Observations cliniques complexes en acupuncture

Robert Hawawini

Observations cliniques complexes en acupuncture

Résumé : La présence clinique d’un patient nous éloigne parfois fortement des cadres théoriques simples décrits dans les livres. C’est qu’une maladie (bing) est un assemblage complexe de syndromes (zheng) multiples et parfois contradictoires, constamment en mouvement et en transformation, qui ne peut être décrit dans aucun ouvrage. Pourtant, nous devons assimiler tous les syndromes pour savoir aller au-delà d’eux, afin d’arriver à l’un (yi), le fondamental (ben) qui donne la clé du diagnostic et du traitement. C’est ce que nous allons présenter dans trois observations associant la complexité des manifestations au choix de la priorité de traitement qu’il a fallu décider. Mots clés : acupuncture – observations cliniques – syndromes (zheng) – maladie (bing).

 

Summary: The clinic with a patient sometimes keeps us highly simple theoretical frameworks described in the books. It is an illness (bing) is a complex assemblage of multiple syndromes (zheng), and sometimes contradictory, constantly moving and processing, which can not be described in any work. Yet we must assimilate all the syndromes to know to go beyond them, to arrive at a (yi), the fundamental (ben) which gives the key to diagnosis and treatment. This is what we will present in three cases involving the complexity of events to choose the priority treatment that had to decide. Keywords: acupuncture - clinical observations - syndromes (zheng) - illness (bing).

Introduction

La présence clinique d’un patient nous éloigne parfois fortement des cadres théoriques simples décrits dans les livres. C’est qu’une maladie (bing) est un assemblage complexe de syndromes (zheng) multiples et parfois contradictoires, constamment en mouvement et en transformation, qui ne peut être décrit dans aucun ouvrage. Pourtant, nous devons assimiler tous les syndromes pour savoir aller au-delà d’eux, afin d’arriver à l’un (yi), le fondamental (ben) qui donne la clé du diagnostic et du traitement, en suivant Laozi dans le traité du Daodejing : « Le dao engendre l’Un. Un engendre Deux. Deux engrendrent Trois. Trois, les dix mille êtres. » Passer des dix milles êtres, la multitude des signes et symptômes, à l’Un, le fondement (ben) de la maladie, est l’unique garant d’un résultat positif et stable à long terme. Cela ne se fait pas en un seul jour… ni parfois en une seule séance. Dans l’état d’ignorance du constant débutant qui nous anime, nous considérons que c’est le travail de toute une vie. Nous présentons ici trois observations qui nous ont donné du « fil à retordre », autant dans l’établissement du diagnostic fondamental (ben) que dans le choix de la priorité de traitement.

Première observation : asthme

Physiologie et physiopathologie générale de l’asthme         

- En MC, l’asthme est xiaochuanxiao est le sifflement et chuan la dyspnée. Xiao authentifie la présence de Mucosités (tan).

-Le Poumon stocke et diffuse le qi, qu’il abaisse. La Rate transforme-transporte (yunhua) l’acquis du Ciel postérieur (houtian), comprenant le qi, le xue et Liquides organiques (jinye) ; abaisse l’impur (zhuo) dans les Orifices du bas (xiaqiao) et élève le pur (qing) dans les Orifices du haut (shangqiao); coopère avec l’inné des Reins. Le Foie assure la libre circulation (shuxie) du qixue. Les Reins thésaurisent le jingyin et le jingyang inné du Ciel antérieur (xiantian) et coopèrent avec la Rate. Le Cœur est le maître des émotions (zhi) et sentiments (qing).

- La Source des Mucosités-Glaires (tanyin) est la Rate dont le Vide de qi et/ou de yang altère sa fonction de transformation-transport (yunhua), ce qui ne permet plus l’élimination de l’Humidité qui stagne et se transforme en tanyin. L’accumulation de Mucosités dans le Poumon est consécutive à son qi insuffisant qui ne permet plus sa diffusion. Au lieu de monter le pur dans le Réchauffeur supérieur, la Rate ascensionne l’impur des tan qui s’accumulent dans le Poumon à cause de son Vide de qi. L’asthme a donc pour fondement (ben) un Vide de qi du Poumon. En ce qui concerne les tanyin, comme on ne peut séparer le déséquilibre du Poumon de celui de la Rate, on ne peut le faire non plus entre l’acquis de la Rate et l’inné des Reins. Poumon, Rate et Reins sont donc étroitement liés dans la physiopathologie de l’asthme. Des formes Plénitudes externes dues à l’Humidité-Froid ou l’Humidité-Chaleur, en passant dans la forme intermédiaire, jusqu’à la forme extrêmement Vide des Reins qui ne reçoivent pas le qi et responsables de l’asthme à dyspnée continue, les trois zang cités sont constamment engagés.

- En pratique clinique, nous constatons que les choses sont plus compliquées car l’aggravation et/ou le déclenchement des crises par les facteurs émotionnels démontrent que le Foie est impliqué ; d’une part, en dysharmonie Foie et Rate ; d’autre part, en contre-attaque du Foie sur le Poumon.

- Quand au Cœur, non seulement il est cause de l’état de mal asthmatique avec les Reins mais, de plus, il est forcément impliqué dans les déséquilibres émotionnels avec les autres zang. C’est ce dernier aspect que nous allons considérer ici.

- Finalement, tout ceci ne fait que démontrer la complexité physiopathologique de l’asthme qui implique l’ensemble des zang à des degrés divers.

Description                                                        

Il y a deux ans, un homme de 47 ans a fait un accident vasculaire cérébral qui a entièrement régressé. Il souffre d’un asthme ancien, bien équilibré par la Ventolline, qui se manifeste par des crises diurnes, subaiguës, aggravées à l’effort, empêchant de le poursuivre convenablement, avec essoufflement. Le temps froid et humide et les troubles émotionnelsdéclenchent et aggravent aussi l’asthme qui se manifeste par une dyspnée asthmatiforme avec sifflement et expectoration de glaires blanches. Ses autres symptômes sont : agitation mentale marquée, rires excessifs, anxiété et angoisse, rumination et obsessions, hyperémotivité, sommeil de courte durée, parfois oppression thoracique, alternance de l’humeur avec abattement et tristesse ou hyperactivité, s’énerve vite et devient irritable, moments de fatigue, selles molles, ballonnement, maintenant crainte du temps humide et froid avec sensation de lourdeur du corps, extrémités froides aggravées par le temps humide et froid, parfois pieds chauds et brûlants, ne supporte pas la chaleur. Le pouls droit est xian (tendu), hua (glissant) et ru (mou) sur la Barrière et le Pied ; chen (profond) et xi (fin), xian (tendu) et hua (glissant) sur le Pouce. Le pouls gauche esthua (glissant) et ru (mou) sur la Barrière, hua (glissant) sur le Pouce, un peu plus chen (profond) et xi (fin) sur le Pied. La langue est grosse jusque sur la zone antérieure et la pointe, pâle, humide, l’enduit est blanc-gris humide, il existe quelques points rouges sur la pointe et les bords et des taches mauves postérieures (veines sous-linguales gonflées). La carrure du patient est forte.

Diagnostic                                                         

- Le diagnostic de xiaochuan ne pose pas de problème car il est déjà fait par la médecine scientifique : dyspnée asthmatiforme avec sifflement, essoufflement, expectoration de glaires sont suffisamment parlants.

- Aggravation par le temps froid et humide, crainte de ce temps avec sensation de lourdeur du corps et extrémités froides, montrent que l’Humidité-Froid s’accumule dans la Rate.

- Moments de fatigue, selles molles et ballonnement sont en rapport avec le Vide de qi de Rate qui est la cause de l’Humidité-Froid et de la production de Mucosités blanches.Anxiété, rumination et obsessions sont des manifestations émotionnelles dues aussi au Vide de qi de Rate.

- Agitation mentale marquée, rires excessifs, anxiété et angoisse, hyperémotivité, sommeil de courte durée ; ces symptômes traduisent l’atteinte du Cœur en état de Chaleur dans ce contexte ; qui plus est, leur importance montre que des Mucosités stagnent dans le Cœur.

- Parfois oppression thoracique, alternance de l’humeur avec abattement et tristesse ou hyperactivité orientent sur la Stagnation du qi du Foie qui peut être la cause du déclenchement et de l’aggravation de l’asthme par les émotions.

- S’énerve vite et devient irritable peut traduire autant la Stagnation du qi du Foie que l’élévation du yang du Foie dans ce contexte de Chaleur. 

- La chaleur qui n’est pas supportée et l’intermittence des pieds chauds et brûlants sont dusau Vide de yin des Reins.

- Le pouls xian (tendu) montre la participation du Foie dans cet asthme, des Mucosités aussi ; hua (glissant) et ru (mou) sont signes d’Humidité et de Mucosités ; hua (glissant) sur le Pouce gauche est en rapport avec les Mucosités qui stagnent dans le Cœur ; un peu plus chen (profond) et xi (fin) sur le Pied gauche peut orienter sur le Vide de yin des Reins. Nous accordons une place particulière au pouls du Pouce droit car il traduit le mélange du Vide de qi et de la Plénitude des Mucosités dans le Poumon : chen (profond) et xi (fin), il s’agit du fondement (ben) de Vide ; xian (tendu) et hua (glissant), il s’agit de l’apparence (biao) de Plénitude.

- La langue grosse et humide jusque sur la zone antérieure et la pointe est en rapport avec la stagnation d’Humidité et l’accumulation de Mucosités dans les Trois Réchauffeurs, incluant donc le Poumon et le Cœur ; pâle, il s’agit du Vide de qi de Rate ; l’enduit blanc-gris humide signe l’Humidité-Froid et les Mucosités ; les points rouges sur la pointe sont dus à la Chaleur du Cœur et,sur les bords, à l’élévation du yang du Foie ; les taches mauves postérieures sont associées à la Stase de Sang.

- Au total, l’ensemble des zang est impliqué dans cet asthme dont la forme essentielle est une Plénitude : celle des manifestations, du pouls et de la carrure. Il s’agit de ce que le suwen appelle une « direction correcte » de bon pronostic. En état préalable de Vide de qi, le Poumon ne peut évacuer les tan, qi impur qu’il reçoit de la Rate ; elle-même envahie par l’Humidité-Mucosités-Froid consécutivement à son propre Vide. On ne peut affirmer que la Rate soit en Vide de yang, peut être d’une manière débutante pour les Reins. Le Cœur reçoit aussi les Mucosités à cause de l’importance des troubles émotionnels et de la pointe gonflée. La Chaleur du Cœur associée au Vide de yin des Reins oriente vers un Cœur et Reins n’ont pas d’échanges, auquel participe l’élévation du yang du Foie. Quant à la Stagnation du qi du Foie, elle s’est transformée en Stase de Sang, ce qui explique pourquoi la langue a des taches mauves. Cette Stagnation gène la fonction de transformation-transport de la Rate, ce qui aggrave d’autant la stagnation d’Humidité et l’accumulation des Mucosités. Si la Rate reste bien la source production de l’Humidité et des Mucosités, elle dépend aussi du Foie pour monter le pur et mobiliser Humidité et Mucosités. On peut dès lors qualifier cette observation de forme complexe.

Premier traitement et évolution

Introduction            

Une situation complexe dece type nécessite de « ratisser large », c'est-à-dire de traiter tous les syndromes sans tenir compte du nombre d’aiguilles. La seule préoccupation est de soulager le patient. Il faut donc : régulariser le qi du Poumon, mobiliser le qi et le sang, clarifier la Chaleur du Cœur et du Foie, chasser les Mucosités du Cœur et les transformer, renforcer le qi et le yang de la Rate pour l’aider à éliminer l’Humidité et transformer les Mucosités, renforcer le yang inné des Reins pour soutenir celui de la Rate, nourrir le yin. Les fonctions des points sont censées être connues.

Points et associations de points

- La manipulation est une harmonisation du premier groupe de points, une dispersion des deuxièmes et troisièmes groupes et de fenglong 40E, une harmonisation avec réchauffement des quatrièmes et cinquièmes groupes, une tonification du sixième groupe.

- Feishu 13V, zhongfu 1P, tanzhong 17RM, taiyuan 9P : régularisent le qi du Poumon pour l’aider à pourvoir à sa fonction d’abaissementafin de chasser l’impur des Mucosités et traiter la dyspnée.

- Geshu 17V, hegu 4GI, taichong 3F : mobilisent la Stagnation du qi du Foie et la Stase de Sang, ce qui libère la fonction de transformation-transport de la Rate ; l’aide à chasser l’Humidité, transformer les Mucosités, ascentionner le pur et calmer les sentiments pathologiques.

- Jianshi 5MC, shenmen 7C, shenting 24DM : chassent les Mucosités du Cœur, clarifient sa Chaleur, calment l’Esprit et apaisent les émotions.

- Fenglong 40E : transforme les Mucosités.

- Pishu 20V, zusanli 36E à gauche, yinlingquan 9Rte à droite, zhongwan 12RM : renforcent le qi et le yangacquis de la Rate pour l’aider à chasser l’Humidité-Froid et transformer les Mucosités. L’harmonisation tient compte du fait que l’Humidité-Froid est une Plénitude associée à un Vide de qi.

- Guanyuan 4RM, qihai 6RM : renforcent le yang inné des Reins ce qui soutient celui de la Rate.

- Taixi 3R, zhaohai 6R : nourrissent l’Eau yin des Reins, ce qui rétablit l’échange avec le Feu du Cœur.  En période de chaleur des pieds nous piquons les deux points, sinon, taixi 3R seul.

Évolution

Le patient a été suivi toutes les deux semaines sur plus d’un an, ce qui, en termes de fréquence, est insuffisant. L’amélioration a signifié, soit la réduction significative des crises d’asthme ne nécessitant pas la prise de médicament, soit leur cessation pendant une période et, en tous les cas, une tolérance à l’effort qui devient possible sans traitement médicamenteux. Les périodes de réduction de l’asthme sans cessation coïncident clairement avec le regain de temps humide et froid, région dans laquelle nous exerçons. Mais une fréquence aussi espacée ne permet pas une guérison à long terme ni, au moins, une cessation totale des crises entre deux séances.

Deuxième traitement et évolution

Introduction

Cette histoire clinique se déroule en deux temps car, soudainement, lors d’un choc émotionnel important entraînant ruminations et obsessions, le patient récidive et le traitement précédent ne donne plus aucun résultat. Cette évolution nous conforte dans l’idée que le facteur psychique est important dans cet asthme et qu’il nécessite d’être pris isolément en compte. La règle à appliquer en cas d’épisode aigu survenant sur une maladie chronique est de traiter cet épisode prioritairement, qu’il soit d’origine externe ou interne, physique ou psychique, comme c’est le cas ici. Nous nous adressons alors à la formule du choc psychologique aigu, décrite dans plusieurs de nos ouvrages. Dans ce cas, on considère qu’il faut traiter prioritairement le yi (intention, pensée), Esprit Viscéral(shenzang) de la Rate qui représente le Centre (zhong), ce qui régule tous les autres shen pour calmer l’Esprit. Cette façon d’agir permet de mobiliser les images mentales fixées, causes de souffrance. On raisonne comme si la Rate était en Vide. Cette indication peut s'élargir encore au traitement symptomatique de la rumination mentale.

Formule                      

- La manipulation est une harmonisation.

-Shaofu 8C et dadu 2Rte à gauche, yinbai 1Rte et dadun 1F à droite : technique dite des 4 aiguilles[1] utilisant les points principaux (ben), agissant comme s'ils tonifiaient la Rate, ce qui calme le yi. Shaofu 8C est le point ben-Feu du Cœur qu'il tonifie ; dadu 2Rte est le point rong-Feu, mère de la Terre, tonifiant annuel, qui transfère l'Énergie de la mère, le Cœur, à son fils, la Rate ; dadun 1F est le point ben-Bois du Foie qui le disperse afin de l'empêcher d'attaquer la Rate ; yinbai 1Rte est le point jing-Bois de la Rate qui la protège de l'attaque du Bois du Foie. Bien qu'il y ait tonification et dispersion, dans ce cas, il suffit d'harmoniser tous les points ; ceux qui sont censés tonifier, à gauche, et ceux qui sont censés disperser, à droite.

-Shenmen 7C, shenting 24DM et/ou renzhong 26DM : calment l'Esprit. Le traitement du shen doit systématiquement être associé à celui d’un shenzang.

- Zusanli 36E à gauche et zhongwan 12RM : harmonisent laRate et l'Estomac, ce qui ramène au Centre, régularise les mouvements verticaux de montée du pur et de descente de l'impur, et calme l'Esprit.On se sert de la fonction de « fermeture » de l’Estomac du yangming, riche en Sang et en qi. En renforçant le qixue, on ferme le corps à l’influence néfaste des pervers externes et des sentiments internes, ce qui favorise l’ancrage des shenzang.

- Fenglong 40E à droite : transforme les Mucosités.

- Geshu 17V : régularise le Sang ce qui favorise l’ancrage des benshen.

- Ganshu 18V : mobilise la Stagnation du qi du Foie.

Évolution

Utiliséesur quelques séances, cette formule a la double utilité de calmer les ruminations et obsessions, et de stopper les crises d’asthme, ce qui montre encore une fois l’importance des troubles émotionnels dans cette affection. Mais à un moment ou un autre, le traitement de fond doit être repris en alternance. Le patient est maintenu ainsi depuis plusieurs années.

Deuxième observation : lombarthrose et neuropathie périphérique

Physiopathologie du syndrome rhumatismal (bizheng) et du syndrome de paralysie (weizheng)

- La force et le mouvement harmonieux du qixue, l’équilibre du yin-yang, la solidité des zangfu, toutes ces qualités font la santé et la longévité de l’homme.

- Le bizheng est consécutif à une attaque par le Vent (douleur erratique), le Froid (douleur aiguë) et l’Humidité (douleur sourde et fixe) avec prédominance de l’un d’entre eux. Au début, il s’agit des formes Plénitudes externes qui stationnent dans les méridiens où le zhengqi lutte contre le xieqi. Ensuite, quand le qixue s’affaiblit, les pervers entrent en profondeur pour former les formes internes Vides des Viscères (zang) : Vide de yang (Reins), Vide de yin (Foie et Reins), Vide de Sang (Rate). Cependant, le Froid, le Vide de yang du dumai et des Reins plus exactement, reste le fondement (ben) du bizheng. En cas d’atteinte interne, Vent, Froid et Humidité s’additionnent aux Vides des zang.

- Le weizheng est originellement une maladie de Chaleur, même si le Froid peut être présent. Normalement, le yangming produit le qixue avec la Rate et régit les quatre membres. Quand la Rate est Vide, quand l’Estomac est en excès de Chaleur, le ying (nutritif) yinest insuffisamment produit et le wei(défensif) yang devient en excès. Les quatre membres ne sont plus alimentés correctement, le yang prédomine, ce qui consume les tissus et conduit à la paralysie. Il existe un wiezheng par zang décrit dans le suwen, 44.

- La hernie hiatale est assimilée à une obstruction du thorax (xiongbi) dont le mécanisme principal est l’association de deux Plénitudes, la Stase de Sang et l’obstruction des Mucosités, associées à deux Vides, de qi et de yang ; le Vide de yin étant souvent présent. Le xiongbi est lié à un défaut de propulsion du Sang dans le thorax et se traite toujours au Cœur, à son Enveloppe et aux zangfu digestifs.

Description

Une femme de 72 ans, obèse, consulte pour une lombarthrose importante depuis des années. La douleur lombaire est en barre, entre L2 et L4, plus ou moins toujours présente, aggravée à la station debout, en se relevant et à la marche, pas la nuit ni au repos ; elle irradie sur les deux fesses et sur le côté de la cuisse gauche. Il existe aussi une neuropathie périphérique des deux membres inférieurs, depuis un an, axée surtout sur les troubles sensoriels subjectifs : paresthésies, sensation de pieds en chaussettes et froids quand il fait froid, serrement des jambes et des pieds, douleur sous les pieds. Il n’y a ni amyotrophie ni hyposensibilité ni de perte de force musculaire. Les autres symptômes sont : abattement, tristesse, digestion lente, selles molles, bouche et gorge sèche avec soif, froid et crainte du froid, asthénie avec essoufflement important d’effort. Dans les antécédents, on note une maladie de Hashimoto, il y a 20 à 25 ans, nécessitant la prise de 125 mg de Lévothyrox ; une cervicarthrose aggravée par le froid. Le pouls est xian (tendu), ru (mou), chen (profond) et xi (fin) aux Pieds. La langue est grosse, rose-rouge, avec un enduit blanc épais et des taches mauves postérieures.

Diagnostic

- D’emblée, l’arthrose cervicale et lombaire évoque un syndrome rhumatismal (bizheng) dont le fondement est un Froid-Vide.

- Abattement et tristesse montrent la Stagnation du qi du Foie.

- Digestion lente et selles molles sont en faveur d’un Vide de qi de Rate.

- Bouche et gorge sèche avec soif, froid et crainte du froid, lombalgie, extrémités froides, tous ces symptômes signent les Vides de yin et de yang des Reins.

- L’asthénie avec essoufflement important d’effort oriente sur le Vide de qi de Rate et de yang des Reins.

- L’obésité favorise la présence de Mucosités.

- Les signes neuropathiques sont en faveur d’un syndrome de paralysie (weizheng) débutant, puisqu’il n’y a ni amyotrophie ni hyposensibilité ni perte de force musculaire. Le bizheng peut évoluer vers un weizheng comme c’est le cas ici.

- Le pouls xian (tendu) montre la participation du Foie et la présence du Vent, composante du bizheng ; ru (mou), il signe l’Humidité favorisée par le Vide de qi de Rate ; chen (profond) et xi (fin) aux Pieds, est significatif des Vides de yin et de yang des Reins. Le pouls ru (mou) de l’Humidité associée au Vide de qi de Rate et au Vide de yang des Reins, oriente fortement sur l’Humidité-Froid qui entrave la Rate.

- La langue grosse signifie l’Humidité et les Mucosités ; rose-rouge, la Chaleur, que peut expliquer le weizheng débutant ; l’enduit blanc épais est signe de Froid important ; les taches mauves postérieures orientent sur la Stase de Sang.

- Au total, il s’agit d’un bizheng essentiellement lombaire évoluant en weizheng. Il y a donc Vent-Froid-Humidté avec Vides de yin et de yang des Reins. Le Vide de yang des Reins associé ici à l’Humidité-Froid de la Rate, caractérise le bizhengdont le fondement est le Froid, tandis que le Vide de yin des Reins évolue vers le weizheng qui est une maladie de Chaleur.

Premier traitement et évolution

Le traitement donne la priorité au bizheng qui est apparu en premier, il tient compte de tous les syndromes.

- La manipulation est une dispersion du premier groupe de points et de fenglong 40E, une harmonisation avec réchauffement des deuxièmes, troisièmes, quatrièmes et cinquièmes groupes et de fengfu 16DM, une tonification de taixi 3R.

-Geshu 17V, ganshu 18V : mobilisent la Stagnation de qi et la Stase de Sang, et chassent le Vent.

-Shenshu 23V, mingmen 4DM, yaoyangguan 3DM : tonifient le yang inné des Reins, ce qui soutient l’acquis de la Rate.

-Dachangshu 25V, ciliao 32V : complètent les points précédents pour réchauffer la zone lombo-sacrée.

- Pishu 20V, zusanli 36E : tonifient le yang acquis de la Rate pour l’aider à chasser l’Humidité-Froid et transformer les Mucosités.

-Yanglingquan 34VB, xuanzhong 39VB : ces deux points hui renforcent les tendons, les muscles et la moelle, ce qui complète les actions précédentes.

Fengfu 16DM : action locale sur la zone cervicale.

-Fenglong 40E : transforme les Mucosités.

-Taixi 3R : tonifie l’Essence des Reins et nourrit le yin.

Après huit séances à raison de deux séances par semaine pendant deux semaines, puis une séance par semaine, la douleur lombaire a complètement régressé, la cervicalgie aussi, de même que la sensation de froid et les troubles sensoriels. Néanmoins, le serrement des jambes survient encore d’une manière intermittente toute une journée. Pensant à une Stase de Sang résiduelle, nous remplaçons taixi 3R par les points suivants en harmonisation : xuehai 10Rte, sanyinjiao 6Rte, weizhong 40V, chengshan 57V.  Mais aucune amélioration n’est obtenue.

Second traitement et évolution

En discutant, la patiente signale que l’essoufflement d’effort est toujours présent et qu’il est du à une importante hernie hiatale refoulant les poumons, survenue avant la lombarthrose. C’est alors que nous pensons à traiter prioritairement la hernie hiatale, en tant que xiongbi, pour faire régresser le serrement des jambes et l’essoufflement. Normalement et puisque la hernie a débuté avant l’arthrose, ce que nous ne savions pas, nous aurions du traiter celle-là prioritairement.

- La manipulation est une dispersion des trois premiers groupes de points, de fenglong 40E et baihui 20DM ; une harmonisation avec réchauffement des quatrièmes et cinquièmes groupes ; une tonification de sanyinjiao 6Rte.

-Xinshu 15V, jueyinshu 14V, juque14RM, tanzhong 17RM : la puncturebeishu-mu du Cœur et de son Enveloppe, les régularise pour mobiliser la Stase de Sang du thorax.

-Neiguan 6MC, taichong 3F : ouvrent la poitrine pour compléter le traitement du xiongbi et mobilisent la Stagnation du qi du Foie.

-Geshu 17V, xuehai 10Rte : mobilisent la Stase de Sang.

-Shenshu 23V, mingmen 4DM, guanyuan 4RM, qihai 6RM : tonifient le yang inné des Reins et soutiennent l’acquis.

-Zusanli 36E, zhongwan 12RM : tonifient le qi et le yang acquis de Rate afin de nourrir l’inné et d’aider la Rate à chasser l’Humidité et transformer les Mucosités.

-Fenglong 40E : transforme les Mucosités.

-Baihui 20DM : calme l’Esprit.

-Sanyinjiao 6Rte : nourrit le yin des Reins et tonifie le qi de la Rate pour compléter les actions précédentes.

Après six séances à une semaine d’intervalle, l’essoufflement d’effort a bien diminué, ce que nous attribuons à la descente de la hernie hiatale et bien que cet aspect demande à être vérifié par une fibroscopie. Cependant, aucune amélioration n’est obtenue pour le serrement des jambes. Nous avons suivi cette patiente toutes les deux semaines pendant une longue période, puis, elle décida que l’amélioration lui suffisait comme ça. Nous n’avons pas eu de ses nouvelles à long terme.

Troisième observation : rhumatisme (bizheng) lombaire dû au Vent, au Froid et à l’Humidité.

Physiopathologie du bizheng (syndrome rhumatismal)

- Le bizheng est du à l’attaque des pervers externes du Vent (feng), du Froid (han) et de l’Humidité (shi) avec prédominance de l’un ou de deux d’entre eux.

- Normalement le weiyangdéfensif circule à l’extérieur des méridiens et le yingyin nutritif, à l’intérieur. Suite à l’attaque des pervers externes, le wei rentre dans les méridiens avec le fenghanshi, tandis que le ying en sort, ce qui est considéré comme un contre-courant (qini) et une atteinte du Sang puisque, par analogie au yin, c’est l’intérieur des méridiens. Ceci justifie que le bi soit considéré comme une obstruction du Sang dont le principal symptôme est la douleur.

- Quelle que soit l’atteinte du bizheng, superficielle des méridiens, profonde des zang ou après transformation en Chaleur, le Froid reste le fondement du bi, notamment le Vide de yang du dumai et des Reins.

Description

Un homme de 50 ans a fait un infarctus du myocarde pour lequel il a ensuite été posé un stent. Depuis quelques mois, le patient a une apnée du sommeil appareillée. Il consulte pour une lombalgie survenant sur une lombarthrose avec des becs de perroquet. Le principal climat aggravant est l’Humidité-Froid, la station debout prolongée et certains efforts de mouvement réveillent encore la douleur. Ses autres symptômes sont : anxiété, angoisse, inquiétude, rumination, troubles du sommeil avec réveils nocturnes, perte de mémoire, moments d’abattement dépressif favorisés par l’exacerbation de la douleur, soupirs, digestion lente et difficile avec selles molles, ballonnement, crainte du froid et particulièrement du temps humide et froid, extrémités froides, raclement de la gorge. Le pouls est xian (tendu), ru (mou), chen (profond) et xi (fin) sur les Pieds. La langue est grosse, humide, pâle, avec un mince enduit blanc sur la racine, une pointe rouge et des taches mauves postérieures.

Diagnostic

- Le diagnostic de douleur survenant sur un bizheng de l’Humidité-Froid est facile à faire d’autant plus que le diagnostic radiologique a été fait par la médecine occidentale. Comme il y a des becs de perroquets, la présence de Mucosités-Glaires est certifiée, ce qui est aussi confirmé par l’athérosclérose coronaire, l’apnée du sommeil et le raclement de la gorge.

- Anxiété, angoisse, inquiétude, rumination, troubles du sommeil avec réveils nocturnes, perte de mémoire ; tous ces symptômes peuvent être associés au Cœur, en Vide de yin dans ce contexte.

- Angoisse, moments d’abattement dépressif favorisés par l’exacerbation de la douleur et soupirs sont dus à la Stagnation du qi du Foie.

- Rumination, digestion lente et difficile avec selles molles et ballonnement, ces symptômes proviennent d’un Vide de qi de Rate.

- Crainte du froid et particulièrement du temps humide et froid, et extrémités froides, ces manifestations montrent le Vide de yang des Reins associé à l’Humidité-Froid qui entrave la Rate.

- Le pouls xian (tendu) confirme la présence du Vent et de la Stase de Sang que l’on retrouve sur la face postérieure de la langue.

- La langue grosse et humide avec un mince enduit blanc, le pouls chen (profond) et ru (mou) ; ces arguments sont en faveur de l’Humidité-Froid de la Rate. Malgré la présence de Mucosités, nous n’avons pas retrouvé de pouls hua (glissant).

- La langue pâle, l’enduit blanc, le poulschen (profond) et xi (fin) sur les Pieds ; ces signes orientent sur le Vide de yang des Reins associé.

- Le pointe de la langue rouge montre la Chaleur-Vide du Cœur, bien que n’ayons pas retrouvé des symptômes de Vide de yin des Reins avec Cœur et Reins n’ont pas d’échange.

- Au total, il s’agit bien d’un bizheng du au Vent, au Froid et à l’Humidité avec prédominance des deux derniers. Les becs de perroquet et l’antécédent d’infarctus confirment la présence de Mucosités ; il peut donc s’agir d’un gubi ou rhumatisme des os dû principalement à l’Humidité-Mucosités-Froid.

Premier traitement et évolution

Le premier traitement a considéré le bizheng : chasser le Vent, réchauffer le Froid, éliminer l’Humidité, transformer les Glaires, mobiliser le Sang et nourrir l’Essence. Le Cœur a été négligé.

- La manipulation est une dispersion du premier groupe de points et de fenglong 40E ; une harmonisation avec réchauffement des deuxièmes, troisièmes, quatrièmes groupes de points et de yanglingquan 34VB ; une tonification de taixi 3R.

-Geshu 17V, ganshu 18V : chassent le Vent et mobilisent le Sang.

-Zusanli 36E, pishu 20V : renforcent le qi et le yangacquis de la Rate pour l’aider à chasser l’Humidité-Froid et transformer les Mucosités.

-Shenshu 23V, mingmen 4DM, yaoyangguan 3DM : tonifient le yanginné des Reins, ce qui soutient le yangacquis de la Rate, renfoce le dumai et traite localement la lombalgie en chassant l’Humidité-Froid.

-Dachangshu 25V, ciliao 32V : traitent localement la douleur en favorisant l’élimination de l’Humidité-Froid.

- Yanglingquan 34VB : réunion des tendons et des muscles (jinhui) qu’il réchauffe pour favoriser l’élimination de l’Humidité-Froid.

-Fenglong 40E : transforme les Mucosités.

-Taixi 3R : nourrit le yin des Reins et renforce l’Essence, ce qui soutient le yang.

Le patient a bénéficié de quelques séances à une semaine d’intervalle puis toutes les deux semaines pendant tout un printemps. Après une amélioration de quelques mois, une récidive survient le mois de septembre suivant et le même traitement appliqué devient inefficace.

Second traitement et évolution

Devant l’antécédent d’infarctus du myocarde et bien que le patient ne souffre d’aucune douleur thoracique, il est évoqué la présence d’un xiongbi demandant un traitement prioritaire. En effet, selon le suwen, 65 et le lingshu, 25, nous devons tenir compte de la maladie apparue en premier ainsi que du premier déséquilibre du yin-yang et du qixue qui influence tous ceux apparus ensuite. Rappelons que les deux mécanismes fondamentaux du xiongbi sont la Stase de Sang et l’obstruction par les Mucosités, sous-tendues par le Vide de qi et de yang. Ceci implique les zang thoraciques comprenant le Cœur et son Enveloppe, et abdominaux, impliquant la Rate, les Reins et le Foie. Si suffisamment de qixue est bloqué au thorax, il ne peut pas être mobilisé ailleurs.

- La manipulation est une dispersion de tous les points jusqu’au fenglong 40E, une harmonisation et un réchauffement des points agissant sur la Rate et les Reins, une tonification de sanyinjiao 6Rte.

-Jueyinshu 14Vet tanzhong 17RM, xinshu 15V et juque14RM : les deux beishu-mu du Cœur et de son Enveloppe, régularisent le qi, le xue, le yin et le yang, ce qui aide à la mobilisation des stases.

- Neiguan 6MC, taichong 3F : ouvrent le thorax, mobilisent la Stagnation du qi du Foie et clarifient sa Chaleur.

-Geshu 17V : mobilise la Stase de Sang.

-Fenglong 40E : transforme les Mucosités.

-Shenshu 23V, mingmen 4DM, guanyuan 4RM, qihai 6RM, zusanli 36E : tonifient le yang de la Rate et des Reins, c'est-à-dire l’acquis et l’inné, ce qui permet à la Rate de chasser l’Humidité et de transformer les Mucosités, et aux Reins de soutenir la Rate et de renforcer le dumai.

- Sanyinjiao 6Rte : tonifie le qi de la Rate, nourrit le jing et le yin des Reins.

Le patient a été soigné toutes les deux à trois semaines en période hivernale. Cette fois-ci le résultat est rapide, tant sur la douleur que sur l’état général, avec maintien du résultat plusieurs mois après la fin du traitement. Notons encore qu’une douleur de l’épaule droite a essayé d’être traitée localement sans résultat ; elle a cédé par le traitement du xiongbi !

Conclusion

Nous ne pouvons nier l’intérêt intellectuel qu’une telle démarche diagnostique et thérapeutique anime et comment justifie-t-elle notre désir de toujours pousser plus loin notre compréhension des mécanismes physopathologiques de la médecine chinoise. Cependant, nous passons cet intérêt après celui du patient, conscient que le soulagement de sa souffrance est la finalité de notre lien avec lui.

 Dr Robert Hawawini 

Conflit d’intérêts : aucun

  



[1] Rapporté par Borsarello Jean-François, Duron André, Faubert André, Laville-Méry Charles.

À propos du 9Rn, zhubin, 筑宾 [築賓] : données factuelles et questionnements à l’usage des médecins acupuncteurs

Claude Pernice

À propos du 9Rn, zhubin, 筑宾 [築賓] : données factuelles et questionnements à l’usage des médecins acupuncteurs

Résumé. Cet article a pour objectif d’explorer le 9Rn zhubin, point secondaire des classes d’usage distinguées dans Sigma Sciences Médicales Chinoises. Il vise à confronter le contenu des diverses publications classiques et contemporaines que nous avons retenues sur ce point à la réputation particulière. Différentes thématiques sont présentées ici en détaillant les convergences et les divergences dans les énoncés et dans les descriptions des publications. Cette confrontation permet de relever les diverses questions soulevées par les usages de ce point et dans les pathologies qu’il est censé traiter. Sont mis en évidence les problèmes inhérents aux traductions des textes chinois, dont les différences entre les auteurs rendent compte ainsi que la nécessité pour les médecins acupuncteurs de distinguer les aspects philosophiques, anthropologiques, historiques, culturels, afin de dégager les enjeux des savoirs opérationnels de ce point pour le champ médical. Ces données factuelles n’apportent pas simplement des précisions médicales, elles sont plus que jamais indispensables car, sous cette forme, constituent un enjeu dans le contexte des diverses mises en cause que connaît actuellement l’acupuncture et sa reconnaissance institutionnelle comme spécialité thérapeutique. Mots-clés. 9Rn zhubin – classes d’usage – traductions – interprétations.

 

Summary. This article aims to explore the 9Rn zhubin, a secondary point of distinguished use classes in Sigma Chinese Medical Sciences. It aims to confront the content of the various classic and contemporary publications that we selected on this point to the particular reputation. Different themes are presented here detailing the convergences and discrepancies in the statements and descriptions of the publications. This confrontation makes it possible to raise the various questions raised by the uses of this point and in the pathologies that it is supposed to treat. The problems inherent in translations of Chinese texts, the differences between the authors, and the need for acupuncture physicians to distinguish philosophical, anthropological, historical and cultural aspects, in order to identify the stakes of the operational knowledge of the field, are highlighted. this point for the medical field. These factual data do not simply provide medical details, they are more than ever indispensable because, in this form, constitute an issue in the context of the various challenges that currently affects acupuncture and its institutional recognition as a therapeutic specialty. Keywords. 9Rn zhubin - usage classes - translations - interpretations.

 

Introduction

Après avoir exploré le 60V kunlun [1,2], point majeur dans la classe d’usage que nous avons définie et en suivant la même méthode, l’étude des points est poursuivie par l’examen du 9Rn zhubin. Ce dernier ayant été classé comme point secondaire [3], il s’agit ici, a contrario, de se saisir d’un point cité par moins d’un tiers de sources aussi bien classiques que contemporaines que nous avons retenues. En outre la réputation du 9Rn zhubin est de résoudre les problèmes « d’hérédité chargée » [4]. Cette réputation conduit à majorer les aspects symboliques. Elle ouvre la porte à toutes les interprétations situées hors du champ médical. Celles-ci ont pu paraître légitimes aux médecins acupuncteurs mais l’accès de plus en plus ouvert aux publications médicales chinoises nous invite à abandonner ce niveau interprétatif pour ne s’en tenir qu’aux données purement médicales. Comme dans l’article précédemment cité, notre objectif est donc de repérer les diverses dimensions descriptives du 9Rn zhubin, de dégager les éléments communs et les items problématiques afin de clarifier le savoir opérationnel propre à ce point. Nous commencerons par examiner les questions que posent les données de la localisation de ce point dans une sélection de publications contemporaines et classiques, complétées par les données sur les techniques de stimulation. En second lieu nous nous attacherons à clarifier le registre médical à travers les données sur les fonctions thérapeutiques et les indications de ce point, afin, là encore, de faire émerger les questions que la confrontation inter-auteurs soulève. Enfin nous discuterons des problèmes de traduction des caractères présentés selon les auteurs et des interprétations relevant le plus souvent des registres historiques et culturels.

 

Aspects techniques

Localisation

Les données

Sur les neuf publications contemporaines [5-13] que nous avons interrogées, nous avons dans un premier temps rassemblé l’ensemble des items de localisation :

- sur la face interne de la jambe [9,11,13] ;

- sur le trajet du méridien du Rein, entre le 3Rn taixi et le 10Rn yingu [11,12] ;

- 5 distances (cun) au-dessus du sommet de la malléole interne c'est-à-dire du 3Rn taixi [5-13] ;

- à la hauteur du 5F ligou en arrière [9,10] ;

- 2 distances au-dessus et 1,2 distance en arrière du 6Rt sanyinjiao [5] ;

- au bord interne et en-dessous du ventre musculaire du mollet. Dans les publications analysées des divers auteurs [6-9,12,13], leurs descriptions font état d’une diversité d’appellations du muscle triceps : triceps sural, qui est divisé en soléaire en profondeur et en gastrocnémien en surface, lui-même divisé en deux chefs : médial anciennement jumeau interne et latéral anciennement jumeau externe (non concerné ici).

Les textes classiques quant à eux rapportent les repères de localisation suivants :

- « Au-dessus de la cheville intérieure entre le muscle de la jambe[1] » [11]. Ces repères sont précisés dans le Classique d’Acupuncture et de Moxibustion Zheng Jiu Jia Yi Jing écrit par Huang Fu Mi à la fin du troisième siècle [14].

- Au-dessus du 8Rn jiaoxin et au-dessus et en arrière du 6Rt sanyinjiao, dans le ventre du muscle du mollet [15] mentionné dans Zhen Jiu Da Cheng : Great Compendium [16].

Deng [12] fait référence à quatre classiques : Zheng Jiu Jia Yi Jing (259) [14], Zhen Jiu Ju Ying (1529), Yi Xue Ru Men (1575) [17], Zhen Jiu Ji Cheng (1874) [18], mais localise le 9Rn zhubin par rapport au « triceps sural ». Or cette appellation du muscle du mollet ne peut être que l’appellation moderne attribuée par Deng aux textes classiques et non issue des textes classiques eux-mêmes. Il souligne en résumé que la localisation de ce point « n’est pas très claire » et aboutit à la conclusion qui exprime le consensus actuel sur cette localisation repris par l’OMS en 2009 [9].

Les rapports anatomiques du 9Rn zhubin sont de deux distances au-dessus du 6Rt sanyinjiao, et un peu en arrière (1 à 2 distances [10]), au niveau et en arrière du point 5F ligou, une distance au-dessous du 7Rt lougu.

Pour illustrer les rapports ponctuels induits par cette localisation, nous avons construit la figure 1 qui mentionne les points directement en rapport avec le 9Rn zhubin.

Sur la ligne joignant le 7Rn lougu, 3 distances au-dessous, et le 10Rn yingu, 8 distances au-dessus. Ceux-ci sont sur le trajet jambier du méridien du Rein, sur la verticale qui relie le 3Rn taixi au 10Rn yingu.

En avant et de bas en haut le 6Rt sanyinjiao, 2 distances en dessous et 1,2 distances en avant. Le 5F ligou, à la même hauteur que le 9Rn zhubin et 1 distance en avant sur l’arrête tibiale, et le 7Rt lougu 1 distance au-dessus et 0,2 à 0,5 distance en avant du 9Rn zhubin

Figure 1. Rapport ponctuel du 9Rn par rapport aux autres points.

 

À partir de cet ensemble de données techniques, plusieurs types de questions méritent d’être posées.

Les questions soulevées

- Les données de localisation issues des trois classiques Zhen jiu ju ying (1529), Yi Xue Ru Men (1575) [17], Zhen Jiu Ji Cheng (1874) [18] ne sont-elles pas une simple reprise de celles énoncées dans Zhen Jiu Jia Yi Jing (259) [14] ?

- Les différents repères de localisation distingués par les publications contemporaines et classiques ne sont-ils pas situés à divers niveaux : soit sur des régions corporelles, soit à des rapports avec d’autres points et des méridiens d’acupuncture, soit à des rapports anatomiques, soit enfin à des reliefs musculaires ?

- Ceux-ci ne sont-ils pas particulièrement illustrés par la manœuvre de localisation proposée par l’OMS [9] : « genou fléchi et flexion plantaire contre résistance, le muscle soléaire et gastrocnémien se dessine sur le bord médial de l'os tibial. Le 9Rn zhubin se trouve dans le creux qui apparaît sur la partie inférieure du ventre du chef médial du gastrocnémien »[2] ? Ne peut-on pas penser ici que les items pertinents de localisation concernent une connaissance théorique du point alors que la description de la manœuvre de localisation relève quant à elle d’un savoir opérationnel technique ?

- Les caractères chinois ont évolué dans le temps [19,20], tout comme le nom des muscles. N’aurions-nous pas là une première approche des difficultés que nous rencontrons dans la traduction des textes chinois ? Ces difficultés ne sont-elles pas au fondement même des interprétations que nous retrouverons à propos de la dénomination dans la troisième partie de cet article ?

- Qu’apportent, à la connaissance et au savoir opérationnel de ce point, les rapports anatomiques qui découlent d’une dissection ou d’une exploration radiologique par rapport à une description théorique de ces rapports ?

- Une fois connus les repères de localisation du point et les différentes questions qu’ils suscitent, comment le puncturer et le stimuler ?

Les techniques de stimulation

Les données

Dans ce registre, les différentes références que nous avons analysées indiquent pour la profondeur de la puncture des variations allant de 0,3 distance [8] à 2 distances [10]. Les moxas vont de 1 à 5 cônes et de 5 à 15 minutes de moxibustion à distance.

La sensation de puncture est une sensation irradiant à la cuisse ou à la plante du pied à type de gonflement [10], mais également de diffusion ou de décharge électrique [21]

 

Les questions soulevées

- La puncture recommandée est devenue de plus en plus profonde en l’espace de quelques siècles. Comment comprendre cette évolution sans passer par une étude diachronique ?

- Les auteurs contemporains accordent une certaine importance à la sensation locale ou propagée le long des méridiens. S’agirait-il d’une preuve de l’approfondissement et de la spécialisation de la connaissance médicale ?

Ce premier niveau d’analyse apporte un éclairage technique et nous entraine à entrer dans le registre de la thérapeutique.

 

Aspects médicaux

Fonctions thérapeutiques

Données

Point de départ du yinweimai, ce point a pour fonction de désobstruer ce méridien curieux [6-8], il est également le point d’intersection entre yinweimai et yinqiaomai [15].

 

Actions décrites par les auteurs

Sur le domaine ciblé

Dissipe [11]

Réduit [22]

La Chaleur (re)

Dissous [7, 11]

Transforme [8]

Les Glaires (tan)

Élimine [7]

Les Glaires-Humidité

Calme [8, 11]

Apaise [11, 22]

La peur ou terreur  

Le shen

Dissipe la chaleur [11]

Purifie [8]

Clarifie [7]

Le Cœur

Renforce les fonctions [21]

Tonifie et régularise [7, 22]

Des Reins

Le yin des Reins

Favorise [21]

La diurèse

Ouvre [22]

La poitrine

Renforce [23]

Régularise [22]

Les genoux et jambes

Le yinwei

 

Les questions soulevées

- Ne trouve-t-on pas, dans ce résumé par liste des fonctions thérapeutiques une intrication de symptômes, de syndromes et d’indications fonctionnelles, qu’il s’agirait de déconstruire ?

- Cette intrication n’est-elle pas alimentée également par la variabilité des associations (p. ex. Chaleur et Chaleur-Humidité) ?

- Que signifie la variation des expressions des auteurs quant aux actions thérapeutiques de la puncture du 9Rn zhubin ?

Ces questions posent le problème de la pertinence du choix de la nomination « fonction thérapeutique ». Cette catégorie générique se décline nominalement de manière différentielle chez les auteurs considérés : action [10], application clinique [24], indications fonctionnelles [8], indications thérapeutiques [7].

L’existence d’une pluralité de nominations réfère in fine aux actions « énergétiques » de la puncture et de la stimulation du point décrites par les auteurs sélectionnés. Ce constat nous conduit à interroger les indications thérapeutiques du 9Rn zhubin.

 

Indications

 

Données

Nous avons classé le 9Rn zhubin en point secondaire car il est cité par 6 auteurs sur un panel de 20 [3].

Parmi les auteurs contemporains, Soulié de Morant décrit les « effets directs : Hérédité chargée. Coupe toute transmission héréditaire ou ancestrale. Tonifier pendant la grossesse, de préférence deux fois, une à trois mois et une à six mois (une est déjà suffisant) donne un enfant au teint spécialement lumineux, dormant la nuit, riant le jour, ne prenant pas les maladies ou, s'il les prend, les guérissant en quelques heures ou quelques jours, selon les cas ; n'ayant aucune des mauvaises analyses des parents. Sain d'esprit, de morale et de corps. Préventif des fausses couches (fait aussitôt que possible, et même avant la conception). Empêche les spasmes de grossesse. » [4]. L’indication « hérédité chargée » a été critiquée par Guillaume : “cette indication [hérédité chargée] ne transparaît à aucun moment dans les textes que nous avons consultés. Il en va de même pour de nombreuses indications citées par cet auteur” [8].

Pour d’autres auteurs [5,8,10,11,13,22,25] nous relevons 44 indications. Parmi elles, toutes publications confondues, les maladies mentales ont une fréquence de citation relativement faible de 7. Dans les 37 autres pathologies et si on excepte les doublons, 16 indications ne ressortent pas du registre des maladies mentales. Elles concernent des pathologies locales (par ex. crampes du mollet, etc.) ou loco-régionales sur le trajet du méridien (par ex. hernies, orchite, inflammation du pelvis, etc.) ou encore des pathologies organiques (par ex. cystite, néphrite, etc.)

Dans la littérature ancienne [8,26], on retrouve ces quatre types de pathologies avec une terminologie sémantiquement imprécise auxquelles s’ajouteraient les lombalgies accompagnées de tristesse. Ces imprécisions sont particulièrement mises en évidence dans les divergences de traduction du chapitre 41 du Suwen [27].

Dans le registre des associations éventuelles de points, nous retrouvons les affections des voies urinaires, les vomissements parfois accompagnés de folie et les lombalgies.

Ces indications sont complétées et soutenues par les études cliniques qui décrivent hémorragies utérines, angine de poitrine, ulcère buccal [28] et dépendance à l’alcool [29]. Sur le plan gynécologique, on trouve les ruptures prématurées des membranes [30], le syndrome de Lacomme [31], et enfin les syndromes post traumatiques liés aux violences conjugales [32]. Dans les études expérimentales, nous notons la toxicomanie [33] et la déficience auditive iatrogène [34].

Les questions soulevées

- La question de la validité de l’indication « hérédité chargée » telle que formulée ne reste-t-elle pas posée ? La réputation de cette indication est-elle vraiment fondée autrement que dans les discours où elle prend valeur de rumeur ? Cette action eugénique alléguée par un seul auteur n’est-elle pas de ce fait mise en doute et ne peut-elle pas être une erreur de traduction ou d’adaptation ? L’interprétation « pont entre deux mondes » [35], par exemple ne dérive-t-elle pas de cette singularité ?

- Quel sens donner à la focalisation interprétative sur les maladies mentales alors que ces dernières sont minoritaires du point de vue de leur fréquence de citation ?

- Les imprécisions terminologiques dans la littérature ancienne n’ouvrent-elles pas le champ des interprétations possibles, alors même qu’elles tendent à ne pas sortir du champ médical ?

Ces diverses questions nous conduisent en dernier lieu à évoquer comment le contexte historique et culturel chinois est intégré au champ médical et a pu souvent paraître s’imposer à ce dernier dans le processus de compréhension des maladies et de leur traitement. La sinologie, l’anthropologie et la philosophie, utiles à la compréhension du monde chinois, n’ont-elles pas eu, dans le champ médical, des effets contre-productifs ? C’est en particulier à travers les enjeux de la dénomination que nous allons examiner ces questions.

Aspects historiques et culturels

Dénomination

Les données

- Diverses écritures.

Les caractères actuellement attribués au 9Rn zhubin, sont les suivants筑宾en caractères simplifiés et築賓en caractères dits traditionnels et s’écrivent en pinyin zhù bīn. Chaque phonème en pinyin peut être prononcé de quatre manières différentes en fonction des accentuations et sans tenir compte des accents régionaux ou étrangers. Ces caractères s’écrivent avec des lettres différentes selon la langue qui les transcrit de façon à rester aussi proche que possible de la prononciation « officielle ». On trouve ainsi dans les ouvrages médicaux sélectionnés les translittérations suivantes (Tableau I) dont on peut faire l’hypothèse qu’elles ne sont pas les seules.

 

Tableau I. Les translittérations.

Anglophone

Francophone

Japonais

Coréen

Vietnamien

Chu-Pin

Tso-pinn [4, 10] 
Tchou penn [25]

Chikuhin

Ch'ukpin

Ch'ukpin

 

Dans un but de simplification, des codes alpha-numériques ont été utilisés tels que K ou KI pour kidney, Re ou Rn pour Rein, le 9 étant placé pour les uns avant ces abréviations et pour d’autres après. Ce faisant l’existence de ces codes aux multiples applications a paradoxalement complexifié la compréhension au lieu de la simplifier.

Pour revenir à l’écriture des caractères chinois, des radicaux différents peuvent être adjoints à un même caractère (apparaissant en avant ou au-dessus) modifiant à la fois la prononciation et le sens. Ainsi, pour zhù bīn, si zhù ne prête pas à confusion puisque représentant un seul et unique caractère , bīn en revanche peut être le phonème de quatre caractères, modifiant profondément les significations que l’on peut donner à 9Rn zhù bīn 筑宾 (Tableau II).

- Les données des dictionnaires.

Dans le dictionnaire français de la langue chinoise Ricci [20] le caractère zhu 筑 correspond à Ricci 1147 et est traduit par : « 1. Battre la terre pour la tasser ; pilonner ; tasser. 2. Construire ; bâtir. 3. Construction ; Bâtiment ; maison. 4. Piquer ; percer. ». Quant à bin 宾, qui correspond à Ricci 4068 [21], ses significations sont les suivantes : « [a] 1. Hôte (celui qui reçoit l’hospitalité) ; visiteur ; invité. 2. Recevoir et traiter un hôte ; accueillir un visiteur. Hospitalité. 3. Se soumettre à ; reconnaître l’autorité de. 4. N. f. ». Mais également, en le précédant du radical 扌de shou, main 手 : « [b] Bìn n. 4059 摈 bìn 1. Rejeter ; renoncer à ; abandonner. 2. Expulser ; chasser. »

 

Tableau II. Résumé des significations.

Pinyin

Caractères

N° Ricci

Radicaux

Signification

Traductions proposées par

Zhù

1147

zhú bambou

1. Battre la terre pour la tasser ; pilonner ; tasser. 2. Construire ; bâtir. 3. Construction ; Bâtiment ; maison. 4. Piquer ; percer. 

Pan [6]

Laurent [7]

Bīn

4068

mián

Toit

[a]1. Hôte (celui qui reçoit l’hospitalité) ; visiteur ; invité. 2. Recevoir et traiter un hôte ; accueillir un visiteur. Hospitalité. 3. Se soumettre à ; reconnaître l’autorité de. 4. N. f. 

Pan [6]

Laurent [7]

Bìn

4059

手ou 扌shǒu main

1. Rejeter ; renoncer à ; abandonner. 2. Expulser ; chasser.

Ellis [15]

Bīn

4063

水ou 氵shuǐ eau

1. Bord de l’eau ; rive : rivage ; côte ; plage ; berge. 2. Border. En bordure de ; Près de. Proche ; attenant à.

Soulié de Morant [4], Guillaume [8]

 

Bìn

 

肉 ou月

ròu chair

1. Dans 膑⻣ bìn gǔ (Anat. – Méd. chin. trad.) Rotule : Patella. 2. Dans 膑脚 bìn jiǎo Couper la rotule (châtiment) ; (p. ext.) couper le pied.

WHO [9] mais il est présenté avec le radical宀mián toit

 

Sans trop insister sur les risques que présente l’aspect aléatoire des caractères chinois, objet de l’intérêt de recherche des sinologues, nous préférons faire appel aux traductions réalisées dans un certain nombre de publications médicales de diverses sources. Ainsi nous pouvons trouver comme traduction : « construction sur la plage » [5] ; « guest house » [15] ; « édifice construit pour accueillir l'invité » [6] ; « construit pour l'hôte » [7].

Cet ensemble de traductions montrent bien la difficulté des choix, leur incidence sur l’image que l’on peut se faire du point et l’interprétation que l’on peut en tirer.

La notion de rivage énoncée par Nguyen Van Nghi [5] est mise en relation par Guillaume [8] avec la notion de « berge » à laquelle ce dernier affecte un caractère bin différent 滨 (Ricci 4063) (le radical de la main est remplacé par celui 氵de l’eau shui 水) (tableau 3) et qu’il considère comme un nom secondaire issu du classique Yi Xue Ru Men Fondamental de Médecine Essentials of Medicine rédigé par Li Yan en 1816 [17].

Les questions soulevées

- Comment expliquer ces sens apparemment contradictoires dans ces traductions ? Par exemple, est-ce que la main qui accueille (radical de bin 4068) le visiteur, peut également le rejeter (radical de bin 4059) ? Si cette explication est un problème de spécialiste de sinologie, nous devons souligner que les interprétations occidentales qui tentent d’expliquer les traductions par des commentaires sont pléthores.

- Sur le plan médical, qu’apportent ces divers sens, les choix qu’ils induisent et qu’ils peuvent générer ? Y a-t-il un lien entre les noms du point, les significations qu’ils véhiculent et son activité thérapeutique ? Et si lien il y a, quelle en est la teneur, la solidité et la fiabilité ? Ces questions aux réponses délicates ou inaccessibles ont une première valeur : nous inciter à la prudence. Nous laisserons aux spécialistes, sinologues et anthropologues, le soin de résoudre la question de l’incidence de la période historique sur le sens que l’on peut attribuer à ces appellations dans le cadre de leur discipline.

- Au regard de ces données de traduction assez hétérogènes, pourquoi alors ne pas proposer « construit en bordure du zushaoyin pour donner source au yinweimai » ou « recevoir le yinweimai », explications du nom du point proposées par Pan [6]. Est-il utile dans le champ médical d’étendre ces traductions à des « significations possibles », tel que le propose Destribats avec par exemple « construire un nouvel être » qui devient une nouvelle « âme » s’incarnant dans un nouveau « corps » ou « monde » et rendant la « naissance comparable à la mort » [35] ? Quelle utilité peut représenter l’insertion de théories issues de la psychanalyse à la compréhension des points d’acupuncture ? Au-delà de ces interprétations, n’est-il pas essentiel de distinguer les actions du point 9Rn zhubin de celles du méridien yinweimai, même si ce point en est la Source [35] ?

Conclusion

Le travail sur le 9Rn zhubin a été réalisé à partir de la page qui lui est consacrée dans le site Sigma Sciences Médicales Chinoises [37] et alimenté par les questions posées à la lecture de l’article récent d’Alain Destribats [35]. En tentant de se défaire des interprétations d’auteurs dont les appartenances institutionnelles et disciplinaires (sinologie et anthropologie, entre autres) ne relèvent pas du champ médical le présent article se focalise sur les données proprement médicales. Sont ici mis en évidence des points de discussion collective qui accompagnent les questions que nous avons posées. Le recours à des références publiées et avec sources, les citations d’auteurs précises et contextualisées sont la base sur laquelle peuvent se bâtir les savoirs opérationnels des points d’acupuncture. Comprendre ne nécessite-t-il pas en effet d’aller chercher une information autant que possible vérifiée et fiable ? Il nous a également semblé impératif de distinguer dans la médecine chinoise l’impact du culturel de la fonction thérapeutique. Cette distinction peut se faire en gardant ou en proposant des définitions médicales et en excluant toute connotation philosophique et anthropologique, qui, pour légitimes qu’elles soient dans leur domaine respectif, ne disent rien sur les manières dont le médecin acupuncteur peut décliner son exercice professionnel. La confusion des champs médical, philosophique et anthropologique peut être illustrée par la définition de la théorie du yin-yang proposée par l’OMS [36] : « yin-yang theory 陰陽學說 : an ancient Chinese philosophical concept, dealing with two opposite aspects of matters in nature which are interrelated with each other. Its principle is widely applied to traditional Chinese medicine »[3]. Cette définition est basée sur l’histoire de la médecine chinoise et inclut des concepts culturels et philosophiques. Pour se dégager de ceux-ci, ne pourrions-nous pas proposer d’adopter la définition médicale suivante du yin-yang : « Tout phénomène naturel peut être décrit sous deux aspects. Ces deux aspects représentent ensemble la totalité du phénomène observé dont le contexte et le point de vue doivent être précisés. Dans le domaine de la médecine chinoise, ces phénomènes appartiennent à la physiologie du corps humain ainsi qu’au diagnostic et au traitement de ses maladies ».

Les médecins acupuncteurs occidentaux sont dans une position inconfortable à cheval entre leur formation médicale initiale et leur spécialisation en médecine chinoise. Longtemps présentés comme opposés, souvent comparés, ces deux savoirs ont généré des tentatives d’explication et d’interprétation empruntant des voies qui exacerbent ces oppositions : par ex. le recours à la richesse interprétative de la psychanalyse ou l’importation explicative de mécanismes neuro physiologiques. Ce faisant, sommes-nous si sûrs de ne pas avoir perdu la vocation même de l’acupuncture ?  Le caractère impérieux de ces comparaisons ne nous contraint-il pas à une mise en opposition ? Et si les différences, à l’évidence linguistiques et culturelles, ne concernaient pas la médecine mais simplement l’Histoire de chaque type de savoirs [38] ? L’exacerbation des différences des types de savoirs médicaux n’a-t-elle pas eu pour effet de générer les diverses étiquettes dont a été affublée l’acupuncture au cours de son histoire contemporaine en occident ?  N’est-il pas temps de se pencher sur les données factuelles de la médecine (chinoise puisqu’il s’agit de notre spécialité) pour retrouver les usages proprement thérapeutiques en excluant toute interprétation ou adaptation inhérentes à la nécessité de donner sens aux textes médicaux chinois ?

 

Dr Claude Pernice

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L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 

 

Références

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 Notes

[1]. “above the inner ankle between the leg muscle”.

[2]. Cette formulation en français s’inspire de celle, en anglais, de WHO [9] : “With the knee flexed and the leg stretched (plantar flexion) against resistance, the soleus muscle can be seen more clearly along the medial border of the tibia bone”

[3]. Traduction automatique : « un ancien concept philosophique chinois, qui traite de deux aspects opposés de la nature, qui sont liés entre eux. Son principe est largement appliqué à la médecine traditionnelle chinoise »

 

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