Pourquoi y-a-t-il encore une médecine traditionnelle chinoise et plus de physique traditionnelle chinoise ?

 

Il s’est construit en France le mythe d’une médecine chinoise qui serait une sorte d’antithèse de la médecine occidentale. Ce mythe s’est largement implanté ensuite dans le monde occidental. La conséquence principale est une disjonction avec la science et la fabrication d’un discours fondé sur le présupposé d’une altérité fondamentale, la médecine chinoise étant irrémédiablement ancrée dans l’écriture, la langue et la pensée chinoise. Cette culturisation et déscientifisation ouvre largement la voie à une emprise ésotérique[1]. Un glissement de sens est opéré entre la « médecine traditionnelle chinoise » (MTC) et les « médecines traditionnelles », puis vers les « sciences traditionnelles ». Le glissement se fait sur le terme « tradition » qui dans les trois expressions a des sens différents. Dans MTC, « tradition » est utilisé dans un sens neutre de simple continuité historique[2], dans « médecines traditionnelles » il implique une césure avec la modernité occidentale[3] et dans « sciences traditionnelles » il fait directement référence aux sciences ésotériques et occultes comme l'astrologie, l'alchimie ou encore la magie[4]. Ces « sciences traditionnelles », image inversée de la science moderne n’ont en tant que telles aucune réalité historique ou philologique en Chine comme en Occident[5]. La médecine chinoise est ainsi amalgamée dans une construction ésotérique occidentale.

 La tradition scientifique chinoise

 Il est très largement établi que la Chine ancienne a produit un important corpus scientifique dans tous les domaines (mathématique, astronomie, physique, chimie, botanique, médecine…) qui avait globalement atteint un niveau plus élevé que l'Occident[6]. Ce n'est qu'à partir des 17e – 18e siècles, moment où se produit en Europe la révolution scientifique, que dans les différentes disciplines l'Occident rattrape et dépasse la Chine[7]. Une « société traditionnelle » comme celle de la Chine ancienne a donc produit sur la nature, tout comme l'Occident, un important corpus savant de données empiriques[8] très éloigné de ce qui est décrit comme étant les « sciences traditionnelles » ésotériques. Le savant chinois, comme le savant occidental, observe, questionne, décrit, classe, analyse, dénombre, calcule, pèse, mesure, énonce, rectifie, critique, théorise, expérimente, débat, découvre, invente …  Une même rationalité est à l'œuvre[9].

On peut alors se poser la question de savoir pourquoi, dans l'ensemble des sciences chinoises, la médecine est la seule pour laquelle est affirmée une différence de nature, une altérité ou une incommensurabilité[10] par rapport à son équivalent occidental ? Il n’y a pas un astronome, un physicien ou un botaniste qui se réclamerait d’une astronomie, d’une physique ou d’une botanique chinoise traditionnelle inscrite dans la culture, la langue et la pensée chinoise et d’une altérité irréductible par rapport à leurs équivalents modernes, il n’y a plus que des médecins.

Les énoncés astronomiques, physiques ou botaniques traditionnels chinois ont simplement été incorporés dans la science universelle ou ont été éliminés au profit d'autres plus pertinents. C’est ce que Joseph Needham exprime par sa célèbre métaphore de la rivière de la science chinoise se jetant dans l’océan de la science moderne[11]. Historiquement, Needham décrit ainsi pour chaque discipline un point de dépassement, moment où l’Europe dépasse la Chine et un point de fusion moment où les versions chinoises et européenne d’une discipline ne font plus qu’une[12] (Figure 1). Si le point de fusion a été très rapidement atteint, en quelques décennies, pour les sciences fondamentales[13], il est plus tardif pour la botanique et, à l’évidence, n’a pas encore été atteint en médecine. C’est ce qui donne cette illusion d’altérité et d’incommensurabilité dans laquelle va se nicher l’ésotérisme.

Notons que la fusion des mathématiques, physique et astronomie se fait indépendamment de la pression impérialiste occidentale qui, bien sûr, n’existait pas à ce moment et qu’elle est menée par les savants chinois eux-mêmes. Karine Chemla observe ainsi que pour les mathématiques « il y a bien synthèse en Chine dès ce début de XVIème siècle, mais c'est le fait des Chinois »[14]. Loin de se sentir non concernée par les sciences occidentales ou de se réfugier derrière une altérité fondamentale, une communauté savante chinoise procède à une analyse critique et rationnelle pour progressivement aboutir à une fusion. Le même processus est enclenché par les médecins chinois dès la rencontre sur le terrain avec la médecine occidentale au XIXe siècle, constituant l’École de convergence sino-occidentale (Zhongxi huitong pai). À l’opposé d’être une soumission à l’Occident ou une réponse à une injonction politique du régime maoïste, la « scientifisation » de la médecine chinoise est un processus rationnel interne mené par une communauté savante tournée vers la réalisation de ses objectifs professionnels[15]

La particularité de la médecine

 Comme l'observe Needham, qui était biologiste, si la fusion n'a pas encore eu lieu en médecine c'est du fait de l'extrême complexité des phénomènes du vivant[16]. La fusion entre sciences chinoises et sciences occidentales s’effectue lorsqu’un consensus peut être établi au sein de la communauté savante. Cela a à voir avec la notion de preuve, et si la preuve est relativement facile à concevoir et à élaborer en astronomie ou en physique dans la précision de la prévision d’un phénomène, c’est autrement plus complexe en médecine. La médecine expérimentale ne s’établit que dans la deuxième moitié du XIXe siècle (Claude Bernard 1865). Les outils des neurosciences, essentiels dans la compréhension de l'acupuncture, tout comme les modalités de preuve en thérapeutique avec l’Evidence-Based Medicine n'apparaissent que dans le dernier quart du XXe siècle. Ces décennies marquent le passage d’une science jusque-là essentiellement spéculative quant à une analyse des phénomènes induits par l'acupuncture à une science véritablement expérimentale. Notons que c'est aussi le moment où s’affirme très ouvertement en France une acupuncture ésotérique antimoderne[17].

 La résurgence d’un ancien débat interne à la médecine occidentale

 En 1865, dans son « Introduction à l'étude de la médecine expérimentale », Claude Bernard s'interroge sur le fait que la méthode expérimentale soit développée dans toutes les sciences de la nature et non à ce moment-là en médecine et en biologie. Claude Bernard évoque pour ce retard, tout comme Needham pour la médecine chinoise, l'extrême complexité des phénomènes du vivant et le fait que d'un point de vue expérimental, la médecine est fortement dépendante des progrès des disciplines fondamentales. Mais Claude Bernard avance aussi le fait que la médecine concerne l’homme et ses croyances avec des implications idéologique et religieuses qui interfèrent fortement et parasitent le savoir scientifique. La biologie, la science de la vie, se trouve sur un terrain déjà occupé par la pensée religieuse et métaphysique qui oppose une forte résistance à la mise en question de ses dogmes. La médecine chinoise est en fait confrontée au même débat que la médecine européenne au XIXe siècle, celui de l’introduction de la méthode expérimentale telle qu’elle a été formulée dans les autres sciences. Ce sont les mêmes forces qui, à l'époque, s'y opposaient au nom d’un point de vue métaphysique sur la vie et l'homme qui, en Occident, se réinvestissent dans la médecine chinoise sous le couvert d'une altérité irréductible de la tradition.

 

 

 

Dr Johan Nguyen

192 chemin des cèdres

83130 La Garde

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Figure 1. « Schéma montrant les rôles respectifs de l'Europe et de la Chine dans le développement de la science œcuménique » (Needham J. Dialogue des civilisations Chine-Occident. Pour une histoire œcuménique des sciences. Paris: Éditions la Découverte. 1991. Page 293). Les point de dépassement (T) sont les moments où pour chaque discipline l’Europe dépasse la Chine et les points de fusion (F) les moments où les contenus des disciplines dans leur version chinoise et européenne d’une discipline ne font plus qu’un.  À partir de 1610 l’astronomie occidentale dépasse l’astronomie chinoise, la fusion se réalise en 1640, soit un écart de 30 ans entre dépassement et fusion.  On peut discuter les dates ou les notions elles-mêmes, mais il reste l’évidence centrale d’une convergence et d’une fusion des sciences occidentales et chinoises.

 

 

 

 

[1]. Nguyen J. Rompre avec le discours ésotérique dans notre champ professionnel : un impératif éthique. Acupuncture & Moxibustion. 2017;16(1-2):67-78.

[2]. Le terme couramment admis de « médecine traditionnelle chinoise » apparait pour la première fois en anglais dans un article du Chinese Medical Journal de 1955 pour désigner le corpus de savoirs et de pratiques de la médecine chinoise alors en cours d'institutionnalisation (Fu Lien-Chang. Why our western-trained doctors should learn traditional Chinese medicine. 1955;73(5):363-7). L'historien chinois Ma Kan-Wen est considéré comme le créateur de l’expression (Jewell JA, Hillier S. Kan-Wen Ma. BMJ. 2017. 356:j810). Le sens donné à « traditionnelle » est très éloigné d’un sens ésotérique.

[3]. Les « médecines traditionnelles » font référence à un point de vue anthropologique, ethnologique et sociologique et non à un questionnement médical et scientifique.

[4]. Faivre A. L'ésotérisme. Paris: PUF. 2007. Pages 98-101.

[5]. La discussion est classique par exemple dans l’évolution de l’alchimie vers la chimie. La chimie n’est pas l’antithèse, l’image en miroir de l’alchimie, elle en est le produit (Joly B. La frontière des sciences. Les Nouvelles d'Archimède. 2008;47:6-7).

[6]. L’œuvre de Joseph Needham, Science and Civilisation in China (1952-2003) est bien sûr centrale dans la mise en évidence de ce corpus scientifique.

[7]. Ce qui conduit à la « Grande question » de Joseph Needham : alors que les sciences chinoises étaient plus développées que leurs équivalents européens à l’époque médiévale, pourquoi la science moderne a-t-elle émergé en Occident et non en Chine ?

[8]. Dans le sens de « fondées sur l’expérience ».

[9]. « Le point de vue adopté ici suppose, cela va de soi, l’égalité de tous les hommes pour l’investigation des phénomènes naturels, la maitrise par tous d’un langage universel qui participe de l’œcuménisme de la science moderne et la reconnaissance que les sciences de l’Antiquité et du Moyen Age (malgré des traits culturels évidents) étaient concernées par le même monde physique que le nôtre, et, par conséquent peuvent être incluses dans la même philosophie naturelle œcuméniques. Needham J. Dialogue des civilisations Chine-Occident. Pour une histoire œcuménique des sciences. Paris: Éditions la Découverte. 1991. Page 296.

[10]. L’incommensurabilité est le fait pour deux réalités d'être sans rapport entre elles, d'être de nature différente. En épistémologie, le terme d'incommensurabilité est utilisé pour décrire le statut de deux paradigmes appliqués à une même science et dont la comparaison est impossible en raison de différences fondamentales dans leurs structures et les schèmes de pensée qu'ils introduisent.

[11]. « Par quelle métaphore décrire la manière dont les sciences médiévales de l'Occident et de l'Orient ont été subsumées en science moderne ? L'image qui vient naturellement à l'esprit de ceux qui travaillent dans ce champ est celle des fleuves et de la mer. Selon une vieille expression chinoise, « les fleuves font la cour à la mer », et l'on peut effectivement considérer les courants scientifiques anciens des diverses civilisations comme des fleuves se jetant dans l'océan de la science moderne. Celle-ci s'est constituée grâce aux apports de tous les peuples de l'Ancien Monde, a été sans cesse irriguée par eux, qu'il s'agisse de l'Antiquité grecque ou romaine, du monde arabe, ou des cultures de la Chine et de l'Inde ». Needham J. Ibid.  Traduit de Clerks and Craftsmen 1970.

[12]. Ce qu’il appelle la science œcuménique, science universelle.

[13]. « La fusion des mathématiques, de l'astronomie et de la physique d'Occident et d'Orient s'est opérée très vite après la rencontre des deux cultures. Dès 1644, à la fin de la dynastie Ming, on ne distinguait plus de différence sensible entre Chine et Europe dans ces domaines ; la coalescence était parfaite ». Needham J. Ibid.  Page 294.

[14]. Chemla K. Que signifie l'expression de "mathématiques européennes" vue de Chine ? in L'Europe mathématique, Goldstein C, Gray J Et Ritter J. Paris: Éditions de la Maison de l'homme. 1996:219-45.  

[15].  Anne Fagot-Largeault note que « l’émergence d’une médecine scientifique est un processus inhérent au développement de la médecine elle-même » (Fagot-Largeault A. L’émergence de la médecine scientifique. Paris: Éditions Matériologiques. 2012).  Il n’y a pas lieu de considérer que la médecine chinoise serait, on ne sait trop pourquoi, exclue du processus.

[16]. « On pourrait être tenté d’en déduire de tout cela et d’une façon tout à fait empirique une « loi d’oecuménogénèse » [d'universalité] établissant que, plus une science a pour objet la vie, plus la complexité des phénomènes auxquels elle s’intéresse est grande, plus l’intervalle entre le point de dépassement et de fusion est important Needham J. Ibid. page 294.

[17].  Nguyen J. 2017 ibid.

Acupuncture Traditionnelle Chinoise et mathématiques : la voie hambourgeoise

Hambourg et Médecine Traditionnelle Chinoise

Sven Schroeder est neurologue et acupuncteur. Il dirige le Hansemerkur Centrum de Médecine Traditionnelle Chinoise qui propose des soins de médecine complémentaire et alternative au sein du Centre Médical Universitaire de Hamburg-Eppendorf (Allemagne). Le service bénéficie du soutien financier d'une assurance de santé dont il porte le nom (Hansemerkur Versicherungsgruppe), sponsor n'intervenant pas dans le fonctionnement médical.

Cet établissement, pour l’instant unique en Allemagne, est consacré aux soins, à l'enseignement et à la recherche en médecine traditionnelle chinoise.

L’idée initiale de ce centre revient à un ancien maire de Shanghai, ville jumelée avec Hambourg.

Sven Schroeder était l’invité du Dr Fernando Salgado, coordonnateur du master d’acupuncture médicale de Santiago de Compostela (Saint Jacques de Compostelle) en Galice, au nord-ouest de l’Espagne et du centre Xiyun (西 , à l’Ouest des Nuages) de la même ville.

Sven Schroeder a donné sur deux jours une longue conférence sur sa conception de l’acupuncture et a réalisé des démonstrations sur des patients [1,2].

Niveaux d’Énergie, méridiens et analyse mathématique

La première partie de l'exposé portait sur les références des livres classiques et une analyse mathématique des rapports entre les méridiens (figure 1).


Figure 1. Sven Schroeder expliquant son analyse mathématique des niveaux d’énergie. Après la division, selon la tradition, du niveau yang et yin en trois niveaux, il s’agit de la combinaison taiyang-shaoyin, yangming-taiyin, shaoyang-jueyin

Les classiques consultés pour bâtir les raisonnements mathématiques sont Huangdi neijingsuwen, nanjing, shanghanlun, zhenjiudacheng, yixuerumen, zhenjiujiayijing et quelques autres moins connus. La compréhension de la  physiopathologie organise la recherche des points à puncturer : équilibre yin/yang, succession des méridiens selon l'ordre de « l'horloge chinoise », méridiens couplés, règle Midi-Minuit ...

 

Chaque méridien est fonctionnellement lié à sept autres. La figure ci-dessous montre ces combinaisons pour le méridien du Poumon (Lung, Lu, figure 2).


Figure 2 (extraite de [1]). Représentation des liens du méridien Poumon (LU- Lung) avec 7 des 11 autres méridiens selon les règles classiques de l'acupuncture traditionnelle (LI, Large Intestine-Gros Intestin ; ST Stomach-Estomac ; SP, Spleen-Rate ; HT Heart-Cœur ; SI, Small Intestine-Intestin Grêle ; BL, Bladder-Vessie ; KI, Kidney-Rein ; PC, Pericardium-Maîre du Cœur ; TE, Triple Energiser -Triple Réchauffeur ; GB, Gall Bladder-Vésicule Biliaire ; LR, Liver-Foie). Ce schéma présente également l’ordre successif des méridiens selon l’ « horloge chinoise ».

Toutes les combinaisons possibles sont analysées à l’aide de formules mathématiques telles que Cnk (C nombre des combinaisons de n objets à un moment k). Ensuite, après d’autres étapes (que le lecteur amateur de mathématiques pourra retrouver dans les articles en référence, disponibles in extenso), on aboutit à 60 possibilités de combinaisons de 4 méridiens puis seulement 15 après élimination des répétitions (Figure 3).


Figure 3. Assemblés par 4, les 12 méridiens offrent 15 possibilités (extrait de [1]). Identification des méridiens selon les deux premières lettres du nom anglais (cf ci-dessus).

Ensuite, des correspondances anatomiques – yin/yang, haut-bas, avant-arrière, gauche-droite sont utilisées pour construire le schéma thérapeutique (depuis des siècles par les différentes écoles chinoises et depuis quelques décennies par les acupuncteurs du monde entier (voir note 1). Elles sont également validées par l'expérience (des différentes écoles et de l’auteur). Exemple pour une douleur d’épaule, rechercher des points sur les méridiens du pied controlatéral puis ipsilatéral, cf exemple plus loin). Les points de commande des Merveilleux Vaisseaux sont également sollicités (figure 3, extraite de [1]).


Figure 4. Huit Points de commande des Merveilleux Vaisseaux : points maîtres et points couplés (dumai, houxi 3IG ; yangqiaomai, shenmai 62V ; yangweimai, waiguan 5TR ; daimai, zulinqi 41VB ; renmai, lieque 7P ; yinqiaomai, zhaohai 6R ; yinweimai, neiguan 6MC ; chongmai, gongsun 4Rte) (note 2).

Application

Après l’interrogatoire et la palpation de la région douloureuse (on demande au patient de désigner la région douloureuse d’un seul doigt pour le plus de précision possible), l'analyse clinique, comprend un examen de la langue et des pouls dont les informations sont intégrées à la démarche diagnostique. La thérapeutique, les points à piquer, sont recherchés le long de méridiens selon les règles indiquées plus haut (yin/yang ; haut/bas ; gauche /droite...) et aussi certaines habitudes liées à l’expérience. Elle s'organise, pour ce que nous avons vu, autour des méridiens tendino-musculaires (Sinew channels).

La puncture est plutôt originale. Après réflexions sur les différentes options, le praticien palpe avec un doigt un segment  de méridien à la recherche de points sensibles. Les points ainsi repérés sont ensuite explorés de façon millimétrique avec un palpeur à la recherche de points ashi très réactifs. Trois points successifs distants de 1 cm environ sont alors puncturés à une profondeur de 0,5cun en moyenne. La recherche du deqi est systématique et également minutieuse. Chaque étape comprend encore une évaluation de la douleur résiduelle, plutôt originale : initialement évaluée de façon numérique à base 10 (la classique échelle numérique), l’évolution sous traitement est ensuite évaluée en prenant la douleur initiale comme référence ayant une valeur 100. Puis étape après étape (toutes les dix minutes environ), avec adaptation des points puncturés, une réévaluation en pourcentage de la douleur résiduelle est effectuée (en demandant au patient de mobiliser activement l’articulation douloureuse).

En pratique

Exemple : femme de 62 ans, droitière, fibromyalgique (diagnostic il y a 5 ans), douleur antérieure du moignon de l'épaule droite (diagnostic échographique de tendinite – du tendon du long biceps ?) sur le trajet du méridien de Poumon. Premier point piqué xuanzhong 39VB gauche plus un point au-dessus et un point au-dessous repérés au palpeur (avec systématiquement recherche du deqi). Amélioration de 50% de la douleur spontanée aux mouvements actifs de l’épaule, mais pas de changement à la douleur locale provoquée par la palpation directe. Ensuite, puncture de points du méridien du Foie à droite au niveau du cou de pied) avec amélioration de la douleur et possibilité de mettre la main dans le dos.

Après 20 mn, la patiente n'a plus de douleur spontanée, ni au mouvement ni non plus à la palpation.

Deux autres personnes ont fait l’objet d’une démonstration équivalente de cette acupuncture dynamique.

Conclusion

Cette proposition de soin ne manque pas d’intérêt : la démarche diagnostique s’appuie sur la tradition chinoise, elle comprend une analyse occidentale (ici mathématique), mais aussi et surtout, une pratique basée sur la clinique ainsi que celle d’une application des aiguilles en fonction d’une palpation rigoureuse. Avec en plus, la recherche systématique du deqi qui reste, à notre avis, le meilleur lien entre Tradition Classique et acupuncture moderne occidentale.

 

Dr Patrick Sautreuil

ASMAF-EFA (Association Scientifique des Médecins Acupuncteurs de France- Ecole Française d’Acupuncture)

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Conflit d’intérêts : aucun

Notes

1. Trois références pour ces traitements modernes utilisant des références classiques :

Effective Points Therapy of Acupuncture, Mao Qunhui, Guo Xiaozong, Languages Press Foreing Languages Press, 1998 ; Tung’s acupuncture-Elucidation of Tung’s extra points, Wei-Chieh Young, Jinzhang Dong, Taipei, Chih-Yuan Book Store, 2005 ; Dr Tan’s strategy of twelve magical points, Tan R., Printing San Diego, California, USA 2002

2. La première mention des huit points maîtres des vaisseaux extraordinaires date de 1439 dans Zhen Jiu Da Quan (Collection complète d’Acupuncture et Moxibustion) de Xu Feng (Cf article de Sven Schroeder [1])

Références

1. An Acupuncture Research Protocol Developed from Historical Writings by Mathematical Reflections: A Rational Individualized Acupoint Selection Method for Immediate Pain Relief, Sven Schreder and Al, Evid Based-Complement Alternat Med, Volume 2013, 256754

2. Mathematical reflections on acupoint combinations in the Traditional Meridian systems, Sven Schroeder and Al, Evid Based-Complement Alternat Med, Volume 2012, Article ID 268237 

 

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