Initiation à l'acupuncture médicale, un DIU qui pique notre curiosité
La demande en soins complémentaires est en forte hausse et les professionnels de santé sont de plus en plus nombreux à se former pour y répondre. Interview du Pr Julien Nizard, chef du service interdisciplinaire Douleur, Soins palliatifs et de support au CHU de Nantes, et responsable pédagogique du DIU Initiation à l’acupuncture médicale.
What’s up doc : À qui s’adresse le DIU Initiation à l’acupuncture médicale et quels sont ses objectifs ?
Julien Nizard : Nous formons uniquement des médecins et des sages-femmes, avec une capacité de 35 places par an. Je tiens à le souligner, à une époque où un grand nombre de patients ne font pas la différence entre la réflexologie plantaire et l’acupuncture par exemple, ni entre les profils des professionnels qui ont le droit d’exercer ces thérapies. Pourtant, en France, l’acupuncture ne peut être exercée que par des professionnels de santé, sinon il s’agit d’un exercice illégal de la médecine [NDLR : selon le Code de la santé publique, seuls les médecins, chirurgiens- dentistes, sages-femmes, kinésithérapeutes et infirmiers sont autorisés à pratiquer l’acupuncture]. Au CHU de Nantes, ce DIU s’intègre dans une offre de formation plus large en soins de support dans la prise en charge de la douleur et les soins palliatifs et s’appuie sur plusieurs thérapies complémentaires parmi lesquelles l’acupuncture, la médecine manuelle ostéopathique et l’hypnose. Toutes ces formations sont universitaires et diplômantes.
Pouvez-vous nous donner un aperçu du programme et du rythme ?
JN. : Il s’agit d’une formation visant à doter les médecins d’un corpus théorique et des bases culturelles et scientifiques de l’acupuncture. Nous abordons les aspects suivants : les grands concepts physiologiques ; les Zang Fu ; l’énergie, le sang et les liquides organiques ; les méridiens ; les facteurs éthiopathogéniques ; la neurophysiologie et l’Evidence-based medicine. L’enseignement est de 135 heures au total, donc compatible avec une activité professionnelle. Il alterne des apports théoriques, de l’analyse des pratiques et des mises en situation. Le contenu du DIU est validé par le Collège des enseignants francophones d’acupuncture médicale (CEFAM) – que je préside par ailleurs – qui a vocation à harmoniser les enseignements et à garantir leur qualité.
À l’issue de ce diplôme, quelles formations complémentaires sont nécessaires pour exercer l’acupuncture ?
JN. : Ce DIU d’initiation théorique doit être complété pour les professionnels qui souhaitent véritablement exercer. 90 % des inscrits poursuivent leur formation avec une capacité de médecine en acupuncture, qui est la seule formation à ouvrir droit au titre d’acupuncteur. Ceux qui ne poursuivent pas sont des médecins qui veulent comprendre les grands principes et les enjeux de l’acupuncture, sans vouloir l’exercer. Les autres capacités médicales d'acupuncture sont proposées à Nîmes, Paris et Strasbourg. Du côté des sages-femmes, nous avons à Nantes un DIU d’acupuncture obstétricale (seules 6 universités proposent cette formation : Lille, Nîmes, Paris, Rouen, Strasbourg et Nantes).
La demande augmente-t-elle pour les formations à l’acupuncture ?
JN. : Oui, pour les médecins, nous notons une augmentation des demandes, même si cette augmentation a été freinée par la crise sanitaire. Ces médecins sont majoritairement généralistes mais de plus en plus de spécialistes, notamment hospitaliers, sont intéressés. Les demandes des sages-femmes sont aussi en hausse, mais nous limitons le nombre d'inscriptions en première année à 30 afin de pouvoir offrir aux étudiants des terrains de stage suffisants pour une bonne formation. Les autres DIU d’initiation à l'acupuncture médicale se trouvent à Bordeaux, Nîmes, Paris, Rouen et Strasbourg. Par ailleurs, nous avons mis en place une formation à Tahiti, où il ne restait plus qu’un médecin acupuncteur. Nous venons d’y former 14 sages-femmes et sommes en train de former 14 médecins. La Réunion aussi est intéressée par la mise en place de ce diplôme.
Quelle est la place aujourd’hui de l’acupuncture dans les prises en charge hospitalières ?
JN. : Au CHU de Nantes, comme dans tous les CHU, nous respectons les recommandations internationales et le rapport de l’Académie de médecine de 2013 sur les thérapies complémentaires à l’hôpital qui dit, en résumé : il faut que la thérapie soit pratiquée par un professionnel de santé ; que l’enseignement soit de type universitaire (DU, DIU, capacités) et que le projet soit validé par le chef de service et l’institution. Les indications principales de l’acupuncture en routine hospitalière sont les douleurs (migraines, céphalées), les nausées et vomissements de la grossesse et le sevrage tabagique.
Par Sophie Cousin