Le concile de pierre Jean-Christophe Grangé Paris : éditions Albin Michel, 2000, 411 pages ; 15 x 23 ; 20,90€ ISBN: 2-226-11649-4 |
Le concile de pierre n’est pas un livre consacré à l’acupuncture. L’intérêt est que Jean-Christophe Grangé, auteur du roman « Les Rivières pourpres », adapté avec succès au cinéma, nous offre son regard de néophyte sur la façon dont le lecteur lambda appréhende l’acupuncture. Deux points importants à souligner : les rapports conflictuels entre patient / acupuncteur et médecin occidental allopathe ; le second point concernant l’idée que le malade se fait de la Médecine Traditionnelle Chinoise.
Dans le premier point, parce que son fils est atteint d’une maladie incurable, l’héroïne du roman Diane Thiberge le confie à un acupuncteur, un médecin anesthésiste. Celui-ci le sauve donc d’une mort certaine. Le médecin allopathe, neurochirurgien dénie toute action de l’acupuncteur. « – Ces méridiens, savez-vous à quoi ils correspondent, physiquement ?….- A rien. Physiologiquement, ces méridiens n’existent pas. Des analyses, des radiographies, des scanners ont été tentés. Il n’est jamais sorti aucun résultat de ces travaux. Les points d’acupuncture ne correspondent pas même à des zones d’épiderme particulières, contrairement à ce qu’on raconte. Du point de vue de la physiologie moderne, l’acupuncteur pique n’importe où. C’est du vent. Du flan…. – le médecin m’a parlé de l’énergie vitale qui circule dans notre corps etc.. – Et cette énergie serait accessible comme ça (il claque dans ses doigts), à la surface de la peau ? Et seule la médecine chinoise aurait la géographie de ce réseau ? C’est grotesque…. »
Ainsi l’auteur se fait l’interprète des courants de pensées qui prévalent actuellement dans le milieu médical occidental, mais aussi auprès de certains de nos patients. Ceux-ci se tourneraient vers la MTC comme s’ils faisaient un pèlerinage à Lourdes. Les médecins imprégnés de leurs savoirs et de leurs certitudes dénieraient toute implication thérapeutique à l’acupuncture. Tout ceci est à rapprocher de l’étude sociologique de Patrick Triadou et coll. [[1]] qui montrent que le recours à l’acupuncture résulte d’une « recherche de solution dans un processus d’essai-erreur au cours duquel l’acupuncture se présente comme un recours après que les possibilités de la médecine classique ont été épuisées ». Dans l’étude montrant les rapports de l’acupuncture à la science [[2]], Patrick Triadou objective que « la médecine classique a appris à se méfier de tout ce qui n’est pas objectif ou objectivable pour privilégier une interprétation centrée sur les mécanismes physiques, physiologiques, biologiques… ». Et cela explique que seuls 20% des patients sont adressés à l’acupuncteur par le médecin de médecine classique.
Le deuxième point montre que Grangé semble considérer l’acupuncture comme une médecine mystérieuse, à la limite ésotérique. « Physiologiquement, l’acupuncteur ne piquait aucun point particulier. Ni nerfs, ni muscles, ni même zones cutanées plus sensibles…Des études avaient seulement démontré que l’aiguille libérait parfois des endorphines… D’autres recherches avaient mis en évidence les propriétés électriques de certains points… En définitive, les aiguilles fonctionnaient comme de minuscules relais dressés vers l’univers, qui auraient servi à harmoniser l’organisme avec une hypothétique puissance cosmique ». Vous aurez ainsi la surprise en parcourant ce livre de découvrir que l’acupuncture fait partie d’un mystérieux programme de recherches parapsychologiques soviétique dans l’action se déroule en Mongolie aux confins de la frontière sibérienne, au même titre que l’hypnose, la psychokinésie, la télépathie, la voyance et autres pouvoirs paranormaux, mais aussi le chamanisme. Bref, ce thriller fantastique haletant qui vient d’être porté à l’écran avec Monica Bellucci dans le rôle principal n’a pour but que celui de nous divertir. Néanmoins, il peut être le reflet tronqué de ce que nos contemporains, patients aussi bien que confrères allopathes, peuvent penser de l’acupuncture. Et pour ces raisons, cela nous est néfaste. Pour connaître la réalité des choses, je ne peux que vous renvoyer aux articles sociologiques de Patrick Triadou et coll. et en ce qui concerne le chamanisme, relire l’excellent livre de Claudine Brelet [[3]].
[1]. Triadou P, Desjeux D, Lafont JL et al. L’acupuncture en France aujourd’hui (I) : la consultation d’acupuncture. Acupuncture & Moxibustion. 2005;4(1):10-17.
[2]. Triadou P, Desjeux D, Lafont JL et al. L’acupuncture en France aujourd’hui (IV) : représentations et rapport à la science. Acupuncture & Moxibustion. 2006;5(1):7-16.
[3]. Brelet C. Médecines du monde. Histoire et pratiques des médecines traditionnelles. Paris: Editions Robert Laffont; 2002.
Stéphan JM. Recension : Le concile de pierre. Acupuncture & Moxibustion. 2006;5(4):382.