Résumé : Encore inconnue il y a 30 ans, la boulimie ne cesse d’étendre ses ravages. Elle touche environ 3% des femmes jeunes et est 4 fois plus fréquente que l’anorexie mentale. La boulimie consiste en un besoin impulsif et violent de manger, qui peut être indépendant de toute faim véritable et que la satiété ne calme pas. Après l’absorption rapide et sans plaisir d’une quantité parfois énorme de nourriture, les boulimiques tentent de l’éliminer en vomissant, en prenant des diurétiques voire des laxatifs, le plus souvent en cachette, dans la honte et la culpabilité. En Médecine Traditionnelle Chinoise, la boulimie trouve son origine dans la perturbation de la loge Terre, mais surtout dans l’atteinte des entités viscérales, en particulier celle du Cœur : le Shen. Le traitement va donc consister à rééquilibrer le couple Rate-Pancréas, Estomac ainsi qu’à régulariser l’intrication des troubles des âmes viscérales : Shen, Zhi, Po, Yi et Hun.Une explication de la boulimie selon la nosologie chinoise permet de choisir les points suivants : E 36 (Zusanli), RP 6 (Sanyinjiao), E 40 (Fenglong), RP 3 (Taibai), RP 2 (Dadu), VG 20 (Baihui), MC 6 (Neijuan), C 7 (Shenmen), E 45 (Lidui), P 1 (Zhongfu), V 42 (Pohu), VC 17 (Shanzhong), VC 14 (Jujue), V 44 (Shentang), F 13 (Zhangmen), V 49 (Yishe), F 14 (Qimen), V 47 (Hunmen), VB 25 (Jingmen) et V 52 (Zhishi) utilisés tous ou en partie, en fonction de la détermination de l’organe atteint.
Mots clés : Acupuncture, boulimie, âmes viscérales, Shen, Hun, Po, Yi, Zhi, points assentiments psychiques Shen, points Hérauts Mu, psychiatrie.
Summary: Still unknown 30 years ago, the bulimia does not cease extending its devastations. It touches approximately 3% of the young women and is 4 times more frequent than the anorexia nervosa. The bulimia consists of an impulsive need and violent one to eat, who can be independent of any true hunger and whom satiety does not calm. After fast absorption and without pleasure of a sometimes-enormous quantity of food, the compulsive eaters try to eliminate it while vomitting, by taking diuretic even laxatives, in hiding-place, in shame and the culpability. In Chinese Traditional Medicine, the bulimia finds its origin in the disturbance of the loggia Ground, but especially in the attack of the visceral entities, that of the Heart: Shen. The processing thus will consist in rebalancing the couple Speen-Pancreas, Stomach as well as regularizing the intrication of the disorders of the visceral souls: Shen, Zhi, Po, Yi and Hun. An explanation of the bulimia according to the Chinese nosology makes it possible to choose the following points: ST 36 (Zusanli), SP 6 (Sanyinjiao), ST 40 (Fenglong), SP 3 (Taibai), SP 2 (Dadu), GV 20 (Baihui), HC 6 (Neijuan), H 7 (Shenmen), ST 45 (Lidui), L 1 (Zhongfu), BL 42 (Pohu), CV 17 (Shanzhong), CV 14 (Jujue), BL 44 (Shentang), LIV 13 (Zhangmen), BL 49 (Yishe), LIV 14 (Qimen), BL 47 (Hunmen), GB 25 (Jingmen) and BL 52 (Zhishi) used all or partly, according to the determination of the organ reached.
Est-il possible de traiter par l’acupuncture une personne souffrant de boulimie ? Et comment la soigner ? Alors que la boulimie n’est individualisée en tant que syndrome psychiatrique que depuis 1979, comment la considérer selon la nosologie traditionnelle chinoise ? Après un rappel de la boulimie selon les critères diagnostiques occidentaux, ce travail permettra de faire un corollaire avec la médecine chinoise et de donner des éléments de réponse.
Key words: Acupuncture, bulimia, visceral souls, Shen, Hun, Po, Yi, Zhi, psychic approvals points, Mu points, psychiatry
La boulimie selon la nosologie occidentale
Ce syndrome se caractérise par des épisodes de prises alimentaires brutales, véritables passages à l’acte durant lesquels la jeune fille ingère de grandes quantités d’aliments à forte densité calorique, ces mêmes aliments qu’elle cherche habituellement à éliminer de son alimentation, et cela en très peu de temps.
Sa prévalence est de 3 à 12 % dans la population des femmes âgées de 16 à 25 ans, selon les critères diagnostiques de la DSM IV. Dans 10 à 20 % des cas traités, il s’agit d’un sujet de sexe masculin. Le début des symptômes se situe entre 16 et 21 ans. Mais ils sont longtemps dissimulés à l’entourage et la première consultation n’a lieu que quelques années plus tard, en moyenne entre 22 et 24 ans (1).
Accès boulimique
- Description clinique
Un moment d’ennui, un conflit familial, une angoisse, l’éminence d’une décision ou d’un examen, une irritabilité et toute situation générant des tensions sont propices à la survenue d’un accès, le plus souvent en fin de journée, à la place ou à la suite d’un repas, parfois la nuit, surtout si la patiente est seule chez elle. Ce besoin impérieux de manger n’est pas toujours lié à une sensation de faim, même si celle-ci peut en être parfois le déclencheur.
Il faut alors trouver de la nourriture immédiatement accessible car l’accès surgit impulsivement après une courte lutte que la patiente sait perdue d’avance. Elle s’y est d’ailleurs préparée en achetant, ou en volant au préalable de la nourriture choisie parmi celle dont elle se prive habituellement en raison de sa richesse calorique : chocolat, pâtisserie, charcuterie, fromage, etc. Il peut même s’agir d’aliments froids, voire congelés, mangés tel que, non réchauffés.
Elle engloutit très vite, et non sans une certaine volupté une quantité énorme d’aliments, 3500 calories en moyenne et parfois jusqu’à 15000 calories, ne tenant compte ni de leur goût, ni de leur odeur, ni de leur saveur, sans même les mâcher, à la hâte. Elle ne peut s’arrêter tant qu’il reste des aliments à consommer, tant que la réplétion gastrique reste possible et que personne ne la dérange.
La fin de l’accès se manifeste par un malaise physique et psychique avec des douleurs abdominales, une sensation d’épuisement et d’étouffement, un état de torpeur, un vécu de dépersonnalisation. La patiente est en même temps assaillie par des sentiments de honte, de culpabilité, de remords et des auto-reproches. Mais cette souffrance intense est passagère et très vite les accès boulimiques reprennent.
Ils surviennent habituellement 1 à 2 fois par semaine, parfois plus, jusqu’à une quinzaine par jour. Ces accès surviennent par périodes de plusieurs mois ou semaines avec des intervalles libres de durée variable.
- Signes associés et stratégies de maintien du poids
La peur intense de grossir conduit ces patientes à avoir recours à de nombreuses manœuvres pour maintenir un poids acceptable. Leur efficacité explique et facilite sans doute la pérennisation de ces conduites boulimiques. Ainsi, les vomissements provoqués immédiatement après l’accès, surviennent à la longue spontanément. Bien souvent ils entraînent une reprise de l’accès boulimique si de la nourriture est encore disponible.
Ces patientes s’imposent, entre les accès, des règles diététiques sévères, parfois un véritable jeûne, en s’interdisant précisément les aliments absorbés lors des accès. Ces périodes de restriction alimentaire, de durée variable, contribuent à des fluctuations pondérales souvent importantes.
Ces femmes ont recours aussi à des médicaments anorexigènes (lorsque la prescription médicale était libre), des laxatifs ou des diurétiques. Elles s’exposent ainsi à des risques de déséquilibre métabolique dont elles nient la réalité et la gravité.
Elles ont une hyperactivité physique : les intenses efforts physiques, la gymnastique, le jogging, la natation à outrance etc., surtout lors des périodes de restriction alimentaire, ont pour but avoué d’éliminer des calories supplémentaires.
L’image de leur corps les préoccupe énormément et c’est pourquoi elles passent beaucoup de temps à se peser, et à remonter sur la balance, à vérifier à nouveau. Mais on ne retrouve pas là, la distorsion massive de la perception de l’image du corps telle qu’elle apparaît dans l’anorexie mentale.
Et malgré tout cela, le poids est le plus souvent normal, critère exigé dans la définition de la boulimie ou quelque fois un peu au-dessous des normes.
Complications somatiques
Rares, elles concernent surtout les patientes qui vomissent et peuvent être une circonstance de découverte de la boulimie que l’on s’efforce de dissimuler. Ainsi, on peut observer au niveau du tractus digestif :
– une hypertrophie bilatérale des glandes salivaires qui concernent les parotides et les sous-maxillaires,
– une stomatite avec ulcération douloureuse du pharynx et de la cavité buccale,
– une érosion de l’émail dentaire avec des caries, des gingivites,
– des lésions œsophagiennes avec reflux gastro-oesophagien et syndrome de Mallory-Weiss,
– une gastrite avec hématémèse,
– exceptionnellement, une dilatation aiguë de l’estomac caractérisée par des douleurs abdominales, des nausées, un ballonnement, un météorisme et un arrêt du transit. Mais cette dilatation peut être grave et évoluer vers la rupture gastrique si le gavage est important et réalisé en un temps très bref.
On observe aussi des troubles métaboliques et hydroélectrolytiques : hypokaliémie, déshydratation extracellulaire, alcalose métabolique sont les complications prévisibles et habituelles des prises de laxatifs, de diurétiques ou des vomissements.
Les troubles du cycle menstruel à type de dysménorrhée, d’aménorrhée ou de méno-métrorragies, témoin d’une dysrégulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien, sous l’influence des troubles psychiques, sont retrouvés dans 30% des cas.
Formes cliniques de la boulimie
- Selon le type (DSM IV)
A côté de la boulimie avec vomissements provoqués ou prises de purgatifs par l’emploi abusif de laxatifs, de diurétiques ou de lavements, il existe aussi une boulimie sans vomissements ni prise de purgatifs qui se caractérise par d’autres comportements compensatoires inappropriés tels que le jeûne ou les exercices physiques excessifs et ceci pendant la crise boulimique.
- Formes associées
Très hétérogènes, elles montrent que les comportements boulimiques sont ancrés dans des pathologies psychopathologiques variées, » état limite » de type névrotique ou schizoïde.
La boulimie » véritable toxicomanie sans drogue » est souvent associée à d’autres conduites d’addiction :
– une automédication avec des psychotropes (psychostimulants, tranquillisants ou hypnotiques), risquant d’induire une pharmacodépendance ;
– l’alcoolisme, soit sous forme chronique, soit sous celle d’ivresse aiguë ;
– des pratiques délinquantes tels que les vols d’argent, de nourriture qui, comme l’accès boulimique, ont bien les mêmes caractères d’impulsivité et de compulsion.
Des troubles psychopathologiques peuvent être associés :
– l’anxiété peut être diffuse et permanente ou apparaître sous forme de crises aiguë d’angoisse, comme l’agoraphobie. Mais ces manifestations hétérogènes tendent à se focaliser peu à peu sur le poids et l’alimentation ;
– un fond dépressif est souvent observé, bien au-delà de l’accès boulimique. Ce syndrome dépressif doit être distingué des moments dépressifs brefs qui font suite à l’accès boulimique et avivent des sentiments de honte et de culpabilité.
La stratégie de restriction alimentaire protège la plupart des patientes boulimiques. Parfois, cela ne suffit plus et cela conduit alors à une obésité durable. Mais la boulimie peut apparaître aussi chez des sujets obèses, lorsque ceux-ci s’engagent dans un régime de restriction alimentaire.
Évolution
On ne connaît pas bien l’évolution de la boulimie en raison de l’individualisation récente de ce syndrome par Russel en 1979. On sait que c’est plutôt imprévisible. Toutefois on peut observer que le syndrome boulimique peut disparaître spontanément à l’occasion d’un événement ou d’un changement existentiel important. Mais cette éventualité est de moins en moins probable au fur et à mesure que le syndrome devient chronique et entre dans une composante centrale du fonctionnement psychique. À la longue, il contribue à un appauvrissement des échanges sociaux et des investissements.
Si l’épisode boulimique survient dans le cours évolutif d’une anorexie mentale comme c’est souvent le cas, il n’est pas pour autant un facteur de gravité du pronostic. Le syndrome boulimique marque plutôt un tournant évolutif et peut être considéré comme le signe d’un remaniement des défenses face aux pulsions. Il a même à ce titre une valeur positive si, au cours du traitement, il permet à la patiente de prendre conscience de sa vie pulsionnelle jusque-là niée et réprimée, et par la voie de la » libre association » d’accéder à ses conflits inconscients. La survenue de l’épisode boulimique n’impose pas de modification du cadre thérapeutique préalablement mis en place.
L’évolution de la boulimie semble néanmoins sévère comme l’indique la fréquence des tentatives de suicide qui serait plus importante que dans l’anorexie mentale.
Facteurs étiopathogéniques
Les études épidémiologiques ont montré, comme pour l’anorexie mentale, que les facteurs socioculturels jouaient un rôle certain. En effet, notre société valorise actuellement la maîtrise du corps et la compétition de tous les instants.
Aucune recherche n’a encore fait la preuve de l’existence d’un dysfonctionnement neurophysiologique. Plusieurs systèmes de neuromédiateurs sont impliqués dans les troubles des conduites alimentaires : la voie sérotoninergique, et la voie dopaminergique. L’hypothèse hyposérotoninergique est avancée dans la boulimie. Cependant la voie sérotoninergique, voie dite du plaisir concernerait davantage les troubles des conduites alimentaires, surtout l’anorexie.
Les facteurs psychopathologiques semblent déterminants comme pour les conduites addictives, qu’ils soient individuels ou familiaux. Ainsi deux grandes conceptions psychodynamiques se complètent dans les facteurs individuels. La première est centrée sur le conflit pulsionnel au sein du sujet avec l’évitement de la sexualité génitale qui s’accompagne d’un déplacement des représentations génitales sur la sphère orale, les conduites alimentaires se trouvant érotisées. La deuxième hypothèse est centrée sur les failles narcissiques de la personnalité et la fragilité identitaire. La compréhension doit s’axer sur les conduites adoptées en réponse à un traumatisme pubertaire.
Les facteurs psychopathologiques familiaux qui agissent en interaction avec les facteurs individuels dans la genèse des troubles ont pour origine une organisation de la personnalité du futur boulimique pendant la petite enfance, qui est fonction de celles des parents. Ainsi, les mères sont dominantes dans le couple alors que les pères sont décrits comme effacés. Le fonctionnement familial est marqué par un repli face au monde extérieur et l’évitement des conflits internes. L’impulsivité caractérise les familles des boulimiques.
Critères diagnostiques de la boulimie (DSM IV 1994)
Les principaux critères diagnostiques de boulimie sont :
-Survenue récurrente de crises de boulimie, c’est à dire :
– absorption en une période de temps limité (par exemple moins de 2 heures) d’une quantité de nourriture largement supérieure à celle que la plupart des personnes absorberait en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances. Ceci doit s’accompagner d’un sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (par exemple sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange ou la quantité que l’on mange).
– Il existe des comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids, tels que vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements ou autres médicaments, jeûne, exercices physiques excessifs (jogging, gymnastique).
– les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriés surviennent, en moyenne, au moins 2 fois par semaine pendant 3 mois.
– L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle.
– le trouble ne survient pas exclusivement pendant des épisodes d’anorexie mentale.
Approche thérapeutique de la boulimie
Elle est difficile en raison de l’ambivalence de ces patientes. Diverses méthodes non exclusives les unes des autres peuvent être envisagées, tenant compte surtout du niveau de la demande d’aide de la patiente.
- Méthodes thérapeutiques centrées sur le symptôme :
– les thérapies cognitivo-comportementales reposent sur une analyse des représentations conscientes qui déclenchent l’impulsion boulimique et qui convainquent la patiente de son incapacité d’en changer le cours. Le praticien travaillera sur les informations nutritionnelles, les stratégies de contrôle de poids avec auto-observation à l’aide d’un carnet alimentaire, et les techniques de déconditionnement et d’exposition aux aliments ;
– les thérapies de groupe réunissent des patients boulimiques afin de rompre leur isolement et de favoriser leur engagement dans leur traitement. Pourront y être associées les thérapies corporelles utilisant la relaxation, les massages ou bains ;
– les traitements antidépresseurs sont utiles dans les phases dépressives. Mais ils doivent être prescrits avec prudence pour éviter les risques d’absorption massive lors des accès boulimiques. Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont les plus intéressants mais sans efficacité directe sur les troubles des conduites alimentaires. De plus, l’échappement au traitement s’observe après quelques mois. Récemment, une équipe de l’université du Minnesota a montré une amélioration significative de 29 boulimiques chroniques sévères par l’administration d’ondansétron, une molécule antagoniste active périphérique des récepteurs 5-HT3 à la sérotonine, molécule utilisée sur les vomissements induits par la pratique de radio ou chimiothérapie (2).
– l’hospitalisation est rarement indiquée sinon lors d’une dépression sévère, lors d’un problème métabolique ou d’une complication somatique mais aussi pour préparer l’engagement du patient dans un traitement ambulatoire.
- Méthodes thérapeutiques centrées sur la personnalité :
Ce sont essentiellement les psychothérapies d’inspiration psychanalytique. Mais elles n’ont de sens que si la patiente est devenue consciente qu’un arrière-plan psychique gouverne ses comportements, qu’elle en souffre et qu’elle soit déterminée à les élaborer. La psychothérapie sera de soutien.
- Méthodes thérapeutiques centrées sur l’entourage familial :
La dépendance de ces patientes à leur entourage justifie bien souvent une approche familiale complémentaire. Donc on essaiera de soutenir le processus de séparation-individualisation.
Indications : chaque traitement suit une progression particulière. Plus que le traitement lui-même, c’est son adhésion qui importe et la détermination de la patiente à changer, c’est-à-dire à se séparer d’un symptôme très investi.
la boulimie selon la nosologie traditionnelle chinoise
« L’empereur Hoang Ti :
» Pourquoi parfois a-t-on faim, tout en n’ayant pas beaucoup d’appétit ? «
Khi Pa :
« C’est parce que, dans ce cas, l’énergie est concentrée dans la rate, il ne reste dans l’estomac que l’énergie chaude (yang) ; celle-ci digère très vite la nourriture, c’est pourquoi on a une sensation de faim, mais le manque d’énergie donne cette perte d’appétit. » (Ling Shu : Chapitre LXXX : concentration de l’Énergie de Méridiens dans les yeux) (3)
Selon les textes anciens de Médecine traditionnelle chinoise, la boulimie, du moins ce que les textes appellent excès d’appétit et de nourriture, trouve son origine dans une perturbation du couple Rate-Pancréas, Estomac.
Vide du Yin de Rate-Pancréas
Le Su Wen précise que les excès alimentaires sont le symptôme de vide de Yin de Rate-Pancréas (Zu Tai Yin).
« Le Tai Yin et le Yang Ming qui sont en relation Dehors – doublure (Biao-Li) sont les vaisseaux de la Rate et de l’Estomac … Le Yin émane de la Terre… Le Yin pâtit de l’intempérance alimentaire… » (Su Wen : Chapitre 29 : Du Tai Yin et de Yang Ming) (4)
Albert Husson dans son introduction à l’étude du Nei Jing Su Wencomplète par :
« Les excès alimentaires ou sexuels, les fatigues sont à l’origine d’insuffisance de Qi « correct » (Zheng) en certaines parties du corps qui subissent une sorte de dépression, de flaccidité, de « vide » (Xu) constituant un appel pour les « perversions » (Xie) venant de l’extérieur » (4)
Il s’appuie sur le chapitre 53 du Su Wen : « … une suralimentation avec un manque de Qi est un « retrait de sang » (Tuo Xué), de l’humidité s’est installée dans le bas du corps… »
Donc quand la rate est malade, il y a une tendance aux fringales, à la boulimie.
« Rate malade : corps pesant, tendance aux fringales avec flétrissement des chairs… » (Su Wen : Chapitre 22 : Des horaires suivis par les souffles viscéraux.)
Plénitude de Yang d’Estomac ou chaleur d’Estomac
En surcroît de la rate-pancréas, l’estomac sera perturbé aussi.
Dans le chapitre X du Ling Shou « du trajet des méridiens » : « Le méridien de Tsou Yang Ming (Estomac) : … quand il y a plénitude, la partie antérieure du corps donne la sensation de chaleur. Le malade a toujours faim ; la couleur des urines est jaune foncé… »
Donc en cas de plénitude d’Estomac ou de Chaleur d’Estomac, il existe une hyperphagie.
Bossy et collaborateurs décrivent dans la sémiologie en acupuncture pour les symptômes de plénitude des entrailles de l’Estomac : « faim » et dans les symptômes de chaleur : « le malade a faim mais vomit dès qu’il mange. » (5)
Plénitude de Yang de Rate-Pancréas
En revanche, Bossy va décrire pour les symptômes de l’organe Rate en plénitude : « le malade a souvent faim », ce qui est contradictoire avec ce que relate le Su Wen qui conclut que la boulimie est liée à un vide et non pas à une plénitude de Yin ou de Qi de Rate-Pancréas.
Dans ce cas, il faut considérer qu’il y a plénitude de Yang de Rate et que cela traduit en fait un vide de Yin de Rate. Cette distinction entre plénitude de Yang et vide de Yin est expliquée par Qi Bo dans le chapitre 43 du Su Wen : « Des Bi« .
« Il y a froid si le Yang manque et le Yin abonde… Il y a chaleur si le Yang abonde et le Yin manque, le froid de la maladie est vaincu dans la rencontre entre le Yin et le Yang. »
En effet chaque organe revêt un aspect fonctionnel Yin (racine Yin dont la fonction est de concentrer, élaborer) et Yang (racine Yang qui distribue et fait circuler l’énergie, le sang).
Donc la boulimie aura pour origine une cause interne : un vide de Yin de Rate-Pancréas ou son corollaire une plénitude de Yang de Rate-Pancréas, une plénitude ou une chaleur d’Estomac qui ont eux-mêmes pour étiologie les excès alimentaires. Et, il y a auto-entretien de la maladie.
Mais en fait, la boulimie n’a pas pour seule origine l’atteinte de la loge Terre. Il faut considérer la boulimie comme une maladie psychiatrique, véritable toxicomanie sans drogue, comme nous l’avons vu plus haut. Et à ce titre, en médecine traditionnelle chinoise, il faut fait faire intervenir les entités viscérales, et en particulier dans la boulimie, l’âme viscérale du Cœur.
Les entités viscérales : les Shen
Dans les causes des maladies, la Médecine Traditionnelle Chinoise distingue deux causes principales : les causes externes et les causes internes.
Par cause externe, on entend les énergies perverses (Xie), vent, froid, humidité, sécheresse, chaleur qui agressent l’organisme, mais aussi tous les traumatismes physiques.
A noter que le Su Wen spécifie que si l’homme subit les attaques du Xie, c’est parce que son énergie essentielle est déjà affaiblie.
« Les trésors des cinq viscères : le cœur abrite le Shen (esprit défini comme la perfection du Qi essentiel), le poumon abrite le Po (âme végétative, suppléant du Qi essentiel), le foie abrite le Hun (âme spirituelle, conseiller du Shen) … » (Su wen)
De ce fait les causes internes opèrent sur l’homme. Il s’agit des perturbations psychiques, c’est à dire les Shen ou Zang ou entités viscérales, âmes végétatives ou même âmes viscérales selon les auteurs : colère (Hun), joie (Shen), soucis (Yi), tristesse (Po), peur (Zhi), et les causes alimentaires que nous venons de voir.
Sachons cependant que les maladies d’origine alimentaire peuvent elles-mêmes être classées dans les maladies de cause interne si elles sont le résultat d’un déséquilibre chronique, lié aux désirs et aversions alimentaires, et les maladies de cause externe si elles proviennent d’une intoxication aiguë. (5)
Le Yi
Donc autre étiologie importante de la boulimie : les Shen.
Tout d’abord le Yi, Shen de la Rate-Pancréas, peut être perturbé : « La rate est blessée par les soucis que réprime la colère » (Su Wen chapitre 5 : Des phénomènes correspondant au Yin-Yang)
« Avant de commencer à puncturer, il faut bien connaître le rôle du mental. La vie est engendrée par la réunion de l’énergie de la terre avec celle du ciel. Cette essence est composée de deux éléments, dont l’un provient du cosmos (l’air), tandis que l’autre provient des aliments (c’est à dire de la terre) … L’angoisse agit sur la rate… (Ling Shou : chapitre VIII : rôle du mental).
Ainsi le stress, les soucis, le surmenage vont décompenser le mouvement de la Terre (Rate-Pancréas – Estomac) entraînant un vide de Yin de Rate-Pancréas et un feu d’Estomac ou une plénitude de Yang de Rate-pancréas. Cet excès de Yang va tarir le Yin de Rate-Pancréas. Le sujet ne trouve pas le repos ; il est préoccupé, soucieux, témoignage d’un trouble du Yi et d’un épuisement du Sang (Xue). L’insuffisance du Yi se caractérise par un psychisme inconsistant avec une incapacité à la concentration et à l’attention. Il y a un manque de discipline intérieure, de conscience morale. Or comme nous l’avons vu plus haut, la boulimique a un sentiment de perte de contrôle sur son comportement alimentaire, ce qui signifie qu’au bout d’un moment lors de la crise par exemple, le Yi se trouve en insuffisance.
En revanche au tout début et même avant une crise, le Yi peut se trouver en plénitude avec des rêves empreints de lourdeur physique et de blocage des mouvements, avec son cortège d’obsessions, d’idées fixes, de pessimisme et de scrupules : remplir son réfrigérateur de pâtisseries…tout en sachant qu’on ne doit pas le faire. Et là, la discipline intérieure manque : insuffisance du Yi à nouveau. En fait, il y a bien une intrication de deux perturbations en vide et plénitude.
« Quand le mouvement de la Terre s’embrase, engendrant un vide de Yin de Rate-Pancréas et un feu d’Estomac, cette bonne harmonie avec l’environnement laisse la place à un courant de boulimie frénétique. C’est l’aspect clinique le plus habituel des obèses et des prédiabétiques. Le sujet éprouve de la faim, plus ou moins « sublimée en gourmandise » » (6).
Nous l’avons bien compris, cette variété de boulimie entre davantage dans le cadre des excès alimentaires que l’on retrouve chez les sujets obèses. Mais notons que la boulimie que nous étudions peut aussi aboutir à la longue à ce cadre nosologique.
Le Po
Une autre âme viscérale qui intervient souvent dans la boulimie est le Po du Poumon. L’atteinte de ce Shen peut produire un vide de Yin du poumon avec blocage de l’énergie dans le bas du corps. Le Yang déferlera ensuite brutalement vers le haut et la tête : c’est un Jué du mouvement Métal entraînant une plénitude de Yang Ming.
Le Su Wen chapitre 45 : des Jué (occlusions des Qi) spécifie : « … chez le sujet qui a des relations sexuelles en état d’ivresse ou après une trop bonne chère, le Qi d’alcool affronte celui des aliments et crée une surabondance de chaleur intérieure par tout le corps. » »
« Huang Di : Comment se produisent les folies furieuses ?
Qi Bo : Elles viennent du Yang. La colère est provoquée par une brutale répression du Yang empêché dans son déversement, c’est un « blocage de Yang » (Yang Jué).
Huang Di : A quoi le reconnaît-on ?
Qi Bo : Le Yang Ming est normalement animé de pulsations… En effet, les aliments entrent dans le Yin et font croître le Yang. La suppression de la nourriture fait tout cesser aussitôt… » (Su Wen chapitre 46 : « pathogénies »)
Un excès de nourriture provoque donc un vide de Yin de poumon avec augmentation du Yang au niveau de la racine Yang du Poumon par Jué, puis répercussion sur le Yang Ming.
Ainsi le chapitre XXX « Yang Ming » du Su Wen de Chamfrault décrit : « Quand Yang Ming est atteint, le malade craint la chaleur ; il ne reconnaît plus son entourage ; il est parfois dyspnéique ; il veut se déshabiller, courir, monter partout, chanter comme un fou ; il injurie ses parents : tous ces symptômes sont l’indice d’excès de Yang ».
Mais la répercussion ne se fera pas sur le Shou Yang Ming mais plutôt sur le méridien associé, le Zu Yang Ming, méridien d’estomac qui sera alors en plénitude. Le chapitre X du Ling Shou : « Trajet des méridiens » en fait la démonstration : « le méridien de Tsou Yang Ming(estomac) : … Si les troubles sont graves, les symptômes d’excitation apparaissent, le malade se met à courir comme un fou, il veut grimper haut pour chanter, veut se déshabiller… quand il y a plénitude… le malade a toujours faim… »
Au risque de se répéter, il faut bien constater que cette citation met en exergue le Zu Yang Ming et que le chapitre XXX du Su Wen parle bien de l’Estomac.
De ce fait, on a une crise de boulimie, que Réquena (7) considère comme faisant partie intégrante d’une crise maniaque provoquée par un Jué de Yang Ming mais que Du Bois considère plutôt comme un vide de Yin de Poumon (Shou Yang Ming) avec aussi un Jué du Métal entraînant une « frénétique compulsion d’incorporation ». « C’est la crise de boulimie par vide intérieur. Elle a la plupart du temps un effet immédiat avec sentiment de satiété, de trop plein et de culpabilité pouvant engendrer à son tour des vomissements provoqués.» (6).
Mais Du Bois s’appuyant sur le Ling Shou chapitre XXII considère qu’un vide d’énergie du Poumon avec plénitude de Yin peut entraîner également une « folie dépressive » avec crise de boulimie. Notons cependant qu’il faut plutôt voir à mon sens cette « folie dépressive » comme le fait non pas uniquement d’un vide d’énergie de poumon mais aussi d’un vide de Yin de Poumon comme le cas précédent avec Jué de Yang vers le haut du corps, donc plénitude de Yang Ming (Gros Intestin – Estomac).
« Tous les symptômes de la folie proviennent de la perturbation de l’énergie qui s’accumule au bas du corps puis assaille la tête. La moitié supérieure du corps représente le Ciel, elle est régie par l’énergie du Chéou Taé Inn (poumons) et de Yang Ming » (Ling Shou : chapitre XXII : « la folie »)
La citation ci-dessus issue aussi du même chapitre XXII confirme ainsi que la folie vient bien d’un Jué de Yang.
Et en fait, comme l’écrit Du Bois, le Po pourra être perturbé aussi bien par un vide de Yin de Poumon entraînant un Jué de Yang qu’une plénitude de Yin ou qu’une plénitude du Grand Méridien Yang Ming.
Et cette perturbation du Po va surtout être de type vide caractérisée par la sous-vitalité avec repliement de la personnalité. Plus loin, tout le mouvement vital sera bloqué, la tristesse apparaît, puis l’angoisse, et la dépression l’emporte. L’accès boulimique engendre en fin de crise une sensation d’épuisement et à la longue la dépression s’installe.
Le Shen
Mais l’âme viscérale primordiale à être impliquée dans la boulimie est le Shen, âme viscérale du Coeur. Le Shen sera d’autant plus important qu’il contrôle la production de l’activité mentale de l’individu. Il est le siège de l’affectivité et permet d’appréhender les émotions, les sensations, les impressions venues du monde extérieur, et interagit sur les différents viscères. Le Shen a aussi pour support matériel le Sang (Xue) qui est produit à partir de l’essence des aliments et qui dépend donc du couple Rate-Pancréas – Estomac.
« De toutes ces nombreuses notions, chacune est maîtrisée (régie) par un Zang particulier ; mais toutes cependant naissent du cœur, car tous les Zang n’en sont que les auxiliaires et les agents (Xiang Shi), et le cœur en est le maître suprême, le chef absolu (Zhu Zai). » (Zhang Jiebin) (8)
Le Cœur apparaît ainsi comme un centre, un pivot de la vie. En effet comme le fait remarquer Larre, du cœur (Shen) dépend tous les autres Shen qu’il traduit par Zang : colère (Hun : foie), soucis (Yi : rate), tristesse (Po : poumons), peur (Zhi : rein) (8).
Ainsi, un excès de Yang à l’estomac va tarir le Yin de Rate-Pancréas. Puis, la rate entraînera une atteinte de la loge Feu avec insuffisance du Yin de Cœur. Cette insuffisance du Yin de Cœur se traduira également par une plénitude du Yang apparent et une déficience du Shen.
La plénitude de Yang au cœur peut également être produite lorsque le Yin du rein est épuisé ou insuffisant. Le Rein Yang va se trouver en excès : il va ascensionner au réchauffeur supérieur occasionnant indirectement un vide de Cœur et une perturbation de Shen.
Même chose en cas de vide de sang, vide de foie ou insuffisance de Yin par insuffisance de l’énergie essentielle Jing Qi de l’organe foie, avec insuffisance corollaire du sang qui descend et s’amasse en bas, suscitant l’échappement consécutif de l’énergie (ou Yang du foie) vers le haut.
Par ailleurs ce vide de foie génère dans le cycle de production (cycle Sheng) un tarissement du sang au niveau du cœur et du maître du cœur, d’où une libération du Yang et une perturbation de Shen. Le sujet sera insomniaque, avec un sommeil agité, peuplé de cauchemars et d’angoisse (9). Il présente une boulimie sans faim.
Une perturbation de Shen de type vide se manifeste par l’absence d’affection et de pulsions avec une lenteur à l’idéation. Le sujet perd la joie de vivre, il ne rit plus et parle peu. Et le patient s’enferme dans l’amertume de sa dépression avec son cortège de symptômes : angoisse, perte d’appétit ou inversement boulimie, insomnie avec rêves symboliques de fumées et d’incendie.
On pourra voir aussi une déficience du Shen de type plénitude. Cet excès entraîne agitation et surexcitation psychophysique avec paroles et rires incessants. L’excès de joie accélère, échauffe l’énergie, le comportement devient débordant et incohérent d’un point de vue intellectuel comme d’un point de vue affectif et social. Le sujet va avoir une activité physique très intense se donnant sans compter. Son sommeil sera aussi bien sûr perturbé avec des rêves de rire, d’audace. Bref, ne retrouve-t-on pas encore ici une des caractéristiques de la boulimique hyperactive qui essaie d’éliminer de cette façon les calories ingurgitées de manière gloutonne.
Le Hun
L’âme viscérale du Foie (Hun), peut aussi être perturbée et entraîner également une boulimie. L’excès de Hun est caractérisé par l’irritabilité, la susceptibilité, le mécontentement et surtout la colère. Le sommeil est entrecoupé de rêves de batailles, d’insultes, de punitions, de rixes et de procès.
« Quand les hun s’agitent, embrasent le Bois et engendrent une attaque transverse de la Terre, la boulimie prend un caractère de rage, d’agressivité mordante pour mordre » (6)
En effet un trouble du Hun peut engendrer une plénitude de Foie qui va attaquer la Rate-pancréas selon le cycle de domination (Ke) et occasionner à son tour un vide de yin de Rate-Pancréas entraînant la boulimie.
Mais on peut avoir aussi un vide de foie qui va générer comme nous l’avons vu plus haut dans le cycle Sheng, un tarissement du sang au niveau du cœur et de ce fait une perturbation du Shen.
« Le foie régit le sang et dans le sang se loge l’âme. Quand il y a vide de l’énergie du foie, on devient peureux, anxieux. Quand il y a plénitude, on devient irascible, le malade est toujours en colère. » Ling Shou : chapitre VIII : Rôle du mental.
En effet le foie va stocker le Xue (le sang), qui sera propulsé dans la circulation générale en fonction de la demande. Pendant le sommeil, le sang sera mis en réserve dans le foie. Dès le réveil, les besoins en sang augmentent : le foie libèrera le Xue.
En cas d’insuffisance du sang ou d’énergie essentielle Jing Qi du foie, on observera un Jue, c’est à dire un reflux du Yang qui déferle vers le haut du corps, en particulier vers la tête et le Baihui (VG 20). D’où la déficience du Yin avec élévation consécutive du Yang peut correspondre à un vide du Yin du foie ou même une déficience du Yin des reins avec un Jue également.
Le Zhi
Pour être complet donc, l’âme viscérale du Rein (Zhi) peut être aussi touchée. Le Zhi est la force d’âme, la volonté, la ténacité, l’esprit de décision, la réalisation des désirs. En cas d’atteinte par vide de rein, la personne manque de volonté, le rein Yang se trouve en excès entraînant par le cycle Ke une atteinte du mouvement Feu avec vide de cœur ou plénitude de Yang de Cœur par Jue puis perturbation du Shen.
L’insuffisance du Zhi se manifeste par une personnalité indécise, instable, prompt au laisser-aller, sans aucune prise sur le réel. A quoi bon résister à cette envie impérieuse de manger ? Car après une courte lutte, la patiente sait qu’elle cédera et que d’ailleurs elle a déjà acheté et préparé tout ce qu’elle va engloutir. Le sujet avec insuffisance de Zhi n’a aucune force de caractère et est le jouet des évènements et de l’entourage. Elle est paralysée par la peur viscérale, la crainte d’être observée et se cache pour manger. Les rêves caractéristiques sont ceux de chutes dans des gouffres sans fin, des rêves d’eau et de noyades. Un bon moyen de reconnaître les caractéristiques de cette forme de boulimie.
Les différentes intrications
En conclusion, la boulimie résulte d’une intrication des différentes atteintes des Shen. Il n’y a pas uniquement une atteinte du Yi ou du Shen. Mais en fonction de l’état du patient, va se retrouver une dominante Hun liée à la colère et au stress, et puis de manière concomitante le Zhi sera perturbé car le malade cessera d’opposer une résistance à son désir, ou bien la dominante sera le Shen du cœur avec son cortège d’anxiété, d’angoisse, de tristesse, le tout associé à la dépression liée à la perturbation du Po.
D’autre part, les déséquilibres d’origine alimentaire qu’ils soient en quantité ou en qualité, entraînent une modification du comportement de l’individu. Ses réactions émotionnelles sont modifiées et peuvent être les premières manifestations du déséquilibre énergétique. L’excès peut ainsi porter sur une seule des saveurs de base que ce soit le sucré ou le salé par exemple.
Ainsi le boulimique peut être attiré par exemple par la saveur sucrée. En ce cas, l’excès affecte en premier l’organe intéressé par cette saveur, en l’occurrence la Rate-Pancréas, puis par le cycle Ke de domination ou le cycle Sheng, va blesser les cinq autres organes.
« Les 5 saveurs sont la matière première du Yin, mais elles peuvent blesser ses 5 demeures. L’abus d’acidités fait déborder le foie et tarit la rate. Trop de sel rétracte les chairs, fatigue les grands os et freine le cœur. L’abus des douceurs étouffe le cœur et déséquilibre le rein en noircissant le teint. L’abus d’amertumes dessèche la rate et épaissit l’émanation de l’estomac… » (Su Wen : chapitre 3 : de la continuité du souffle vital avec le ciel)
Dans notre exemple d’un excès de saveur sucrée, la rate sera donc perturbée, entraînant une plénitude de Yang de Rate-Pancréas puis débordement avec atteinte du poumon. Bref, ceci est valable pour chaque saveur, mais à chaque fois, l’excès de saveur perturbe l’âme végétative Shen. Et par un effet rétroactif du au cycle de génération ou domination, l’excès alimentaire ou la boulimie sera auto-entretenu.
Le schéma suivant récapitule le cadre nosologique de la boulimie.
Le traitement acupunctural de la boulimie
Soigner la boulimie selon la Médecine Traditionnelle Chinoise va consister à agir sur les entités viscérales et de manière concomitante à régulariser le couple Rate-Pancréas, Estomac, siège principal du retentissement du déséquilibre du mouvement Terre et des Shen.
On commencera donc par agir sur le mouvement Terre en harmonisant Rate-Pancréas et Estomac.
Le choix des points à utiliser a été dicté par leur action et leur efficacité selon les textes chinois.
Zusanli : E 36
Évidemment, il est difficile de se passer de ce grand point d’acupuncture, utilisé dans de nombreuses pathologies.
C’est le point He (Ho) du méridien d’estomac, utilisé pour faire descendre le Qi et rafraîchir la Chaleur. Les points He sont les points d’entrée et de sortie de l’énergie. Ils permettent de relier l’Intérieur à l’Extérieur et sont souvent indiqués dans les affections gastro-intestinales et dans les maladies où le Yin et le Yang circulent en direction inverse (circulation d’Énergie à contre-courant, reflux), les maladies des Fu (entrailles) (10). Sa puncture permet de calmer, contrôler, équilibrer le Qi, d’abaisser la Chaleur de l’estomac qui est aussi une cause directe de boulimie. C’est un grand point du Yang général, dont la tonification fait croître le Yang. Donc traiter le E 36, c’est également agir sur le Yang Ming qui est le principal fournisseur du sang et de l’énergie.
E 36 fait partie des 12 points « étoiles célestes » mentionnés par le Zhen Jiu Da Cheng de Yang Jizhou (1522-1620), et réputés surpasser les autres points d’acupuncture. E 36 est réputé « conserver ventre et abdomen », révélant ainsi l’étendue de l’action d’un seul point. Rappelons qu’il est situé 3 cun en dessous de E 35 (point du foramen externe de la rotule), à un travers de doigt de la crête tibiale antérieure.
Il est aussi conseillé dans certains troubles psychologiques tels le stress, l’anxiété ou la perte de confiance en soi.
Zusanli, point Terre du Zu Yang Ming va aussi indirectement tonifier le Rein qui est ici en déficience. Bref, E 36 va harmoniser Rate et Estomac, le Sang et le Qi. (11)
Sanyinjiao : RP 6
En association avec le E 36, le Sanyinjiao harmonise l’énergie de la rate et de l’estomac. Le RP 6 est le point Lo (Luo) de groupe des méridiens Yin des membres inférieurs et de ce fait contribue à remonter le Yin du bas de la rate, du rein et du foie. Dans la stagnation par vide de Sang liée ici au vide de Yin de Foie le RP 6 est un des points à action générale qui permettra en association avec le point E 36 de régulariser aussi bien le Yang Ming que le Tai Yin.
Il est situé 3 cun au-dessus de l’extrémité de la malléole interne, juste derrière le bord postérieur du tibia.
Fenglong : E 40
Point Luo (Lo) du méridien de l’Estomac, le E 40 va permettre en se connectant avec la Rate-Pancréas d’harmoniser les énergies au sein de ce couple Yin – Yang de méridiens. En effet les points Luo ont cette particularité de régulariser l’énergie nourricière Rong Qi entre les méridiens couplés, à condition de puncturer aussi le point Yuan du méridien concerné qui absorbera l’excès d’énergie, en l’occurrence, il faudra utiliser aussi le RP3. Auteroche, Solinas et Mainville préconisent d’utiliser le Fenglong en association avec Shenmen (C 7), qui piqués en dispersion auront la particularité d’abaisser les Mucosités-Chaleur qui troublent le Cœur. Associé toujours en dispersion avec le MC 6 (Neiguan) et le C 7 (Shenmen), l’E 40 permet de soigner l’insomnie, les céphalées, les vertiges, de clarifier le Cœur, d’apaiser l’esprit, de disperser le Feu et de traiter ainsi les maladies mentales agitées. (12).
Nous voyons ainsi tout l’intérêt de ce point dans les boulimies, situé à 8 cun au-dessous du genou, un travers de doigt en dehors de la crête antérieure du tibia.
Taibai : RP 3
Situé sur le bord interne du pied, en arrière et en dessous de la tête du 1er métatarsien, le Taibai est donc le point Shu (Yu) et surtout point Yuan qui permettra donc de dériver l’excès de Yang du Lo de l’Estomac dans la Rate-Pancréas par l’intermédiaire du Luo transversal.
D’ailleurs Soulié de Morant, citant le Dacheng (13) dit que le RP 3 doit être piqué si : « agitation, révolte d’énergie ». Bref, intérêt dans la boulimie pour calmer la chaleur et la plénitude de l’Estomac
Il faudra renforcer d’autre part cette action de régularisation de la loge Terre par la puncture de Dadu RP 2 en tonification.
Dadu : RP 2
Le Dadu est le point Rong (Iong) de Rate-Pancréas, mais aussi et surtout le point de tonification. Et c’est dans ce contexte qu’il permettra d’agir sur l’insuffisance manifeste du Yin de Rate-pancréas.
Au point Dadu, Soulié de Morant traduisant toujours le Dacheng décrit les symptômes de vide : « Manque de conscience morale (voit ses désirs et non les conséquences), manque de discipline intérieure, manque de contrôle émotionnel. Ne peut fixer longtemps son attention, ne peut se concentrer longtemps sur un sujet… » (13)
Est utile aussi à puncturer en cas de vide de l’âme viscérale de la Terre, le Yi selon Maurel (14). Il est situé sur le bord interne du gros orteil, en avant et au-dessous de la 1ère articulation métatarso-phalangienne, entre « chair blanche et chair rouge » dit le précis d’acupuncture chinoise de Pékin (17).
Baihui : VG 20
Le Baihui encore appelé « cent réunions » est placé au sommet du crâne, à 7 cun au-dessus de la ligne arrière des cheveux, à mi-distance de la ligne réunissant le sommet des deux oreilles. Le VG 20 est le point de convergence de tous les méridiens Yang du corps. Par ailleurs le trajet céphalique terminal du méridien de foie aboutit également au Baihui. Selon Chamfrault et Van Nghi (15), tous les méridiens Yin ou Yang se terminent au niveau de la tête et du cou, et que d’autre part, le VG 20 est le point de passage obligé de la circulation des méridiens Yang de droite vers les méridiens Yang de gauche, et vice-versa.
D’où l’intérêt de le puncturer pour agir sur le reflux du Yang qui déferle vers le haut du corps quand on observe un Jue en raison d’une insuffisance de Xue due à un vide du Yin de Foie ou une déficience du Yin de Rein ou un vide de Yin de Cœur…
Neijuan : MC 6
Le Neijuan est le point Luo du Shou Jue Yin (Maître du Cœur), mais surtout le point clé du Yin Wei Mai, merveilleux vaisseau qui contrôle qualitativement le Yin et qui intervient préférentiellement sur la sphère neuropsychique (dépression, anxiété, angoisse, instabilité mentale, troubles du sommeil etc..) et sur la sphère digestive (gastralgie, dyspepsie, vomissements…). MC 6 permet également de faire croître le Yin et de stabiliser le Shen. Neijuan qui signifie « barrière interne », est ainsi indiqué dans tous les symptômes de blocage thoracique ou de blocage du passage abdomino-thoracique. De plus il intervient dans la régulation globale du Jue Yin (Grand Méridien : Maître du Cœur-Foie), et de ce fait agit sur le vide de Foie et la Plénitude relative du Maître du Cœur, donc sur la perturbation du Shen et du Hun qui peut en résulter. Il est situé à 2 cun au-dessus du pli du poignet, entre les tendons du grand et du petit palmaire.
N’oublions pas aussi son intérêt en association avec le Fenglong (E 40), comme nous l’avons vu plus haut, ainsi qu’avec le C 7.
Shenmen : C 7
Shenmen est le point Shu (Yu ou Iu) du Cœur. C’est aussi le point de dispersion et le point Yuan (source). A ce titre, il absorbe l’énergie Wei défensive en excès du réchauffeur inférieur mais aussi l’énergie nutritive. Il est une des portes de l’âme viscérale du Shen, situé sur la face cubitale du poignet, en regard du bord postérieur du pisiforme, dans le creux sur le bord radial du tendon du muscle cubital antérieur.
« C’est là que Cinq Organes absorbent la matière nutritive circulant dans les 365 Points. Si l’on puncture ces douze points Yuan à propos, on peut guérir les affections des Cinq Organes et des Six Entrailles.» (16)
En cas de Vide ou de Plénitude de l’âme végétative du Feu, Maurel (14) préconise d’ailleurs de puncturer le Shenmen. Mais il ne faut pas utiliser ce point dans l’intention de disperser la loge Feu qui est certes très grandement perturbée en cas de boulimie, mais plutôt, dans l’intention de la réguler, afin d’harmoniser l’activité mentale consciente et inconsciente du Shen.
Intérêt aussi de l’association avec l’E 40 pour apaiser le Cœur, disperser le Feu et de traiter les maladies mentales agitées. (12)
Lidui : E 45
C’est le point de dispersion de l’Estomac et le point Jing (Ting). Chamfrault et Van Nghi (15) le préconise pour les symptômes suivants : « manger beaucoup, a toujours faim et reste cependant maigre ».
Du Bois parle de l’utiliser en cas d’excès d’énergie à l’estomac, boulimie et cauchemars (6). Donc Lidui est intéressant à puncturer en raison de l’atteinte de l’Estomac quasi constante dans les boulimies.
Il est situé sur le côté externe de l’extrémité du 2ème orteil, 0,1 cm en arrière de l’angle unguéal.
Zhongfu : P1
Le point P 1 est le point Mu (Mo), Héraut du Poumon, situé sur le coté externe de la poitrine, dans le 1er espace intercostal, à 6 cun de la ligne médiane.
Les points Mu sont décrits partiellement dans au moins sept chapitres du Nei Jing. Tous situés sur le ventre ou le thorax, ils ont le sens de « rassemblement », mais également celui de « tenture » (18).
Comme pour les points Beishu ou points d’assentiment Shu, ils sont à utiliser pour combattre les déséquilibres internes (entrailles-organes). Par ailleurs selon Soulié de Morant (13), les points Mu sont recommandés dans toutes les insuffisances d’énergie originelle. Faubert les compare à des robinets que l’on ouvre lorsque l’on veut renforcer un méridien carentiel (19).
Les points Mu et les points Shu également agissent électivement sur l’Organe correspondant «Dans toutes les maladies provenant d’une lésion des Sept Sentiments, traiter les Points Mu » (13)
« Tous les troubles que guérissent les Points Mu sont des insuffisances de l’Energie Originelle » (16)
L’atteinte de ces points donne l’impression d’insuffisance, de blocage par non-distribution du Qi. Le point Mu reçoit principalement l’énergie Iong nourricière et est l’endroit où s’exprime la polarité Yin de chaque viscère. On parle souvent du point Mu comme d’un point alarme car c’est le point le plus douloureux quand il existe une perturbation énergétique.
On peut utiliser les points Mu non seulement pour traiter les affections internes mais aussi les affections en surface en relation avec les organes ou les entrailles correspondants. Leur fonction est donc tonifiante. En fait, l’utilisation combinée du point Shu et du point Mu d’un viscère est possible lorsque le tableau clinique est une intrication de syndrome Yin en déficience et de syndrome Yang en excès. (10)
Dans la boulimie, puncturer le P 1 permettra donc d’agir sur l’âme viscérale Po mais aussi de tonifier le Poumon qui sera en vide de Yin et d’énergie. Il s’agira aussi de combiner ce point avec le point Beishu, Shu du dos sur le méridien de Vessie. Mais, en fait on privilégiera surtout le point Shen du Po, le V 42, Pohu.
Pohu : V 42
En effet, à côté des points Beishu situés sur la première ligne de Vessie, existent les points Shu assentiment psychique encore appelés points Shen (20), situés sur la deuxième ligne de Vessie en regard des points Beishu de chaque organe trésor. Ces points sont utilisés dans les maladies psychosomatiques en relation avec le Shen de chaque couple d’organes.
Ainsi Pohu, traduit selon les auteurs par porte du Po ou portillon du Po est situé à côté du point d’assentiment des poumons le V13, à 3 cun en dehors du bord inférieur de l’épineuse de D3 et est le point assentiment psychique des Poumons. Pohu sera donc à puncturer systématiquement en association avec le P 1.
C’est aussi un point des maladies de chaleur à utiliser pour évacuer les chaleurs des 5 organes.
Shanzhong : VC 17
Le point Shanzhong appartient au Ren Mai (Jenn Mo), Vaisseau Conception. C’est le point dit grande réunion Hui (Roe) de l’Énergie Vitale. C’est le point de la sérénité, il agit sur l’anxiété, les palpitations : c’est le point Maître de l’Énergie. C’est aussi et c’est surtout en sa qualité de point Héraut du Maître du Cœur qu’il sera puncturé.
Jujue : VC 14
Jujue est le point Héraut du Cœur à puncturer aussi en cas d’atteinte du Shen. Il sera associé au VC 17 et au point V 44, assentiment psychique de la loge Feu. Il est situé à 6 cun au-dessus de l’ombilic.
Shentang : V 44
Le Shentang traduit par salle ou temple du Shen est le point Shen de la loge Feu, c’est à dire des méridiens Cœur et Maître du Cœur. Il va donc régulariser le Shen. Il est situé 3 cun en dehors du bord inférieur de l’épineuse de D5, au même niveau que le point d’assentiment du Cœur.
En cas de maladie de Chaleur, le V 44 permet de la disperser. Donc il sera à utiliser pour la Chaleur d’Estomac.
Zhangmen : F 13
Situé au bord libre de la 11ème côte, c’est le point Héraut (Mu) de Rate-Pancréas qui permettra de tonifier le vide de Yin de Rate-Pancréas et d’agir sur l’Estomac en association avec le V 49. C’est aussi un point Hui (Roe) des 5 organes Zang que l’on puncture en cas d’atteinte des méridiens de Foie, Poumon, Cœur, Rate-pancréas ou Rein, ce qui est le cas dans la boulimie.
« Le lieu de réunion de l’énergie des 5 organes se trouve au Zhangmen (13F)» (21)
Yishe : V 49
A 3 cun en dehors du bord inférieur de l’épineuse de D11, point assentiment psychique de l’âme viscérale de la Rate-pancréas, le Yishe dont la traduction est maison du Yi sera poncturé aussi dans la boulimie. On l’utilisera aussi car il est un point à traiter en cas de maladie de Chaleur, au même titre que le Pohu (V 42), le Shentang (V 44), le Hunmen (V 47) et le Zhishi V 52, mais le Yishe permettra davantage de dissiper la chaleur de l’Estomac.
« Quand il y a chaleur, Yang, à l’estomac, le malade a toujours faim, la peau au-dessus de l’ombilic est toujours chaude…» (Ling Shou : chapitre XXIX : l’enseignement des vieux maîtres)
Qimen : F 14
Le F 14 est le point Héraut (Mu) de Foie et permettra bien sûr de tonifier le vide de Yin de Foie et d’agir sur le Hun en association avec le Hunmen (V 47). Il est situé sur la ligne mamelonnaire, droit sous le mamelon, dans le 6ème espace intercostal.
N’oublions pas que le Hun est le conseiller du Shen, âme viscérale du Cœur et qu’ainsi agir sur le Foie permet aussi d’agir sur lui
Hunmen : V 47
C’est le point Shen, assentiment psychique de l’âme viscérale de Foie, le Hun. Sa traduction littérale est porte du Hun, et il est situé à 3 cun en dehors du bord inférieur de l’épineuse de D9 en regard du point Beishu du Foie le V18 situé lui à 1,5 cun de D9. Donc puncturer ce point, c’est agir, comme son nom l’indique sur le Hun
C’est aussi un point d’action contre la chaleur, comme le V 42, le V 44, le V 49, et le V 52.
Jingmen : VB 25
Situé sur la face externe de l’abdomen, au bord inférieur de l’extrémité libre de la 12ème côte, le Jingmen est le point Héraut de Rein qu’il faut puncturer en raison du vide de Yin de Rein, ou mieux le moxer. On le couplera au V 52 pour agir sur le Zhi.
Zhishi : V 52
La chambre ou la salle du Zhi est enfin le dernier point Shen, assentiment psychique du Rein, à puncturer à 3 cun du bord inférieur de l’épineuse de L2.
Enfin il fait aussi partie des 59 points (Wu Shi Jiu Ci) (Su Wen : Chapitre 32 : de l’acupuncture des chaleurs) que l’on utilise dans les maladies chaudes, comme nous l’avons vu plus haut pour le V 42, V 44, V7 et V 49.
« Il y a 5 fosses qui sont sur les côtés des assentiments viscéraux : Po Hu, Shen tang, Hun Men, Yi Shé, Zhi Shi de vessie, soit 10 points pour évacuer les chaleurs des 5 viscères magasins » (Su Wen : Chapitre 61 : les points des eaux et des chaleurs »)
Bref les 5 points Shen, assentiment psychique sont aussi tous des points de la chaleur.
Conclusion
Au terme de ce travail, on se doit de constater que la boulimie, somatisation du mal-être de l’individu peut se traiter par l’acupuncture d’une manière tout à fait correcte. En fonction d’un interrogatoire bien mené, les points indiqués seront puncturés, tous, ou en partie. En règle générale, tous les points agissant sur la dysharmonie Rate-Pancréas, Estomac et l’atteinte du Shen devront être utilisés. De cette façon, ce besoin impulsif et violent de manger, témoin de l’atteinte des entités viscérales avec pour corollaire la perturbation de la loge Terre pourra être combattu avec efficacité.
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