Le traitement des rides en acupuncture esthétique 

Comment ne pas avoir de rides à Pusan – Corée du Sud

Madame I.S., infirmière dans un centre hospitalier de la région parisienne, vient de « subir » trois séances d’acupuncture sur le visage pour traiter ses rides. Elle va en toute confiance chez ce médecin généraliste qui pratique l’acupuncture (séance de 30 mn sur deux patientes groupées dans des cabines pendant qu’une troisième consultation est réalisée en médecine générale).

«  Après des renseignements d’ordre administratif, mais aucun sur mes antécédents médicaux, la séance commence. Je me suis d’emblée étonnée de l’absence de passage d’un produit antiseptique sur ma peau avant la séance. Pas de commentaire particulier. Ce médecin m’a remis les aiguilles dans un tube à essai pour les rapporter à la séance suivante. Seconde séance : même technique avec encore plus d’aiguilles…une quarantaine environ !! (figure 1) Et une douleur qui m’a fait monter les larmes aux yeux. Les aiguilles sont déposées dans un plateau et « arrosées » d’alcool à 70° pendant une minute à peine…Je repars ensanglantée…

Je constate le lendemain l’apparition d’hématomes très importants sur le visage.

3e séance idem, où elle m’a semblée contrariée car je lui ai reformulé mon étonnement sur le manque de désinfection cutanée sans oser évoquer davantage le problème du manque d’hygiène.

J’ai néanmoins abordé le fait que les aiguilles pouvaient s’émousser à la longue, ce qui pouvait expliquer la douleur.  Le soir,  je me sens ridicule d’avoir toléré cela. J’ai deux énormes hématomes sur le visage (figure 2). Je suis scandalisée, mon entourage médical l’était tout autant et me conseille même de la dénoncer au Conseil de l’Ordre des Médecins. Il est vrai que de telles pratiques dans mon hôpital seraient tout de suite signalées ».

Figure 1. Près de 40 aiguilles.

Figure 2. Les deux hématomes sur la joue. 

Ce cas clinique très parlant objective des fautes à ne pas commettre et aborde la problématique de l’acupuncture esthétique.

L’hygiène au cabinet médical

Plusieurs problèmes sont évoqués : le consentement éclairé, la désinfection de la peau, les aiguilles.

Tout d’abord avant tout traitement, le praticien a l’obligation d’informer son patient des risques des actes médicaux et lui fournir tous les éléments qui lui permettent d’accepter ou de refuser les actes à visée thérapeutique [[1]] et encore plus quand il s’agit comme ici d’actes esthétiques. L’information orale est considérée comme primordiale. Il est aussi nécessaire de donner un formulaire de consentement sans bien sûr faire l’impasse sur son explication. Le défaut d’information est une faute ! La loi du 4 mars 2002, appelée encore loi Kouchner précise ainsi qu’« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment » [[2]].

Dans ce cas clinique, il semble que le simple interrogatoire médical ait été ignoré ; pas d’explications sur le traitement ; refus d’explication aussi sur les risques encourus.

L’interrogatoire est pourtant important, de façon à ce que le praticien n’ignore pas une maladie hémorragique, la prise d’anticoagulants ou d’antiagrégants plaquettaires, un diabète éventuel, une maladie des valves cardiaques, bref de façon à éviter tout risque infectieux pour les patients et les professionnels. Les treize recommandations de bonnes pratiques médicales que nous avions annoncées en 2008 [[3]] ont été acceptées et reprises entièrement par le Collège Français d’Acupuncture et de MTC, et surtout font partie intégrante des recommandations diffusées par la Haute Autorité de Santé (HAS) et diffusées à tous les médecins de France, qu’ils soient acupuncteurs ou pas [[4]]. De ce fait, il est inacceptable que ce praticien continue à utiliser des aiguilles « individuelles » qui ne sont pas à usage unique. L’on peut même s’interroger, du fait que les aiguilles semblent émoussées, si les aiguilles utilisées ne sont pas effectivement des aiguilles à usage unique réutilisées, ce qui va à l’encontre de toutes les recommandations. Je ne m’attarderai pas sur l’élimination de ces dispositifs piquants que ce praticien semble totalement ignorer ! 

Les effets secondaires

Les petits saignements et les hématomes peuvent se produire après acupuncture. On retrouve cela dans environ 3% des cas. Le risque est d’autant plus grand que l’on met beaucoup d’aiguilles. Cependant même si ces incidents sont souvent mineurs et toujours transitoires, il apparait qu’ils peuvent être source de désagréments importants pouvant nécessiter un arrêt de travail, surtout pour des personnes exerçant en contact avec le public. Le coût n’est pas négligeable pour la société. Encore un fois une simple information du patient avant tout acte médical paraît absolument nécessaire. 

Problématique de l’acupuncture esthétique

D’après une étude de 2005 [[5]], le comblement des rides représenterait de 30 à 50 % de l’activité esthétique des dermatologues français car le vieillissement semble être de moins en moins accepté dans notre société occidentale.

D’ailleurs en naviguant sur Internet, on peut voir fleurir ici et là des annonces spectaculaires vous annonçant comment faire un lifting sans passer par la chirurgie ou par les injections de produits de comblement (collagène, acide hyaluronique etc..). Les réactions indésirables des produits dégradables, généralement dues à des mécanismes immunologiques, de type œdème, granulomes, nodules, sont souvent transitoires mais peuvent parfois persister quelques semaines. Par contre, les produits non dégradables, comme les hydrogels acryliques, alkylimide ou dimethylsiloxane, peuvent entrainer des granulomes définitifs.

De fait, nombreux sont les patients qui se tournent vers l’acupuncture, réputée plus sûre.

Ces actes sont réalisés par des acupuncteurs qui prétendent utiliser des aiguilles en or (en fait souvent juste « plaquées or ») ou de simples aiguilles en acier inoxydable comme dans ce cas et qui font payer très cher des actes controversés d’un point de vue efficacité.

Pourquoi et sur quelles bases scientifiques reposent ces techniques ?

On sait que l’acupuncture agit par l’intermédiaire de la mécanotransduction au niveau du tissu conjonctif [[6],[7]]. Puncturer des ridules voire des rides pourrait entraîner théoriquement une réaction du tissu conjonctif avec stimulation des fibroblastes engendrant une synthèse du collagène et des fibres élastiques. La microcirculation serait également activée.

Cela provoque donc localement une vasodilatation avec une action trophique par augmentation du flux sanguin, et, également une action anti-inflammatoire et antalgique. L’acupuncture accélère par exemple de manière significative la régénération de la peau dans les brûlures de second degré par rapport au classique pansement hydrocolloïde chez la souris [[8]], mais aussi aide dans la cicatrisation de certaines plaies comme les escarres [[9]] ou les ulcères cutanés [[10]]. Par contre, l’efficacité sur une peau considérée saine n’est pas prouvée. En effet, les rides ne correspondent pas à une maladie au sens propre du terme. Il s’agit d’un processus physiologique plurifactoriel à la fois intrinsèque (ou chronologique génétiquement déterminé) et extrinsèque héliodermique, lié à l’action néfaste des rayons ultraviolets.

Pourtant, une étude d’acupuncture expérimentale parue en  2008 [[11]] montre que l’acupuncture anti-âge entraînerait une augmentation de la teneur en hydroxyproline et du collagène soluble… Mais ceci ne concerne que la peau du rat et non celle de l’homme. Est ce suffisant pour transposer ces résultats obtenus chez l’animal à une possible efficacité chez l’homme ?

Il est d’ailleurs bien malaisé de découvrir des études cliniques parues dans la littérature médicale scientifique internationale fournissant des preuves formelles.

Tout au plus, retrouve-t-on  l’étude de Schnitzler et Adrien paru en 1991 dans la revue française de gynéco obstétrique [[12]]. Elle objective que l’électroacupuncture (et non l’acupuncture) montre des améliorations consistantes dans environ 70% des cas après dix à quinze séances et maintenues par des séances de rappel périodiques. Mais cette étude subjective est bien imparfaite d’un point de vue méthodologique et il est difficile de s’y fier surtout en ce qui concerne l’acupuncture manuelle. De plus les méthodes scientifiques d’exploration et d’évaluation de la surface cutanée à partir de l’analyse de l’anisotropie et d’information en 3D qui permettent de quantifier une ride et d’évaluer les effets réels d’un traitement antirides sont assez récentes.

En conclusion, il apparait que le traitement antirides par acupuncture doit encore faire l’objet de recherche pour prouver sa réelle efficacité.

Nous sommes donc toujours en attente d’un essai contrôlé randomisé (ECR) en double aveugle et contre placebo. Le problème, c’est que l’on risque d’attendre longtemps, car, jusqu’à présent le méta-registre d’essais cliniques contrôlés (mRCT) ne comporte aucun ECR de grande puissance sur ce sujet [[13]].


Note : je remercie Madame I.S. d’avoir accepté de témoigner et d’avoir accepté la publication des photos.

Références

[1]. Rouxeville Y, Nguyen J. Information du patient et consentement éclairé en acupuncture. Acupuncture & Moxibustion. 2003;2(3):153-5.

[2]. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Available from :URL:http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=E2C6AF0F427389ECA418BB4307239596.tpdjo08v_3?cidTexte=JORFTEXT000000227015&idArticle=&dateTexte=20090604

[3]. Stéphan JM et Nguyen J. 13 recommandations des bonnes pratiques médicales. Acupuncture & Moxibustion. 2008;7(1):49-51.

[4]. HAS. Hygiène et prévention du risque infectieux en cabinet médical ou paramédical. France; Juin 2007. Available from : URL: http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_607182/hygiene-et-prevention-du-risque-infectieux-en-cabinet-medical-ou-paramedical.  

[5]. Crickx B. Derme et vieillissement. Avant-propos. Ann Dermatol Venereol. 2008 Jan;135(1 Pt 2):1S3-4.

[6]. Stéphan JM. Acupuncture, tissu conjonctif et mécanotransduction. Acupuncture & Moxibustion. 2006 ;5(4):362-367.

[7]. Fung PC. Probing the mystery of Chinese medicine meridian channels with special emphasis on the connective tissue interstitial fluid system, mechanotransduction, cells durotaxis and mast cell degranulation. Chin Med. 2009;4:10.

[8]. Lee JA, Jeong HJ, Park HJ, Jeon S, Hong SU. Acupuncture accelerates wound healing in burn-injured mice. Burns. 2011 Feb;37(1):117-25.

[9]. Mingam-Gourhant M. Aiguilles chinoises et cicatrisation. Méridiens. 1999;112:101-10.

[10]. Que HF, Wang YF, Xing J, Zhang Z, Xu JN. [Applying collateral disease theory to treat chronic dermal ulcer]. Zhong Xi Yi Jie He Xue Bao. 2008 Oct;6(10):995-9.

[11]. Lu Y. [Effects of « surrounding needling » on hydroxyproline content and ultrastructures in the dermis of aged rats]. Zhongguo Zhen Jiu. 2008 Jan;28(1):61-4.

[12] . Schnitzler L, Adrien A. [Cutaneous electric stimulation in aging. Electroacupuncture of wrinkles following the procedure of Ph. Simonin]. Rev Fr Gynecol Obstet. 1991 Jun;86(6):461-6.

[13]. metaRegister of Controlled Trials. www.controlled-trials.com/mrct/search.html (2012 february 9), date last accessed). 

Stéphan JM. Le traitement des rides en acupuncture esthétique. Acupuncture & Moxibustion. 2012;11(1):54-56.