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Électroacupuncture : modalités techniques et implications pratiques dans les algies

Cables électriques et transformateurs dans les rues de Kyoto – Japon
Cables électriques et transformateurs dans les rues de Kyoto – Japon


Résumé :
 De nombreux paramètres interviennent dans l’analgésie électroacupuncturale : la  fréquence, l’intensité, la durée d’impulsion, le temps d’intervention. On devra tenir compte à la fois du développement de la tolérance souvent lié à l’octapeptide cholécystokinine (CCK-8) ou à la nociceptine, mais aussi de la variabilité individuelle à l’électroacupuncture (EA). Chez le rat, l’effet optimum dans les algies par action de l’EA sera obtenu globalement en stimulant par alternance en basse (2 Hz) et haute fréquence (100 Hz) ou simplement à la fréquence de 15 Hz, de façon à ce que les quatre sortes de peptides opioïdes (endorphines, enképhalines, endomorphines et dynorphine) soient libérées simultanément. Il s’agira également de ne pas dépasser les 30 minutes de stimulation sous peine de déclencher le système anti-opioïde. Mots-clés : électroacupuncture – fréquences – peptides opioïdes – tolérance – octapeptide cholécystokinine.

Summary: Many parameters involved in electroacupunctural analgesia: frequencies, intensity, pulse width, intervention time. It should take into account both the development of tolerance often linked to the cholecystokinin octapeptide (CCK-8) or the nociceptine, but also of individual variability in the electroacupuncture (EA). In rat, the optimum effect in pain by action of the EA will be achieved globally by alternately stimulating low (2 Hz) and high frequency (100 Hz) or just 15 Hz, so that the four types of opioid peptides (endorphins, enkephalins, endomorphins and dynorphin) are released simultaneously. It will also not exceed 30 minutes on pain stimulation to trigger the antiopioids. Keywords: electroacupuncture – frequencies – opioid peptides – tolerance – cholecystokinin octapeptide.

Les derniers travaux de physiologie et d’imagerie concernant l’électroacupuncture dans les algies ont permis de se faire une idée plus précise de la nature de ses mécanismes neurophysiologiques. On connaît l’implication de la libération des neuropeptides opioïdes, l’action inhibitrice des récepteurs ionotropiques glutaminiques et la modulation de la douleur par le système inhibiteur descendant sérotoninergique et catécholaminergique [ [1] ]. Pour bien maîtriser cette technique, il convient alors de bien connaître les différents paramètres électrophysiologiques.

Caractéristiques paramétriques de l’électroacupuncture

La stimulation électrique des points d’acupuncture s’appelle l’électroacupuncture (EA). On utilise des appareils permettant de délivrer soit des courants pulsés alternatifs à moyenne nulle (constitués d’impulsions soit positives, soit négatives, mais qui ne changent pas de polarité cycliquement), soit des courants pulsés unidirectionnels (constitués d’impulsions uniquement positives). Les appareils doivent être manufacturés de manière réglementaire, car dans une étude, il s’est avéré qu’au moins deux des paramètres mesurés sur trois ne se trouvaient pas dans la marge de sécurité des valeurs données par le constructeur, ce qui peut être inquiétant pour le patient [ [2] ].

Le courant est caractérisé par :

–  la forme de son impulsion : carrée ou rectangulaire,

– la durée de cette impulsion : variable de 0,1 ms à 5 ms, (voir figure 1)

– l’intensité efficace : variable de 0,1 à 6 mA

– la fréquence : variable de 2 à 100 Hz 

Variables électrophysiologiques de l’électroacupuncture

Fréquence

De nombreux paramètres influencent l’action de l’électroacupuncture, en particulier l’utilisation de différentes fréquences, qu’elles soient basses (2 à 4 Hz) ou élevées (100 à 200 Hz). En effet, des études révèlent par exemple que l’EA à fréquence basse entraîne une libération d’enképhaline, de bêta-endorphine et d’endomorphine, alors qu’à fréquence haute, il y a libération d’un autre type d’endorphine : la dynorphine [3-9].

Dès 1992, Chen et Han montrent que l’analgésie produite par l’EA (durée d’impulsion de forme carrée de 0,3 ms) est médiée par trois types de récepteurs opioïdes [ [10] , [11] ]. Ainsi, l’EA à 2 Hz active les récepteurs μ et δ ; celle à 100 Hz, les récepteurs κ. Mais mieux, l’EA à 15 Hz produit une activation des trois sortes de récepteurs chez le rat [9 ].

En 1996, Guo et coll. [ [12] , [13] ] démontrent que l’électroacupuncture à 2 Hz et à 100 Hz (durée d’impulsion de forme rectangulaire de 0,3 ms) a un effet sur le niveau de l’expression des gènes encodant trois neuropeptides du cerveau chez le rat. Ainsi la stimulation à 2 Hz augmente l’expression c-fos au niveau du noyau arqué de l’hypothalamus avec augmentation de l’expression de l’ARN messager pour un précurseur de l’endorphine, le préproenképhaline (PPE). Au niveau, de la formation réticulaire rostro-médiale (noyau gigantocellulaire, paragigantocellullaire, formation réticulaire latérale), la stimulation à la fréquence de 100 Hz augmente sélectivement l’expression de l’ARN messager pour le préprodynorphine (PPD). Les auteurs montrent aussi que les protéines proto-oncogènes c-fos et/ou c-jun jouent davantage un rôle dans la transcription des gênes des opioïdes PPD que dans celles de PPE et des POMC [12-14].

L’électroacupuncture (ES36, RA6) à la fréquence de 2 Hz agit aussi dans les algies en diminuant la réponse à l’inflammation locale par l’intermédiaire de la modulation de l’expression des récepteurs ionotropes au glutamate et en particulier le récepteur au  N-méthyl-D-aspartate (NMDA) dans la corne dorsale de la moelle épinière [ [15] , [16] ]. Malheureusement, dans ces études, du fait du manque de groupe contrôle sham, les résultats ne peuvent attribués complètement à l’action de l’électroacupuncture seule.

Selon la fréquence de la stimulation, l’EA chez les rats diminue la douleur neuropathique induite par ligature d’un nerf rachidien. Il a ainsi été observé que l’EA à basse fréquence (2 Hz) sur le ES36 et RA6 produisait davantage d’effets antinociceptifs et prolongés dans le temps sur l’allodynie (douleur produite par un stimulus non nociceptif) et l’hyperalgie nociceptive thermique que l’EA à haute fréquence (100 Hz) sur un modèle de rats. Les récepteurs opioïdes et les récepteurs NMDA participent à ces effets antalgiques de longue durée [ [17] , [18] ].

La combinaison des fréquences alternées et asynchrones permet d’améliorer l’action de l’EA. Ainsi deux modes d’EA ont été étudiés : le mode 2+100 Hz, mode où la stimulation de 2 Hz est appliquée à la patte arrière gauche du rat en même temps que 100 Hz à la patte arrière droite ; le mode 2/100Hz où la stimulation 2 Hz est alternée toutes les 3 secondes avec celle de 100 Hz. Il s’avère que le mode 2/100 Hz est 40% plus antalgique que le mode 2+100 Hz (p<0,01). L’injection intrathécale d’un antagoniste des récepteurs opioïdes mu a bloqué l’effet anti-nociceptif du mode 2/100 Hz, mais pas celui de l’EA 2+100 Hz, tandis que l’injection d’un antagoniste des récepteurs opioïdes kappa a bloqué les deux modes d’EA. En conclusion, l’EA 2/100 Hz augmente la libération à la fois des endomorphines-2 et de la dynorphine. L’EA 2+100 Hz libère seulement la dynorphine [ [19] ].

Lao et coll. ont créé un modèle de douleur inflammatoire par injection d’adjuvant de Freund (émulsion d’eau et d’huile quelquefois additionnée de bactéries, bacilles de Koch inoffensifs) sur la patte arrière des rats. Ils ont évalué ensuite les paramètres de l’analgésie par EA (fréquence, intensité, durée du traitement, et durée d’impulsion). Ils précisent ainsi que l’analgésie par EA à 10 Hz est plus efficace que celle à 100 Hz pour les traitements antalgiques à long terme. L’EA à 100 Hz est à privilégier pour les effets rapides à court terme [ [20] ].

Plus récemment, on constate que l’EA à 100Hz (intensité 0,5 mA, onde biphasique carrée asymétrique) entraîne un effet antinociceptif qui est variable en fonction du point d’acupuncture stimulé et sans doute en fonction de l’algie. Ainsi sur un modèle de douleur orofaciale induite par chaleur sur la branche maxillaire du nerf trigéminal chez le rat, l’EA à 100 Hz appliquée sur le ES36 pendant 20 minutes sera analgésique, mais pas l’EA à 5 Hz et 30 Hz. Pas d’action analgésique non plus de l’EA à 5, 30 ou 100 Hz appliquée sur le GI4. L’effet antinociceptif de l’électroacupuncture est médiée par l’activation des opioïdes endogènes (la dynorphine dans ce cas), elle même activée par le monoxyde d’azote (NO) et dépend donc de la localisation de la douleur, du choix du point et de la fréquence de stimulation [ [21] ].

Intensité

Huang et coll. vont montrer chez la souris que l’analgésie induite par EA varie en fonction de la fréquence, mais aussi de l’intensité. Ainsi l’analgésie ne sera produite chez la souris (évaluée par le test de tail-flick qui mesure la latence entre l’application de la stimulation thermique et le premier mouvement échappatoire de la queue) qu’à partir d’une intensité de 0,5 mA et sera à son optimum pour 2 Hz et 100 Hz (durée d’impulsion carrée commune respectivement de 0,6 ms et 0,2 ms) par rapport au groupe témoin [ [22]].

Une autre étude montre l’importance de l’intensité de l’EA. Les récepteurs opioïdes du noyau thalamique submédian sont impliqués dans l’analgésie de l’EA à haute intensité et basse fréquence (5 mA, 5 Hz par série d’impulsions carrées constantes de 0,3ms) alors qu’à haute fréquence et faible intensité (50 Hz, 0,5mA), c’est le noyau antérieur prétectal qui intervient, tout en sachant que ces deux structures sont habituellement impliquées dans la modulation du système inhibiteur descendant [ [23] ].

Lao et coll. constatent que les fréquences 10 et 100 Hz à une intensité de courant de 3 mA produisent la plus grande analgésie. Une intensité moindre à 1 ou 2 mA est moins efficace [20 ].

Durée de l’impulsion

La durée d’impulsion électrique correspond à celle d’un stimulus constant. Ainsi, dans une période de temps donnée et à une fréquence de 10 Hz, une impulsion d’une durée de 2 ms fournit vingt fois plus de stimuli électriques qu’une impulsion de 0,1 ms. Romita et coll. ont évalué la durée d’impulsion électrique de l’EA (4 Hz) nécessaire pour une analgésie efficace sur un modèle de nociception-chaleur chez le rat. Ils constatent qu’une durée d’impulsion (de forme carrée monophasique) de 0,2 ms est satisfaisante en terme de persistance et d’efficacité de la réponse antinociceptive à court terme mais celle-ci s’atténue sur le long terme par rapport aux réponses produites avec une EA à une impulsion de 2 ms ou 5 ms. Cela s’explique par le fait que l’activation des fibres C nécessite généralement une durée d’impulsion au minimum de 0,5 ms, voire égale ou supérieure à 1 ms [ [24] ]. De ce fait, dans leur étude suivante sur l’action antinociceptive de l’EA , ils ont choisi une EA à 4 Hz avec une impulsion de forme carrée de 2 ms appliquée pendant 20 mn [ [25] ].

L’étude paramétrique de Lao et coll. analyse toutes les variables électrophysiologiques de l’EA : fréquence, intensité, durée d’intervention, spécificité du point d’acupuncture et surtout une des seules à étudier précisément la durée de l’impulsion. La durée d’impulsion a été aussi étudiée avec un stimulateur électrique (A300 pulsemaster®, World Precision Instruments) (figure 2). Les auteurs ont observé dans ce travail qu’avec une intensité de 1 mA, une EA de 10 Hz/2 ms produit un effet antalgique à court terme similaire à celle produite à une intensité de 3 mA et une fréquence de 100 Hz avec une impulsion de 0,1ms. Ils objectivent aussi que les effets prolongés observés à 10 Hz/0,1ms disparaissent quand la durée d’impulsion passe à 2 ms. Il apparaît ainsi que l’accroissement de la durée de l’impulsion a le même effet que l’accroissement de la fréquence électrique ou que l’augmentation moyenne de la durée de stimulation [20 ].


Figure 2. Le stimulateur A300 pulsemaster.

Durée d’intervention

Lao et coll. ont montré aussi qu’une EA délivrée pendant 20 minutes est plus adaptée dans l’analgésie qu’un traitement court (10 mn) ou long (30 mn). Le VB30 (huantiao) est plus efficace que le point 5TR (waiguan) ou qu’un point placebo ou même que le point VB30 opposé à l’inflammation algique. D’où spécificité de l’action du point d’acupuncture [20 ].

Sur un modèle de douleur inflammatoire induite chez le rat par l’adjuvant de Freund, l’EA appliquée avec un Han’s Acupoint Nerve Stimulator (HANS), 100 Hz, 0,5-1,0-1,5 mA, 10 min pour chaque intensité, impulsion carrée de 0,2ms en une seule session sur 36ES et 6RP augmente de façon statistiquement significative le seuil de retrait dans les algies mécaniques mais pas dans les algies thermiques (plaque chaude à 52 +/- 0,2°C). La répétition des sessions deux fois par semaine pendant 4 semaines montre une diminution sensible de l’hyperalgésie mécanique à la troisième et quatrième semaine, sans incidence sur l’hyperalgésie thermique. L’effet analgésique est inhibé par la naloxone, objectivant encore l’intervention du système opioïde [ [26] ].

Taguchi [ [27] ] a induit une hyperalgie en injectant de la carragénine (inducteur inflammatoire extrait d’algues rouges) dans le tissu sous-cutané de la patte postérieure de rats afin d’étudier l’effet analgésique de différentes fréquences, d’intensités et de durée de l’EA. Les seuils nociceptifs ont été évalués par un test de Randall-Selitto qui permet de les déterminer en exerçant une pression mesurable. L’EA (durée d’impulsion de forme carrée biphasique de 0,1 ms) sur ES36 a été appliquée à 3, 15 ou 100 Hz pendant 1, 15, ou 60 minutes. L’EA est commencée trois heures après l’injection de carragénine. L’EA à 3 Hz (au bout de 15mn et à 60 minutes) a induit une analgésie statistiquement significative qui a persisté pendant 24 heures après l’injection. Par contre, pas d’analgésie avec l’EA à 15 ou 100 Hz dans le cadre des algies provoquées par la carragénine chez le rat à la différence de celle provoquée par l’adjuvant de Freud [20 ]. Importance donc de la fréquence, de la durée dans l’induction de l’analgésie. Le tableau I récapitule les principaux résultats de ces travaux.

Tableau I. Récapitulatif des principaux travaux et leurs conclusions.

Auteur (année)Caractéristiques de l’électroacupunctureLocalisation cérébrale :  visualisation par expression c-fos  / ac anti-récepteurs stimulés / imagerie fonctionnelleConclusions 
Chen et Han (1992)[10 ,11 ](durée d’impulsion de forme carrée de 0,3 ms) 2 Hz de 1mA à 3mA par palier de 10mn
ES36 et RA6 chez le rat
récepteurs μ et δLibération de : Endorphines
Met-enképhaline
endomorphine [9 ]
100 Hz de 1mA à 3mA par palier de 10 mn
ES36 et RA6 chez le rat
récepteurs κLibération de :
dynorphine
2 Hz en alternance avec 15 Hz  toutes les 2,5s de1mA à 3mA 30mn
ES36 et RA6 chez le rat
récepteurs μ et δ et κLibération de :
Endorphines
Met-enképhaline
dynorphine
Guo (1996) [12 ,13](durée d’impulsion de forme rectangulaire de 0,3 ms)
2 Hz au ES36 (zusanli) et RA6 (sanyinjiao)
1mA, 2mA, 3mA chez le rat (10mn à chaque intensité)
Télencéphale (amygdale médiale et corticale, noyau supraoptique-noyau paraventriculaire, noyau médial optique)
Hypothalamus (noyau arqué, noyau paraventriculaire, périventriculaire, dorsomédial, ventromédial, noyau supramammillaire)
Mésencéphale substance grise périaqueducale
Tronc cérébral (ruban de Reil latéral-lemniscus latéral ventral,noyau solitaire, noyau parabrachial latéral)
Libération de :
Préproenképhaline
100 Hz : 36ES (zusanli) et 6RA (sanyinjiao)
1mA, 2mA, 3mA chez le rat (10mn à chaque intensité)
Télencéphale 
(Amygdale médiale et corticale, habenula –pédoncule antérieur de l’épiphyse, noyau supraoptique-noyau paraventriculaire, noyau medial optique)
Diencéphale
 (Noyau thalamique paraventriculaire)
Mésencéphale
substance grise périaqueducale
Tronc cérébral ( tubercules quadrijumeaux – inferior colliculus, noyau gigantocellulaire, paragigantocellullaire, formation réticulaire latérale)
Libération de :
préprodynorphine
Lao (2004)[20 ](durée d’impulsion = 0,1 ; 1 et 2 ms)
10 Hz, 100 Hz pendant 10,20,30mn
1 à 3 mA 
Algie induite par adjuvant de Freund chez rat
VB30, TR5, points placebos
Expression C-fos :
10 et 100 Hz : 
suppression
couches superficielles de Rexed (I / II) de la corne dorsale de la moelle épinière (afférences nociceptives, lame I, ou couche marginale, reçoit des fibres Aδ ; lame II, ou couche gélatineuse : fibres C.)
activation
couches superficielles de Rexed  (III / IV) (terminaisons des fibres Aα et Aβ)
– Analgésie de l’EA à 10 ou 100 Hz (3 mA) de 20 minutes plus efficace que 10 mn ou 30 mn : importance de la durée
-10 Hz/0,1ms/3 mA plus bénéfique que 100 Hz sur l’algie inflammatoire à long terme
– importance de l’intensité : 10 ou 100 Hz/0,1ms/ 3 mA plus efficace qu’à 1mA
spécificité d’action du point
– durée d’impulsion = même effet que l’augmentation de la fréquence
Zhu (2004)[23 ]5 Hz (ES36)
5 mA, 15 mn
Noyau thalamique submédian
(fibres afférentes de petit diamètre A-δ et C)
Efficacité similaire de la haute ou basse intensité, mais différents effets
50 Hz (ES36)0,5 mA 15mnNoyau antérieur prétectal (fibres afférentes de gros diamètre A-β)
Wang (2005)[19 ]2+100 Hz2 Hz la patte arrière gauche du rat en même temps que 100 Hz à la patte arrière droiteLibération dynorphineEfficacité plus grande de l’EA 2/100 Hz
2/100 Hz
alternance 2 Hz toutes les 3 secondes avec 100 Hz
Libération dynorphine + endomorphine-2
Taguchi (2007)[ 27 ]impulsion biphasique carrée de 0,1ms
3, 15, or 100Hz pendant 1mn, 15 mn,60mn intensité : 3mA (3Hz) ; 1,5mA (15 et 100Hz) ES36
 Analgésie produite dès 15mn à la fréquence de 3 Hz. 
Importance de la fréquence et de la durée.
Algie induite par carragénine chez rats 
Almeida(2008)[21 ]intensité 0,5 mA, onde biphasique carrée asymétrique
5, 30, or 100Hz 20 mn ES36 et GI4
Libération dynorphine (médiée par NO) induit par EA à 100Hz sur ES36
Pas d’action de l’EA à 5 et 30 Hz sur ES36
Pas d’action de l’EA à 5 et 30 et 100 Hz sur GI4
Importance de la spécificité du point d’acupuncture en fonction de l’algie
Importance de la fréquence de l’EA (100Hz)
Algie orofaciale induite par chaleur chez le rat 

La tolérance

En 1981, la tolérance à l’analgésie acupuncturale a été décrite en observant que la durée de l’analgésie était corrélée à la durée de l’administration de l’EA. Appliquée au rat pendant 30 mn, l’EA augmente son seuil de tolérance à la douleur de 89%. Lorsque la stimulation est répétée plus de six sessions consécutives avec des intervalles de repos de 30 mn, une sensibilité décroissante (tolérance) va se développer avec un retour à l’état basal [ [28] ]. Cette tolérance est le résultat d’une désensibilisation des récepteurs opioïdes (down regulation), mais aussi à la libération de l’octapeptide cholecystokinine (CCK-8) [ [29] ]. Han et coll. vont même annuler le phénomène de tolérance par une injection intraventriculaire d’antisérum de CCK-8 au groupe de rats ayant bénéficié d’EA en continu pendant 8h [ [30] ]. Il a été ainsi mis en évidence chez le rat que CCK-8 réalise un rétro-contrôle négatif de l’analgésie électroacupuncturale au delà de 30 mn de stimulation, et en fonction des fréquences. Le pourcentage d’augmentation en CCK-8 est obtenu à la fin de la première heure (+36%), atteint un niveau maximal  (+60%) à la fin de la 2ème heure, fluctue entre 3 et 5 h puis se maintient à haut niveau (+54%) à la fin de la 6ème heure. Ce sont les fréquences hautes de 15 Hz ou 100 Hz qui libèrent davantage de CCK-8 [ [31] , [32] ]. Il faut noter que l’électroacupuncture à 100 Hz (0,2-0,3 mA, impulsion de 0,3ms, 30 mn) du 36ES limite la satiété chez les rats Sprague-Dawley LETO en rapport avec la CCK agissant sur le récepteur CCK-1 [ [33] ].

La CCK-8 n’est pas le seul anti-opioïde intervenant dans la tolérance de l’électroacupuncture. Tian et coll. montrent que l’orphanine FQ (ou nociceptine) participe également à la modulation de l’analgésie induite par l’EA à 100 Hz [ [34] ] et que la tolérance produite par EA (100Hz, 3mA, impulsion carrée de 0,3 ms sur le 36ES et 6RP) sera réversible par injection intracérébro-ventriculaire d’anticorps anti-orphanine FQ (OFQ-ab) [ [35] ].

Différences individuelles et potentialisation de l’EA

Il existe des différences individuelles à l’électroacupuncture. En effet, de nombreux auteurs ont distingué des répondeurs et non répondeurs sensibles à l’EA. Le mécanisme impliqué est double : un bas niveau de libération de peptides opioïdes dans le SNC et un haut niveau de libération de CCK-8 dans la substance grise périaqueducale [ [36] , [37] ].

Prolonger l’effet analgésique de l’électroacupuncture est possible en la combinant avec la dizocilpine (MK-801), antagoniste non compétitif du récepteur NMDA du glutamate. Sur un modèle d’hyperalgie provoquée par injection de Freund dans le coussinet plantaire de la patte de rat, l’EA (30VB) à la fréquence de 10 et 100 Hz (A300 pulsemaster® : impulsion de 0,1ms à 3 mA) associée au MK-801 en sous-dose efficace est statistiquement plus antalgique (p<0,05) que  le MK-801 seul [ [38] ]. On a le même effet synergique avec l’indométacine [ [39] ] ou avec de faibles doses de celecoxib [ [40] ].

 Que retenir ? Les points essentiels

Fréquence : dans les algies, il faut stimuler à la fois en basse (2 Hz) et haute fréquence (100 Hz), chacune durant 3 secondes en alternance, de sorte que les quatre sortes de peptides opioïdes (enképhalines, endorphine, endomorphine et dynorphines) soient libérées simultanément, produisant une interaction synergique. Une possibilité équivalente est de stimuler dans la fréquence 15 Hz qui entraîne la même action sur les neuropeptides. A noter que les fréquences hautes (100 Hz) sont à privilégier si on veut une action immédiate à court terme, alors que les basses (2 Hz) produisent une action antalgique plus durable.

Durée de l’impulsion : en pratique, il n’est pas possible d’agir sur cette variable qui est en général fixée par le constructeur à 0,5 ms, valeur optimum pour les différentes fréquences.

Intensité de la stimulation : plus l’intensité sera forte et plus l’antalgie sera meilleure. Demander donc au patient d’endurer la limite du supportable, tout en sachant que la plupart des appareils ne délivrent généralement que 4 à 5 mA sur 1000 Ohm d’intensité efficace maximale.

Durée d’intervention : pas plus de 30 mn. Au-delà, le phénomène de tolérance se déclenche par activation du système anti-opioïde.

Spécificité du point d’acupuncture : bien choisir le point et la fréquence de stimulation en fonction de l’algie.  

Implications pratiques dans les algies

Des essais contrôlés randomisés (ECR) ont mis en pratique les données expérimentales. Pour exemple, un ECR en double aveugle contre placebo de haute qualité méthodologique (jadad à 5) concernant les douleurs post-thoracotomiques chez 27 patients opérés suite à un carcinome pulmonaire a montré que dans le groupe EA, il y avait au deuxième jour une diminution de l’usage de la morphine statistiquement significative par rapport au groupe placebo (7,5 +/- 5 mg versus 15,6 +/- 12 mg ; p < 0,05). Les points de l’EA utilisés étaient : GI4, VB34, VB36 et TR5, points reconnus pour leur influence sur les algies thoraciques. L’EA était commencée immédiatement au retour de la salle d’opération. Le patient recevait deux sessions de 30 mn par jour d’EA à la fréquence de 60 Hz et cela pendant un total de 7 jours. La fréquence 60 Hz a été choisie comme fréquence moyenne (comme le 15 Hz) entraînant une action sur tous les récepteurs opioïdes. Cependant, les auteurs recommandaient de réaliser d’autres études en utilisant différentes fréquences [[41] ]. 

En conclusion, l’électroacupuncture doit faire partie de l’arsenal de tout acupuncteur dans les algies de quelque nature que ce soit, à condition d’en bien maîtriser tous les paramètres. La découverte de l’action de l’EA sur la libération des neuropeptides opioïdes a même engendré des études cliniques dans les addictions aux morphiniques. Ainsi, Zhang et coll. [ [42] ] ont permis une détoxication de 121 héroïnomanes au bout de 14 jours suite à une électroacupuncture pluri-quotidienne alternées de 2 et 100 Hz utilisant la méthode d’EA issus des travaux de Han [3 ,6 ,7 ]. Plus récemment, Mu et coll. objectivent une amélioration des effets de sevrage dans l’addiction à l’héroïne grâce à l’EA de points jiaji (EX-B2) [ [43] ]. Malheureusement, ces deux ECR montrant une efficacité, résultent d’études en langue chinoise dont l’évaluation méthodologique reste difficile à apprécier [ [44] , [45] ].

Références

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Stéphan JM. Électroacupuncture : modalités techniques et implications pratiques dans les algies. Acupuncture & Moxibustion. 2008;7(3):226-234. (Version PDF)

Stéphan JM. Électroacupuncture : modalités techniques et implications pratiques dans les algies. Acupuncture & Moxibustion. 2008;7(3):226-234. (Version couleur HTML)

Champs magnétiques statiques et acupuncture : intérêt dans l’antalgie ?

La tour Eiffel – Paris – France
La tour Eiffel – Paris – France

Résumé : Objectif. Les champs magnétiques statiques (CMS) engendrés par les aimants pourraient-ils avoir un effet bénéfique dans l’amélioration des algies ? Méthodes. Les mécanismes biologiques des effets antalgiques des CMS sont étudiés en expérimentation animale. Une étude de la revue de littérature (revues systématiques et méta-analyses) est réalisée concernant l’application des aimants en un point quelconque de la peau ou sur les points spécifiques d’acupuncture. Résultats.On ne peut pas recommander l’usage des CMS dans un but thérapeutique antalgique. De même, les preuves de l’efficacité antalgique des dispositifs magnétiques sur des points d’acupuncture sont insuffisantes. Conclusions. Malgré quelques essais cliniques montrant une certaine efficacité dans les douleurs musculo-squelettiques, il est néanmoins nécessaire de réaliser des essais contrôlés randomisés à haute qualité méthodologique. Mots-clés : Champs magnétiques statiques – aimants – acupuncture – antalgie.

Summary: Objective. Could the static magnetic fields (SMF) engendered by magnets have a beneficial effect in the relief pains? Methods. The biological mechanisms of the analgesic effects of SMF are studied in animal experiment. A study of the literature review (systematic review and meta-analysis) is performed concerning the application of magnets in some point of the skin or on the specific points of acupuncture. Results. The evidence does not support the use of SMF for pain relief. Also, the evidences of reducing pain effectiveness of the magnetic devices on points of acupuncture are insufficient. Conclusions. In spite of some clinical trials showing a certain effectiveness in the musculoskeletal pains, it is nevertheless necessary to realize randomized controlled clinical trials in high methodological quality. Keywords: Static magnetic fields – magnets – acupuncture – relief pain.

Afin de prolonger l’effet du traitement par les aiguilles, les acupuncteurs peuvent être tentés d’utiliser des dispositifs engendrant un champ magnétique statique (CMS). Ainsi un aimant logé sur l’injecteur des aiguilles semi-permanentes (ASP) utilisées en auriculothérapie permet d’induire directement un champ magnétique dans l’aiguille implantée. Ne s’embarrassant pas des notions de médecine traditionnelle chinoise, certains praticiens placent également des aimants sur la peau au niveau des zones douloureuses et en dehors des points d’acupuncture.

Que doit-on penser de ces pratiques ? Les champs magnétiques statiques ont-ils un réel effet thérapeutique dans le domaine de l’antalgie ? Le but de cette étude est d’établir à partir de la littérature la réalité des effets des CMS.     

Introduction

En physique, le champ magnétique est une grandeur caractérisée par la donnée d’une intensité et d’une direction, définie en tout point de l’espace et déterminée par la position et l’orientation d’aimants, d’électroaimants et le déplacement de charges électriques. La présence de ce champ se traduit par l’existence d’une force agissant sur les charges électriques en mouvement (dite force de Lorentz) et divers effets affectant certains matériaux (paramagnétisme, diamagnétisme ou ferromagnétisme selon les cas). La grandeur qui détermine l’interaction entre un matériau et un champ magnétique est la susceptibilité magnétique. Le champ magnétique forme, avec le champ électrique les deux composantes du champ électromagnétique décrit par l’électromagnétisme [[1]].

L’unité de l’intensité d’un champ magnétique dans le système international est le tesla (T). On utilise aussi en médecine le gauss (G) en sachant que 1G = 100µT =  10-4T (10 000 G = 1 T = 1 Weber/m2)

A proximité de certains appareils, les valeurs du champ magnétique peuvent être de l’ordre de quelques centaines de micro teslas [[2]]. Le champ magnétique terrestre est évalué à 47 µT au centre de la France (figure 1). L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) utilise des appareils émettant des champs magnétiques entre 1,5 T à 3 T dans le domaine du diagnostic médical, voire jusque  17 T, réservé aux expériences sur les rats ou souris.

Figure 1. Valeurs du flux magnétique terrestre, évoluant de 25 µT en Amérique du Sud à 65 µT en Antarctique [[3]].

Expérimentation animale sur l’effet antalgique des champs magnétiques statiques

La réponse biologique aux champs magnétiques statiques (CMS) délivrés par les aimants a été étudiée de manière expérimentale sur les animaux. Sur la centaine d’études que compte la littérature, quelques unes se sont intéressées particulièrement à l’effet antalgique ou anti-inflammatoire des champs magnétiques statiques. Les résultats observés sur les effets antinociceptifs des CMS sont contradictoires.

Certains auteurs ont rapporté que l’exposition des souris ou des rats à un champ magnétique statique pouvait supprimer le stress, induire une analgésie en rapport avec la libération de peptides opioïdes ou diminuer les constantes biologiques inflammatoires [4-13].

D’autres ont trouvé que les CMS avaient un effet inverse avec la suppression de l’analgésie qui faisait intervenir les opioïdes ou la mélatonine [14-16].

La raison de ces contradictions résulte semble-t-il des différences entre les espèces et les caractéristiques du champ magnétique, comme  l’intensité ou la durée de l’exposition (aigue ou chronique).

Notons qu’il n’existe pas d’étude expérimentale sur l’utilisation précise des CMS sur les points spécifiques d’acupuncture.

Les essais contrôlés randomisés concernant les CMS

Les preuves d’efficacité des CMS sont limitées. On retrouve quelques  essais contrôlés randomisés (ECR) montrant une efficacité dans le soulagement de différentes pathologies algiques (douleurs post-poliomyélitiques, neuropathie diabétique, fibromyalgie, douleurs chroniques pelviennes, canal carpien, gonarthrose, coxarthrose) [17-23]. Une revue de littérature étudie d’ailleurs les différents ECR et montre une certaine efficacité [[24]].

Mais il existe aussi autant d’autres ECR objectivant l’inefficacité des CMS dans l’amélioration des douleurs (myalgies, odontalgies, lombalgies chroniques, cervicalgies et douleurs d’épaule, talalgies, canal carpien, douleurs postopératoires [25-32]. Une autre revue de littérature conclut à l’inefficacité et propose d’éviter les aimants [[33]]. Une revue de littérature Cochrane montre également l’inefficacité des CMS dans les cervicalgies [[34]].

Méta-analyses

A la lecture de ces différents travaux, il est donc difficile de se faire une opinion sur l’impact réel des CMS dans les algies. D’où l’intérêt des méta-analyses dont le principal objectif est d’essayer de déterminer l’efficacité d’une thérapie à partir de la synthèse d’essais contrôlés randomisés.

Pittler et coll. en 2007 [[35]] ont procédé à une étude systématique et à une méta-analyse des ECR évaluant l’efficacité des aimants statiques dans le traitement d’algies de différentes étiologies. Seules les études comportant un placebo ou un aimant de très faible champ magnétique utilisé dans le groupe témoin ont été incluses. Le critère principal d’évaluation était la variation moyenne de la douleur mesurée sur une échelle visuelle analogique (EVA) de 100 mm (100 mm signifiant le maximum de douleur). Vingt-neuf ECR ont été éligibles. Mais seulement neuf parmi ces vingt-neuf ont été retenus dans cette méta-analyse qui, au final, n’a révélé aucune différence significative entre le groupe placebo et le groupe témoin en ce qui concerne l’atténuation de la douleur (différence moyenne pondérée -WMD- sur l’EVA égale à 2 mm ; intervalle de confiance à 95 % –1,8 à 5,8 mm ; p = 0,29) (figure 2). Bien que d’un point de vue statistique, l’hétérogénéité est non significative (I²=11,4%, p=0,16), il n’en demeure pas moins que cette méta-analyse souffre d’un biais important de validité interne et comporte en réalité une hétérogénéité clinique. En effet, les critères nosologiques retenus ne sont pas pertinents : ainsi dans les causes étiologiques, on retrouvait la fibromyalgie [[36]], les lombalgies, les algies du canal carpien, la neuropathie diabétique, les talalgies, la coxarthrose, les myalgies [[37]] et algies du pied [[38]]. Les analyses de sensibilité ont été réalisées. Cela a consisté à comparer les résultats obtenus en incluant ou pas des ECR pour lesquels il était difficile de trancher de leur éligibilité dans la méta-analyse. Ainsi par exemple en incluant juste les ECR dans les douleurs musculo-squelettiques, les auteurs n’ont pas retrouvé de différence significative entre groupe CMS et groupe placebo. En conclusion, les auteurs ne proposent pas d’utiliser les aimants statiques et ne les recommandent pas non plus comme traitement efficace des algies. Toutefois dans le cas de l’arthrose, il existe des données probantes mais qui ne suffisent pas à prouver un important avantage clinique et ouvre plutôt la porte à d’autres études.

Figure 2. Effet des CMS sur la douleur avec moyenne pondérée des tailles d’effets (weighted mean difference avec l’intervalle de confiance à 95%. La ligne verticale ne représente aucune différence entre les aimants et le placebo. Figure à partir de CMAJ. 2007. doi: 10.1503/cmaj.061344 [35].

Cependant, suite à cette méta-analyse une controverse [[39]] est née du fait que certaines études avec bras placebo pouvaient ne pas avoir été réalisées réellement avec bras placebo. En effet, les aimants pour être dits thérapeutiques doivent avoir un CMS supérieur à 300G (30 mTesla) [[40],[41]]. Or il s’avère que certains aimants considérés justement comme thérapeutique avaient un champ magnétique statique équivalent à cette force. Ainsi Harlow et coll. [23] utilisaient comme aimants placebo des aimants de 30mT. D’ailleurs Colbert et coll. [[42]] dans une revue de littérature parue au même moment, critiquent les ECR et argumentent que 34 d’entre eux (soit 61% des ECR recensés) ne fournissent pas suffisamment de détails concernant les différents paramètres des champs magnétiques statiques pour permettre à de nouveaux chercheurs de reproduire les résultats dans d’autres investigations. 

 

Champs magnétiques statiques et acupuncture

Du fait de la spécificité du point d’acupuncture en rapport avec la mécanotransduction [[43]], la transduction au niveau du tissu conjonctif [[44]] et de l’action des molécules informationnelles au niveau du système nerveux central [[45]], il est tout à fait possible que l’effet du CMS additionné à celui du point d’acupuncture puisse avoir un effet bénéfique sur la douleur, supérieur à celui du CMS seul. De ce fait, une revue de littérature a été réalisée en 2008 [[46]].Trois cent huit références ont été trouvées dont 50 études répondaient aux critères d’inclusion. 31 ECR étaient en langue anglaise et 11 études en chinois. La revue était très hétérogène en raison d’une grande variété de dispositifs magnétiques utilisés dans différentes maladies (dépression, hypertension artérielle, nystagmus congénital, insomnie, migraine etc..) avec de multiples dispositifs de contrôle-placebo.

Trente-sept des 42 études (88%) ont déclaré un bénéfice thérapeutique. Mais la mauvaise qualité de l’ensemble des essais contrôlés ne permet pas d’affirmer qu’il existe des éléments de preuve recommandant le traitement par CMS. D’ailleurs, seules trois études concernaient les douleurs musculo-squelettiques : la périarthrite scapulo-humérale [[47]], lésions des tissus mous [[48]] (2 études de cas) et un ECR utilisant auriculothérapie et CMS dans les lombalgies [[49]]. En conclusion, aucune preuve de l’efficacité des CMS associés à l’acupuncture dans la douleur ne semble exister à l’heure actuelle. Les ECR sont à réaliser.

Effets secondaires et risques

Les aimants sont généralement considérés sans danger. Cependant, il est plus prudent de ne pas les utiliser chez certaines personnes [[50]] :

–       les femmes enceintes, car les possibles effets des aimants sur le fœtus ne sont pas connus ;

–       les personnes utilisant des dispositifs médicaux tels qu’un stimulateur cardiaque, défibrillateur, ou pompe à insuline, parce que les aimants peuvent interférer avec le fonctionnement de l’appareil médical ;

–       les personnes qui utilisent des patchs qui délivrent des thérapeutiques à travers la peau, car cela pourrait entraîner une vasodilatation et affecter la distribution du médicament.

Les effets secondaires rapportés sont peu nombreux et bien qu’en laboratoire, on ait pu montrer que les cellules pouvaient s’aligner dans le champ à partir de 5000G, les implications ne sont pas claires.

Des études animales ont montré une action sur le système vestibulaire à partir de 4T. Une induction de courants électriques autour du cœur et de la majeure partie des vaisseaux sanguins a été objectivée à partir de CMS de 1000 G chez les animaux, mais aucun effet désirable n’a été relevé.

On a néanmoins rapporté que les hautes intensités des aimants (en l’occurrence 2000G) appliqués sur six points d’acupuncture, soit 12000G (1,2T) et laissés en place pendant 72 heures pour traiter des bouffées de chaleur (personnes traitées par chimiothérapie en raison d’un cancer du sein), avaient entraîné une exacerbation de ces bouffées ainsi qu’une irritation de la peau, sans doute due à l’adhésif de contention [[51]]. D’où l’importance de ne pas multiplier les points d’acupuncture à traiter simultanément.

Dans des champs de 8T, les effets cardiovasculaires ont été observés chez l’être humain mais ces effets ont été limités et entrent dans l’échelle des variations physiologiques.

Cependant, certaines personnes exposées à des champs d’environ 2T ou davantage, peuvent éprouver des réactions transitoires : vertiges et goût métallique dans la bouche. Des études épidémiologiques et des rapports de cas cliniques n’ont pas rapporté d’effets indésirables à long terme, mais les données sont rares et il n’y a aucune étude de suivi de patients à long terme des ECR concernant les CMS.

Dans l’ensemble, on peut conclure qu’au niveau de l’exposition aux CMS (à partir d’environ 2T), les effets sensoriels transitoires peuvent affecter certaines personnes. Aucun effet grave ou permanent sur la santé n’a été objectivé jusqu’à un niveau de 8T, mais les investigations scientifiques sont limitées. Par contre au delà de 8T, les effets sur le corps humain sont inconnus mais quelques effets cardiovasculaires et sensoriels pourraient se voir avec des CMS très élevés [2].

Conclusion

Les champs magnétiques statiques engendrés par des aimants et appliqués sur des points d’acupuncture dans le cadre des algies pourraient prolonger l’effet des aiguilles. Cependant, aucun ECR à l’heure actuelle n’a objectivé une quelconque efficacité. Compte-tenu des effets secondaires négligeables, cette voie de recherche clinique est à suivre avec attention. Il sera néanmoins nécessaire d’appliquer un protocole méthodologique précis et rigoureux [[52]].


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Stéphan JM. Champs magnétiques statiques et acupuncture : intérêt dans l’antalgie ? Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(1):26-31.(Version PDF)

Stéphan JM. Champs magnétiques statiques et acupuncture : intérêt dans l’antalgie ? Acupuncture & Moxibustion. 2011;10(1):26-31.(Version couleur HTML)

Laser de faible puissance et utilisation en acupuncture : principes physiques et mécanismes d’action

Concert au Palais Rameau – Lille – France
Concert au Palais Rameau – Lille – France

Résumé : Une technique associée à l’acupuncture est le laser de faible puissance. Utilisée sur le point d’acupuncture, l’émission laser peut remplacer l’aiguille. La connaissance de ses caractéristiques physiques (longueur d’onde, énergie, puissance, irradiance, fluence) est primordiale pour un effet optimal de la thérapie par acupuncture laser (TAL). Les études expérimentales montrent que les effets photobiologiques résultent d’effets directs avec stimulation de la microcirculation (effets sur l’angiogenèse, stimulation trophique au niveau cellulaire) qui engendrent à leur tour des effets indirects : anti-inflammatoires, antalgiques, trophiques, antiallergiques, effets de détoxification par activation des radicaux libres. La TAL a donc un intérêt notable pour tous ceux ayant peur des aiguilles et doit faire partie du panel de soins de la médecine moderne. Néanmoins des essais contrôlés randomisés sont nécessaires pour mieux définir les paramètres d’un traitement optimal. Mots-clés : laser – acupuncture – faible puissance – irradiance – fluence – absorption tissulaire – TPKR – ROS – TNF-α – interleukine IL-1β – récepteurs 5-HT1 et 5-HT2A – β endorphine. 

Summary: An acupuncture related technique is the low-power laser. Used on the acupuncture point, the laser output can replace the needle. Knowledge of its physical characteristics (wavelength, energy, power, irradiance, fluence) is essential for optimal effect of laser acupuncture therapy (LAT). Experimental studies show that the photobiological effects result from direct effects with stimulation of the microcirculation (effects on angiogenesis, trophic stimulating in cellular level), which in turn generate indirect effects: anti -inflammatory, analgesic, trophic, antiallergic, detoxification effects by activation of free radicals. LAT thus have a significant for all those with a fear of needles and should be part of the panel care modern medicine interest. Nevertheless, randomized controlled trials are needed to better define the parameters of optimal treatment. Keywords: laser – acupuncture – Low power – irradiance – influence – tissue absorption – TPKR – ROS – TNF- α – IL- 1β interleukin – 5-HT1 and 5 -HT2A – β endorphin.

  


La thérapie par laser de faible puissance (TLFP) est une forme de photothérapie qui va engendrer différents processus biologiques dépendant de paramètres physiques spécifiques comme la longueur d’onde, la puissance, l’énergie, la fluence et l’irradiance. En raison de ses propriétés antalgiques et anti-inflammatoires, elle peut être utilisée par exemple dans les cervicalgies [[1]], même si son efficacité est controversée dans une autre méta-analyse plus récente [[2]]. Une intéressante modalité de la TLFP est la thérapie par acupuncture laser (TAL) définie comme l’utilisation du laser par stimulation d’une combinaison de points d’acupuncture soit de façon simultanée [[3]], soit de façon séquentielle [[4]] selon les paradigmes de la médecine chinoise. Les avantages du TAL, outre la rapidité du temps de traitement, sont son intérêt chez les personnes ayant la crainte des aiguilles, et surtout le fait de n’entraîner aucun risque d’infection, ni effets secondaires, à condition que patient et praticien protègent leurs yeux par des lunettes adaptées à la longueur d’onde.

 

Aspects physiques du laser

 Quelques notions de base

 Un laser (acronyme de l’anglais « Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation » est un appareil qui produit une lumière spatialement et temporellement cohérente basée sur l’effet laser. Celui-ci a pour principe fondamental l’émission stimulée (ou émission induite) décrite en 1917 par Albert Einstein. En 1960, le physicien américain Maiman obtient pour la première fois une émission laser au moyen d’un cristal de rubis. Un an plus tard, Javan mettait au point un laser au gaz (hélium et néon) puis en 1966, Sorokin construisait le premier laser à liquide. Einstein montre que l’émission d’un photon lorsqu’un atome se désexcite peut être induite, stimulée, par un photon de même énergie. Dans ce processus appelé « émission stimulée », le photon émis possède les mêmes caractéristiques que le photon « stimulant » : même énergie, même direction d’émission, même phase, mais avec une énergie double du fait de l’amplification de lumière par émission stimulée de radiation (figure 1).


 Le phénomène d’absorption. Lorsqu’il est éclairé par un rayonnement électromagnétique (photon hν = la lumière), un atome peut passer d’un état n à un état n’ > n, en prélevant l’énergie correspondante sur le rayonnement. L’atome passe de son état fondamental E1 vers l’état excité E2. 

Le phénomène d’émission stimulée. Un atome dans l’état n’ peut se « désexciter » vers le niveau n sous l’effet d’une onde électromagnétique, qui sera alors amplifiée. On peut l’interpréter comme l’émission d’un photon d’énergie qui vient s’ajouter au rayonnement. La désexcitation de l’atome est stimulée par l’arrivée du photon incident. Le photon émis vient s’ajouter au champ incident : il y a amplification.

Figure 1. Les phénomènes d’absorption et d’émission stimulée expliquant l’effet laser (l’émission spontanée, troisième mécanisme d’interaction qui engendre l’émission d’un photon à direction et phase aléatoire n’est pas abordée dans ce schéma).

Pour avoir un effet laser, il est nécessaire qu’il y ait davantage d’atomes dans l’état excité que dans l’état fondamental : il faut donc provoquer une « inversion de population » et donc sortir de l’état d’équilibre thermodynamique. Un tel déséquilibre est réalisé à partir de méthodes dites de «pompage» qui apportent sans cesse de l’énergie et intensifient la population d’atomes dans l’état excité. On augmente ainsi le taux d’émissions stimulées par « amplification résonante » en utilisant une cavité constituée de deux miroirs parallèles. Dans cette cavité résonante qui constitue un oscillateur optique, on obtient une amplification favorisant l’émission stimulée dans la direction de propagation de la lumière grâce à l’un des miroirs semi-réfléchissants qui permet au faisceau de sortir du dispositif.

Un laser se définit donc par trois éléments fondamentaux :

– Un milieu amplificateur optique de différents types (matériau gazeux, solide ou liquide). Dans ce milieu, on trouve des atomes, molécules, ions ou électrons dont les niveaux d’énergie sont utilisés pour accroître la puissance d’une onde lumineuse au cours de sa propagation. Le principe physique mis en jeu est l’émission stimulée.

– Un système d’excitation du milieu amplificateur (aussi appelé système de pompage) : il permet de créer les conditions d’une amplification lumineuse en apportant l’énergie nécessaire au milieu. Le système de pompage peut être de différente nature : pompage optique (le soleil, lampes flash, lampes à arc continues ou lampes à filament de tungstène, diodes laser ou autres lasers …), électrique (décharges dans des tubes de gaz, courant électrique dans des semi-conducteurs …) ou même chimique.

– La cavité qui permet de recycler les photons et d’obtenir par effet en cascade une amplification de la lumière déjà existante. La cavité la plus simple est constituée de deux miroirs, dont l’un est partiellement réfléchissant. Ce résonateur optique qui est un oscillateur laser permet donc de confiner l’onde à l’intérieur de la cavité, puis d’augmenter son parcours dans le milieu amplificateur, de façon à obtenir une amplification considérable. L’oscillateur laser peut être schématisé par la figure 2 avec ses éléments fondamentaux : le milieu amplificateur excitable, le système de pompage, et les miroirs formant la cavité, dont le miroir de sortie. Différentes techniques permettent d’obtenir une émission autour d’une seule longueur d’onde. Les longueurs d’ondes concernées étaient d’abord les micro-ondes (maser inventé en 1954 par Townes), puis elles se sont étendues aux domaines de l’infrarouge, du visible, de l’ultraviolet et commencent même à s’appliquer aux rayons X [[5],[6]].

Figure 2. Principe de fonctionnement du laser : 1 – milieu excitable ; 2 – énergie de pompage 3 ; – miroir totalement réfléchissant ; 4 – miroir semi-réfléchissant 5 – faisceau laser. Le composé 1, par exemple le gaz He-Ne ou un cristal (rubis, etc.) est placé entre les deux miroirs dont un laisse passer une petite partie de la lumière. Ce composé est ensuite excité de manière à libérer des photons lorsqu’il perd cette énergie (quand les électrons du composé passent à une couche inférieure). La taille du système qui correspond à la cavité résonnante est prévue pour que lorsqu’un photon heurte un miroir, deux photons repartent dans l’autre sens pour générer le faisceau laser (schéma d’après http://fr.wikipedia.org/wiki/Laser).

Les différents types de laser peuvent être classés suivant les caractéristiques qu’ils présentent, en deux grandes catégories :

Dans une première catégorie, sont classés les lasers selon le mode temporel d’émission. On trouve ainsi des sources émettant en mode dit continu (durée de l’impulsion constante, exemple τ>0,25s pour l’He-Ne) ; des sources dites impulsionnelles ou pulsées dont la fréquence et la puissance sont modulables. Ce sont des lasers utilisant une diode capable de fonctionner une très courte durée (quelques femtosecondes) mais avec énormément de puissance (près d’1 MW = 1 000 kW = 1 000 000 W pour les plus puissants).

Dans une seconde catégorie peuvent être classés les lasers pour lesquels la nature du milieu actif diffère [[7]].

  – Lasers à gaz tels que les lasers atomiques neutres (laser He-Ne, He-Cd, …), les lasers atomiques ionisés (Argon Ar+, Kryton Kr+) et les lasers moléculaires (CO2, excimères, etc.). Les lasers à gaz couvrent tout le spectre optique, depuis l’ultraviolet jusqu’à l’infrarouge lointain.

  – Lasers solides tels que le laser à rubis, Nd-YAG (grenat d’yttrium-aluminium dopé au néodyme Nd-YAG) etc. ;

– Lasers à colorants : utilisation de colorants pour avoir la longueur d’onde exacte désirée (au centième de nanomètre près) ;

– Lasers à semi-conducteurs à diode laser (les photons sont produits par deux semi-conducteurs traversés par un courant électrique) ; à électrons libres ;

– A fibres (le milieu amplificateur est une fibre optique dopée avec des ions rares).

 Définition des caractéristiques des émissions lasers

Un laser est caractérisé par sa longueur d’onde en nanomètre (1 nm : 10-9 mètre), son énergie en Joule (J), sa puissance en Watt (W), son irradiance, parfois appelée densité de puissance en Watt/centimètre carré (W/cm² ou mW/cm²), sa fluence ou dose délivrée en Joule/centimètre carré (J/cm²). 

 La longueur d’onde

Lorsque la longueur d’onde λ (lambda) se situe entre 400 nm et 750 nm, le rayon laser est visible à l’œil humain (exemple : He-Ne 632 nm : rouge ; argon 514 nm : vert). Les longueurs d’onde inférieures à 400 nm sont situées dans l’ultraviolet et celles supérieures à 750 nm figurent dans l’infrarouge. Le tableau I montre le spectre électromagnétique.  Les longueurs d’onde entre 633 à 670 nm sont la meilleure option pour la thérapie au laser de faible puissance avec une profondeur de pénétration n’excédant pas le centimètre [[8]].

 Tableau I. Spectre électromagnétique et exemples de longueur d’onde avec correspondance avec la fréquence en Hertz (Hz).

Longueur d’onde (dans le vide)DomaineFréquence 
supérieure à 10 mradioinférieure à 30 MHz 
de 30 cm à 1 mmmicro-onde (Wifi, téléphones portables, radar, etc.)de 1 GHz à 300 GHzincluse dans les ondes radios
de 500 μm à 780 nminfrarouge de 0,5 THz à 350 THzinfra-rouge C (3000nm- 1mm)(3µm-1000µm)infra-rouge B (1,4µm-3µm)infra-rouge A (780nm -1400 nm (1,4µm))
de 380 nm à 780 nmlumière visiblede 350 THz à 750 THzrouge (620-780 nm)
orange (592-620 nm)
jaune (578-592 nm)
vert (500-578 nm)
bleu (446-500 nm)
violet (380-446 nm)
de 100 nm à 380 nmultravioletde 750 THz à 30 PHz 
de 10 pm à 10 nmrayon Xde 30 PHz à 30 EHz 
inférieure à 10 pmrayon γsupérieure à 30 EHz 

L’énergie

L’énergie est la capacité d’un système à produire un travail, entraînant un mouvement ou produisant par exemple de la lumière, de la chaleur ou de l’électricité. C’est une grandeur physique qui caractérise l’état d’un système et qui est d’une manière globale conservée au cours des transformations. L’énergie s’exprime en joules (E= Puissance en mW x Temps en seconde). Exemple : 1J= 1 W-s (watt seconde).

La puissance

La puissance est la quantité d’énergie par unité de temps. L’unité de puissance est le watt qui correspond donc à un joule fourni par seconde. Ne pas confondre la puissance exprimée en watts (W) avec l’énergie exprimée en watt-heures (W-h) ou avec l’unité de variation de puissance exprimée en watts par heure (W/h). En vue de calculer la dose à administrer au point d’acupuncture, il est important de connaître la puissance de sortie du laser. En effet, deux types de laser sont utilisés en médecine : le laser de haute puissance (500mW-50W : hard laser) et le laser de faible puissance (5mW-500mW), encore appelé soft laser ou basse énergie. Celui-ci est utilisé en acupuncture pour ses propriétés non thermiques alors que le hard laser est réservé pour les techniques chirurgicales (scalpel, photo coagulation etc.).

L’irradiance

 Il s’agit de la densité de puissance qui quantifie la puissance d’un rayonnement électromagnétique par unité de surface. Elle s’exprime en watts par centimètre carré (W/cm²). I=P/S avec I : irrradiance ; P : puissance et S la surface.  

 La fluence

C’est l’énergie délivrée par unité de surface, encore appelée dose délivrée, dont l’unité est le J/cm².  F= E/S avec F : la fluence ; E : énergie et S : surface. Elle est fonction de l’irradiance et du temps d’application : irradiance x Temps = Fluence. Exemple : Pour traiter une surface de 8 cm2 avec une dose délivrée (fluence) de 3 J/cm2 et un laser de 50mW, il faut un temps de 20 sec x 3 J/cm2 x 8 cm2 = 480 sec soit 8 minutes alors qu’il faut seulement 90 sec avec 250 mW, 45 sec avec 500mW et 24 sec avec 1Watt.


Est ce que 1 J/cm² est équivalent à 1 W/cm² ? Différence entre fluence et irradiance.

En pratique, est ce qu’une dose délivrée sur la peau en 9 minutes de 32 J/cm2 à partir d’une source laser est équivalente à une irradiance de 32 W/cm2 en 9 minutes. Non car il existe un facteur de temps. Ainsi 1 watt n’est pas égal à 1 joule. La puissance en watts est égale à l’énergie en joules, divisée par le temps en secondes. 9 minutes = 540 secondes.  
Ainsi, une fluence de 32 J/cm ² administrée en 9 minutes est équivalente à une irradiance de 32 J/cm²/540s = 0,059 J/cm² s• = 0,059 W/cm ² 


Caractéristiques techniques des lasers de faible puissance

 La puissance se situe entre 10 et 500 mW. L’irradiance retrouvée habituellement est comprise entre 5mW/cm² et 5W/cm², la longueur d’onde est comprise entre 600 et 1000 nm et la fluence entre 0,05 et 20 J/cm².

La World Association for Laser Therapy (WALT) a proposé les doses recommandées pour un traitement optimal. Ainsi dans le canal carpien, avec un laser de longueur d’onde compris entre 780 et 860 nm, en émission d’une puissance entre 5 mW et 500 mW, les temps de traitement doivent être compris entre 20 et 300 secondes avec une application d’un minimum de 4 J par point pour un total de 8 J par poignet (traitement réalisé chaque jour pendant 15 jours ou tous les deux jours pendant 4 semaines). Il est nécessaire de différencier la fluence (J/cm²), de l’énergie (J), car par exemple une haute fluence peut facilement être obtenue en jouant sur la surface de traitement ou la surface du faisceau laser. Ainsi 1 joule appliquée sur une surface de 1 cm² (fluence=1 J/cm²) correspondra à une dose délivrée de 10 J/cm² sur une surface de 0,1cm² [9 ,10 ,11 ]. Il est donc important de connaître le diamètre du faisceau laser pour connaître la dose délivrée réelle.


Calcul de la fluence

Les paramètres : laser de 50 mW de puissance en émission constante ; diamètre du faisceau laser : 1 mm ; point traité pendant 5 secondes. Pour calculer la fluence, nous avons besoin de deux paramètres : la puissance et l’aire de distribution du faisceau.  Ainsi, 50 mW émis durant 5 s signifie qu’une énergie de 250 mJ =0,25 J a été émise du laser (0,75 J pour 15 secondes). L’aire est égale à 0,785mm², soit 0,00785cm² (1 mm de diamètre). En supposant que l’irradiance soit la même sur chaque point, la fluence sera donc de 0,25 J / 0,00785 cm² = 31,84 J/cm², fluence qui sera délivrée aux cellules en contact direct avec le faisceau laser, soit sur une aire de 0,785mm². Si on veut calculer la dose moyenne de la fluence délivrée sur une aire de 1cm² (diamètre 1,13cm) autour du point de puncture, nous retrouvons une fluence de 0,25 J/cm², ce qui veut dire que l’effet thérapeutique suivra une loi de distribution gaussienne avec effet maximum près de l’ouverture du faisceau et effets moindres plus on s’en éloigne.


Mécanismes d’action du laser de faible puissance

Les effets physiologiques de l’émission laser s’observent déjà pour une irradiance supérieure à 1,3W/cm² [3,[12]]. Une fluence de 4 J/cm2 est considérée comme la dose optimale pour la stimulation biologique d’un point sur la base de résultats empiriques [[13]] bien que de nouvelles recherches concernant le laser ultra faible puissance (3 mW ; 0,45mJ/cm²) objectiveraient également une photo-biostimulation [[14]]. Ainsi la TAL (670 nm ; 3mW ; 0,21 mJ/mm² par point) appliquée sur ES36 et TR5 aurait un effet anti-œdémateux et antalgique sur un modèle de douleur inflammatoire et neuropathique chez le rat. Pas d’action par contre sur la douleur viscérale [[15]].

Mester en 1968 a été le premier à réaliser des travaux de recherche concernant les effets non thermiques des lasers sur la croissance des cheveux de la souris [[16]]. Dans une étude ultérieure [[17]], le même groupe a rapporté une accélération de la cicatrisation des plaies et l’amélioration de la capacité de régénération des fibres musculaires après lésion grâce à un laser basse énergie à rubis (694 nm) d’une fluence d’un 1 J/cm2.

A la différence des lasers forte puissance qui induisent des effets thermiques, l’un des traits les plus marquants des lasers faible puissance est que les effets sont plutôt médiés par un processus appelé photobiostimulation. On utilisera en règle générale des sources de rayonnement dans la région spectrale rouge et proche infrarouge (620 à 1200 nm de longueur d’onde), pour la raison que l’hémoglobine n’absorbe pas ce rayonnement. De ce fait, l’émission laser peut pénétrer plus profondément dans les tissus vivants et interréagir [[18]].

Effets d’absorption tissulaire du rayonnement laser

Outre les spécificités physiques précédemment décrites, il convient effectivement de connaître la profondeur d’absorption du rayonnement laser dans le tissu cutané, ceci afin d’en comprendre le mécanisme d’action. En effet, la structure du tissu se compose essentiellement de chromophores comme l’eau, l’hémoglobine et les pigments tels la mélanine, la bilirubine ou le carotène. Il existe une « fenêtre optique » comprise entre 600 et 1300 nm pour laquelle la pénétration est maximale. Au-delà de 1300 nm, l’eau va absorber toute l’énergie, tout comme en dessous de 600 nm, le rayonnement sera absorbé par l’hémoglobine et les pigments [[19],[20]].

 Figure 3. Coefficients d’absorption en mm des trois principaux chromophores biologiques (oxyhémoglobine, mélanine et eau) en fonction de la longueur d’onde (d’après [20]).

Ainsi sur un échantillon de peau abdominale humaine de 0,784mm d’épaisseur, l’intensité du rayonnement laser (longueur d’onde 850 nm ; 100mW ; 0,28mm du diamètre de la sonde) est réduite de 66%.  Cela suggère que le rayonnement laser est absorbé dans le premier mm du tissu cutané [[21]]. Notons que le derme qui a une épaisseur moyenne de 1 à 2 mm, est une des trois couches constitutives de la peau comprise entre l’épiderme et l’hypoderme. Il est formé de tissu conjonctif principalement composé d’une matrice extracellulaire produite par des fibroblastes qui interviennent justement dans la mécanotransduction induite par l’acupuncture [[22]]. Ankri et coll. suggèrent que la longueur d’onde optimale pour un effet thérapeutique dans la cicatrisation des lésions est de 730 nm car la pénétration va jusqu’à 1,6mm de profondeur et 0,5mm pour une longueur d’onde à 480 nm [[23]]. Cependant la pénétration du laser diffère aussi selon les localisations cutanées. Ainsi le faisceau laser He-Ne (632,8 nm ; 50 mW) pénètre à 80,5% dans un tissu abdominal de 0,03mm d’épaisseur ; à 6,5% dans un tissu de 2,60mm ; à 0,3% pour 19mm. Au niveau de la face antérieure du bras la pénétration n’est que de 58% pour un tissu cutané de 0,024 mm d’épaisseur et descend à 10% pour un tissu cutané de 1,5mm. Les résultats montrent que la pénétration du rayonnement laser diffère selon les différentes localisations à la surface de la peau [[24]], tout comme on piquera plus ou moins profondément selon les concepts de la médecine traditionnelle chinoise.

Effets photobiologiques de l’émission laser

On peut considérer que les effets photobiologiques vont résulter d’effets primaires ou directs avec stimulation de la microcirculation (effets sur l’angiogenèse, stimulation trophique au niveau cellulaire) engendrant à leur tour des effets indirects : effets anti-inflammatoires et anti-œdémateux, antalgiques, immunosuppresseurs, trophiques et cicatrisants, effets antiallergiques, effets de détoxification par activation des radicaux libres. A ce jour, plusieurs mécanismes d’action biologique ont été proposés, mais aucun n’est clairement établi et satisfaisant. Par ailleurs, ces effets ont été démontrés en utilisant des dispositifs de laser de faible puissance variables et souvent non comparables. Pour ajouter à la confusion, il existe un effet dose-dépendant actif sur une gamme étroite de longueur d’ondes qui peuvent disparaître avec l’augmentation de la dose délivrée. En effet, les effets de la biostimulation par le laser sont régis par la loi d’Arndt-Schultz à savoir que des stimuli faibles activent l’activité physiologique cellulaire alors que les stimuli intenses les diminuent jusqu’à engendrer une réponse négative [[25],[26]]. Selon cette loi, la biostimulation apparaît à une fluence comprise entre 0,05 et 10 J/cm² [[27]], avec une valeur optimale comprise entre 0,5 et 4 J/cm² [[28]] (figure 4).

Figure 4. La loi d’Arndt-Schultz pour thérapie par laser de faible puissance (d’après [28 ]). 

 Effets directs

 Sur la cellule

La stimulation laser à faible puissance favorise la prolifération de plusieurs cellules, principalement à travers l’activation de la chaîne respiratoire mitochondriale et l’initiation de la signalisation cellulaire. Gao et coll. ont réalisé une revue de littérature concernant ces effets et ont montré l’implication des récepteurs à tyrosine kinase (TPKR) qui sont phosphorylés. Les TPKR activés pourraient engendrer à leur tour des éléments de signalisation par transduction (Ras/Raf/MEK/ERK, PI3K/Akt/PI3K/Akt/eNOS etc.). Il y a aussi implication de deux autres voies de transduction : ATP/cAMP/JNK/AP-1 et ROS/Src (dérivés réactifs de l’oxygène). Cela aboutit en aval à la synthèse ou la libération de nombreuses molécules, comme les facteurs de croissance, les interleukines, les cytokines inflammatoires etc. [[29]]. Ces mécanismes cellulaires sont similaires à ceux observés par l’action de l’aiguille d’acupuncture qui déclenche une transduction dans le tissu conjonctif [[30]].

Sur l’angiogenèse et le flux sanguin

Il a été objectivé chez le lapin que le laser (830 nm ; 60 mW ; 40 mW/mm² ; 1,4mm de diamètre, 39 mW/cm² déclenchait une accélération de la vélocité du flux sanguin, une augmentation du diamètre des artérioles dans les groupes traités par acupuncture ou par laser en rapport avec l’accroissement de la concentration en oxyde nitrique (NO) [[31]]. De la même façon, chez l’être humain, on pourra observer un accroissement de la microcirculation par activation de la NO, synthèse via la synthase NO (NOS) pour une longueur d’onde de 385-750 nm (40 mW/cm2, 12 J/cm2) [[32]].Wang et coll. observent même chez des volontaires sains que la TAL (405 nm, 110 mW) appliquée sur 14VG (dazhui) accélère les effets vasculaires périphériques de la microcirculation érythrocytaire [[33]].  

 Effets anti-inflammatoires

 Chez la souris, on observe qu’une fluence de 5 J/cm² pour des longueurs d’onde variant de 635 nm à 905 nm peuvent déclencher une modulation de la réponse inflammatoire en entraînant une régulation positive (uprégulation) de l’expression des gènes de la synthase inductible de l’oxyde nitrique (iNOS) [[34]]. Cela est à nouveau confirmé sur un modèle de blessure musculaire chez le rat Wistar bénéficiant d’une émission par diode laser (GaAlAs) avec les paramètres suivants : mode continu, 808 nm, 30 mW de puissance, 47 secondes d’émission, surface stimulée : 0,00785 cm2, fluence : 180 J/cm2, irradiance 3,8 W/cm2, avec une énergie totale de 1,4 J par point. On retrouve une réduction du stress oxydatif dans le groupe des rats traités (n=20) versus groupe contrôle non traité (n=20) par diminution de la production d’oxyde nitrique (NO), probablement en rapport avec la réduction de la forme inductible (iNOS) de l’oxyde nitrique. En outre, la thérapie par laser de faible puissance (TLFP) augmente l’expression du gène de la superoxide dismutase (SOD, antioxydant permettant de lutter contre les radicaux libres de type ROS) et une réduction de la réponse inflammatoire mesurée par la diminution de l’expression du gène du NF-kβ, de la cyclooxygénase-2 (COX2), inhibant la libération de cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-α, et l’interleukine IL-1β [[35]].

Un travail très récent sur un modèle de lésion musculaire inflammatoire chez le rat confirme que la TLFP (904 nm ; pulsé à 700 Hz ; 60 mW ; irradiance =1,67 W/cm² ; 1 J) diminue de manière significative (p <0,05) les cytokines inflammatoires telles que l’IL-1β, IL-6 et les concentrations de TNF-α par rapport au groupe non traité ainsi que les groupes diclofénac et cryothérapie [[36]].

Piva et coll. ont analysé vingt-deux travaux de recherche réalisés aussi bien in vitro (chez l’animal) qu’in vivo (chez l’homme). Ils ont conclu que la TLFP exerce un important effet anti-inflammatoire précoce dans les processus de cicatrisation en réduisant les cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-1β, l’IL-2, les IL-6 et 10, le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α), l’histamine, la prostaglandine E2 (PGE2). Par ailleurs, la TLPF réduit aussi la migration des cellules inflammatoires comme les leucocytes, les neutrophiles et augmente les facteurs de croissance tels que le fibroblast growth factor-2 (FGF-2), le platelet-derived growth factor (PDGF), l’insulin-like growth factor 1 (IGF-1) et l’insulin-like growth factor-binding protein 3 (IGFBP3) etc. Les auteurs montrent néanmoins un manque de standardisation sur le choix des paramètres physiques et observent par exemple que la plupart des lasers utilisés concernaient la longueur d’onde comprise entre 632,8 et 685 nm [[37]].

Effets analgésiques

Sur un modèle de rat, la stimulation du point zusanli (36ES) bilatéralement par laser pendant 6 secondes (830 nm ; 30 mW ; 1,6 mm de diamètre de faisceau ; 3 J/cm², 6 mm² d’aire, 180 mJ) inhibe les contractions abdominales induites par injection d’acide acétique intra-péritonéale et à la fois les douleurs nociceptives et inflammatoires induites par le formaline. Les auteurs démontrent que ces effets sont médiés par l’activation des systèmes opioïdes (β endorphine) et sérotoninergiques (récepteurs 5-HT1 et 5-HT2A, mais pas les récepteurs 5-HT3) [[38]]. Ce travail corrobore l’étude réalisée par Hagiwara et coll. qui objectivait l’effet analgésique du laser en rapport avec la libération de β endorphines [[39]].

 Effets antiallergiques

 La stimulation de la muqueuse intra-nasale incluant le point hors méridien neiyingxiang (EX-HN9) par un dispositif laser de faible puissance (658 nm, 30 mW, 0,2 cm², 320s :1000 mJ/cm² et 640s : 2000 mJ/cm²) sur un modèle de rhinite allergique chez la souris entraîne une inhibition statistiquement significative de la concentration totale en IgE, en interleukine IL-4, en interféron de type II (IFN-γ) et en TARC (CCL17), chimiokine en rapport avec une réponse humorale des lymphocytes Th2. Il sera noté que la faible fluence 1000 mJ/cm² est plus efficace que la haute fluence (2000 mJ/cm²). Les auteurs notent l’importance de la dose thérapeutique optimale, sans doute en rapport avec la loi d’Arndt-Schultz [[40]].

 Conclusion

Le laser provoque peu ou pas de sensations, avantage notable pour tous ceux ayant peur des aiguilles d’acupuncture, ou en pédiatrie. Néanmoins, il est important d’en connaître ses caractéristiques physiques.  Plusieurs mécanismes d’action biologique ont été proposés. Aucun n’est clairement établi et satisfaisant car trop de variables influent sur les résultats. Aussi, des essais contrôlés randomisés sont nécessaires pour mieux définir les paramètres d’un traitement optimal, incluant la longueur d’onde, l’irradiance, la fluence et l’énergie du laser, afin de maximiser les avantages physiologiques et la rentabilité de cette technique thérapeutique associée à l’acupuncture.

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Moxibustion : étude synthétique et intérêt en obstétrique

Crémation au temple de Pashupatinath – Katmandou – Népal
Crémation au temple de Pashupatinath – Katmandou – Népal

Résumé : Introduction. L’objectif de ce travail est d’évaluer la possibilité d’utiliser la moxibustion en obstétrique. Méthodes. Après avoir étudié l’origine, les différentes variétés, puis décrit les caractéristiques générales de la moxibustion, à savoir les effets thermiques, électromagnétiques et pharmacologiques, cette étude synthétique s’intéressera aux effets secondaires et la sécurité. Des études de cas concernant l’intérêt de la moxibustion dans les versions pour présentation de siège seront à la base de la discussion faisant un état des lieux des méta-analyses et des essais comparatifs randomisés (ECR) ainsi que d’une explication théorique des mécanismes d’action de la moxibustion. Même approche concernant le syndrome douloureux pelvien gravidique (syndrome de Lacomme) et les douleurs lombaires basses. Les autres applications de la moxibustion, telles l’asthénie, l’accélération du travail seront également étudiées. Résultats. Il est souhaitable que la moxibustion soit proposée dans le panel des soins de santé à offrir aux femmes enceintes associée ou non aux autres techniques comme l’acupuncture ou l’électroacupuncture.. Conclusion. La moxibustion peut être utilisée seule ou en association avec le traitement classique dans le cadre de la médecine intégrative. Selon les preuves issues des méta-analyses, des ECR, on peut considérer sa contribution utile, efficace et sans effets indésirables. Néanmoins, du fait de nombreux biais (population insuffisante, grande hétérogénéité des ECR, etc.), il est nécessaire de réaliser des ECR de grande qualité méthodologique pour que l’on puisse proposer la moxibustion en obstétrique avec un grade A de preuve scientifique établie selon la Haute Autorité de Santé française. Mots clés : Moxibustion – présentation du siège – obstétrique – syndrome de Lacomme – syndrome douloureux pelvien – mécanismes d’action. 

SummaryIntroduction. The objective of this work is to evaluate the possibility of using moxibustion in obstetrics. Methods. After studying the origin, the different varieties and then describing the general characteristics of the moxibustion, namely the thermal, electromagnetic and pharmacological effects, this synthetic study will focus on side effects and safety. Case studies of the relevance of moxibustion in breech versions will form the basis of the discussion of the state of play of meta-analyzes and randomized controlled trials (RCTs) as well as a theoretical explanation of mechanisms of action of moxibustion. Same approach regarding pelvic pain syndrome (Lacomme syndrome) and low back pain. Other applications of moxibustion, such as asthenia, acceleration of work will also be studied. Results. It is desirable that moxibustion be offered in the panel of health care to offer to pregnant women associated or not with other techniques such as acupuncture or electroacupuncture. Conclusion. Moxibustion can be used alone or in combination with conventional therapy in integrative medicine. According to the evidence from the meta-analyzes, RCTs, one can consider its contribution useful, effective and without undesirable effects. However, because of many biases (insufficient population, high heterogeneity of RCTs, etc.), it is necessary to perform RCTs of high methodological quality so that moxibustion in obstetrics can be proposed with a grade A of established scientific evidence established by the French High Authority of Health.. Keywords: Moxibustion – presentation of the seat – obstetrics – Lacomme syndrome – pelvic pain syndrome – mechanisms of action.

Origine de la moxibustion

La première utilisation de la moxibustion pourrait dater de la dynastie Shang, également appelée dynastie Yin (1600 AEC à 1046 AEC) car notifiée sur les oracles écrits sur plastron de tortue (Jiagu Wen, 甲骨文) [[1],[2]].

Mais c’est en 1973 lors de la découverte des vingt manuscrits médicaux sur rouleaux de soie ou de bambou à Mawangdui (dynasties de Qin (221 BC-206 BC) et des Han (206 BC-220 AD) que l’on trouva une trace écrite plus importante. Ainsi les premiers livres excavés de la tombe 3 traitant de moxibustion furent le Canon de moxibustion des onze méridiens yin et yang –version A (Yingyang shiyimai jiujing –jiaben), le Canon de moxibustion des onze vaisseaux du pied et de l’avant-bras et les Prescriptions pour 52 affections qui fut le premier manuscrit de prescriptions s’intéressant à cent-trois maladies et donnant deux-cent-quatre-vingt-trois formules et huit protocoles de moxibustion [[3],[4]].

Les différentes moxibustions

Deux types de moxibustion sont appliquées : la moxibustion directe et la moxibustion indirecte.

La moxibustion directe

La moxibustion indirecte

Elle est dite indirecte (appelée onkyu au Japon) [[5]] car il n’y a pas de contact direct du moxa avec la peau et de ce fait, n’entraîne ni brûlures ni cicatrices.

Les caractéristiques générales de la moxibustion

Trois effets ont été décrits : thermique, rayonnement électromagnétique et pharmacologique.

Effets thermiques de la moxibustion indirecte

Brûler un moxa produit une haute température d’environ 400 à 890°C. Superficiellement, la température tombe à environ 65° au niveau de la peau, puis en sous-cutané passe à 45°C. Une activation des thermorécepteurs type récepteurs TRPV (transient receptor potential vanilloide) et des récepteurs polymodaux [note 1] se produit, puis activation des neurones nociceptifs du subnucleus reticularis dorsalis (SRD) à l’étage supra-médullaire au niveau de la formation réticulée bulbaire [6-11]. Les effets de la moxibustion sur la peau déclenchent des douleurs, phlyctènes et autres irritations cutanées comme des exsudats. Au niveau du point de brûlure, il existe une vasoconstriction alors qu’autour on retrouve une vasodilatation avec augmentation de la circulation sanguine artérielle périphérique et de la perméabilité microvasculaire. Enfin, une induction des protéines de choc thermique (HSP)[note 2] dans les tissus locaux (HSP70, 85, 100) va impliquer un pliage et un déploiement d’autres protéines, facteurs protecteurs endogènes en réponse à l’hyperthermie et autres stress environnementaux (figure 1) [7,12-14].

Figure 1. Explication du fonctionnement d’Hsp70. La structure des protéines est sensible à la chaleur, elles se dénaturent et perdent leurs fonctions biologiques. Le rôle des protéines chaperons est de prévenir les dommages potentiellement causés par une perte de fonction protéique due à un mauvais repliement tridimensionnel. La protéine mal conformée pénètre dans Hsp70 schématisé sous forme d’un cylindre. Celui-ci va replier la protéine qui ressortira avec sa conformation définitive. Par K90 — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=5262114.

Effets de rayonnement

Le moxa émet un rayonnement lumineux et infrarouge (IR). Donc effet thermique mais aussi électromagnétique avec un pic infrarouge du bâton armoise à 3,5µm avec une intensité d’émission de 43300,41 mV (figure 2). Cette longueur d’onde correspond à l’infrarouge proche (PIR) : 0,78 à 3 µm et à l’infrarouge moyen MIR de 3 à 50 µm. Lorsque les PIR irradient le corps, la lumière réfléchie par la peau est relativement faible et l’énergie peut être transmise dans la peau à environ 10 mm de profondeur, atteindre les tissus. Cela peut induire certaines substances actives produite dans les tissus, après avoir été absorbé par le tissu conjonctif, les vaisseaux sanguins, lymphatiques et les nerfs. Les IR favoriseraient la circulation sanguine et amélioreraient les activités enzymatiques cellulaires [6,[15]].

Figure 2. Spectre de rayonnement infrarouge d’un bâton traditionnel de moxa (pic à 3,5µm et intensité d’émission à 43300,31mV), d’un bâton de moxa sans fumée (pic à 7,5µm ; intensité d’émission : 31,15 mV) et d’une cigarette de tabac de marque 555 (pic à 3,5µm ; intensité d’émission : 37,03 mV). Schéma d’après [15].

Effets pharmacologiques de la moxibustion indirecte

L’armoise commune, encore appelée armoise citronnelle (Artemisia vulgaris L) est une espèce de plantes herbacées vivaces de la famille des Astéracées ou Composées (Asteraceae). On n’oublie pas que son genre vient du nom latin Artémis, déesse de la fertilité et représentée comme la mère nourricière allaitant l’humanité par ses nombreux seins gorgés du lait divin. C’est aussi la déesse de la fécondité, des femmes mais surtout des jeunes filles vierges, la protectrice des enfants. Ne pas confondre l’Artemisia vulgaris L dont la base d’armoise séchée et broyée est utilisée pour fabriquer les bâtonnets de moxa avec l’armoise annuelle (Artemisia annua L.) mise à l’honneur par le Nobel de Tu Youyou dans le développement pharmaceutique de la substance antipaludique l’artémisinine [[16],[17]]. On distingue dans l’armoise les huiles volatiles (0,45% à 1%) et la fumée du moxa. Il existe plus de soixante types de composants. On notera dans les huiles volatiles issues de la combustion le 1,8-cinéole, les alcènes (alpha-thujène, pinène, sabinène, etc.), le camphre, le bornéol, les aldéhydes, cétones, phénols, alcanes et composés de la série benzénique, les tanins, flavonoïdes, stérols, des polysaccharides, oligo-éléments et d’autres ingrédients. Dans la fumée, les ingrédients sont l’ammoniac, les alcools (éthylène glycol, pentyl butanol), les hydrocarbures aliphatiques, les hydrocarbures aromatiques, les composés terpéniques et leurs oxydes, etc. [6,7,[18]].

Les produits de combustion du moxa pénètrent dans le corps humain à travers la peau. Leur action est variable en fonction de la pathologie. Par exemple, le camphre aura une action importante sur le système respiratoire. La fumée a une action antivirale, anti-infectieuse, etc. [2,6]. Chez le rat, une action immunomodulatrice sur les lymphocytes T a été objectivée par diminution des proportions des lymphocytes T régulateurs (Treg) CD4+CD25+ dans les cellules T CD4+ dans le sang périphérique[note 3] [[19]].

Sécurité et effets indésirables de la moxibustion

Il faudra, avant de commencer une moxibustion, s’assurer qu’il n’existe pas d’allergie à l’Artemisia vulgaris L, tout en s’assurant de la possible allergie croisée avec les ombellifères (anis, carotte, céleri, coriandre, cumin, fenouil, persil, poivre vert..).

Plusieurs études ont démontré que dans les salles uniquement réservées à la moxibustion, la pollution de l’air est manifeste. On observe une augmentation des concentrations d’oxyde de carbone (CO et CO2), monoxyde d’azote (NO), de composés organiques volatils (COV). Ces niveaux globaux de pollution sont dans les limites de sécurité à condition de réaliser la moxibustion dans une grande pièce ventilée ou d’utiliser une ventilation avec extracteur et purificateur de l’air [[20]]. Ainsi l’étude de Mo et coll. a détecté les nombreux polluants dans les salles réservées à la moxibustion (tableau I) [[21]]. La moxibustion induit également la libération de particules fines (PM10 et PM2,5)[note 4]. Les dommages oxydatifs des PM2,5 ou PM10 sur l’ADN induits par la moxibustion chez les patients sont néanmoins inférieurs à ceux rapportés dans d’autres environnements. Cependant, la concentration des PM2,5 et PM10 après la moxibustion est encore relativement élevée. Les auteurs recommandent donc aussi d’assurer une ventilation adéquate pendant la moxibustion de façon à réduire les risques éventuels. Notons que ce sont surtout les praticiens qui sont les plus exposés [[22],[23]].

 Tableau I. Les différents polluants.

 Effets indésirables

En 2010, Park et coll. ont répertorié tous les effets indésirables rapportés dans la littérature. Ils ont réalisé une revue de la littérature et analysé vingt et une études (treize études de cas, sept études cliniques dont quatre ECR et une enquête prospective). Les effets indésirables les plus habituels identifiés dans cette revue sont : réactions allergiques, infections dues aux brûlures (cellulite, hépatite C, abcès), xérophtalmie, xérodermie, macules hyperpigmentées, ptosis et éversion des paupières, rubéfaction, prurit, gêne due à la fumée, fatigue générale, troubles gastriques, céphalées, épigastralgies, douleurs de l’hypocondre, odeur désagréable avec ou sans nausées et problèmes de gorge, douleurs abdominales. Chez les femmes enceintes : naissance prématurée, rupture prématurée de la membrane, hémorragies dues à une pression excessive sur le placenta antérieur [[24]]. La revue systématique de Xue et coll. réalisée en 2014 décrit soixante-quatre cas d’effets indésirables retrouvés dans vingt-quatre articles et rapportés dans six pays (tableau II) [[25]]. En conclusion, la moxibustion n’est pas entièrement sans risque, car comporte plusieurs types d’effets secondaires : surtout les brûlures, les allergies et les infections.

Tableau II. Soixante-quatre effets indésirables. Entre parenthèses, le nombre de cas répertoriés.

  Présentation du siège : version par moxibustion

Cas cliniques

Quatre femmes enceintes en présentation du siège ont bénéficié d’un protocole commun : moxibustion sur le point 67V (zhiyin) le jour de la consultation, puis après explication documentée de séances quotidiennes de 30 mn à la maison pendant 15 jours par le conjoint.

Premier cas : GR. Héléna, 26 ans : nullipare à 36 semaine d’aménorrhée (SA) et 6 jours a bénéficié de la puncture en plus au 67V.

Deuxième cas : DU Emilie, 37 ans, allergique à la coriandre, seconde geste à 34SA a bénéficié d’un moxa par l’intermédiaire d’un moxa électrique (Premio 10 Sedatelec®), puis à la maison par le moxel électrique Phu xan®.

Troisième cas : LE Faustine, 27 ans, seconde geste à 34SA5j présente une langue pâle avec l’empreinte des dents, les pouls sont fins (xi) et profonds (chen). De ce fait au 67V, sont rajoutés les points en moxa 9R (zhubin), 6MC (neiguan), 4Rt (gongsun).

Dernier cas : LI Lucie, 34 ans, 2e geste à 33SA, sans antécédents particuliers non plus. La langue est aussi pâle mais sans empreinte des dents ; les pouls fins et profonds.

Au terme des 15 jours et des 450 mn de moxibustion, il s’avère que seul le dernier cas, LI Lucie aura une version réussie.

Discussion

En France, 68% des nouveau-nés en présentation du siège bénéficient d’une césarienne non dénuée de risques. Afin de diminuer la fréquence de ce problème, la réalisation d’une version par manœuvres externes (VME) est habituellement proposée vers la 36SA. Il existe des versions spontanées jusqu’à la 34e SA, 77% de versions spontanées par exemple à 32 SA, mais versions qui passent à 83% si réalisées par moxibustion (figure 3) [[26],[27]]. La VME est efficace dans 65% des cas lorsqu’elle est réalisée à 36 SA mais reste néanmoins souvent douloureuse et peut engendrer exceptionnellement une souffrance fœtale, sans oublier les onéreux frais d’hospitalisation [[28]]. D’où l’intérêt de la version par moxibustion initiée par les chinois dès 1983 [[29]].

 Figure 3. Probabilité de version spontanée comparée à celle obtenue par moxibustion en fonction de l’âge de la grossesse. Schéma d’après [26,27].

Les ECR et méta-analyses

L’un des premiers auteurs à le démontrer a été Cardini en 1998. Il a objectivé dans un essai comparatif randomisé (ECR) en intention de traiter et de bonne qualité méthodologique (Jadad=3/5), et ce malgré qu’il ne soit pas en insu, que la moxibustion était bénéfique (figure 4) [[30]].

Figure 4. L’ECR de Cardini de 1998 [30].

De nombreux ECR sont parus à sa suite avec des résultats contradictoires [31-40]. Les méta-analyses de Vas et coll. en 2009 [[41]] puis celle de Zhang et coll. en 2013 [[42]] objectivent toutes deux que la moxibustion a un effet bénéfique. Ainsi celle de Vas (7 ECR) objective que la version est réalisée à 72,5% dans le groupe moxa versus 53,2% dans le groupe témoin (RR=1,36 ; intervalle de confiance à 95%=1,17-1,58). Mais il existe une grande hétérogénéité des ECR, le test I² de Higgins étant à 64% [5]. Pour Zhang, même chose, la moxibustion versus groupe témoin montre son efficacité RR=1,29 ; IC95%=1,12-1,49). Par contre le test I²=0%, sans hétérogénéité car ayant justement exclus tous les ECR pouvant l’engendrer ; de ce fait seuls quatre ECR entrent dans la méta-analyse.

Le protocole de moxibustion

Johan Nguyen avait objectivé que pour que la moxibustion soit efficace dans les versions, trois éléments étaient indispensables : l’âge de la grossesse, l’intensité de la stimulation et la nature de la stimulation [[43]]. Depuis, avec les nouveaux ECR réalisés, on se rend compte que très souvent les échecs des versions par moxibustion sont en rapport avec le fait que les protocoles commencent trop tardivement après 34SA, que l’intensité de stimulation est trop faible et/ou qu’on utilise une moxibustion sans armoise avec des bâtonnets sans fumée ou des aiguilles chauffées [[44]]. Le tableau III récapitule les différents protocoles et objective l’âge de la grossesse en SA et l’intensité de la stimulation permettant de comprendre les échecs et succès de la moxibustion.

De ce fait, en 2014 un protocole de consensus a été établi par seize experts acupuncteurs selon la méthode Delphi[note 6] [[45]]. Ils proposent que la moxibustion commence entre la 34 et 35e SA. L’utilisation d’un bâtonnet sans fumée et inodore doit être préconisé afin d’éviter les odeurs. Les séances doivent être quotidiennes et durer 30mn pendant dix jours, soit 300 minutes d’intensité.

Cela ne correspond pas tout à fait aux préconisations plus strictes établies dix ans plutôt et qui préconisait de commencer dès la 33e semaine, avec des séances quotidiennes de 30mn pendant semaines (420mn) et à l’aide d’un bâton d’armoise (compte-tenu des propriétés pharmacologiques) [[46]].

En conclusion, il faudra attendre un ECR de haute qualité méthodologique et de grande puissance pour voir quel protocole est le meilleur, même s’il semble, à la lecture du tableau III, que celui préconisant l’intensité plus forte et le moxa à l’armoise garantisse davantage la version du siège.

Tableau III. Protocole des ECR évaluant l’acupuncture ou la moxibustion au 67V dans les versions du siège. En grisé : effet positif de la moxibustion ; en blanc : pas d’effet. Mise à jour du tableau de [43].

AuteursAge de la grossesseTechniqueSéances
   DuréeNombre/ rythmeQuantité en minutes
GC Jiangxi 1983 [29] 28-32e  semaineMoxibustion(domicile) 30 minutes2 fois par jour7 jours 420 mn(maxima)
Cardini 1998 [30]33e semaineMoxibustion(domicile) 30 minutesUne séance à deux séances par jour ,- 7 à 14 séances.420 mn(maxima)
Lin 2002 [34] 30-37e semaineMoxibustion (domicile) et position génu-pectorale30 minutes2 fois par jour jusqu’à version moyenne (3 -6 jours)216 mn(moyenne)
Cardini 2005 [35]32-33e semaineMoxibustion(domicile)  30 minutes 2 séances par jour, 14 séances. (arrêt prématuré suite intolérance odeur)420 mn(maxima)
Yang 2006 [36]28-34e semaineMoxibustion (domicile)position génu-pectorale15-20 minutes2 fois par jour jusqu’à version moyenne (7 jours)245 mn(moyenne)
Guittier 2009 [33]34-38e semaineMoxibustion(maternité et domicile)20 minutes1 séance /j1 4 jours280 mn
Millereau 2009 [38]34e semaineMoxibustion15-20 minutesUne séance par jour, une semaine.140 mn(maxima)
Do 2011 [37]34-36,5e semaineMoxibustion20 minutes2 fois par jour10 jours400 mn
Vas 2013 [32]33-35e semaineMoxibustion (domicile)20 minutesUne séance par jour,15 jours300 mn
Neri  2014 [31]33-35e semaineAcupuncture suivi de moxibustion(maternité)20 minutes2 séances par semaine 4 séances80  mn
Bue 2016 [39]32-36e (33 moyenne)Moxibustion (maternité)15-20 minutes1 séance /j1 4 jours280 mn maxi
Coulon 2016 [40]33e 4/7 – 35e  4/7            Moxibustion (maternité)20 minutes6 jours120 mn

Hypothèses du mécanisme d’action dans les versions

Il est postulé que la moxibustion engendre une cascade de réactions biochimiques avec augmentation de l’activité corticosurrénale, augmentation de la production d’œstrogènes par l’unité fœto-placentaire avec augmentation du ratio prostaglandine F2α / prostaglandine E2. Cela augmenterait le tonus basal utérin et de par ce fait, augmenterait la contractilité, d’où stimulation des mouvements fœtaux qui rendraient la version spontanée plus probable [[47]]. Chez les vaches, on a pu démontrer que la moxibustion avait le même effet que la prostaglandine F2α dans l’involution utérine en postpartum [[48]].

Les effets indésirables de la moxibustion dans les versions

Aucune altération au cardiotocogramme n’a été objectivé par Guittier et coll. [[49]] lors d’une version par moxibustion chez des femmes entre 34 et 36SA. Aucun effet secondaire maternel ou fœtal significatif n’a été observé. Ce qui a été confirmé par les revues de littérature de Park et coll. [24] et Xu et coll. [25] qui ont considéré les naissances prématurées, les ruptures prématurées des membranes, les odeurs déplaisantes avec nausées après moxas, les douleurs abdominales comme des incidents liés de manière improbable à la moxibustion. De ce fait, on peut les comparer aux effets indésirables répertoriés dans une analyse rétrospective de 1121 patientes ayant bénéficié de versions par manœuvres externes (VME) proposées généralement entre 35 et 36SA. Les auteurs objectivent pour 3,32% de réussite, 0,45% de complications graves : un décollement placentaire, une césarienne d’urgence pour détresse fœtale, deux torsions du cordon, un décès fœtal attribuable à une VME réussie ; et 4,28% de complications mineures : rupture de membranes, anomalies au cardiotocogramme, hémorragies [[50]].

Maman et son enfant – Sénégal
Maman et son enfant – Sénégal

Syndrome douloureux pelvien gravidique (syndrome de Lacomme) et douleurs lombaires basses

Cas clinique

Mme H. Cindy, kinésithérapeute, 30 ans, 30SA, 1m69, 79kgs (+14kgs par rapport au début), présente une lombalgie basse avec irradiation au niveau de la fesse gauche depuis le 4e mois de grossesse. Elle est très asthéniée et en arrêt de travail depuis deux mois. Sa douleur insomniante mesurée sur une échelle visuelle analogique est 7 à 8. La langue pâle, les pouls profonds (chen), fins (xi) et tendus (xian) la fait entrer selon la différenciation des syndromes (bianzheng) dans le cadre nosologique de Vide de yang des Reins qui se prolonge en s’associant au Vide de yin des Reins, en raison de l’insomnie. La moxibustion est préconisée aux points shenshu (23V), yaoyangguan (3VG), mingmen (4VG), taixi (3R), fuliu (7R), zhubin (9R), yanglingquan (34VB), xuanzhong (39VB), shangliao (31V). L’amélioration se fait sentir au bout de trois séances à une semaine d’intervalle.

Discussion

Hypothèses du mécanisme d’action dans les algies

Alors que les récepteurs polymodaux détectent autant les stimuli chimiques, mécaniques et thermiques douloureux, les récepteurs TRPV (transient receptor potential vanilloide) sont des récepteurs ionotropiques unimodaux activés par des molécules de la famille des vanilloïdes telle que la capsaïcine présente dans le piment[ note 7]. Ils interviennent dans les mécanismes nociceptifs et s’activent en réponse à un stimulus thermique supérieur à 44°C. La moxibustion a une action sur les TRPV1, TRPV2, TRPV3, TRPV4, mais principalement sur les TRPV1 et TRPV2. Ainsi les récepteurs TRPV sont activés par un seuil thermique : ≥ 43℃ pour TRPV1, ≥ 52℃ pour TRPV2, > 34-38℃ pour TRPV3, > 27-35℃ pour TRPV4.3 [51-53]. Ainsi Fu et coll. ont objectivé que la moxibustion du dachangshu (25V) peut réduite l’hyperalgie viscérale chez le rat par régulation négative de l’expression de l’ARNm des TPRV1 [[54]]. Par ailleurs, ont été observés des effets anti-inflammatoires par régulation négative des protéines SOCS 1 et SOCS 3 (protéines de signalisation des cytokines) au niveau liquide synovial dans un modèle de maladie rhumatoïde chez le lapin [[55]]. De même, des effets analgésiques et anti-inflammatoires sur des modèles des douleurs neuropathiques et inflammatoires chez la souris ont été démontrés, corrélés par la réduction de certaines interleukines comme les interleukines IL-1, IL-6 et le TNF-alpha [56,57].

Au niveau local, la moxibustion agirait sur les radicaux libres en diminuant les réactions inflammatoires, en augmentant la superoxyde dismutase (SOD), les catalases, le glutathion [[58]]. La moxibustion accélérait la microcirculation sanguine, éliminerait les médiateurs inflammatoires par son action sur le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) [[59]].

Un autre effet anti-inflammatoire serait réalisé par la fumée du moxa comme le démontre l’étude de Matsumoto et coll. qui observent que l’inhibition de la production de monoxyde d’azote (NO) par cette fumée engendre probablement une inhibition de l’expression de iNOS[note 8] [[60]].

Pour terminer, Zhou et coll. ont objectivé que les interventions de moxibustion à température différente provoquaient différents effets analgésiques. Ainsi il est suggéré que plus la température de la moxibustion est élevée, meilleur est l’effet analgésique chez les souris inflammatoires chroniques ; dans la douleur neuropathique, la température plus élevée (47°C ou 52°C) de moxibustion produit un effet analgésique plus fort qu’une température plus basse (37° C ou 42°C) [[61]].

Les ECR dans les algies en obstétrique

Aucun ECR n’a été réalisé concernant la moxibustion dans les syndromes douloureux pelviens gravidiques. Les seuls ECR réalisés et montrant une efficacité l’ont été par électroacupuncture [[62]]. Néanmoins, dans les douleurs des contractions utérines durant le travail, la moxibustion a été utilisée avec succès. Il s’agit d’un ECR (n=164) à trois bras : un groupe moxa (n=59 – moxibustion sur le point sanyinjiao (6Rt) pendant 30 min lorsque le col de l’utérus est perméable à 3 cm) ; un groupe traité par placebo (n=57 – moxibustion sans acupoint pendant 30 min ; un groupe témoin (58 cas – traitement conventionnel des douleurs des contractions utérines [[63]]. Le critère d’évaluation principal était la mesure de la douleur par échelle visuelle analogique (EVA). On observait que les douleurs étaient diminuées après 15 min et 30 min de moxibustion (p<0,05). Pas de changements significatifs des scores des EVA dans le groupe traité par placebo et dans le groupe témoin. Par contre, les algies ont diminué beaucoup plus nettement dans le groupe moxa versus les deux autres groupes (p<0,05). L’évaluation de la douleur réalisées par les sages-femmes : après 30 min, l’analgésie du travail était de 69,5% (41/59) dans le groupe moxa versus 45,6% (26/57) dans le groupe placebo et versus 43,1% (25/58) dans le groupe témoin (p<0,05). La quantité d’hémorragie post-partum (critère secondaire d’évaluation) dans groupe moxa était inférieure à celle du groupe traité par placebo et du groupe témoin (p<0,05). Le score d’Apgar du nouveau-né était plus élevé dans le groupe traité par moxa et dans le groupe placebo que dans le groupe témoin (p <0,05). Les auteurs concluaient que la moxibustion pouvait soulager la douleur des contractions utérines lors du travail, n’avait aucun effet secondaire retrouvé chez la mère et le nourrisson et pouvait donc être une des méthodes d’analgésie non médicamenteuse sûre, efficace.

Les méta-analyses dans les algies en dehors de l’obstétrique

On a des preuves convaincantes suggérant que la moxibustion, comparée à la moxibustion fictive et aux médicaments oraux, est efficace dans la réduction de la douleur et la gestion des symptômes de la gonarthrose. Mais le niveau de preuve est modéré, du fait du risque élevé de biais et la petite taille de la population (tableau IV) [[64]]. Dans les algies liées à l’ostéoporose, la revue systématique (13 ECR, n=808) de Xu et coll. [[65]] offre également des preuves limitées du fait de la grande hétérogénéité des ECR que la moxibustion associée à une thérapeutique anti-ostéoporotique pourrait être plus antalgique (amélioration à l’EVA de 2 points dans 4 ECR) par rapport aux traitements classiques de vitamine D-Calcium ou alendronate ou calcitriol seuls. Mais en raison de la faiblesse méthodologique des ECR, on ne peut donner de conclusion définitive quant à l’efficacité de la moxibustion.

Une technique particulière appliquant la recherche des points thermo-sensibles a objectivé aussi une amélioration des lombo-sciatalgies liées à une hernie discale par moxibustion de ces points thermosensibles, en l’occurrence : jiaji (EX-B 2), ciliao (32V), zhibian (54V), huantiao (30VB), weizhong (40V), yanglingquan (34VB), kunlun (60V) en les moxant une fois par jour durant sept jours [[66]].

 Tableau IV. Méta-analyse de Choi et coll. objectivant l’efficacité de la moxibustion indirecte dans la gonarthrose (14 ECR).

Autres applications de la moxibustion

Un cas clinique a objectivé que dans l’hypogalactie associée à une asthénie et un début de dépression post-partum la moxibustion avait une grande valeur thérapeutique [[67]]. Il s’agissait selon les tableaux de différenciation des syndromes bianzheng d’un Vide du qi des Reins. Il n’existe pas d’ECR spécifique de la moxibustion dans la dépression et l’hypogalactie utilisant la moxibustion seule. Par contre un ECR a montré que cette dame qui avait eu un long accouchement dystocique au démarrage aurait pu bénéficier de la moxibustion sur le sanyinjiao (6Rt) qui permet de raccourcir la première et seconde phase de travail [[68]] et de réduire les hémorragies du post-partum [[69]]. Et même s’il n’existe pas d’études spécifiques de la moxibustion en cas de fatigue ou de dépression chez la femme enceinte, on peut considérer qu’elle ne peut qu’être efficace si on fait un parallèle avec la fatigue liée au cancer. En effet, la moxibustion y a des effets favorables (RR=1,73 ; IC95% :1,29 à 2,32 ; p=0,0003 ; hétérogénéité, I² = 15%, p = 0,32) comme on le voit dans cette méta-analyse de quatre ECR (n=374) [[70]], même s’il existe un risque élevé de biais.

Du point de vue des mécanismes physiopathologiques, il semblerait que la moxibustion agirait sur le système nerveux autonome comme démontré chez l’homme [[71]] ou chez le rat [[72]] où il est observé une augmentation du débit sanguin du cortex cérébral par action intracérébrale des afférences cholinergiques.

Conclusion

De plus en plus d’ECR sur la moxibustion sont publiés. Ici, une méta-analyse de onze ECR (n=969) objective une amélioration des symptômes du syndrome du côlon irritable [[73]] qui montre que la moxibustion associée à l’acupuncture est plus efficace que le traitement conventionnel (RR=1,27 ; IC95%=1,09 à 1,49) ou là, une méta-analyse de vingt-deux ECR parue en 2016 qui considère que la moxibustion devrait être une nouvelle option thérapeutique dans l’insomnie primaire car, plus efficace versus médicaments occidentaux (RR=1,16 ; IC95%=1,09 à 1,24, p<0,00001) [[74]].

Néanmoins, dans toutes ces méta-analyses, les auteurs ne manquent pas de mettre en exergue les nombreux biais (population insuffisante, grande hétérogénéité des ECR, etc.) et insistent bien sur le fait de la nécessité d’ECR de grande qualité méthodologique suivant les recommandations CONSORT et STRICTA [[75]]. Et c’est à ce prix que la moxibustion aura droit de cité. Néanmoins, il est souhaitable que la moxibustion soit proposée dans le panel des soins de santé à offrir aux femmes enceintes associée ou non aux autres techniques comme l’acupuncture ou l’électroacupuncture avec un grade B de présomption scientifique.

D’ailleurs, la Médecine chinoise ne parle-t-elle pas de zhenjiu (针灸) que l’on traduit par acupuncture-moxibustion ?

[1]. Les récepteurs polymodaux sont les terminaisons libres des fibres C amyéliques.

[2]. Les protéines de choc thermique ou HSP (pour heat shock proteins), sont une classe de protéines chaperons initialement découvertes en raison de leur accumulation et de leur inductibilité sous l’effet de la chaleur. Leur rôle est la protection, le maintien et la régulation des fonctions des protéines auxquelles elles sont associées. Cette classe regroupe des protéines nommées d’après leur masse moléculaire comme l’HSP70 ou le HSP85. Morange M. Protéines chaperons. médecine/sciences. 2000;16(5):630-634.

[3]. Les lymphocytes T régulateurs (Treg) CD4+ sont impliqués dans le maintien de la tolérance périphérique et la prévention des maladies auto-immunes. Ils régulent également les réponses immunes observées dans les allergies, les greffes, les cancers et les maladies infectieuses.

[4] Les particules en suspension (« PM » en anglais pour « Particulate matter ») sont en règle générale de fines particules solides portées par l’air. Les PM10 ont un diamètre aérodynamique inférieur à 10 micromètres, voire plus fin encore avec les PM2,5 (diamètre inférieur à 2,5μm) et peuvent être inhalées profondément dans le système respiratoire et de ce fait, sont la plus petite fraction solide capable d’atteindre la circulation sanguine. Transportant des composés absorbés sur leur surface, elles sont dans leur ensemble désormais classées cancérogènes pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS.

[5]. Une valeur I² <25% indique une hétérogénéité faible, des valeurs comprises entre 25 et 50% une hétérogénéité modérée et une valeur 50% une hétérogénéité importante.

[6]. La méthode Delphi est une méthode visant à organiser la consultation d’experts sur un sujet précis. Il faut entendre par « expert » toute personne ayant une bonne connaissance pratique, politique, légale ou administrative d’un sujet précis et ayant une légitimité suffisante pour exprimer un avis représentatif du groupe d’acteurs auquel elle appartient. Par ailleurs, le questionnement des experts se fait sur base de questionnaires écrits à questions ouvertes et fermées. Les questionnaires sont envoyés individuellement aux experts et non pas administrés en groupe afin d’éviter les phénomènes d’influence liés au groupe.

[7]. La moxibustion comme la capsaïcine, molécule activatrice des TRPV1 naturellement présente dans le piment a un mode d’action biphasique : elle engendre d’abord une irritation (brûlure) due à la stimulation de TRPV1. Puis les fibres sensorielles présentant ce récepteur se désensibilisent. Ainsi quand les TRPV sont saturés (stimulés par un excès de chaleur ou de capsaïcine), une downrégulation (régulation négative) se produit avec diminution des récepteurs à la surface des fibres, d’où cela provoque ainsi un effet analgésique. Dans certains cas, la stimulation de TRPV1 entraîne une augmentation permanente de la concentration intracellulaire en Ca²+ qui engendre une dégénérescence des fibres portant les TRPV1. Ainsi la douleur est atténuée.

[8]. La régulation de la synthèse de l’oxyde nitrique synthase inductible (iNOS) permet de jouer un rôle majeur dans les mécanismes cellulaires relayant l’activation membranaire par des cytokines pro-inflammatoires en réponse au stimulus inflammatoire. Ainsi lors d’une agression de l’organisme par un agent extérieur, se déclenche un mécanisme d’inflammation, une production de cytokines, ce qui active l’expression de iNOS.

Goudronnage de route à Kandy – Sri Lanka (Ceylan)
Goudronnage de route à Kandy – Sri Lanka (Ceylan)

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Mécanismes neurophysiologiques de l’électroacupuncture dans les algies

Pont Dom-Luís – Porto – Portugal
Pont Dom-Luís – Porto – Portugal


Résumé :  
Dès la fin des années 1970, les mécanismes neurophysiologiques de l’électroacupuncture dans les algies commencent à être dévoilés. Les peptides opioïdes endogènes (endorphines, enképhalines, dynorphines, endomorphines) et leurs récepteurs µ,  κ , δ, le système anti-opioïde (nociceptine, CCK-8…), le glutamate et ses récepteurs ionotropiques AMPA, KA, NMDA et enfin le système inhibiteur descendant faisant intervenir sérotonine et cathécolamines sont les différents mécanismes que l’électroacupuncture active en fonction de la fréquence électrique. Par l’exploration expérimentale chez l’animal, mais aussi chez l’homme par les techniques d’imagerie (IRM fonctionnelle, tomographie par émission de positons), on sait maintenant que les aires cérébrales activées correspondent à celles impliquées dans la douleur (par activation ou inactivation) : systèmes hypothalamique, limbique et paralimbique, mais aussi tronc cérébral et corne dorsale de la moelle épinière. Mots-clés : électroacupuncture – endorphine – dynorphine – anti-opioïdes – CCK-8 –  système inhibiteur descendant – IRMf – TEP – système limbique.

Summary: In the late 1970’s, the neurophysiological mechanisms of electroacupuncture pain in the beginning to be unveiled. The endogenous opioid peptides (endorphins, enkephalins, dynorphins, endomorphins) and theirs µ, κ , δ receptors, antiopioids system (nociceptin, CCK-8…), glutamate and his ionotropics AMPA, KA, NMDA receptors then finally the descending inhibitory system involving serotonin and cathecolamins are the different mechanisms that electroacupuncture active as a function of frequency electric. By exploring experimental animals, but in humans through imaging techniques (functional MRI, positron emission tomography), we now know that the brain areas activated correspond to those involved in pain (activation or inactivation): hypothalamic and limbic systems, but also brain stem and dorsal horn of the spinal cord. Keywords: electroacupuncture – endorphin – dynorphin – antiopioid – descending inhibitory system – CCK-8 – fMRI – PET.

Les molécules informationnelles, substances chimiques produites par une cellule vivante pour transmettre un signal à une autre cellule qui le reçoit à son tour par un récepteur spécifique, sont à la base de l’Acupuncture. De nombreuses molécules sont issues des voies de la mécanotransduction ou de la transduction [[1],[2]] et certaines d’entre-elles interviennent dans l’obtention des effets de l’acupuncture et/ou de l’électroacupuncture (EA). La démonstration de récepteurs spécifiques aux alcaloïdes au niveau cérébral a permis de découvrir des ligands naturels endogènes, les opioïdes actifs à structure peptidique (neuropeptides) qui jouent le rôle de médiateurs ou de neuromodulateurs. Le glutamate, un autre neurotransmetteur excitant majeur et ses récepteurs ionotropiques NMDA, AMPA et kainate (KA) interviennent aussi dans la modulation des algies par électroacupuncture ainsi que le système inhibiteur descendant sérotoninergique et noradrénergique. Grâce à l’imagerie cérébrale, il est possible d’observer les différentes cibles du système nerveux central intervenant dans l’électroacupuncture.

 Rappels neurophysiologiques de la douleur

Les stimulations nociceptives activent les terminaisons libres des nocicepteurs C ou Aδ. La physiologie de la douleur aiguë puis chronique a beaucoup profité des progrès de la biologie moléculaire qui a permis de découvrir une « soupe » inflammatoire complexe périphérique : ATP et récepteur purinergique P2X3, récepteur vanilloïde sensible à la chaleur, bradykinine, substance P et CGRP (calcitonin gene-related peptide), nerve growth factor etc.. Les acides aminés excitateurs comme le glutamate, sérotonine, peptides opioïdes etc.. vont moduler la transmission de cette douleur de la première synapse à l’arrivée des fibres périphériques dans la moelle. Puis un relais s’effectuera vers des cibles supraspinales : bulbe, mésencéphale, thalamus, système limbique et cortex. Le caractère douloureux dépendra d’une balance entre des influx excitateurs et inhibiteurs comme le système inhibiteur descendant issu du tronc cérébral. Nous allons découvrir les principales molécules agissantes de l’électroacupuncture.

Les peptides opioïdes endogènes

Localisation de la synthèse des neuropeptides

Ces endorphines sont synthétisées à deux niveaux :

– dans le système nerveux central (SNC) : corne dorsale de la moelle épinière, substance réticulée (noyaux du raphé médian et para-médian et les noyaux giganto-cellulaires), les ganglions de la base (noyau caudé, putamen, noyau sous-thalamique, pars lateralis, pallidum), mésencéphale (substance grise périaqueducale, noyau inter-pédonculaire, noyau parabrachial, noyau du faisceau solitaire, substance noire), amygdale, hippocampe, diencéphale (hypothalamus, lobe antérieur de l’hypophyse, thalamus), cervelet ; cortex cérébral (sauf occipital) ; 

– dans le système nerveux périphérique : neurones du ganglion mésentérique, neurones intrinsèques ou cellules endocrines de l’intestin, pancréas, cœur, poumons, médullo-surrénales et les organes de la reproduction.

Les différents opioïdes et leurs récepteurs

Trois familles de neuropeptides se distinguent par leur précurseur protéique spécifique dont elles sont issues par protéolyse : la proopiomélanocortine (POMC), la préproenképhaline (PPE) et la préprodynorphine (PPD). Les endorphines résultantes de la protéolyse de ces précurseurs préotéiques ont la même séquence amino-terminale identique Tyr-Gly-Gly-Phe-Met (Met-enképhaline) ou Tyr-Gly-Gly-Phe-Leu (Leu-enképhaline) (figure 1). La protéolyse de la POMC produit entre autres neuropeptides, l’hormone adénocorticotrope (ACTH), l’alpha MSH, la β-lipotrophine, les bêta endorphines. La PPE engendre les Met-enképhalines et peptides voisins ; la PPD les dynorphines et les néoendorphines. On a isolé plus de 20 peptides issus de ces trois familles avec une exception, les endomorphines 1 et 2 qui ne possèdent pas la séquence pentapeptique, mais quatre acides aminés [[3]]. Leur rôle comme neurotransmetteur ou neuromodulateur est très probable mais incomplètement élucidé.

Figure 1. Structure des enképhalines.

Plusieurs récepteurs opioïdes ont, eux aussi, été identifiés et différenciés.

Dans le SNC, trois classes principales sont distinguées : µ (mu/OP3/MOR) avec les sous types μ1, μ2,  κ (kappa/OP2/KOR) avec les sous-types κ1, κ2, κ3, δ (delta/OP1/DOR). Certaines observations suggèrent l’existence d’autres types de récepteurs : epsilon (ε), zêta (ξ) et lambda (λ). Une substance opioïde donnée peut interagir avec les trois récepteurs différents et se comporter, pour l’un, comme un agoniste, pour l’autre, comme un agoniste partiel ou même comme un antagoniste. Pour cette raison, il peut exister des différences d’effets entre les opioïdes. Les morphiniques agissent par l’activation d’une protéine G couplée aux récepteurs µ, κ , δ par le mécanisme de transduction [[4]].

Les enképhalines par exemple, activent divers types de récepteurs du SNC, parmi lesquels les récepteurs μ (mu), μ1, μ2, et κ1, κ2, κ3, sont les mieux décrits. L’activation des récepteurs µ, appelés aussi OP3 (Opioid receptor) engendre les effets morphiniques des endorphines et entraîne analgésie, dépression respiratoire, constipation, dépendance, myosis, hypothermie. Le récepteur δ est plus spécifique des enképhalines qui sont co-sécrétées avec les catécholamines par la médullosurrénale entraînant l’euphorie et l’analgésie également. L’activation des récepteurs κ qui présentent une affinité particulière pour les dynorphines, provoque analgésie, sédation, myosis. L’analgésie par les morphiniques peut provenir de l’activation des récepteurs μ et κ et la dépendance par l’activation des récepteurs μ (voir tableau résumé I).

Tableau I : Classification  des opioïdes et effets de leurs différents récepteurs.

ClasseRécepteursEffets pharmacologiquesLocalisation de la synthèse
Endorphines (α,β,γ endorphines)récepteur μμ1 : effet analgésiqueμ2 : dépression respiratoire, bradycardie, myosis, constipation        effet émétiquehypothalamus, hypophyse, hippocampestriatum, noyau caudé, putamen,  néocortex, thalamus, noyau accumbens, amygdaIecorne dorsale moelle épinière, substance grise périaqueducale, noyaux du raphé..cortex olfactifintestin grêle ; placenta ; plasma
Enképhalines (Met et Leu-Enképhaline)récepteur δanalgésique, euphorique,convulsifdépressif respiratoiresystème limbique, amygdales, striatum,noyau accumbensthalamus, corne dorsale moelle épinièretube digestif, système nerveux autonomesurrénales
Dynorphines (α,β dynorphines et A et B Néoendorphines)récepteur κ analgésique, endocriniens, sédatifdysphorique, myosishypothalamus,hypophysecorne dorsale moelle épinièretube digestif
Endomorphines 1 et 2récepteurs μanalgésiquemoelle épinière (corne dorsale), SNC

Le système anti-opioïde

Le SNC synthétise et libère des molécules, que l’on peut qualifier d’anti-opioïdes qui sont libérées à la suite de la prise de toute substance capable de stimuler les récepteurs des opioïdes. Il s’agit des réseaux neuronaux capables de s’opposer aux actions des opioïdes et qui peuvent expliquer en partie la tolérance et la dépendance. Récemment un nouveau type de récepteur a été ainsi identifié et appelé récepteur-orphelin aux opiacés, ORL1 (opioid receptor-like / OP4) dont l’agoniste est la nociceptine. Les principales molécules anti-opioïdes sont la cholécystokinine-8 (CCK-8), la neuropeptide FF (NPFF), la melanocyte inhibiting factor (MIF) et la nociceptine appelée auparavant orphanine FQ, protéine neuropeptide de 17 acides aminés ayant des similarités avec la dynorphine A (voir tableau II).

Tableau II : Classification  des anti-opioïdes et effets de leurs différents récepteurs.

ClasseRécepteursEffets pharmacologiquesLocalisation de la synthèse
nociceptine ou orphanine FQORL1Pronociceptif et antiopioïde au niveau supraspinalAnalgésique / antinociceptive au niveau spinalanxiolytiqueRégions limbiques
cholécystokinine-8 (CCK-8)Récepteurs CCK-A (système digestif)Récepteurs CCK-B (SNC)AnorexigènePronociceptifAnti-amnésiantModulateur anxiétéTube digestifSystème nerveux central
neuropeptide FF (NPFF)très faible affinité pour les récepteurs μ, δ et kPronociceptifSystème nerveux central
melanocyte inhibiting factor (MIF)Agonistes partiels des récepteurs de type μPronociceptifSystème nerveux central

 Système inhibiteur descendant supraspinal

Il existe deux types de contrôle inhibiteurs descendants.

Contrôle descendant issu du tronc cérébral et déclenché par des stimulations cérébrales

La stimulation chez l’animal du raphé, du bulbe (région bulbaire rostro-ventrale comprenant le noyau raphé magnus, le noyau giganto-cellulaire, le noyau réticulé latéral du tractus solitaire), du pont et du mésencéphale (substance grise périaqueducale) entraîne une analgésie par blocage des entrées nociceptives dans le système nerveux central. Les neurones du raphé sont sérotoninergiques et se projettent dans la partie dorsale du faisceau latéral de la moelle (funiculus dorsal), mais sont aussi interconnectés au locus coeruleus, structure noradrénergique. Il y a donc aussi une implication d’un contingent de fibres noradrénergiques mais aussi des substances opioïdes

Contrôle inhibiteur descendant déclenché par des stimulations nociceptives  (CIDN)

Ce contrôle est déclenché par stimulation nociceptive (CIDN) périphérique. La structure impliquée est la réticulée bulbaire. Les neuromédiateurs sont endorphiniques et sérotoninergiques.

Le glutamate et ses principaux récepteurs

Le glutamate

Il intervient comme neurotransmetteur excitateur qui libéré dans l’espace synaptique, à partir des terminaisons neuronales, se fixe sur ses récepteurs postsynaptiques dont l’activation induit la dépolarisation du neurone cible. Cependant, si la régulation de cette transmission synaptique est altérée et l’activation des récepteurs prolongée, il peut y avoir maintien d’une dépolarisation accrue conduisant à la mort cellulaire. On a montré que l’injection par voie systémique de glutamate ou d’autres acides aminés excitateurs (AAE) à des animaux immatures entraînait des dégénérescences dans des aires du cerveau qui ne sont pas protégées par la barrière hémato-encéphalique. Depuis, de nombreuses études ont mis en évidence la toxicité des AAE, ou excitotoxicité. Le glutamate en trop grande concentration a été ainsi mis en cause dans l’étiologie de nombreuses pathologies du système nerveux central : lésions traumatiques du SNC, maladies neurodégénératives aiguës, maladies neurodégénératives inflammatoires (scléroses multiples), maladies neurodégénératives chroniques (Alzheimer, Chorée de Huntington, SLA).

Les récepteurs ionotropiques du glutamate

Le glutamate agit sur trois récepteurs canaux distincts dénommés par le nom de leur agoniste le plus sélectif : les récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA), kainate (KA) et a-amino-3-hydroxy-5-métyl-4-isoxazolepropionate (AMPA). Ces trois récepteurs sont des récepteurs ionotropiques capables de transmettre instantanément un message au neurone cible par modification du potentiel de la membrane post-synaptique en quelques millièmes de secondes.

On a mis en évidence deux familles de récepteurs, respectivement AMPA et kainate (KA) à la fin des années 1970. Les sous-unités AMPA et kainate peuvent être colocalisées au sein d’un même neurone mais ne peuvent s’assembler entre-elles. Les différentes sous-unités des récepteurs AMPA/KA sont abondamment exprimées dans l’ensemble du SNC. Les récepteurs NMDA sont quant à eux mis en jeu dans de nombreux mécanismes physiologiques comme la différenciation neuronale et la formation des connections synaptiques au cours du développement. Chez l’adulte, le récepteur NMDA est impliqué dans l’apprentissage et la mémoire à court terme. Les récepteurs au NMDA jouent aussi un rôle important dans différents processus physiologiques en augmentant la transmission du processus douloureux. La kétamine est un antagoniste des récepteurs au NMDA et son injection produit une analgésie puissante.

 Neurophysiologie de l’action de l’électroacupuncture

Electroacupuncture analgésique expérimentale

Découverte des opioïdes

Le premier travail expérimental sur l’analgésie acupuncturale fut réalisé dans les années 1970 chez 60 étudiants en médecine volontaires [[5]]. La douleur fut induite par ionophorèse potassique à travers la peau. Le seuil à la douleur fut mesuré après insertion et manipulation pendant 50 minutes des aiguilles d’acupuncture au GI4 et ES36. Dans le groupe contrôle, 10 mg de morphine en intra-musculaire augmente le seuil de douleur en moyenne de 80 à 90%. Dans le groupe acupuncture, on observa de façon identique une augmentation graduelle du seuil à la douleur avec un pic au bout de 20 à 40 minutes après l’insertion de l’aiguille. En cas d’injection de procaïne, anesthésique local, l’effet de l’acupuncture est annulé, ce qui suggère que l’effet nécessitait des récepteurs sensoriels intacts.

En 1974, la même équipe présupposant le rôle humoral de neurotransmetteurs, montre que l’analgésie induite par acupuncture peut être transmise d’un lapin à un autre par transfusion du liquide céphalo-rachidien (LCR) [[6]]. Tous ces travaux sont conduits un peu avant la découverte des endorphines.

Lorsque les premières endorphines sont découvertes en 1975, nombreux sont ceux qui font l’hypothèse que ces substances sont les médiateurs responsables des effets de l’analgésie acupuncturale.

En 1976, Pomeranz et coll. [[7]] montrent chez la souris que la naloxone bloque l’effet analgésique de l’acupuncture, ce qui implique le rôle des endorphines. Chez l’homme, Sjolund et coll. [[8]] en 1977 démontrent que l’induction de l’analgésie par EA pendant 30 mn s’accompagne d’une augmentation dans le LCR du niveau de bêta-endorphines issues de la région hypothalamique et confirment que l’administration d’un antagoniste opiacé, la naloxone inhibe totalement l’analgésie. Mayer et coll. rapportent aussi que l’analgésie par acupuncture est réversible 5 mn après l’injection de la naloxone [[9]]. Clement-Jones et coll. en 1980 objectivent chez 10 volontaires présentant des douleurs chroniques une élévation dans le LCR du taux des bêta-endorphines après 30 mn d’EA à basse fréquence (2-3 Hz) alors que le niveau de la met-enképhaline n’est pas augmenté. Cependant, ils supposaient déjà que différents mécanismes étaient impliqués, fonction de la fréquence de stimulation [[10]].

En 1992, Chen et Han montrent que l’analgésie produite par l’EA est régulée par trois types de récepteurs opioïdes [[11],[12]]. Ainsi, l’EA à 2 Hz active les récepteurs μ et δ ; celle à 100 Hz, les récepteurs κ. Mais mieux, l’EA à 15 Hz produit une activation des trois sortes de récepteurs chez le rat [[13]].

Chez le rat anesthésié, la stimulation électrique à basse fréquence (4 Hz) de zusanli (ES36) entraîne une expression de c-fos dans le lobe antérieur de la glande hypophysaire, aussi bien qu’au niveau des noyaux hypothalamiques arqués et autres voisins [[14]]. Les mêmes auteurs ont montré dans une autre étude chez les rats anesthésiés au pentobarbital et subissant une stimulation nociceptive thermale que l’EA (4 Hz sur zusanli) entraînait une augmentation de la localisation de l’expression de c-fos dans le noyau hypothalamique médio-basal et arqué, et dans le noyau paraventriculaire hypothalamique. On retrouvait aussi une élévation de l’hormone adrénocorticotrope (ACTH) et des bêta endorphines plasmatiques. Cela suggère que l’axe hypothalamo hypophyso surrénalien est donc activé lors de l’action de l’électroacupuncture [[15],[16]]. Néanmoins, l’étude de Yang et coll. objective l’implication directe des neurones du noyau supraoptique hypothalamique (SON) dans l’analgésie par EA (36ES 10/20 Hz alternés, 30 mn). L’ocytocine et la vasopressine, sécrétées par le SON, sont connues pour augmenter le seuil à la douleur. Cependant, les auteurs ont montré qu’il fallait distinguer les effets liés au passage des fibres nerveuses reliées aux régions extra-hypothalamiques (substance périaqueducale, noyau raphé magnus, amygdale, locus coerulus etc..), des effets liés aux neurones propres du SON (neurones magnocellulaires sécréteurs de vasopressine et d’ocytocine) et aux dendrites libérant les neuropeptides (modulés aussi par l’ocytocine) [[17]].

Par des travaux d’acupuncture expérimentale sur les animaux, rats, lapins, des auteurs à leur tour démontrent la libération des endorphines par électroacupuncture au niveau du système limbique : amygdale, hippocampe, thalamus, noyau accumbens etc.. ;  du bulbe : substance réticulée (les noyaux raphé magnus, giganto-cellulaire, noyau ambigu) ; hypothalamus ; mésencéphale (substance grise périaqueducale) ; corne postérieure de la moelle épinière (funiculus postéro-latéral) etc.. et leur inhibition par la naloxone ou la naltrexone (inhibiteurs opioïdes) [18-28].

Contrôles inhibiteurs descendants

Autre neuromédiateur, la sérotonine ou 5-hydroxytryptamine joue un rôle important lors d’une stimulation par EA et interviendrait, entre autres, dans l’un des mécanismes de l’analgésie par stimulation du noyau raphé dorsal [29-32].

Takagi et coll. ont déterminé chez le lapin que les récepteurs, localisés au niveau présynaptique et postsynaptique, et libérés dans l’EA (36 ES, 2Hz, 40mn) étaient le 5-HT1 (excepté le 5-HT1A) ;  le 5-HT2 (excepté le 5-HT2A) et le récepteur 5-HT3 [[33]]. L’EA à 2Hz stimule aussi l’expression du récepteur 5-HT3a [[34]].

En 2007, Li et coll. montrent que l’EA (10 Hz à 3mA) appliquée pendant 20mn dans un modèle d’algie par injection d’adjuvant de Freund sur la patte de rat inhibe la transmission de la nociception et de l’hyperalgie en activant les neurones supraspinaux qui se projettent sur la moelle épinière par le système inhibiteur descendant. L’EA active la sérotonine et les catécholamines des neurones du noyau raphé magnus et du locus coeruleus dont l’expression c-fos est significativement augmentée [[35]].

Récemment, il a été démontré que l’analgésie par EA était aussi médiée par les récepteurs α2 adrénergiques de la moelle épinière. Ceci a été observé de manière statistiquement significative sur un modèle d’entorse de cheville chez le rat traité par EA à 100 Hz (largeur d’impulsion carrée de 1 ms) sur TR6 (zhigou) pendant 30 mn versus 4GI (hegou) [[36]].  Plus précisément, Kim et coll. en 2008 observent que la suppression des effets de l’EA à basse fréquence (1 Hz) sur un modèle de douleur inflammatoire carragénine induite sur la patte de rat est médiée par les ganglions sympathiques post-synaptiques. La haute fréquence (120 Hz) intervient quant à elle, par le système médullaire sympatho-surrénalien. Ceci est démontré par le fait que la surrénalectomie diminue l’action de l’EA à 120 Hz sans affecter la basse fréquence et que le traitement pré-thérapeutique avec un antagoniste des récepteurs à la corticostérone n’intervient pas dans l’efficacité de l’EA à 2 ou 120 Hz. D’autre part, l’administration de la 6-hydroxydopamine (neurotoxine des terminaisons nerveuses sympathiques périphériques) bloque sélectivement l’EA (2 Hz). Le propranolol (antagoniste des récepteurs bêta-adrénergiques) abolit complètement à la fois l’EA haute et basse fréquence [[37]].

Récepteur ionotropique NMDA

L’électroacupuncture (36ES, 6RP) à la fréquence de 2 Hz agit aussi dans les algies en diminuant la réponse à l’inflammation locale par l’intermédiaire de la modulation de l’expression des récepteurs ionotropes au glutamate et en particulier le récepteur au  N-méthyl-D-aspartate (NMDA) dans la corne dorsale de la moelle épinière [[38],[39]]. Wang et coll. vont confirmer en 2006 le rôle de la modulation de l’expression des récepteurs de la NMDA par EA (4 Hz/16 Hz alternativement pendant 30 mn : 30VB huantiao et 34VB yanglingquan) sur un modèle de rat hyperalgique [[40]].

Un stimulus nociceptif ou une lésion aiguë d’un nerf engendre une potentialisation à long terme des potentiels évoqués des fibres C de la corne dorsale de la moelle. L’EA à basse fréquence (2 Hz de 1 à 3mA par incrément de 1 mA toutes les 10 mn) appliquée sur ES36 et RA6 induit une dépression à long terme de ces mêmes potentiels évoqués chez le rat ayant une ligature du nerf rachidien de L5-L6. Cet effet est bloqué par l’antagoniste des récepteurs de la N-méthyl-d-acide aspartique (NMDA), le MK-801 et par l’antagoniste des récepteurs opioïdes, la naloxone. En revanche, l’EA à haute fréquence (100 Hz), qui n’est pas efficace dans le traitement des douleurs neuropathiques (encore appelée douleur par désafférentation), induit une potentialisation à long terme des potentiels évoqués des fibres C de la corne dorsale de la moelle chez le rat avec ligature du nerf rachidien. Contrairement à l’EA à 2 Hz, l’EA à 100 Hz est dépendante des systèmes inhibiteurs sérotoninergiques et gabanergiques. L’EA à 2 Hz intervient dans la plasticité synaptique rachidienne par une dépression à long terme de la transmission synaptique au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière. Les effets à long terme de l’antinociception s’expliqueraient par l’induction des récepteurs NMDA à dépression à long terme via l’activation du système des peptides opioïdes endogènes [[41]].

En 2008, à nouveau Ryu et coll. objectivent que l’EA (2Hz, 1,0 mA au 36ES et 6RP 30 mn) entraîne chez le rat une modulation de la phosphorylation des récepteurs NMDA (NR1 et NR2B) au niveau de la moelle épinière [[42]]. Le tableau III récapitule les principaux travaux d’électroacupuncture expérimentale et d’imagerie avec les résultats observés.

Tableau III. Récapitulatif des principaux travaux d’électroacupuncture expérimentale et d’imagerie. 

Auteur (année)Caractéristiques de l’électroacupunctureLocalisation cérébrale :  visualisation par expression c-fos  / ac anti-récepteurs stimulés / imagerie fonctionnelleEffets observés 
Gao (1997)[28]4 Hz : 36ES (zusanli)1-2V : 50 mnchez le ratnoyau caudé, noyau septal, aire médiale préoptique, amygdale, substance grise périaqueducale, noyau interpédonculaire, noyau raphé magnusrécepteurs μ augmentés
Pan (1998) [14,15,16]4 Hz : 36ES (zusanli) 30 mn chez le rat Lobe antérieur de la glande hypophysaireHypothalamus (noyau arqué, noyau ventromédial hypothalamique, noyau latéral hypothalamique, noyau paraventriculaire hypothalamique) Libération de :ACTHBêta endorphines
Wu (2002)[43]4 Hz (2 sessions de 1mn de 5 séquences repos-stimulation) 34 VB (yanglinquan) chez 15 volontaires sains Visualisation par IRM fonctionnelleModulation du système  limbique et de l’hypothalamus
Activation de l’hypothalamus, l’aire primaire somatosensorielle, le cortex moteurDésactivation du segment rostral du cortex cingulaire antérieur
Zhang (2003)[45]2 Hz (8 à 15 mA) 6mn36ES (zusanli) et 6RP (sanyinjiaoVisualisation par IRM fonctionnelleModulation par différents réseaux cérébraux
Activation : zones somatosensorielles secondaires bilatérales, insula, cortex cingulaire antérieur controlatéral,  thalamusActivation : aire motrice primaire controlatérale (gyrus précentral), aire motrice supplémentaire et  gyrus temporal supérieur ipsilatéral,
Désactivation : hippocampe bilatéral.
100 Hz (8 à 15 mA)36ES (zusanli) et 6RP (sanyinjiao)chez 48 volontaires sainsActivation : lobule pariétal inférieur controlatéral, le cortex cingulaire antérieur ipsilatéral et le noyau accumbens,
Désactivation :amygdale controlatérale
Choi (2005)[39]2 Hz, 15 Hz et 120 Hz : 36ES, 6RPchez le rat pendant 30j par intervalle de 3 joursCorne dorsale de la moelle épinière : modulation des récepteurs NMDA (type NR1, NR-2A, GlucR-1, GluR-2/3) pour tous les fréquences Diminution des récepteurs ionotropiques NMDA (NR1 et NR-2A)
Napadow (2005)[46]36ES (zusanli)courant continu de 0,7 à 3,6mA ;7 mn13 volontaires sains 2 HzVisualisation par IRM fonctionnelleIntervention du système limbique
Activation :insula antérieurcortex cingulaire antérieur médial Désactivationamygdale, hippocampe antérieur, cortex cingulaire rétrosplénial (BA29 et BA30), le cortex cingulaire subgenual, le cortex ventromédial préfrontal, les lobes frontaux et temporaux.Aire du raphé du pont.
100 Hz
Li (2007)[35]10 Hz (3 mA) 20mn30VBAlgie induite par adjuvant de Freund chez rat Inhibition expression c-fos-couches lame I et II de la corne dorsale de la moelle épinièrestimulation-noyau raphé magnus- locus ceruleusintervention du système inhibiteur descendant : sérotonine et les catécholamines des neurones du noyau raphé magnus et du locus coeruleus

 Imagerie électroacupuncturale analgésique

 L’étude de Wu et coll. de 2002 [[43]] a étudié la réaction cérébrale par IRMf suite à la stimulation électrique du point VB34 (yanglinquan) utilisé en analgésie chez 15 volontaires sains. Ils objectivaient que l’EA vraie à 4 Hz activait de manière statistiquement significative par rapport au groupe placebo (EA « sham » appliquée sur des non-points d’acupuncture) l’hypothalamus, l’aire primaire somatosensorielle ou somatosentivive (S1), le cortex moteur et désactivait le segment rostral du cortex cingulaire antérieur qui est impliqué dans la « réponse émotive » à la douleur. Ils concluaient que les systèmes limbique et hypothalamique étaient modulés par l’électroacupuncture.

Zhang et coll. en 2003 vont démontrer également que l’effet analgésique est modulé à la fois par l’aspect sensoriel et émotionnel du processus douloureux en réponse à la stimulation électrique des points d’acupuncture. Chez huit volontaires sains chez qui on applique un stimulus de chaleur (18°C) et de froid (2°C), l’électroacupuncture engendre une activation de l’aire bilatérale somatosensorielle secondaire (S2), du cortex préfrontal médial, de l’aire de Brodman 32 (BA32) et une désactivation de l’aire S1 controlatérale, de la BA7 et BA24 (gyrus cingulaire antérieur) [[44]].

Les mêmes auteurs [[45]] ont étudié par IRM fonctionnelle les mécanismes possibles à la base de la spécificité de fréquence. Dans les deux cas, il y a des niveaux d’activation positives dans les zones S2 bilatérales, dans l’insula, dans le cortex cingulaire antérieur controlatéral et le thalamus en rapport avec l’effet analgésique. A la fréquence de 2 Hz, des corrélations positives ont été observées dans l’aire motrice primaire controlatérale (gyrus précentral), l’aire motrice supplémentaire et le gyrus temporal supérieur ipsilatéral, tandis que des corrélations négatives ont été retrouvées dans l’hippocampe bilatéral. A la fréquence de 100 Hz, des activations positives ont été observées dans le lobule pariétal inférieur controlatéral, le cortex cingulaire antérieur ipsilatéral et le noyau accumbens, tandis qu’une corrélation négative a été détectée dans l’amygdale controlatérale. Ces résultats montrent que l’analgésie en rapport avec l’électroacupuncture à fréquences basses et hautes nécessite la médiation de différents réseaux cérébraux plus ou moins entremêlés.

Napadow et coll. objectivent que l’EA à 2Hz et à 100 Hz ainsi que l’acupuncture manuelle produisent une activation du signal BOLD de l’IRM fonctionnelle au niveau de l’insula antérieure et une désactivation des structures limbiques et paralimbiques. Augmentation aussi du signal BOLD dans le cortex cingulaire antérieur médial à la fois pour l’EA haute et basse fréquence, toutefois seule l’EA à basse fréquence (2Hz) produit une activation de l’aire du raphé du pont. Tous ces résultats confirment l’hypothèse que le système limbique est un élément central de l’analgésie électroacupuncturale [[46]].

L’étude de l’équipe japonaise de Maenaka s’intéresse à la suppression de la douleur chaleur-induite chez trois singes rhésus et à sa visualisation cérébrale par utilisation de la tomographie par émission de positrons (TEP). La stimulation électroacupuncturale (fréquence de 4 Hz/60 Hz en alternance de 2 secondes est appliquée sur le 36ES et le 4GI pendant 25 mn avant de mettre la queue de l’animal dans l’eau chaude à 47°C. Le temps de latence du retrait est mesuré. L’imagerie par TEP permet de visualiser les aires cérébrales impliquées qui correspondent à celles impliquées dans la douleur, mais inactivées par l’EA : le thalamus (zone postéro-inférieure du chiasma optique très proche de l’hypothalamus), une portion de l’insula et le gyrus cingulaire [[47]]. Le tableau IV récapitule les différentes aires cérébrales impliquées par l’EA.

 Tableau IV. Principales structures du SNC observées par imagerie ou acupuncture expérimentale lors de l’EA analgésique. 

Télencéphale
Aires primaire et secondaire somatosensorielles (S1 et S2)
Cortex préfrontal médial
Gyrus temporal supérieur
Noyau caudé
Diencéphale
Thalamus
Hypothalamus
Mésencéphale
Substance grise périaqueducale
Formation réticulée 
Rhombencéphale (pont et bulbe rachidien)
Formation réticulée
Noyau raphé du pont
Noyau raphé magnus
Locus coeruleus
Système limbique
Gyrus cingulaire
Amygdale
Hippocampe
Insula
Hypothalamus

 Conclusion

Les travaux de physiologie et d’imagerie concernant l’électroacupuncture dans les algies donnent une idée de plus en plus précise de la nature de ses mécanismes neurophysiologiques. Les données récentes suggèrent fortement l’implication de la libération des neuropeptides opioïdes (endorphines, enképhalines, dynorphine etc..), mais aussi l’action inhibitrice des récepteurs ionotropiques glutaminiques (en particulier NMDA), sans oublier la modulation de la douleur par le système inhibiteur descendant sérotoninergique et catécholaminergique. L’EA semble donc moduler le message nociceptif par de multiples mécanismes tout le long de sa transmission. L’imagerie démontre de manière formelle que les systèmes limbique, hypothalamique et le tronc cérébral sont activés par l’EA. Nous verrons dans un prochain article les modalités techniques de l’électroacupuncture et ses implications pratiques. 

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