Le deqi engendre une réponse spécifique au niveau des points d’acupuncture et du cerveau
Recherche du deqi au 36ES.
Interprété comme flux de « l’énergie vitale », le deqi est l’effet caractéristique lié à la manipulation de l’aiguille. Il se manifeste sous diverses sensations perçues par les patients (engourdissement, lourdeur, distension et douleurs, sensation de diffusion) ainsi que par les acupuncteurs (sensation de lourdeur et de rétention/serrement sous l’aiguille). Bien que le mécanisme thérapeutique sous-jacent reste à préciser, il est généralement admis que l’intensité du stimulus doit atteindre un seuil afin de susciter le deqi. Résultant de la manipulation de l’aiguille, le deqi est considéré comme la condition sine qua non de l’acupuncture pour l’obtention d’un effet thérapeutique clinique optimal selon la MTC.
Une équipe chinoise a réalisé une étude sur 30 volontaires adultes en bonne santé afin d’analyser les changements intrinsèques au sein de l’organisme à la suite de l’acupuncture avec le deqi. Des aiguilles jetables d’un diamètre de 0,22 mm et 40 mm de longueur ont été utilisées. L’aiguille a été insérée verticalement à une profondeur de 2-3 cm aux points 4GI et 36E du côté droit, chaque point étant utilisé dans deux séries indépendantes de mesures. L’aiguille a été maintenue en place pendant 2 min avant de la manipuler. Elle a été tournée environ 180° dans chaque direction, au rythme d’un cycle par seconde, ce qui correspond à la technique utilisée en pratique clinique. La sensibilité du participant à la manipulation de l’aiguille a été testée et ajustée à sa tolérance, visant à susciter la sensation du deqi sans causer de douleur insupportable. Dans le cas d’une forte sensation douloureuse, la position de l’aiguille doit être réajustée pour faire disparaître la douleur en quelques secondes.
Les résultats des mesures par Laser Doppler imagerie de perfusion (LDPI), par échographie et par électromyographie (EMG) ont montré une augmentation du débit sanguin, du déplacement des tissus ainsi que de l’amplitude myoélectrique aux points d’acupuncture après obtention du deqi. Par ailleurs à l’imagerie fonctionnelle (IRMf), le traitement par acupuncture avec recherche du deqi induit une augmentation/diminution du signal dans différentes régions du cerveau, malgré l’absence de changement significatif à l’électroencéphalogramme.
D’après cette étude, les variations intrinsèques observées chez les sujets sains permettent d’évaluer de façon quantitative la réponse spécifique aux points d’acupuncture et au niveau du cerveau humain lors de l’obtention du deqi. Ceci confirme la validité d’une modalité de traitement largement adoptée dans le monde entier.
Tian DS, Xiong J, Pan Q, Liu F, Wang L, Xu SB, Huang GY, Wang W. De Qi, a Threshold of the Stimulus Intensity, Elicits the Specific Response of Acupoints and Intrinsic Change of Human Brain to Acupuncture. Evid Based Complement Alternat Med. 2014:914878.
Fatigue, troubles du sommeil et anxio-dépression améliorés par l’électroacupuncture chez les patientes atteintes de cancer du sein souffrant d’arthralgies liées aux inhibiteurs de l’aromatase
Figure 1. Graphiques de (a-d) : moyennes des changements illustrés sur 4, 8 et 12 semaines (WK4,8,12) à partir de la ligne basale de la fatigue, de la dépression, du sommeil et de l’anxiété selon les différents groupes (EA, SA , WLC). Les échelles utilisées : BFI (brief fatigue inventory), PSQI (Pittsburg Sleep Quality Index), HADS (Hospital Anxiety and Depression).
La fatigue, les troubles du sommeil, la dépression et l’anxiété sont des facteurs de comorbidité chez les patientes atteintes de cancer du sein souffrant d’arthralgies en rapport avec le traitement par inhibiteurs des aromatases. Mao et coll ont mis en place un essai comparatif randomisé (ECR) afin d’évaluer l’efficacité de l’électroacupuncture (EA) dans l’amélioration de ces facteurs de comorbidité. Méthode. L’ECR à trois bras, réalisé pendant huit semaines à raison d’une à deux séances par semaine pour un total de dix séances a comparé un groupe d’EA versus un groupe témoin en liste d’attente (WLC) et un groupe placebo (SA) chez des femmes ménopausées atteintes d’un cancer du sein et présentant des algies articulaires attribuables aux inhibiteurs des aromatases. La fatigue, les troubles du sommeil, l’anxiété et le syndrome dépressif ont été évalués en utilisant l’échelle BFI (Brief Fatigue Inventory), l’index de qualité du sommeil de Pittsburgh (PSQI) et l’échelle d’anxiété et de dépression hospitalière (Hospital Anxiety and Depression Scale – HADS). L’EA a été appliquée après recherche du deqi à une fréquence de 2Hz pendant 30 minutes. Le groupe factice (sham) a bénéficié d’aiguilles placebo Streiberger. Résultats. Parmi les soixante-sept patientes randomisées, les interférences de la douleur initiale ont été associées à la fatigue (coefficient de corrélation de Pearson (r = 0,75 ; P <0,001), les troubles du sommeil (r = 0,38 ; P = 0,0026), et la dépression (r = 0,58 ; P <0,001). Par rapport au groupe en liste d’attente, l’EA produit des améliorations significatives dans la fatigue (P = 0,0095), l’anxiété (P = 0,044), et la dépression (P = 0,015) et une amélioration non significative de troubles du sommeil (P = 0,058) au cours des douze semaines d’intervention et période de suivi. En revanche, on n’observe aucune réduction significative de la fatigue ou des symptômes d’anxiété dans le groupe SA. Cependant, amélioration significative de la dépression par rapport au groupe WLC (P = 0,0088) (figure 1). Conclusions. Par rapport aux soins habituels, l’EA produit des améliorations significatives dans la fatigue, l’anxiété et la dépression tandis que l’acupuncture placebo n’améliore que la dépression chez les femmes souffrant d’arthralgies attribuables aux inhibiteurs de l’aromatase.
Mao JJ, Farrar JT, Bruner D, Zee J, Bowman M, Seluzicki C, DeMichele A, Xie SX. Electroacupuncture for fatigue, sleep, and psychological distress in breast cancer patients with aromatase inhibitor-related arthralgia : a randomized trial. Cancer. 2014 Dec 1 ;120(23):3744-51. doi : 10.1002/cncr.28917.
L’acupuncture présente un effet bénéfique sur le stress oxydatif
Les dérivés réactifs oxygénés (abréviation anglaise : ROS) et leur système de détoxification. SOD : superoxyde dismutase, GSH-peroxydase : glutathion peroxydase
Le stress oxydatif est défini comme un déséquilibre entre la production des dérivés réactifs de l’oxygène (DRO = ROS, Reactive Oxygen Species) et des dérivés réactifs de l’azote (DRA = RNS, Reactive nitrogen species) et celle du système antioxydant endogène. Le stress oxydatif constitue une forme d’agression des constituants de la cellule. Dans les conditions physiologiques, diverses voies oxydatives connexes contribuent à la production de ROS/RNS, tandis que plusieurs systèmes enzymatiques antioxydantes intra et extracellulaires agissent pour éliminer ROS/RNS. Lorsque les voies oxydatives sont débordées, ROS/RNS endommagent les structures cellulaires, à la suite du déséquilibre redox du compartiment biologique. Le stress oxydatif est un facteur d’inflammation et de mutagénèse. C’est un élément essentiel dans le processus pathologique de diverses maladies.
Récemment, un grand nombre de preuves a démontré que l’acupuncture présente un effet antioxydant. Afin de mieux comprendre le mécanisme, des auteurs chinois ont réalisé une revue de la littérature. La recherche a identifié 117 publications sur l’étude de l’acupuncture et la modulation redox. Parmi les 84 articles répondant aux critères, soixante-dix-neuf articles sont en anglais et cinq articles en chinois. Le mécanisme sous-jacent de l’effet antioxydant induit par acupuncture est discuté sur la base des études publiées dans les cinq dernières années. Les auteurs ont plus particulièrement mis l’accent sur l’effet antioxydant de l’acupuncture dans les pathologies suivantes : démence vasculaire, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, hypertension artérielle. L’analyse porte sur le système redox, le système antioxydant, le processus anti-inflammatoire, le système nerveux et les voies de signalisation. Bien que ces études sur les voies moléculaires et cellulaires de l’effet de l’acupuncture dans le stress oxydatif soient préliminaires, elles représentent une étape importante dans la recherche de l’effet antioxydant de l’acupuncture.
Zeng XH1, Li QQ2, Xu Q2, Li F2, Liu CZ2. Acupuncture mechanism and redox equilibrium. Evid Based Complement Alternat Med. 2014 ;2014:483294. doi : 10.1155/2014/483294. Epub 2014 Jul 7.
Acupuncture et conseils pour les douleurs en comorbidité de la dépression évitent leur passage en chronicité
Iconographie d’après un tableau de l’artiste haïtien Levoy Exil.
Chez environ 50 à 70% des personnes souffrant de dépression majeure, la douleur chronique est souvent présente. La fréquence de cette association augmente à mesure que la gravité de l’une ou l’autre des manifestations – douleur ou dépression – s’accentue, et leur impact mutuel joue un rôle important dans le développement et le passage à la chronicité des symptômes. Des options supplémentaires de traitement sont donc nécessaires dans la prise en charge de la dépression associée à la douleur. Une équipe de l’Université de York (Yorkshire – Royaume-Uni) a réalisé une étude pour recueillir l’expérience des patients atteints de dépression afin d’analyser les processus de changement à la suite du traitement additionnel par acupuncture ou par des conseils, ainsi que les facteurs ayant contribué au changement à long terme.
Un sous-groupe de cinquante-deux patients a été sélectionné à partir des sept-cent-cinquante-cinq participants d’un essai contrôlé randomisé (ECR) atteints de dépression avec ou sans douleur. Les participants de l’ECR ont bénéficié d’acupuncture ou de conseils en plus du traitement standard pour la dépression. Le sous-groupe (28 femmes et 24 hommes âgés de 22 à 89 ans) a accepté de passer des entretiens téléphoniques semi-structurés pour analyse thématique. Ils ont reçu en moyenne onze séances (4-12) d’acupuncture ou dix séances (6-12) de conseil assisté.
Les participants ont rapporté des effets spécifiques au traitement sur leur expérience de la dépression associée à la douleur par rapport à la dépression seule. Avec des symptômes physiques souvent liés à la fatigue et aux troubles du sommeil, les participants souffrant de dépression et de douleur avaient en général moins de ressources (internes et externes) disponibles pour gérer efficacement leur dépression par rapport à ceux souffrant uniquement de dépression.
Ceux qui avaient des symptômes physiques ont rapporté le bénéfice de l’acupuncture dans le cadre du traitement. Pour ceux qui recevaient des conseils, on mettait moins l’accent sur les symptômes physiques mais davantage sur l’aide pour acquérir une compréhension d’eux-mêmes et de leur situation.
Au cours du traitement, la plupart des participants des deux groupes ont déclaré avoir reçu un soutien pour faire face à la dépression et à la douleur, indépendamment du traitement, avec un accent sur les changements de mode de vie et de comportement pertinents. L’établissement d’une relation thérapeutique et leur engagement actif en tant que participants ont été identifiés comme des éléments importants du traitement. La relation thérapeutique et l’engagement actif des participants dans la récupération peuvent jouer des rôles distincts dans la conduite du changement à long terme. Les patients qui souffrent à la fois de dépression et de symptômes physiques pourraient trouver un bénéfice à un recours de brève durée à l’acupuncture pour soulager les symptômes avant de poursuivre éventuellement, en cas de besoin, une prise en charge sous forme de conseils.
Il est important d’identifier et de gérer les symptômes de douleur qui accompagnent souvent la dépression pour améliorer l’efficacité du traitement et le taux de rémission. D’après cette étude, les personnes souffrant de dépression apprécient une approche de soins individualisés et sont ouvertes à la valeur complémentaire des options de soins de santé telles que l’acupuncture et le conseil.
Hopton A, Eldred J, MacPherson H. Patients’ experiences of acupuncture and counselling for depression and comorbid pain : a qualitative study nested within a randomized controlled trial. BMJ Open. 2014 Jun 5 ;4(6) :e005144. doi : 10.1136/bmjopen-2014-005144