Van Gogh : revue de littérature de ses diverses pathologies et essai d’analyse du déséquilibre énergétique à travers ses peintures

 Résumé : Après une revue de la littérature sur les divers diagnostics selon la médecine allopathique attribués à Van Gogh, une analyse de ses peintures est réalisée selon une grille de lecture basée sur la correspondance entre les couleurs, les Cinq Eléments, les Cinq Emotions et les Sept Sentiments. Une corrélation a pu être établie entre les diverses pathologies dont souffrait le célèbre artiste selon le diagnostic occidental et les déséquilibres énergétiques révélés par les couleurs de ses œuvres, vus sous l’angle de la différenciation des syndromes bianzheng). La prédominance de jaune, de vert et de bleu dans l’ensemble de ses peintures pourrait être attribuée à ses troubles traduits en termes de déséquilibres énergétiques selon la médecine chinoise. Mots-clés : Cinq Eléments - couleurs - déséquilibre énergétique - bianzheng - Van Gogh

Summary: After a review of the literature on various diagnoses according to allopathic medicine, an analysis of Van Gogh’s paintings is performed, on the basis of correspondence between colors and the Five Elements, the Five Emotions et the Seven Feelings. A correlation hasbeenestablished between the diverse diseases of the famous artist, according to Western diagnosis, and energy imbalances revealed by the color of his paintings, from the perspective of pathophysiological syndromes (bianzheng). The predominance of yellow, green and blue in his artwork may be attributed to his disorders, in terms of energy imbalances according to Chinese medicine. Keywords: Five Elements - colors - energy imbalance biangzheng - Van Gogh

   

Introduction

 Hésitant un temps entre vocation artistique et vocation religieuse, Vincent Van Gogh choisit de se consacrer à la peinture. Tout le monde s'accorde à voir en Van Gogh le mythe absolu du génie, du fou, du miséreux, artiste méconnu et condamné au malheur. Sa carrière n'a duré qu'à peine dix ans, et il se serait suicidé [1] en laissant derrière lui une œuvre considérable. Malgré de graves troubles neuropsychologiques, Van Gogh ne s’est quasiment jamais arrêté de peindre. En dix ans, il a réalisé près de neuf-cents tableaux et un millier de dessins.

Son style très coloré présente une vitalité et une tension particulière qui n’ont pas fini de marquer les esprits. Il applique les couleurs par touches de pinceaux, sans mélanger sur la palette. Sous le soleil de Provence, son style de peinture se modifie. Ses toiles sont plus colorées. Il peint par larges touches courbes et utilise abondamment les couleurs jaune, vert et bleu.

La relation entre les trois disciplines, science, médecine et art, a longtemps été un domaine d’exploration fascinant avec leurs contrastes étonnants et leurs frontières mal délimitées. La confrontation des problèmes médicaux chez les artistes (beaux-arts, musique, etc.) a toujours fait couler beaucoup d’encre. On peut pratiquement dire qu’aucune personnalité n’a été autant diagnostiquée à titre posthume que Vincent van Gogh.

Cet article ne vise ni à ajouter une nouvelle maladie à la longue liste déjà établie à ce jour, ni à argumenter sur le «bon diagnostic». Il se propose, à partir des couleurs utilisées par Van Gogh, de faire une « lecture énergétique » basée sur la correspondance entre les couleurs et les Cinq Eléments, les Cinq Emotions et les Sept Sentiments. Un déséquilibre énergétique, dans le cadre de la différenciation des syndromes (bianzheng) selon la médecine traditionnelle chinoise, peut-il influencer sur le choix des couleurs dans toute création artistique ? 

 

Multiplicité de pathologies et de diagnostics en médecine allopathique

 

Vincent Van Gogh (1853-1890) donnait dans son art une essence profonde de la vie, et de façon unique. Plus de cent-cinquante psychiatres et médecins de différentes spécialités ont tenté d'identifier «la maladie» de l’artiste et de multiples diagnostics ont été proposés.

Cependant, comment les troubles neurologiques dont il souffrait ont-ils pu influencer son art ? Ceci n’est pas encore clair. La combinaison de sa personnalité excentrique, irascible, ses humeurs instables et sa créativité prolifique rendent la compréhension de sa pathologie très complexe. Cela pose un grand défi à ceux qui essaient d’analyser les relations existant entre «l'esprit artistique», le cerveau et la maladie. En fait, la plupart des diagnostics proposés pour Van Gogh au cours du siècle dernier ne sont pas basés sur des preuves médicales, mais sont seulement en partie vérifiables à partir d’analyses de ses tableaux et des données biographiques.

D’après une récente publication [2] datant de 2013, une analyse de la maladie de Van Gogh a été réalisée à la lumière de sa correspondance, dont la qualité littéraire est largement reconnue. L’auteur s’est basé sur les antécédents médicaux de l’artiste à travers les nombreuses citations dans ses lettres, pour voir comment Vincent a exprimé ses plaintes, ses émotions liées à sa maladie. Les symptômes sont devenus plus précis après décembre 1888. Au début, Van Gogh avait beaucoup hésité à parler de sa maladie, mais peu à peu, il décrivait dans ses lettres ses expériences tout au long de ses psychoses cycloïdes. Selon l’auteur, il existe des signes de synesthésie, de prosopagnosie et d’agnosie spatiale. L'affinité de Van Gogh pour la poésie, déjà au début de sa vingtaine, rend plausible l'hypothèse d'une excitation du lobe temporal par des décharges épileptiques, ce qui pourrait expliquer en partie le fonctionnement complexe de son esprit créatif et torturé par la souffrance. L’auteur a tenté de placer les diagnostics effectivement réalisés au cours de la vie de l’artiste dans leur contexte historique et culturel. Il est évident que ceux qui établissent un diagnostic et ceux qui le reçoivent sont impliqués dans le même contexte culturel, en tenant pour acquis les modes médicales de leur temps, y compris les biais incorporés. Par ailleurs, à partir des archives de la faculté de médecine de Montpellier et de la correspondance de Van Gogh, le Pr François-Bernard Michel [3] a reconstitué les relations de l’artiste avec ses trois psychiatres (les Drs Jean-Félix Rey, Théophile Peyron et Paul Gachet), de 1888 à son suicide en 1890. Il a montré comment tous les trois ont raté la prise en charge du génie, ne laissant à Van Gogh aucun espoir de guérison.

Il existe une certaine tendance de la part des médecins et des groupes de patients à mouler « la maladie » de Van Gogh dans un schéma propre à leur spécialité ou à leur maladie [4].

Parmi les diagnostics énoncés dans plus d’une douzaine d’articles retrouvés dans Pubmed (dont la 1ère date de 1981 et les derniers en 2013), on peut citer : glaucome, xanthopsie induite par la digitaline, dyschromatopsie acquise, maladie de Ménière, épilepsie du lobe temporal, trouble bipolaire, saturnisme, intoxication à la thuyone, saturnisme, psychose cycloïde (voir tableau I). Chacune de ces maladies pourrait être responsable des troubles neuropsychologiques qui auraient été aggravés par la malnutrition, le surmenage, l'insomnie et un penchant pour l'alcool, en particulier pour l’absinthe.

 Tableau I. Symptômes/pathologies dont souffrait Van Gogh (PubMed).

 

Symptômes

Références

Institution/Pays

Halos colorés attribués au glaucome

[5] Lanthony P, Bull Soc Ophtalmol Fr.

Service de Physiologie – CNO des XV-XX Paris France

Xanthopsie et cataracte

[6] Arnold WN, Loftus LS. Eye (Lond).

Department of Biochemistry and Molecular Biology, University of Kansas Medical Center, Kansas City 66103.USA

Xanthopsie due à intoxication digitalique

[7] Lee TC. Jama.

[8] Elliott DB, Skaff A. Ophthalmic Physiol Opt.

 

 

[9] Lanthony P. J. Fr Ophtalmol.

 

USA

Centre for Sight Enhancement, School of Optometry, University of Waterloo, Ontario, Canada

 

Service de Physiologie – CNO des XV-XX Paris France

Dyschromatopsie acquise

[10] Hart WM Jr. Surv Ophthalmol.

Department of Ophthalmology, Washington University School of Medicine, St. Louis, Missouri, USA

Maladie de Ménière (épilepsie controversée) : vertiges et étourdissements épisodiques, déséquilibre physique, symptômes auditifs, acouphènes ainsi que réaction présumée psychologique, secondaire à sa symptomatologie physique

 

[11] Arenberg IK et al. Jama.

[12] Arenberg IK et al, Acta Otolaryngol Suppl.

International Meniere's Disease Research Institute, Colorado Neurologic Institute, Englewood 80110. USA

Epilepsie

Remarque : Epilepsie : Diagnostic rédigé par le Dr Peyron, médecin à l'asile de Saint Rémy (France), dans lequel le 9 mai 1889, Van Gogh s'est volontairement engagé à l'asile pour épileptiques et déments

 

[13] Meissner WW. Bull Menninger Clin.

 

 

[14] ter Borg M, Trenité DK. Epilepsy Behav.

Boston Psychoanalytic Institute, Boston College, MA. USA

 

Epilepsy Institute of the Netherlands Sein, Pays-Bas

Trouble bipolaire,

symptômes maniaco-dépressifs ou cyclothymiques

[15] Janka Z. Orv Hetil.

Pszichiátriai Klinika. Hongrie

Psychopathologie due à une intoxication chronique au plomb (saturnisme) : débilitation débutante, stomatite avec perte de dents, douleurs abdominales récurrentes, anémie (avec un « teint de plomb"), neuropathie radiale, encéphalopathie saturnine avec crises d'épilepsie, altérations progressives du caractère et périodes de délire, de trouble mental

[16] González Luque FJ, Montejo González ALActas Luso Esp Neurol Psiquiatr Cienc Afines.

 

Espagne

Saturnisme

[17] Weissman E. J Med Biogr.

 

Department of Internal Medicine, University of Virginia, USA

 

Frontière entre psychose et épilepsie

[18] Lemke S, Lemke C. Nervenarzt.

 

Klinik für Psychiatrie und Neurologie Hans Berger, Friedrich-Schiller-Universität Jena. Allemagne

Epilepsie du lobe temporal avec des oscillations maniaques, humeur dépressive aggravée par l'absinthe, le brandy, la nicotine et de la térébenthine.

 

[19] Morrant JC. Can J Psychiatry.

Shaughnessy Hospital, Vancouver

Canada

Dépendance à l’absinthe (thuyone) : hallucinations, convulsions, sensations de désinhibition

[20] Arnold WN. Jama.

Department of Biochemistry, University of Kansas Medical Center, Kansas City 66103. USA

Psychose cycloïde

[2]Voskuil PH. Front Neurol Neurosci.

 

Hans Berger Clinic for Epilepsy, Oosterhout, Pays-Bas

  Le trouble bipolaire selon les critères DSM-IV

 D’après l’analyse de deux neurologues [21] en 2005, Bogousslavsky J (Neurologie, INSERM Unit 549) et Boller F (Neurologie et Psychiatrie, CHUV Centre Paul Broca, Lausanne, Suisse), il est fortement probable que Van Gogh souffrait de trouble bipolaire ayant causé sa mort par suicide selon les critères DSM-IV. Bien qu'aucun diagnostic définitif n’ait pu être déterminé, les deux auteurs se sont basés sur des preuves extrapolées à partir des échanges de courrier du célèbre artiste. En 2005, les deux neurologues ont rapporté les faits suivants.

Entre février 1886 et octobre 1888, lorsque Van Gogh vivait à Paris, ses lettres ont révélé tous les symptômes de la maladie bipolaire même s’il est difficile à reconstruire la durée exacte de la dépression et des phases maniaques.

Avant 1886, Van Gogh a présenté des épisodes dépressifs majeurs et mineurs alternant avec des phases hypomaniaques ou maniaques, souvent avec des cycles rapides. Les deux épisodes de dépression ont été suivis par des périodes prolongées d'énergie et d'enthousiasme, d'abord comme un évangéliste, puis en tant qu'artiste.

Un épisode dépressif de longue durée a eu lieu à Londres, après une déception amoureuse, quand il a été expulsé de l'église, et au moment de sa séparation d'avec Sien, une prostituée et son fils. Un épisode d’hypomanie durable ou des phases maniaques ont coïncidé avec ses débuts comme évangéliste, ainsi qu’à ses débuts d’artiste.

Au cours des années passées à Paris (1886-1888), il a abusé de l'alcool, consommé beaucoup d'absinthe. L'anxiété, l'irritabilité, l'hostilité, l'excentricité et divers symptômes somatiques se sont manifestés. A Arles (1888), il a connu l'angoisse, la mélancolie, le remords, l'insomnie et l'épuisement physique, à l’origine de son comportement insalubre. La veille de Noël en 1888, au cours de ce qui a été le premier épisode de sa crise psychotique (dont il est resté amnésique), il a coupé une partie de son oreille gauche. En mai 1889, après deux brèves crises psychotiques, il s’est volontairement inscrit à l'asile de Saint-Rémy. A Saint-Rémy, au cours de l'année suivante, il a vécu des épisodes dépressifs sévères et trois crises psychotiques, dont au moins deux étaient concomitantes avec ses visites temporaires à Arles. La dernière de ces crises, caractérisée par des délires religieux et paranoïaques, ainsi que des hallucinations auditives, a persisté pendant trois mois (février-avril 1890) et a laissé quelques souvenirs très vifs. Quittant l'asile en mai 1890 comme étant guéri, il s'installe à Auvers-sur-Oise. Là se sont manifestés des cycles rapides de symptômes maniaques et dépressifs. Le 27 Juillet, il se serait tiré une balle dans la poitrine et il est mort deux jours plus tard.

  La xanthopsie de Van Gogh

 Certaines hypothèses médicales ont laissé entendre que le goût de Van Gogh pour l'utilisation de la couleur jaune pourrait être lié à son addiction à l'absinthe. En effet, cet alcool contient la thuyone, substance neurotoxique qui, à fortes doses, peut causer la xanthopsie, un trouble de la vision amenant à voir les objets en jaune. Toutefois, une étude a mis en évidence qu'une consommation d'absinthe aurait entraîné le buveur dans l'inconscience en raison de la teneur en alcool avant qu’il ait pu ingérer suffisamment de thuyone pour souffrir de xanthopsie.

Une autre hypothèse suggère que le Dr Gachet aurait prescrit de la digitaline à Van Gogh pour traiter l'épilepsie, substance qui pourrait entraîner une vision teintée de jaune et des changements dans la perception de la couleur d'ensemble [5,9]. Cependant, il n'existe aucune preuve directe que Van Gogh ait consommé de la digitaline, même si Van Gogh a peint la toile «Portrait du Dr Gachet avec branche de digitale».

Il ne semble donc pas exister d’explication médicale en médecine allopathique pouvant expliquer pourquoi Van Gogh avait une forte prédilection pour la couleur jaune dans ses peintures. D’après l’analyse d’Arnold WL [6], cette attirance par le jaune ne pourrait être expliquée que par une question de goût personnel, fondé sur une sensibilité personnelle. Dans quelle mesure le concept "Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas" est-il justifié ? Nos inclinations naturelles dictent nos goûts. Mais dans quelle mesure nos inclinations naturelles pour certaines couleurs seraient-elles le reflet de nos « équilibres/déséquilibres énergétiques » selon la théorie des Cinq Eléments à un temps t donné ?

 Relation entre médecine occidentale et médecine chinoise

 Les Cinq Emotions et les Sept Sentiments

 

Les Cinq Emotions sont réparties sur les Cinq Eléments et sont considérées comme physiologiques quand elles ne se manifestent pas de façon excessive, répétée ou permanente. Elles correspondent à un mode d’adaptation aux aléas de la vie.

Les Sept Sentiments représentent le caractère pathologique des émotions. Aux Cinq Emotions sont ajoutées la tristesse (bei) associée aux Poumons et la frayeur (jing) associée au Cœur et aux Reins.

« Par suite de la séparation avec les parents, de la désespérance, de l’accumulation des soucis et de la concentration, de la rancune d’une part ; du chagrin, de la crainte, de la joie et de la colère, d’autre part, les Organes deviennent alors en état de vide et le Sang et l’Energie quittent leur emplacement naturel » (Suwen, 77).

« Au niveau du Cœur demeure le shen. Les exagérations de la crainte, l’inquiétude, la méditation ou le souci atteignent facilement le shen » (Lingshu, 8).

« La tristesse, l’affliction, les soucis nuisent au Cœur » (Nanjing, 49e difficulté).

Les sentiments en excès lèsent la circulation du qi, ce qui va léser le qi, le Sang, le yin, le yang et les Liquides organiques.

Chaque sentiment peut dérégler son Organe respectif en engendrant et aggravant une maladie et réciproquement, la pathologie d’un Organe peut être révélée par un dérèglement des Sentiments. Chaque sentiment en excès peur se transformer en Feu.

 

Les fonctions des Organes

Les trois Organes les plus touchés par les Sentiments sont le Cœur, le Foie et la Rate, entraînant les syndromes suivants :

-        vide de qi et de Sang blessant la Rate pour le qi, le Cœur et le Foie pour le Sang ;

-        échange entravé entre Cœur (Feu) et Reins (Eau) : mouvements verticaux du Feu et de l’Eau de l’axe shaoyin perturbés ;

-        Foie et Rate en dissonance.

 La Rate 

L’excès de réflexion (soucis, rumination mentale) blesse la Rate et noue le qi. Les fonctions de l’harmonisation-transport du qi, du Sang et des Liquides organiques et de la montée-descente du pur et de l’impur sont entravées. L’Humidité n’est plus éliminée et se transforme en mucosités qui montent au Cœur.

 Le Foie

Le Foie assure la mise en mouvement. La colère, l’énervement, l’irritabilité entravent la libre circulation du qi, provoquant une stagnation du qi du Foie, mucosités impures comprises. D’autre part, le Bois du Foie attaque la Terre de la Rate.

 

Le Cœur

Comme le Cœur n’est plus nourri par le Sang, l’impur stagne, affaiblit le Cœur et le shen, et ferme les orifices, ce qui ralentit le psychisme et provoque les troubles mentaux.

Dans les conditions physiologiques normales, la joie détend et fait circuler le qi et le Sang, procurant une sensation de légèreté, de bien-être et de bonheur. Il s’agit de la joie interne, spontanée, inhérente à l’individu, à différencier avec la joie liée à une cause externe qui peut désorganiser la conscience.

 Dépression et troubles psychiques en médecine chinoise

 -        Les excès et déséquilibres alimentaires, les soucis et pensées obsédantes, le surmenage, entraînent un Vide de qi de Rate (jaune). Celle-ci ne peut plus fabriquer le qi à partir des aliments (yingqi) ni transformer le qi en Sang. La transformation et le transport ne sont plus correctement pourvus, l’Humidité n’est plus chassée et s’installe. A la longue, celle-ci se transforme en Mucosités impures qui montent au Cœur et obstruent ses Orifices.

Le yingqi n’étant plus produit, il ne peut nourrir le Cœur (rouge) qui est la demeure du shen.

Le shenming (clarté de l’Esprit) est affaibli, ce qui provoque les troubles psychiques et engendre la dépression.

-        La dépression et les facteurs émotionnels engendrent une stagnation du qi du Foie (vert) qui envahit la Rate (jaune). Les facteurs psychiques aggravent le Vide du Cœur, ce qui provoque les troubles mentaux.

-        Le refoulement des émotions, la parole non exprimée entraîne une stagnation du qi du Foie qui attaque la Rate par le cycle de soumission. Au cours du temps, cette stagnation de qi peut se transformer en stase de Sang.

-        A cause de la stagnation du qi du Foie, les Mucosités provenant de la Rate s’accumulent dans le Cœur. Le shen est déplacé de sa demeure provoquant les troubles psychiques et la dépression. Si la stagnation du qi du Foie se prolonge, elle se transforme en Feu du Foie. Quand le qi du Foie monte à contre-courant au Cœur, il blesse le Cœur et le shen. Lorsque la stagnation du qi et l’atteinte du Cœur se prolongent, la Rate est touchée, entraînant le Vide de Cœur et de Rate : la Rate ne produit pas le Sang pour nourrir le Cœur qui est la demeure du shen, d’autant plus que les facteurs psychiques aggravent son Vide, ce qui aggrave les troubles mentaux.

Les symptômes de ces déséquilibres sont d’apparition progressive : signes de ralentissement psychique : mutisme, visage inexpressif, regard fixe (cf. Autoportraits de Van Gogh), léthargie, dépression, introversion, confusion mentale, intellect affaibli.

 

Analyse des peintures de Van Gogh

 Méthodologie

 Dans cette étude, les peintures de Van Gogh sont analysées selon une grille de lecture basée sur :

La correspondance entre :

- les couleurs et les Cinq Eléments,

- les couleurs et les Cinq Organes,

- les couleurs et Cinq Emotions et les Sept Sentiments (tableau II),

- les symptômes/diagnostics de Van Gogh selon la médecine occidentale et la physiopathologie en médecine chinoise (tableau III).

Une théorie en chromothérapie selon laquelle nous sommes instinctivement attirés par les couleurs qui nous permettraient de corriger un déséquilibre d’énergie pouvant engendrer des problèmes physiques, mentaux ou émotionnels [22].

 Tableau II. Correspondance entre les couleurs, les Cinq Eléments, les Organes, les Cinq Emotions et les Sept Sentiments.

 

Couleur

Elément

Organe

Cinq Emotions et Sept Sentiments

Vert

Bois

Foie

Colère – Enervement – Irritabilité – Irascibilité – Courroux – Fureur

Rouge

Feu

Cœur

Joie - Frayeur

Jaune

Terre

Rate

Souci- Rumination mentale – Contrariété – Préoccupations - Appréhension

Blanc

Métal

Poumons

Chagrin –Tristesse – Affliction

Noir

(Bleu)

Eau

Reins

Inquiétude – Peur - Crainte – Frayeur - Effroi - Panique

 

 Tableau III. Correspondance des troubles de Van Gogh selon la médecine allopathique et la médecine chinoise.

 

Symptômes selon la médecine allopathique

Déséquilibre énergétique selon la médecine chinoise

Halos colorés attribués au glaucome

Xanthopsie et cataracte

Xanthopsie due à intoxication digitalique

Dyschromatopsie acquise

Foie : Atteinte de   l’organe sensoriel visuel

Maladie de Ménière : vertiges et étourdissements épisodiques, déséquilibre physique, symptômes auditifs, acouphènes

Rein : atteinte de l’organe sensoriel auditif

Epilepsie

 

Rein : Vide du qi 

Foie/Vésicule biliaire : chaleur humide

Foie : montée de yang

Trouble bipolaire, symptômes maniaco-dépressifs ou cyclothymiques,

Psychose cycloïde

Psychopathologie due à une intoxication chronique au plomb (crises d'épilepsie, altérations progressives du caractère, périodes de délire, troubles mentaux)

Dépendance à l’absinthe (thuyone) : hallucinations, convulsions, sensations de désinhibition

Rein - Cœur : atteinte de l’axe shaoyin 

  

Symptomatologie de Van Gogh selon la médecine chinoise

 Les signes de dépression, stress, insomnie de Van Gogh peuvent correspondre aux syndromes suivants :

-        syndrome de yin vide, Feu florissant,

-        syndrome Vide de Cœur et de Rate : correspondant au vide de Sang,

-        syndrome Stagnation du qi de Foie et accumulation de mucosités.

La stagnation de qi se transforme en Feu, donnant les signes de Feu : irritabilité, colère facile, acouphènes.

Le Vide de yin du Cœur, conséquence de la Chaleur du Foie et du non-échange avec l’Eau des Reins pourrait être à l’origine des insomnies.

Le qi du Foie blesse le Cœur-Esprit, entraînant des signes de Cœur et de shen blessés : colère, insomnies, confusion mentale, hallucinations, illusions sensorielles.

Van Gogh présentait aussi des signes de Vide de Sang à la tête (acouphènes, vertiges) et de Vide de Sang du Cœur (insomnies).

Le yin déficient et le Feu en plénitude peuvent expliquer sa dépression.

Par ailleurs, on peut aussi noter des signes de Chaleur-Vide :

-        du Cœur (vide de yin) : insomnie, agitation anxieuse

-        du Foie (élévation du yang) : colère, vertiges

-        des Reins (vide de yin) : vertiges

La stagnation de qi et l’accumulation de mucosités sont à l’origine de :

-        signes de mucosités du Cœur : agitation mentale, insomnie ou sommeil perturbé.

-        signes de stagnation de qi du Foie : dépression, abattement, alternance de l’humeur.

En conclusion, les symptômes de Van Gogh pourraient correspondre à l’atteinte de   :

-        Rate et Reins : vide de yin ;

-        Foie : vide de Sang et montée du yang ;

-        Cœur : Plénitude de Feu suite au vide du Rein yin.

 Les couleurs utilisées par Van Gogh

 On peut noter une prédominance de jaune et de bleu, et en proportions moindres du vert dans les peintures de Van Gogh.

-        Le vide du yin de Rate pourrait être à l’origine de son attirance pour la couleur jaune (ex. : Les tournesols ; Epis de blé).

 

Epis de blé (juin 1890)                                                                                                                               
Huile sur toile 64,5 x 48.5 cm

Rijksmuseum, Amsterdam

 

 

Vase avec quinze tournesols (Arles, août 1888).

National Gallery, Londres, Angleterre

 

 -        Le vide de Sang du Foie pourrait expliquer une certaine prédominance de vert dans ses oeuvres (ex : Les bords de l’Oise à Auvers).

 

 

Les bords de l'Oise à Auvers (juillet 1890)
Huile sur toile 73,3 x 93,7 cm.
Detroit, The Detroit Institute of Arts

 

-        Le bleu prédomine dans de nombreuses œuvres de Van Gogh (ex : La nuit étoilée ; Branches fleuries d’amandier ; Champ de blé sous un ciel orageux).

 

La nuit étoilée (Cyprès et village) / (juin 1889)
Huile sur toile, 73.7 x 92.1 cm
New York, MOMA

 

La couleur bleue n’existe pas dans le tableau classique de correspondances des couleurs avec les Cinq Eléments. Selon le Feng Shui, le bleu est assimilé à l’élément Eau, donc à l’organe Rein. Ce qui pourrait expliquer la prédominance du bleu par le vide du yin des Reins.

Mais si l’on rapproche le bleu du vert en se référant à une certaine similitude d’écriture en chinois, l’attirance par la couleur bleue chez Van Gogh pourrait alors être assimilée au vide de Sang du Foie. 

-        La plénitude de Feu de Cœur (suite au vide du Rein yin) pourrait être l’explication de la quasi-absence de couleur rouge dans ses œuvres (exception : La vigne rouge ; Le café de nuit, place Lamartine, Arles).

 La vigne rouge (novembre 1888)
Huile sur toile, 75 x 93 cm
Moscou, Musée Pouchkine


Le Café de nuit (septembre 1888)

70 x 89 cm

Yale University Art Gallery, New Haven, Connecticut, USA

 Tableau IV. Correspondance entre les couleurs des œuvres de Van Gogh et les Cinq Eléments/Organes

 

Couleurs prédominantes

Organes /Elément

Peintures

Marron

Rate/Terre

Les mangeurs de pommes de terre (avril 1885)

Jaune

Rate/Terre

Tournesols dans un vase (août 1888);

Jaune/Marron & Bleu

 

Le semeur au coucher du soleil (juin 1888) ; Moissons en Provence (juin 1888) ; Terrasse du café le soir (septembre 1888) ; Chambre de Vincent à Arles (octobre 1888) ; Souvenir du jardin à Etten (novembre 1888) ; Iris (mai 1889) ; Portrait du docteur Gachet (juin 1890)

Vert & Bleu

Foie/Bois & Reins/Eau

Les bords de l’Oise à Auvers (juillet 1890) ; Champ de blé sous un ciel orageux (juillet 1890)

Bleu/Noir

Reins/Eau

La nuit étoilée (juin 1889) ;

Autoportrait à l’oreille bandée (1889) ; Autoportrait à Saint-Rémy (septembre 1889) ; Le semeur (1889) ; Branches fleuries d’amandier (février 1890) ; Route avec un cyprès et une étoile (1890)

 


Le semeur au coucher du soleil (novembre 1888)
Huile sur jute sur toile, 73,5 x 93
Zurich, Fondation collection E. G. Bührle

 


Les mangeurs de pommes de terre (avril 1885)
Huile sur toile, 82 x 114 cm
Amsterdam, Musée Vincent Van Gogh

 

 Autoportrait à Saint Remy (septembre 1889)
Huile sur toile, 65 x 54 cm
Paris, Musée d'Orsay

 

 

Branches fleuries d'amandier (février 1890)
Huile sur toile, 73,5 x 92 cm
Rijksmuseum, Amsterdam

 

Portrait du docteur Gachet (juin 1890)
Huile sur toile, 66 x 57 cm
Collection privée (Christie's New York, 1990)

 

Iris (mai 1889)
huile sur toile, 71 x 93 cm
Malibu, Paul Getty Museum

 


Champ de blé sous un ciel orageux (juillet 1890)
Huile sur toile 50 x 100,5 cm.
Amsterdam, Rijksmuseum Vincent Van Gogh

 

 Conclusion

 Il existe une concordance entre les divers diagnostics allopathiques attribués à Van Gogh et les déséquilibres énergétiques vus sous l’angle de syndromes physiopathologiques en médecine traditionnelle chinoise. La prédominance de jaune, vert et bleu dans l’ensemble de ses peintures pourrait être attribuée à ses troubles traduits en termes de déséquilibres énergétiques selon la médecine chinoise (tableau IV).

 

 

Dr Tuy Nga Brignol

Rédactrice en chef d'Acupuncture & Moxibustion

Rédactrice en chef de la revue « Les cahiers de myologie »

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 Conflit d’intérêts : aucun

 Références

 1- Naifeh S, Gregory White Smith, « Van Gogh : The Life”. Random House (New York), 2011.

2- Voskuil PH.. Van Gogh's disease in the light of his correspondence. Front Neurol Neurosci. 2013;31:116-25.

3- Michel FB, « Van Gogh, psychologie d’un génie incompris », Ed Odile Jacob, 2013.

4- Voskuil P. Diagnosing Vincent van Gogh, an expedition from the sources to the present "mer à boire". Epillpsy Behav. 2013;28(2):177-80.

5- Lanthony P, [Van Gogh's xanthopsia], Bull Soc Ophtalmol Fr. 1989 Oct;89(10):1133-4. 

6- Arnold WN, Loftus LS, Xanthopsia and van Gogh's yellow palette, Eye (Lond). 1991;5 ( Pt 5):503-10.

7- Lee TC, Van Gogh's vision. Digitalis intoxication? JAMA. 1981;245(7):727-9.

8- Elliott DB, Skaff A, Vision of the famous: the artist's eye, Ophthalmic Physiol Opt. 1993;13(1):82-90.

9- Lanthony P.  [Dyschromatopsias and pictorial art]. J Fr Ophthalmol. 1991;14(8-9):510-20.

10- Hart WM Jr. Acquired dyschromatopsias. Surv Ophthalmol. 1987;32(1):10-31.

11- Arenberg IK, Countryman LF, Bernstein LH, Shambaugh GE Jr, Van Gogh had Menière's disease and not epilepsy. Jama. 1990;264(4):491-3. Comment in : Jama. 1991;265(6):722-4.

12- Arenberg IK, Countryman LL, Bernstein LH, Shambaugh GE Jr, Vincent's violent vertigo. An analysis of the original diagnosis of epilepsy vs. the current diagnosis of Meniére's disease, Acta Otolaryngol Suppl. 1991;485:84-103.

13- Meissner WW, The artist in the hospital: the van Gogh case, Bull Menninger Clin. 1994;58(3):283-306.

14- ter Borg M, Trenité DK. The cultural context of diagnosis: the case of Vincent van Gogh. Epilepsy Behav. 2012;25(3):431-9.

15- Janka Z, [Artistic creativity and bipolar mood disorder], Orv Hetil. 2004;145(33):1709-18.

16- González Luque FJ, Montejo González AL, [Implication of lead poisoning in psychopathology of Vincent van Gogh], Actas Luso Esp Neurol Psiquiatr Cienc Afines. 1997;25(5):309-26.

17- Weissman E, Vincent van Gogh (1853-90): the plumbic artist, J Med Biogr. 2008;16(2):109-17.

18- Lemke S, Lemke C, [The psychiatric disease of Vincent van Gogh], Nervenarzt. 1993;64(9):594-8.

19- Morrant JC, The wing of madness: the illness of Vincent van Gogh, Can J Psychiatry. 1993;38(7):480-4.

20- Arnold WN, Vincent van Gogh and the thujone connection, JAMA. 1988;260(20):3042-4.

21- Carotaa A, Iariac G, Berneyb A, Bogousslavskya J, Understanding Van Gogh’s Night: Bipolar Disorder IN Neurological Disorders in Famous Artists. Bogousslavsky J, Boller F (eds): Front Neurol Neurosci. Basel, Karger, 2005, vol 19, pp 121–131

22- Norris S – Chromothérapie – Série Découverte et Initiation – 224 p – The Ivy Press Limited 2001.

 

Nos remerciements au Ciné-Club de Caen (Partie Beaux-Arts) pour l’iconographie.

Visitez leur site : http://www.cineclubdecaen.com/peinture/materiel/grandspeintres.htm

 

 Brignol TN. Van Gogh : revue de littérature de ses diverses pathologies et essai d’analyse du déséquilibre énergétique à travers ses peintures. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(3) 

 

Angor chronique stable et électroacupuncture : un essai contrôlé randomisé à quatre bras

 

Evaluation de l’acupuncture

 

Angor chronique stable  et électroacupuncture : un essai contrôlé randomisé à quatre bras

 

Tuy Nga Brignol, Jean-Marc Stéphan

 

Zhao L, Li D, Zheng H, Chang X, Cui J, Wang R, Shi J, Fan H, Li Y, Sun X, Zhang F, Wu X, Liang F. Acupuncture as Adjunctive Therapy for Chronic Stable Angina: A Randomized Clinical Trial. JAMA Intern Med. 2019 Jul 29;e192407. doi: 10.1001/jamainternmed.2019.2407.

 

RÉSUMÉ

 

Question

- Evaluer l’innocuité et l'efficacité de l'électroacupuncture dans l’angor chronique stable (ACS) comme traitement adjuvant aux traitements anti-angineux pour réduire la fréquence des crises d'angine de poitrine. L’ACS est défini selon les critères de l'American College of Cardiology et de l'American Heart Association comme une crise d’angor survenant au moins deux fois par semaine.

- Valider les caractéristiques de spécificité des points d'acupuncture basés sur les méridiens.

 

Plan expérimental

Essai contrôlé randomisé multicentrique avec analyse en intention de traiter, à quatre bras par randomisation centrale selon un ratio de 1: 1: 1: 1.

  • Groupe 1 (G1, bras expérimental, n=99) : points situés sur les méridiens spécifiques Cœur et Maître du Cœur (péricarde) : 5C (tongli) ; 6MC (neiguan) ;
  • Groupe 2 (G2, comparateur actif, n=99) : les points sont situés sur le méridien Poumons, sans lien direct avec l’ACS : 9P (taiyuan) ; 6P (kongzui).
  • Groupe 3 (G3, comparateur factice, n=101) : insertion bilatérale des aiguilles en deux points simulés.
  • Groupe 4 (G4, n=99) composé de patients sur liste d’attente sans traitement par acupuncture.

La période d'étude complète est de 20 semaines, incluant une période de référence de quatre semaines, une période de traitement de quatre semaines et un suivi de douze semaines.

Les groupes d’acupuncture (G1, G2, G3) ont reçu 12 séances de traitement : une séance d’une durée de 30 minutes, trois fois par semaine pendant quatre semaines.

Tous les patients de l’étude ont poursuivi leurs traitements anti-angineux habituels au cours de l’essai, incluant les bêta-bloquants, l'aspirine, les statines et les inhibiteurs de l'enzyme de conversion. Ils ont aussi reçu des recommandations de modification du mode de vie telles que limiter la consommation d'alcool, arrêter de fumer, favoriser l’exercice, perte de poids, etc.

 

Cadre

Cinq centres en Chine (Université de médecine traditionnelle chinoise de Chengdu) ont participé à l’étude pendant 20 semaines en 2015.

 

Patients

404 participants inclus (âge moyen : 62,6 ans), dont près des deux tiers de la cohorte étaient des femmes.

Les participants présentent en moyenne 13,3 épisodes de douleur angineuse sur une période de référence de quatre semaines. Ils sont répartis en nombre égal dans les quatre groupes ayant des caractéristiques de base similaires.

Critères d'inclusion :

- Hommes et femmes âgés de 35 à 80 ans.

- Répondre aux critères diagnostiques d’angine de poitrine (selon l’ACG / AHA).

- L'apparition de l'angine de poitrine depuis 3 mois et plus, et fréquence des crises d'angor ≥ 2 par semaine.

Critères d'exclusion :

Les patients présentant d'autres affections graves, notamment des antécédents d'infarctus du myocarde, d'insuffisance cardiaque grave, de cardiopathie valvulaire, de pression artérielle mal contrôlée ou de diabète, ont été exclus.

 

Intervention

L’utilisation des points autres que ceux prescrits n’est pas autorisée. L'insertion bilatérale est suivie de stimulation manuelle de l’aiguille (0,25mm x 40mm ou 25mm) jusqu’à obtention de la sensation de deqi pour G1 et G2, et non pour G3. Par ailleurs pour les G1, G2 et G3, des aiguilles auxiliaires de 0,18mm x 13mm sont insérées à 2mm de l’aiguille principale sur une profondeur de 2 mm, latéralement à chaque point d'acupuncture, sans stimulation manuelle. Cette pratique permet d’assurer la stimulation électrique (appareil stimulateur HANS- LH 200A).de points locaux (fréquence 2 Hz, durée impulsion 600µs ; intensité variable de 0,1 à 2,0 mA jusqu'à ce que les patients se sentent encore à l'aise.

 

Critères de jugement

Le critère principal utilisé est le changement de la fréquence des crises d'angor.

Parmi les critères secondaires, on peut citer : sévérité de la douleur de l'angine de poitrine évaluée à l'aide d'une échelle visuelle analogique ; prise de médicaments d’appoint ; test de distance de marche de six minutes ; score du questionnaire sur l'angine de Seattle ; échelle de l'anxiété autoévaluée ; échelle de dépression autoévaluée ; incidence des épisodes cardiovasculaires (évolution en angor instable, infarctus aigu du myocarde, décès) ; variabilité de la fréquence cardiaque enregistrée par Holter.

L’évaluation est faite à 0 jour, 4 semaines, 8 semaines, 12 semaines et 16 semaines après l’inclusion. Les détails du traitement médicamenteux (noms, temps d'administration et posologie) sont documentés dans un agenda par les participants.

 

Résultats

Un total de 398 participants (253 femmes et 145 hommes ont été inclus dans les analyses en intention de traiter. Au cours des quatre semaines de référence, la moyenne de la fréquence des crises d'angor des participants est de 13,31. Pendant les semaines 4 à 16, la fréquence des crises est significativement plus faible dans G1 que celle des trois autres groupes. Elle a diminué de 7,96 crises dans G1, de 3,89 dans G2, de 2,78 dans G3, et de 2,33 dans G4. Une réduction plus importante a été observée dans G1 par rapport aux autres groupes : 4,07 crises de moins que G2, 5,18 de moins que G3 et 5,63 de moins que G4. Lors des semaines 8 à 16, à chaque évaluation le score d'échelle analogique visuelle est inférieur dans G1 par rapport à celui des autres groupes. En d’autres termes, une plus grande réduction des crises d'angor a été observée dans le groupe G1 versus le groupe G2 (différence : 4,07; IC à 95%, 2,43-5,71; p <0,001), dans le groupe GI vs le groupe G3 (différence : 5,18; IC 95%, 3,54-6,81; p <0,001), et dans le groupe GI vs le groupe G4 (différence : 5,63 attaques; IC 95%, 3,99- 7,27; P  <0,001).

Ainsi, pour les participants de G1, l'acupuncture présente des avantages supérieurs en termes de réduction de la fréquence de l'angine de poitrine et de l'intensité de la douleur par rapport aux autres groupes. Elle a aussi permis de mieux réguler l'anxiété et la dépression dans les 12 semaines suivant le traitement.

 

Conclusion

L’acupuncture pratiquée aux points 6MC et 5C comme traitement adjuvant au traitement anti-angineux pharmacologique a montré des avantages pour soulager l’angine de poitrine pendant les 16 semaines de l’essai.

 

COMMENTAIRES

Il s’agit d’un ECR pragmatique dont le protocole est publié sur le site américain Clinical Trials.gov géré par la National Library of Medicine en 2014, un an avant la réalisation de l’étude [1].

L'acupuncture est basée sur la théorie des méridiens et des points d'acupuncture. Le méridien et ses collatéraux sont, d’une part en rapport en interne avec les Organes/Viscères, et d’autre part en externe avec les extrémités des membres. La sélection des points sur le méridien spécifique est le principe de base de l'acupuncture. Dans cet essai sur l'ACS, les points situés sur le méridien du Cœur shaoyin et le méridien du Péricarde shoujueyin (Maître du Cœur) sont retenus pour traiter l’ACS. Un protocole standard est utilisé afin d’éviter des effets de biais d’efficacité liés à un traitement personnalisé basé sur l’expérience de l’acupuncteur. Ces deux principaux points sont déjà utilisés dans une étude suédoise ayant montré les effets bénéfiques supplémentaires de l'acupuncture chez des patients atteints d’angor [2].

L’électroacupuncture (EA) est appliquée en raison de ses avantages par rapport à l'acupuncture manuelle pour soulager la douleur et réduire les temps de réponse [3]. Comparée à l'acupuncture manuelle, l'EA se traduit par une plus grande reproductibilité de la stimulation. Par ailleurs, l’EA est utilisée en pré-traitement pour prévenir les lésions du myocarde chez des patients atteints de coronaropathie [4].

L’objectif de cette étude est d’évaluer l’efficacité et de confirmer l’existence de la spécificité des points d’acupuncture sur le méridien. La comparaison est faite par rapport aux points situés sur l’autre méridien non spécifique à l’ACS (méridien Poumons) et aux points factices (sham) ne correspondant pas à des points d’acupuncture. Les patients éligibles sont répartis au hasard dans les quatre groupes dans un rapport égal à 1:1:1:1 via un système de randomisation centrale. La randomisation est réalisée par une personne indépendante à chaque site d’essai, et non impliquée dans l’évaluation des résultats. Les patients dans les trois groupes d'acupuncture ne savent pas quel protocole d’acupuncture ils vont recevoir. Les évaluateurs, collecteurs de données et statisticiens sont aveugles pour les allocations de groupe au cours de l'étude.

 

Score de Jadad

On peut l’évaluer à 5 ce qui signifie une étude à méthodologie rigoureuse (tableau I).

 

Tableau I. Evaluation de la qualité méthodologique selon le questionnaire de Jadad.

Score de Jadad

1.       Randomisation citée, décrite et appropriée : 2 points

2.       Insu-patient : 1 point

3.       Insu-évaluateur. L’évaluateur est différent du thérapeute, et ignore à quel groupe appartient le patient dont on recueille les informations : 1 point

4.       Sorties d’essais : analyse en intention de traiter. Sur les 404 patients inclus, 16 ont abandonné (7 de G1, 5 de G2, 2 de G3, 1 de G4) : 1 point

Score 5/5 : méthodologie rigoureuse

 

L'angine de poitrine est un symptôme complexe pouvant être affecté par de nombreux facteurs autres que la simple ischémie myocardique suite au rétrécissement d’une artère coronaire. Il a été démontré que la dépression et l’anxiété peuvent aussi déclencher l’angor, quel que soit le degré d’ischémie. L’acupuncture peut être considérée comme faisant partie d’une approche globale de la prise en charge des patients atteints de coronaropathie et d’angine de poitrine.

Dans cet essai, l'acupuncture est administrée par des acupuncteurs possédant au moins trois ans d'expérience. Tous les patients ont poursuivi leurs traitements anti-angineux habituels au cours de l’essai, incluant les bêta-bloquants, l'aspirine, les statines et les inhibiteurs de l'enzyme de conversion. L'utilisation de médicaments d’appoint contre la douleur aiguë n’est pas quantifiée dans l'étude, mais simplement enregistrée par « oui » ou « non ». Par ailleurs, les auteurs n’ont pas effectué d'analyse en sous-groupe des effets de l'acupuncture sur les patients souffrant d'angine après une intervention coronarienne en raison du but initial de l'étude.

Au total, 16 patients ont signalé des effets indésirables en relation avec l’acupuncture, tous jugés légers ou modérés, incluant : hémorragie sous-cutanée au point d’insertion (n=5), sensation de fourmillements/picotements au point d’insertion (n=3) et insomnie au cours de l’étude (n=8). Un patient du groupe d’attente est décédé d'un infarctus du myocarde aigu et n'a reçu aucun traitement d'acupuncture.

Depuis plusieurs décennies, l'acupuncture est utilisée comme traitement non pharmacologique pour soulager les symptômes d'ischémie myocardique, pour améliorer la fonction cardiaque et pour prévenir la récurrence [2,5-7]. Des expériences sur des animaux ont validé l'effet protecteur de l'acupuncture pour l'ischémie cardiaque et pour le remodelage [8-10].

De petites études ont déjà montré que l'acupuncture est bénéfique dans le traitement de l'angine de poitrine [2,11]. Mais cette étude est la plus grande étude clinique multicentrique pour montrer l'effet bénéfique de la véritable acupuncture comme traitement d'appoint pour l’ACS pendant 16 semaines et pour explorer la spécificité des points d’acupuncture dans ce domaine. Les auteurs reconnaissent néanmoins trois limites : le protocole standard sans personnalisation du traitement comme on le pratique habituellement en médecine chinoise, un faible nombre de patients et des patients en bonne santé au départ (sans antécédents d’infarctus du myocarde ou d’insuffisance cardiaque). Les résultats sont cohérents néanmoins avec ceux d’une précédente revue systématique [12] sur l'efficacité de l'acupuncture combiné aux anti-angineux vs médicaments anti-angineux seuls.

Cette étude sur l’angine de poitrine a troublé les esprits en France où l’affaire des fake-medecine a fait grand bruit [13].

Ainsi, certaines personnes mettent en doute ces résultats. Un journaliste scientifique écrit sur le site Futura, média français du décryptage de l'actualité et du savoir scientifiques : « Une nouvelle étude prétend que l'acupuncture serait efficace pour réduire la survenue des crises d'angine de poitrine chronique en plus des traitements classiques. Pourtant, la méthodologie utilisée est peu convaincante comme souvent concernant ces pratiques ancestrales. ». Et de conclure « Néanmoins, on peut se demander si le fait que les praticiens, connaissant le groupe de patients qu'ils traitent, n'insère pas des biais de traitement au sein de l'étude. On peut aussi penser à un éventuel faux positif, étant donné le nombre d'études limité et de piètre qualité sur le sujet (groupe contrôle pas toujours présent et jamais de double aveugle) ne permettant que trop peu les comparaisons et les évaluations. Enfin, les patients suivant déjà des traitements peuvent être plus motivés à prendre soin d'eux. » [14]. Même son de cloche sur le site de la revue Science et Avenir [15].

Andrew Vickers, statisticien au centre anticancéreux Memorial Sloan Kettering de New York ajoute son grain de sel de scepticisme. Ainsi, lui qui a démontré dans une grande méta-analyse l’efficacité de l’acupuncture dans les douleurs chroniques [16] donne à l’AFP un avis tranché : « L'étude est impeccable sur le papier, mais la recherche menée en Chine a presque toujours exclusivement conclu que l'acupuncture fonctionnait. La qualité des études s'est améliorée depuis 20 ans, mais l'historique force à la prudence. Seule solution pour savoir si l'acupuncture marche vraiment contre l'angine de poitrine : plus d'études, sur plus de patients, en dehors de Chine. » [17].

Quoi qu’il en soit, on se doit de considérer que l’électroacupuncture comme traitement d'appoint pour les patients souffrant d'angine chronique stable peut constituer une bonne option pour soulager leurs symptômes.

 

 

Références

  1. Li D, Yang M, Zhao L, Zheng H, Li Y, Chang X, Cui J, Wang R, Shi J, Lv J, Leng J, Li J, Liang F. Acupuncture for chronic, stable angina pectoris and an investigation of the characteristics of acupoint specificity: study protocol for a multicenter randomized controlled trial. Trials.2014;15:50. doi: 10.1186/1745-6215-15-50.
  2. Richter A, Herlitz J, Hjalmarson A. Effect of acupuncture in patients with angina pectoris. Eur Heart J. 1991;12(2):175-178.
  3. Schliessbach J, van der Klift E, Arendt-Nielsen L, Curatolo M, Streitberger K. The effect of brief electrical and manual acupuncture stimulation on mechanical experimental pain. Pain Med. 2011;12 (2):268-275.
  4. Wang Q, Liang D,Wang F, et al. Efficacy of electroacupuncture pretreatment for myocardial injury in patients undergoing percutaneous coronary intervention: a randomized clinical trial with a 2-year follow-up. Int J Cardiol. 2015;194:28-35.
  5. Ballegaard S, Pedersen F, Pietersen A, Nissen VH, Olsen NV. Effects of acupuncture in moderate, stable angina pectoris: a controlled study. J Intern Med. 1990;227(1):25-30.
  6. Ho FM, Huang PJ, Lo HM, et al. Effect of acupuncture at nei-kuan on left ventricular function in patients with coronary artery disease. Am J Chin Med. 1999;27(2):149-156.
  7. Mehta PK, Polk DM, Zhang X, et al. A randomized controlled trial of acupuncture in stable ischemic heart disease patients. Int J Cardiol. 2014; 176(2):367-374.
  8. Gao J, FuW, Jin Z, Yu X. Acupuncture pretreatment protects heart from injury in rats with myocardial ischemia and reperfusion via inhibition of the beta(1)-adrenoceptor signaling pathway. Life Sci. 2007;80(16):1484-1489.
  9. Longhurst J. Acupuncture’s cardiovascular actions: a mechanistic perspective. Med Acupunct. 2013;25(2):101-113.
  10. Huang Y, Lu SF, Hu CJ, et al. Electroacupuncture at neiguan pretreatment alters genome-wide gene expressions and protects rat myocardium against ischemia-reperfusion. Molecules. 2014;19(10):16158-16178.
  11. Ballegaard S, Jensen G, Pedersen F, Nissen VH. Acupuncture in severe, stable angina pectoris: a randomized trial. Acta Med Scand. 1986;220(4): 307-313.
  12. Yu C, Ji K, Cao H, et al. Effectiveness of acupuncture for angina pectoris: a systematic review of randomized controlled trials. BMC Complement Altern Med. 2015;15:90.
  13. Collectif Fakemed. [Consulté le 07/12/2019]. Disponible à l’URL: http://fakemedecine.blogspot.com/.
  14. Hernandez J. L'acupuncture en plus des traitements : effets réels ou contextuels ? Futura santé. 11 août 2019. [Consulté le 07/12/2019]. Disponible à l’URL: https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-acupuncture-plus-traitements-effets-reels-contextuels-77090/.
  15. Gaubert C. L'acupuncture est-elle efficace pour soigner l'angine de poitrine ? 30 juillet 2019. [Consulté le 07/12/2019]. Disponible à l’URL: https://www.sciencesetavenir.fr/sante/coeur-et-cardio/acupuncture-une-efficacite-a-confirmer-dans-l-angine-de-poitrine_135984.
  16. Vickers AJ, Vertosick EA, Lewith G, MacPherson H, Foster NE, Sherman KJ, Irnich D, Witt CM, Linde K; Acupuncture Trialists' Collaboration. Acupuncture for Chronic Pain: Update of an Individual Patient Data Meta-Analysis. J Pain. 2018 May;19(5):455-474.
  17. AFP/Relaxnews. Doctissimo santé. L'acupuncture, efficace contre l'angine de poitrine. 30 juillet 2019. [Consulté le 07/12/2019]. Disponible à l’URL: https://www.doctissimo.fr/sante/news/acupuncture-contre-angine-poitrine.

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