L'exercice illégal d'une profession réglementée est passible de sanctions. Ainsi le Code pénal français punit d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende l'usage, sans droit, d'un titre attaché à une profession réglementée par l'autorité publique [[1]]. Pourtant, suite au rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF), trente-sept professions réglementées devraient être réformées et déréglementées [[2]]. Il s’agit essentiellement des professions juridiques (avocats, notaires, huissiers de justice, greffiers de tribunaux de commerce...) et des professions de santé (pharmaciens, vétérinaires, laboratoires de biologie médicale, médecins, chirurgiens dentistes...).
Ce rapport fait suite au rapport Attali, paru en 2008 sous le Président Sarkozy.
Les technocrates à la tête de la haute administration ont fait des propositions afin de mettre un terme aux « rentes de situations» de certaines professions dites réglementées. Selon ce document, le chiffre d'affaires cumulé de ces trente-sept professions représentait 235 milliards d'euros en 2010, leur bénéfice 42 milliards d'euros et leurs effectifs plus de 1 million de salariés. Des réformes ciblées sur certaines professions, comme la fin d’un monopole, pourraient générer une baisse des prix de 10 à 20 % dans les secteurs concernés avec un surcroît d'activité. Trente mesures permettraient de restituer six milliards d’euros de pouvoir d’achat !
Ainsi l’une des mesures préconisées pour les médecins est la remise en cause du numerus clausus et prônerait la libre installation et la formation sans sélection pour introduire davantage de concurrence.
C’est oublier un peu vite que la sélection est indispensable pour la garantie de la qualité de l’exercice de la profession et éviter tous les problèmes de santé publique, qui d’ailleurs surviennent malgré tout (il suffit de se souvenir des affaires médiator, sang contaminé, hormones de croissance, vaccin contre l’hépatite B, l’amiante etc.).
Il est donc clair que si une loi aboutissait pour déréglementer la profession de médecin, un acupuncteur non-médecin aurait toute latitude pour exercer l’acupuncture en dehors de la médecine !
Le S.N.M.A.F ne peut pas accepter cela et défend une acupuncture médicale exercée par des médecins.
Menace sur la formation des médecins acupuncteurs
En France, l’autorisation d’exercice de l’acupuncture est délivrée dans leur domaine de compétence aux médecins, chirurgiens dentistes et sages-femmes. Depuis 1974, le Conseil National de l’ordre des Médecins a autorisé les médecins qui pratiquaient l’acupuncture à faire état du titre « orientation acupuncture » sur leurs plaques et ordonnances afin d’informer les patients de leur mode d’exercice particulier. Jusque 1991, l’autorisation était délivrée par les Conseils Départementaux de l’Ordre suite à la présentation d’un diplôme obtenu au terme d’une formation en école privée ou d’un diplôme universitaire. Dès la création du diplôme interuniversitaire (DIU d’acupuncture) en 1987 et la sortie des premiers diplômés en 1990, les écoles de formation des médecins acupuncteurs ont fermé leurs portes. Jusqu’en 2007, date de la création de la Capacité de médecine d’acupuncture, seule l’obtention du DIU permettait l’exercice pour les nouveaux postulants. Cette Capacité est actuellement délivrée par :
- l’Université de Montpellier/Nîmes - Faculté de Médecine Montpellier I ;
- l’Université de Strasbourg - Faculté de médecine Strasbourg ;
- l’Université de Nantes - Faculté de médecine Nantes.
Les facultés de médecine de Paris, Bordeaux et Lyon qui délivraient la Capacité ont arrêté de le faire.
D’autres formations existent, mais le Conseil de l’Ordre des Médecins n’autorisent pas l’inscription acupuncture sur les plaques et ordonnances. Il s’agit du :
- Diplôme Universitaire (DU) d’acupuncture scientifique à Paris 11 dont la durée des études est d’un an ;
- DU acupuncture et douleur de Paris 5 (durée des études un an également).
D’autres diplômes comme le DIU d’acupuncture-obstétrique délivré en deux ans suivis d’une année de mémoire permettent aux médecins de se familiariser à l’acupuncture. Effectivement, la première année correspond à un DIU d'initiation à l'acupuncture médicale et garantit de meilleures chances d’obtenir le probatoire de la Capacité. Ces DIU se déroulent dans les facultés de Médecine Nîmes-Montpellier, Strasbourg, Lille, Rouen et Nantes. La faculté de Paris 13 a relancé également le DIU d'initiation à l'acupuncture médicale, suite à la disparition de la Capacité.
Il était question aussi de transformer la Capacité en Diplôme d’Etudes Spécialisées Complémentaire (DESC) de type 1 non qualifiant qui donne une compétence. Les DESC permettent une hyper-spécialisation dans laquelle un jeune médecin conserve son titre de spécialiste en médecine générale avec la compétence d’acupuncture.
Tout cet équilibre difficilement obtenu risque de voler en éclats suite au rapport Couraud-Pruvot. En effet, en janvier 2013, à la demande des Ministres en charge de la Santé et de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, un groupe de travail sur une réforme du troisième cycle des études médicales a vu le jour sous la co-présidence des Prs. Pruvot et Couraud [[3]].
Que dit ce rapport ?
- Le Diplôme d’Etudes Spécialisés (DES) est nécessaire et suffisant à l’exercice d’une spécialité ;
- Les DES seront découpés en trois phases :
- Une phase socle : apprentissage des connaissances basiques du 3e cycle avec au moins un stage dans la spécialité. Cette phase est sanctionnée par un examen final avec une possibilité de se réorienter.
- Une phase intermédiaire : de durée variable selon les spécialités, avec des stages hors spécialité maintenus. Elle se termine par la validation d’un mémoire et de la thèse.
- Une phase de mise en responsabilité : « interne senior » exerçant seul dans un cadre hospitalier.
- Les DESC seront supprimés et transformés en DES filiarisés.
Ce qui sous-entend aussi que les diplômes nationaux de formation continue de type Capacité comme l’acupuncture, sont voués à disparaître. Ce qui sous-entend également que l’acupuncture ne devra être enseignée que sous la forme d’une Formation Spécialisée Transversale (FST) sous la responsabilité d’un DES. En effet, les FST seront sous la responsabilité de la discipline hospitalo-universitaire correspondante qui en assure l’organisation, le fonctionnement et la validation.
Il existe treize DES de spécialités chirurgicales, vingt-cinq de spécialités médicales dont le DES de Médecine Générale, et le DES de biologie médicale. Ainsi, par exemple, il y a de fortes chances que l’acupuncture devienne une FST sous la responsabilité du DES de médecine générale.
Le S.N.M.A.F ne peut donc que vous encourager à demander rapidement votre qualification de spécialiste en médecine générale, surtout si ce projet de réforme aboutit. Un dossier peut être retiré au Conseil National de l’Ordre des Médecins [[4]]. Néanmoins, le S.N.M.A.F souhaite que les Médecins à Expertise Particulière de pratique exclusive de l’acupuncture puissent obtenir un statut spécifique, une spécialité d’exercice, le vingt-sixième DES de spécialité médicale... le DES de Médecine à Expertise Particulière, comme pourraient l’obtenir les médecins ostéopathes, homéopathes, les médecins du sport etc..
Bouffée d’oxygène
Je ne terminerai pas sans vous rappeler les dispositions de l’article 54 de la convention médicale. L’Arrêté du 22 septembre 2011 portant approbation de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes préconise d’employer le terme ANR (acte non remboursable) pour tous les actes ne figurant pas dans les quatre grandes indications cotées en QZRB001. Pour rappel : traitement adjuvant et de deuxième intention chez l'adulte pour les nausées et vomissements en alternative thérapeutique ; les antalgiques en association à d'autres traitements ; les syndromes anxio-dépressifs en association avec un programme de prise en charge globale ; l’aide au sevrage alcoolique et tabagique. De ce fait, il vous est possible de coter l’ANR sur facture séparée. Pour de plus amples détails, veuillez relire le texte explicatif du Dr Henri Truong Tan Trung paru dans le bulletin n°15 du S.N.M.A.F et consultable sur notre site www.acumedsyn.org. Notons toutefois que depuis avril 2013, il y a eu quelques changements. En effet en juillet 2013, les indications suivantes : toxicomanie (héroïnomanie), énurésie, récupération neuromotrice après accident vasculaire cérébral, paralysie faciale ont été supprimées de la CCAM et doivent donc être cotées en ANR.
Dr Jean-Marc Stéphan
Président du Syndicat National des Médecins Acupuncteurs de France (S.N.M.A.F)
Bulletin n°18 octobre 2014
[1]. Code Pénal. Article 433-17. Section 9 : De l'usurpation de titres. Loi n°2009-1437 du 24 novembre 2009 - art. 50. Legifrance.gouv.fr. [cited 2014 sep 13]. Available from: URL: http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=E5FBBD618077E9E2CC5702E1042B3B3B.tpdjo08v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006165374&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20140913.
[2].Union Nationale des Professions libérales (UNAPL). [cited 2014 sep 26]. Available from: URL: http://www.unapl.org/index.php/lire-larticle/bercy-publie-enfin-le-rapport-de-ligf-sur-les-professions-reglementees.html.
[3]. Inter Syndicat National des Internes (ISNI). Rapport Coureaud-Pruvot. Propositions pour une restructuration du troisième cycle des études médicales. [cited 2014 sep 26]. Available from: URL: http://isni.fr/wp-content/uploads/2014/04/Rapport-Couraud-Pruvot-avril14-2.pdf.
[4]. Conseil National de l’Ordre des Médecins. [cited 2014 sep 26]. Available from: URL: http://www.conseil-national.medecin.fr/demander-une-qualification-1240