Le professeur Jean Bossy nous a quittés le 20 Novembre 2009

Le professeur Jean Bossy, par la singularité de son ouverture d’esprit, sa quête permanente dans la recherche et la transmission de son savoir, a permis à la médecine traditionnelle chinoise de s’intégrer à la médecine occidentale en lui apportant une reconnaissance officielle universitaire. Grâce à son impulsion,  l’élaboration de ce projet, qui lui tenait particulièrement à cœur, est la première pierre sur laquelle a pu se construire l’édifice actuel de l’enseignement qui a permis la mise en place du diplôme universitaire, puis inter-universitaire, pour aboutir à la  récente  capacité.

Dans les années 72, et peut-être bien avant, interrogé par la pratique de la médecine chinoise, Jean Bossy, accompagné de quelques jeunes envahis du même enthousiasme, ira glaner ici et là formations, informations et documents concernant cet art des aiguilles et des moxas. 

A cette époque lointaine on parlait beaucoup de Niboyer, Nogier, Bourdiol dans l’ancienne capitale Lyonnaise de la Gaule.

Dès 73, ce groupuscule nîmois envisage de se réunir pour reprendre les bases et les principes de l’acupuncture : un lieu, le laboratoire d’anatomie de la faculté, un chef, le professeur Jean Bossy, des adeptes de ce qui était alors encore qu’une secte : J.C. Maurel, J.L. Lafont, C. Chaput, M. Seoane …et quelques autres.

Il y a 34 ans, à la veille du jour de la disparition du Professeur Jean Bossy en cette année 2009, fut officiellement constituée le 19 Novembre 1975 l’A.F.E.R.A. qui était alors l’Association Française pour l’Etude des Réflexothérapies Appliquées.

Le groupe, sous son imprégnation, établit un enseignement reprenant les bases essentielles de la méthode des points et des méridiens, du yin-yang, des cinq éléments et,… bien sûr de la neuro- biologie des réflexothérapies.

C’est l’époque de la fameuse querelle des anciens et des modernes, des « traditionnels » et des « réflexothérapeutes », terme méprisant dont nous avons été longtemps affublés par les puristes de la tradition.

C’est aussi à la même période que le professeur Jean Bossy met en place dans son service, une consultation de réflexothérapie (on ne disait pas encore acupuncture) à l’hôpital de Nîmes.

Car le Professeur Bossy avait un projet en tête : introduire l’acupuncture au sein de l’université. Et, pour ne pas s’opposer au cercle rigide des instances officielles, il souhaitait coller au plus près de l’acceptable pour les Doyens de la Faculté. Je me souviens du conseil qu’il nous avait donné de présenter un programme qui pourrait être toléré, dans le libellé des titres des cours d’enseignement, nous laissant libre ensuite de présenter les notions les plus ésotériques que nous souhaitions apporter.

Quel fut notre étonnement lorsque nous nous sommes aperçus que ses connaissances et ses propositions allaient encore plus loin dans la vision des concepts de l’acupuncture traditionnelle que pour certains d’entre nous !

En 80 paraît  « Sémiologie en acupuncture » de J. Bossy, J.C. Maurel et J.L. Lafont, le BLM, comme nous l’appelons, premier recueil de symptômes, et leur analyse dans le cadre des huit règles. Un grand pas !

 

 

Précis d’acupuncture en obstétrique

Précis d’acupuncture en obstétrique

ROQUERE Hélène et LAFONT Jean-Louis

Montpellier : Sauramps Médical, 2016.

-451 p. ; 24 cm x 17,5 cm. Broché, illustrations, biblio.

 ISBN 979-1030300444 : 59€

 

 Personnalités éminentes de l’Association Française pour l’Étude et la Recherche en Acupuncture (AFERA), Hélène Roquère et Jean-Louis Lafont nous livrent dans cet ouvrage la synthèse de leurs expériences, somme des activités professionnelles en tant que médecin acupuncteur spécialisé en obstétrique ou enseignant ou ex-enseignant au sein du diplôme interuniversitaire (DIU) d’acupuncture obstétricale de Nîmes-Montpellier. Ainsi au cours du congrès de l’AFERA 2014, Hélène Roquère présentait de façon très didactique la dynamique de l’accouchement ; de même, Jean-Louis Lafont insistait sur les points de traitement de l’infertilité chez la femme, en particulier sur la stimulation, lors de la première partie du cycle menstruel, du point FO11 yinlian 陰廉 [1]. Ce point mentionné pour la première fois dans le Zhenjiu jiayijing (針灸甲乙經, L’ABC d'Acupuncture et de Moxibustion) écrit par Huang Fumi en 259 de notre ère a la stérilité pour seule indication. En effet, il permet de faire circuler le qi du Foie et d’en mobiliser le Sang.

Hélène Roquère et Jean-Louis Lafont abordent donc dans leur livre la surveillance de la grossesse, la pathologie de la grossesse (vomissements, insomnie, anémie, dépression, menaces d’accouchement prématuré, syndrome du canal carpien, prurit gravidique, etc.), l’accouchement (présentations dystociques, versions, inductions du travail, etc.), mais aussi toutes les pathologies du post-partum (rétention des lochies, incontinence urinaire, hémorroïdes, douleurs du périnée, endométrite, constipation, etc.). Un chapitre complet est consacré à l’allaitement avec l’hypogalactie, les crevasses, l’engorgement, les abcès... et un autre à l’infertilité.  Pour la thérapeutique, les auteurs ont insisté sur la différenciation des syndromes (bianzheng), classés selon plusieurs modalités : suivant les huit principes (yin yang, froid chaleur, biao li, xu shi), suivant les méridiens et les luo, les substances vitales (affections du qixue - vide, stagnation de Sang, les glaires, etc.), et enfin suivant les zang fu insuffisance ou excès (exemple : Vide de Sang du Foie ou Vide de qi du Poumon et du Rein). Bref un ouvrage assez complet qui malheureusement fait l’impasse sur la médecine fondée sur le niveau de preuve. Aucun essai comparatif randomisé n’est cité alors que deux-cent-trente-sept ECR et méta-analyses sont référencés à ce jour sur la base de donnée américaine Medline Pubmed [2] et que l’évaluation de l’acupuncture en obstétrique avance à grands pas [3]. De même, les auteurs ont essayé de clarifier la notion de points interdits à partir des Classiques Chinois (Compendium d'Acupuncture et Moxibustion » Zhenjiu dacheng, le « Classique illustré des points d’acupuncture de l’homme de bronze » Tongren shuxue zhenjiu tujing, etc.). Mais sans doute la revue systématique de Carr (823 femmes bénéficiant de 4549 à 7234 traitements d'acupuncture sur un ou plusieurs points interdits) [4] et la grande étude observationnelle allemande (n=5885 femmes avec acupuncture sur les points interdits à tous les stades de la grossesse) sont bien plus parlantes. Les taux de fausse couche, de rupture prématurée des membranes, de travail prématuré ou menace de travail prématuré sont comparables à ceux des femmes enceintes non traitées et/ou compatibles avec l’incidence prévue [5].

On regrettera aussi que le chapitre accouchement soit très succinct et n’aborde pas l’analgésie lors du travail alors que l’acupuncture et/ou l’électroacupuncture durant l’accouchement peuvent être raisonnablement indiquées avec un grade B (présomption scientifique) selon le niveau des recommandations de la Haute Autorité de Santé Française [6].

Quoi qu’il en soit, Hélène Roquère et Jean-Louis Lafont nous montrent de façon didactique et de manière très structurée la richesse de l’acupuncture et toutes ses possibilités thérapeutiques. Ce livre se doit de faire partie de la bibliothèque idéale de tout étudiant de DIU d’acupuncture obstétricale ou de tout médecin s’intéressant à l’obstétrique.

Dr Jean-Marc Stéphan

Directeur de la revue « Acupuncture & Moxibustion »

Coordinateur du DIU d’acupuncture obstétricale à la Faculté de Médecine de Lille 2

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Conflit d’intérêts : aucun

 Références

 [1]. Covin J. Le XXIIIe Congrès d’acupuncture de l’AFERA. Acupuncture & Moxibustion. 2014;13(2):144-145.

[2]. Pubmed Medline. [Consulté le 16 juin 2016]. Available from http : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed

[3]. Stéphan JM. Obstétrique et acupuncture factuelle. Quel niveau de preuve en 2015 ? Acupuncture & Moxibustion. 2015;14(4):285-291.

[4]. Carr DJ. The safety of obstetric acupuncture: forbidden points revisited. Acupunct Med. 2015 Oct;33(5):413-9.

[5]. Romer A, Zieger W, Melchert F [Prohibition of acupuncture points during pregnancy—an outdated tradition or objective evidence?]. Deutsche Zeitschrift Für Akupunktur 2013;56:10–13.

[6]. Stéphan JM. L'acupuncture autour de la naissance : analgésie durant l'accouchement. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(1):28-33. 

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