Apport de l'acupuncture dans la prise en charge de l'hypothyroïdie.

Résumé : En Médecine Traditionnelle Chinoise, les perturbations des fonctions thyroïdiennes ne sont pas décrites comme pathologies, mais comme ensembles de symptômes regroupés en syndromes, à la différence du goître dont traitent les textes anciens comme une maladie. Il est possible de comparer, par analogie, la sémiologie des pathologies thyroïdiennes en médecine occidentale et les signes cliniques des zheng chinois. Il semble que nombre de fonctions thyroïdiennes soient comparables à celles du Feu de mingmen et du Rein dont dépend l'activité des zangfu, sur lesquels la thyroïde agirait en tant que régulateur. Le traitement de ces syndromes pourrait permettre un moindre recours aux antithyroïdiens de synthèse. Des études cliniques et des travaux d'acupuncture expérimentale vont dans ce sens. Mots-clés : acupuncture-hypothyroïdie-Rein-Feu de mingmen.

 

Samenvatting : In de traditionele Chinese geneeskunde, worden stoornissen van de schildklierfuncties niet beschreven als pathologieën, maar als een reeks symptomen gegroepeerd in syndromen, in gegenstelling tot struma, dat in oude teksten als een ziekte wordt behandeld. Het is mogelijk om naar analogie de semiologie van schildklier pathologieën in de westerse geneeskunde te vergelijken met de kilinische symptomen van Chinese zheng. Het lijkt erop dat veel schildklier functies vergelijkbaar zijn met die van de Mingmen Vuur en de Nier en waarvan de activiteit van de zangfu afhangt, waarvan de schildklier als regulator zou fungeren. De behandeling van deze syndromen zou een minder gebruik van synthetische schildkliermedicijnen mogelijk kunnen maken. Klinische studies en experimentele acupunctuurstudies wijzen in deze richting. Trefwoorden : acupunctuur-hypothyreoïdie-Nier-Vuur van Mingmen.

 

Summary: In Chinese Traditional Medicine, disturbances of thyroid functions are not discribed as pathologies, but as sets of symptoms grouped into syndroms, unlike goiter which ancient texts treat as a disease. It is possible to compare, by analogy, the semiology of thyroid pathologies in Western medicine and the clinical signs of Chinese zheng. It seems that many thyroid functions are comparable to those of the mingmen Fire and the Kidney and which the activity of the zangfu depends, on which the thyroid would act as a regulator. The treatment of these syndroms could allow less use of synthetic antithyroid drugs. Clinical studies and experimental acupuncture works point in this direction.  Keywords : acupuncture-hypothyroidism-Kidney-Fire of mingmen.

 

 

L'hypothyroïdie est définie par une insuffisance de sécrétion des hormones thyroïdiennes [2]. Elle peut être primitive, dûe à une atteinte de la glande thyroïde elle-même, ou secondaire, liée à une atteinte de l'axe hypothalamo-hypophysaire (insuffisance thyréotrope). Son diagnostic repose sur l'augmentation du taux de TSH sanguin, en raison de la levée du rétrocontrôle négatif des hormones thyroïdiennes sur les cellules thyréotropes de l'hypophyse. Le dosage de l'hormone T4 libre permet de distinguer une hypothyroïdie avérée d'une hypothyroïdie fruste.

Son étiologie la plus fréquente est la thyroïdite lymphocytaire chronique d'origine autoimmune, dont la forme clinique la plus fréquente est la thyroïdite d'Hashimoto. Sa prévalence est de 1 à 2% dans la population générale [1], avec une incidence plus élevée chez les femmes. Il s'agit donc d'un problème fréquent, qui constitue un vrai enjeu de santé publique. Traiter ces pathologies a un effet direct dans le cas d'une hypothyroïdie avérée (qualité de vie, dépression, mortailité, survenue d'évènements cardiovasculaires) ou peut prévenir la survenue de ces symptômes en cas d'hypothyroïdie fruste.

En Médecine Traditionnelle Chinoise, à la différence du goître qui est décrit dans les textes anciens tel une maladie (il est nommé ying dans des ouvrages datant de la période des Royaumes Combattants [3]), l'hypothyroïdie n'est pas décrite comme une "maladie" au sens occidental du terme. Il n'existe d'ailleurs aucune correspondance dans les textes anciens entre le goître et les symptômes de dysthyroïdie décrits en médecine occidentale. Ces symptômes sont ainsi traités selon la différenciation traditionnelle des tableaux pathologiques (zheng).

Nous pouvons évoquer le rôle du Rein et de sa fraction Yang, le Feu de mingmen, car il semble exister des analogies entre leurs rôles respectifs. Ce Feu de mingmen ayant un impact sur les fonctions des autres  zang-fu, nous pouvons également discuter du rôles de certains Organes et Entrailles dans la physiologie thyroïdienne. Puis, par analogie, nous pouvons décrire certains tableaux syndromiques traditionnels retrouvés lors des pathologies thyroïdiennes.

 

Généralités sur les fonctions thyroïdiennes

 

La glande thyroïde est une glande située à la base du cou. Elle est de nature endocrine [11]. Elle agit sur le métabolisme de la plupart des organes et des cellules de l'organisme. Son rôle a longtemps été un mystère et certains facteurs de son action restent imparfaitement identifiés. L'iode est un substrat central dans la synthèse des hormones T3 et T4 qui assurent ses différentes fonctions.

Celles-ci comportent : un rôle dans la croissance et la maturation foetale ; des effets sur le métabolisme (action calorigénique par augmentation de la consommation de dioxygène, effet hypolipémiant, effet hyper glycémiant par augmentation de l'absorption intestinale des glucides et de la production hépatique de glucose par modulation de la glycogénogénèse et de la glycogénolyse ; effets à la fois sur la synthèse et le catabolisme des protéines) ; un effet osseux (favorisation de la croissance osseuse par stimulation de l'hormone de croissance) ; des effets cardiovasculaires (augmentation du débit cardiaque par effet chronotrope, inotrope, dromotrope et lusitrope positifs et par diminution des résistances vasculaires périphériques, par myorelaxation les fibres musculaires lisses et ouverture de shunts artérioveineux) ; un effet musculosquelettique (hypercatabolisme musculaire et amyotrophie si hyperthyroïdie sévère) ; des effets sur le système nerveux (surtout foetal si hypothyroïdie lors de la grossesse).

 

Séméiologie de l'hypothyroïdie

 

La symptomatologie de l'hypothyroïdie est peu spécifique [2]. Elle dépend de l'ancienneté d'apparition, de son origine centrale ou périphérique et de la profondeur de l'atteinte. Dans les formes frustes, les symptômes sont peu ou pas présents. Ceux-ci peuvent être subdivisés en plusieurs groupes.

Tout d'abord, les symptômes d'hypométabolisme : asthénie physique et psycho-intellectuelle (parfois jusqu'au syndrome dépressif), somnolence, prise de poids (contrastant souvent avec une perte d'appétit), frilosité acquise, ralentissement du transit acquis (il importe de faire la différence avec des symptômes anciens), bradycardie (par hypométabolisme du muscle cardiaque, coexistant avec une baisse de la force contractile par baisse de l'action chronotrope et inotrope positive), voire hypothermie.

Ensuite, une atteinte de la peau et des phanères. La peau est sèche, squameuse, pâle ou jaunâtre. Il existe une absence de transpiration. Les cheveux sont secs et cassants, il existe une dépilation diffuse.

Il y a aussi une atteinte myxoedémateuse : syndrome du canal carpien secondaire, peau infiltrée et épaissie, surtout au niveau de la face dorsale des mains et des pieds, infiltration palpébrale voire de l'ensemble du visage ("faciès lunaire"), voix rauque (sur infiltration laryngée), hypoacousie (sur infiltration de la trompe d'Eustache), ronflements (sur macroglossie). Un syndrome d'apnée du sommeil secondaire est parfois retrouvé.

On note également une atteinte neuromusculaire (crampes, myalgies, voire tendinopathies, arthralgies, douleurs neuropathiques périphériques, syndrome cérebelleux ; parfois il existe une myopathie avec élévation des CPK) et d'autres conséquences endocriniennes (baisse de libido, hypofertilité sur anovulation, oligoménorrhée, ménorragies, voire galactorrhée).

Une anémie est fréquemment observée. La plupart du temps, il s'agit d'une anémie normochrome et normocytaire, mais elle peut parfois être macrocytaire. Il faut dans ce cas penser à une maladie de Biermer associée, dans le cadre d'une polyendocrinopathie auto-immune.

Enfin, l'hypothyroïdie peut occasionner certaines complications cardiovasculaires (coronaropathie surtout, par élévation du LDL cholestérol ; plus rarement insuffisance cardiaque et épanchement péricardique). Chez le sujet âgé, elle peut se compliquer d'une démence ou d'un syndrome confusionnel. A l'extrême, on observe un coma myxoedémateux (rare).

 


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Dr Alexandre Denis

237, rue nationale, 59800 Lille

Chargé d'enseignement à la faculté de médecine de Lille II  

Praticien attaché au CHRU de Lille, hôpital Jeanne de Flandres

 

Conflits d'intérêts : aucun