A propos des Troncs Célestes et des Branches Terrestres : réflexions sur les rythmes biologiques, la chronopathologie et les prévisions météorologiques selon les conceptions chinoises. 3e partie : Étude épidémiologique

Moines bouddhistes se protégeant du soleil à Phnom Penh – Cambodge

Résumé: La base de la Médecine Traditionnelle Chinoise s’appuie sur le concept du Temps et de ses rythmes. Les Branches Terrestres (地支, dìzhī) et les Troncs Célestes (天干, tiāngān), à l’origine du cycle sexagésimal, permettent d’expliquer les grands mouvements énergétiques, de concevoir un système de prévisions météorologiques, et de prévoir l’émergence d’une éventuelle chronopathologie.

Une étude épidémiologique de type cas-témoins portant sur 7342 actes médicaux a ensuite établi des liaisons entre les saisons et la chronopathologie occidentale. Puis, des correspondances ont été recherchées entre ces données et les connaissances provenant de la Médecine Traditionnelle Chinoise. L’association humidité-précipitations fut examinée dans le but de trouver la genèse des douleurs rhumatologiques concernant le  » Bi Fixe’. Pour clore ce travail, la finesse des observations chinoises qui associaient depuis la nuit des temps le Bois au Printemps, et le Foie aux allergies, est confirmée par la découverte, selon la méthode du cosinor, d’un rythme circannuel des syndromes allergiques avec une acrophase printanière. Mots clés : Chrono-acupuncture, branches terrestres, « Di Zhi, troncs célestes ‘Tian Gan’, rythmes biologiques, chronopathologie, épidémiologie, prévisions météorologiques, climatologie, saisons, humidité, rhumatologie, ‘Bi fixe’ , allergie, cosinor.

Abstract: The basis of traditional chinese medicine depends on the concept of time and its rythms. The terrestrial branches ((地支, dìzhī) and the celestial trunks (天干 tiāngān), at the beginning of the sexagesimal cycle allow the possibility of explaining great energy movements, of conceiving a system of meterorological forecasting and of predicting the emergence of an eventual chronopathology.

An epidemiological study of the type case-witness relative to 7, 342 medical operations has subsequently established the link between the seasons and western chronopathology. Next the author carried out a study to find the links between these data and the knowledge coming from traditional chinese medicine. An examination was made of the association between humidity and rain tall 50 as to discover the source of rheumatic pains connected with ‘stationary bi’. To bring this work to a close, the author established the exactitude of Chinese observations, which since the dawn of time has linked the the ‘awood of the springtime’ to the liver with its allergies, by the discovery, using the cosinor method, of the circannual rhythm of the allergy syndromes with a springtime acrophase. Keywords : chrono-acupuncture, terrestrial branches, ‘Di Zhi’, celestial trunks, ‘Tian Gan’, biological rythms, chronopathology, epidemiology, meteorological predictions, seasons, humidity, climatology, rhumatology, allergy, cosinor.

ETUDE EPIDEMIOLOGIQUE

A partir de 7342 actes médicaux concernant un fichier de 1337 patients vus de juin 1987 à mai 1992, une enquête épidémiologique a été organisée.

Protocole

                   – les objectifs

                  Il s’agit de déterminer globalement dans quelle mesure les pathologies observées varient au cours des saisons, et de faire une corrélation avec les connaissances de la Médecine Traditionnelle Chinoise. Ainsi il s’agit de répondre aux questions suivantes :

                  La fréquence des pathologies d’ordre allergique  est-elle plus élevée au printemps que lors des autres saisons? 

                  Observe-t-on une fréquence accrue des syndromes psychiatriques au printemps mais aussi en automne ?

                  La fréquence des troubles digestifs est-elle plus forte à la cinquième saison ainsi que les douleurs rhumatologiques ?

                  L’automne voit-il une recrudescence des problèmes infectieux pulmonaires, O.R.L.,  et l’hiver celle des algies rhumatologiques et également des syndromes  infectieux viraux ?   

                  Il s’avère aussi qu’a été éliminée d’emblée toute tentative de trouver une fréquence accrue des pathologies en fonction des Qi, les symptômes n’entrant pas dans le cadre d’une nosologie suffisamment précise. La recherche des incidences des maladies en fonction des saisons est donc beaucoup plus intéressante.

                   – le type d’enquête choisi

                  Une enquête de type cas-témoins a été réalisée. Elle est dite rétrospective, car la maladie est déjà survenue quand le travail fut débuté. Il a été possible d’estimer l’augmentation de la probabilité d’avoir la maladie quand on est exposé au facteur de risque (en l’occurence, les saisons), en comparant la fréquence de l’exposition chez les cas et chez les témoins. On a donc calculé pour chaque catégorie de maladies une valeur, le risque relatif estimé (RRE), encore dénommée odds-ratio (OR) par les anglo-saxons (44).    

 Hiver Printemps 
sujets malades A1    A2   
sujets indemnesA3   A4     

                        RRE = A1 A4 / A2 A3

 Un risque relatif estimé égal à 2 signifiera dans l’exemple qu’en hiver, il y a une probabilité d’avoir la maladie qui est 2 fois plus élevée qu’au printemps. Le risque relatif estimé devra bien sûr être accompagné de son intervalle de confiance à 95% ; on fera également le test statistique du Chi², pour décider si la valeur du RRE est significativement différente de 1 (si RRE est égal à 1, il n’y a pas de différence entre les groupes comparés).   

                    – les critères de sélection des sujets étudiés

                  Ont été considérés comme atteints tous les sujets ayant les symptômes ou la maladie durant la période choisie dans un échantillon de population générale se présentant dans un cabinet de médecine. Les témoins sont, pour la même période, les sujets indemnes dans un échantillon considéré comme représentatif de la population générale d’une petite ville de 3500 habitants, se présentant pour des symptômes différents dans le même cabinet de médecine générale. Le sexe et l’âge n’ont pas été retenus comme source de biais.

                   – les renseignements à recueillir pour chaque sujet observé

      Les renseignements ont été classés en 7 catégories :     

      * pneumologie : bronchites, bronchopneumopathies, toux expectorantes

    * infectiologie : grippes, varicelles, oreillons, herpès, candidoses, mononucléoses infectieuses, hépatites virales, zonas        

      * O.R.L : rhumes, pharyngites, laryngites, rhino-pharyngites, sinusites, otites, angines, trachéites

      * allergologie : rhino-conjonctivites allergiques, asthme, prurit, urticaire, eczéma, bronchiolites

      * rhumatologie : lombalgies, lombo-sciatiques, cruralgies, sciatiques, périarthrites scapulo-humérales, névralgies cervico-brachiales, lumbagos, tendinites, cervicalgies, arthralgies, myalgies

      * psychiatrie : dépressions, syndromes anxio-dépressifs, angoisse, anxiété, insomnie, asthénie fonctionnelle

      * gastro-entérologie : gastro-entérite, colopathie, gastrite, abdomen aigu, diarrhées, reflux gastro-oesophagien, gastralgies, ulcères, appendicites

   Ont été considérés comme malades témoins les cas d’actes de cardiologie, phlébologie, neurologie, dermatologie, endocrinologie, gynécologie, uro-néphrologie, traumatologie et autres actes n’entrant pas dans le cadre direct de la pathologie étudiée.

  Résultats et discussion

               Les saisons ont été découpées de la façon suivante : – printemps : du 1 mars au 31 mai

              – été : du 1er juin au 31 août  

              – automne : du 1 septembre au 30 novembre

              – hiver : du 1er décembre à fin février.

              La cinquième saison  a été assimilée à un sous-ensemble de l’été, période allant du 1er au 31 août.

 Pour chaque pathologie, il sera fait une comparaison des saisons deux à deux : été – automne, été – hiver, été – printemps, automne – hiver, automne – printemps, hiver – printemps ou vice-versa selon les cas. Le risque relatif estimé (R.R.E.) est noté dans un tableau, accompagné de son intervalle de confiance, du test Chi² et du degré de signification p. Le risque relatif estimé est significatif si p est inférieur à 0,05. Sur les tableaux suivants, les R.R.E statistiquement significatifs sont écrits en caractères gras italiques. 

                * allergie

 On constate donc que le risque relatif estimé de contracter une pathologie allergologique est de 3,15 fois plus élevé en été qu’en hiver (p<0,0000001), et de 2,49 fois plus élevé au printemps qu’en hiver (p<0,0000002). Cela confirme en partie les données de la Médecine Traditionnelle Chinoise: allergie et foie, allergie et printemps. Notons que dans la chronopathologie occidentale (voir chapitre ci-dessus), il y a aussi confirmation de ces données. 

        * syndromes psychiatriques

 En ce qui concerne les syndromes psychiatriques, il y a une recrudescence en automne par rapport à l’hiver, risque relatif estimé à 1,23, statistiquement significatif (p=0,044). Là aussi, il y a confirmation de certaines données chinoises : automne = poumons = mélancolie, états dépressifs.

     * troubles digestifs

  Il y a recrudescence des troubles digestifs en été (R.R.E=1,32 ; p=0,024) par rapport à l’automne, et par rapport au printemps (R.R.E=1,36 ; p=0,013). Cela est à mettre essentiellement sur le compte des diarrhées aigues estivales.

 La Médecine Traditionnelle Chinoise avait ici encore observé que l’augmentation des troubles digestifs liés au méridien de Rate – Pancréas se retrouvait à la fin de l’été (5e saison). D’où confirmation encore par les données occidentales.

   * problèmes rhumatologiques

 A la fin de l’été en Médecine Chinoise correspond les problèmes rhumatologiques (Bi humidité). Au printemps se verront surtout les problèmes musculo-tendineux (Bi « errant »). En hiver, ce sont principalement les douleurs osseuses rachidiennes (Bi douloureux). Les études occidentales objectivent une acrophase de la fréquence des poussées arthrosiques en été, et en hiver pour les maladies de type inflammatoire. Cette présente étude confirme en partie cela puisque le risque relatif estimé est de 1,32 en été versus hiver (p=0,0085) ; de 1,26 en été versus automne (p=0,031) ; de 1,26 au printemps versus hiver (p=0,017). Par contre, cette enquête ne confirme pas la thèse chinoise de l’  augmentation des algies en hiver. Il serait intéressant de rechercher alors le rôle d’un facteur de confusion telle l’humidité, la pluie  ou le froid dans la genèse de ces algies.

 * problèmes infectieux pulmonaires

L’hiver offre une recrudescence de la pathologie broncho-pulmonaire que ce soit par rapport au printemps (R.R.E=1,46), à l’automne (R.R.E=1,33), ou surtout par rapport à l’été (R.R.E= 2,27 ; p<0,0000001). En fait, en examinant les statistiques, il s’avère que l’été versus les autres saisons voit un abaissement important de ces pathologies. Les études épidémiologiques occidentales retrouvent la bathyphase estivale et l’acrophase hivernale. La Médecine Chinoise considère que la fréquence des maladies pulmonaires s’accroît en automne avec une éventuelle altération énergétique du couple Poumons – Gros intestin, mais aussi en hiver, surtout si l’infection est sévère ou récidivante. 

     * problèmes infectieux O.R.L.

 Comme pour les problèmes pulmonaires, il y a peu de pathologie O.R.L en été. La survenue des cas infectieux se voit essentiellement en automne (R.R.E= 1,47 versus été ; R.R.E= 1,19 versus printemps) et en hiver avec un R.R.E à 1,34 (p=0,00053) versus été. Le tout corrobore en partie les données de la Médecine Traditionnelle Chinoise.

  * maladies infectieuses

 Les maladies infectieuses sont aussi en nette recrudescence hivernale, et recoupent également les pathologies broncho-pulmonaires et O.R.L quant à leur survenue: surtout hiver versus été (R.R.E=1,81), printemps (R.R.E=2,19)  et même automne. 

Malheureusement, cette étude n’est vraisemblablement pas exempte de biais. La crainte d’y être confronté m’a obligé à utiliser par exemple tous les consultations à visée cardiologique, gynécologique, urologique, endocrinologique… comme des cas dits témoins car il y avait trop de facteurs de confusion entraînant à la fois des biais de sélection et de mesure.

Mais la plus grande difficulté réside dans l’obligation d’un diagnostic exact permettant à la maladie d’entrer dans le cadre d’une nosologie précise. Ainsi donc, l’amalgame des différents syndromes dans chaque catégorie est volontaire et ne doit pas être considéré comme un biais de recrutement. Par exemple, l’allergie peut toucher chez un même patient aussi bien l’appareil respiratoire que dermatologique ou O.R.L, et à des moments différents. Il en résulte bien sûr une certaine imprécision avec un intervalle de confiance un peu large, mais il est préférable d’avoir une diminution de la puissance que d’avoir des valeurs fausses parce que trop élevées ou trop basses. De toute façon, n’ont été considérées comme statistiquement significatives, que les valeurs du risque relatif estimé non biaisé vers l’unité (c’est à dire tendant vers 1), ayant un test du Chi² avec un degré de signification inférieur à 5% (p<0,05).

Quoiqu’il en soit, cette enquête cas-témoins peut constituer une première approche de la chronopathologie traditionnelle  chinoise et devrait être suivie d’une enquête prospective. Néanmoins elle objective la qualité exceptionnelle des observations des médecins chinois, qui très longtemps avant les occidentaux, avaient compris le rôle des saisons dans la genèse de certaines pathologies.

 Cela m’a poussé à aller encore de l’avant et à rechercher dans une première partie si un facteur climatique telles l’humidité ou les précipitations peut influencer l’apparition des algies rhumatologiques. Dans une seconde partie, il était intéressant d’essayer de déterminer s’il y a reproductibilité des pathologies à chaque saison, bref rythmes biologiques, comme l’entend la Médecine Traditionnelle Chinoise. En effet, cette étude épidémiologique donne une estimation globale de la probabilité d’avoir la maladie en fonction de la saison sur une période de 5 ans, mais ne permet pas d’objectiver si cela se reproduit de la même façon chaque année. En effet, il est tout à fait possible d’avoir une année avec beaucoup de pathologie, suivie d’une année sans. Intérêt donc d’utiliser le modèle mathématique du Cosinor.

Jour de pluie à Katmandou – Durbar Square – Népal

 Précipitations, humidité et douleurs rhumatologiques

Il a été décrit dans un chapitre précédent que certaines équipes avaient essayé d’associer poussées algiques arthrosiques et changement de température et d’humidité. Ils avaient ainsi démontré une recrudescence estivale. Néanmoins un doute était émis dans le sens où le malade pouvait trouver un bénéfice psychologique en attribuant les douleurs au mauvais temps.         

La Médecine Traditionnelle Chinoise expose une pathologie rhumatologique en rapport avec l’humidité. Il s’agit du Bi «fixe» ou Bi des Chairs survenant au 6ème mois (5ème saison), et en rapport avec la Terre et le méridien de Rate-Pancréas. Selon le chapitre 43 du Su Wen, les manifestations en sont : « Impotence des membres, rejet d’humeurs dans les quintes de toux, occlusion de la poitrine ». Il est dit aussi : « Il y a douleur quand le froid prévaut.. »

Dans le chapitre précédent, a été  démontrée l’existence d’une probabilité de 1,32 fois plus élevée d’avoir des algies rhumatologiques en période estivale qu’en période hivernale (p=0,0005). L’étude des facteurs précipitations et humidité peut éclairer ce résultat.     

 Il faut tout d’abord savoir que l’air renferme toujours entre 1 et 4% de vapeur d’eau en moyenne. Cette quantité varie en fonction de la température. Plus l’air est chaud, plus sa capacité d’absorption est importante. A une température donnée, il se saturera d’une quantité maximale de vapeur d’eau. Ainsi à -20°C, cette valeur de saturation n’est que d’1 gramme de vapeur d’eau par mètre cube d’air. A 0°, cette valeur passe à 4,9 g/m3 ; à 10° : 9,8 g/m3 et à 30°C : 30,4 g/m3. 

Cela entraîne des impressions directement perceptibles par l’être humain. Un air tropical, très humide et chaud empêche par exemple la sueur de s’évaporer et de rafraîchir le corps. De même, plus il fait froid et que l’air est humide, plus il semble glacial.             

Ont donc été calculées les moyennes des précipitations en fonction des saisons. Il s’avère que l’été est la saison la plus pluvieuse.   Malheureusement, il n’a pas été trouvé de différence significative entre les précipitations de l’année. Le tableau suivant récapitule les résultats.

  saisonsMoyenne Ecart typevariance
été 62,41 mm36,861359,33
automne 57,76 mm24,02 577,04
hiver  41,99 mm22,35 499,93
printemps45,36 mm27,95   781,63

  Même si la moyenne des précipitations est plus élevée en été (62,41mm) que pour les autres saisons, l’analyse des variances par le test F de snedecor montre un F égal à 1,77 à 3 et 56 degrés de liberté. De ce fait, les moyennes ne diffèrent pas significativement (p>0,05). De la même façon, en groupant les valeurs et en étudiant les variances été versus autres saisons, la valeur de  F (1/58) est égal à 2,78 , valeur non significative (p = 0,10).

 En conclusion, les moyennes des précipitations sont à peu près semblables quelque soit la saison. Ce qui pourrait faire la différence, c’est la valeur de saturation de la vapeur d’eau dans l’air qui est beaucoup plus élevée en été que durant les autres saisons, du fait de la chaleur. La pluie ne semble donc pas intervenir directement dans la genèse des douleurs. Par contre, l’humidité que l’on retrouve à la fin de l’été, en rapport avec la chaleur et une moyenne des précipitations un peu plus élevée expliquerait les algies retrouvées dans le Bi «fixe».

 La recherche d’un rythme biologique rhumatologique s’est faite en vain. En effet, les algies de type Bi «fixe» doivent se présenter toujours au même moment de l’année : la fin de l’été. Cela s’explique par la prévision  météorologique chinoise à base des «Gan» et des «Shi» qui voit certes des étés différents en fonction des années, mais souvent avec un point commun : l’humidité. Exemple pour le quatrième Qi : humidité et froid en 1987, humidité, pluies et vent en 1988,  été chaud et humide en 1989 ; humidité, pluies et fraîcheur en 1990 ; humidité et chaleur peu importante pour l’année 1991. Comme on peut le constater, l’humidité est vraiment le dénominateur commun. Mais malheureusement, il n’y a pas toujours concordance avec les observations mesurées. De ce fait, certains mois d’été furent secs alors que la pluie était prévue (cf chapitre précédent). Aucune détection de rythme biologique rhumatologique ne fut découvert , ainsi que cela va être maintenant démontré.  

Recherche des rythmes biologiques

                  L’étude épidémiologique préalablement effectuée a analysé la relation causale entre la maladie et l’exposition au facteur de risque. On a déterminé une approximation du risque relatif estimé en fonction du niveau d’exposition chez les cas et les témoins. 

                   Mais, cette valeur du R.R.E, calculée avec un seuil de signification à 5% par le test du Chi², ne montre  que l’existence d’une association plus ou moins forte entre des variables de nature qualitative (exemple : le nombre de gastro-entérites en hiver ou en été). 

                  Pour la suite de l’étude, il a donc été nécessaire de transformer cette variable qualitative (nombre de cas) en quantitative (pourcentage de cas), afin d’obtenir un mode de description apportant le plus d’informations possibles, et de discuter d’autre part l’importance du R.R.E (100). On peut ainsi voir que le risque relatif estimé est malgré tout biaisé vers l’unité et que l’analyse des variances va nettement améliorer les résultats de l’enquête épidémiologique.       

                  Le rythme circannuel a été recherché pour les 7 catégories de pathologies. La méthode du cosinor a été employée, en utilisant les 7342 actes médicaux concernant le fichier de 1337 patients vus de juin 1987 à mai 1992. 

                  Les dates, mois et années, de chaque maladie ont été soigneusement enregistrées ainsi que le nombre de patients atteints. Les caractères étudiés, c’est à dire les maladies entrant dans les 7 classifications, sont distribuées selon une loi normale de type gauss pour chaque saison, surtout qu’il s’agit de grands échantillons. 

                  Il a fallu ensuite comparé les moyennes dans leur ensemble par une analyse des variances (le test global de F : rapport de la variance inter-colonnes sur la variance intra-colonne résiduelle), afin de répondre à la première question : les saisons sont-elles équivalentes  pour la chronopathologie étudiée ?  

                  Dans l’affirmative, il ne peut y avoir bien sûr de rythme biologique, même si l’enquête épidémiologique montre une probabilité plus forte d’avoir une chronopathologie à une saison donnée. 

                  Dans la négative, on procède alors à des comparaisons deux à deux, ce qui permet de discuter du degré de l’association décrite dans le chapitre épidémiologique. Il est donc possible d’objectiver un rythme biologique par la méthode du Cosinor.

                  On recherche la fonction sinusoïdale correspondant à la formule Y(t) = M + A Cos(wt + φ).( t est le temps; w est la fréquence angulaire = 2π/τ ).     

                  Y(t) est la valeur au temps t de la fonction définie par les paramètres du mésor M, de l’amplitude A, de la période et de l’acrophase φ. La période τ sera ici de 365 jours, soit 360° (rythme circannuel). L’acrophase sera exprimée en degrés. Ainsi janvier correspond à -360°, février : -30°, mars : -60°, avril : -90°, mai: -120°, juin :-150°…, décembre : -330°. 

                  Pour les cinq séries de valeurs : j=1, 2, …5 observées pendant les 5 années de l’étude, il faut considérer la somme des valeurs des fonctions Y (t) au temps t(j) égale à une fonction Y(j) = M + A Cos (wtj + φ). Dans le but de l’analyse statistique, on utilise une forme équivalente : 

            Y(j) = M + A cos φ * cos w tj – A sin φ * sin φ wtj

                   Et on substitue :

                  ß = A cos φ   ;   δ = -A sin φ

                  xj = cos wtj  ;  zj = sin wtj

                  D’ où, on arrive à l’équation :

                  Y(j) = M + ßxj + δzj   

                   Puis il est obligatoire de confirmer si un rythme est réellement détectable en validant l’hypothèse d’une amplitude A non nulle par une analyse de variance (test F) sur les valeurs de ß et δ . Si l’amplitude est égale à zéro, c’est à dire si ß=δ=0, il n’existe évidemment pas de rythme.

                   Dans le cas contraire, et toujours à partir de la méthode des moindres carrés, on peut obtenir les valeurs estimées de l’acrophase φ, l’amplitude A, le mésor M, avec leurs limites de confiance à 95%. Pour plus de détails sur les procédures mathématiques du Cosinor, se reporter à l’article référencé de Nelson (82).

                  1) maladies infectieuses

                   L’analyse des variances entre les quatre saisons montre :  F = 3,4438 ; p=0,022 . Les saisons diffèrent de manière statistiquement significative.

                   Le tableau suivant donne les valeurs de l’analyse des variances des saisons comparées deux par deux ainsi que celles de l’analyse des moyennes par le test t de Student avec 56 degrés de liberté. Il conclut sur une différence significative si le risque est inférieur à 5% entre les 2 saisons, la valeur de p donne le degré de signification aussi bien pour la valeur de F que celle du test t.

                  On constate donc que la différence objectivée entre les saisons hiver versus printemps ou été, est confirmée de manière statistiquement significative. Pas de différence par contre, versus automne ou entre les autres saisons.

               On peut chercher maintenant la fonction sinusoïdale qui s’approche le mieux de la série temporelle des valeurs expérimentales. L’acrophase pour une période estimée à 12 mois se situe en hiver alors que la bathyphase doit se situer au printemps ou en été.

               Malheureusement, pour une période de 365 jours, le rythme des maladies infectieuses n’a pas été détecté : l’amplitude A (différence des valeurs entre le moment du pic et celui du creux) ne diffère pas de zéro. Le test F montre : F = 2,1031 avec un p>5%, non significatif.

                    De ce fait, le modèle d’une fonction sinusoïdale est inappropriée. La fonction correspondra davantage à une droite car la variation de l’amplitude est nulle.                     

                  2) problèmes infectieux O.R.L.

                   L’analyse des variances entre les quatre saisons montre :  F = 3,310 ; p=0,0259 . Les saisons diffèrent de manière statistiquement significative.

              La différence existe uniquement en automne et hiver versus été. On démontre de manière statistiquement significative que l’automne est la saison la plus propice aux affections O.R.L (acrophase), et l’hiver dans une moindre mesure. La Médecine Traditionnelle Chinoise avait certifié qu’en cas d’atteinte des méridiens de la loge Métal, la pathologie O.R.L survenait essentiellement en automne. Nous avons ici une confirmation statistiquement significative à condition de la coupler à l’étude épidémiologique qui donne le sens de l’association.

                   La fonction sinusoïdale  est également cherchée par la méthode du Cosinor. L’acrophase pour une période estimée à 12 mois devrait se situer en automne et la bathyphase probablement en été.

                  Pour une période de 365 jours, le rythme des infections O.R.L n’a pas été détecté : l’hypothèse de l’amplitude nulle ne peut être rejetée. Le test F montre : F = 0,276 avec un p>5%, non significatif.

                    De ce fait, pas de rythme biologique suivant le modèle d’une fonction sinusoïdale. La fonction correspondra aussi à une droite car la variation de l’amplitude est nulle pour une période circannuelle.                  

                  3) problèmes infectieux pulmonaires

                 L’analyse des variances entre les quatre saisons montre :  F = 4,066 ; p=0,011 . Les saisons diffèrent de manière statistiquement significative.

               Comme pour les infections O.R.L, il y a une différence significative hiver et autommne versus été. Pas de différence significative entre les autres saisons. Au contraire des affections O.R.L, l’acrophase semble culminer ici plutôt en hiver qu’en automne. En couplant avec l’étude épidémiologique, on constate ainsi que le R.R.E est de 2,27 en hiver par rapport à l’été alors qu’il n’est que de 1,70 en automne. Confirmation encore des données de la Médecine Traditionnelle Chinoise.

              Ici aussi, le rythme circannuel déterminé par le modèle mathématique du cosinor est manquant : F = 2,3434 avec un p supérieur à 5%, non significatif.

                  4)  problèmes rhumatologiques

                   L’analyse des variances entre les quatre saisons montre :  F = 1,1996 ; p=0,318. Les saisons ne diffèrent pas de manière statistiquement significative en ce qui concerne la chronopathologie d’ordre rhumatologique. De ce fait, il est impossible d’une part de comparer les saisons entre elles, et d’autre part d’observer un rythme biologique circannuel.

                   L’étude épidémiologique avait pourtant mis en exergue une augmentation des algies rhumatologiques en été, qui semblait liée à l’humidité (voir chapitre précédent). En fait, cela se répartit globalement sur cinq années et ne se reproduit pas de façon cyclique. Par ailleurs, le risque estimé relatif est peu élevé (1,32), proche de l’unité, même si cette valeur est statistiquement significative (p=0,008).       

                  5)  troubles digestifs

                   L’analyse des variances entre les quatre saisons montre :  F = 3,707 ; p=0,016 . Les saisons diffèrent de manière statistiquement significative.

       Il y a confirmation des données épidémiologiques, avec une possible acrophase de la pathologie en été versus automne et printemps. A noter que le test de student montre une différence presque significative entre l’été et l’hiver : p=0,0502.

      A nouveau, le rythme circannuel n’est pas retrouvé : F = 0,139 , p non significatif.

                  6) syndromes psychiatriques

                  L’analyse des variances entre les quatre saisons montre :  F = 0,127 ; p = 0,5. Les saisons ne diffèrent pas de manière statistiquement significative en ce qui concerne la chronopathologie d’ordre psychiatrique. D’où on ne détecte pas de rythme biologique circannuel.

                  Mêmes réflexions à faire que pour la pathologie rhumatologique. Excès certes de syndromes psychiatriques en automne, mais excès global sur une longue période de 5 ans, non cyclique, et à relativiser compte tenu du risque relatif estimé tendant vers l’unité (R.R.E = 1,23).

                  7) Allergie

                   L’analyse des variances entre les quatre saisons montre :  F = 9,29 ; p=0,00013 . Les saisons diffèrent de manière statistiquement significative.

Confirmation des données épidémiologiques : accroissement de la pathologie allergique en été et au printemps versus les deux autres saisons. Pas de différence significative entre l’été et le printemps, automne – hiver, automne – printemps. On peut donc penser à une acrophase de l’allergie située au printemps-été, et, une bathyphase en début d’hiver.

La recherche d’un rythme circannuel est positive. L’hypothèse d’une amplitude A non nulle par l’analyse de variance sur les valeurs de ß et δ est validée : le test F est égal à 7,7411. Cette valeur est statistiquement significative, p = 0,00638.

                   En appliquant le modèle mathématique du Cosinor, nous obtenons les résultats suivants :

                   – Période circannuelle de 365 jours, soit 360°    

                   – Le Mésor M = 4,45 avec un intervalle de confiance à 95% compris entre 3,63 et 5,27 (soit +/- 0,825)

                   – L’Amplitude A = 0,379 avec un intervalle de confiance à 95% compris entre 0,190 et 0,569

                   – L’Acrophase à -120° avec un intervalle de confiance à 95% compris entre -88° et -152°, c’est à dire une acrophase le 1er mai (intervalle de confiance à 95% : du 30 mars au 3 juin).

 Les deux schémas suivants visualisent ces données.

 Distribution mensuelle de la pathologie allergique sur une période de 5 ans.

 Rythme circannuel de la pathologie allergique analysé par la méthode du Cosinor.

                 Bref, il y a donc une acrophase de l’allergie du printemps au tout début de l’été.                

                 En conclusion, si l’on démontre qu’il y a effectivement une probabilité de 2,27 fois plus forte d’avoir des infections  broncho-pulmonaires en hiver, on ne peut pourtant pas affirmer que cela se répète circannuellement, à la manière du rythme biologique des manifestations allergiques. Même chose pour toutes les autres pathologies. 

                  Par contre, rien ne prouve que la période soit différente. Au lieu d’un an, il peut s’agir d’une période de 60 ans, comme celle du cycle sexagésimal chinois.

                  Donc selon l’imbrication des troncs célestes et des branches terrestres, la pathologie se retrouvera tous les 60 ans (voir chapitre précédent).  Malheureusement, cela est difficile à confirmer sur une aussi longue période.

  Conclusion         

                   « On dit que dans la haute antiquité il y eut des «Immortels» qui maîtrisèrent la nature en maniant le Yin-Yang. Par la respiration ils affinaient leur souffle, se libéraient par la concentration d’esprit en stabilisant leurs chairs. Ils pouvaient alors vivre comme l’univers sans connaître le déclin car ils vivaient le Dao. Dans la moyenne antiquité il y eut des «Parfaits» qui accomplissaient le Dao par leur seule vertu. Ils se mettaient en harmonie avec le Yin-Yang et s’accomodaient aux saisons. Vivant hors du siècle ils réservaient leur essence au maintien de l’intégrité de leur esprit. Leur vue et leur ouïe atteignent partout, même au delà des huit frontières. Ainsi accroissaient-ils leur longévité, et, dans les meilleures conditions, à l’égal des Immortels. » (Su Wen : chapitre 1 « De la pureté naturelle dans la haute antiquité »)

                   Prolonger la longévité dans les meilleures conditions possibles est le rôle essentiel de tout médecin. Les Anciens, par leurs minutieuses observations des lois de la Nature, et malgré une conception de l’anatomie et de la physiologie humaine des plus rudimentaires, y avaient réussi dans une certaine mesure.

                   Les Troncs Célestes et les Branches Terrestres qui s’imbriquent, créant le cycle sexagésimal, doivent être utilisés pour la connaissance des pathologies rythmées par les saisons. L’épidémiologie occidentale a permis d’infirmer en grande partie cette vision holistique de l’Univers. Bien-sûr à l’échelle de l’Europe, on ne peut pas tout appliquer sans faire des ajustements.

                   Néanmoins, prévenir les maladies à la lumière des conceptions chinoises des rythmes n’est pas impossible. Il  suffit de connaître toutes les données concernant les prévisions météorologiques, ainsi que la chronopathologie des «Qi» en fonction des années du cycle sexagésimal, appliquer les lois citées, puis, piquer les points d’acupuncture nécessaires.

                    Evidemment, toutes ces notions sont complexes et difficiles à maîtriser. De ce fait, une prochaine publication proposera un logiciel informatique apte à contrôler toutes les données du traitement chronoacupunctural.

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