Repenser et redélimiter notre champ professionnel

Résumé : Un point de vue "absolu" prétendant décrire « l’essence » de la médecine chinoise n’a que peu de sens. On ne peut qu’adopter des points de vue relatifs adaptés à des objectifs qui sont 1) soit professionnels et disciplinaires (les disciplines médicales et les professionnels de santé d’un côté, les disciplines des sciences humaines et sociales de l’autre), 2) soit idéologiques (instrumentalisation de la médecine chinoise au profit d’intérêts extra-médicaux). En fonction des objectifs se construisent des images très différentes de la médecine chinoise. Les médecins ont donc à définir leur point de vue professionnel. Cet abord médical se doit 1) d’être dégagé des idéologies et 2) en cohérence avec le cadre de référence collectivement admis de la médecine. Mots clés : science- tradition- altérité- idéologie - champ professionnel- laïcité.

Summary: An "absolute" viewpoint claiming to describe the "essence" of Chinese Medicine is of little meaning. On Chinese Medicine we can only describe relative viewpoints tailored to objectives that are 1) professional and disciplinary (medical disciplines and healthcare professionals on one hand, disciplines of Humanities and Social Sciences of the other), 2) or ideological (instrumentalization of Chinese Medicine in favor of extra-medical interest). Depending on the objectives are built very different images of Chinese medicine. Physicians therefore have to define their professional perspective. This medical viewpoint must 1) be free from ideologies and 2) consistent with the collectively agreed framework of medicine. Keywords: science - tradition – otherness - ideology - professional field – secularism.

 

Acupuncteurs et médecins

En tant que médecin acupuncteur nous partageons deux caractéristiques :

"  d’une part nous avons un champ de travail commun : l'acupuncture et la médecine chinoise ;

"  et d'autre part nous sommes des médecins : nous avons reçus la même formation et le même diplôme, nous exerçons dans le système de soins français et dans ce cadre nous avons défendu collectivement le monopole médical sur l’acupuncture, nous sommes soumis aux règles légales et déontologiques de la médecine française [1].

Au cœur de notre activité professionnelle se pose donc obligatoirement, d'une façon ou d'une autre, la question de l'articulation entre médecine chinoise et médecine occidentale. Le paradoxe est que la nature et la façon dont s’opère cette relation ne sont jamais collectivement décrites ou formulées. Bien sûr individuellement chacun s’est construit un schéma fonctionnel, mais collectivement cela reste du domaine de l’implicite. Il en est ainsi parce que dès que la question est posée, et quelle que soit la façon dont elle est posée, nous butons inéluctablement sur des prises de position individuelles indépassables et incompatibles à propos de la relation de la médecine chinoise à la science : rapports logiques et naturels, ou rapports contraints et illégitimes. Notre discours collectif [2] est rendu incohérent parce que ce qui fonde notre activité professionnelle est collectivement occulté et reste indéfini.

Le compromis

Si les choses ne sont pas formulées, il y a néanmoins un apparent consensus tacite qui s’exprime notamment dans l’enseignement ou encore au sein des structures professionnelles de l’acupuncture. Ce consensus tacite distingue d’un côté une médecine chinoise avec ses « bases traditionnelles », et de l’autre une médecine occidentale avec entre les deux une zone de contact et de chevauchement, constituant les « bases modernes » comportant principalement un modèle interprétatif de type neurophysiologique, mais aussi l’évaluation (figure 1).

Figure 1. Le consensus tacite d’une médecine duelle. 

Mais ce modèle est fondamentalement un compromis. 

 -        Il ne nous dit rien sur l’amplitude attendue du chevauchement ni sur sa légitimité. Il peut tout aussi bien être interprété comme une avancée positive de la science ou au contraire perçu négativement comme une dénaturation, une réduction ou une occidentalisation de la tradition. C'estàdire qu’il élude en fait la question posée sur la relation de la médecine chinoise à la science.

-        Il n’explicite pas ce qui distingue réellement un énoncé A de la médecine chinoise d’un énoncé B de la médecine occidentale. Dire qu’A est « traditionnel » et B « scientifique » ne fait que repousser la question dans la mesure où le rapport du « traditionnel » au « scientifique » n’est pas lui-même défini.

-        Plus encore, ce modèle consacre une dualité médecine chinoise / médecine occidentale et ainsi l’existence de deux médecines. Mais apparait alors une contradiction avec la prétention à l’universalité de la médecine occidentale. En tant que médecin et acupuncteur nous sommes en porte-à-faux : comment concilier cette prétention de la médecine occidentale à constituer le « tout » (LA médecine) et l’affirmation qu’elle ne serait en fait qu’une « partie de ce tout » ? Comment tout à la fois poser le principe de l’unité de la médecine (« il n’y a qu’une médecine ») et décrire ensuite une médecine duelle ?

Cette contradiction a deux réponses habituelles dans le champ de l’acupuncture :

-        A la prétention universelle de la médecine occidentale (le savoir « scientifique ») est opposée une autre universalité, d’une autre nature, celle du savoir « traditionnel [3] ». Mais si ces savoirs sont réellement de nature différente quelle est l’utilité de notre formation médicale ? En quoi cela nous concerne-t-il en tant que médecins ? Est-ce simplement conciliable éthiquement avec notre métier et notre statut ?

-        Une autre réponse est d’évacuer simplement le corpus médical chinois et ne conserver que la zone supposée de chevauchement pour définir une « acupuncture médicale occidentale  [4] ». Mais alors, de quoi parle-t-on exactement ? Pourquoi conserver le terme « acupuncture » ?

Ces deux positions sont en fait des positions en miroir qui se nourrissent l’une de l’autre (c’est en cela que leur association paradoxale est possible) et fondées sur le même présupposé d’une altérité fondamentale et indépassable entre la médecine chinoise et la médecine occidentale : altérité magnifiée d’un côté, altérité déclassée de l’autre.

Cette altérité est reliée à un autre présupposé qui est le caractère absolu des savoirs, tant des savoirs « traditionnels » que des savoirs « scientifiques ». Se met ainsi en place au sein de notre domaine un double jeu mortifère autour de la question centrale de l’altérité avec une vision fantasmée de l’autre (la médecine chinoise) comme de soi (la médecine occidentale).

 

Nommer ce dont nous parlons

Le préalable à une articulation entre médecine occidentale et médecine chinoise est d’expliciter ces deux expressions, de définir ce dont nous parlons. Les dénominations sont en elles-mêmes problématiques : on parle couramment et indifféremment

-        d’un coté de « médecine occidentale », « médecine moderne » ou encore de « médecine scientifique »,

-        et de l’autre de « médecine chinoise » ou encore de « médecine traditionnelle chinoise » (MTC).

Ces termes sont équivoques car polysémiques.

« Tradition » peut se référer à quelque chose d’immuable, qui a toujours été mais tout aussi bien à quelque chose qui se transmet, se transforme et évolue de génération en génération en fonction des contextes. Selon le sens utilisé le rapport de proximité entre les deux médecines est modifié radicalement.

« Scientifique » aussi est polysémique : il peut désigner quelque chose qui est prouvé, démontré, (c’est la science faite, aboutie) mais il désigne aussi d’une façon plus générale la méthode, le processus du travail scientifique (la science en marche). Notre médecine est scientifique non pas parce que l’ensemble de ses énoncés sont prouvés et démontrés (la question majeure de l’évaluation des pratiques ne se poserait pas), mais simplement parce qu’elle se place dans le cadre et les règles du processus scientifique. « Scientifique » a ainsi au moins deux sens mais qui vont être utilisés de façon asymétrique : pour la médecine chinoise on parlera de « scientifique » dans le sens d’une exigence de preuve, mais pour la médecine occidentale simplement dans le sens d’une exigence de méthode. Cela se retrouve dans l’évaluation des thérapeutiques où pour l’acupuncture il est demandé le plus haut niveau de preuves (métaanalyses avec en plus mise en évidence d’un effet spécifique), là où pour les thérapeutiques de la médecine occidentale le simple consensus professionnel ou le simple essai contrôlé randomisé est déjà une preuve justifiant des recommandations [5]. L’ambigüité dans les dénominations construit une altérité et cette altérité est le prétexte à une inégalité.

« Occidental », « moderne », « scientifique » sont des qualificatifs géographiques, historiques ou méthodologiques appartenant à des registres différents utilisés comme s’ils étaient solidaires. Cette terminologie flottante et changeante construit une médecine chinoise antithèse de la médecine occidentale : d’ailleurs, non moderne et non scientifique. L’altérité est posée a priori dès les dénominations biaisant ainsi la question de la relation entre les deux médecines.

Observons également que les couples Orient / Occident, modernité / tradition, sciences / non sciences sont en eux-mêmes porteurs de vastes controverses dans le champ des sciences humaines et sociales. La médecine chinoise devient ainsi un enjeu qui dépasse largement le cadre médical et inversement le champ médical est contaminé, le plus souvent à l’insu des praticiens, par ces controverses.

Le présupposé de l’altérité de la médecine chinoise

Figure 2. Altérité ou universalité ? Le champ de travail de l’ethnologue est la confrontation de leur altérité, celui du pédiatre pose le principe premier de leur universalité, c'est-à-dire que le point de vue est contingent à l’objectif professionnel.

Sont-ils différents ou semblables (figure 2) ?

-        Leur altérité peut apparaître une évidence sur un plan ethnologique, anthropologique, historique, linguistique, social ou culturel.

-        Mais leur universalité sur bien d’autres plans est tout aussi évidente.

Ils sont tout à la fois singuliers et universels. C’estàdire que tout autre est semblable et tout semblable est autre. Pointer une similitude ou une altérité ce n’est que définir un point de vue, c’est une prise de position. On ne décrit pas une réalité absolue intrinsèque, mais simplement un point de vue relatif adapté à un objectif. Il en est de même pour la médecine chinoise. La nature de la médecine chinoise n’est pas d’être l’« autre médecine » par rapport à la médecine de l’Occident [6]. Cet essentialisme édicte une altérité et prétend y confiner la médecine chinoise. Ce qui est déterminant dans une description et une analyse de la médecine chinoise, c’est l’objectif poursuivi et le point de vue ainsi adopté. En fonction des objectifs assignés se construisent des images relatives très différentes modifiant fondamentalement le rapport de proximité entre les deux médecines. Ces objectifs descriptifs peuvent être idéologiques ou professionnels.

Points de vue idéologiques

Le point de vue idéologique sur la médecine chinoise est en France originel. La réception de l’acupuncture dans le milieu médical français des années 1930 est permise par le contexte du néohippocratisme [7] et d’un débat entre modernité et tradition. La guerre de 14-18 est perçue par beaucoup d’intellectuels comme annonciatrice d’un effondrement de la civilisation occidentale. La modernité et les Lumières sont désignées comme en étant la cause, justifiant un retour aux valeurs de la tradition. Le néohippocratisme est ainsi la version médicale du non-conformisme, réaction hostile à la science, au progrès et à la rationalité. En arrièreplan se situent des courants de pensée liés aux néo-spiritualités, à l’ésotérisme et l’occultisme avec la figure tutélaire de René Guénon [8].

Dès l’origine, médecine chinoise et acupuncture ont ainsi été instrumentalisées en France dans un combat idéologique de la tradition contre la modernité ; tradition, étant utilisé dans une assertion « guénonienne » très étroite avec des présupposés qui n’ont cours que dans le milieu des adeptes. Ce point de vue idéologique originel se prolonge fortement jusqu’à aujourd’hui dans notre champ professionnel (y compris et d’abord dans l’enseignement) sous de multiples formes plus ou moins dégradées, ouvertes ou masquées, consciemment ou à l’insu des acteurs.

Ce qui est réellement en question, ce n’est pas le rapport de la médecine chinoise à la science, mais bien un rapport individuel ou de groupe à la science, ce qui n’est pas du tout la même chose.

Points de vue professionnels

L’altérité peut être construite pour des objectifs idéologiques mais aussi pour des objectifs professionnels.

Les médecins et les professionnels de santé ne sont pas les seuls à avoir la médecine chinoise comme champ de travail possible. D’autres disciplines, notamment dans les sciences sociales et humaines s’y intéressent : sinologie, anthropologie, ethnologie, histoire des sciences, sociologie des sciences ... Chacune de ces disciplines définit son propre regard sur la médecine chinoise, avec ses objectifs, ses questionnements, ses outils et ses méthodes qui ne sont pas interchangeables. Le point de vue des sciences humaines est celui de la culture : elles tendent tout naturellement à décrire une médecine chinoise enchâssée dans la pensée et la civilisation chinoise, donc à pointer les différences avec l’Occident et sa médecine et ainsi contribuer à construire une altérité. Ce point de vue culturaliste est d’autant plus fort que les sciences humaines sont largement traversées depuis les années 80 par les questions du relativisme culturel et cognitif [9].

Le point de vue de la médecine est celui de la nature. Le médecin est soumis à la contrainte universelle du corps humain et de sa pathologie, il est face à un patient là et aujourd’hui, le sinologue, lui, est face à un texte élaboré dans un tout autre contexte de temps et de lieu. Le sinologue n’a pas à se préoccuper de la pertinence d’un énoncé de la médecine chinoise, alors que cette question est éthiquement centrale pour le médecin. Le travail du médecin est ainsi inversé par rapport à celui du sinologue : il doit mettre de côté la langue, la culture ou la société d’origine d’un énoncé pour juger de sa valeur universelle selon les règles et objectifs de sa discipline. La valeur d’un énoncé médical n’est pas liée à une authenticité historique mais à sa pertinence indépendamment des contingences de lieu, d’époque ou de culture. Objectifs et questions posés par les différentes disciplines sont simplement de natures différentes et relèvent de champs différents.

Les points de vue professionnels sur la médecine chinoise (sciences humaines / médecine) n’expriment rien d’autre que la distinction classique entre nature et culture. Dire que nature et culture sont complémentaires ou que sinologue et médecin sont complémentaires sont des truismes qui éludent ce qui relève effectivement de la responsabilité professionnelle des uns et des autres. Le préalable à l’interdisciplinarité est une conscience claire du périmètre, des objectifs et des méthodes de chacune des disciplines.

A côté des médecins il existe également d’autres praticiens utilisant la médecine chinoise : les praticiens « non- médecins » (c’est-à-dire sans formation médicale « occidentale »). Pour des raisons compréhensibles d’intérêt professionnel ils tendent tout naturellement à dissocier médecine chinoise et médecine occidentale : il s’agit pour eux d’entamer le monopole médical là où il est établi (France) ou encore se prémunir des exigences et des contraintes de la médecine en tant que pratique scientifique dont ils n’ont pas acquis la compétence. Les non-médecins occidentaux contribuent ainsi très fortement à la construction d’une altérité. Ce constat est notable chez les « leaders » formés en Chine dans les institutions médicales chinoises. Si les contenus médicaux de leurs traités sont globalement concordants avec les publications chinoises équivalentes, on observe de façon systématique l’affirmation d’une altérité irréductible avec la médecine occidentale [10], alors que ce présupposé n’est jamais formulé dans les traités chinois sources. C’est-à-dire que si les énoncés sont similaires, il leur est donné un sens épistémologiquement différent, et cette distorsion est lourde de conséquences d’un point de vue heuristique.

Définir d’où nous parlons : le point de vue médical

Il y a des points de vue idéologiques et des points de vue professionnels sur la médecine chinoise et le discours est contingent du point de vue adopté. Il n’y a pas lieu de porter un jugement de valeur, l’essentiel est simplement de définir le point de vue à partir duquel les médecins s’expriment collectivement. Notre point de vue professionnel se doit 1) d’être dégagé des idéologies [11] et 2) en cohérence avec le cadre de référence collectivement admis de la médecine. Les médecins font partie d’une communauté professionnelle savante dans laquelle ils ont été formés. Ils partagent un ensemble de savoirs théoriques, de pratiques, de savoir-faire, d’outils, de méthodes, de normes et de règles de fonctionnement élaborées et discutées collectivement au cours du temps. Ce cadre de référence professionnel est considéré comme le plus efficace et fécond pour atteindre les objectifs assignés à la médecine : la prévention et le traitement des maladies, la description de l’organisation et du fonctionnement du corps humain. C’est en cela et par rapport à ces objectifs qu’être médecin est un atout puissant pour valoriser la médecine chinoise.

On peut très bien considérer le savoir scientifique comme un savoir parmi d’autres et la science comme une idéologie parmi d’autres [12], mais cela ne modifie en rien la question : il faut simplement définir d’où nous parlons collectivement. Soit nous parlons d’un point de vue interne à la science, soit d’un point de vue externe. L’entre-deux, pas plus que le passage à volonté d’un point de vue à un autre ne saurait exister car l’efficacité propre de la science réside justement dans un ensemble de règles auxquelles on ne peut déroger selon ses convenances ou intérêts. Un point de vue médical place la médecine chinoise au sein de la médecine et de la science.

La médecine chinoise comme discipline médicale

L’altérité ne va nullement de soi et est intenable professionnellement. Elle n’est énoncée comme postulat idéologique que pour rendre, à un moment donné, illégitime la science dans le champ de la médecine chinoise. Inversons le problème : là où la science devient réellement illégitime s’arrête notre champ de compétence.

Dans l’ensemble du champ médical, la médecine chinoise se présente de fait comme une discipline médicale : « c’est la partie de la médecine qui a pour objet l’étude, l’application et le développement des savoirs et pratiques originaires du monde chinois [13] ». Ceci a pour implication que les énoncés de la médecine chinoise ont a priori le même statut épistémologique que l’ensemble des énoncés médicaux [14] et que ce faisant ils ont à être étudiés avec les mêmes méthodes et les mêmes règles, et discutés loyalement au sein de la communauté médicale. La médecine chinoise est une discipline médicale dont il faut définir le périmètre, la méthode et les contenus.

Son périmètre ne peut être contenu que dans le périmètre général de la médecine : 1) la prévention et le traitement des maladies et 2) la description de l’organisation et le fonctionnement du corps humain. Ce périmètre rend hors champ toutes les questions, par exemple, de cosmologie, cosmogonie ou métaphysique. Cela ne veut pas dire que ces questions soient sans intérêt, cela veut dire qu’elles ne relèvent pas de notre compétence professionnelle.

La méthode ne peut être que la méthode scientifique à laquelle nous avons été formés. C’est-à-dire un mode rationnel de questionnement et d’exploration de la nature et des réponses qui sont collectivement discutées selon des règles collectivement acceptées. La médecine chinoise pose deux grandes questions : 1) ses pratiques sontelles efficaces ? et 2) ses savoirs sontils pertinents ? Ces questions ne sont pas une brimade que l’on ferait subir à la médecine chinoise, ce sont des questions que la médecine se pose pour chacun de ses énoncés et c’est justement là le moteur de ses progrès.

Les contenus sont des pratiques (des thérapeutiques) et des savoirs (des théories). Mais pratiques et savoirs posent des problèmes différents qui doivent être dissociés. L’évaluation des thérapeutiques est depuis les années 80-90 techniquement bien codifiée. Ce processus est bien enclenché pour l’acupuncture avec une masse très importante de données et un champ de validation de plus en plus étendu. Observons que sans les aspects thérapeutiques la question des théories ne se poserait tout simplement pas. Il faut alors considérer la médecine chinoise comme une discipline thérapeutique qui mobilise des savoirs opératoires particuliers.

Les théories de la médecine chinoise

Les théories de la médecine chinoise peuvent être abordées à partir de trois aspects : 1) leur domaine d’application, 2) leur statut épistémologique, 3) leur spécificité.

Domaine d’application :

Nous parlons des théories médicales chinoises, leur champ d’application et de validité est celui de la médecine. Ce n’est pas parce qu’une théorie a éventuellement d’autres applications possibles dans d’autres champs que cela nous concerne professionnellement. « Yinyang » et « wuxing » par exemple ont uniquement à être discutés dans le contexte médical en tant que système de classification et d’organisation d’objets et de phénomènes relatifs au corps humain. La conséquence est importante : on n’a pas à démontrer la réalité d’un système de classification, on a simplement à démontrer sa pertinence et sa pertinence, si elle existe, n’est pas absolue et générale, mais relative, ne s’appliquant qu’à des aspects particuliers.

Statut épistémologique.

Une théorie scientifique n’est pas le reflet absolu de la réalité, mais une approximation qui tend au fil du temps à devenir de plus en plus précise ou au contraire, à un moment donné, être supplantée par une autre plus pertinente à décrire le réel. Une théorie est conservée tant qu’elle garde un certain intérêt notamment opératoire ou heuristique. Les méridiens existentils ? Le qi existeil ? Il est naïf de poser la question ainsi. La question appropriée est de quoi sontils l’approximation ? En l’état actuel ces approximations sous-tendent un grand nombre de pratiques. Elles ont au moins une pertinence opératoire qui demande à être interrogée.

Spécificité

On qualifie souvent nos savoirs de « spécifiques ». Mais ce n’est pas parce qu’ils sont spécifiques qu’ils sont d’une autre nature que ceux de la médecine occidentale. Toute discipline médicale possède ses propres savoirs qui sont d’abord mis en discussion en son sein. La psychiatrie, la chirurgie ou tout autre discipline développent des savoirs, des savoirfaire, des classifications cliniques ou autres qui ne vont pas de soi à l’extérieur et qui n’ont en l’état qu’une pertinence opérationnelle. Ce sont des savoirs disciplinaires qui ont à être analysés avec les mêmes méthodes et les mêmes règles.

Conclusions

Tous les concepts médicaux chinois peuvent être placés, mobilisés et discutés dans le champ rationnel de la médecine, c'est-à-dire dans notre cadre professionnel. Il n’y a pas lieu de les subordonner à des principes métaphysiques ou de les surinterpréter dans un univers symbolique. La médecine chinoise décrit des phénomènes et des objets (anatomiques, physiologiques, cliniques ou thérapeutiques) accessibles à l’expérience et à l’expérimentation et donc à la réfutation. C’est en cela que la médecine chinoise est de nature scientifique et ce que l’on appelle « scientifisation » n’est rien d’autre que le processus normal du travail scientifique à l’intérieur d’une discipline des sciences de la nature. On évoque souvent à propos de cette « scientifisation » l’idée d’une réduction ou d’une perte. Cette « perte » correspond simplement à la séparation du champ de la science de celui de la religion. Cette séparation a été un enjeu historique majeur dans l’histoire des sciences en Chine comme en Occident. D’un point de vue interne à la science, il s’agit d’un acquis fondamental qui ne saurait être remis en cause sans une remise en cause de la science elle-même.

C’est justement cette séparation qui est très fortement contestée dans notre champ professionnel. Un amalgame est fait et une confusion entretenue entre la « médecine traditionnelle chinoise » qui désigne le corpus de savoirs et de pratiques élaboré et discuté au fil des siècles par une communauté médicale savante et ce qui est appelé par les adeptes « les sciences traditionnelles » qui correspondent en fait aux sciences ésotériques et occultes sous leurs différents aspects, principalement guénonien.

Cet amalgame et cette instrumentalisation de la médecine chinoise à des fins idéologiques posent à notre profession un sérieux problème éthique : il faut repenser et redélimiter notre champ professionnel.

 

Dr Johan Nguyen

Groupe d’Études et de Recherches en Acupuncture

27 boulevard d’Athènes, 13001 Marseille

( 04.96.17.00.30

* : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 Remerciements : Je remercie les Drs Claude Pernice, Martin Schvartzapel et Olivier Goret pour leurs observations critiques lors de la rédaction de cet article.

 Conflit d'intérêts : aucun.

 

Notes

 [1] Article 32 du code de déontologie médicale (article R.4127-32 du Code de Santé Publique) : l’engagement à assurer des soins « fondés sur les données acquises de la science ». Article 8 (article R.4127-8 du CSP) : « Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions ».

[2] Discours externe vis-à-vis des médias ou des institutions (Ministère de la Santé, Sécurité sociale, Ordre, Académie de Médecine, HAS, INSERM, syndicats professionnels) et discours interne (structure et contenu de l’enseignement du DIU puis de la capacité).

[3] Dans un article d’Acupuncture & Moxibustion, Jean-Marc Kespi intitule un paragraphe « Un autre mode de connaissance » où cette distinction est explicite : « Les mérites et bienfaits de la science contemporaine nous sont connus ; mais elle n’est ni seule ni première et coexiste nécessairement, en yin yang, avec une autre science, traditionnelle, différente mais pour le moins tout aussi valide, en fait pour moi plus essentielle » (L’acupuncture, visionnaire, empirique ou expérimentale. Acupuncture & Moxibustion. 2014;13(3) :195-201).

[4] Adrian White décrit une « acupuncture médicale occidentale » définie comme l’ « approche de l'acupuncture qui interprète les phénomènes observés d'après les connaissances actuelles sur les structures et les fonctions du corps, et qui intègre l'acupuncture à la médecine occidentale » opposée à une « acupuncture traditionnelle chinoise » définie comme une approche datant du milieu du XXème siècle « incluant plusieurs modèles différents de l'acupuncture qui se sont développés dans diverses régions de Chine et à différentes périodes historiques » (White A et al. Précis d’acupuncture médicale occidentale. Issy-Les-Moulineaux: Elsevier Masson. 2011. Traduction française de Jean-Marc Stéphan). On arrive à une curiosité scientifique où les recherches cliniques et expérimentales questionnent l’ « acupuncture traditionnelle chinoise », mais où les réponses sont affectées à une autre entité. La démonstration de la non-scientificité de l’ « acupuncture traditionnelle chinoise » est faite par confiscation et détournement des preuves.

 [5] Les exemples sont nombreux dans les diverses recommandations de l’ANAES puis de la Haute Autorité de Santé quant à une différence de niveau de preuve demandé pour des recommandations entre l’acupuncture et les thérapeutiques (particulièrement non-médicamenteuses) du champ conventionnel.

[6] Pas plus que d’être « alternative », « complémentaire « ou « parallèle ».

[7] Voir Nguyen J. Carrefour de Cos et le néohippocratisme in La réception de l’acupuncture en France. Paris : L’Harmattan. 2012.

[8] Guénon se situe dans la continuité du courant ésotérique « pérennialiste » fondé sur l’existence d’une tradition primordiale éternelle et universelle. Il publie « Orient et Occident » en 1924 et « La Crise du monde moderne » en 1927. Ces deux livres définissent le cadre conceptuel dans lequel l’acupuncture va s’insérer (l’article princeps de Soulié de Morant et Ferreyrolles est publié en 1929). Les traditions orientales deviennent la voie d’accès, la voie de retour à la tradition primordiale que la Modernité et les Lumières ont fait disparaitre en Occident. Il est mis en avant une opposition entre sciences sacrées (la tradition), connaissance d’ordre supérieur, énonçant la vérité, synthétique, globale et intuitive, et sciences profanes (la science moderne), connaissances d’ordre inférieur, se dispersant dans la multiplicité, l’hypothèse et le relatif. Il s’agit donc de deux modes de connaissance avec leur validité propre mais validités hiérarchisées avec un déclassement de la science (voir note 3).

[9] « Le relativisme cognitif assure que la connaissance est le produit d’une construction et qu’elle ne saurait pour cette raison être tenue pour objective. Le relativisme culturel assure que les normes et les valeurs sont propres à chaque « culture » ou « sous-culture » et qu’elles ne peuvent par suite être considérées comme fondées objectivement » (Boudon R Les sciences sociales et les deux relativismes. Revue Européenne des sciences sociales. 2003 XLI(126) : 17-33. Ces relativismes tendent à un déclassement du savoir scientifique, à présenter la science comme une ethnoscience européenne. Le sinologue allemand Manfred Porkert déclare en 1977 la médecine chinoise comme une « science à part entière », sous-entendu une science d’une autre nature mais de valeur équivalente (Chinese Medicine: a science in its own right. Eastern Horizon. 1977. 2:12-18).

[10] Par exemple Éric Marié : « La médecine chinoise est constituée d’un ensemble de théories et de pratiques sous-tendues par un système cognitif et par une dialectique spécifiques qui sont fort éloignées de ceux de la médecine occidentale » (La médecine chinoise mutations et enjeux d’un système traditionnel confronté à la modernité. Monde Chinois. 2005. 5 :104) ou encore Marc Sapriel et Patrick Stoltz : « Elle [la MTC] ne peut être comprise par le lecteur occidental que s'il admet sans a priori l'altérité fondamentale de la médecine chinoise et de la médecine occidentale moderne ». (Une introduction à la médecine traditionnelle chinoise. Le corps théorique.  Paris: Springer. 2006).

[11] La pratique de la médecine ne saurait être subordonnée à l’adhésion à des principes religieux ou métaphysiques. De même les croyances ou opinions dans ces domaines relèvent de la sphère privée et sont à exclure de notre espace professionnel collectif nécessairement laïque.

[12] Voir note 9 sur le relativisme cognitif et culturel.

[13] Définition adoptée par le Collège Français d’Acupuncture et Médecine Traditionnelle Chinoise.

[14] La formulation des énoncés de la médecine chinoise n’infère pas que leur statut épistémologique soit différent de ceux de la médecine occidentale. La Chine est largement reconnue pour avoir produit au cours de son histoire de très nombreuses connaissances scientifiques dans toutes les disciplines.

Spécificité des points d’acupuncture utilisés dans la dysménorrhée primaire


Brèves d’acupuncture

 

Tuy Nga Brignol, Jean-Marc Stéphan

Spécificité des points d’acupuncture utilisés dans la dysménorrhée primaire

Pourcentage d’utilisation des dix combinaisons de points les plus usités. La combinaison la plus courante est le VC4 et RA6 (60,97% ) ou RA6 et VC6 (28,6%), RA6 et VE32 (27,4%) etc.

 L'acupuncture fournit une analgésie efficace dans la dysménorrhée primaire. Une étude basée sur l'exploration de données de la littérature a permis de sélectionner les points les plus généralement utilisés dans les essais cliniques avec ou sans randomisation, avec ou sans groupe témoin, publiés en anglais ou en chinois de janvier 1978 à avril 2014. Cette étude a pour intérêt d’examiner les principes de sélection des points d'acupuncture et leurs caractéristiques. 67,24% des points d'acupuncture utilisés étaient des points d'acupuncture spécifiques selon les théories de différenciation des syndromes, points de croisement, points shu antiques, points yuan et points shu et mu. Il en résulte donc une spécificité des points les plus fréquemment travaillés : sanyinjiao (RA6), guanyuan (VC4), qihai (VC6), diji (RA8), ciliao (VE32), etc.

Les méridiens les plus souvent utilisés étaient renmai (Vaisseau Conception), zutaiyin (Rate-Pancréas) et zutaiyang (Vessie). Les points des membres inférieurs ont été les plus fréquemment puncturés. En conclusion, l’'exploration de données est une approche possible afin d'identifier les caractéristiques de la sélection des points d'acupuncture. Cette  étude indique ainsi que les protocoles d’acupuncture moderne du traitement de la dysménorrhée primaire sont basés sur une sélection des points d'acupuncture spécifiques mettant en pratique les théories de la médecine traditionnelle chinoise.

 Yu S, Yang J, Yang M, Gao Y, Chen J, Ren Y, Zhang L, Chen L, Liang F, Hu Y. Application of acupoints and meridians for the treatment of primary dysmenorrhea : a data mining-based literature study. Evid Based Complement Alternat Med. 2015;2015:752194. doi : 10.1155/2015/752194. Epub 2015 Feb 24. Review.

 

La stimulation du hegu objective l’effet spécifique de l’acupuncture selon la technique de la piqûre à l’opposé 

 


La spécificité des points d’acupuncture est l’un des concepts clés de la théorie de l’acupuncture traditionnelle. La question est de savoir s’il existe des preuves scientifiques suffisantes pour prouver ou réfuter cette spécificité. Un aspect important de cette spécificité est la latéralité du point. Les données sont particulièrement rares concernant la latéralité des points homologues d’un même méridien, situés sur les côtés opposés du corps. Cependant, dans le but de traiter une maladie particulière, rien ne permet de dire si l’on doit choisir le point latéralisé à droite plutôt que celui de gauche (par exemple 4GI droit ou gauche). Selon l’acupuncture expérimentale, la stimulation de points d’acupuncture spécifiques en vue d’une analgésie acupuncturale va favoriser la libération de substances analgésiques dans le système nerveux central tels que des peptides opioïdes etc., ce qui signifie que les points d’acupuncture bilatéraux auraient le même effet. D’autre part, selon le chapitre 63 du Suwen, décrivant la piqûre miu, il est dit que « si une maladie est liée au côté gauche, le point de traitement est du côté droit, et vice versa », ce qui souligne que la stimulation des points d’acupuncture d’un côté latéral spécifique pourrait conduire à des avantages thérapeutiques dans les conditions spécifiques. Bref, ceci est à la base du concept de l’acupuncture controlatérale et permettrait d’affirmer la latéralité spécifique du point d’acupuncture. Il a déjà été constaté que la stimulation ipsilatérale de hegu (4GI) engendre une augmentation de la vascularisation dans le hegu controlatéral (4GI). En outre, l’augmentation de la vascularisation a été asymétrique, ce qui suggère que 4GI possède une latéralité de la distribution de sang. Une autre étude a objectivé que la stimulation du 6MC (neiguan) diffère selon que l’on puncture à droite ou à gauche, d’où également un effet latéralisé sur la variabilité de la fréquence cardiaque. Le but de cette étude est d’explorer si la stimulation de 4GI du côté droit peut entraîner un effet différent par rapport à celle du côté gauche sur la variabilité de la fréquence cardiaque. Afin d’exclure le biais lié au sexe, vingt-huit jeunes femmes volontaires en bonne santé ont été recrutées et réparties au hasard dans le groupe I (n = 14 ; âge moyen : 26,14 ± 1,19) et le groupe II (n = 14 ; âge moyen : 25,93 ± 1,39) selon l’ordre d’inscription au moment du recrutement. Dans le groupe I, 4GI du côté gauche a été stimulé lors de la première séance et 4GI du côté droit a été stimulé lors de la deuxième séance, en laissant au moins huit jours entre les deux séances. Dans le groupe II, 4GI du côté droit a été stimulé en premier puis le côté gauche a été stimulé plus tard. L’aiguille, insérée dans une profondeur de 15 mm, a été tournée lentement toutes les 5 minutes au cours des 30 minutes de la séance d’acupuncture, afin de maintenir la sensation d’endolorissement et d’engourdissement liée au deqi. L’ECG a été enregistré et la variabilité de la fréquence cardiaque a été analysée. Les résultats montrent qu’il n’y avait pas de différence significative de variabilité de la fréquence cardiaque entre les groupes I et II (aussi bien dans le domaine temporel que dans le domaine fréquentiel) lorsque la latéralité du point 4GI est explorée. Cette absence de latéralité du point 4GI sur la variabilité de la fréquence cardiaque est inattendue quand on la compare au point 6MC qui possède la latéralité. En effet, une étude approfondie antérieure a indiqué que l’acupuncture de 6MC produit une action différente sur la variabilité de la fréquence cardiaque en fonction de la latéralité droite ou gauche. D’après les auteurs, une explication possible pourrait être donnée en se basant sur la théorie traditionnelle de l’acupuncture : 6MC est un des points d’acupuncture spécifiques cardiovasculaires le plus couramment utilisé dans les textes classiques. Alors que 4GI appartient au méridien Gros Intestin qui n’a pas pour fonction de moduler la fonction cardiovasculaire.

 

Guangjun W, Yuying T, Shuyong J, Wenting Z, Weibo Z. Bilateral hegu acupoints have the same effect on the heart rate variability of the healthy subjects. Evid Based Complement Alternat Med. 2014;2014:106940. doi: 10.1155/2014/106940.

  

Restructuration du réseau cérébral moteur dans le traitement de l’AVC par acupuncture

 


IRMf avant et après deux semaines d'acupuncture – L’analyse de la fraction anisotropique (FA) montre la récupération. La FA mesure le degré d'organisation des faisceaux de substance blanche. C’est un des index qui peuvent être calculés. La FA évalue le degré avec lequel les molécules d'eau diffusent dans une seule direction.

Différentes interventions thérapeutiques peuvent induire un remodelage de l'architecture du réseau du système nerveux moteur après accident vasculaire cérébral (AVC). Il a été prouvé que l'acupuncture peut avoir une efficacité prometteuse dans la récupération motrice suite à un AVC. Cependant, il est difficile de savoir si la réorganisation motrice du réseau cérébral grâce à l’acupuncture est corrélée avec la durée d’installation de l'AVC et à la gravité du déficit initial.

Une étude a été réalisée chez neuf patients (7 hommes et 2 femmes ; âge moyen : 57,7 +/- 9.92 ans)  pour déterminer par IRM fonctionnelle (IRMf) la relation entre l'organisation motrice du cerveau après un traitement par acupuncture et les changements de l’ultrastructure de la substance blanche. Les critères de recrutement ont été : récupération stable de l’AVC ;  premier épisode d’AVC compris entre 2 et 12 semaines ; cognition suffisante pour exécuter des ordres simples (Score Mini-Mental State Examination MMSE> 21). Sont exclus de l’étude les patients avec : infarctus bilatéraux, AVC récurrents, antécédents d'alcool ou de drogue, antécédents d'épilepsie ou autre maladie neurologique ou troubles psychiatriques, déficits cognitifs graves, aphasie globale, et contre-indications à l’IRM. Les patients comme les sujets contrôles (appariés en âge et sexe) sont à dominance droite. Les huit sujets contrôles (6 hommes et 2 femmes ; âge moyen : 51,6 + 4,8 ans) ont un examen neurologique normal. Ils n’ont pas d’antécédents d'épilepsie ou d'autres maladies neurologiques ou troubles psychiatriques.

Une aiguille a été insérée verticalement au point 34VB (jambe gauche) à une profondeur de 2-3 cm, et stimulée de façon équilibrée entre « stimulation et dispersion ». L’aiguille est tournée à droite puis à gauche pendant 1 min à une vitesse de 60 fois/min. La procédure a été réalisée par le même acupuncteur pour tous les participants. Deux séances à deux semaines d’intervalle ont été effectuées afin d’analyser la différence de réponse induite par l'acupuncture au niveau du cerveau en phase de récupération.

Les résultats ont montré que chez les patients AVC, l'acupuncture entraîne une réorganisation du réseau moteur après la survenue de l'AVC. L'acupuncture peut induire une augmentation de la connectivité fonctionnelle entre le cortex gauche primaire moteur (M1) et le droit M1, le cortex pré-moteur, l'aire motrice supplémentaire (AMS), le thalamus et le cervelet. Après deux semaines de récupération, la connectivité fonctionnelle accrue de la M1 gauche a été plus largement distribuée et située principalement dans l'insula, le cervelet, les ganglions de la base et l’AMS. Par ailleurs, il existe une relation négative significative entre la valeur FA* (fraction anisotropique) dans le M1 à gauche à la numérisation de base et le noeud central de cette région après traitement par acupuncture, à la fois au début et après deux semaines de récupération.

Ces résultats apportent un nouvel éclairage sur la compréhension de la théorie de la réorganisation des troubles moteurs suite à des lésions cérébrales chez les patients victimes d'AVC.

 

Bai L, Tao Y, Wang D, Wang J, Sun C, Hao N, Chen S, Lao L. Acupuncture Induces Time-Dependent Remodelling Brain Network on the Stable Somatosensory First-Ever Stroke Patients: Combining Diffusion Tensor and Functional MR Imaging. Evid Based Complement Alternat Med. 2014;2014:740480. doi: 10.1155/2014/740480.

 

L’acupression au point 32V (ciliao) est efficace sur le degré d’anxiété et sur la délivrance chez les parturientes

 


Une doula est une femme aux côtés de la femme enceinte, à l’écoute de ses désirs, ses besoins. Elle propose un accompagnement dans la continuité, une relation de confiance, de complicité et d’intimité de femme à femme.

 

Un essai clinique randomisé de type pragmatique a été mené en Iran, dans la salle d’accouchement à l’Hôpital Shoushtari de l’Université de Chiraz des Sciences Médicales. Les 150 participantes ont été réparties de façon aléatoire en trois groupes (50 dans chaque groupe) en soins de soutien par une doula (groupe A), acupression (groupe B) et soins de routine pour le groupe contrôle (groupe C).

Les critères d’inclusion étaient : âge gestationnel de 37-41 semaines basé sur la date du dernier cycle menstruel ou de l’échographie des premier et deuxième trimestres ; première ou deuxième grossesse ; âgées entre 18 et 35 ans ; grossesse unique ; présentation de la tête ; absence d’anomalies chromosomiques ou d’anomalies fœtales évidentes ; absence de médication spéciale pendant la grossesse, et ayant au moins un niveau d’enseignement moyen. D’autre part, les critères d’exclusion de l’étude étaient : diabète maternel, restriction de croissance, incompatibilité de rhésus, antécédents de tabagisme, pré-éclampsie, oligohydramnios, placenta praevia, décollement placentaire, méconium épais, médicaments tels que scopolamine, ocytocine, atropine. Dans le groupe A, la doula* était à côté de la femme enceinte dès son entrée dans le département, pour la calmer, l’encourager et donner des conseils sur les positions appropriées en fonction des étapes de travail. Les positions ont été choisies de telle sorte qu’elles empêchent la fatigue et la monotonie. Dans le deuxième groupe (B), à 3 cm - 4 et 7 - 8 cm de dilatation, la mère a été placée dans une position correcte et l’acupression effectuée au point 32V (ciliao). La pression a été appliquée de façon continue et en douceur par les deux pouces pendant 20 minutes, au début des contractions puis arrêtée à la fin des contractions. Selon les résultats d’une analyse de variance, aucune différence significative n’a été observée entre les trois groupes avant intervention, en ce qui concernait l’état (P = 0,900) et l’anxiété-trait (P = 0,318). Après intervention, le score moyen de l’état d’anxiété du groupe de contrôle était respectivement de 27,5 et 26,0 points supérieur à celui des groupes A et B. Par ailleurs, le score moyen de l’anxiété-trait du groupe de contrôle était respectivement de 7,6 et 7,2 points plus élevé que celui des groupes A et B, et les différences étaient statistiquement significatives (P <0,001).

 

Akbarzadeh M, Masoudi Z, Zare N, Vaziri F. Comparison of the effects of doula supportive care and acupressure at the BL32 point on the mother's anxiety level and delivery outcome. Iran J Nurs Midwifery Res. 2015 Mar-Apr;20(2):239-46.

 

Dans le syndrome de l’oeil sec, l’acupuncture est plus efficace que les larmes artificielles

 


 


Comparaison entre acupuncture et larmes artificielles (AT) par le test de Schirmer (SIT). L’acupuncture est statistiquement plus efficace : la différence moyenne standardisée globales (SMD) = 1,47 ; IC95% : 0,58 -2,36 ; p=0,001 ; mais grande hétérogénéité  I2 = 94% (p < 0,00001).

L'efficacité de l'acupuncture chez les patients atteints du syndrome de l'œil sec reste controversée. Afin d’en déterminer une preuve d’efficacité, une méta-analyse a été réalisée avec une recherche dans les bases de données Pubmed, Ovid, la bibliothèque Cochrane, CNKI et Wanfang prenant en compte tous les essais cliniques jusqu’à la date du 1 octobre 2014. Les critères de jugement étaient le test de Schirmer (TS), l’évaluation de la coloration de la surface cornéenne à la fluorescéine (CFS) et le test de stabilité du film lacrymal (TBUT : tear break up time). Sept essais contrôlés randomisés (ECR) ont été inclus : 198 patients traités par acupuncture et 185 par larmes artificielles (exclusion : les ECR traitant du syndrome de Sjögren, les ECR dont les patients bénéficiaient d’un traitement par moxibustion ou non traités par larmes artificielles dans le groupe témoin). Les points généralement  utilisés étaient : 1VB, 5ES, yintang, 4GI, 3IG, 3F, 6R, 5TR, 14VB, 2V, 2ES, 2V, 20VG, taiyang, 1ES, 6RA, 40ES, 23VG, 20GI, 10RA, 36ES. Dans le groupe traité par acupuncture, la stabilité du film lacrymal était significativement plus longue que celle du groupe larmes artificielles après le traitement (p < 0,00001). Le TS était significativement plus élevé dans le groupe acupuncture versus groupe larmes artificielles après traitement (p = 0,001). Les CFS des patients dans le groupe acupuncture étaient aussi significativement améliorés par rapport à ceux du groupe larmes artificielles (p<0,0001). En conclusion, l’acupuncture est efficace chez les patients atteints de sécheresse oculaire, en partie mieux que le traitement de larmes artificielles. Toutefois, cette méta-analyse inclut des ECR de petites tailles, de faible qualité méthodologique et d’une durée de traitement courte. De ce fait, il est nécessaire de réaliser des essais contrôlés randomisés en double aveugle, de grande puissance avec une longue durée de traitement. De même, il existe une hétérogénéité importante nécessitant des méthodologies similaires.

 

Yang L, Yang Z, Yu H, Song H. Acupuncture therapy is more effective than artificial tears for dry eye syndrome: evidence based on a meta-analysis. Evid Based Complement Alternat Med. 2015;2015:143858. doi: 10.1155/2015/143858.

 

L’électroacupuncture est efficace dans le traitement de la dépression chez le rat modèle

 


Rat soumis à une natation dans l’eau glacée à 4°C

Afin d’explorer de nouvelles options de traitement non invasif pour la dépression, des chercheurs chinois ont mené une étude préclinique pour examiner les effets de l’acupuncture électrique (EA) chez l’animal-modèle de stress, le rat Sprague-Dawley. La dépression a été induite par un stress modéré imprévisible chronique (UCMS pour Unpredictable Chronic Mild Stress), combiné à l’isolement pendant 21 jours. Les rats ont été soumis chaque jour de façon aléatoire à des situations de stress telles que : privation de nourriture (24 h), privation d’eau (24 h), litière humide (24 h), natation dans l’eau glacée à 4°C (5 min), position agrafée par la queue (5 min), choc électrique à 100V (2 mA, 5 min), inversion du cycle lumière / obscurité (12 h).

Dix-huit rats Sprague-Dawley ont été répartis au hasard en trois groupes : groupe contrôle (ne recevant ni induction de stress UCMS et ni traitement par EA), groupe modèle (recevant UCMS mais sans être traité par EA), et groupe EA (recevant UCMS et traité par EA). Les rats du groupe traité ont reçu l’EA (1mA, 2 Hz pendant 20 minutes) une fois par jour pendant 21 jours. Deux points ont été sélectionnés : baihui (20VG) et yintang, selon les indications de la médecine traditionnelle chinoise pour traiter les maladies liées à l’esprit et au cerveau. Les effets de l’EA ont été évalués par le test de champ ouvert (permettant de mesurer une activité motrice de type anxiolytique), la consommation de sucre (pour mesurer un comportement de la dépression par l’évaluation de l’état hédonique ou capacité de procurer du plaisir), le poids corporel et le dosage de la galanine (GAL) dans l’hippocampe. Les rats ont été sacrifiés au 22è jour pour la détection de l’expression de la GAL ARNm dans l’hippocampe. Les résultats ont montré au 21e  jour une diminution de poids chez le groupe modèle par rapport au groupe contrôle, mais une augmentation significative du poids du groupe EA par rapport au groupe modèle. Ceci indique que les procédures de stress UCMS ont une influence négative sur le poids, mais qui a pu être neutralisée par l’EA. Concernant la consommation de sucre, les résultats ont montré que les rats des groupes modèle et EA ont perdu l’attirance pour le sucre après induction UCMS, mais l’EA a pu améliorer la situation. L’expression de la GAL ARNm du groupe modèle est significativement diminuée par rapport au groupe contrôle, tandis que celle du groupe EA est significativement supérieure à celle du groupe modèle. La GAL est un neuropeptide présent dans l’ensemble du système nerveux central, plus particulièrement dans l’hippocampe et l’hypothalamus. Elle participe à la régulation de nombreuses fonctions physiologiques au cours du processus de réaction au stress. D’après cette étude, l’EA permet de réduire de façon significative le déficit des activités comportementales induites par UCMS par un mécanisme de modulation positive de l’expression de la galanine dans l’hippocampe.

 

Mo Y, Yao H, Song H, Wang X, Chen W, Abulizi J, Xu A, Tang Y, Han X, Li Z. Alteration of behavioral changes and hippocampus galanin expression in chronic unpredictable mild stress-induced depression rats and effect of electroacupuncture treatment. Evid Based Complement Alternat Med. 2014;2014:179796. doi: 10.1155/2014/179796.

  

 

 

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