grande quantité dans nos corps sans choc ni commotion, et qu’alors il ne suffit pas pour guérir ; 2° que les chocs déterminés à la surface cutanée peuvent se transmettre à travers son tissu et être ressentis par les cordons nerveux au moyen de l’électromètre de Lane ou de la bouteille de Leyde, ou même par de fortes étincelles, et dans ce cas l’électricité a été employée avec succès au traitement des maladies.. on en retirera infiniment plus en joignant à l’acupuncture, les bons effets qu’on obtient de l’électricité. ».

Le Chevalier Sarlandière va donc utiliser un condensateur électrique, la bouteille de Leyde inventé en 1745 (figure 3) adaptée à un instrument l’électromètre de Thimothy Lane en 1766 (figure 4). Il applique le galvanisme qui fait référence à la contraction du muscle lorsqu’il est stimulé par un courant électrique direct. Alessandro Volta donna ce nom en hommage  à Luigi Galvani, qui étudia l’effet de l’électricité sur des animaux disséqués dans les années 1780 et 1790. En effet, Galvani, médecin obstétricien et anatomiste italien découvrit la contraction réflexe, sous l’action d’électricité statique sur les cuisses de grenouilles préalablement disséquées [2].

Figure 3. Image de E. Drincourt – notions de physique, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=18788679. [consulté le 22/01/2021], disponible à l’URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouteille_de_Leyde.  

La bouteille de Leyde est l’ancêtre du condensateur. Elle fut réalisée la première fois en 1746 par le physicien néerlandais Pieter Van Musschenbroek de l’Université de Leyde aux Pays-Bas et Ewald Jürgen von Kleist, doyen de la cathédrale de Kamin en Poméranie occidentale (Pologne actuelle), tous deux travaillant indépendamment [[5]]. Il s’agit d’un condensateur électrique formé de deux conducteurs séparés par le verre de la bouteille. Dans sa forme initiale, c’est une fiole à moitié remplie d’eau dont l’ouverture était bouchée par un liège percé d’une tige métallique trempant dans l’eau. Pour charger la bouteille, l’extrémité libre de la tige était mise en contact avec un générateur à friction produisant de l’électricité statique. Lorsque le contact était interrompu, on pouvait constater la présence d’une charge puisque, en touchant l’extrémité de la tige, on recevait une secousse. Dans sa forme actuelle, la bouteille de Leyde comporte un récipient isolant, recouvert à l’intérieur et à l’extérieur d’une fine feuille métallique. Le revêtement externe est relié à la terre ; la feuille intérieure est reliée à une tige de laiton qui traverse le goulot du récipient. La bouteille de Leyde peut se décharger lentement ou instantanément. Pour la décharger instantanément, on la tenait à la main, et l’on mettait en communication les deux armatures à l’aide de l’excitateur simple, en ayant soin de toucher l’armature qu’on tenait à la main, sinon, on recevait la commotion. Pour la décharger lentement, on l’isolait sur un gâteau de résine, et l’on touchait alternativement, avec la main ou avec une tige de métal, l’armature intérieure, puis l’armature extérieure, et ainsi de suite, tirant à chaque contact une étincelle faible.

Figure 4. La bouteille électrométrique de Lane. L’armature externe de la bouteille de Leyde est reliée à une électrode horizontale graduée qui glisse sur une colonne. La longueur de l’étincelle qui éclate entre la sphère de l’électrode et celle de la tige, en communication avec l’armature interne de la bouteille, permet ainsi d’estimer la quantité d’électricité accumulée. Cet électromètre fut proposé par Timothy Lane en 1766 [[6],[7]].  

Sarlandière écrit dans son ouvrage : « C’est le fluide électrique dont je provoque la détonation sur l’aiguille qui lui sert de conducteur, qui constitue mon moyen curatif. La pointe de l’aiguille que j’enfonce jusque dans le tissu affecté est mise en contact immédiat d’une part avec les fibres musculaires ou fibreuses que je veux modifier, tandis que de l’autre le manche et le bouton qui terminent l’instrument communiquent avec l’excitateur ou le conducteur isolé de la machine. Au moment où j’opère la décharge électrique sur le bouton qui surmonte mon aiguille, la secousse se transmet instantanément à toutes les ramifications ou aux filets nerveux qui se distribuent dans le muscle ou dans le tissu fibreux que la pointe de mon aiguille a pénétré ..»..

« Nul que je sache ne s’est encore avisé d’introduire l’électricité à travers nos organes dans l’intérieur du corps. Les succès que je savais que les Japonais obtenaient au moyen de l’acupuncture, quelques succès aussi que j’en ai obtenus moi-même, et les avantages que d’autre part j’ai retirés de l’administration de l’électricité, m’en ont suggéré l’idée : c’est de là qu’est née l’électro-puncture, dont les succès ont outre-passé mon attente. ».

« Au moment où j’opère la décharge électrique sur le bouton qui surmonte mon aiguille, la secousse se transmet instantanément à toutes les ramifications ou aux filets nerveux qui se distribuent dans le muscle ou dans le tissu fibreux que la pointe de mon aiguille a pénétré ; j’en acquiers la certitude par la contraction de tout le muscle à la moindre étincelle, et par la sensation seulement dans les parties non musculaires, ou dont les contractions sont empêchées par les aponévroses qui les enveloppent. ».

Il s’agit d’un courant de basse fréquence, vraisemblablement entre 2 et 4 Hz qui engendre habituellement les contractions musculaires.

L’électroacupuncture appliquée par le Chevalier Sarlandière s’apparente à une application des points gâchettes (trigger points).

« L’aiguille ayant pénétré le tissu affecté, et étant par conséquent en contact immédiat avec les radicules nerveuses qui font éprouver la douleur.. ». Il ne s’agit donc pas de stimuler un point précis d’acupuncture mais une zone douloureuse, comme une sciatalgie ou une entorse, etc.

Mais cela peut être également sous-tendue par les notions de l’acupuncture chinoise telle qu’on l’entend dans la tradition.

« En général, dans toutes les affections de l’estomac et de la tête, et dans toutes celles d’un organe quelconque où l’estomac peut être enflammé, j’agis sur l’épigastre. C’est là qu’est le fameux  tjuquan des Chinois ». Le tjuquan est la dénomination issue de la figure japonaise que les Chinois nomment Tsoë-Bosi  et numérotée n°56 sur la figure 5 et qui correspond au point zhongwan (VC12).  Ainsi même si Sarlandière explique que l’électropuncture diffère de l’acupuncture proprement dite par le fait que l’aiguille ne joue pas le principal rôle mais sert de conducteur à l’électricité, il va utiliser malgré tout des points d’acupuncture dans les pathologies digestives.

Figure 5. Le Tsoë-Bosi de tsoë figure et de bosi prêtre, c’est-à-dire figure de prêtre, parce que la tête est représentée entièrement rasée à la façon des prêtres japonais [[8]].

De nombreux médecins (Fabré-Palprat, Magendie, La Beaume, Rayer, Puysaye..) de 1830 à 1840 utilisèrent à leur tour les propriétés du galvanisme et de l’électropuncture dans diverses affections, notamment les paralysies, l’amaurose, les spasmes coliques, les névralgies, etc.. [8]. Ainsi, Edmond Hermel décrit à son tour dans son ouvrage consacré aux névralgies en 1843 à partir de nombreux cas cliniques l’intérêt d’employer l’électropuncture [[9]]. Il décrit sa méthode également dans la revue « Journal de Médecine » en août 1844  publié sous la direction du Dr Beau, médecin des hôpitaux à Paris [[10]].

Edmond Hermel

« Névralgie traumatique du nerf lombo-sacré et du nerf petit sciatique, datant de cinq mois, guérie par huit applications d’électro-puncture. Le 9 mars 1842, le nommé Quevanne, journalier, âgé de quarante-quatre ans, est entré à l’Hôtel-Dieu, salle Sainte-Madeleine, et couché au 14 bis. Il nous raconta, qu’il y a cinq mois, chargeant un sac de blé sur son dos, il sentit un craquement très douloureux aux lombes du côté gauche ; son sac lui échappa, et depuis ce temps il n’a pu travailler. Il éprouve continuellement une douleur fixe vers le tiers postérieur de la crête de l’os iliaque ; de temps en temps, mais surtout la nuit, il se plaint d’élancements violents, partant d’un peu plus haut que le lieu déjà indiqué, s’étendant à la fesse, dans la partie postérieure de la cuisse ; à la partie supérieure du creux poplité, le trajet de cette douleur devient plus externe, se dirige vers la tête du péroné et se termine à la malléole externe…

D’après ce qui précède, nous pûmes reconnaître une névralgie d’un rameau du nerf lombo-sacré et du nerf petit sciatique, névralgie par cause traumatique qui avait forcé le malade de s’aliter. Sa santé du reste n’était point altérée. Première application. — Le lendemain du jour où nous avions pris cette observation, le 11 mars, on résolut d’employer l’électro-puncture. Une aiguille fut placée au niveau du tiers externe et postérieur de la crête de l’os iliaque gauche sur un des points douloureux, et une autre un peu au-dessus de la malléole externe en avant du péroné. L’aiguille supérieure fut mise en communication avec le pôle positif d’une pile à auge dont les couples avaient 0,09 centimètre carré ; l’autre conducteur fut fixé à  l’aiguille inférieure. La pile fonctionnant par l’action d’une eau fortement acidulée, il supporta graduellement les secousses de vingt couples pendant dix minutes. Une transpiration générale, plus abondante au membre galvanisé, s’établit ; aussitôt après le malade put fléchir et étendre la jambe avec beaucoup moins de douleurs. »

Et en conclusion de son ouvrage de 26 pages où il décrit de nombreux cas cliniques guéris par électro-puncture :

« -1° L’électro-puncture convient aux névralgies idiopathiques ou essentielles. 2° La violence des douleurs n’est point une contre-indication à l’emploi de cet agent thérapeutique ; jamais sous son influence les douleurs ne se sont exaspérées. 3° La paralysie qui survient dans le cours des névralgies essentielles cède au même traitement. Il est encore d’autres névralgies où l’on tire de grands avantages de l’électro-puncture, soit comme médication principale, soit comme médication accessoire : nous les ferons connaître ultérieurement ».

Guillaume Duchenne, quant à lui, même s’il reconnaît dès 1847 que l’électropuncture de Sarlandière est un véritable progrès dans les traitements, considère que l’application sur de plus grandes surfaces à l’aide d’une électrisation localisée est d’un plus grand secours.

En effet, il écrit que le galvanisme de Sarlandière qui est lié à l’utilisation d’un courant électrique direct engendrait de nombreux inconvénients comme les escarres, les inflammations, les abcès difficiles à guérir [[11]]. D’où il en résulte que l’électropuncture va voir sa pratique devenir éphémère et remplacée progressivement par le faradisation de Duchenne.

Guillaume-Benjamin Duchenne de Boulogne

Guillaume-Benjamin Duchenne, surnommé Duchenne de Boulogne (1806-1875), est un médecin neurologue français et l’un des plus grands cliniciens du XIXe, fondateur de la neurologie et qui a d’ailleurs donné son nom à la myopathie du même nom. A Paris où il s’établit, il développe les applications cliniques de l’électricité et publie « De l’art de limiter l’excitation électrique dans les organes sans piquer ni inciser la peau, nouvelle méthode d’électrisation, appelée électrisation localisée » qui lui permet d’utiliser des électrodes de surface. C’est déjà le début de la neurostimulation transcutanée, encore appelée TENS, qu’il nomme électricité de contact (faradisation).

« Afin de limiter l’action électrique dans les muscles qui présentent peu de surface, par exemple, ceux de la face, ou les interosseux, je me sers de rhéophores métalliques coniques qui se vissent sur les manches isolants. Les rhéophores coniques sont recouverts d’une peau trempée dans l’eau, et présentée par leur extrémité aux points qui recouvrent les muscles à faradiser. » [[12]] (figure 6).

Figure 6. Exemples de rhéophores (terme désuet remplacé désormais par le terme électrode) utilisés par Duchenne. Il s’agit donc de conducteur chargé de conduire le courant électrique de la pile à son point d’emploi. Le premier à gauche est métallique avec un manche isolant, le second est à disque métallique, le troisième est conique et le dernier est terminé par un boule métallique en forme d’olive.

Duchenne appliquera sa méthode d’électrisation localisée comme thérapeutique à diverses maladies, bien sûr en commençant par son champ d’activité neurologique comme il l’indique au début de son chapitre III page 105 « De la valeur de l’électropuncture appliquée au traitement des paralysies ».

« L’application de l’électropuncture au traitement des paralysies a constitué un véritable progrès, lorsque Sarlandière l’introduisit dans la pratique. Pour bien apprécier l’importance des services rendus par cette méthode d’électrisation à la thérapeutique, il faut se rappeler quel était alors l’état de l’électricité médicale. On sait quel enthousiasme cet agent thérapeutique excita dès son origine, lorsque la machine électrique fut inventée. On trouve en effet, des observations de guérisons incontestables, dues à l’application de l’électricité de tension, dans les auteurs qui, à cette époque se sont occupés d’électricité médicale, c’est-à-dire de 1743 à 1754. Ainsi Kruger, professeur Helmstadt, est le premier qui l’ait employée, comme agent thérapeutique, au commencement de 1744. Deux années plus tard, en 1746, lorsque l’on fut familiarisé avec les effets de la bouteille de Leyde, dont les fortes décharges avaient d’abord inspiré une grande terreur, Herman-Klyn guérit, avec cet appareil, une femme qui était paralysée depuis deux ans. ».

Duchenne considère néanmoins que l’électropuncture de Sarlandière est insuffisante pour traiter une paralysie [12 page 109].

« .. pour obtenir la guérison des anesthésies cutanées par l’électropuncture, il faudrait couvrir d’un grand nombre d’aiguilles toute la surface de la peau dépourvue de sensibilité. On conçoit qu’une pareille opération serait impraticable, surtout si elle devait être souvent renouvelée. Dans certains cas légers, il suffit d’une excitation produite par un très petit nombre d’aiguilles, peur rappeler la sensibilité ; mais ces cas sont exceptionnels. L’électropuncture ne peut servir à rappeler la sensibilité tactile ni de la main ni de la plante du pied, car on ne saurait enfoncer des aiguilles dans les doigts ou dans les téguments de la plante du pied, sans s’exposer à produire une inflammation ou des panaris. ».

Il propose donc sa méthode d’électrode cutanée. Notons qu’à cette époque, les aiguilles stériles à usage unique n’existaient pas et on comprend d’autant mieux la réticence de Duchenne. Sa méthode est basée sur la faradisation à courant alternatif plutôt que sur le galvanisme à courant continu.

« Combien est simple et rapide, au contraire, la faradisation localisée de chacun des muscles paralysés à l’aide des rhéophores humides et promenés sur la peau intacte. Dans l’électropuncture, l’aiguille traverse l’épaisseur du muscle, tandis que dans la faradisation localisée, les rhéophores humides n’agissent que sur leur surface. On pourrait en induire que l’électropuncture possède plus de puissance thérapeutique que la faradisation localisée par les rhéophores humides. Cette opinion ne serait pas fondée car j’ai établi précédemment qu’en appliquant un rhéophore humide sur la surface d’un muscle, l’excitation électrique traverse d’autant plus profondément les tissus, que les courants sont plus intenses. La faradisation peut donc, à l’aide de rhéophores humides, pénétrer un muscle dans le sens de son épaisseur, aussi bien qu’avec les aiguilles. De plus, en promenant ces rhéophores sur toute la surface des muscles, on leur distribue l’électricité en tous sens, ce qu’on ne pourrait jamais obtenir avec l’électropuncture. J’ai vu plusieurs paralysies modifiées heureusement sous l’influence de la faradisation focalisée par les rhéophores humides, et contre lesquelles l’électropuncture avait auparavant complètement échoué. »

Duchenne conclut : « Des considérations critiques que je viens d’exposer, il ne faut pas conclure que l’électropuncture doive être exclue de la pratique ; je crois au contraire que, dans certains cas, cette méthode peut être un auxiliaire puissant de la faradisation localisée. »

Duchenne appliquera sa méthode thérapeutique essentiellement à son champ d’activité, c’est-à-dire la neurologie avec diverses pathologies : traitement des paralysies, les atrophies musculaires mais aussi toutes les névralgies que ce soient les sciatiques, les névralgies faciales, etc.. Néanmoins, il discutera aussi, à partir de cas cliniques des effets de l’électrisation localisée dans la sphère cardio-pulmonaire (angine de poitrine, asphyxie..), gastroentérologique (constipation), urologique (incontinence urinaire, spasme vésicale..) et même en ce qui concerne les organes des sens comme la perte d’odorat, du goût ou même de l’audition, sans oublier les problèmes ophtalmologiques. Bref, cet ouvrage de 1120 pages du XIXe siècle bien en avance sur son temps est toujours à découvrir.

Duchenne de Boulogne est alors considéré par les électrothérapeutes français comme le maître de la discipline et insiste d’ailleurs sur le fait que sa thérapeutique ne puisse être exercée que par les médecins. Car au XIXe siècle l’électricité médicale est aussi associée au charlatanisme avec  les « saltimbanques autorisés à électriser sur les places publiques, aux femmes torpilles » [[13]].

En 1853, de l’autre côté de l’Atlantique, en Pennsylvanie, le Dr Holl utilise l’électropuncture dans les sciatiques et névralgies lombosacrées en prenant bien soin de placer sur le site même de la douleur l’électrode positive reliée à l’aiguille d’acupuncture [[14]].

Puis progressivement, l’électropuncture utilisant des aiguilles tombe dans l’oubli au profit des cabinets privés qui utilisent la simple électrothérapie. On les nomme les médecins électriciens. Parmi eux, à la fin du XIXe siècle, le célèbre docteur Paul Gachet, ami du non moins célèbre peintre Vincent Van Gogh qui note sur ses ordonnances « Applications de l’électricité au traitement des maladies chroniques et nerveuses » [13].

Le XXe siècle

Il faudra attendre George Soulié de Morant en 1925 pour que l’on s’intéresse à l’électricité appliquée à l’acupuncture, non pas dans un but thérapeutique mais plutôt dans celui d’expliquer le substratum du qi des Méridiens. En effet, il rencontra le docteur Dimier, un médecin électricien hospitalier qui assistait à plusieurs consultations d’acupuncture. Celui-ci proposa l’hypothèse que l’énergie humaine était soit entièrement électrique, soit portée par des ces mêmes ondes. Il mesurait l’électricité émanant du corps avec un galvanomètre ultrasensible et constatait qu’elle s’intensifiait le long des méridiens, en particulier au niveau des points d’acupuncture, comme le point zusanli (E36). Mais cela ne fut pas concluant et les expériences furent arrêtées au décès du Dr Dimier [[15]].

Roger de la Fuÿe s’est intéressé également aux points d’acupuncture que l’on détectait par leur moindre résistance électrique [[16]] comme d’ailleurs le firent à la même époque de nombreux autres médecins dont Niboyet et Mery [17-19]. Cependant dès 1936, il utilisait aussi l’électricité dans un but thérapeutique à une fréquence qu’il appelait haute (comprise entre 10 et 30Hz) [[20]]. Il appliqua cela dans le traitement des surdités (suppurations auriculaires, sclérose du tympan, ankylose des osselets, otospongiose, etc.), associant électropuncture et médicaments homéopathiques dans ce qu’il appela l’homéosiniatrie diathermique [[21]]. Ainsi, il calcula qu’il obtenait 66,61% de guérison ou d’amélioration (1197 cas) pour 33,99% d’échecs (600 cas) [[22]]. Néanmoins malgré le nombre important de cas, il est difficile d’affirmer une efficacité de l’électropuncture en raison d’un conflit d’intérêt. En effet, dès 1948, Robert de la Fuÿe exerçait une activité commerciale avec la vente des électropuncteurs en format cabinet et portatif (figure 7), mais aussi du fait que ces études n’étaient ni comparatives, ni randomisées. Cependant, on peut signaler qu’une méta-analyse de 2015 concernant la perte auditive neurosensorielle soudaine[ note 3] objective une amélioration de l’audition par électroacupuncture (EA) seule ou associée au traitement conventionnel. Selon les auteurs, ces résultats étaient néanmoins à interpréter avec prudence, compte-tenu de différents biais des essais comparatifs randomisés (ECR) et de la faible population étudiée [[23]].

Figure 7. L’électropuncteur portatif du Dr De la Fuÿe de 1948 construit par les Etablissements Walter.

Dans les années 1950, un médecin allemand, Reinhold Voll va s’appuyer sur les bases théoriques de l’acupuncture, de la médecine traditionnelle chinoise et de l’électrothérapie afin de concevoir son propre appareil d’électroacupuncture permettant de mesurer la résistance et la conductibilité électrique de la peau au niveau des points d’acupuncture et d’agir sur eux par électrostimulation. En 1954, il va plus loin et pense avoir découvert que les médicaments altèrent les propriétés de résistance électrique de la peau. Il met alors au point un « test de résonance des médicaments », permettant d’identifier les substances qu’il convient d’utiliser pour un traitement donné. Il s’agit des points de mesure de l’électroacupuncture selon Voll (EAV) qui est une méthodologie utilisant un ohmmètre calibré pour mesurer l’impédance bioélectrique sur certains points d’acupuncture situés sur les mains et les pieds et même les yeux en réponse à des changements dans les fonctions physiologiques des organes et des structures du corps. Ce processus évalue également l’impédance bioélectrique des points d’acupuncture lorsque des substances, telles que des médicaments, de la phytothérapie, des compléments alimentaires, des remèdes homéopathiques, etc. sont placées dans le même circuit électrique que le patient. De ce fait, Voll crée son propre paradigme et se détourne complètement de l’électroacupuncture [24-26]. Il va sans dire que même si depuis la disparition de Voll en 1989 et la parution de quelques travaux affirmant l’efficacité de l’EAV [27-30], aucun n’a permis de mettre en évidence des preuves formelles de réelle efficacité autant en termes de diagnostic[ note 4] qu’en termes de thérapie (il n’existe par exemple aucun essai comparatif randomisé contre placebo). Bref, l’EAV et ses corollaires (dépistage électrodermique -EDS, diagnostic des fonctions bioélectriques -BFD-, tests de biorésonance -BRT-, technique de régulation bioénergétique -BER-, etc.) restent encore totalement controversés [[31]], tout comme la réalité biophysique du point d’acupuncture [[32]].

C’est le professeur Han Ji Sheng qui le premier s’est engagé dans la recherche des mécanismes neurophysiologiques de l’électroacupuncture à partir de 1965 [[33,34]]. Cheng et Pomeranz objectivèrent en 1976 l’intervention des récepteurs endorphiniques. Ils montrèrent que l’effet analgésique de l’EA à basse fréquence (4Hz) était inhibé par la naloxone mais non à la haute fréquence de 200Hz et proposaient déjà l’intervention des endorphines à 2Hz et celle de la sérotonine à 200Hz [[35]]. Ils s’appuyaient entre autres sur les travaux du groupe d’anesthésie de Shanghai déjà célèbre pour ses thoracotomies sous acupuncture [[36],[37]]. Et dès les années 1990, l’électroacupuncture s’est imposée dans tous les champs de la médecine acupuncturale [[38]].

Conclusion

Actuellement, l’EA a acquis ses lettres de noblesse. Depuis 1960, sont référencés près de 6700 études expérimentales animales, études cliniques, essais comparatifs randomisés (ECR) et méta-analyses. Ainsi durant les cinq dernières années, 341 ECR ont été publiés dans la base de données PubMed Medline [[39]], auxquels on pourra aussi comptabiliser les 604 ECR concernant la neurostimulation transcutanée (TENS) qui s’appuient sur les mêmes mécanismes neurophysiologiques [[40]]. On pourra comparer ce nombre aux 483 ECR concernant la moxibustion [[41]], autre technique associée à l’acupuncture. De plus, la recherche expérimentale ne fléchit pas : parue en septembre 2021, cette dernière étude expérimentale épigénétique chez les  souris objective ainsi les mécanismes moléculaires complexes qui sous-tendent l’effet thérapeutique de l’électroacupuncture dans l’accident vasculaire cérébral ischémique [[42]]. De ce fait, l’EA se doit de faire partie de l’arsenal thérapeutique de tout médecin acupuncteur, au même niveau que la moxibustion.


Notes

[1]. Dans la mythologie égyptienne, Hatméhyt est la déesse poisson de la ville antique de Mendès, dans le delta du Nil. Attestée depuis la IVe dynastie, elle est représentée avec un poisson-chat sur la tête. Elle était une déesse de la vie et de la protection. [consulté le 12/09/2021], disponible à l’URL:https://fr.wikipedia.org/wiki/Hatm%C3%A9hyt.

[2]. DORIS.  Données d’Observations pour la Reconnaissance et l’Identification de la faune et la flore Subaquatiques. [consulté le 01/09/2021], disponible à l’URL: https://doris.ffessm.fr/Especes/Torpedo-marmorata-Torpille-marbree-321.

[3]. la perte auditive neurosensorielle soudaine se définit comme une perte auditive soudaine ou à progression rapide d’au moins 30 dB dans au moins trois fréquences contiguës différentes selon l’audiogramme standard sur une période de 72 heures.

[4]. L’étude de la valeur diagnostique d’un test de dépistage passe par le calcul de la spécificité SP=VN/(FP+VN) qui correspond à la probabilité calculée en pourcentage que le signe soit absent chez les individus non atteints par la maladie recherchée ; par la sensibilité SE=VP/(VP+VN) qui est la probabilité que le signe soit présent chez les individus atteints par la maladie recherchée et un test diagnostique est recherché par rapport au test ou signe de référence (gold standard).


Références

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Palais de Mysore (1897-1912) – Salle d’audience – architecture anglo-indienne – Mysore – Karnataka – Inde
Palais de Mysore (1897-1912) – Salle d’audience – architecture anglo-indienne – Mysore – Karnataka – Inde

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Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng

Bibliothèque de Celsus (117 EC) Selçuk – İzmir – Turquie
Bibliothèque de Celsus (117 EC) Selçuk – İzmir – Turquie
Formation : mise au point
OBJECTIF
Connaître l’essentiel des Textes classiques et leur importance pour le praticien acupuncteur.
L’influence du taoïsme, de l’école naturaliste et de l’école confucéenne est manifeste dans l’élaboration de la Médecine Traditionnelle Chinoise. Tout acupuncteur désirant approfondir ses connaissances devra aborder les principaux textes que sont le Yijing, le Neijing, le Nanjing, le Shanghanlun, le Jiayijing et le Dacheng, tout en prenant conscience de la problématique des découvertes archéologiques récentes et des traductions du chinois vers les langues occidentales.

 L’élaboration de la Médecine Traditionnelle Chinoise fut influencée par trois courants de pensée : le taoïsme, l’école naturaliste et l’école confucéenne [[1]]. Le taoïsme est une réalité complexe devenant ultérieurement un courant religieux, associant une philosophie et un ensemble de pratiques liées à la quête de longue vie. Laozi, (VIème siècle-Vème siècle avant l’ère commune), que l’on considère comme le fondateur du taoïsme est l’auteur présumé du Daodejing (道德經). Zhuang Zhu (Zhuangzi) (IVème siècle AEC), auteur de l’ouvrage Zhuangzi (荘子) (Figure 1) produit une œuvre poétique de grande qualité qui développa en autres la notion du non-agir (wuwei 無為). Le troisième des trois grands classiques du taoïsme est le Liezi (列子) ou « vrai classique du vide parfait », recueil de fables philosophiques et d’aphorismes. Le taoïsme à ses débuts avait pour but la guérison des maladies et l’obtention de l’immortalité soit en ingérant minéraux, plantes, le tout accompagné de rituels et de prières, soit par un travail intérieur sur le corps et l’esprit, essentiellement à l’aide de la respiration et de la méditation [[2]]. Ainsi Zhuangzi, le premier parle de la quête de longue vie en ces termes : « Quiconque ne sait satisfaire ses aspirations et entretenir sa longévité ne comprend rien au Dao » ou « Conserver la vie jusqu’à la limite naturelle et tâcher de ne pas mourir prématurément. Voici la plénitude de la connaissance ».

Figure 1. Zhuangzi « Nan hua zhen jing » 莊子南華眞經 (commentaire de Guo Xiang 郭象). Le texte transmis par Guo Xiang a été réparti en trois groupes de chapitres, dont les derniers sont dans la mouvance des idées de Laozi, mais aussi des théories du yin et du yang et des Cinq Éléments (Mouvements) [[3]].

 L’école naturaliste, qui se distingue du taoïsme par l’absence d’intérêt qu’elle manifeste à l’égard de l’individu, regroupe en fait deux écoles : l’école du yin et du yang et l’école des Cinq Éléments [1]. On attribue à Zou Yan (鄒衍)(-305 -240 AEC), philosophe de la fin de la période des Royaumes Combattants un rôle déterminant dans le développement de ces théories. Aucun de ses ouvrages ne nous est parvenu mais on en trouve des extraits dans d’autres comme les Annales des Printemps et des Automnes (Chunqiu). Cette école a fourni à la médecine ses cadres théoriques et constitue la base du système des correspondances.

Selon la tradition, les Cinq Classiques (Wujing 五經) fondent le canon confucéen fixé sous le règne de Han Wudi (140-188) quand le confucianisme fut reconnu comme doctrine d’État. Tous sont censés avoir été compilés par Confucius (Kongfuzi 孔夫子 551-479 AEC). On retrouve donc le Classique des Mutations ou Yijing (易經) ; le Classique des vers ou des Odes (詩經, Shijing), livre composé de 305 poèmes ; le Classique des documents (書經, Shujing), ensemble de documents et de discours qui auraient été écrits par les dirigeants et les officiels de la dynastie Zhou ; le Livre des rites (禮記, Liji), livre qui décrit les rites anciens et les cérémonies de cour ; et enfin les Annales des Printemps et des Automnes (春秋 Chunqiu), description historique de l’État de Lu, d’où est natif Confucius et qui constitue une condamnation implicite des meurtres, incestes et autres escroqueries durant cette époque. Aucun de ces traités philosophiques n’est nécessaire à connaître pour pratiquer l’acupuncture, excepté sans doute le Yijing, le plus ancien Classique permettant d’appréhender la pensée Chinoise [[4]]. Néanmoins, la philosophie qui sous-tend la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) est à la base des cent à deux-cents ouvrages médicaux fondamentaux écrits sur plus de 20 siècles [[5]]. Nous allons en étudier sept, à commencer par le Yijing.

Dynastie Zhou (1121-722 avant notre ère)

 Yijing

La tradition chinoise fait remonter le Yijing, Livre des mutations, à l’invention des trigrammes par Fuxi (Fou Hi) (Figure 2).

Figure 2. Fuxi traçant les trigrammes du Yijing.

 Le Yijing (易經, également orthographié Yi King ou Yi-King), prononcé en français i ting, est un manuel chinois dont le titre peut se traduire par « Classique des changements » ou « Livre des Transformations » selon les différentes traductions françaises [6-8]. Il s’agit à l’origine d’une collection de signes à usage divinatoire. Les oracles étaient alors en usage dans l’antiquité. Les plus anciens d’entre eux se limitaient à un système de réponses binaires sous la forme « oui » ou « non », soit un trait plein (yang), soit le trait brisé (yin). Ainsi, le Yijing est constitué de 64 hexagrammes, formé de deux trigrammes. Il y a huit trigrammes simples (Figure 3), qui assemblés deux à deux forment les soixante-quatre hexagrammes (figures basées sur la combinaison de six traits).

Figure 3. Le bagua (八卦) est un diagramme octogonal avec un trigramme différent sur chaque côté avec le taiji (symbole du yin-yang) au centre (graphique réalisé par Benoît Stella).

 On consulte le Yijing à travers les trigrammes et hexagrammes (Figure 4) que l’on tire trait par trait. À chaque hexagramme ont été ajoutés ultérieurement des commentaires de Wen Wang, père du fondateur de la dynastie des Zou, vers 1150 AEC, ceux du duc Zhou Gong, frère du roi Wu et ceux de  Confucius, donnant des indications sur la qualité de l’état concerné.

Figure 4. Les 64 hexagrammes qui résultent de la combinaison de deux trigrammes.

Ainsi, à l’hexagramme 50 (鼎) ding (le Chaudron) correspond le trigramme du haut li Le Feu et le trigramme du bas xunLe Vent. « L’ensemble de l’hexagramme offre l’image du chaudron ; en bas sont les pieds, puis la panse, puis les oreilles, c’est-à-dire les anses, et, tout en haut, les anneaux qui servent à le porter. L’image du chaudron évoque en même temps l’idée d’alimentation. Le chaudron en bronze était le récipient qui, dans les temples des ancêtres et lors des festins, contenait les aliments cuits. Le chef de famille les y puisait et les plaçait dans les coupes de ses hôtes. « Le puits » avait également le sens secondaire de distribution de la nourriture, mais surtout pour le peuple. Le chaudron, en tant que réalisation d’une civilisation raffinée, évoque les soins et l’alimentation prodigués aux hommes de valeur, qui tournent au bien du peuple [8].

En pratique, les oracles issus du Yijing se réalisent en utilisant par exemple trois pièces identiques que l’on jette ensemble. On obtiendra le premier trait sur les six à construire. Il faut savoir que Face vaut 3 (impair et yang) et pile vaut 2 (pair et yin). Donc 3 pièces Face : Face Face Face → 9 ; Pile Pile Pile → 6 ; Face Face Pile → 8 ; Pile Pile Face → 7. On a donc construit le premier trait, celui du bas de l’hexagramme. Il faudra répéter l’opération six fois pour construire l’hexagramme complet en progressant vers le haut. Il faudra aussi tenir compte que le 6 et le 9 sont des traits dits muables, alors que 7 et 8 sont des traits dits stables ou au repos. A la fin de la construction de l’hexagramme, il ne reste plus qu’à lire les commentaires auxquels il se rapporte.

« Lorsque cet hexagramme se compose entièrement de traits en repos, l’oracle n’en retient que l’idée générale, telle qu’elle s’exprime dans le « jugement » du roi Wen et dans le « Commentaire sur la décision » de Confucius, auxquels s’ajoutent encore l’image de l’hexagramme et les paroles de texte qui y sont annexées. « Si, dans l’hexagramme ainsi obtenu, on a un ou plusieurs traits muables, il faut en outre prendre en considération les paroles annexées à ce ou ces traits par le duc de Zou » [8].

Royaumes Combattants (476-221 AEC)

Huangdi neijing

Le Huangdi neijing (黄帝内經) ou Classique interne de l’empereur Jaune est le plus ancien ouvrage de médecine chinoise traditionnelle. Il se divise en deux parties : le Suwen et le Lingshu. Tous les aspects de la médecine y sont abordés, avec leur traitement, et plus particulièrement le traitement par acupuncture. C’est à Huangdi, l’Empereur jaune mythique (figure 5) que l’on attribue la découverte de l’acupuncture et de la moxibustion.

Figure 5. Huangdi, l’Empereur jaune mythique.

Le Huangdi neijing s’intéresse beaucoup aux  « Cinq internes » représentant les cinq organes profonds du corps humain, au cœur de la vitalité, d’où son nom. On considère que l’ouvrage a été composé durant la période couvrant les Royaumes combattants (476 à 221 AEC) à celle de la dynastie Han (220 AEC à 220 EC), ce qui est tout à fait vraisemblable depuis les découvertes des manuscrits de « Mawangdui ». Cependant, le Huangdi neijing organisé tel que nous le connaissons ce jour, du moins pour les vingt-quatre parties et quatre-vingt-un chapitres du Suwen a été compilé par Wang Bing (710-804 EC sous la dynastie Tang) pendant douze années de sa vie. Il existe, outre la version de Huangfu Mi (215-282 EC) qui a repris de nombreux chapitres intégraux duSuwen dans son propre ouvrage le Zhenjiu jiayijing (針灸甲乙經), trois autres versions du Suwen : celle de Yang Shangshan (Huangdi neijing taisu, écrit sous la dynastie Sui), celle de Quan Yuanqi (520-577 EC), et bien sûr la plus connue, celle de Wang Bing [[9]].

Le souverain Huangdi pose au Maître Céleste Qi Bo des questions concernant les fondements de la vie humaine, abordant autant la physiologie (à travers l’étude des viscères et des trajets des méridiens) que l’étiologie (en décrivant les mécanismes physiopathologiques), le diagnostic (par la prise des pouls) ou que le traitement (puncture, moxibustion, phytothérapie, massages…). Bref, le Huangdi Neijing expose comment déceler les maladies et comment les traiter [[10]].

« Huangdi : Le pouls de printemps est en « corde ». Comment cela ?

Qibo : Il est celui du Foie, Est-Bois, début de la vie des créatures. Son qi est souple, léger, lisse et s’allonge tout droit (comme les jeunes pousses), c’est pourquoi il est dit en « corde » (d’arc). Sinon il est pathologique … » (Livre VI. Chapitre 19) [[11]].

Vont s’exposer la doctrine du yin et du yang, et aussi celle des Cinq Éléments (Cinq Mouvements 五行)qui prenaient leurs essors justement à l’époque de la rédaction de l’ouvrage. La physiologie va s’exprimer à travers l’étude des correspondances entre les cinq organes et les cinq éléments.

« ..Le froid et la chaleur, la sécheresse et l’humidité, le vent et le feu sont le yin et le yang célestes, Les 3 yin et les 3 yang les reçoivent d’en haut, Le Bois, le Feu, la Terre, le Métal, et l’Eau sont le yin et yang de la terre, et la naissance, la croissance, la maturation et l’engrangement leur répondent en bas », dans le yang il y a du yin et dans le yin il y a du yang » [11].

Le chapitre X « jingmai » du Huangdi neijing lingshu va décrire les trajets des méridiens. Et sur ces méridiens, on repère quelques points d’acupuncture. Dans le terme Lingshu, se retrouve le caractère Shu (樞), pivot, permettant l’ouverture et la fermeture alternée d’une « porte », entrée ou sortie de l’Energie (qi), laquelle s’écoule par l’intermédiaire des méridiens (jing, 經). Et c’est par les aiguilles et la pharmacopée que l’on peut préserver le but de la vie, c’est à dire la « relation vitale au Ciel, par les Esprits (shen) » [10]. A noter d’ailleurs que l’appellation Lingshu n’apparut que sous les Tang et que le Huangdi neijing lingshu se dénommait antérieurement le Classique des aiguilles (Zhenjing) [10,[12]].

 Qin et Han (221 AEC – 220 EC)

Les manuscrits de “Mawangdui” (168 AEC)

Lors de fouilles effectuées en 1972 et 1973 sur le site de Mawangdui dans la province du Hunan, les archéologues chinois découvrirent les plus anciens documents connus concernant la médecine chinoise (Figure 6) ainsi que des exemplaires du Daodejing et du Yijing dans un groupe de tombes datant de la dynastie Han. Parmi les trente-six ouvrages répertoriés dans les livres classés « techniques et recettes thérapeutiques », dont un manuel de palpation des pouls (Maifa), se trouvait le Huangdi neijing, parvenu sous une forme incomplète, très remaniée et datant de 168 AEC. On constata que les théories médicales étaient en pleine élaboration avec une quête obsessionnelle de la longévité et de la puissance sexuelle. Les méridiens, par exemple, sont décrits dans le Canon de moxibustion des onze méridiens yin et yang –version A (Yingyang shiyimai jiujing –jiaben) et sont au nombre de onze sur les douze que l’on connaît, le méridien manquant étant le shoujueyin (Maître du Cœur). Les textes apportent d’ailleurs la démonstration que le méridien MC est, parmi les méridiens principaux le dernier à apparaître. Inconnu au IIIème AEC, il est intégré comme douzième méridien entre le Ier siècle AEC et le I-IIème siècle EC, état de fait qui se verra dans le Nanjing où il est cité dans la difficulté 25 et 66 [[13]]. Les points (xue) d’acupuncture sont rarement mentionnés et leur dénomination est inconnue. En fait, il semblerait que ce soit Wang Bing qui les ait introduits [[14]]. On s’aperçoit qu’il n’y a pas de référence à une théorie des Organes/Entrailles ou à un système des cinq Phases. La moxibustion est la seule technique thérapeutique de la « médecine des méridiens » [[15]].

Figure 6. Manuscrit écrit sur rouleau de soie découvert à Mawangdui dans les années 1970.

 Bien sûr, les aiguilles métalliques sont totalement ignorées. Les thérapeutes de cette époque utilisent essentiellement la pharmacopée et la régulation des « souffles » [[16]]. Ces découvertes objectivent que pendant les deux siècles de la dynastie des Han occidentaux (206 AEC – 23 EC), la pensée médicale chinoise a subi un processus de normalisation complète et de systématisation. Les manuscrits médicaux de la tombe 3 montrent que les textes classiques de médecine, en particulier le Huangdi neijing qui est considéré comme le plus ancien des écrits de leur genre, avait non seulement été compilé bien plus tard qu’il n’est communément admis dans la tradition chinoise, mais que même des points de vue qui y sont représentés n’auraient pu se développer avant les Han. Ainsi, sur la base de ces textes manuscrits, on a pu déterminer que, au moment des Qin (221 AEC – 206 AEC) et le début des Han de l’Ouest la plupart des caractéristiques typiques de l’art de guérir chinois n’avait pas été systématisé. « Ces manuscrits brisent l’image d’une médecine chinoise quasi-révélée, figée dans une sorte de grandiose immobilité, et la remplacent par la vision de thérapeutes qui tâtonnent, cherchent, expérimentent et progressent » [16]. Ces manuscrits permettent aussi de souligner l’importance du Nanjing et son rôle dans l’établissement une nouvelle orientation du corpus standardisé et systématique des connaissances de la médecine chinoise. Enfin, il apparaît que la notion des méridiens était antérieure à celle des points d’acupuncture car « il se confirme que plus on remonte loin dans le passé, plus le nombre de points d’acupuncture décroit » [15]. Ainsi, le paradigme le plus couramment repris actuellement qui dit que le système des Jingluo doit être pensé comme la théorie d’intégration des points d’acupuncture et qui part du principe de leur antériorité, serait inexact car en réalité le système des méridiens ne serait que le reflet de trajet des douleurs projetées neurologiques (comme le trajet d’une sciatique) ou de trajet vasculaire.   

 Nanjing ( Ier ou IIsiècle AEC)

 Le Nanjing, encore appelé Classique des difficultés est un des Classiques les plus anciens de la médecine chinoise. Il daterait de l’époque des royaumes combattants et son auteur présumé serait Qin Yueren (également appelé Bianque, 407-310 AEC ?). Cependant les avis sont partagés : ainsi si Zang Ruilin et Nguyen Van Nghi [13,[17]] sont convaincus que Bianque (Figure 7) en est bien l’auteur, Lafont ne l’est pas.

En effet, à partir d’un essai de datation du Nanjing par comparaison au Huangdi neijing, l’œuvre ne pourrait pas remonter au-delà du IIIe siècle de notre ère et aurait été rédigée par un ou plusieurs médecins inconnus au début du IIIe siècle quelques temps après la partition du Huangdi neijing (en Suwen et Lingshu) que Lafont daterait du IIe EC [12].

Figure 7. Bianque (de son vrai nom Qin Yueren).

 Il semblerait que les manuscrits de “Mawangdui” (168 AEC) lui donnent raison, surtout que le Nanjing ne peut avoir été écrit avant le Huangdi neijing suwen et lingshu dont il explique en six chapitres, les 81 passages délicats. Les six chapitres sont le livre I qui aborde en 22 difficultés la sphygmologie ; le livre II : 7 difficultés sur les méridiens (jingmai) ; le livre III : 18 difficultés sur Organes et entrailles ; livre IV : 14 difficultés sur les pathologies ; livre V : 7 difficultés sur les points shu et le livre VI qui termine en 13 difficultés sur les techniques de l’acupuncture. Ainsi le livre VI explique dans la difficulté 69 le principe du traitement : tonifier la mère et disperser le fils alors que la difficulté 70 s’intéresse à la méthode de puncture suivant les quatre saisons [[18]].

Voici par exemple dans une traduction récente de Tran Viet Dzung, la difficulté 45 du livre III qui s’intéresse à la localisation des « huit réunions » :

« Question : Neijing parle des “huit réunions”. Où se trouvent-elles ? A quoi servent-elles ? Réponse : Le lieu de réunion de l’énergie des 6 entrailles se trouve au point zhongwan [12VC] du méridien curieux renmai »… [[19]].

 Shanghanlun

 Zhang Zhongjing (150-219 EC) (Figure 8) rédigea le Shanghanlun (Traité des atteintes du froid) au début du 3ème siècle de notre ère. Il ne s’agit pas à proprement parlé d’une œuvre d’acupuncture mais plus plutôt d’un traité de pharmacopée chinoise avec des recettes médicinales utilisant les théories médicales déjà utilisées dans le Huang neijing ou le Nanjing. C’est l’un des livres médicaux le plus commenté (entre cinq cents et neuf cents commentateurs), dont la plupart des recettes de phytothérapie sont encore utilisées de nos jours. Le Shanghanlun a la particularité également de ne traiter, comme son nom l’indique, que des atteintes par le froid (donc refroidissements infectieux, certaines pathologies pulmonaires, digestives, paludisme, maladies contagieuses etc.) [[20]].

  Figure 8. Zhang Zhongjing (張仲景), auteur du Shanghanlun.

 Les modes thérapeutiques de base sont au nombre de huit : sudorification, vomification, purgation, harmonisation, réchauffement, réfrigération ou purification, tonification et dispersion. La sudorification est surtout employée au premier stade de la maladie pour chasser les « énergies » pathogènes de la partie superficielle du corps (biao), comme le Vent ou le Froid. On utilisera des plantes telles que la branche de cannelier (cinnamomum aromaticum), l’éphèdre..

L’ouvrage est subdivisé en six parties en fonction des atteintes énergétiques selon le classement des Grands Méridiens allant de la superficie à la profondeur du corps : taiyangyangmingshaoyangtaiyinshaoyin, et jueyin. Il faut noter que l’évolution de la Maladie selon ces niveaux structurels sera identique dans les chapitres 31 du Huangdi suwen, mais différente dans le chapitre 6 où on retrouve un ordre différent : taiyangshaoyang, yangmingtaiyinshaoyin et jueyin [[21]]. Des auteurs modernes offrent aussi une autre classification selon la dialectique yinyang et le rapport biaoli (externe-interne)du chapitre 24 du Suwen : taiyangshaoyang, yangmingtaiyinjueyin et shaoyin [[22],[23],[24]]. Mariéconsidère que bien que l’on puisse étudier la pénétration de l’agent pathogène selon cette méthode, la méthode du Shanghanlun est préférable [[25]].

Ainsi dans les maladies du Taiyang, niveau énergétique le plus superficiel formé par l’association des méridiens Intestin Grêle et Vessie, on pourra observer deux sortes de maladies : le shanghan et le zhongfeng. On observera par exemple au cours de cette dernière les symptômes suivants : maux de tête, nuque raide, fièvre, crainte du vent, sudation avec frilosité. La thérapeutique consistera à utiliser la sudorification par décoction de cannelle qui permettra d’harmoniser et régulariser les souffles défensifs et nourriciers [20].   

A noter que même si le traitement est phytothérapique, de nombreuses propositions acupuncturales ont été reprises dans le Dacheng. Ainsi une technique de sudorification en cas de d’atteinte du taiyang par le vent (zhongfeng) consiste à puncturer le GI4 (hegu), PO7 (lieque), VE12 (fengmen), VB20 (fengchi) [[26]].

Trois Royaumes, Jin, dynasties du Nord et du Sud (220-581)

Jiayijing 

Huang Fumi (215-282) sous la dynastie des Jin écrivit en 259 de notre ère le Zhenjiu jiayijing (針灸甲乙經, L’ABC d’Acupuncture et de Moxibustion). Il s’agit en fait du premier ouvrage de «vulgarisation» de la médecine chinoise. Huang Fumi (figure 9) fit une synthèse des données de la médecine chinoise de son époque, des conceptions théoriques traditionnelles du Taoïsme à la pratique clinique et thérapeutique, à partir de trois ouvrages, dont le Suwen. Le terme jiayi du titre vient du fait qu’au début, le texte était divisé en dix volumes, indexés selon le cycle des dix troncs célestes : jiayibingding etc., puis l’ouvrage comporta douze volumes, comme les 12 branches terrestres.

Figure 9. Huang Fumi (皇 甫謐), auteur du Zhenjiu jiayijing.

 Deux traductions françaises existent [[27],[28]] dont celle réalisée par l’Association Française d’Acupuncture. Les textes originaux proviennent donc pour la plupart du Huangdi neijing, mais non agencés de la même façon [[29]]. Ainsi, le livre I comporte seize chapitres et le livre IV, le plus court, n’en comporte que trois. On pourra remarquer que certains chapitres du Suwen, correspondent aux mêmes dans le Zhenjiu jiayijing. Exemple : « De la piqûre miu » du chapitre 63 du Suwen va correspondre le Zhenjiu jiayijing V-3 « La piqûre miu ». Par contre, d’autres livres approfondissent ou explicitent davantage les données du Suwen. Le livre II contient ainsi sept chapitres consacrés uniquement aux méridiens Luo,aux méridiens extraordinaires, aux nœuds et racines des méridiens etc.

« Lorsque le pervers s’installe dans le corps, il loge d’abord nécessairement dans la peau et les poils. S’il reste et ne part pas, il pénètre et loge dans les sunluo ; s’il reste et ne part pas, il pénètre et loge dans les vaisseaux luo(luomai) ; s’il reste et ne part pas, il pénètre et loge dans les méridiens (jingmai), il entre à l’intérieur se joindre aux cinq organes et se diffuse dans l’estomac et les intestins.…. »

 Dynastie Ming (1368 – 1644)

Zhenjiu Dacheng

 Le « Compendium d’Acupuncture et Moxibustion » (Zhenjiu dacheng) qui a été compilé par Yang Jizhou en 1601 dissipe les confusions entre les points et les méridiens et essaie d’établir un consensus. L’auteur lui-même explique au début de son œuvre [[30]] qu’il a établi la synthèse d’une vingtaine d’ouvrages dont parmi les plus importants se trouvent bien sûr le Suwen, le Nanjing, mais aussi d’autres aussi importants comme le Tongren shuxue zhenjiu tujing (« Classique illustré des points d’acupuncture de l’homme de bronze » publié par Wang Wei Yi en 1027) ou le Qianjin Fang (Prescriptions Valant Mille Pièces d’Or) écrit par Sun Simiao (581-682) sous la dynastie Tang.

Le Dacheng dans son premier livre correspond au Neijing suwen et au Nanjing. Les deuxième et troisième livres exposent les chants et poèmes d’acupuncture comme le chapitre 56 : « Chant du dragon de Jade ». Il s’agit d’un chant qui indique cent-vingt points dont l’efficacité thérapeutique est certaine dans les maladies difficiles. Voici un extrait : « 12 – Aphonie soudaine : puncturer un seul point, le yamen 15VG. Se rappeler que la puncture doit être superficielle, la voix se rétablit après la puncture. » [[31]].

Le livre 4 traite de la manipulation de l’aiguille selon les différents Classiques ou selon les différents maîtres, par exemple le chapitre 81 : « Tonification / dispersion selon la famille Yang de la cité Sanqu : manipulation d’aiguille ; différentes techniques de puncture ; les « 8 règles » de conduction énergétique » [[32]].

Le livre 5 parle de la règle minuit-midi et de l’utilisation des huit méridiens curieux : le chapitre 116 a pour titre par exemple : « Tableau des ‘ jours’ et des ‘ heures’ d’ouverture des points de liaison (points clés) des méridiens curieux durant un cycle de 60 jours (cycle jiaji) » [32].

Les livres 6 et 7 s’intéressent aux méridiens et aux points, tels que les points du zujueyin (Foie) et leurs indications. Auteroche et Navailh ont fait d’ailleurs une traduction personnelle à partir d’une traduction d’une édition du Zhenjiu dacheng de 1843 et d’une édition de 1973. Ils ont ainsi constaté qu’il n’y avait pas de différence essentielle entre les deux textes. Le texte commence par un rappel de citations du Suwen relatives aux caractéristiques de l’organe Foie. La pharmacopée chinoise est décrite permettant de traiter les troubles du Foie et de son méridien. Ensuite, le Dacheng détaille les treize points du Méridien du Foie (Figure 10) avec leurs emplacements et leurs indications thérapeutiques. A cette occasion les auteurs font remarquer que le méridien du Foie ne compte que treize points dans le Dacheng  alors qu’actuellement, il en existe quatorze. Le jimai (12F) est manquant [[33]].

Le livre 8 correspond au traitement des différentes pathologies par acupuncture tel que le «154. Traitement des maladies psychiatriques (folies yin et folies yang» alors que le livre 9 présente les traitements de célèbres acupuncteurs ainsi que la moxibustion comme «184. Méthode de localisation et de moxibustion du point shangqiang, VG1 dans le traitement des hémorroïdes ».

Enfin le dixième livre traite essentiellement des nourrissons. Le chapitre 218 a d’ailleurs pour titre : « Conduite à tenir chez le nouveau né : pendant la grossesse ; lors de la délivrance ; réanimation ; troubles intestinaux et urinaires ; bain ; section du cordon ombilical ; syndrome de Tifeng : coupure des cheveux ; hygiène alimentaire et surveillance ».

L’œuvre de Yang Jizhou a été traduite en français sous la forme d’ouvrage en trois volumes [32,[34]]. Il faut noter enfin que le Dacheng a été aussi la principale référence pour Soulié de Morant qui l’a traduit sans publication [33] et s’en est servi pour introduire l’acupuncture en France dans les années 1930 [[35]].

Figure 10. Le méridien de Foie (zujueyin). Planche extraite du Zhenjiu dacheng de Yang Jizhou, dessiné par Zhang Tingui en 1843.

Problématique de la traduction chinoise

Auteroche [[36]], Choain [[37]], Beyens [[38]], Dinouart-Jatteau [[39]] entre autres médecins sinologues, nous ont mis en garde contre les pièges et les difficultés de la traduction qui guettent tout novice ignorant la langue chinoise et son histoire. Larre [[40]] explique : « Il ne faut ni éluder les difficultés et contourner les obstacles, ni transposer en une idéologie occidentale parée d’exotisme, ni être à ce point obsédé qu’on obscurcisse le sens en multipliant les effets, ce qui pousse la traduction assez paradoxalement vers l’abstrait et lui faire prendre des allures de commentaire ». On comprendra donc que des concepts très éloignés chronologiquement surgissent des textes chinois classiques, faisant obstacle à une traduction éclairée. En effet, chaque traducteur a sa façon d’appréhender les caractères chinois, allant jusqu’à « occidentaliser » la médecine chinoise, entraînant des omissions, voire des erreurs comme le fait remarquer Milsky [29]. Des termes chinois seront ainsi traduits de façon multiple avec des sens multiples. Ainsi le terme jingjin sera traduit selon les différents auteurs par méridien tendino-musculaire, tendons des méridiens, zone tendino-musculaire des méridiens ou muscle des méridiens, pouvant entraîner une confusion [[41]]. De ce fait, il est nécessaire de se plonger dans plusieurs traductions du même livre pour y dénicher une certaine vérité.


Références

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[3]. Delacour C. In: Réunion des Musées Nationaux (France). La voie du Tao, un autre chemin de l’être. Paris: Rmn; 2010. p.168.

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[41]. Stéphan JM. Les jingjin 經筋, Méridiens Tendino-Musculaires ou Muscles des Méridiens. Acupuncture & Moxibustion. 2007;6(2):177-182.

 © Stéphan JM. Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(4):290-301.

Stéphan JM. Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(4):290-301. (version PDF)

Stéphan JM. Les Textes Classiques : Yijing, Neijing, Nanjing, Shanghanlun, Jiayijing, Dacheng. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(4):290-301. (version 2010)

Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes

Sur la route vers Madurai – Tamil Nadu – Inde
Sur la route vers Madurai – Tamil Nadu – Inde

Acuterme : un protocole de recherche sur la prise en charge par acupuncture des patientes à terme

Ce travail réalisé en 2010 par Maëlys Lécuyer et Sandrine Brame est la présentation d’un protocole d’essai contrôlé randomisé ouvert de type prospectif pouvant se dérouler en bi-centrique (maternités de Roubaix et Lens) comparant acupuncture versus population témoin. Le critère de jugement principal serait d’étudier l’efficacité de l’acupuncture dans l’induction du travail lors de la consultation de terme. Les critères secondaires : comparer l’évolution du score de Bishop chez les patientes à terme (T) et T+2 jours, comparer les recours aux thérapeutiques médicamenteuses, étudier la durée du travail et enfin évaluer le vécu et la satisfaction des patientes.

La fréquence nationale du nombre de patientes accouchant entre 41 et 41+6 jours est estimée en 2007 à 19%, taux similaire retrouvé dans les deux maternités. De ce fait, en faisant l’hypothèse d’une fréquence de début de travail spontané de l’accouchement de 18% sans traitement des femmes en terme dépassé accouchant à T+2 et de 33% avec traitement acupunctural (soit 15% d’accouchements de plus grâce à l’acupuncture), les auteurs du mémoire ont calculé qu’il était nécessaire d’inclure 344 patientes (pour une puissance de 90 % et un risque alpha de 5 %) c’est-à-dire 172 patientes par bras. La durée de l’étude pouvait donc être estimée à une année.

Les points du groupe acupuncture sont : FO3, GI4, RA6, ES30, VC4, RE3 à laisser en place pendant 30mn après la recherche du deqi. Par ailleurs, une tonification du GI4 devra être réalisée toutes les cinq à dix mn lors des deux séances d’acupuncture qui auront lieu à terme et à terme + 2 jours.

Dans le groupe témoin, ne sera réalisée qu’une évaluation du score de Bishop.

Intérêt du zhubin durant la grossesse

Zhubin, traduit littéralement par « maison des invités » est le point xi et le point d’entrée du qi du Méridien Curieux yinweimai, le vaisseau régulateur du yin. Selon les différents auteurs, zhubin tonifie le yin du Rein, calme le shen et le Cœur, procure un équilibre qui assure le bon déroulement de la grossesse en intervenant dans la croissance fœtale, diminuerait la transmission d’une mauvaise hérédité, les infections uro-génitales ainsi que les douleurs sur le trajet du méridien de Rein ou de yinweimai etc. De ce fait, Isabelle Charlet et Nathalie Dutriaux en 2011 ont entrepris une étude rétrospective chez des patientes ayant bénéficié de la puncture du zhubin RE9, en une ou deux séances en maternité pour des motifs de consultations suivants : lombalgies (34 cas), contractions utérines avec menace d’accouchement prématuré (23 cas de MAP), syndrome de Lacomme (10 cas), croissance fœtale limite sans étiologies connues (10 cas).

Cette étude s’est basée principalement sur les témoignages des patientes. Les résultats obtenus sont encourageants surtout pour les syndromes de Lacomme et les lombalgies. Le résultat positif de la puncture de zhubin dans le cas des menaces d’accouchement prématuré avant terme n’est pas négligeable et peut permettre de réduire et de potentialiser un traitement tocolytique classique. Les auteurs observent ainsi un arrêt total ou une diminution des contractions utérines dans près des deux tiers des personnes concernées (figure 1). On trouve une légère prédominance des primipares (huit primipares pour six multipares). Néanmoins, les séances d’acupuncture ne semblent pas être suffisantes pour obtenir une tocolyse parfaite chez toutes les patientes. Seules cinq femmes (21%) ont vu disparaître complètement leurs contractions alors que neuf patientes (39%) ont présenté une diminution conséquente du nombre de contractions ressenties, mais sans disparition complète. Il semble aussi préférable de programmer deux séances d’acupuncture. En effet, presque la moitié des patientes ayant vu un résultat positif, ont eu deux séances (six sur quatorze patientes) alors qu’une seule séance a été réalisée chez les patientes (sept cas sur neuf) ayant eu une absence de résultat.

Figure 1. Action du zhubin sur les menaces d’accouchements prématurés.

Jeune maman – sur la route vers Madurai – Tamil Nadu – Inde
Jeune maman – sur la route vers Madurai – Tamil Nadu – Inde

L’acupuncture et la mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes

La rupture des membranes est dite prématurée si elle survient pendant la grossesse mais avant le début du travail. Elle affecte 6 à 19 % des grossesses à terme, c’est-à-dire après 37 semaines d’aménorrhée, mais le chiffre est imprécis car il n’existe pas de consensus professionnel. En pratique, on effectue un prélèvement de liquide amniotique ; la parturiente est hospitalisée ; une antibiothérapie au bout de la douzième heure de rupture est mise en route et on programme un déclenchement après vingt-quatre heures. A la naissance, il est important de réaliser un bilan infectieux au nouveau-né.

Florence Cacheux et Emilie Theve en 2011 se sont intéressées à la mise en route du travail lors des ruptures prématurées des membranes. Il s’agit d’une petite étude contrôlée ouverte et non randomisée de type prospectif. Les critères d’inclusion ont été : âge gestationnel supérieur à 37 semaines d’aménorrhée ; la rupture de la poche des eaux ; l’absence de contraction utérine.

Le groupe acupuncture (n=30) a bénéficié de la puncture des points GI4, RA6, VC4 associée  à la puncture et la moxibustion des points liao : VE31 (shangliao), VE32 (liliao), VE33 (zhongliao) et VE34 (xialiao). Le second groupe témoin est un groupe d’expectative sans traitement (n=30).

On observe peu d’influence sur l’induction des contractions utérines (figure 2). Par contre, le délai entre la rupture de la poche des eaux et l’heure d’accouchement est plus court dans le groupe acupuncture, 27% des patientes ayant accouché dans les 12 heures alors qu’il n’est que de 13% dans les douze heures dans le groupe témoin. Mais au delà de douze heures, il n’y a plus de différence (figure 3).

Autre variable étudiée, le nombre d’heures de travail. On s’aperçoit que la phase active du travail est plus rapide dans le groupe de patientes ayant bénéficié d’acupuncture, puisque 37% d’entre elles ont accouché en moins de trois heures et qu’aucune n’a eu un travail supérieur à douze heures (figure 4).

 
Figure 2. Délai entre la rupture de la poche des eaux et le début des contractions. 

Figure 3. Délai entre la rupture de la poche des eaux et l’heure d’accouchement.

Figure 4. Nombres d’heures de travail. 

Figure 5. Modalités d’accouchement.

Les modalités d’accouchement semblent aussi être influencées par l’acupuncture. En effet, le nombre de voies basses spontanées est supérieur dans le groupe acupuncture que dans le groupe témoin, ceci pouvant peut-être s’expliquer par un travail plus rapide et donc une moindre fatigue (figure 5).

En conclusion, même si cet essai clinique de faible population souffre d’une méthodologie insuffisante, et sans rigoureuses statistiques comparatives, il a le mérite de montrer l’influence de l’acupuncture dans la réduction de la phase active du travail, sans action semble-t-il sur la mise en route du travail. Tout reste à infirmer ou confirmer par un essai clinique randomisé de haute qualité méthodologique.

Références

[1]. Décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019386996

[2]. Arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021245638

Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes [[1]] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [[2]] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale. A Lille, depuis 2010 un DIU a succédé à l’attestation universitaire d’études complémentaires (AUEC) en acupuncture obstétricale qui offrait une formation aux sages-femmes en deux années. Ce DIU sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan est validé par la soutenance d’un mémoire en fin de deuxième année. Régulièrement seront présentés dans ces colonnes les mémoires les plus significatifs des différentes facultés de médecine.

Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(1):69-72.

Sanyinjiao et périnée, zhubin et neiting dans le syndrome de Lacomme, sphygmologie quantitative

Femmes – Islam Khodja Madrasa – Khiva – Ouzbékistan
Femmes – Islam Khodja Madrasa – Khiva – Ouzbékistan

Expérimentation de la puncture du point RA6 en vue du relâchement du périnée lors de l’expulsion fœtale

En 2011, Anne-Sophie Piau et Sophie Broquet ont validé une étude clinique présentant une méthodologie basée sur l’OPC (objective performance criteria) [[3]]. Il s’agit d’une étude portant sur une population de cinquante-quatre femmes primipares ou seconde pare avec un utérus cicatriciel (ayant bénéficié d’une césarienne lors de leur première grossesse et qui n’avaient donc pas accouché par voie basse), en présentation du sommet et à un âge gestationnel supérieur ou égal à 37 semaines d’aménorrhée (SA). Ont été exclues les grossesses multiples (gémellaires ou triples), les présentations du siège, un âge gestationnel strictement inférieur à 37 SA, les patientes multipares…

Le but de l’étude  est d’étudier la qualité du relâchement du périnée par puncture du RA6 (sanyinjiao) par une aiguille de 25mm et de 0,25mm de diamètre posée bilatéralement à dilatation complète du col utérin, soit immédiatement, soit dans les minutes qui suivent ou encore juste avant les efforts expulsifs. Le critère d’efficacité a été les lésions périnéales au décours de l’accouchement par voie basse. L’étude est de type OPC car les auteurs ont comparé leur résultat avec une base de données fiable, norme objective qui sert de substitut au groupe témoin traditionnel. En l’occurrence, il s’agit de la base de données statistique de l’année 2010 (BD10) de l’hôpital Jeanne de Flandre à Lille concernant une même population de patientes primipares ou secondes pares avec césariennes antérieures (n= 2216 patientes). Pour un poids de naissance élevé supérieur à 3500g, connu pour être  facteur de risque important de lésions périnéales lors de l’accouchement par voie basse, seules 37,4% des patientes ont conservé un périnée intact en 2010 par rapport à 48% dans le groupe acupuncture. Aucune déchirure compliquée dans le groupe acupuncture versus BD10 (4,20%) ; 16% de déchirures simples versus 35,2%. Par contre, le nombre d’épisiotomies a été plus élevé dans le groupe acupuncture, 36% vs 23,2% en 2010 (figure 1).

Figure 1. Évaluation du périnée en fonction du poids.

Un autre facteur de risque de lésions périnéales est le périmètre crânien de l’enfant supérieur ou égal à 35cm. Plus de la moitié (58,33%) des patientes ayant donné naissance à un enfant de périmètre crânien supérieur à 35 centimètres ont conservé un périnée intact à l’issue de l’accouchement dans le groupe acupuncture versus 44,55% dans le groupe BD10 (figure 2).

Figure 2. Évaluation du périnée en fonction du périmètre crânien.

Malheureusement, les différences statistiquement significatives n’ont pas été calculées. Néanmoins, on peut considérer que chez ces femmes, l’acupuncture a suffisamment assoupli le périnée pour éviter les lésions accidentelles du périnée. Un essai contrôlé randomisé en double insu intéressant une population plus nombreuse pourrait confirmer ces résultats très prometteurs.

Le syndrome de Lacomme et acupuncture : étude prospective : évaluation de la douleur chez des femmes enceintes et traitement acupunctural 

Thaïs Richard et Marie Tavernier ont réalisé au centre hospitalier de Lens une étude clinique ouverte portant sur vingt et une patientes (douze multipares et neuf primipares) à terme compris entre 18+4 SA et 37+6 SA et présentant des symptômes type syndrome de Lacomme. Les critères de diagnostic étaient les suivants : douleurs symphysaires et/ou douleurs irradiantes dans le pli inguinal et toutes douleurs pouvant faire penser au syndrome de Lacomme. Deux points ont été poncturés : le Rn9 (zhubin) et ES44 (neiting) au cours de deux séances d’acupuncture de vingt minutes chacune espacées de huit à dix jours. Le critère de jugement était à l’échelle visuelle analogique (EVA) avant la séance, juste après et après la seconde séance. De manière générale, les résultats de l’étude montrent que les patientes sont soulagées par le traitement (tableau I). Plus particulièrement, après la première séance, 90% des patientes ont des douleurs qui diminuent lors de l’évaluation de l’EVA. La moitié des patientes soulagées n’ont quasiment plus aucune douleur après le traitement de la première séance (figure 3).

Tableau I : Résultats de l’EVA avant et après les séances.

 PARITÉTERMETERME de survenue des douleursEVA débutEVA après 1re séanceEVA après 2e séanceDURÉE entre les 2 séances (en jours)
13P30+2SA26SA88Perdue de vue6j
22P33+5SA33SA6427j
31P28+5SADébut de grossesse53Perdue de vue7j
41P35SA1/231SA5356j
51P30+1SA30SA7555j
61P2016SA60011j
72P30?80012j
81P2019SA60011j
92P3329SA8087j
102P34+5SA26SA8008j
112P1813SA4109j
121P18+4SA?7005j
132P35+1SA34SA6338j
144P24SA23+6SA5Non venue  
155P37+6SA37SA53Accouchement6j
163P34Sa32SA4108j
171p18+4SA15SA7105j
182P22SADébut de grossesse62015j
191P27SA26SA4227j
201P26 1/2SA25SA7309j
213P24 1/2244446j

Figure 3. Évaluation de la douleur après la première séance : amélioration 18 (90%), pas d’amélioration 2 (10%).

Après la deuxième séance, les résultats montrent que 75% des patientes sont soulagées après deux séances. Seules deux patientes, soit 10% de l’échantillon, ont une EVA qui ré-augmente par rapport à la valeur de départ. Les auteurs de l’étude se demandent si une troisième séance ou éventuellement des séances plus proches de la date d’apparition des douleurs auraient été bénéfiques. Bien que l’on puisse regretter que les critères objectifs de diagnostic du syndrome de Lacomme n’aient pas été utilisés comme le test de provocation de la douleur pelvienne, le test de « Patrick’s Faber etc.., tests permettant de diagnostiquer et de différencier les douleurs de la ceinture pelvienne des lombalgies basses, et qu’il n’y ait pas eu d’études statistiques, cet essai clinique montre tout l’intérêt de l’acupuncture dans le syndrome de Lacomme.

Pouls chinois et grossesse

L’intérêt de la prise des pouls (figure 4) au cours de la grossesse n’a pas échappé à Sandrine Huret et Emilie Bigotte lors de la soutenance de leur mémoire en 2012 intitulé « Pouls chinois et grossesse ». Après avoir réalisé une étude bibliographique sur l’intérêt diagnostique du pouls qualitatif et observé le pouls glissant hua physiologique de la grossesse traduisant l’apport supplémentaire de xue nécessaire à la croissance du fœtus, les auteurs se sont intéressées aux éléments de diagnostic apportés par le pouls quantitatif [4-6] lors de la grossesse normale. Notons que les auteurs ont choisi une terminologie de description des pouls bien spécifique au ressenti : état d’excès pour un pouls ample et fort ; état de vide pour un pouls en insuffisance, profond, fin et peu perçu.

Figure 4. La localisation des pouls radiaux selon George Soulié de Morant [[7]].

De janvier 2011 à mai 2011, une étude a été réalisée chez trente-huit patientes en consultation à la  maternité Saint Vincent de Paul à Lille ou en séances de préparation à la naissance en cabinet libéral. Sur trois périodes différentes (2et 3e trimestres de grossesse puis au-delà de 38SA à l’approche du terme) les pouls en excès et en vide ainsi que leur cinétique au fil de la grossesse ont été étudiés. Deux constatations se dégagent :

– Le pouls de Rate-Pancréas est observé en prédominance sur celui du Poumon, tous deux en excès par rapport aux autres pouls perçus dans les autres loges durant les 2e et 3e trimestres. Cette prédominance s’inverse nettement à partir de 38SA (figure 5).

Figure 5. Les pouls RP et P se distinguent étant tous deux en excès aux 2e et 3e trimestres et au-delà de 38SA. Mais notons la bascule de RP au profit de P au-delà de 38SA (pouls P davantage en excès chez 83,3% des cas versus 41,66% pour le pouls RP).

– La loge Rein/Vessie se retrouve souvent en vide au deuxième trimestre de la grossesse, vide qui s’accentue au troisième trimestre de la grossesse pour ensuite se normaliser dans les trois dernières semaines de grossesse (figure 6). 

Figure 6. Prédominance des pouls Rein et Vessie en vide (respectivement 80%et 60% des cas au cours du 2e trimestre. Les pouls Cœur, Intestin Grêle sont tous deux en vide dans 40% des cas alors que les pouls MC, TR et ES sont aussi en vide dans 20% des cas. Au 3e trimestre, le vide des Pouls Rein et Vessie persiste significativement dans 71,43% des cas pour chacun. Au-delà de 38SA, les pouls R et V persistent toujours en état de vide mais chez 33,33% des cas.

L’interprétation de cette cinétique des pouls Rate-Pancréas et Poumon pourrait trouver son explication dans le cycle des 5 mouvements énergétiques (figure 7) avec le passage de la phase de croissance à la phase de maturité durant les dix mois lunaires. Cette phase de maturité précède l’achèvement de la grossesse et l’accouchement [[8]].

Figure 7. Cinétique de l’évolution de la grossesse selon les mouvements du méridien de Foie lors du 1e mois de grossesse jusqu’au stade d’accouchement avec au 9e mois lunaire l’influence du Rein et au 10è celle du méridien de Vessie. 

Les auteurs constatent aussi que la bascule Rate-Pancréas vers le Poumon serait alors prédictive d’une mise en travail spontanée, physiologique qui s’observerait dans les trois semaines qui précèdent l’accouchement. A noter que ce travail confirme certains travaux [6,[9]].

Autre point que Sandrine Huret et Emilie Bigotte remarquent est la forte diminution du pourcentage de vide du pouls du Rein au-delà de 38 SA (33,33% des cas) qu’elles expliqueraient par le fait que le Rein est physiologiquement très important pour l’accouchement. Enfin, il est également noté que la loge Cœur/Intestin Grêle en vide de manière non négligeable (40% des cas) pourraient s’expliquer après étude des fiches des sept patientes concernées par une symptomatologie de fatigue et d’insomnie.

En conclusion, cette étude diagnostique de très faible niveau de preuve sans aucune étude statistique et biaisée sans doute par une certaine part de subjectivité, montre néanmoins tout l’intérêt de la sphygmologie dans le suivi de la grossesse. Espérons qu’elle soit suivie de nouvelles études diagnostiques de haute qualité méthodologique avec détermination des indices de sensibilité et de spécificité. Par exemple, on entend par test sensible la capacité de la bascule taiyin vers yangming à identifier correctement la mise en travail spontanée (une sensibilité à 100% ne donne aucun faux négatif) ; et test spécifique par la capacité de cette prise de pouls à identifier correctement la non-bascule du pouls parmi celles qui ne sont pas encore en travail spontané, bref qu’il n’y ait aucun faux positif.

Références

[1]. Décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes. [Consulté le 12 mars 2013].  Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019386996.

[2]. Arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes. [Consulté le 12 mars 2013].   Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021245638.

[3] . Brignol TN, Verta P. Une méthodologie basée sur l’OPC (objective performance criteria) est-elle valable pour prouver l’efficacité de l’acupuncture ? Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(3):204-206.

[4]. Lepron PA. Mouvement taiyin– yangming : « Là où tout se meut sans bouger ». Actes du 13° Congrès de la FA.FOR.MEC; 27-28 nov 2009; Lille, France. [Consulté le 12 mars 2013].  Available from: URL: http://www.acupuncture-medicale.org/faformec%20lille/

[5]. Schmidt A, Marion F, Lepron PA. Les pouls quantitatifs : intérêt en thérapeutique. Actes du 13° Congrès de la FA.FOR.MEC; 27-28 nov 2009; Lille, France.

[6]. Montaigne MH. Pouls quantitatifs taiyin yangming et yinbao  dans le suivi de grossesse. Actes du 13° Congrès de la FA.FOR.MEC; 27-28 nov 2009; Lille, France.

[7]. Soulié de Morant G. Précis de la vraie acuponcture chinoise. 2nd ed. Paris: Editions Mercure de France; 1971.

[8]. Eyssalet JM. Neuf mois, dix lunes, ou les règles hygiéno-diététiques de la grossesse, mois par mois, selon Ishimpo et d’autres classiques. Actes du 8e Congrès FA.FOR.MEC;26-27 nov 2004; Strasbourg, France. [Consulté le 12 mars 2013].  Available from: URL: http://www.acupuncture-medic.com/Congres/Strasbourg04/neuf%20mois%20dix%20lunes-strasbourg.pps

[9].  Guiraud-Sobral A. Manuel pratique d’acupuncture en obstétrique. 1e ed. Gap: Editions Désiris; 2012.

 Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes [[1]] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [[2]] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale. Voici trois nouvelles présentations de mémoire soutenus à Lille sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan.

Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Sanyinjiao et périnée, zhubin et neiting dans le syndrome de Lacomme, sphygmologie quantitative. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(2):147-151. (Version PDF)

Canal carpien, prise en charge de la montée laiteuse, variétés occipito-postérieures et travail

Demoiselles de Sigiriya – Sigirya – Ve siècle Sri Lanka (Ceylan)
Demoiselles de Sigiriya – Sigirya – Ve siècle Sri Lanka (Ceylan)

Les particularités du traitement du syndrome du canal carpien durant la grossesse

Le syndrome du canal carpien est une neuropathie compressive dont la prévalence varie de 21 à 59 % chez la femme enceinte selon les études. Il n’existe actuellement aucune prise en charge clairement établie. De ce fait, l’acupuncture apparaît comme une alternative possible, surtout qu’elle est déjà utilisée avec succès dans la population générale [5-7]. L’apparition du syndrome de canal carpien pendant la grossesse s’expliquerait par un phénomène de rétention d’eau avec œdème en regard du ligament annulaire du carpe, entraînant un phénomène compressif du nerf médian (figure 1).

Figure 1. Compression du nerf médian en regard du ligament annulaire du carpe chez la femme enceinte.

Une autre hypothèse mettrait en exergue la vulnérabilité particulière du nerf périphérique, liée à l’œdème de la gaine péri et épi-neurale sous l’effet des hormones, de la rétention d’eau et/ou de la carence en vitamine B6. Cliniquement, il a été remarqué que la symptomatologie du syndrome du canal carpien pendant la grossesse était différente de celle du syndrome du canal carpien idiopathique. En effet, la compression du nerf médian semble s’installer de façon aiguë ou subaiguë ; les paresthésies sont diurnes et s’accompagnent de phénomènes douloureux associées à une perte de force de préhension et de dextérité. Quoi qu’il en soit la plupart de ces syndromes s’améliorent spontanément après l’accouchement. La douleur diminue rapidement dans les premières semaines, mais des symptômes peuvent persister dans 50 % des cas un an après et dans 30 % des cas jusqu’à trois ans après l’accouchement. Patricia Gautier a donc réalisé une étude prospective au Centre Hospitalier de Douai du 29 juillet 2010 au 14 octobre 2011. Deux séances d’acupuncture d’une durée de vingt minutes, à une semaine d’intervalle ont été réalisées. Les critères de jugement principaux avec mesures par une échelle visuelle analogique (EVA) sont : l’évolution du caractère douloureux du syndrome du canal carpien ; l’évolution de la gêne occasionnée au quotidien ; l’évolution de l’intensité des symptômes. Les critères secondaires sont essentiellement l’évaluation de leur ressenti par rapport à l’acupuncture.  Ont été utilisés les points suivants : 7MC (daling) en dispersion pour vider le Méridien de son excès d’énergie ; 4MC (ximen) en tonification, car point xi, considéré donc comme point des affections aiguës ; 11GI (quchi), point qui fait circuler le qi, chasse le vent et l’humidité, équilibrant le Sang et l’Energie ; 10GI (shousanli) qui désobstrue le Méridien en facilitant la circulation.

Dix-neuf patientes de 24 à 39 ans ont été incluses. Le syndrome du canal carpien était bilatéral dans 78,95% avec présence d’œdèmes au niveau des mains dans 78,95%.

L’étude a montré que la première séance d’acupuncture a apporté une amélioration dans 89,47 % des cas, avec une amélioration la nuit pour 94,73 % et la journée pour 63,16 % (figure 2).

Figure 2. Évolution du caractère douloureux après les deux séances d’acupuncture.

La gêne ressentie diminue progressivement avec les séances d’acupuncture dans 63,7 % des cas. L’intensité des symptômes diminue progressivement avec les séances dans 68,42 % et reste stable dans 21,05 %. Sur un effectif de 18 patientes, 94,44% estiment avoir été soulagées par l’acupuncture, la patiente n’ayant pas été soulagée a été césarisée pour prééclampsie (figure 3).

Figure 3. Pourcentages de l’indice de satisfaction des patientes.

Bien sûr cette étude clinique sur une population faible est non randomisée, sans groupe en aveugle, sans utilisation d’aiguille placebo. Cependant, elle ouvre des perspectives intéressantes de traitement du canal carpien en obstétrique. Le soulagement est rapide, dès la première séance dans la majorité des cas ; de même le confort des patientes s’améliore avec le nombre de séances. Il serait intéressant donc de confirmer les résultats de cette étude préliminaire par un essai contrôlé randomisé de bonne qualité méthodologique avec des effectifs plus importants.

Action préventive de l’acupuncture dans l’atténuation des inconvénients de la montée laiteuse 

Même si les bénéfices de l’allaitement maternel sont connus, la décision finale d’allaiter ou pas appartient à la mère. En cas de refus, il est alors nécessaire de gérer la montée laiteuse physiologique. Pour l’éviter, la bromocriptine peut être prescrite. Cependant il existe de nombreuses contre-indications. Perrine Romion, Anne-Claire Hequet-Proy et Audrey Baratte ont donc choisi de s’intéresser à la prévention des inconvénients de la montée laiteuse par une seule et unique séance d’acupuncture réalisée au lendemain de l’accouchement.

Elles ont réalisé une étude de cohorte (n=149), prospective et comparative (groupe acupuncture n=102 ; groupe témoin n=47) qui s’est déroulée du 1er janvier au 1er avril 2010, à la maternité Jeanne de Flandre, dans le service de suites de couches

L’objectif principal de leur étude est d’évaluer si l’ensemble des points d’acupuncture choisis peut être considéré comme une prévention des inconvénients de la montée laiteuse chez les femmes non allaitantes et ayant une contre-indication à la bromocriptine. Les critères de jugements principaux sont la douleur (mesurée sur une échelle visuelle de 0 à 5) et l’intensité de la montée de lait. La cotation de la montée laiteuse (de 0 à 3) s’effectue de J1 à J5 selon les critères : force 0 signifiant aucune montée de lait ; force 1 : une simple augmentation du volume des seins (0 et 1 correspondant à une absence de montée de lait) ; 2 : une tension mammaire de moyenne intensité ; 3 : une tension mammaire très importante.

Après l’accouchement, on observe généralement deux tableaux cliniques selon la différenciation des syndromes (bianzheng) :

– Le vide de qi ou de Sang qui peut engendrer une absence d’écoulement de lait ou en faible abondance, aqueux et dilué. Les seins sont mous, non distendus et la patiente est pâle, fatiguée avec un pouls faible. Le principe du traitement est alors de tonifier le qi, nourrir le Sang, et de retenir les liquides.

– On peut aussi avoir Stagnation de qi donc Feu du Foie. L’écoulement de lait est épais, les seins sont distendus et douloureux, ainsi que les hypochondres. La patiente est irritable, insomniaque, se plaint de céphalées, de soif, d’amertume dans la bouche, et de constipation. Sa langue est rouge, plus rouge sur les bords, avec un enduit jaune. Son pouls est en corde et rapide. Le principe du traitement est d’apaiser le Foie et de drainer le Feu.

Comme il s’agit d’agir en préventif, le choix des points a été dicté dans le but d’éviter l’afflux de qi et la stase de yang aux seins, en le faisant circuler, et, d’harmoniser les méridiens Foie et Vésicule Biliaire tout en dispersant la chaleur et l’humidité. Les points ont été choisis selon ces principes : 37VB (guangming), 41VB (zulinqi), 6R (zhaohai), E44 (neiting).

Les résultats montrent que l’acupuncture est efficace sur la douleur de la montée de lait puisque 67,2% des patientes ayant reçu de l’acupuncture ont peu ou pas eu d’algies versus 52,4% des patientes dans le groupe témoin (figure 4).

Figure 4. Évaluation de la douleur dans le groupe acupuncture et el groupe témoin sans acupuncture avec cotation de 1 à 5 (5 étant un niveau de douleur maximum et 0 pas de douleur). 67,2% ont eu peu de douleur versus 52,4% dans le groupe témoin.

L’apparition de la montée laiteuse est moins forte dans le groupe acupuncture que dans celui témoin (figure 4).

Figure 5. Montée de lait effective par jour et selon les deux groupes.

En ce qui concerne l’intensité de la montée laiteuse, les auteurs observent une diminution de l’intensité de la montée laiteuse à partir de J2. Ainsi au 3e jour (J3) après l’accouchement, environ la moitié des patientes sous acupuncture (49%) ont une montée laiteuse cotée à 0 par rapport aux 31,9 % des patientes témoins. Pour les forces 1 et 2, les répartitions sont semblables : environ un quart des patientes pour chaque force (de 22,5 à 25,5%). Par contre, l’intensité de la montée laiteuse est de force 3 pour 4,9% de nos patientes avec acupuncture contre 19,1% des patientes témoins. Ainsi, seulement 27,5% de la population acupuncture a une montée de lait contre 42,5% pour la population témoin. De plus, cette montée laiteuse existante dans la population acupuncture est majoritairement de moindre intensité que celle de la population témoin (figure 6).

Figure 6. La montée laiteuse au 3e jour après l’accouchement selon les critères d’intensité.

On peut regretter néanmoins que cette étude manque de données statistiques exploitables pouvant objectiver une efficacité statistiquement significative entre les différents critères d’intensité, même si le graphique est parlant par exemple pour la force 3. Pour éviter la subjectivité de la cotation de la montée laiteuse, la mesure centimétrique du tour de poitrine prise de façon quotidienne aurait été intéressante. Cette étude clinique peut donc être considérée comme une étude préliminaire ouvrant la porte à un grand ECR.

Intérêt de l’acupuncture dans le traitement des variétés occipito-postérieures

La variété occipito-postérieure est une présentation céphalique dans laquelle l’occiput est situé en regard du sinus sacro-iliaque sur l’un des deux diamètres obliques du détroit supérieur du bassin (figure 7). Mais cette orientation de la tête fœtale peut entraîner une majoration des dystocies du travail et une augmentation des complications maternelles et fœtales si elles ne sont pas corrigées avant l’expulsion. Afin d’aider à la rotation de la tête fœtale, des traitements sont proposés en salle de naissance comme le renforcement du moteur utérin par une perfusion d’ocytocine ainsi que l’utilisation de postures.

Figure 7.  Les variétés postérieures : Occipito iliaque droite postérieure (OIDP) observées dans 33% des cas ; occipito iliaque gauche postérieure (OIGP) dans 6% des cas.

Clélia Capron et Élodie Hubert ont réalisé une étude prospective contrôlée non randomisée au bloc obstétrical du Centre Hospitalier de Douai (n=60) du 16 octobre 2011 au 16 mai 2012.

Le critère de jugement principal était d’améliorer la gestion du travail en termes de douleur, d’anxiété et d’aide à la rotation de la tête fœtale. Le critère secondaire était d’objectiver une action positive sur l’accouchement et les conséquences obstétricales et néonatales d’un travail ayant présenté une variété occipito-postérieure. Les critères d’inclusion à l’étude étaient : grossesse unique > 37SA, présentation céphalique, primipare ou multipare, un travail spontané, un déclenchement ou une maturation cervicale.

Les patientes ont été réparties en deux groupes durant le travail, mais sans randomisation : un groupe acupuncture (n=30), un groupe témoin (n=30).

Les points choisis se puncturent en trois temps au cours du travail (figure 8).

La première séance s’effectue dès le diagnostic de variété postérieure avec la puncture de 14F (qimen) et 32V (cialio) maintenus en place par un adhésif durant toute la durée du travail jusqu’à la délivrance ou la suture si besoin ; 7C (shenmen) et 9R (zhubin) pendant vingt minutes.

La deuxième séance se déroule dès que les contractions utérines (CU) sont régulières (toutes les 2-3 minutes) avec puncture des points 3F (taichong), 60V (kunlun) et 67V (zhiyin) pendant 20 minutes.

La troisième séance se fait à dilatation complète, le point 34VB (yanglingquan) est poncturé pendant vingt minutes.

Figure 8. Le protocole d’acupuncture suivi.

Les résultats montrent qu’il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes concernant la douleur (p=0,24) et l’anxiété (p=0,23). D’autre part, pas de différence significative non plus entre les deux groupes concernant la rotation des variétés postérieures. En effet, à la 3e séance, 48% des variétés deviennent antérieures et 52% restent postérieures dans le groupe acupuncture ; pour le groupe témoin, 59% des variétés deviennent antérieures, 41% restent postérieures. Il n’y a pas de différence significative (p=0,58) entre les deux groupes selon le test de Fisher (figure 9).

Figure 9. Pas de différence significative à la 2e (p=0,70) et 3e séance (p=0,58) entre les deux groupes concernant la rotation des variétés postérieures.

Si ce protocole d’acupuncture n’apporte aucune aide à la rotation de la tête fœtale par rapport au protocole du groupe témoin (p=0,58), on observe néanmoins qu’il a une action positive sur les critères secondaires de l’étude, à savoir l’accouchement et les conséquences obstétricales et néonatales (figure 10). On sait que la première conséquence des variétés postérieures est l’allongement de la durée du travail. Sa réduction était alors un bénéfice escompté de ce protocole. Il est observé, autant pour les primipares que pour les multipares, une durée moyenne du travail plus courte, non significative pour les primipares (p=0,21 ; test de Student) mais statistiquement significative chez les multipares (p=0,02). Chez les primipares et multipares, on note également une durée à dilatation complète inférieure dans le groupe acupuncture par rapport au groupe témoin. Cette différence est statistiquement significative (p=0,0002) dans le groupe des primipares (45 min avec acupuncture versus 1h48 dans le groupe témoin), mais pas dans le groupe des multipares (p=0,75).   

Figure 10. Les actions positives sur les critères secondaires de l’étude, à savoir réduction de la durée moyenne du travail et de la durée à dilatation complète.

En conclusion, cette étude non randomisée et sans mise en insu ouvre néanmoins la voie à de nouvelles études cliniques. Et même si la facilitation de la rotation n’a pas été validée, l’apport positif de l’acupuncture sur la dynamique du travail est prometteur. Une étude de plus grande puissance et de haute qualité méthodologique pourrait confirmer les tendances observées.

Références

[1]. Décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019386996.

[2]. Arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021245638.

[3]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(1):69-72.

[4]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Sanyinjiao et périnée, zhubin et neiting dans le syndrome de Lacomme, sphygmologie quantitative. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(2):147-151.

[5]. Stéphan JM. L’acupuncture dans le syndrome du canal carpien. Rôle du jing jin du Maître du Cœur.  Méridiens. 1997;108:181-192. 

[6]. Goret O. Conduite à tenir. Canal carpien ». Acupuncture et Moxibustion. 2006;5(1):62-64.

[7]. Goret O. Evaluation de l’acupuncture. Le traitement par laser-acupuncture associée au TENS est efficace dans le syndrome du canal carpien. Acupuncture et Moxibustion. 2006;5(2):158-161.

Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes [[1]] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [[2]] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale. Voici trois nouvelles présentations de mémoires soutenus à Lille en 2012 sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan, faisant suite aux travaux précédemment décrits [[3],[4]] et montrant que la recherche clinique réalisée par nos étudiantes et sous contrôle de leur chef de service obstétricien ne s’essouffle pas.

Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Canal carpien, prise en charge de la montée laiteuse, variétés occipito-postérieures et travail. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(3):240-245. (Version PDF)

Baihui et poussée hémorroïdaire post-partum ; qualité de vie et douleurs dans le syndrome de Lacomme

Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages- femmes [1] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [2] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale.
Voici une nouvelle présentation de mémoire soutenu à Lille en 2019 sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan, faisant suite aux travaux précédemment décrits [3-5] et montrant que la recherche clinique réalisée par nos étudiantes et sous contrôle de leur chef de service obstétricien ne s’essouffle pas.

Jeune fille allongée – 1751 – François Boucher – Musée Wallraf Richartz – Cologne – Rhénanie-du-Nord-Westphalie- Allemagne
Jeune fille allongée – 1751 – François Boucher – Musée Wallraf Richartz – Cologne – Rhénanie-du-Nord-Westphalie- Allemagne

Etude du point baihui (20DM) dans le traitement de la poussée hémorroïdaire du post-partum

Du 01 décembre 2010 au 31 mars 2011, au sein de la maternité de niveau III du Centre Hospitalier de Calais, Mireille Bailly, Pascale Ponthieu et Caroline Vandenbilcke ont réalisé une étude prospective non randomisée dans laquelle les patientes étaient leur propre témoin. L’objectif de cette étude a été d’évaluer l’intérêt et l’efficacité de l’acupuncture dans les douleurs des poussées hémorroïdaires du post-partum et ceci notamment par la puncture unique du point baihui (20VG). La prise en charge de la crise hémorroïdaire du post-partum est mentionnée par Rempp [[6]] et n’a pas été étudiée dans la littérature dans ce cadre même. Ces hémorroïdes surviennent selon la différenciation des syndromes bianzheng par :

– Stase de qi et de Sang, pouvant évoluer vers un amas de Sang, lié le plus souvent en médecine traditionnelle chinoise à une perturbation des sept sentiments. En effet, le post-partum est une période délicate sur le plan psychique pour la jeune mère ;

 – Vide de qi de Rate qui peut induire un Vide de Sang (lié aux pertes de sang et de liquide de l’accouchement).

Le protocole d’étude choisi, consiste donc en la puncture du point 20VG durant une durée de quinze à vingt minutes, durant lesquelles l’aiguille est moxée cinq fois. La séance est conduite quatre à douze heures après l’accouchement. Ce délai permet de dépasser l’analgésie supposée de la péridurale tout en ne retardant pas la prise d’un traitement allopathique éventuellement nécessaire. Les analyses statistiques ont été réalisées au vu du petit échantillon de l’étude avec le test de Wilcoxon apparié. Vingt-quatre patientes (âge moyen : 29 ans et 6 mois) ont été incluses. La population étudiée se comporte de dix primipares, soit 41,6%. 79% des patientes ont expulsées spontanément ; pour les autres la naissance a nécessité une extraction instrumentale. Le poids moyen des bébés est de 3430g.

Au niveau du périnée, 33% des patientes n’ont pas de lésions périnéales. Dans le restant de l’échantillon, on retrouve 45% de déchirures et 12% d’épisiotomie. Les auteurs de l’étude notent que 37,5% des patientes de l’échantillon déclarent souffrir de constipation chronique et 50% d’entres-elles de constipation de fin de grossesse.

Le critère principal de la douleur a été évalué grâce à l’échelle numérique (EN) cotée de 0 à 10, échelle qui diffère de l’échelle visuelle analogique (EVA) par l’absence de visualisation de la réglette. Seules vingt patientes ont pu être étudiées du fait que les questionnaires de début de l’étude ont été mal remplis.

Les résultats montrent que neuf patientes sur vingt (45%) n’ont pas ressenti d’amélioration de la douleur. Néanmoins pour les autres, 20VG réduit la douleur de manière statistiquement significative (p=0,01) (figure 1).

Figure 1. Evaluation de la douleur par Echelle Numérique avant et après puncture. On observe une réduction de la moyenne de l’EN de 25,4% (5,7→ 4,25).

Les critères secondaires étudiés : étude du prurit et de la pesanteur, étude de la gêne occasionnée en différentes positions (gêne en décubitus dorsal, en position assise ou à la marche) ne montrent pas d’amélioration significative.

En conclusion, cette étude tout à fait novatrice offre des possibilités thérapeutiques intéressantes, surtout que le choix d’un point unique et à distance du périnée permet une bonne acceptabilité du traitement par les patientes. Il ne reste plus qu’à réaliser un ECR de haute qualité méthodologique en double insu afin de confirmer l’efficacité de l’acupuncture.

 

Traitement par acupuncture du syndrome de Lacomme

Après l’étude de Thaïs Richard et Marie Tavernier réalisée au centre hospitalier de Lens et concernant l’action de l’acupuncture dans la douleur du syndrome de Lacomme [4], Pascale Faidherbe et Patricia Pilia ont approfondi le sujet en s’intéressant, outre à la douleur, à l’incapacité dans l’exécution de cinq activités quotidiennes.  Il ne s’agit pas d’un essai contrôlé randomisé (ECR) en insu mais d’une petite étude prospective réalisée du 16/09/2011 au 25/05/2012 à la maternité du centre hospitalier de Douai. Elle a porté sur trente femmes (moyenne d’âge de 29,1 ans ; 64,5% de multipares pour 35,5 de primipares) dont le terme moyen de la prise en charge acupuncturale était de 32 semaines d’aménorrhée (32SA). La présence de signes fonctionnels et physiques dont le toucher vaginal a été recherchée lors de la consultation d’inclusion (figure 2). Les critères d’exclusion de l’étude étaient essentiellement les douleurs postérieures associées de type de lombosciatalgies.

Figure 2.  Les signes physiquesPremier schéma : % de douleurs pubiennes si femme penchée en avant ; deuxième schéma : douleurs au palper au-dessus de la symphyse pubienne ; troisième schéma : douleurs à la traction des releveurs lors du toucher vaginal.

Deux points ont été poncturés sans manipulation : le Rn9 (zhubin) et ES44 (neiting) au cours de deux séances d’acupuncture de quinze minutes chacune espacées de huit jours. Le critère de jugement était l’évaluation de la douleur à l’échelle visuelle analogique (EVA) avant la séance, juste après et après la seconde séance. On observe une amélioration de la douleur dans 70% des cas dès la première séance et de 82% après la deuxième séance. Ces résultats sont similaires à ceux observés dans l’étude prospective de Richard et Tavernier (figure 3).

Figure 3. Après la 1re séance, 70% des patientes ont été soulagées, 20% n’ont pas eu d’amélioration, 10% ont eu une augmentation de la douleur. Après la seconde séance, 82% ont eu une baisse de leur douleur, 11% n’ont pas eu d’amélioration, 7% ont eu une augmentation de la douleur.

Le deuxième critère de jugement de l’acupuncture dans le syndrome de Lacomme a été la mesure de l’incapacité ou de la gêne dans l’exécution des activités quotidiennes à la marche, lors des travaux ménagers, en montant les escaliers, au changement de position dans le lit, au lever d’une chaise ou d’un lit. Par un petit questionnaire permettant d’évaluer cette gêne par des items (aucune, faible, moyenne, intense, très intense), il a été objectivé qu’après une séance, l’intensité de la gêne diminuait de 38,2% et de 68,9% après la seconde consultation (figure 4).

Figure 4. Variations de cette gêne après chaque séance. Le 0% correspond à aucune variation de la gêne, les valeurs négatives à une baisse de l’intensité. Après la 1re séance, la gêne au quotidien évaluée de «intense à très intense» a diminué de 38,2% ( 28,5% + 9,7%). Après la 2séance, la gêne évaluée de « moyen à très intense» a diminué de 68,9% ( 9,7%+30,9% +28,3%). Cette diminution est répercutée en intensité faible (33,2%) et nulle (35,7%).

Cette petite étude prospective, comme la précédente, souffre d’une méthodologie insuffisante : population faible, pas de groupe en insu, pas d’études statistiques etc. Quoi qu’il en soit, elle apporte un léger plus par rapport à celle de Richard et Tavernier, car elle identifie mieux le syndrome et s’intéresse à l’incapacité occasionnée. Et ce travail réalisé dans le cadre d’un mémoire de DIU Acupuncture Obstétrique conforte encore l’idée que l’acupuncture réalisée par nos sages-femmes apporte un bénéfice non négligeable aux femmes enceintes. Néanmoins, il faudra attendre encore les résultats d’un ECR respectant les normes STRICTA qui s’appliquent aux ECR d’acupuncture, extension de la norme CONSORT [[7]] pour que le développement de l’acupuncture se fasse dans toutes les maternités de France.

Références

[1]. Décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019386996.

[2]. Arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021245638.

[3]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(1):69-72.

[4]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Sanyinjiao et périnée, zhubin et neiting dans le syndrome de Lacomme, sphygmologie quantitative. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(2):147-151.

[5]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Canal carpien, prise en charge de la montée laiteuse, variétés occipito-postérieures et travail. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(3):240-245.

[6]. Rempp C, Bigler A. La pratique de l’acupuncture en obstétrique. Paris: Ed. La Tisserande; 1992.

[7]. MacPherson H, Altman DG, Hammerschlag R, Youping L, Taixiang W, White A, Moher D. STRICTA Revision Group. Revised STandards for Reporting Interventions in Clinical Trials of Acupuncture (STRICTA): extending the CONSORT statement. PLoS Med. 2010;7(6): e1000261. doi: 10.1371/journal.pmed.1000261

Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Baihui et poussée hémorroïdaire post-partum ; qualité de vie et douleurs dans le syndrome de Lacomme. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(4):330-332. (Version PDF)

Pré-éclampsie, qimen et valeur diagnostique dans les dystocies cervicales

Cholon – Saigon – Ho Chi Minh -Vietnam

Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes [[1]] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [[2]] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale. Voici deux nouvelles présentations de mémoires soutenus à Lille en 2012 et 2013 sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan, faisant suite aux travaux précédemment décrits [3-6] et montrant que la recherche clinique réalisée par nos étudiantes et sous contrôle de leur chef de service obstétricien ne s’essouffle pas.

Cholon - Saigon - Ho Chi Minh -Vietnam
Cholon – Saigon – Ho Chi Minh -Vietnam

Pré-éclampsie et acupuncture. Étude d’un cas clinique

La pré-éclampsie représente l’une des premières causes de mortalité maternelle dans les pays développés. Son traitement final demeure l’arrêt de la grossesse et la délivrance du placenta.

L’hospitalisation est nécessaire devant toute pré-éclampsie afin d’évaluer l’état maternel et fœtal. On classera alors la maladie en forme sévère ou modérée et on orientera la prise en charge en fonction du terme. L’incidence de l’hypertension gravidique est estimée entre 10 et 15% des grossesses en Europe et aux Etats-Unis. La pré-éclampsie modérée est observée dans 2% des grossesses, la forme sévère dans 0,6%, l’éclampsie survenant dans 0,1 % des grossesses.

On retrouve une mortalité maternelle de 0,1 à 5 pour 1 000 cas quand il existe une pré-éclampsie et jusqu’à 5 % en cas d’éclampsie (crise convulsive).

Le traitement de la pré-éclampsie modérée comporte une médication anti-hypertensive (nicardipine, labétolol, etc.), un remplissage vasculaire, une prévention de la crise d’éclampsie (sulfate de magnésium). Le contrôle clinique est quotidien avec une prise tensionnelle toutes les quatre heures, une recherche des signes fonctionnels, un contrôle quotidien du poids et de la diurèse. Le bilan biologique, qui recherche les signes d’hémolyse, les troubles de coagulation, une cytolyse et qui permet de dépister les complications sévères, est pratiqué tous les deux jours, plus fréquemment en cas de détérioration. La surveillance fœtale comporte une surveillance du rythme cardiaque foetal (deux à trois fois/jour), une évaluation quotidienne des mouvements actifs, une échographie deux fois par semaine, avec quantité de liquide et doppler de l’artère ombilicale, une biométrie toutes les deux semaines.

La pré-éclampsie se complique d’un HELLP syndrome dans 5 à 10% des cas (Hémolysis, Elevated Liver enzymes, Low Plaquettes). La crise d’éclampsie est retrouvée dans 1% des pré-éclampsies mais concerne 6 à 12% des cas de HELLP syndrome.

La pré-éclampsie sera qualifiée de sévère lorsque l’un des critères suivants existera :

-une pression artérielle supérieure à 160/110 ;

-une éclampsie ou un œdème aigu pulmonaire ;

-une céphalée persistante ou des troubles visuels ou une barre épigastrique ;

-une oligurie inférieure à 500 ml/24heures ou une protéinurie supérieure à 5 g/24h ;

-une élévation des transaminases (x 2) ;

-une élévation de la créatinine ;

-une hémolyse (présence de schizocytes, ou des LDH supérieurs à 600 UI/l, ou une bilirubine totale supérieure à 1.2mg/dl), une thrombopénie (inférieure à 100 000 UI/l) ;

-un retard de croissance intra-utérin sévère, un oligoamnios.

Au sein de la maternité de niveau III du Centre Hospitalier de Calais, Mireille Bailly, Pascale Ponthieu et Caroline Vandenbilcke ont été confrontées justement à une situation préoccupante ayant eu une évolution surprenante chez une patiente présentant une pré-éclampsie sévère et précoce où le risque materno-foetal était majeur. Face au développement de cette pathologie de pronostic grave, la médecine occidentale se trouve parfois en défaut de traitement. La prise en charge a alors pour but de limiter l’évolution de la pathologie et d’en surveiller le degré de gravité afin d’intervenir dès que l’équilibre materno-foetal n’est plus tolérable. L’apparition de cette pathologie a été analysée selon la médecine chinoise et un protocole a été mis en place en accord avec la patiente visant à un accompagnement global de sa grossesse par acupuncture.

Cas clinique d’une patiente de 41 ans

Sixième geste, primipare, Madame G présente une grossesse obtenue par don d’ovocyte pour insuffisance ovarienne, après deux fausses couches spontanées, trois grossesses extra-utérines ayant nécessité une salpingectomie bilatérale.

Pour cette grossesse, il a été mis en évidence à 22 semaines d’aménorrhée (SA) un retard de croissance intra-utérin (RCIU) sévère (inférieur au 3e percentile), avec oligoamnios. La patiente est transférée au CH de Calais, à 22 SA et 4 jours pour pré-éclampsie précoce sévère et sauvetage maternel.

A l’admission, l’hypertension artérielle se révèle normal.

La surveillance échographique du fœtus montre un RCIU majeur avec un poids fœtal estimé à 315 g à l’admission (le 50e percentile de ce terme estime un poids à 550g), un oligoamnios sans rupture prématurée associée. Par ailleurs, les dopplers sont retrouvés normaux. Les échographies ultérieures ne montrent pas d’amélioration.

Démarche diagnostique selon la Médecine Chinoise

Le cas de Mme G a sensibilisé l’équipe toute entière de la maternité. Peu ou pas  d’espoir d’arriver à un terme et un poids foetal suffisant pour permettre une prise en charge pédiatrique du bébé.

Et c’est dans ce contexte que Mireille Bailly, Pascale Ponthieu et Caroline Vandenbilcke ont proposé une approche acupuncturale complémentaire. Au vu de ses antécédents obstétricaux chargés, de sa pathologie et de l’examen clinique selon la Médecine Chinoise, un Vide de qi du Rein est diagnostiqué. En effet, les pouls radiaux sont faibles au niveau de la loge Rein et les points mu du Rein (jingmen : 25VB) et du Foie (qimen : 14F) sont retrouvés sensibles. D’autre part, Mme G a aussi montré une volonté, voire une obstination à poursuivre cette grossesse malgré les risques encourus, qui a pu contribuer à l’épuisement de la loge Rénale. Or, le jing du Rein contrôle toutes les étapes de la vie.

Les Reins sont aussi la racine du yin et du yang du corps, des Organes et des Entrailles. Plus précisémentle yin du Rein nourrit le yin du Foie et aide ce dernier à contrôler le yang du Foie. Un Vide de yin du Rein entraîne secondairement un Vide de yin du Foie, responsable d’une montée du yang du Foie. Sur le plan clinique, on peut considérer qu’un Vide de Rein peut être à l’origine de pré-éclampsie, d’oligurie, d’œdèmes et d’insomnies par échappement du shoushaoyin. La loge Foie sera également en déficit. Tout d’abord par épuisement du yin des Reins « mère qui nourrit mal son fils » et également dans ce cas clinique par excès de sollicitation de sentiments. La symptomatologie liée à la loge Foie sera alors insomnies, barre épigastrique et biologiquement l’élévation des enzymes hépatiques. La loge Rate/Estomac est également déficiente. Ceci s’explique par le cycle ko (attaque par la loge Foie). On peut souligner l’importance de la rumination des soucis pour cette patiente. Les symptômes se manifestent par le RCIU sévère touchant le fœtus et les œdèmes maternels par stagnation d’Humidité.

Protocole thérapeutique

La première séance, le 9 mai, combine les points suivants : 9Rn, 9F, 3Rn, 7Rn, 7C, 2F, 25VB, 14F et 23VE.

Les objectifs lors de cette première séance étaient :

-de tonifier le Rein (par le 3R, 7R, 9R, 23V, 25VB)

-d’apaiser le shen par le 7C

-de calmer le yang du Foie par le 2F, 14F

-de soutenir le fœtus en souffrance par le 9F et le 9R.

A la date du 10 mai, une nouvelle séance était proposée pour améliorer le bien-être de la patiente et traiter son anxiété. Mme G bénéficiait donc de la combinaison suivante : 4RP, 6MC, 8RP, 7C, 9F.

Le 23 mai, Mme G bénéficiait d’une nouvelle séance qui reprenait la première combinaison de points.

Le 29 mai, idem hormis le 14F et le 25VB qui étaient devenus silencieux à l’examen.

Le 13 juin : 3RP, 4RP, 21RP, 20V et 13F pour agir sur le zutaiyin afin d’optimiser la croissance du fœtus.

Le 24 juin ces derniers points étaient repris une nouvelle fois.

Résultats

Après la première séance, l’échographie retrouvait une quantité de liquide normale et cela jusqu’à la fin de la grossesse. La croissance fœtale, bien que très inférieure à la normale est restée constante.

Au niveau de la biologie, les transaminases se normalisent définitivement (figure 1).

Figure 1. Évolution des transaminases.

La protéinurie baisse également après les premières séances d’acupuncture (figure 2).

Figure 2.  Baisse de la protéinurie après les séances d’acupuncture, de façon très nette suite aux deux premières.

L’équipe médicale notait une pré-éclampsie à évolution exceptionnelle et le 27 juin, au terme de 31 SA et 5 jours, devant des anomalies du RCF, une césarienne était réalisée permettant la naissance d’une petite fille de 1050g criant de suite.

En définitive, l’étude de ce dossier met en exergue l’usage de l’acupuncture en synergie avec la médecine occidentale, dans ce que l’on peut considérer comme de la médecine intégrative.

Il est évident que l’étude d’un seul cas ne permet pas de prouver que l’acupuncture améliore ou stabilise la pathologie de la patiente pour faire évoluer la grossesse jusqu’à un terme de 32 SA. Des essais contrôlés randomisés (ECR), gold standard en ce qui concerne les essais cliniques seraient nécessaires. Néanmoins d’un point de vue éthique, un ECR n’est pas possible dans ce type de pathologie et il faudrait davantage d’études de cas ou de type cas/témoin pour considérer que la prise en charge par l’acupuncture est bénéfique en cas de pré-éclampsie.

Saïgon – Cholon – Vietnam
Saïgon – Cholon – Vietnam

Qimen & dystocies cervicales

Gwladys Aubert et Nathalie Mason, sages-femmes dans une maternité à Tournai (Belgique), particulièrement confrontées aux difficultés rencontrées lors du travail d’accouchement se sont interrogées sur l’existence d’un moyen d’anticiper la survenue de la dystocie cervicale menant le plus souvent à la césarienne.

La dystocie cervicale désigne les anomalies situées au niveau du col, ce qui entraîne une dilatation dysharmonieuse de celui-ci. Ces anomalies peuvent être fonctionnelles ou anatomiques. Le diagnostic de dystocie cervicale est posé en travail après deux heures d’arrêt de dilatation. Avant de parler de dystocie cervicale, il est d’abord nécessaire de s’assurer du « bon moteur utérin » et d’une sollicitation suffisante du col par le mobile utérin. Les causes de dystocie cervicale sont multiples : anomalie au niveau du col utérin (cicatrice, fibrome, allongement hypertrophique, hymen cervical ou agglutination du col), défaut de maturation cervicale, persistance de la rétroversion utérine, anomalie d’ampliation du segment inférieur (fréquent pour les utérus cicatriciels), spasme du col utérin, présentation postérieures et bien sûr toutes les dystocies mécaniques (anomalie de bassin, macrosomie, etc.) pour lesquelles la césarienne est la seule solution.

Les dystocies entravent le bon déroulement du travail d’accouchement et allongent donc sa durée. Ce qui a un impact néfaste tant sur le fœtus (anomalies du RCF, score d’APGAR <6, diminution du pH à la naissance ainsi qu’une augmentation des prises en charge par les équipes néonatales) que sur la parturiente (fatigue, douleur, risque d’infection, hémorragie).

La solution devant une souffrance fœtale aigüe pour cause d’arrêt de dilatation est le plus souvent une césarienne en urgence. Ce qui engendre fréquemment un traumatisme pour le couple qui a une vision idyllique de la naissance de leur enfant.

De ce fait, il peut être intéressant d’avoir un outil diagnostique et prédictif supplémentaire comme la palpation du 14F (qimen).

Physiopathologie

La dystocie cervicale peut être considérée comme une dysharmonie entre le qi et le Sang. Deux tableaux cliniques sont décrits : la déficience du qi et du Sang et la stagnation du qi et du Sang.

Vide de qi et de Sang

Les causes sont : constitution physique faible, surmenage, maladie pendant la grossesse, multiparité, rupture prématurée des membranes, efforts trop précoces ou trop importants à l’accouchement (entraînant un épuisement du qi). Ce type de dystocie se rencontre au cours de la deuxième phase de dilatation notamment chez les multipares à l’utérus trop lâche ou les primipares dont le travail dure trop longtemps. Les symptômes sont une hypocinésie de fréquence et d’intensité des contractions utérines, des douleurs lombaires, une asthénie, une lassitude, le souffle court, des palpitations. Le teint est pâle, tout comme la langue qui peut en outre être gonflée et tremblante ; le pouls est fin (xi) et faible (ruo). Le principe du traitement est de tonifier le qi et le Sang.

Stagnation du qi et du Sang

On la rencontre au cours de la première phase de dilatation, le plus souvent chez une primipare ayant une appréhension de l’accouchement. Les symptômes sont une hypercinésie ou une hypertonie utérine, des contractions très douloureuses irradiant dans les lombes, un col épais spasmé, oedématié. On retrouve aussi une oppression thoracique, des éructations et nausées, un esprit déprimé ou agité, un ballonnement épigastrique et abdominal, des vertiges. La langue est rouge avec enduit lingual central blanc ou jaune et gras. Le pouls est tendu en corde (xian) et rapide (shu), glissant à la barrière (hua). Le principe du traitement est de régulariser le qi, vivifier le Sang et chasser la stagnation. C’est dans ce type de dystocie que la palpation du qimen aurait tout son intérêt. Et puncturer le 14F permettrait ainsi d’agir dans le but de rééquilibrer la loge Foie qui assure la régulation du qi, qui renferme et conserve le Sang.

Etude diagnostique

Gwladys Aubert et Nathalie Mason ont débuté leur étude en février 2012 pour s’achever en mai 2013, soit une durée de quatorze mois d’observation. Quarante-cinq patientes en grossesse unique entrées en début de travail ont été étudiées, toutes entre 37 à 41SA (figure 3). Le palper du 14F a été réalisé de façon bilatérale. Le qimen est considéré positif s’il est douloureux. Afin de ne pas influencer le déroulement normal du travail, il n’est pas divulgué les conséquences possibles du résultat à la patiente.

Figure 3. Répartition de la parité : 62% de multipares dont 9% aux antécédents de césarienne.

La survenue d’un accouchement dystocique survient chez 31% des femmes dans cette étude (sont considérés comme dystociques tous les accouchements instrumentalisés ou les césariennes non programmées). Ces chiffres ont été comparés avec les données périnatales recueillies en Wallonie pour l’année 2010. On retrouve un pourcentage d’accouchement dystocique (31,1%) assez similaire au taux recensé en Wallonie (27,5%).

L’étude de la valeur diagnostique du dépistage passe par le calcul de la spécificité SP=VN/(FP+VN) qui correspond à la probabilité calculée en pourcentage que le signe soit absent chez les individus non atteints par la maladie recherchée ; par la sensibilité SE=VP/(VP+VN) qui est la probabilité que le signe soit présent chez les individus atteints par la maladie recherchée (tableau I).

Tableau I. Résultats de la recherche du 14F en fonction de la présence ou pas de la dystocie.

 Accouchement dystociqueAccouchement eutocique
Qimen + (présent)11 vrais positifs (VP)individus atteints chez lesquels le signe est présent5 faux positifs (FP)le signe est présent et les individus ne sont pas atteints.
Qimen – (absent)3 faux négatifs (FN) individus atteints chez lesquels le signe est absent26 vrais négatifs (VN)le signe est absent et les individus ne sont pas atteints.

La spécificité SP est égale à 83,87% ; la sensibilité SE = 78,57%. La valeur prédictive du signe est positive à 68,75%, probabilité que le diagnostic soit vrai si le signe est présent. La valeur prédictive est négative à 89,66%, probabilité que le diagnostic soit faux si le signe est absent. L’indice de Youden = (sensibilité + spécificité – 1) est calculé à 0,62. Si cet indice négatif, alors le test est inefficace alors qu’il sera efficace s’il se rapproche du 1. Le coefficient de Q de Yule est calculé à 0,9 ; ce qui correspond à une très forte intensité de la liaison entre les deux variables (maladie/signe). Enfin le calcul du X² (Khi carré) est égal à 16,41 correspondant à une liaison statistiquement significative entre la maladie et le signe, avec moins de 5% de chances que la distribution résulte de hasard.

Bref, tous ces calculs médico-statistiques permettent d’évaluer la valeur diagnostique du qimen sensible lors d’une dystocie.

Et malgré le nombre restreint de patientes étudiées, cette étude a permis de mettre en évidence la fiabilité de ce pronostic. En effet, un qimen positif peut faire craindre une dystocie importante lors du travail ou de l’accouchement. Il sera donc intéressant de lever la stagnation du Foie dès la fin de grossesse ou le début du travail.

En conclusion, ce travail offre de nouvelles perspectives de diagnostic et de pronostic, mais à confirmer par de nouveaux essais de plus grande puissance, et en se comparant à un test de référence.   

 Références

[1]. Décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019386996.

[2]. Arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021245638.

[3]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(1):69-72.

[4]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Sanyinjiao et périnée, zhubin et neiting dans le syndrome de Lacomme, sphygmologie quantitative. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(2):147-151.

[5]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Canal carpien, prise en charge de la montée laiteuse, variétés occipito-postérieures et travail. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(3):240-245.

[6]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Baihui et poussée hémorroïdaire post-partum ; qualité de vie et douleurs dans le syndrome de Lacomme. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(4):330-332.

Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Pré-éclampsie, qimen et valeur diagnostique dans les dystocies cervicales. Acupuncture & Moxibustion. 2014;13(2):138-143. (Version PDF)

Délivrance et cholestase gravidique

Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages- femmes [1] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [2] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale. Voici une nouvelle présentation de mémoire soutenu à Lille en 2019 sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan, faisant suite aux travaux précédemment décrits [3-7] et montrant que la recherche clinique réalisée par nos étudiantes et sous contrôle de leur chef de service obstétricien ne s’essouffle pas.

Prison – Public Goal – (1772) Williamsburg – Virginie – USA
Prison – Public Goal – (1772) Williamsburg – Virginie – USA

La délivrance favorisée par acupuncture. Étude de 29 cas à la maternité Paul Gellé à Roubaix

 

L’hémorragie de la délivrance est une complication redoutable de l’accouchement qui peut mettre en jeu le pronostic vital de la mère (première cause de décès maternel). Pour la prévenir, on réalise pour les patientes à risque, une délivrance dirigée qui consiste en une injection lente de 5 UI d’ocytocine en intraveineux lors du dégagement de l’épaule antérieure. Cette méthode est devenue systématique même pour les patientes sans risque particulier. A une période où l’on parle d’ « hypermédicalisation » et de « retour au naturel », il est paru intéressant à Caroline Dumortier et Sandra Mollet d’étudier une alternative utilisant l’acupuncture.

Peu d’études existent dans la littérature sur l’effet de l’acupuncture lors de la délivrance [8-10]. De ce fait, les auteurs ont donc pris contact avec une quinzaine de maternités réparties sur tout le territoire français (Strasbourg, Rouen, Lille, Brest, Paris, Lens etc.), mais aussi au Canada. Après un entretien téléphonique avec les sages-femmes de ces différentes structures, il apparaît que l’acupuncture n’est pas ou peu utilisée dans le cadre de la délivrance. Les raisons évoquées sont le manque de temps et la difficulté à choisir les points les plus adaptés.

De ce fait, pour la réalisation de leur étude clinique, Caroline Dumortier et Sandra Mollet ont choisi d’utiliser la combinaison de deux points : 6Rt (sanyinjiao) et 16Rn (huangshu) piqués le plus tôt possible (après clampage du cordon).

L’étude réalisée du 1 octobre 2012 au 31 janvier 2013 utilise la méthodologie de type OPC (objective performance criteria ou critère objectif de performance) [[11]]. Celle-ci permet de comparer l’action de l’acupuncture versus l’action de la délivrance dirigée grâce à la norme standard dérivée des résultats d’essais cliniques publiés et étudiés par la Cochrane Collaboration, servant ainsi de substitut au groupe témoin traditionnel [[12]].

Les critères de jugement de l’étude sont : délai entre l’accouchement et la délivrance ; réduction de la quantité des saignements et donc du nombre d’hémorragies de la délivrance et enfin le nombre de délivrance artificielle. Vingt-neuf femmes ont participé à cette étude.

Les résultats

Délai entre l’accouchement et la délivrance

Grâce à la délivrance dirigée, le délai est estimé à moins de 10 minutes. Cette valeur est la même que celle retrouvée dans la base de données Cochrane de 2001 révisée en 2004 [12]. La littérature évalue à 30 minutes le délai à partir duquel il est nécessaire d’agir si la délivrance n’a pas eu lieu, dans le cas où il n’y a pas eu de moyens mis en œuvre pour en raccourcir le délai.

Dans cet échantillon de patientes ayant bénéficié de la méthode acupuncturale, la délivrance la plus longue est de 13 minutes, avec un délai moyen relevé à 7 mn 23’’. Il n’y a pas de différence statistiquement significative entre la délivrance favorisée par acupuncture et la délivrance dirigée par ocytocyne (test χ2, p>0,05). Donc l’utilisation de l’acupuncture est aussi efficace que la méthode médicamenteuse.

Quantité des saignements et nombre d’hémorragies de la délivrance

La Cochrane Collaboration en 2004 et à nouveau mise à jour en octobre 2009 (sept ECR n>3000) [12] met en évidence qu’il y a moins d’hémorragies de la délivrance (cliniquement caractérisées par une quantité des saignements supérieure ou égale à 500 ml) en injectant de manière prophylactique l’ocytocine (risque relatif (RR) pour la perte de sang supérieure à 500 ml = 0,50 ; intervalle de confiance (IC à 95% = 0,43 à 0,59) comparativement à aucun traitement. Par ailleurs, la quantité moyenne de perte hémorragique est de 374 ml contre 548 ml dans le groupe contrôle selon un ECR notifié dans la Cochrane Collaboration.

Dans l’échantillon des vingt-neuf patientes, une seule a présenté une hémorragie de la délivrance avec des saignements estimés à 550 ml.  La quantité moyenne de saignements en postpartum immédiat est de 210 ml (figure 1).

Figure 1. Quantité moyenne des hémorragies (210 ml) ; une seule sur les 29 patientes : 550 ml.

Nombre de délivrance artificielle

Au début de la délivrance dirigée, la crainte de nombreux praticiens était de favoriser la rétention placentaire en accentuant la rétraction utérine par l’injection d’ocytocine. La Cochrane Collaboration n’objective pas d’augmentation de délivrance artificielle chez les patientes ayant eu une injection d’ocytocine. De la même façon, cette petite étude ne retrouve aucune délivrance artificielle chez les vingt-neuf patientes ayant bénéficié de la méthode acupuncturale.

En conclusion, il peut paraître intéressant d’utiliser l’acupuncture dans la délivrance, à la condition que cette étude soit confirmée par un essai contrôlé randomisé de bonne qualité méthodologique avec des effectifs plus importants. En cas de confirmation par une étude de méthodologie type OPC, il s’agira aussi de réactualiser à la lumière des dernières données de la Cochrane Collaboration de 2013 [[13]].

Prise en charge acupuncturale de la cholestase gravidique (avec étude d’un cas)

Il existe un ictère cutanéo-muqueux dans 10 à 20% des cas. La disparition des symptômes est très rapide après l’accouchement. En dehors de l’inconfort et de la fatigue maternelle liés au prurit, ce syndrome ne menace pas la mère mais est associé à une augmentation de la morbidité prénatale, avec en particulier, un risque accru de mort fœtale in utero (1 à 3%), un risque de retard de croissance intra utérin (20 à 40 %), un risque d’accouchement prématuré (20 à 40%).

D’un point de vue biologique, on observe une augmentation des transaminases hépatiques et des acides biliaires totaux sériques. Ainsi les transaminases sont augmentées de deux à dix fois la norme (parfois jusqu’à trente fois) : l’alanine aminotransférase (ALAT = SGPT) est fréquemment supérieur à l’ASAT (aspartate aminotransférase = SGOT). La bilirubine totale est augmentée (prédominant sur la bilirubine conjuguée avec parfois un ictère). Il y a une augmentation des phosphatases alcalines, des 5’nucléotidases et parfois des γGT. Les acides biliaires sont aussi élevés (> 15 à 20 mg/L), surtout l’acide cholique. Bien sûr, le diagnostic de cholestase gravidique est un diagnostic d’élimination et il est nécessaire d’éliminer les autres pathologies de type hépatites A, B et C, CMV, herpès, hépatite iatrogène, mais aussi une cholestase extra-hépatique par lithiase ou compression des voies biliaires.

La médecine traditionnelle chinoise décrit selon la différenciation des syndromes (bianzheng) deux formes de cholestase :

  • par stagnation du qi du Foie ;
  • par chaleur-humidité du Foie.

Stagnation du qi du Foie

Elle se traduit par des nausées, des éructations, des régurgitations avec pyrosis, une perte d’appétit, des diarrhées, une sensation de distension abdominale et des douleurs dans les hypocondres. L’humeur est instable (mélancolie, irritabilité). Cela peut conduire à une dépression.

En général, la langue est normale selon les modalités diagnostiques de couleur, humidité et enduit. Elle est donc souple et de couleur rose, de surface est homogène, humide mais peut être aussi revêtue d’un léger enduit blanchâtre ou d’un enduit mince et gras de stase. Il est aussi possible que les bords soient légèrement rouges.  Les pouls sont tendus, en corde (xian).

Quelques points à puncturer : 6F (zhongdu), 13F (zhangmen), 31VB (fengshi), 6TR (zhigou), 6MC (neiguan), 3F (taichong), 34VB (yanglingquan).

Chaleur-humidité du Foie

Les femmes présentent un ictère avec un goût amer dans la bouche, des nausées et une inappétence. Elles ont un prurit généralisé y compris au niveau vaginal. Sensation de plénitude dans la poitrine, douleurs des hypocondres, ballonnements, hyperthermie avec fièvre ondulante sont les autres signes généraux. Les urines sont rares et foncées. Possibilité de leucorrhées jaunes et nauséabondes.

La langue est rouge, épaisse avec un enduit jaune de Chaleur et gras d’Humidité. Les bords sont rouges.

Le pouls est glissant (hua) et rapide (shuo) mais peut aussi être en corde, tendu (xian).

Quelques points à puncturer : 24VB (riyue), 18V (ganshu), 19V (danshu), 9RP (yinlingquan), 11GI (quchi), 1F (dadun), 2F (xingjian), 5F (ligou), 8F (quguan), 4RM (guanyuan), 24VB (riyue), 31VB (fengshi).

Etude d’un cas clinique

Anne-Lise Dubois et Julie Levasseur-Barbieux ont suivi une patiente de 25 ans, 3e geste, 2e pare, 63kg, 1m67. Les antécédents médicaux sont marqués essentiellement par une cholestase gravidique lors de la 2e grossesse, une anorexie mentale, de l’asthme, une allergie aux anti-inflammatoires. Le 08/07/13, à 32SA, le bilan des sels biliaires est perturbé nécessitant un traitement par cholestyramine (Questran®) à la dose de trois sachets (12g) par jour, compte-tenu des antécédents. Sa pression artérielle est à 12/8. Elle est sous nifédipine 40 mg/j.  

Le 19/07/1, à 33SA+5j, la patiente consulte pour prurit important sur les mains et démangeaisons surtout la nuit. Le bilan hépatique est perturbé (figure 2). Une hospitalisation avec surveillance monitoring et traitement médicamenteux est ordonnée au cours de laquelle la première séance d’acupuncture est réalisée. Elle est fatiguée et angoissée et présente des douleurs de l’hypochondre droit dans la région hépatique. Les points puncturés : 11GI, 31VB, 3C (shaohai), 6F.

Le 27/07/2013, à 35SA et à deuxième séance d’acupuncture, elle ne se plaint plus de prurit mais d’insomnies, avec quelques reflux gastriques. Ganshu (18V), qimen (14F), 3C et 22V sont puncturés.

Le 30/07/13, à 35 SA3j, la patiente consulte pour contractions utérines douloureuses toutes les cinq minutes. Le col est court tonique. Elle est hospitalisée sous protocole nifédipine, cure de corticoïdes et acide ursodésoxycholique 500 mg/j. Elle sort le 01/08 avec le même traitement : nifédipine et acide ursodésoxycholique.

Le 02/08/13, à 35SA+6j est réalisée la 3séance : pas de prurit et peu de contractions utérines. A la palpation : aucune douleur. Sont puncturés les points 18V, 3C, 6F, 9Rn (zhubin) et 3VC (zhongji) (points hors protocole mais tocolytiques). Les 5 et 7/08/13 : les contrôles monitoring sont normaux. Le 8/08/13, à 36SA+5j, elle consulte à nouveau pour prurit important sur les mains (traitements en cours : nifédipine et acide ursodésoxycholique). Le contrôle monitoring est normal.

Le 09/08/13, une quatrième séance d’acupuncture en raison du prurit persistant sur les mains est réalisée par puncture des points 18V, 11GI, 31VB, 9Rn.

Le 19/08 /13 : absence de prurit et meilleur sommeil. Aucune douleur à la palpation. Puncture : 18V, 11 GI (favorise également le mouvement Métal dans la préparation à l’accouchement), 4VC vers 3VC (pour faire descendre le fœtus), 3F et 2F (en préparation du col et soutien du Foie).

Le 21/08/13 : le contrôle monitoring est normal, pas de prurit.

Le 26/08/13 : Déclenchement ocytocique sous péridurale. La durée de travail est de 5h20. L’accouchement est normal par voie basse. La délivrance est dirigée complète avec un périnée intact.

Naissance d’un garçon de 3630g, Apgar 10/10/10, pHa : 7,26 ; pHv : 7,31.

DateSGOT(UI/l)SGPT(UI/l)Plaquettes/mm3Acide Urique (mg/l)Acides Biliaires(micromoles/litre)
08 /07/13    7 ,8
19/07/1367122259 00039,1 
21/07/1378153217 00039,9 
23/07/1343112245 000  
26/07/131848270 00044 
30/07/131121277 000  
03/08/131412312 00047 
09/08/131210300 00048,80
16/08/131310264 00051 

Figure 2. Le bilan biologique au cours du suivi. Normes : SGPT <35UI/l ; Acides biliaires <10μmol/l. Le contrôle biologique des acides biliaires n’a pu être réalisé à chaque bilan car une partie de cette analyse est onéreuse et non remboursée malgré son importance.

Au final, ce cas clinique décrit par Anne-Lise Dubois et Julie Levasseur-Barbieux qui ont adapté la puncture des points en fonction de la différenciation des syndromes bianzheng et de l’évolution symptomatique de la patiente a permis d’observer une amélioration des symptômes (prurit et insomnie) ainsi que du bilan biologique hépatique en association avec la prise concomitante d’acide ursodésoxycholique. Les auteurs ont noté aussi la satisfaction de la patiente concernant la prise en charge globale, en particulier acupuncturale, qui lui aurait permis de mener à terme sa grossesse dans de meilleures conditions. Quoi qu’il en soit, seul un ECR pourrait objectiver l’efficacité de l’acupuncture dans cette pathologie, mais difficile à mettre en œuvre du fait de la faible prévalence de la cholestase gravidique en France (0,2 à 0,5% des grossesses) alors qu’elle est plus fréquente dans les pays scandinaves, en Bolivie et au Chili.

Références

[1]. Décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019386996.

[2]. Arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021245638.

[3]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(1):69-72.

[4]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Sanyinjiao et périnée, zhubin et neiting dans le syndrome de Lacomme, sphygmologie quantitative. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(2):147-151.

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[7]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Pré-éclampsie, qimen et valeur diagnostique dans les dystocies cervicales. Acupuncture & Moxibustion. 2014;13(2):138-143.

[8]. Gouan L, Yiliang Z. Clinical report about controlling postpartum hemorrhage with electric stimulation at acupuncture points. in selections from article abstracts on acupuncture and moxibustion, Beijing 1987:134.

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[11]. Brignol TN, Verta P. Une méthodologie basée sur l’OPC (objective performance criteria) est-elle valable pour prouver l’efficacité de l’acupuncture ? Acupuncture & Moxibustion. 2011,10(3):205-207.

[12]. Cotter AM, Ness A, Tolosa JE. Prophylactic oxytocin for the third stage of labour. Cochrane Database Syst Rev 2001;4:CD001808.

[13].Westhoff G, Cotter AM, Tolosa JE. Prophylactic oxytocin for the third stage of labour to prevent postpartum haemorrhage. Cochrane Database Syst Rev. 2013 Oct 30;10:CD001808.

Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Délivrance et cholestase gravidique. Acupuncture & Moxibustion. 2014;13(3):213-217.

Diabète gestationnel et diagnostic par l’examen de langue

Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes [[1]] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [[2]] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale. Voici une nouvelle présentation de mémoire soutenu à Lille en 2013 sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan, faisant suite aux travaux précédemment décrits [3-8] et montrant que la recherche clinique réalisée par nos étudiantes et sous contrôle de leur chef de service obstétricien ne s’essouffle pas.

Palacio de los Capitanes Generales – plaza de Armas- La Havane – Cuba
Palacio de los Capitanes Generales – plaza de Armas- La Havane – Cuba

L’examen de la langue et son aide au diagnostic et à la prise en charge du diabète gestationnel

Au cours de la grossesse, trois tableaux majeurs de diabète gestationnel sont décrits selon la différenciation des syndromes zheng : le Vide de qi de Rate ; la stagnation du qi de Foie qui peut engendrer un Feu de Foie ; la Chaleur ou le Feu de l’Estomac.

 Le diabète gestationnel par Vide de qi de la Rate

Ce tableau est plutôt présent chez des patientes démarrant leur grossesse avec un surpoids voire une obésité, ayant depuis toujours une alimentation trop grasse et trop sucrée. Leur diabète gestationnel évolue souvent vers un diabète non insulinodépendant de type II.

Les signes cliniques habituellement décrits sont la fatigue et la lassitude mentale, la pâleur, la faiblesse des membres, les selles molles et morcelées, l’inappétence, les nausées, la plénitude de la poitrine et de l’épigastre, les ballonnements post-prandiaux, le peu de prise de poids malgré la grossesse.

La sphygmologie objective des pouls faibles (ruo) ou vides (xu), voire fins (xi) et mou (ruo).

La langue est gonflée, large, molle, pâle, avec empreintes dentaires et enduit blanc fin.

Le diabète gestationnel par stagnation du qi de Foie

On retrouve ce tableau chez des patientes anxieuses, irritables, soucieuses, instables émotionnellement qui ont du mal à « digérer » les évènements. Elles sont soumises aux colères et au grignotage compulsif avec une tendance aux addictions. Elles ont besoin de manger à heure fixe, sinon elles souffrent de céphalées.

Les signes cliniques varient selon leur humeur qui est changeante : oppression et plénitude de la poitrine et des hypochondres, douleurs erratiques, nausées, vomissements, diarrhée, constipation ou alternance des deux, dysménorrhée et irrégularité des menstruations antérieure à la grossesse. Et s’il y a une ascension du yang avec Feu du Foie, on retrouvera l’irritabilité, la colère, les vertiges, les céphalées, le visage et les yeux rouges, les urines foncées et rares, la soif, la sensation de chaleur et la transpiration nocturne.

Les pouls sont tendus (xian) qui deviennent rapides (shuo) si Feu de Foie, mais restent fins (xi) si on est au début du stade d’ascension du yang engendrant un Vide.

La langue devient rouge surtout sur les bords avec un enduit lingual jaune si ascension du yang avec plus ou moins Feu de Foie.

Le diabète gestationnel par Chaleur ou Feu de l’Estomac

Ces patientes se sentent bien en début de grossesse, les nausées étant calmées par l’absorption d’aliments sucrés avec préalablement des habitudes diététiques sucrées et grasses. Elles ne sont pas nécessairement en surpoids et certaines maigrissent même en début de grossesse. Elles présentent une tendance à la boulimie, ont souvent soif et boivent beaucoup, attirées par des boissons froides et sucrées.

On retrouve dans les signes cliniques des gastralgies, des nausées et parfois des vomissements de mucosités toujours acides ou amères, mais accompagnés de polydipsie. Les autres symptômes : oligurie, malaise avec douleur précordiale, sommeil agité, constipation, goût amer dans la bouche sèche, gingivite, stomatite, aphtes, gonflement et saignement des gencives, haleine fétide.  

Le pouls est rapide (shuo), glissant (hua).

La langue est rouge et sèche avec un enduit jaune épais.  

L’étude diagnostique

Aude Sales et Marie-Céline Leroux ont réalisé une étude d’octobre 2012 à mars 2013 à visée diagnostique à la maternité Saint Vincent de Paul à Lille dans le service des consultations prénatales. Il s’agit d’une étude clinique ouverte incluant vingt-et-une patientes en début de 2e trimestre de la grossesse. Elles présentaient un ou plusieurs facteurs de risque de diabète gestationnel : âge maternel élevé, indice de masse corporel (IMC) élevé, antécédents de diabète gestationnel familial ou obstétrical.

Les critères principaux étudiés sur la langue ont été la couleur, la taille, la tonicité, l’humidité, l’épaisseur et la couleur de l’enduit sans oublier de visualiser la présence d’empreintes des dents.

Les critères secondaires : palpation des points mu 13F (zhangmen), 14F (qimen), 12VC (zhongwan) ainsi que la palpation des pouls.

Les patientes sont réparties en trois groupes de manière non aléatoire.

Le groupe A : dix patientes non diabétiques n’ayant pas eu de bébé macrosome et dont la prise de poids est normale pendant la grossesse (≤ 15kg).

Le groupe B : six patientes diabétiques dont le diagnostic biologique a été établi pendant la grossesse.

Le groupe C : cinq patientes dont l’hyperglycémie provoquée par voie orale (HPO) était normale mais soit le bébé était macrosome, soit la prise de poids a été excessive (entre 18 et 42 kg) présageant peut-être une maladie diabétique latente ou non diagnostiquée.

Les principaux résultats de l’étude d’Aude Sales et Marie-Céline Leroux

La couleur. On ne retrouve pas de prévalence de la langue rouge, signe de Chaleur, dans le groupe A, mais plutôt dans le groupe B et C des patientes diabétiques ou en latence. Par contre, la langue pâle, signe de Vide de qi de Rate est retrouvée davantage dans le groupe A.

La taille. La taille large de la langue est retrouvée majoritairement (76%, soit seize patientes), et surtout dans le groupe A (100%) avec empreinte des dents, objectivant un Vide de qi de Rate. Cela montre la fréquence importante de signes linguaux de Vide de qi de Rate rencontrés chez les femmes ayant des facteurs de risques et sans doute majorés pendant la grossesse par l’augmentation physiologique des signes de Vide de yang.

La tonicité. Treize patientes présentent une langue molle, large et humide montrant une accumulation d’humidité et confirme à nouveau la grande fréquence du Vide de qi de Rate (figure 1).  

Figure 1. Huit personnes du groupe A ont une langue molle, 2 dans le groupe B et 3 dans le groupe C.

L’humidité. La langue humide se retrouve chez douze patientes sur vingt-et-une soit 57%. Cela montre un excès ou une stagnation de liquides organiques par Vide de yang majoré physiologiquement par l’état de grossesse.

Dans le groupe A, six patientes présentent une langue humide. Dans le groupe B, la moitié des patientes présentent une langue sèche qui indique un syndrome chaleur. Dans le groupe C, la majorité des patientes (4/5) ont une langue humide (figure 2).

Figure 2. Dans le groupe A, six patientes présentent une langue humide. Dans le groupe B, trois sur six (50%) présentent une langue sèche qui indique un syndrome chaleur. Dans le groupe C, la majorité des patientes (4/5) ont une langue humide.

L’enduit. L’enduit mince et blanc est retrouvé chez onze patientes de l’étude.

L’empreinte des dents. La présence de l’empreinte des dents sur les bords de la langue se retrouve chez dix-huit sur les vingt-et-une patientes de l’étude clinique soit 85,7%. Elle correspond encore à un Vide de qi de la Rate qui est un tableau extrêmement fréquent. Il peut aussi s’agir d’un facteur préexistant à la grossesse. En effet si on le relie à l’indice de masse corporelle de l’échantillon des patientes, on note que treize patientes sur quinze (86,7%) qui ont un IMC >25 présentent une langue avec empreintes de dents.

Les critères secondaires. La palpation des points mu objective que dans le groupe A, aucun point n’était sensible, alors que 13F, 14F et 12VC l’étaient dans les deux groupes B et C diabétiques ou à tendance. Quoi qu’il en soit, examen pas assez spécifique vu que six personnes sur les vingt-et-une ont eu un point sensible. De même, la palpation des pouls n’est pas contributive pour le diagnostic du diabète gestationnel chez les femmes ayant de facteurs de risque selon les auteurs.

En conclusion, Aude Sales et Marie-Céline Leroux montraient que la couleur rouge, sécheresse et absence d’enduit se retrouvent principalement dans le groupe B des diabétiques diagnostiquées. Le Vide de qi de Rate qui est un syndrome extrêmement fréquent dans la population recrutée est à rapprocher de l’IMC et de l’âge maternel qui représentent deux facteurs de risque d’inclusion et consécutif du fait de l’affaiblissement du yin par l’âge maternel ainsi que par les habitudes et hygiène de vie (alimentation, stress et manque d’activité physique). Langue pâle, large, molle avec empreinte des dents en sont les caractéristiques. La «yinisation » du fait de la grossesse et l’augmentation des Liquides Organiques majorent en outre l’aspect large et mouillé de la langue. Il est remarqué que toutes les patientes ayant une IMC > 25 (facteur de risque prévalent) possèdent les caractéristiques de cette langue.

Les syndromes Chaleur d’Estomac et de Stagnation du qi du Foie sont révélateurs sur la langue et correspondent à l’atteinte de surface de la maladie diabétique, ce, dès le début de son expression, et avant tout diagnostic biologique. Par contre, on peut considérer que traiter le Vide de qi de Rate très souvent présent chez toutes femmes à risque permettraient d’éviter le passage vers la maladie diabétique.

Discussion

Ce gros travail de mémoire est intéressant à plus d’un titre, mais présente en tant qu’étude diagnostique des biais importants. Les conclusions se basent sur un trop faible échantillon (n=21), sans groupe témoin, sans comparatif vis-à-vis d’un test de référence « gold standard ». Aucune étude statistique n’a été réalisée.

Rappelons que pour évaluer un test diagnostique [[9]] en utilisation de routine, ce test doit avoir la capacité de mesurer ce qu’il prétend mesurer, en l’occurrence ici déterminer d’une manière générale si une langue pâle, signe d’un Vide de qi de Rate est bien révélatrice d’un risque de diabète chez une femme enceinte, ou une langue rouge l’est bien d’un diabète latent ou avéré, tout en étudiant la variabilité des résultats liés à la maladie. D’où sa sensibilité avec la capacité d’identifier correctement comme malades les personnes vraiment malades ; et sa spécificité avec la capacité d’un test à détecter les sujets qui ne sont pas malades, bref la capacité d’identifier correctement les sujets sains parmi ceux qui n’ont pas la maladie.

De ce fait, trois questions essentielles peuvent se poser.

La première : le test étudié a-t-il été comparé à un test de référence (gold standard) ? Le test doit être appliqué à deux groupes de patients : malades confirmés et non-malades (d’où la nécessité aussi d’identifier les malades des non-malades par cet autre test de diagnostic référence). On voit bien ici le biais dans le sens où les trois groupes ont été sélectionnés comme à risque de diabète. Et d’autre part, on n’a pas de test de référence qui aurait pu tout simplement être une glycémie.

La deuxième : la méthode de sélection des patients est-elle bien décrite, avec des critères de sélection et d’exclusion des patients ? Il sera aussi nécessaire d’étudier la validité externe de l’étude et la capacité d’utiliser le test en pratique courante. Dans cette étude, on a effectivement un biais de sélection des patientes : il eut fallu prendre un quatrième groupe témoin, indemne de tout risque et voir l’état de la langue.  

La troisième : la fréquence de la maladie dans l’échantillon est-elle en rapport avec la prévalence connue ; en d’autres termes, n’y a-t-il pas des biais de sélection avec un échantillon non représentatif de la population des malades, ce qui est le cas ici où nos auteurs ont présélectionné les cas.

Malgré tous ces défauts, il va de soi que ce travail devrait être suivi par une grande étude pour nous conforter dans l’idée que l’examen de la langue puisse être un test diagnostique et pronostique d’un diabète gestationnel. En conclusion, ce travail offre de nouvelles perspectives mais à confirmer par de nouveaux essais de plus grande puissance, et en se comparant à un test de référence.  

Références

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[2]. Arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes. [cité le 15 décembre 2014]. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021245638.

[3]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(1):69-72.

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[5]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Canal carpien, prise en charge de la montée laiteuse, variétés occipito-postérieures et travail. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(3):240-245.

[6]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Baihui et poussée hémorroïdaire post-partum ; qualité de vie et douleurs dans le syndrome de Lacomme. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(4):330-332.

[7]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Pré-éclampsie, qimen et valeur diagnostique dans les dystocies cervicales. Acupuncture & Moxibustion. 2014;13(2):138-143.

[8]. Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Délivrance et cholestase gravidique. Acupuncture & Moxibustion. 2014;13(3):213-217.

[9]. Venot A. Analyse critique d’articles à visée diagnostique. UFR SMBH, Université Paris 13. [cité le 15 décembre 2014]. Available from: URL:  https://campusvirtuel.smbh.univparis13.fr/claroline/backends/download.php/TWV0aG9kb2xvZ2llX2Rlc19ldHVkZXNfZGlhZ25vc3RpcXVlcy9wb2x5X%2Bl0dWRlc19kaWFnbm9zdGlxdWVzLnBkZg%3D%3D?cidReset=true&cidReq=D2LCA.

Stéphan JM. DIU d’Acupuncture Obstétricale : tableaux d’une exposition. Diabète gestationnel et diagnostic par l’examen de langue. Acupuncture & Moxibustion. 2014;13(4):291-294. (Version PDF)

Lougu et moxibustion dans la prise en charge des suites d’épisiotomie

Le décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes [[1]] et l’arrêté du 2 novembre 2009 [[2]] ont légalisé la pratique de l’acupuncture chez les sages-femmes à condition d’être titulaire du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale.

Voici une nouvelle présentation de mémoire soutenu à Lille en 2014 sous la direction du Professeur Véronique Houfflin-Debarge et des coordinateurs les Drs Marie-Hélène Montaigne et Jean-Marc Stéphan, faisant suite aux travaux précédemment décrits [3-9] et montrant que la recherche clinique réalisée par nos étudiantes et sous contrôle de leur chef de service obstétricien ne s’essouffle pas.

Feux de broussailles – Altiplano – à 4000 m d’altitude – Pérou
Feux de broussailles – Altiplano – à 4000 m d’altitude – Pérou

Prise en charge de la douleur et aide à la cicatrisation par la moxibustion ou/et la poncture du point RA7 (lougu) chez les patientes primipares ayant bénéficié d’une épisiotomie

L’épisiotomie est une opération qui consiste à sectionner le périnée en partant de la commissure postérieure de la vulve. Elle intéresse la peau, la muqueuse vaginale, les muscles superficiels du périnée et tout le faisceau pubo-rectal (figure 1).

Figure 1. Episiotomie.

En 1998, le pourcentage d’épisiotomie était de 71,3% chez les primipares et 36,2% chez les multipares. En 2002-2003, rapporté aux accouchements par les voies naturelles, il était à 41% (68% chez les primipares et 31% chez les multipares). Selon le réseau sentinelle AUDIPOG (Association des Utilisateurs de Dossiers Informatisés en Pédiatrie, Obstétrique et Gynécologie), le pourcentage d’épisiotomie en France baissait en 2005 à 41% (61% chez la primipare et 25% chez la multipare). En 2010, 44,4 % des primipares et 14,3 % des multipares avaient eu une épisiotomie. Le taux d’épisiotomie a donc été réduit d’un tiers depuis 1998 de 71% à 44% (figure 2). Cette évolution importante fait suite à un consensus international pour limiter les épisiotomies en raison du manque de bénéfices dans la prévention des troubles de la statique pelvienne et de l’incontinence [10-12].

Figure 2. Pourcentage d’épisiotomie de 1994 à 2010.

L’épisiotomie peut être soit d’indication fœtale si elle sert à diminuer le temps des efforts expulsifs en cas d’anomalies du rythme cardiaque fœtal ; soit d’indication maternelle. Dans ce cas, elle a pour but de limiter les risques de lésions sévères du périnée et de prévenir la survenue de troubles de la statique pelvienne si la présentation ou la variété de position objective un volume de tête augmenté ; si le périnée est friable, oedématié, cicatriciel ou si la distance ano-vulvaire est inférieure à 3 cm. Cependant le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) ne recommande en aucun cas la pratique systématique de l’épisiotomie mais précise que « dans toutes ces situations obstétricales spécifiques, une épisiotomie peut être judicieuse sur la base de l’expertise clinique de l’accoucheur. ». D’ailleurs, une analyse de la littérature ne montre pas de bénéfice à pratiquer de façon libérale les épisiotomies par rapport à une utilisation restrictive, tant sur le versant fœtal (Grade C selon les recommandations de la HAS : faible niveau de preuve) que maternel (Grade A : preuve scientifique établie). Par conséquent, la pratique libérale de l’épisiotomie n’est pas recommandée [[13]], surtout qu’il peut y avoir des complications à court terme : hémorragie, traumatisme fœtal, douleurs, hématome, inflammation avec œdème ; et à long terme : conséquences sur la sexualité, granulations au niveau de la cicatrice, endométriome, fistule anale, fasciite nécrosante etc. [[14]].

Le traitement classique pour prévenir les complications concerne essentiellement les soins locaux en ayant la meilleure hygiène possible pour favoriser la cicatrisation mais aucun soin spécifique ne peut être retenu. Le traitement de la douleur par les moyens non médicaux (ajout de sels dans l’eau, glace, huile essentielle de lavande) ainsi que par les moyens locaux (antiseptiques dans l’eau, anesthésiques locaux) n’est pas très efficace. Concernant les moyens médicaux, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (kétoprofène, diclofénac, ibuprofène, indométacine) ont été les plus étudiés et certains sont efficaces sur la douleur que ce soit per os ou par voie rectale. L’ibuprofène est le plus sûr, car passe peu ou pas dans le lait maternel et est sans danger pour l’enfant. Le paracétamol n’a pas fait l’objet de suffisamment d’études pour que l’on puisse parler de son efficacité [[15]]. La moxibustion et l’acupuncture n’ont jamais fait l’objet d’étude.

De ce fait, Elisabeth Tillou et Marion Avenel Loucheux se sont donc intéressées dans leur mémoire de DIU d’acupuncture obstétricale à la prise en charge de la douleur et de la cicatrisation dans les épisiotomies chez les primipares. En 2012 et 2013, elles ont réalisé un essai contrôlé randomisé (ECR) pragmatique à trois bras réparti sur une période sept mois au Centre Hospitalier Régional Universitaire Jeanne de Flandre à Lille. Cinq critères de jugement on été étudiés : soulagement de la douleur d’épisiotomie ; diminution de la gêne du retentissement de la douleur d’épisiotomie sur le comportement quotidien ; prise moins importante d’antalgiques ; moins de complications de cicatrisation au niveau de la cicatrice d’épisiotomie et enfin degré de satisfaction de la prise en charge.

La population incluse (n=60) a été répartie en trois groupes à partir d’une table de randomisation :

– Groupe 1 – groupe témoin (n=20) : ce groupe a bénéficié de la prise en charge habituelle (soins locaux et antalgiques).

– Groupe 2 – moxa seul (n=20) : ce groupe a bénéficié de la moxibustion locale au niveau de l’épisiotomie en plus de la prise en charge habituelle.

– Groupe 3 – moxa + RA7 (lougu) (n=20) : ce groupe a bénéficié de la moxibustion locale au niveau de l’épisiotomie et de la poncture du point RA7 en plus de la prise en charge habituelle.

Moxibustion à l’armoise du périnée

La région périnéale sur laquelle est réalisée l’épisiotomie est appelée zongjin « le muscle des Ancêtres » [[16]]. Dans le Suwen, le périnée antérieur qianyin, le yin antérieur est souvent traduit par organes génitaux externes. Qiang est le point de concentration de zongjin et de la réunion des vaisseaux de la Rate et de l’Estomac. Zongjin s’assemble à qiangyin qui est le point de rencontre des neuf vaisseaux : les zutaiyinzushaoyinzujueyinyangming, et zushaoyangchongmairenmaidumai et qiaomai.

Le VC1 (huiyin), situé au niveau du périnée signifie réunion des yin (figure 3). Ce point est le point de départ des trois Vaisseaux : renmaidumaichongmai. Il a pour indications entre autres : hémorroïdes, pathologie des voies génito-urinaires, prolapsus utérin, toutes les affections de l’appareil génital [[17]].

Figure 3. Huiyin.

La cicatrisation de l’épisiotomie va de ce fait interréagir avec les tissus environnant le VC1. En Médecine Traditionnelle Chinoise, la Chair, le tissu conjonctif correspondent à l’élément Terre, la Rate-Pancréas / Estomac alors que la peau correspond à l’élément Métal, le Poumon / Gros intestin. Weiqi intervient également. Les fonctions principales de l’énergie wei sont celles d’assurer la trophicité, d’assurer la thermorégulation externe, de défendre l’organisme face aux énergies perverses externes. La réaction inflammatoire du tissu apporte une chaleur humide. De ce fait, Elisabeth Tillou et Marion Avenel Loucheux ont choisi d’utiliser la moxibustion à l’armoise au niveau de VC1. En effet, la moxibustion est essentiellement utilisée dans les maladies de type yin, employée pour les maladies par insuffisance (xu), les maladies de type froid (han) ou les maladies internes (li). Il est dit selon la physiologie Chinoise qu’elle réchauffe et désobstrue les jingluo, fait circuler le qi et active le xue, élimine l’humidité et expulse le froid. D’autre part, la moxibustion réduit la tuméfaction et disperse les accumulations, tonifie le Centre et accroît le qi, rétablit le yang, augmente la capacité de l’énergie défensive wei, sert à disperser les Stagnations [[18]].

Puncture du RA7 (lougu)

Le point RA7 est situé sur le Méridien zutaiyin qui correspond au zang « Rate ».

Le caractère lou signifie entre autres significations, couler, échapper à… correspond à toutes sortes de pertes continuelles de liquides (sueur, larme, sperme, diarrhée, scrofules suintantes etc.), perte de sang continuelle mais peu abondante chez la femme etc.

Le caractère gu signifie vallée, ravin, lit d’un torrent entre deux montagnes. Réceptacle canalisant les eaux et les souffles, rivières ou vallées, etc. Il y a donc une perturbation, un dysfonctionnement énergétique concernant les liquides. Ce point permettrait d’arrêter une fuite en désobstruant la source [[19]].

Résultats

Les bâtonnets de moxa sans fumée ont été utilisés. Quatre séances d’acupuncture et moxibustion à un jour d’intervalle. La séance de moxibustion locale a consisté au passage du bâtonnet de moxa le long de la suture d’épisiotomie pendant 5 minutes à environ 1 cm de la peau jusqu’à ce que la patiente ressente une sensation de chaleur sans douleur. L’aiguille au niveau du RA7 est laissée en place pendant 30 minutes. Les tests statistiques ont été réalisés à l’aide du logiciel SAS 9.3 (Statistical Analysis System). Il s’agit du test du Chi², test de Fisher, test de Kruskal-Wallis, test U de Mann-Whitney et une analyse de la variance (anova) en mesure répétée par un test de Fisher.

La mesure de l’intensité de la douleur est réalisée par l’échelle EVN (échelle verbale numérique) notée de 0 à 10 (0 correspond à « pas de douleur » et 10 correspond à « la douleur maximale imaginable »).

Les tests statistiques n’objectivent aucune différence significative entre les différents groupes étudiés, autant sur l’antalgie (anova ; p=0,2752), que sur la gêne du retentissement (p>0,5) de la douleur d’épisiotomie sur le comportement quotidien (humeur, capacité à marcher, position assise, confort…). Aucune différence significative non plus entre les trois groupes étudiés en ce qui concerne la prise de paracétamol (p=0,9908). Ce qui signifie que la prise de paracétamol diminue de façon similaire dans les trois groupes étudiés. Le kétoprofène et l’ibuprofène n’ont été proposés qu’à trop peu de patientes pour être évaluables. En ce qui concerne les complications de cicatrisation au niveau de la cicatrice d’épisiotomie, il n’a pas été possible de conclure en raison du faible effectif. Enfin, la valeur médiane de la satisfaction de la prise en charge de l’épisiotomie est égale à 9 sur 10. De même que pour la prise en charge de la douleur on obtient une valeur médiane de 8 sur 10.

Les patientes ayant bénéficié de séances d’acupuncture sont donc très satisfaites de leur prise en charge. Les auteurs concluent que les patientes ayant bénéficié de séances d’acupuncture pensent que celle-ci a constitué une meilleure prise en charge, avec 16 patientes sur 20 dans le groupe 2 et 15 patientes sur 20 dans le groupe 3. Bref, bien que ce travail n’ait pas rendu de résultats significatifs sur la diminution de l’intensité de la douleur et son retentissement, les patientes en ont été très satisfaites.

Discussion 

Il s’agit d’un ECR pragmatique qui cherche à vérifier l’efficacité d’une thérapeutique en la comparant au traitement de référence habituel, qui comme on l’a vu, ne fait pas la preuve d’une efficacité de grade A ou B selon les recommandations de la HAS. L’objectif d’Elisabeth Tillou et Marion Avenel Loucheux a visé donc à étudier une stratégie thérapeutique alternative par rapport au traitement classique dans la pratique réelle sans qu’il n’y ait nécessairement un contrôle placebo et une intervention en aveugle. Dans cet ECR pragmatique, il s’agissait de répondre à la question : l’intervention peut-elle être utilisée efficacement dans la réalité quotidienne ?

La réponse n’est pas négative. L’acupuncture et la moxibustion n’offrent pas une meilleure efficacité sur la douleur liée à l’épisiotomie ou sur le confort de la patiente. Une étude de plus grande puissance et davantage ciblée sur les éventuels bienfaits sur la cicatrisation pourrait apporter de nouvelles réponses. Quoi qu’il en soit, il en ressort que l’empathie vis-à-vis de la patiente, le temps passé auprès d’elles à les écouter, à les laisser exprimer leur douleur et leur ressenti, ont été néanmoins très bénéfiques. Et cela n’est pas négligeable, mais difficilement applicable au plus grand nombre dans le contexte actuel d’économies sur les coûts de la Santé Publique, à moins que l’on apporte la preuve d’une plus grande efficacité, dans la cicatrisation par exemple.

 Références

[1]. Décret n° 2008-863 du 27 août 2008 complétant le code de déontologie des sages-femmes. Available from URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019386996.

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