Pas de preuve convaincante que l’électroacupuncture soit bénéfique dans les acouphènes
L’acouphène subjectif est une sensation auditive spontanée interne non liée à un son généré par une vibration d’origine extérieure à l’organisme et inaudible par l’entourage. Le son perçu peut ressembler à un bourdonnement, un sifflement ou même à un tintement ressenti dans le crâne ou dans l’oreille, d’un seul côté ou des deux. La cause exacte des acouphènes subjectifs reste inconnue. La dégénérescence liée à l’âge semble la plus plausible. D’autres causes sont la maladie de Ménière, les traumatismes (acoustique ou chimique) et les maladies cardio-vasculaires. Les raisons de l’apparition de l’acouphène restent floues. Il est fréquent que les patients souffrant d’acouphènes soient très perturbés par le bruit persistant. Cela engendre une dégradation de leur qualité de vie et de travail surtout en cas d’acouphènes modérées et sévères. Pour les soulager, différentes méthodes de traitement ont été utilisées, comme la stimulation magnétique transcranienne répétitive, la thérapie par émission d’un bruit de masquage, la thérapie cognitive comportementale, les traitements pharmacologiques (antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères), etc. L’efficacité de la plupart de ces interventions reste à démontrer de façon concluante.
Selon la théorie de la Médecine Traditionnelle Chinoise et la différenciation des syndromes (bianzheng), la pathogenèse des acouphènes peut être classée en deux catégories : les syndromes en vide ou plénitude. Les syndromes en excès sont toujours causés par une attaque par un facteur pathogène exogène, une Stagnation de Sang, un Feu des Viscères ou l’accumulation de Glaires-Humidité. Les syndromes de carence sont étroitement liés à une insuffisance des Organes comme par exemple, un Vide de yin du Foie ou du yin des Reins.
Cette revue systématique a permis d’identifier cinq essais comparatifs randomisés (ECR) (n=322). L’évaluation de la qualité méthodologique de ces études montre un risque élevé de biais de sélection et de performance. De ce fait, en raison de la mauvaise qualité méthodologique et de la petite taille de la population étudiée, aucune preuve n’a été convaincante pour affirmer que l’EA puisse être bénéfique dans le traitement des acouphènes. Il est nécessaire de réaliser des ECR de haute qualité méthodologique et de plus grande puissance.
He M, Li X, Liu Y, Zhong J, Jiang L, Liu Y, Chen Q, Xie Y, Zhang Q. Electroacupuncture for Tinnitus: A Systematic Review. PLoS One. 2016;11(3).
Au premier jour postopératoire, l’acupuncture réduit les algies
Figure 1. Onze ECR ont été inclus dans cette méta-analyse, permettant d’évaluer au premier jour postopératoire la douleur entre les groupes d’acupuncture et techniques associées et les groupes de contrôle (témoin). Il existe une grande hétérogénéité entre ces 11 ECR (I2 = 98,63%, p <0,001) ; par conséquent, la différence moyenne standardisée à modèle aléatoire (SMD) a été utilisée. Globalement, les patients sous acupuncture et techniques associées ont eu une amélioration de leurs algies versus groupe témoin (SDM= -1,27 ; IC à 95% = -1,83 à -0,71, p= 0,0001). A noter que la stimulation électrique transcutanée sur les acupoints (TEAS) ou l’acupuncture manuelle par rapport au groupe témoin est plus efficace que l’électroacupuncture dans les algies postopératoires du premier jour.
Au premier jour postopératoire, les patients traités par acupuncture ou techniques associées (électroacupuncture -EA-, neurostimulation électrique sur les points d’acupuncture -TEAS-) souffraient moins et avaient utilisé moins d’antalgiques opioïdes que ceux traités par le traitement classique analgésique opioïde. Globalement, ces résultats sont statistiquement significatifs (p<0,001). La méta-analyse a porté sur onze ECR incluant 682 patients. Les auteurs ont montré que le soulagement antalgique était plus efficace avec traitement par acupuncture ou TEAS que l’électroacupuncture en traitement adjuvant lors du premier jour dans la gestion de la douleur postopératoire (figure 1). Dans la moindre utilisation d’analgésiques opioïdes, la TEAS est plus efficace que l’acupuncture ou l’électroacupuncture dans la diminution de prise d’antalgiques par rapport au groupe témoin (figure 2).
Figure 2. Évaluation au premier jour postopératoire de la dose cumulée d’analgésiques opioïdes entre les groupes d’acupuncture et techniques associées et les groupes de contrôle (témoin). Il existe une grande hétérogénéité entre ces 11 ECR (I2 = 86,64%, p <0,001) ; par conséquent, la différence moyenne standardisée à modèle aléatoire (SMD) a été utilisée. Globalement, les patients sous acupuncture et techniques associées ont eu moins recours à l’utilisation d’analgésiques opioïdes versus groupe témoin (SDM= -0,72 ; IC à 95% = -1,21 à -0,22, p= 0,005). A noter que la stimulation électrique transcutanée sur les acupoints (TEAS) par rapport au groupe témoin est plus efficace que l’acupuncture ou l’électroacupuncture dans la diminution de prise d’antalgiques.
D’autres études bien conçues d’un point de vue méthodologique sont nécessaires pour explorer davantage le rôle des méthodes d’acupuncture et techniques associées dans le traitement de la douleur postopératoire.
La thérapie par « acupuncture-mouvement » est efficace dans la lombalgie aiguë
Les étirements et les entorses des muscles de la région lombaire sont une cause fréquente de lombalgie. L’entorse lombaire (lumbago) se produit en cas de tension excessive appliquée à un muscle ou à un ligament de la région lombaire, pouvant causer une lésion des muscles, du fascia, des ligaments ou des facettes articulaires intervertébrales. Elle peut survenir à la suite d’un soulèvement ou un transport d’un poids trop lourd, une mauvaise posture, un faux mouvement ou une préparation insuffisante avant l’exercice.
Une équipe chinoise (Universités de Ninxia et de Fujian) a réalisé un essai contrôlé randomisé pour évaluer l’effet de la thérapie « acupuncture-mouvement » par rapport à l’acupuncture conventionnelle dans le traitement du lumbago.
Soixante patients (39 hommes, 21 femmes) âgés de 22 à 58 ans ont été inclus. Les critères d’inclusion ont été : âge compris entre 20 à 60 ans, lumbago datant de ≤ 3 jours, douleur modérée à sévère (scores EVA ≥ 4), absence de chirurgie rachidienne, absence de traitement par acupuncture pour lombalgie aiguë au cours du mois précédent, et aucun traitement depuis le début du lumbago. Ils ont été répartis de façon aléatoire dans quatre groupes : acupuncture-mouvement (AM), acupuncture simulée-mouvement (ASM), acupuncture classique (AC), et neurostimulation électrique transcutanée (TENS). Les patients du groupe AM sont traités par acupuncture au point yintang (EX-HN 3) et par exercice physique de la région lombaire pendant la séance d’acupuncture. Les patients du groupe ASM sont traités par acupuncture simulée au point yintang et exercice physique. Dans le groupe TENS, on applique la stimulation électrique transcutanée par des électrodes de 10×5 cm sur la zone douloureuse lombaire avec une fréquence moyenne (non donnée mais estimée à 50 Hz, 30mA d’intensité, 50µs de durée d’impulsion). La durée du traitement est de 20 mn. Tous les patients reçoivent le traitement en même temps. Ils ont été évalués avant et après traitement.
Le critère d’évaluation principal est l’intensité de la douleur, évaluée par l’échelle visuelle analogique (EVA). Le critère secondaire est la limitation du mouvement causée par le lumbago, évaluée par le questionnaire de Roland Morris (QRM) : 0-24 points, avec 24 indiquant la limitation la plus sévère. Les patients réalisent des auto-évaluations (EVA et QRM) immédiatement après et 24 h après le traitement,
Le programme d’exercices lombaires (flexion, étirement et rotation) est prescrit en fonction de l’état de chaque patient. Après insertion de l’aiguille au point yintang (EX-HN 3), le thérapeute demande au patient de se lever, en se tenant derrière lui pour soutenir avec les deux mains le bas de son dos. Il demande au patient d’effectuer des exercices d’amplitude croissante à une vitesse croissante dans les limites de son endurance. Lorsque le patient commence à sentir ses muscles lombaires se détendre suffisamment, il est encouragé à effectuer des mouvements de flexion, d’étirements et de rotation. Les exercices sont pratiqués pendant 20 minutes, jusqu’à la fin de la séance d’acupuncture.
Après traitement, les patients traités par AM ont rapporté des scores EVA et QRM significativement inférieurs à ceux relevés avant traitement. Immédiatement après et 24 h après le traitement, le score RMQ du groupe AM était inférieur à celui des autres groupes. Ces résultats indiquent que l’acupuncture-mouvement peut soulager immédiatement la douleur lombaire et a un bon effet analgésique à long terme.
Lin R, Zhu N, Liu J, Li X, Wang Y, Zhang J, Xi C. Acupuncture-movement therapy for acute lumbar sprain: a randomized controlled clinical trial. J Tradit Chin Med. 2016;36(1):19-25.
Rétention urinaire chronique suite à une lésion médullaire : efficacité de l’acupuncture comme traitement complémentaire
Figure 3. L’acupuncture en association avec le cathétérisme intermittent aseptique est plus bénéfique à la rétention urinaire à la suite d’une lésion médullaire que le cathétérisme intermittent aseptique seul (RR=1,23 ; IC95%1,10-1,38).
Une équipe chinoise a réalisé une revue de la littérature pour évaluer l’innocuité et l’efficacité de l’acupuncture dans le traitement de la rétention urinaire par suite d’une lésion médullaire.
La rétention urinaire est définie comme une vessie qui se vide de façon incomplète (volume résiduel post-mictionnel VRPM > 300 ml) ou ne se vide pas du tout (VRPM > 1 000 ml).
Dans cette revue, ont été exclues les études non randomisées, quasi-randomisées, rétrospectives, des rapports de cas, des séries de cas, ainsi que les revues de la littérature. Les essais utilisant différentes techniques d’acupuncture traditionnelle chinoise (acupuncture manuelle, électroacupuncture, auriculoacupuncture) ont été retenus. Les ECR impliquant l’acupuncture combinée à une autre thérapie ont également été inclus si cet autre traitement était le même dans les deux groupes (expérimental et contrôle). Les essais comparant différents types d’acupuncture et différents points d’acupuncture ont été exclus.
Seuls trois ECR, incluant 334 patients ont été retenus. L’électroacupuncture a été appliquée dans deux essais. L’acupuncture manuelle (basée sur le diagnostic de la maladie et non sur la différenciation du syndrome) a été utilisée dans un essai. Tous les patients ont reçu un traitement d’acupuncture une fois par jour, et chaque traitement a duré 20 ou 30 minutes. La durée du traitement varie de deux semaines (électroacupuncture) à huit semaines (acupuncture manuelle).
Les points zhongji (3VC), qihai (6VC) et guanyuan (4VC) ont été les points les plus fréquemment utilisés, avec une incidence de 100% pour les trois ECR. Puis viennent les points pangguangshu (28V), shenshu (23V), qugu (2VC), yinlingquan (9Rte) et sanyinjiao (6Rte), avec une incidence de 66,7%. Les autres points mentionnés dans les ECR ont été yaoyangguan (3VG), mingmen (4VG), ciliao (32V), shangliao (31V), zhongliao (33V) et xialiao (34V). Le deqi a été obtenu pour tous les points.
Un essai a comparé l’acupuncture à l’acupuncture associée à une rééducation vésicale, sphinctérienne et mictionnelle. Deux essais ont comparé le cathétérisme intermittent aseptique à l’acupuncture associée au cathétérisme intermittent aseptique. Dans ces trois essais, certaines mesures supplémentaires ont été appliquées à la fois dans les deux groupes expérimentaux et contrôles, comportant des médicaments neurotrophiques, la régulation de l’équilibre hydro-électrolytique et acido-basique.
La méta-analyse a montré que l’acupuncture associée à la rééducation donne de meilleurs résultats que la réadaptation isolée dans la diminution du VRPM (figure 3). De même, l’acupuncture combinée au cathétérisme intermittent aseptique donne de meilleurs résultats que le cathétérisme intermittent aseptique seul. Aucun événement indésirable grave n’a été signalé.
En conclusion, l’acupuncture utilisée comme thérapie complémentaire peut avoir un effet potentialisateur dans le traitement de la rétention urinaire par suite d’une lésion médullaire.
Toutefois, en raison de l’absence d’ECR de haute qualité, des ECR bien conçus sont nécessaires pour fournir des preuves solides.
Wang J, Zhai Y, Wu J, Zhao S, Zhou J, Liu Z. Acupuncture for Chronic Urinary Retention due to Spinal Cord Injury: A Systematic Review. Evid Based Complement Alternat Med. 2016;2016:9245186. doi: 10.1155/2016/9245186.