Question : Hépatite C et acupuncture : cela pose le problème de l’utilisation de matériel à usage unique. Certains en sont encore à re-stériliser leur matériel dans les pays « en voie de développement ». Qu’en est-il de la pratique quotidienne en France ? (Dr S. El M, Rhumatologue, Tunisie). |
Qu’exige le législateur français des professionnels de santé ? Selon les textes réglementaires, le médecin doit veiller à la stérilité et à la décontamination des dispositifs médicaux qu’il utilise [1,2,3]. Cette obligation de résultat, introduisant la notion de contrôle des procédés, d’assurance qualité, de traçabilité et de matério-vigilance, demande la mise en œuvre de moyens qui sont différents selon que l’on veut stériliser un tensiomètre dont la seule propreté microbiologique est importante, ou une aiguille d’acupuncture, un marteau » fleur de prunier « , un rouleau à aiguilles, objets plus critiques quant à leur stérilité.
Parmi les cinq types de traitement de stérilisation existant en France, la stérilisation des aiguilles d’acupuncture entre dans le cadre de la désinfection et stérilisation de haut niveau du matériel destiné aux cavités stériles et pénétrant à l’intérieur du corps humain. Nous devons donc nous assurer que les aiguilles ne puissent transmettre les virus de l’hépatite C, les virus HIV1,2 etc.. Le mieux est alors d’utiliser les aiguilles à usage unique, impérativement à la norme CE et jetables dans des collecteurs homologués selon la circulaire DGS/DH n°98/249 du 20 avril 1998 [4] .
Il est impératif évidemment de ne pas réutiliser des aiguilles à usage unique. En effet, cela est totalement prohibé et sanctionnable sur le plan pénal. Selon un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 29 juin 1999, le fait pour un médecin mais également pour le personnel médical, de réutiliser, même après re-stérilisation, un dispositif médical présenté par le fabricant comme étant destiné à un usage unique, caractérise l’élément matériel du délit de tromperie sur les qualités substantielles d’une prestation de services. De plus, il est rappelé que toute pratique de re-stérilisation de dispositifs mis sur le marché à l’état stérile et/ou présentés comme étant à usage unique par le fabricant (dans la notice d’instruction et/ou sur l’étiquetage), est interdite conformément au point 13.6 de l’annexe I de l’article R. 665-47 du Livre V bis du Code de la santé publique. La circulaire DGS/SQ3, DGS/PH2 – DH/EM1 n° 51 du 29 décembre 1994 relative à l’utilisation des dispositifs médicaux stériles à usage unique [3] confirme le principe de non-réutilisation de ces dispositifs.
Certains acupuncteurs pratiquent le procédé dit » des aiguilles individuelles et personnelles « . Il s’agit de la réutilisation des mêmes aiguilles d’une séance à l’autre et sans traitement particulier, conservées par le patient ou le médecin. Cette méthode est à proscrire totalement, car dangereuse sur le plan de la stérilité, mais aussi sur le plan médico-légal. En effet, la circulaire DGS/DH n°98/249 du 20 avril 1998 [4] précise que les dispositifs médicaux réutilisables doivent subir, avant toute nouvelle utilisation, une procédure d’entretien selon un protocole validé par le comité de lutte contre les infections nosocomiales (nettoyage, stérilisation ou désinfection). Cette circulaire qui concerne les établissements de santé est également applicable à tout cabinet d’acupuncture.
Clément [7] a réalisé une enquête de pratique auprès des médecins acupuncteurs des régions Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, entre décembre 2000 et mars 2001. La même enquête avait été réalisée en 1997. Les médecins respectant la pratique de référence (aiguilles jetables à usage unique et collecteurs homologués) étaient passés de 40 à 64%. Seuls 3 médecins sur 32 ayant choisi la stérilisation la pratiquaient selon les recommandations légales. Si les bonnes pratiques marquent donc un progrès très significatif sur 3 ans, il n’en demeure pas moins qu’environ 36% des médecins de ces régions, n’utilisent pas encore les aiguilles jetables de façon systématique.
En effet, la stérilisation doit impérieusement obéir à certaines règles. L’acupuncture est considérée comme une médecine utilisant un matériel invasif dit critique, c’est à dire pouvant être en contact avec des vaisseaux sanguins, ou allant dans une cavité stérile (exceptionnel). Pour réaliser cette stérilisation, la circulaire DGS/DH n°672 du 20 octobre 1997 relative à la stérilisation des dispositifs médicaux dans les établissements de santé [2] souligne dans son point 2.2.5 que « Dans l’état actuel des connaissances, la stérilisation par la vapeur d’eau saturée sous pression doit être la méthode appliquée lorsque le dispositif le supporte ». Même si ce texte ne concerne pas directement les cabinets médicaux, cette notion y est cependant applicable. Cette circulaire se base sur le fait que seule la stérilisation par vapeur d’eau à 134°C pendant 18 minutes détruit 1. les virus enveloppés (VIH, VHB, CMV),
2. les bactéries végétatives (Staphylococcus auréus, pseudomonas aeruginosa),
3. les champignons (candida, aspergillus),
4. les virus nus ( VHA, VHC),
5. les mycobactérium (tuberculosis, avium),
6. les spores ( bacillus clostridium),
7. les prions.
La stérilisation par oxyde d’éthylène, gaz-plasma, irradiation ou désinfection de haut niveau détruit 1,2,3,4,5,6, mais est inefficace contre les prions. La désinfection par différents produits aux normes européennes EN n’agit que sur 1 et 2, 3 au maximum. Par ailleurs, il est à noter que la limitation de la charge microbienne initiale d’un dispositif médical à stériliser est une étape majeure qui conditionne le résultat final du procédé de stérilisation. Dans le cas d’un dispositif réutilisable, la charge microbienne initiale dépend des conditions de l’utilisation qui vient d’en être faite, de l’environnement et de la qualité des procédés de décontamination (ou pré désinfection) et de nettoyage appliqués au dispositif médical (produits, techniques, délai de mise en oeuvre, personnel qualifié et formé). Certains agents infectieux comme les prions nécessitent d’appliquer, dans des circonstances déterminées, des procédés particuliers indiqués dans la circulaire DGS/DH n° 100 du 11 décembre 1995 [8] et celle du 14 mars 2001 relative aux précautions à observer lors de soins en vue de réduire les risques de transmission d’agents transmissibles non conventionnels [9].
Avant la stérilisation proprement dite, les aiguilles d’acupuncture, dispositif dit » critique » doivent donc subir une désinfection appropriée à finalité bactéricide, fongicide, virucide, et sporicide. En ce qui concerne les produits désinfectants, les normes actuelles de référence sont les normes NF EN 1040 (T 72-152) pour une activité bactéricide, NF EN 1275 (T 72-202) pour une activité fongicide, NF T 72-180 pour une activité virucide et NF T 72-230 ou NF T 72-231 pour une activité sporicide. Bref, la réalisation d’une désinfection de haut niveau peut s’effectuer par immersion complète dans un bain désinfectant qui est peut être du l’hypochlorite de sodium pendant 1 heure si on veut être sporicide, suivi d’un rinçage et séchage. Ensuite à peine, la stérilisation proprement dite peut commencer !
Un petit mot concernant la stérilisation à chaleur sèche genre Poupinel. La fiabilité et la performance de la chaleur sèche sont moindres que celles de la vapeur d’eau. De plus Delfau R et Tschan ont prouvé l’inefficacité de ce procédé sur la destruction des prions [5] (in : la stérilisation en milieu hospitalier. Cahors. CEFH éd. 1998,243-248). La circulaire n° DGS/5C/DHOS/E2/2001/138 du 14 mars 2001 le confirme [9].
Les stérilisateurs à billes sont, quant à eux, interdits depuis le 11 décembre 1998. A noter enfin qu’un décret en Conseil d’Etat du 23 avril 2002 [6] fixe dorénavant le cadre d’organisation d’un système permettant d’assurer la qualité de la stérilisation des dispositifs médicaux dans les établissements de santé, ainsi que les dispositions transitoires d’application.
Conclusion : il est impératif d’utiliser systématiquement des aiguilles à usage unique. Sinon, la stérilisation doit passer obligatoirement par des stérilisateurs à vapeur d’eau sans oublier l’étape longue et complexe du nettoyage et de la pré désinfection des aiguilles qui risque de multiplier les erreurs ou les négligences. Alors soyons simple et utilisons uniquement du matériel jetable à usage unique qui seul offre une garantie sûre contre tous les risques de transmission d’agents infectieux.
Bibliographie :
1. directive européenne 93/42/CEE relative aux dispositifs médicaux, transposée en droit français par la loi n°94-43 et le décret 95-292
2. circulaire DGS/DH n°672 du 20 octobre 1997 relative à la stérilisation des dispositifs médicaux dans les établissements de santé
3. circulaire DGS/SQ3, DGS/PH2 – DH/EM1 n° 51 du 29 décembre 1994 relative à l’utilisation des dispositifs médicaux stériles à usage unique
4. circulaire DGS/DH n°98/249 du 20 avril 1998 relative à la prévention de la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques lors des soins dans les établissements de santé
5. Parneix P. Est-il licite d’utiliser un stérilisateur type poupinel en médecine de ville. Le concours médical 03/04/99 121-13
6. Décret en Conseil d’Etat 2002-587 du 23 avril 2002 relatif au système permettant d’assurer la qualité de la stérilisation des dispositifs médicaux dans les établissements de santé et les syndicats interhospitaliers
7. Clément P. : Audit sur le contrôle du risque contaminant des aiguilles d’acupuncture. VI ème congrès national de la Faformec. 29-30/11/2002. Clermont-Ferrand. 119-129
8. Circulaire DGD/DH n°100 du 11 décembre 1995 relative aux précautions à observer en milieu chirurgical et anatomopathologique face aux risques de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob
9. circulaire n° DGS/5C/DHOS/E2/2001/138 du 14 mars 2001 relative aux précautions à observer lors de soins en vue de réduire les risques de transmission d’agents transmissibles non conventionnels