Cholécystectomie laparoscopique : la douleur postopératoire peut être soulagée par l’acupuncture

 

 

Jean-Marc Stéphan, Tuy Nga Brignol


Avec l’avancement des techniques, la cholécystectomie laparoscopique (CL) a progressivement remplacé la cholécystectomie ouverte traditionnelle dans la plupart des cas et a été utilisée

cliniquement pendant près de 40 ans. La CL peut diminuer mais pas encore éliminer la douleur postopératoire qui reste un problème gênant affectant les patients psychologiquement et physiologiquement. Cela peut provoquer des nausées, des vomissements, etc. Les douleurs après CL sont principalement des douleurs pariétales causées par une chirurgie traumatique et la mise en place d’un tube de drainage, des douleurs viscérales dues à l’étirement et à l’endommagement de la vésicule biliaire et des nerfs voisins et des scapulalgies, dorsalgies principalement liées à une irritation diaphragmatique résultant du CO2 pneumopéritoine pendant la chirurgie.

La cholécystectomie laparoscopique est donc actuellement la méthode la plus souvent utilisée pour le traitement des calculs biliaires symptomatiques. Une équipe chinoise de l'Université de Médecine Traditionnelle de Shanghai a réalisé un essai clinique randomisé chez des patients âgés entre 18 ans et 75 ans ayant reçu une CL entre 2020 et 2022. L’objectif était d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de l’acupuncture par rapport au parécoxib sodique sur la Douleur PostOpératoire (DPO) après CL.

Les critères d'inclusion sont basés sur le système de classification de l'état physique selon l'American Society of Anesthesiologists (ASA) :  ASA I : patient normal et en bonne santé et ASA II : patient atteint d'une maladie systémique légère.

Les quarante-deux patients éligibles admis pour CL ont été répartis de façon aléatoire dans le groupe Acupuncture ou dans le groupe contrôle selon un rapport 1 : 1, avec 21 patients dans chaque groupe. Il n’y a aucune différence significative au point de vue âge, genre, indice de masse corporelle, profession, niveau d'éducation ou maladie concomitante entre les deux groupes.

Les participants du groupe Acupuncture sont traités par acupuncture tandis que ceux du groupe contrôle reçoivent le parécoxib sodique. Les deux groupes reçoivent le parécoxib sodique supplémentaire à la demande si nécessaire. Le parécoxib est une prodrogue du valdécoxib, un inhibiteur sélectif de la cyclo-oxygénase (COX), responsable de la synthèse des prostaglandines. L'isoforme COX-2 de l'enzyme induite par des stimuli pro-inflammatoires est considérée comme étant le principal facteur responsable de la synthèse des médiateurs prostanoïdes de la douleur, de l'inflammation et de la fièvre. Le traitement par acupuncture est administré dans les deux heures suivant l'intervention de C, lorsque les patients sont de retour dans le service. Des aiguilles (0,25 × 40 mm) sont insérées de façon bilatérale à une profondeur d'environ 10 à 30 mm en fonction de l'emplacement des points 4GI (hegu) ; 5TR (waiguan) ; 34VB (yanglingquan) et 41VB (zulinqi). Les aiguilles sont manipulées 3 fois toutes les 10 min pour créer la sensation de "deqi". Elles sont retirées doucement et avec précaution pour éviter les saignements et hématomes sous-cutanés.

Figure 1. Le déroulement des interventions et des évaluations.

 

Les scores DPO, NVPO et ECB sont évalués à 0 h, 6 h, 9 h et 12 h après l'intervention de CL (figure 1). Le critère de jugement principal est le score de l’intensité de la DPO, évaluée en utilisant une Echelle Visuelle Analogique (EVA) à 0 h, 6 h, 9 h et 12 h après l'opération. Les scores EVA varient de 0 à 10. L’absence de douleur équivaut à 0. Plus le score est élevé, plus la douleur est intense. Les critères de jugement secondaires sont basés sur les scores NVPO (nausées et vomissements postopératoires) et les scores de l'Echelle de Confort de Bruggemann (ECB) ainsi que sur le nombre de patients demandant du parécoxib sodique supplémentaire dans les deux groupes, à 0–6 h et à 6–12 h. Le score NVPO varie de 0 à 10. Plus le score est élevé, plus les NVPO sont intenses. 0 équivaut à l’absence de nausées ou de vomissements, et 10 représente l’intensité maximale de nausées et de vomissements. Les scores ECB, allant de 0 à 4, permettent d’évaluer les niveaux de confort des patients : 0 représente une douleur persistante continue ; 1 : aucune douleur au repos mais douleur intense en respirant profondément ou en toussant ; 2 : aucune douleur en position couchée sans mouvement et une légère douleur en respirant profondément ou en toussant ; 3 : pas de douleur en respirant profondément ; 4 : pas de douleur en toussant.

Le score de douleur du groupe Acupuncture est plus faible que celui du groupe témoin, à 6 h et 9 h après la CL. Cependant, aucune différence n'a été trouvée à 12 h. Par ailleurs, le nombre de patients ayant reçu du parécoxib supplémentaire dans le groupe Acupuncture est inférieur à celui du groupe témoin, à la fois pour les intervalles 0–6 h et 6–12 h après CL. Dans le groupe Acupuncture, les scores NVPO sont plus faibles et les scores ECB plus élevés à 6 h après CL par rapport au groupe témoin. Cependant, aucune différence n'’est décelée à 9 h et à 12 h.  Aucun événement indésirable grave n’est signalé dans les deux groupes.

D’après les résultats de cette étude, l'acupuncture peut donc améliorer le traitement à court terme de la douleur postopératoire après CL et réduire la demande supplémentaire d'analgésiques.

Néanmoins, cette étude présente certaines limites. En voici quelques-unes. Tout d’abord, il n’y avait pas de groupe d’acupuncture fictif en tant que groupe témoin, donc on peut regretter la mise en place d’un groupe d’acupuncture fictive. Par ailleurs, on peut aussi que le temps d’observation a été limité et aucune enquête de suivi n’a été menée. Ainsi, l’effet analgésique à long terme de l’acupuncture et les fréquences optimales d’acupuncture restent inconnus.

 

Wang F, Peng P, Zheng Y, Cheng S, Chen Y. Effect of Acupuncture on Postoperative Pain in Patients after Laparoscopic Cholecystectomy: A Randomized Clinical Trial. Evid Based Complement Alternat Med Jan 2023:3697223. Doi:10.1155/2023/3697223.

 


Acupression auriculaire : un moyen complémentaire pour réduire la tachycardie sinusale

La tachycardie sinusale inappropriée (TSI) est une entité clinique caractérisée par une fréquence cardiaque au repos supérieure à 100 battements par minute (bpm), avec une fréquence cardiaque moyenne supérieure à 90 bpm sur un moniteur Holter ECG de 24 heures, chez des patients souffrant de palpitations, de dyspnée, ou de vertiges en l'absence de toute cause primaire de tachycardie. Les mécanismes à l'origine de la TSI pourraient être soit une dysfonction inhérente de l'automaticité du nœud sinusal, soit un déséquilibre extrinsèque entre les influences sympathique et parasympathique sur la fréquence cardiaque. L'acupuncture auriculaire (AA) utilisée avec une pression appliquée aux points d'acupuncture de l’oreille par des graines matures de Vaccaria semen (Wang bu liu xing) pourrait agir sur cette TSI.

De ce fait, une étude pilote a été menée au Vietnam chez 120 volontaires sains (indices hémodynamiques dans les limites normales) pour évaluer les variations du pouls et de la tension artérielle après AA au « point cœur auriculaire »), soit de l’oreille gauche, soit de l’oreille droite, soit dans les deux oreilles. Une induction d’une tachycardie sinusale expérimentale et d’une hypertension artérielle a été réalisée par la méthode de pression au froid : les participants devaient immerger leurs pieds dans de l’eau froide à 7°C pendant 3 minutes. Ensuite, ils ont été répartis de façon aléatoire en quatre groupes (30 participants/groupe) : un groupe contrôle sans aucune application d'acupression auriculaire, et trois groupes recevant une acupression auriculaire, soit à l’oreille droite, soit à l’oreille gauche, soit dans les deux oreilles. Avant AA, il n'y a aucune différence statistique entre les quatre groupes en fréquence du pouls et en variation de la tension artérielle. Après AA, une réduction significative de la fréquence du pouls est observée dans les trois groupes AA, sans différence statistiquement significative entre les trois groupes. Par ailleurs, les variations de la pression artérielle avant et après AA ne sont pas statistiquement significatives entre les groupes.

L’acupression auriculaire a été réalisée sur la zone CO15, appelé aussi « Cœur auriculaire ». Cela agirait par stimulation du système sympathique sur le nerf Vague, grâce à l’appui pendant environ 30 secondes de façon à induire une sensation de chaleur ou d'engourdissement (« deqi ») (figure 2). Les participants restaient au repos et les graines laissées pendant 17 minutes.

Figure 2. Localisation de quelques points d’acupuncture auriculaires.

 a : « rein » : l’arrière de l’hélice de l’oreille inférieure (c’est-à-dire la région de la conque 10, CO10) ; b : « poumon » : adjacent à la zone du « cœur » et de la « trachée » (c’est-à-dire la région de la conque 14, CO14) ; : « cœur » : dans la dépression de la cavité de l’oreille moyenne (c’est-à-dire la région de la conque 15, CO15) ; d : « Shenmen » : dans la partie supérieure du 1/3 postérieur de la fosse triangulaire (c’est-à-dire la région de la fosse triangulaire 4, TF4) ; e : « endocrinien » : à l’intérieur de l’encoche intertragienne de la conque antérieure inférieure (c’est-à-dire la région de la conque 18, CO18) ; : « sous-corticale » : à l’intérieur de la face interne du tragus (c’est-à-dire la région du tragus 4, AT4). Graphique issu de : Yan CN, Yao WG, Bao YJ, Shi XJ, Yu H, Yin PH, Liu GZ. Effect of Auricular Acupressure on Uremic Pruritus in Patients Receiving Hemodialysis Treatment: A Randomized Controlled Trial. Evid Based Complement Alternat Med. 2015;2015:593196.

 

 

D’après les résultats de cette étude, l'acupression au « point cœur auriculaire » pourrait être utilisée comme méthode complémentaire pour réduire la fréquence du pouls chez les personnes atteintes de tachycardie sinusale inappropriée. Néanmoins, il est nécessaire de réaliser davantage d’études avec des échantillons plus importants pour vérifier cette affirmation.

 

DTT Trinh , VH Nguyen, MM Pham Bui , VD Nguyen , TTT Nguyen, HN Thai, KM Thai. Auricular Acupressure Effect on Autonomic Responses Evoked by a Cold Pressor Test in Healthy Volunteers: A Pilot Study. Evid Based Complement Alternat Med. 2022 Dec 13;2022:5703760.

 


Problèmes émotionnels liés à l’infertilité : résultats encourageants de l’acupuncture et techniques associées 

 

Une équipe coréenne a réalisé une revue systématique et une méta-analyse pour évaluer l'efficacité et la sécurité de l'acupuncture et des techniques dérivées de l’acupuncture dans le traitement des problèmes émotionnels chez des femmes souffrant d’infertilité.

Des essais contrôlés randomisés (ECR) enregistrés dans 11 bases de données, dont PubMed, EMBASE et Cochrane Library, depuis leur création jusqu'au 30 juin 2023 ont été recensés. L'intervention témoin comportait l'absence de traitement, un traitement d'acupuncture fictif simulé, un traitement standard conventionnel seul, ou un traitement combiné (acupuncture plus traitement conventionnel). Les problèmes émotionnels ont été définis comme l'anxiété, la dépression, une faible estime de soi, la détresse, la peur, la panique et la nervosité. Il n'y avait aucune restriction concernant l'âge, la race, la nationalité, l’éducation ou le statut économique.

L’acupuncture et les techniques dérivées de l’acupuncture (acupression, électroacupuncture, auriculothérapie, craniopuncture, pharmacopuncture, neurostimulation électrique transcutanée sur les points d’acupuncture -TEAS) ont été étudiées. Les 12 ECR sélectionnés, impliquant 1 930 femmes, ont été réalisés entre 2009 et 2020.

Les échelles d'évaluation liées aux émotions sont utilisées comme critères de jugement principaux. Les critères de jugement secondaires ont été (1) le taux d'efficacité global pour les problèmes émotionnels, (2) la qualité de vie, (3) le taux de grossesse clinique, (4) les événements indésirables.

L’anxiété était le symptôme émotionnel le plus fréquemment étudié (10 ECR), suivie par la dépression (4 ECR), une faible estime de soi (2 ECR) et le stress lié à l’infertilité (1 ECR).

Les résultats ont montré que par rapport au traitement témoin, l'acupuncture et les techniques dérivées améliorent de manière significative les scores d’échelles d’évaluation liées à l’anxiété (figure 3), et d'auto-évaluation de la dépression. Par ailleurs, la méta-analyse a aussi montré que le traitement par acupuncture a un effet bénéfique sur le taux de grossesse clinique. Aucun événement indésirable n’a été signalé.

Cette étude démontre le potentiel de l’acupuncture et des techniques dérivées dans la prise en charge des problèmes émotionnels chez les femmes infertiles. Cependant, des ECR bien conçus et de haute qualité sont nécessaires.

Figure 3. Échelle d’auto-évaluation de l’anxiété. AT : traitement d’acupuncture ; NT : pas de traitement ; ST : traitement fictif. La différence moyenne standardisée globales (SMD) :  −3,58, IC à 95 % −6,07 à −1,09), mais existence d’uen grande hétérogénéité I²=98%.

 

Hwang SI, Yoon YJ, Sung SH, Cho SJ, Park JK. Acupuncture Treatment for Emotional Problems in Women with Infertility: A Systematic Review and Meta-Analysis. Healthcare (Basel). 2023 Oct 10;11(20):2704.


Dr Jean-Marc Stéphan

Coordinateur du DIU d’acupuncture obstétricale Université de Lille - Faculté de Médecine

Président de l’association « Acupuncture & Moxibustion »

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ORCID : 0000-0002-3377-2280

Conflit d’intérêts : aucun

 Dr Tuy Nga Brignol

Vice-Présidente de l’ASMAF-EFA

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ORCID : 0000-0002-3775-1209

Conflit d’intérêts : aucun