Étude préliminaire comparative du traitement de la douleur par acupuncture lors de l’interruption médicamenteuse de grossesse versus médication conventionnelle

Une des enceintes du château de San Felipe de Barajas (1536) – Carthagène des Indes- Colombie

Résumé Introduction. – L’objectif de ce travail est de déterminer si l’acupuncture est supérieure à un traitement médicamenteux conventionnel antalgique lors de l’interruption médicamenteuse de grossesse.

Méthode. Il s’agit d’une étude clinique comparative non randomisée préliminaire se déroulant de mars 2005 à février 2006 dans un département de gynéco-obstétrique du CHU de Strasbourg portant sur 94 patientes recrutées. Deux groupes ont été pseudo-randomisés en un groupe A acupuncture (n=47) bénéficiant de l’acupuncture aux points VB34, F3, C7, Rt8, GI4, Rt6 et un groupe B traitement antalgique usuel (n=34). Le critère principal de jugement était l’évaluation de la douleur objectivée par quantification sur l’échelle visuelle analogique (EVA). 

Résultats. On observe 68,1% d’amélioration des douleurs dans le groupe A acupuncture (IC95% 52-80%) et 64,7% (IC95% 46-79%) dans celui du groupe B. Aucune différence significative entre les deux groupes A et B n’a été montrée par le test du Chi-deux (χ² =0,0063 ; p= 0,94). On objective une diminution des douleurs dans le groupe acupuncture d’une moyenne de -4,85 ± 0,397 (IC à 95% : -4,478 ; -5,272) mais sans différence significative (p=0,08) entre les deux groupes testés par l’analyse des variances (ANOVA).

Conclusion. L’acupuncture est équivalente par rapport au traitement antalgique usuel et peut se substituer efficacement à la prise d’antalgiques, permettant une diminution certaine de la douleur et agir de surcroît sur l’inconfort et l’anxiété des femmes. Néanmoins cette étude clinique préliminaire doit être confirmée par un essai contrôlé randomisé en double aveugle de haute qualité méthodologique.

Mots clés : interruption de grossesse – misoprostol – acupuncture – antalgie – essai clinique comparatif.

Summary: Background and purpose. – the objective of this work is to determine whether acupuncture is superior to conventional analgesic drug therapy during the medicinal interruption of pregnancy.

Methods. This is a non-randomized comparative clinical study preliminary occurring from March 2005 to February 2006 in a department of gynecology and obstetrics of the University Hospital of Strasbourg on 94 patients recruited. Two groups were pseudo-randomized in a group A acupuncture (n=47) benefiting from acupuncture in points GB34, LIV3, HE7, SP8, LI4, SP6 and a group B usual analgesic (n=34). The main outcome measure was the evaluation of the pain objectified by quantification on the visual analog scale (VAS).

Results. There is 68.1 % improvement in pain in the acupuncture group A (95% CI 52-80 %) and 64.7 % (95% CI 46-79%) than in group B. No significant difference between the two groups A and B has been shown by the Chi-square test (χ² = 0.0063, p = 0.94).  We assess a decrease of the pains in the acupuncture group from an average of 4.85 ± 0.397 (95% CI: -4.478; 5.272) but not significantly (p=0.08) between both groups tested by the analysis of variances (ANOVA).

Conclusion. Acupuncture is equivalent relative to usual analgesics and can substitute effectively taking painkillers, allowing a reduction of pain and some act in addition to the discomfort and anxiety in women. Nevertheless, this preliminary clinical study must be confirmed by a randomized controlled trial, double-blind high methodological quality.

Keywords: interruption of pregnancy – misoprostol – acupuncture – analgesia – comparative clinical trial.

Introduction

L’interruption de grossesse par voie médicamenteuse peut s’avérer être une source de douleurs, préoccupation de l’équipe médicale, qui ne peut l’ignorer. Aux douleurs pelviennes qui débutent en général un quart d’heure après la prise de misoprostol, qui durent environ 45 minutes et d’intensité correspondant à celle de règles douloureuses, s’associent des troubles digestifs (nausées, vomissements, parfois diarrhée), assez fréquents, mais rarement intenses. Nous nous sommes donc intéressés à la mise en place d’une combinaison de points d’acupuncture agissant sur les douleurs et pouvant éventuellement se substituer à la prise d’antalgiques.

Notre objectif est de proposer une méthode efficace, simple d’emploi, utilisable dans les meilleures conditions de sécurité, de confort physique et psychologique afin de soulager les algies de ces patientes. Notre hypothèse de travail est de vérifier si l’acupuncture supérieure ou équivalente au traitement antalgique usuel.

Matériels et méthodes

Cette étude a été menée à partir d’un groupe de patientes volontaires de mars 2005 à février 2006 dans le département de gynéco-obstétrique du Centre Hospitalier Universitaire de Strasbourg.

Il s’agit d’une étude clinique comparative non randomisée avec suivi prospectif de recherche de supériorité portant sur 94 patientes.

Cette expérience, qui a été menée avec l’aval des patientes, a été conduite de manière à confronter deux méthodes de soulagement de la douleur. L’ensemble des observations a été réalisé à partir d’interventions à base d’antalgiques, d’acupuncture, d’acupuncture complétée par une ou plusieurs prises antalgiques, et ceci dans le cadre d’apparition de la douleur, et non à titre préventif.

Les patientes recrutées ont une grossesse inférieure à 12 semaines d’aménorrhée (SA) et présentent des douleurs abdominales évaluées comme supérieures à 4 sur une échelle visuelle analogique (EVA) quantifiée de 0 (pas de douleur) à 10 cm (douleur maximale).

Les professionnels mobilisés dans cette étude ont été les infirmières du service.

Les antalgiques ont été administrés par celles-ci, alors qu’une sage-femme assurait l’intervention par acupuncture.

Le nombre de patientes recruté au départ est de quarante-sept femmes pour chacun des groupes, c’est-à-dire le groupe A pour celui de « l’acupuncture », et le groupe B pour l’autre « des antalgiques » ; pour chaque patiente du groupe A ayant bénéficié d’une séance d’acupuncture, nous avons systématiquement pris le dossier B suivant.

Parmi les quatre-vingt-quatorze femmes recrutées, treize patientes se sont avérées ne pas avoir besoin de prise d’antalgiques, leur douleur étant devenue supportable (EVA inférieure à quatre) et ont été d’emblée exclues avant inclusion dans les groupes.

Il en résulte un effectif d’analyse de quatre-vingt-un cas avec un groupe A acupuncture (n=47) et groupe B antalgique (n=34) (voir figure 1).

Figure 1. Recrutement des patientes.  

Moyens techniques

Protocole commun par RU 486 (mifépristone)

Mise en place de 4 comprimés de cytotec® (misoprostol), par voie intra -vaginale.

Trois heures après la prise de misoprostol, en l’absence d’expulsion de la grossesse, deux comprimés sont redonnés (en per os).  

Protocole par antalgique usuel

Un traitement antalgique est proposé à la patiente dès que les douleurs sont trop intenses :

– profénid 100 mg® sous forme suppositoire (kétoprofène), antalgique, anti-inflammatoire, l’ensemble de ces propriétés est lié une inhibition de la synthèse des prostaglandines.

– diantalvic® en comprimé (dextropropoxyphène – paracétamol),

– temgésic® sous forme sub-lingual (buprénorphine), analgésique opioïde

Protocole par acupuncture

On utilise des aiguilles de 25 mm de longueur et de 0,22 mm de diamètre. Toutes les aiguilles sont en acier inoxydable, à usage unique.

À l’implantation, les aiguilles sont légèrement manipulées par rotation manuelle de façon qu’elles soient saisies par la peau (recherche du deqi) ; puis les aiguilles sont laissées en place sans autre manipulation pendant une durée de 20 minutes.

Dès que la patiente manifeste des douleurs importantes, une séance d’acupuncture lui est proposée avec possibilité d’avoir recours à une prise d’antalgique, si la douleur n’est pas améliorée, atténuée ou supprimée à l’issue de la séance.

Évaluation de la douleur

Le critère principal de jugement est l’évaluation de la douleur sur l’échelle visuelle analogique (EVA).

L’intensité de la douleur ou de l’inconfort sont évaluées avant la mise en place des aiguilles.

Les patientes sont informées que la prise en charge efficace de leur douleur est une partie importante de leur traitement et qu’en conséquence, il est essentiel qu’elles signalent toute douleur qui n’est pas suffisamment soulagée.

Le degré de soulagement de la douleur est mesuré après la séance en respectant un temps suffisant pour que le traitement ait eu le temps d’être efficace. On considère qu’il y a soulagement par l’acupuncture ou par antalgie usuelle pour toute douleur inférieure ou égale à 4 noté sur l’EVA.

Choix des points d’acupuncture

La stagnation de qi et la stase de Sang bloquent les méridiens et provoquent la douleur.

Le but du traitement d’acupuncture est de régulariser cette fonction énergétique (activer la circulation sanguine afin d’éliminer la stagnation et faire circuler le qi pour calmer la douleur et apaiser le shen).

Nous avons sélectionné un certain nombre de points : VB34, F3, C7, Rt8, GI4, Rt6 (cf annexe 1).

Résultats

On observe 68,1% d’amélioration des douleurs dans le groupe A acupuncture (IC95% 52-80%) et 64,7% (IC95% 46-79%) dans celui du groupe B antalgique. Aucune différence significative (p=0,94) entre les deux groupes A et B n’a été montrée par le test du Chi-deux (χ² =0,0063 ; p= 0,94) à 1 degré de liberté, analyse réalisée en intention de traiter. Les résultats sous forme de graphique des 47 patientes du groupe acupuncture avant et après séance d’acupuncture sont récapitulés dans le tableau I.

Tableau I. Les résultats de l’étude.

En cas d’efficacité, on objective une diminution des douleurs dans le groupe acupuncture d’une moyenne de – 4,85 ± 0,397 avec un intervalle de confiance à 95% [- 4,478 ; – 5,272 ] (voir tableau II). Dans le groupe antalgique, on a une baisse moyenne de – 4,45 ± 0,638 avec un intervalle de confiance à 95% [- 3,81 ; – 5,09]. L’analyse des variances par le test F (ANOVA) ne montre pas de différence significative entre les deux groupes (F=1,71 à 31/21 degrés de liberté, p=0,08), ce qui signifie une équivalence dans la diminution de la douleur dans les deux groupes.

Tableau II. Quantification de la douleur de chaque patiente du groupe acupuncture (n=47) selon l’EVA. La série 1 correspond à la quantification avant acupuncture et la série 2 après séance d’acupuncture avec une diminution moyenne de la douleur de -4,85 ± 0,397 avec IC à 95% sur les 32 patientes soulagées.

Discussion

L’exclusion de la personne dans le groupe B, dont l’EVA était quantifié à 7, résulte de son refus a posteriori de son inclusion de prendre tout antalgique.

Nous avons distingué sous la rubrique « efficacité du traitement », les patientes soulagées, soit par le traitement acupuncture, soit par celui antalgique.

Trente-deux femmes du groupe acupuncture ont été soulagées par la seule séance d’acupuncture ; vingt-deux femmes du groupe antalgique, par la seule prise d’antalgiques.

Sous la rubrique « échec de traitement », on retrouve les femmes qui n’ont pas été améliorées par l’un ou l’autre traitement : deux femmes du groupe acupuncture chez qui nous avons dû interrompre la séance. Ces patientes étant extrêmement agitées, nous avons retiré les aiguilles avant la fin de la séance, à leur demande. Treize autres femmes pour lesquelles la douleur n’a pu être correctement soulagée par la seule séance d’acupuncture ont bénéficié d’un ou plusieurs antalgiques après la séance d’acupuncture, c’est à dire dans l’heure suivant le retrait des aiguilles. Parmi celles-ci, une femme note une faible amélioration mais demande néanmoins un autre antalgique. Sept femmes ont réclamé un antalgique dans les 30 mm suivant la séance d’acupuncture et ne notent aucune amélioration de leur douleur. Quatre femmes ont été soulagées momentanément, puis ont eu recours aux antalgiques, une heure après la séance d’acupuncture. Deux femmes ont eu une séance interrompue, ce qui constitue donc un échec de traitement. Soit au total quinze échecs dans le groupe acupuncture.

Dans le groupe antalgique, onze femmes n’ont pu être améliorées par la prise des antalgiques et ont ressenti des douleurs jusqu’à l’expulsion.

Le protocole des points sélectionnés a été respecté dans la plupart des cas. Chez trois patientes, un autre point a été associé au protocole, le MC6 en cas de vomissements et nausées importants.

Les douleurs observées sont des douleurs bien localisées, intenses, en « coup de poignard ». Ce sont généralement des douleurs provoquées par les stases de Sang. Dans notre observation, la douleur siège dans le bas-ventre ou la région sacrée, et s’étend parfois aux membres inférieurs. Elle peut être également accompagnée d’une certaine agitation mentale.

Les résultats de cette étude nous ont permis d’apprécier l’efficacité d’un protocole « standard », applicable à chaque patiente.

Cela ne s’intègre pas entièrement à la pensée chinoise qui préconise un traitement spécifique du malade en fonction des renseignements issus de l’interrogatoire, de l’examen clinique, de la typologie.

Cependant l’intérêt d’un protocole « standard » offre la possibilité de démontrer son efficacité en milieu hospitalier.

D’un point de vue statistique, le test du Chi-deux nous a permis de tester l’hypothèse nulle qui sous-entend l’absence de différence entre les groupes traités. Rejeter l’hypothèse nulle signifie qu’il existe une différence significative entre les deux types de traitement. On ne peut donc conclure que le traitement acupunctural est supérieur au traitement antalgique usuel, mais est plutôt équivalent.

Intérêt de l’acupuncture

Cette alternative de soins offre une équivalence d’efficacité dans le traitement de la douleur. Cependant, il faut mettre en exergue les points suivants

Pas d’effets secondaires

D’une manière générale, les femmes enceintes sont sujettes à des nausées et vomissements au début de leur grossesse. De surcroît, nous avons constaté que les antalgiques utilisés entraînaient certains effets indésirables (effets gastro-intestinaux à type de nausées et vomissements), alors que l’acupuncture n’a aucun secondaire et que, de plus le MC6, est un point reconnu comme antiémétique [[1]].

Effets immédiats de l’acupuncture

Nous avons pu relever, que les femmes qui ont bénéficié d’une séance d’acupuncture pour atténuer leur douleur et qui ont été soulagées, l’ont été de manière rapide, avant la fin de séance.

Au sein des « quinze échecs » du groupe acupuncture, quatre femmes n’ont été aidées que provisoirement par la méthode de l’acupuncture, et ont nécessité, après un délai d’une heure la prise d’un antalgique.

Dans le groupe des antalgiques, les femmes n’ont été soulagées en moyenne qu’au bout d’une heure.

Or nous savons que pour le :

temgésic®, la concentration plasmatique maximale est obtenue en deux à trois heures ;

profénid®, l’absorption est plus rapide, les concentrations plasmatiques présentent un plateau de la 45 à la 90ème minute ;

diantalvic®, les concentrations plasmatiques maximales sont atteintes 30 à 60mm après ingestion.

Considérations de Médecine Traditionnelle Chinoise

Des études ont montré que la « douleur de l’utérus » est liée à une hypercontractilité de celui-ci. La mifégyne® (mifépristone) que l’on utilise dans l’interruption de grossesse, a un effet antiprogestérone et agit sur l’utérus gravide en augmentant la contractilité du muscle utérin.

Au cours de ces contractions, le flux sanguin est réduit dans l’endomètre, et il y a une corrélation entre la réduction du flux sanguin et les douleurs de type colique, l’ischémie due à l’hypercontractilité est responsable de la douleur.

Cette notion s’accorde bien à l’idée chinoise que la stagnation du qi et du sang intervient dans la douleur.

L’anxiété et le stress sont un facteur étiologique très important dans les douleurs.

L’interruption de grossesse provoque un fort sentiment de culpabilité, de colère, et de frustration, toujours vécue comme traumatisante, tant du point de vue physique que moral.

Mais il est à souligner ici que cette dimension de la douleur psychique n’a pas été réellement prise en compte dans le travail conduit avec le groupe des antalgiques.

La littérature

Notre essai clinique concernant l’analgésie acupuncturale dans les interruptions de grossesse n’est pas le premier. On peut retrouver deux essais cliniques chinois positifs qui objectivent l’intérêt de l’acupuncture. Le premier paru en 1974 est une petite série de cas (n=14) qui montre que dans l’interruption de grossesse thérapeutique par aspiration, l’analgésie acupuncturale était satisfaisante dans 7 cas ; 4 cas avaient une analgésie partielle et 3 cas étaient des échecs [[2]].

L’autre étude porte sur une population plus importante lors de l’interruption de grossesse. Deux groupes : un sous acupuncture (n=408) et l’autre témoin (n=324). Les points choisis sont à la fois des points d’auriculothérapie (shenmen et utérus stimulés électriquement) et injection de 3 ml d’eau distillée au Rt6 et 1 ml au GI4, le tout associé à une aiguille insérée au anmian (point réputé pour calmer le shen). L’intervention commence 15 mn plus tard. Les résultats montrent que 94,61% des femmes n’ont plus de douleurs, qu’elles sont supportables chez 4,41% des femmes et insupportable dans 0,85% du groupe acupuncture. Dans le groupe témoin, on a respectivement 4,63% sans douleur, 93,2% de douleur supportable et 2,16% de douleur insupportable [[3]].

Bien sûr ces deux essais sont de qualité méthodologique nettement insuffisante, ne satisfaisant à aucun des critères scientifiques des essais cliniques randomisés, mais permettent de constater qu’il est possible de soulager les femmes par l’acupuncture.

Rappelons que l’analgésie acupuncturale peut être utilisée dans les accouchements [[4]]. Ainsi un état des lieux des essais contrôlés randomisés de l’acupuncture obstétricale analgésique durant l’accouchement permet d’objectiver que l’acupuncture peut raisonnablement être indiquée avec un grade B de présomption scientifique selon le niveau des recommandations de la Haute Autorité de Santé Française, bien que des ECR de haute qualité méthodologique soient encore nécessaires pour avoir un haut niveau de preuves.

Protocole méthodologique d’acupuncture

Les limitations de notre étude clinique sont bien sûr très nombreuses : population insuffisante, essai clinique non en double aveugle, répartition non randomisée etc. Et l’essai ne répond donc pas évidemment aux recommandations CONSORT [[5]]. Mais elle a pour intérêt d’être préliminaire à un éventuel essai contrôlé randomisé contre placebo. Nous avons essayé de limiter les sorties d’essai et avons respecté les principes d’une analyse en intention de traiter avec prise en compte de tous les patients non pas recrutés mais pseudo-randomisés. La comparabilité des groupes à l’inclusion devra bien sûr être vérifiée, permettant de constituer des groupes totalement comparables (en termes d’âge, de pathologie associée, de terme etc..). On séparera bien le processus de recrutement de celui de la randomisation afin d’éviter le biais de sélection comme dans cet essai où la mise en groupe a été réalisée après avoir exclus treize personnes pour EVA inférieure à 4, entraînant des groupes déséquilibrés. Pour éviter ce biais, il eût fallu randomiser immédiatement après recrutement et juste avant l’initiation du traitement.

En effet, il s’agira tout d’abord que cet ECR soit bien aléatoire (utiliser par exemple des tables de permutation de nombre au hasard), en double aveugle (insu-patient prouvé par exemple par un questionnaire mettant en évidence l’impossibilité de savoir dans quel groupe le patient se trouve ; insu-thérapeute en utilisant une intervention simulée et insu-évaluateur) et que les sorties ou perdus de vue soient bien décrits.

Comme il s’agit d’une intervention non pharmacologique, intervention la plus difficile qui soit à évaluer, la comparaison de deux ou mieux trois groupes est l’idéal à réaliser dans les essais d’acupuncture. Le contrôle en double insu doit imiter parfaitement le traitement réel, mais sans que l’insertion des aiguilles dans la peau du patient ne se fasse, ni que l’acupuncteur sache s’il opère un traitement réel ou pas.

On peut donc exécuter différentes possibilités d’acupuncture factice ou simulée (sham). Il est possible ainsi d’insérer les aiguilles à des endroits non traditionnels (les non-points d’acupuncture) tout en imitant l’acupuncture traditionnelle, le sujet ignore alors si les aiguilles sont insérées selon la pratique traditionnelle. On peut aussi lui cacher les points d’insertion, à l’aide d’un écran [[6]] (voir figure 2).

Figure 2. Le sujet ne peut voir l’insertion des aiguilles qui sont masquées par la table (schéma issu de Martin et al [5]).

Les aiguilles rétractables de Streitberger peuvent être aussi être un moyen semble-t-il efficace [[7]]. Il s’agit d’une méthode qui empêche les aiguilles d’être véritablement insérées sous la peau. Cette méthode permet au patient de voir comment se déroule la séance. Il est bien sûr important que, quel que soit le groupe d’appartenance, le patient doit penser qu’il reçoit le véritable traitement. D’où l’intérêt de bien réaliser un questionnaire pour montrer qu’il n’y a aucune différence entre les deux groupes et l’utilité que le patient soit naïf en ce qui concerne l’acupuncture. La crédibilité du traitement pourra aussi passer par une évaluation de l’équivalence de l’effet placebo entre les deux bras de l’étude par un questionnaire de Vincent [[8],[9]]. De même, l’acupuncteur ne doit en aucun cas donner d’indication au patient et doit avoir la même attitude aussi bien chez la personne dans le groupe acupuncture que dans celui feint, mais il ne doit pas nécessairement être en praticien-aveugle pour le traitement [[10]].

L’étude en elle-même, concernant l’analgésie devrait présenter idéalement trois bras : un bras acupuncture (A), un bras contrôle ou témoin (C) et un bras acupuncture feinte (F). Le but est double : différencier l’effet spécifique de l’effet non-spécifique (c’est le fait de comparer le bras acupuncture à celui de l’acupuncture factice), et démontrer l’efficacité de l’acupuncture (comparaison entre bras acupuncture versus bras témoin sans traitement) et éventuellement de définir sa place dans la stratégie thérapeutique (bras acupuncture versus bras contrôle avec traitement). Ernst et coll. suggéraient ainsi d’adopter un modèle de type A versus C ou mieux de réaliser des ECR incluant trois groupes, dont un bras placebo afin d’éviter les résultats faussement positifs en raison d’effets non spécifiques tels que l’effet placebo, les autres soins donnés aux patients, les rapports thérapeute-patient ou le désir souhaité du patient [[11]]. Enfin il peut être intéressant d’appliquer les recommandations de la standardisation STRICTA pour les ECR d’acupuncture qui permettent ainsi d’éviter de grossières erreurs de procédure [[12]].

En conclusion, sur la base de cette étude préliminaire et compte-tenu tous les biais détectés, un essai contrôlé randomisé de supériorité contre placebo et contre traitement de référence à trois bras est envisageable.

En faisant l’hypothèse d’une fréquence de 73% des algies rencontrées chez les femmes lors d’une interruption volontaire de grossesse sans traitement, pour mettre en évidence une réduction relative de leur fréquence à la fois sous acupuncture ou sous traitement usuel de 40%, il est nécessaire d’inclure 165 patients (pour une puissance de 90% et un risque alpha de 5%), soit 55 patientes par groupe dans un essai de supériorité à critère binaire.

Dernier point peut-être non négligeable, c’est qu’en terme économique, le traitement acupunctural (en moyenne 0,02€ l’aiguille) coûte moins cher au centre hospitalier que le traitement médicamenteux (exemple : temgésic® : 1,54 à 3,08€ ; profénid® suppos : 0,29 à 0,88€ ; diantalvic® : 0,47 à 0,71€, le tout en coût de traitement journalier).

Conclusion

L’acupuncture constitue une méthode efficace pouvant être intégrée avec succès à la prise en charge de la douleur lors des interruptions médicales de grossesse. Elle peut se substituer, surtout en cas d’intolérance ou d’allergie, à la prise d’antalgiques, permettant une diminution certaine de la douleur, et agit en plus sur l’inconfort et l’anxiété des femmes. Néanmoins cette étude clinique préliminaire doit être confirmée par un essai contrôlé randomisé en double aveugle de haute qualité méthodologique qui pourra même éventuellement montrer une supériorité autant sur la douleur que sur les effets secondaires liés à la prise soit de la mifépristone ou des antalgiques.


Annexe 1 : Explication du choix des points.

VB34 « yanglingquan – Source de la colline yang »

C’est le point ou s’amasse, s’unit le qi des tendons de l’ensemble du corps.

Il a ainsi une action fondamentale à la fois pour détendre, déployer, et favoriser une meilleure circulation dans les tendons

F3 « taichong  – Grand Carrefour »

Il a la propriété de disperser le qi du Foie, d’apaiser le Foie, et par conséquent de calmer la douleur.

Nous savons que l’organe Foie a pour mission de favoriser une circulation fluide du qi mais aussi des émotions. Ce point a une excellente action chez les gens tendus intérieurement ou qui ont tendance à intérioriser leurs émotions, ou qui doivent faire face à une frustration profonde et une colère refoulée.

C7 « shenmen – Porte de l’Esprit »

C’est le point le plus efficace pour calmer l’esprit en cas d’anxiété prononcée et de soucis dus à des situations particulièrement stressantes.

Rt8 « diji – Important pour la terre »

Comme tous les points xi, ce point lève les obstructions et calme la douleur.

C’est l’un des meilleurs points pour les dysménorrhées de tout type et probablement le meilleur pour celles qui sont provoquées par une stase de Sang. Il active le Sang et disperse les stases de Sang dans le Foyer Inférieur (il régularise le Sang de l’utérus).

GI4 « hegu – Vallée de la jonction »

Utilisé dans les troubles gynécologiques dus à une stagnation de qi et une stase de Sang, il est combiné au point Rt6.

Ce point a un puissant effet calmant et antispasmodique, de sorte qu’on l’utilise dans de nombreuses pathologies douloureuses, surtout si la douleur vient des intestins ou de l’utérus.

Enfin, GI4 est un point empirique qui facilite le travail pendant l’accouchement.

Rt6 « sanyinjiao – Intersection des 3 yins »

Il assure la libre circulation du qi du Foie lorsque celui-ci stagne, surtout dans le Réchauffeur Inférieur. Point incontournable pour les maladies qui impliquent un désordre du sang.

On peut donc l’employer pour éliminer les stases de Sang, surtout si elles sont liées à l’utérus.

Ce point a un effet puissant pour « aplanir » les obstructions et calmer la douleur. Dans le domaine émotionnel, il aide à assurer la libre circulation du qi du Foie, à calmer l’esprit, et à modérer l’irritabilité.


Références

 [1]. Stéphan JM. Pathologies du premier trimestre de grossesse accessibles à l’acupuncture. Acupuncture & Moxibustion. 2008;7(3):256-262.

[2].  Tran DD. Experience with therapeutic abortion by D&C suction type under acupuncture analgesia. Am J Chin Med (Gard City N Y). 1974 Jan;2(1):79-83.

[3]. Zhu Dan. Observation of the results of induced abortion of 408 cases with acupuncture anaesthesia. in selections from article abstracts on acupuncture and moxibustion, Beijing. 1987:319.

[4]. Stéphan JM. L’acupuncture autour de la naissance : analgésie durant l’accouchement. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(1):28-33.

[5].Begg C, Cho M, Eastwood S, Horton R, Moher D, Olkin I, et al. Improving the quality of reporting of randomized controlled trials. The CONSORT statement. Jama. 1996 Aug 28;276(8):637-9.

[6]. Martin DP, Sletten CD, Williams BA, Berger IH. Improvement in fibromyalgia symptoms with acupuncture: results of a randomized controlled trial. Mayo Clin Proc. 2006 Jun;81(6):749-57.

[7]. Streitberger K, Kleinhenz J. Introducing a placebo needle into acupuncture research. Lancet. 1998 Aug 1;352(9125):364-5.

[8]. Gerlier JL. L’acupuncture-placebo est-elle crédible ? Acupuncture & Moxibustion. 2003;2(1-2):88-89.

[9]. Gerlier JL. A la recherche du placebo idéal en acupuncture. Acupuncture & Moxibustion. 2003;2(3):165-167.

[10]. Gerlier JL. Le triple aveugle dans les études d’acupuncture est-il réalisable et est-il nécessaire ? Acupuncture & Moxibustion. 2003;2(4):237-238.

[11]. Ernst E, Lee MS. A trial design that generates only  »positive » results. J Postgrad Med. 2008 Jul-Sep ;54(3):214-6. 

[12]. MacPherson H, White A, Cummings M, Jobst KA, Rose K, Niemtzow RC. Standards for Reporting Interventions in Controlled Trials of Acupuncture: the STRICTA recommendations. J Altern Complement Med. 2002;8(1):85-9. 

Rigaut E, Stéphan JM. Étude préliminaire comparative du traitement de la douleur par acupuncture lors de l’interruption médicamenteuse de grossesse versus médication conventionnelle. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(3):196-203. (Version PDF imprimable)

Rigaut E, Stéphan JM. Étude préliminaire comparative du traitement de la douleur par acupuncture lors de l’interruption médicamenteuse de grossesse versus médication conventionnelle. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(3):196-203. (Version Globale Couleur)