Du respect au bon usage des points interdits pendant la grossesse

La première notion enseignée par le Dr Christian Rempp dans le cadre d’une initiation à l’acupuncture obstétricale était celle des points contre-indiqués pendant la grossesse. Il insistait sur le fait que l’acupuncture n’était pas une médecine douce et que l’affirmation « l’acupuncture ne peut pas faire de mal » était fausse

La notion de points interdits s’impose au regard de la physiologie : la grossesse est une accumulation de yin dans le pelvis avec un certain équilibre de qi et de Sang.

L’accouchement qui est l’aboutissement de la grossesse est un mécanisme yang : le yin protecteur de la grossesse se transforme en yang ; ce mouvement vers le bas expulse le fœtus, le qi pousse le Sang et la porte de l’Utérus s’ouvre.

Le chapitre 47 du Suwen cité par B. Auteroche et P. Navailh  [1] dit « de ne pas endommager ce qui est en insuffisance et de ne pas avantager ce qui a du surcroît… Lorsqu’il y a un être dans le ventre, la dispersion donne issue à l’essence et le mal, régnant en maître sur l’organisme devient chronique ». Il ne faut pas nuire à l’équilibre yin/yang, Sang/Energie qui préside à chaque moment de la grossesse.

Si dans la littérature de nombreux points sont à éviter, nous nous sommes rendus compte que selon les auteurs certains pouvaient avoir une action tocolytique  (ils protègent la grossesse non à terme) ou ocytocique : il semblerait qu’ils ne déclenchent qu’en cas de grossesse à terme, ou arrêtée dans les fausses couches. Notre expérience dans le déclenchement du travail à terme ou en cas d’interruption thérapeutique de grossesse confirme ce point de vue : il n’est efficace qu’avec un score de Bishop supérieur ou égal à 7, ou quand la grossesse est arrêtée. Le Dr Jean-Marc Stéphan résume ces notions en parlant d’action cybernétique des points : leur action est variable en fonction des circonstances [2].

Nous avons voulu savoir quels points étaient réellement interdits. Seul un nombre limité de points est interdit dans pratiquement tous les atlas de points d’acupuncture : GI4, E12, E25, E36, Rte2, Rte6, V60, V67, VB21, VC4, VC5, VC9, VC10.

Le docteur Christian Rempp en particulier ne pratiquait pas tout à fait ce qu’il enseignait [3], et très prudent, il nous conseillait de nous abstenir d’une telle pratique dans un premier temps. En effet si les points non-contre-indiqués nous semblaient insuffisants, il valait mieux orienter la patiente éloignée du terme vers un acupuncteur expérimenté.

A noter qu’il se gardait bien de nous fournir une liste de ces fameux points, préférant nous orienter vers la littérature [4,5]. En 1990, dans la Revue Française de l’Acupuncture [6], il écrivait : « La femme enceinte est dans un état physiologique et pourtant inhabituel ; tout traitement par acupuncture doit la préserver d'un éventuel désordre énergétique qui pourrait mettre sa grossesse en péril. Les divers ouvrages et articles citent de nombreux points interdits pendant la grossesse, points qui ne sont pas toujours les mêmes selon les publications, ce qui peut susciter bien des angoisses chez le malheureux acupuncteur consulté par une femme enceinte. Par ailleurs, la grossesse peut s'accompagner de troubles qui s'échelonnent entre ce que de nombreux auteurs appellent les troubles physiologiques (les vomissements gravidiques par exemple), et les troubles les plus sévères, susceptibles de mettre en danger la vie de la mère ou celle de l'enfant, et ceci depuis le début de la grossesse jusqu'au terme. L'acupuncture intelligemment comprise doit trouver dans ces conditions un champ d'application des plus larges, même et surtout quotidienne au cabinet d'acupuncture ».

 

Cinq observations en particulier avaient attiré mon attention.

E36

 Une primipare enceinte de deux mois et demi consultait pour des nausées régulièrement accompagnées de vomissements. Le Docteur Rempp préconisait VC12, MC6 et Rn21 dans les nausées du premier trimestre, en nous déconseillant vivement d’autres points de la littérature tels E36 ou encore Rte4 qui étaient absolument contre-indiqués chez la femme enceinte, sauf à proximité du terme. Chez cette patiente, il a associé E36 aux trois points précédents. Devant mon regard perplexe, il s’est aussitôt justifié en m’expliquant que cette patiente était en Vide évident de Rate/Estomac, ce qui justifiait l’ajout du point E36 pour être suffisamment efficace. De plus, le qi remontait à contre-courant : nous n’étions pas en train de faire descendre le qi, mais de lui donner l’occasion dans le cadre de ce tableau clinique de s’abaisser physiologiquement.

 

 

V67

 Un autre exemple frappant concernant le V67 : ce point est indiqué pendant l’accouchement pour activer la descente fœtale, donc contre-indiqué pendant la grossesse ; or c’est également celui indiqué pour la malposition fœtale, que l’on puncture de préférence entre 32 et 35 SA, et non à terme. Le docteur Rempp l’associait au Rn9 protecteur de la grossesse pour prévenir l’apparition de contractions utérines. Il nous expliquait alors que le fait de chauffer l’aiguille amenait suffisamment de yang pour qu’à son apogée, il se retransforme en yin ; ainsi, son action se limite à placer la tête en bas (la tête, yang par rapport au siège yin est ainsi attirée vers le bas puisque le yang est appelé en bas). Pendant le travail, seul le yang est sollicité pour amener la tête vers le bas. Il serait donc dangereux de chauffer ce point pendant le travail (risque de brûlure) dans la mesure où la grossesse vient d’arriver à son terme, et que le yang n’est pas encore à son apogée pour redevenir yin protecteur de la grossesse : il ne pourra redevenir yin qu’après expulsion du fœtus. 

E44

 Dans le syndrome de Lacomme, il m’avait présenté E44 comme également contre-indiqué pendant la grossesse, et l’avait associé à Rn9 à 33 SA en m’expliquant que « shaoyin monte quand yangming descend ». Rn9 peut donc faire monter shaoyin si on ajoute E44 qui fait descendre yangming en rétablissant une circulation physiologique du qi antalgique : les deux effets sont contrebalancés et ne mettent pas la grossesse en péril.

 

F3

Lors d’une menace d’accouchement prématurée à 28 SA associée à une tension limite (14/9) dans le cadre d’une « grossesse précieuse » induite par FIV chez une primipare de 38 ans, il a choisi Rn9 et VC3 à l’aiguille dirigée vers le haut. A ma grande stupéfaction à l’époque, il avait ajouté le F3 qu’il m’avait enseigné en tant que « point qui fait lâcher le col, fortement contre-indiqué dans la grossesse ». Ce choix se justifiait par un pouls en corde évoquant une stagnation de qi du Foie. F3 en tonifiant le yin du Foie permettait en cela de retenir le yang en prévention d’une hypertension artérielle et de protéger la grossesse dans le cadre de ce tableau clinique.

 V60

 Un autre exemple lors de lombalgies de type taiyang de la grossesse : tandis qu’il nous présentait V60 comme contre-indiqué avant terme, il l’avait choisi à 32 SA chez une deuxième geste, associé à Rn9 pour « protéger la grossesse ». Il l’avait toutefois puncturé vers le haut pour ne pas « faire tomber le fœtus » en m’expliquant que comme il y avait trop d’Energie perverse xie qi à chasser, cela aurait pour effet de permettre à nouveau la circulation physiologique du qi et de calmer la douleur.

Aussi dans la pratique d’hier, en traitant en fonction du symptôme, les points supposés dangereux étaient rigoureusement évités. Aujourd’hui, l’expérience m’a incitée à m’intéresser à l’action physiologique du point plutôt qu’à son indication de symptômes, quitte à choisir un point interdit. Demain : les études actuelles semblent démontrer l’action cybernétique des points. Existe t-il dès lors des points interdits dans un contexte donné ?

Cette conclusion renvoie au champ d’application de la grossesse le plus large cher au Docteur Christian Rempp à qui je voulais rendre hommage. Cela ne signifie pas cependant que la prudence ne s’impose plus pendant la grossesse.

 

 


Mme Annabelle Pelletier-Lambert

Sage-femme

 « Les Myrtes » - Bâtiment A

15 avenue Roger Salengro, 83130 La Garde.

* Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

Références

 

1. Auteroche B, Navailh P. Acupuncture en gynécologie et obstétrique. Paris: éd. Maloine;1986. 

2. Stéphan JM. Pathologies du premier trimestre de grossesse accessibles à l’acupuncture. Acupuncture et Moxibustion. 2008;7(3):256-262.

3. Rempp C, Bigler A. La pratique de l’acupuncture en obstétrique. Paris: éd. La Tisserande; 1992.

4. Macciocia G. Gynécologie et obstétrique en médecine chinoise. Bruxelles: éd Satas; 2001.

5. Salagnac B. Naissance et acupuncture. Bruxelles: éd. Satas; 1998.

6. Rempp C. et al. Suivre, traiter et préparer la femme enceinte. Revue Française d'Acupuncture. 1990;64:5-15.

 

 

Angor chronique stable et électroacupuncture : un essai contrôlé randomisé à quatre bras

 

Evaluation de l’acupuncture

 

Angor chronique stable  et électroacupuncture : un essai contrôlé randomisé à quatre bras

 

Tuy Nga Brignol, Jean-Marc Stéphan

 

Zhao L, Li D, Zheng H, Chang X, Cui J, Wang R, Shi J, Fan H, Li Y, Sun X, Zhang F, Wu X, Liang F. Acupuncture as Adjunctive Therapy for Chronic Stable Angina: A Randomized Clinical Trial. JAMA Intern Med. 2019 Jul 29;e192407. doi: 10.1001/jamainternmed.2019.2407.

 

RÉSUMÉ

 

Question

- Evaluer l’innocuité et l'efficacité de l'électroacupuncture dans l’angor chronique stable (ACS) comme traitement adjuvant aux traitements anti-angineux pour réduire la fréquence des crises d'angine de poitrine. L’ACS est défini selon les critères de l'American College of Cardiology et de l'American Heart Association comme une crise d’angor survenant au moins deux fois par semaine.

- Valider les caractéristiques de spécificité des points d'acupuncture basés sur les méridiens.

 

Plan expérimental

Essai contrôlé randomisé multicentrique avec analyse en intention de traiter, à quatre bras par randomisation centrale selon un ratio de 1: 1: 1: 1.

  • Groupe 1 (G1, bras expérimental, n=99) : points situés sur les méridiens spécifiques Cœur et Maître du Cœur (péricarde) : 5C (tongli) ; 6MC (neiguan) ;
  • Groupe 2 (G2, comparateur actif, n=99) : les points sont situés sur le méridien Poumons, sans lien direct avec l’ACS : 9P (taiyuan) ; 6P (kongzui).
  • Groupe 3 (G3, comparateur factice, n=101) : insertion bilatérale des aiguilles en deux points simulés.
  • Groupe 4 (G4, n=99) composé de patients sur liste d’attente sans traitement par acupuncture.

La période d'étude complète est de 20 semaines, incluant une période de référence de quatre semaines, une période de traitement de quatre semaines et un suivi de douze semaines.

Les groupes d’acupuncture (G1, G2, G3) ont reçu 12 séances de traitement : une séance d’une durée de 30 minutes, trois fois par semaine pendant quatre semaines.

Tous les patients de l’étude ont poursuivi leurs traitements anti-angineux habituels au cours de l’essai, incluant les bêta-bloquants, l'aspirine, les statines et les inhibiteurs de l'enzyme de conversion. Ils ont aussi reçu des recommandations de modification du mode de vie telles que limiter la consommation d'alcool, arrêter de fumer, favoriser l’exercice, perte de poids, etc.

 

Cadre

Cinq centres en Chine (Université de médecine traditionnelle chinoise de Chengdu) ont participé à l’étude pendant 20 semaines en 2015.

 

Patients

404 participants inclus (âge moyen : 62,6 ans), dont près des deux tiers de la cohorte étaient des femmes.

Les participants présentent en moyenne 13,3 épisodes de douleur angineuse sur une période de référence de quatre semaines. Ils sont répartis en nombre égal dans les quatre groupes ayant des caractéristiques de base similaires.

Critères d'inclusion :

- Hommes et femmes âgés de 35 à 80 ans.

- Répondre aux critères diagnostiques d’angine de poitrine (selon l’ACG / AHA).

- L'apparition de l'angine de poitrine depuis 3 mois et plus, et fréquence des crises d'angor ≥ 2 par semaine.

Critères d'exclusion :

Les patients présentant d'autres affections graves, notamment des antécédents d'infarctus du myocarde, d'insuffisance cardiaque grave, de cardiopathie valvulaire, de pression artérielle mal contrôlée ou de diabète, ont été exclus.

 

Intervention

L’utilisation des points autres que ceux prescrits n’est pas autorisée. L'insertion bilatérale est suivie de stimulation manuelle de l’aiguille (0,25mm x 40mm ou 25mm) jusqu’à obtention de la sensation de deqi pour G1 et G2, et non pour G3. Par ailleurs pour les G1, G2 et G3, des aiguilles auxiliaires de 0,18mm x 13mm sont insérées à 2mm de l’aiguille principale sur une profondeur de 2 mm, latéralement à chaque point d'acupuncture, sans stimulation manuelle. Cette pratique permet d’assurer la stimulation électrique (appareil stimulateur HANS- LH 200A).de points locaux (fréquence 2 Hz, durée impulsion 600µs ; intensité variable de 0,1 à 2,0 mA jusqu'à ce que les patients se sentent encore à l'aise.

 

Critères de jugement

Le critère principal utilisé est le changement de la fréquence des crises d'angor.

Parmi les critères secondaires, on peut citer : sévérité de la douleur de l'angine de poitrine évaluée à l'aide d'une échelle visuelle analogique ; prise de médicaments d’appoint ; test de distance de marche de six minutes ; score du questionnaire sur l'angine de Seattle ; échelle de l'anxiété autoévaluée ; échelle de dépression autoévaluée ; incidence des épisodes cardiovasculaires (évolution en angor instable, infarctus aigu du myocarde, décès) ; variabilité de la fréquence cardiaque enregistrée par Holter.

L’évaluation est faite à 0 jour, 4 semaines, 8 semaines, 12 semaines et 16 semaines après l’inclusion. Les détails du traitement médicamenteux (noms, temps d'administration et posologie) sont documentés dans un agenda par les participants.

 

Résultats

Un total de 398 participants (253 femmes et 145 hommes ont été inclus dans les analyses en intention de traiter. Au cours des quatre semaines de référence, la moyenne de la fréquence des crises d'angor des participants est de 13,31. Pendant les semaines 4 à 16, la fréquence des crises est significativement plus faible dans G1 que celle des trois autres groupes. Elle a diminué de 7,96 crises dans G1, de 3,89 dans G2, de 2,78 dans G3, et de 2,33 dans G4. Une réduction plus importante a été observée dans G1 par rapport aux autres groupes : 4,07 crises de moins que G2, 5,18 de moins que G3 et 5,63 de moins que G4. Lors des semaines 8 à 16, à chaque évaluation le score d'échelle analogique visuelle est inférieur dans G1 par rapport à celui des autres groupes. En d’autres termes, une plus grande réduction des crises d'angor a été observée dans le groupe G1 versus le groupe G2 (différence : 4,07; IC à 95%, 2,43-5,71; p <0,001), dans le groupe GI vs le groupe G3 (différence : 5,18; IC 95%, 3,54-6,81; p <0,001), et dans le groupe GI vs le groupe G4 (différence : 5,63 attaques; IC 95%, 3,99- 7,27; P  <0,001).

Ainsi, pour les participants de G1, l'acupuncture présente des avantages supérieurs en termes de réduction de la fréquence de l'angine de poitrine et de l'intensité de la douleur par rapport aux autres groupes. Elle a aussi permis de mieux réguler l'anxiété et la dépression dans les 12 semaines suivant le traitement.

 

Conclusion

L’acupuncture pratiquée aux points 6MC et 5C comme traitement adjuvant au traitement anti-angineux pharmacologique a montré des avantages pour soulager l’angine de poitrine pendant les 16 semaines de l’essai.

 

COMMENTAIRES

Il s’agit d’un ECR pragmatique dont le protocole est publié sur le site américain Clinical Trials.gov géré par la National Library of Medicine en 2014, un an avant la réalisation de l’étude [1].

L'acupuncture est basée sur la théorie des méridiens et des points d'acupuncture. Le méridien et ses collatéraux sont, d’une part en rapport en interne avec les Organes/Viscères, et d’autre part en externe avec les extrémités des membres. La sélection des points sur le méridien spécifique est le principe de base de l'acupuncture. Dans cet essai sur l'ACS, les points situés sur le méridien du Cœur shaoyin et le méridien du Péricarde shoujueyin (Maître du Cœur) sont retenus pour traiter l’ACS. Un protocole standard est utilisé afin d’éviter des effets de biais d’efficacité liés à un traitement personnalisé basé sur l’expérience de l’acupuncteur. Ces deux principaux points sont déjà utilisés dans une étude suédoise ayant montré les effets bénéfiques supplémentaires de l'acupuncture chez des patients atteints d’angor [2].

L’électroacupuncture (EA) est appliquée en raison de ses avantages par rapport à l'acupuncture manuelle pour soulager la douleur et réduire les temps de réponse [3]. Comparée à l'acupuncture manuelle, l'EA se traduit par une plus grande reproductibilité de la stimulation. Par ailleurs, l’EA est utilisée en pré-traitement pour prévenir les lésions du myocarde chez des patients atteints de coronaropathie [4].

L’objectif de cette étude est d’évaluer l’efficacité et de confirmer l’existence de la spécificité des points d’acupuncture sur le méridien. La comparaison est faite par rapport aux points situés sur l’autre méridien non spécifique à l’ACS (méridien Poumons) et aux points factices (sham) ne correspondant pas à des points d’acupuncture. Les patients éligibles sont répartis au hasard dans les quatre groupes dans un rapport égal à 1:1:1:1 via un système de randomisation centrale. La randomisation est réalisée par une personne indépendante à chaque site d’essai, et non impliquée dans l’évaluation des résultats. Les patients dans les trois groupes d'acupuncture ne savent pas quel protocole d’acupuncture ils vont recevoir. Les évaluateurs, collecteurs de données et statisticiens sont aveugles pour les allocations de groupe au cours de l'étude.

 

Score de Jadad

On peut l’évaluer à 5 ce qui signifie une étude à méthodologie rigoureuse (tableau I).

 

Tableau I. Evaluation de la qualité méthodologique selon le questionnaire de Jadad.

Score de Jadad

1.       Randomisation citée, décrite et appropriée : 2 points

2.       Insu-patient : 1 point

3.       Insu-évaluateur. L’évaluateur est différent du thérapeute, et ignore à quel groupe appartient le patient dont on recueille les informations : 1 point

4.       Sorties d’essais : analyse en intention de traiter. Sur les 404 patients inclus, 16 ont abandonné (7 de G1, 5 de G2, 2 de G3, 1 de G4) : 1 point

Score 5/5 : méthodologie rigoureuse

 

L'angine de poitrine est un symptôme complexe pouvant être affecté par de nombreux facteurs autres que la simple ischémie myocardique suite au rétrécissement d’une artère coronaire. Il a été démontré que la dépression et l’anxiété peuvent aussi déclencher l’angor, quel que soit le degré d’ischémie. L’acupuncture peut être considérée comme faisant partie d’une approche globale de la prise en charge des patients atteints de coronaropathie et d’angine de poitrine.

Dans cet essai, l'acupuncture est administrée par des acupuncteurs possédant au moins trois ans d'expérience. Tous les patients ont poursuivi leurs traitements anti-angineux habituels au cours de l’essai, incluant les bêta-bloquants, l'aspirine, les statines et les inhibiteurs de l'enzyme de conversion. L'utilisation de médicaments d’appoint contre la douleur aiguë n’est pas quantifiée dans l'étude, mais simplement enregistrée par « oui » ou « non ». Par ailleurs, les auteurs n’ont pas effectué d'analyse en sous-groupe des effets de l'acupuncture sur les patients souffrant d'angine après une intervention coronarienne en raison du but initial de l'étude.

Au total, 16 patients ont signalé des effets indésirables en relation avec l’acupuncture, tous jugés légers ou modérés, incluant : hémorragie sous-cutanée au point d’insertion (n=5), sensation de fourmillements/picotements au point d’insertion (n=3) et insomnie au cours de l’étude (n=8). Un patient du groupe d’attente est décédé d'un infarctus du myocarde aigu et n'a reçu aucun traitement d'acupuncture.

Depuis plusieurs décennies, l'acupuncture est utilisée comme traitement non pharmacologique pour soulager les symptômes d'ischémie myocardique, pour améliorer la fonction cardiaque et pour prévenir la récurrence [2,5-7]. Des expériences sur des animaux ont validé l'effet protecteur de l'acupuncture pour l'ischémie cardiaque et pour le remodelage [8-10].

De petites études ont déjà montré que l'acupuncture est bénéfique dans le traitement de l'angine de poitrine [2,11]. Mais cette étude est la plus grande étude clinique multicentrique pour montrer l'effet bénéfique de la véritable acupuncture comme traitement d'appoint pour l’ACS pendant 16 semaines et pour explorer la spécificité des points d’acupuncture dans ce domaine. Les auteurs reconnaissent néanmoins trois limites : le protocole standard sans personnalisation du traitement comme on le pratique habituellement en médecine chinoise, un faible nombre de patients et des patients en bonne santé au départ (sans antécédents d’infarctus du myocarde ou d’insuffisance cardiaque). Les résultats sont cohérents néanmoins avec ceux d’une précédente revue systématique [12] sur l'efficacité de l'acupuncture combiné aux anti-angineux vs médicaments anti-angineux seuls.

Cette étude sur l’angine de poitrine a troublé les esprits en France où l’affaire des fake-medecine a fait grand bruit [13].

Ainsi, certaines personnes mettent en doute ces résultats. Un journaliste scientifique écrit sur le site Futura, média français du décryptage de l'actualité et du savoir scientifiques : « Une nouvelle étude prétend que l'acupuncture serait efficace pour réduire la survenue des crises d'angine de poitrine chronique en plus des traitements classiques. Pourtant, la méthodologie utilisée est peu convaincante comme souvent concernant ces pratiques ancestrales. ». Et de conclure « Néanmoins, on peut se demander si le fait que les praticiens, connaissant le groupe de patients qu'ils traitent, n'insère pas des biais de traitement au sein de l'étude. On peut aussi penser à un éventuel faux positif, étant donné le nombre d'études limité et de piètre qualité sur le sujet (groupe contrôle pas toujours présent et jamais de double aveugle) ne permettant que trop peu les comparaisons et les évaluations. Enfin, les patients suivant déjà des traitements peuvent être plus motivés à prendre soin d'eux. » [14]. Même son de cloche sur le site de la revue Science et Avenir [15].

Andrew Vickers, statisticien au centre anticancéreux Memorial Sloan Kettering de New York ajoute son grain de sel de scepticisme. Ainsi, lui qui a démontré dans une grande méta-analyse l’efficacité de l’acupuncture dans les douleurs chroniques [16] donne à l’AFP un avis tranché : « L'étude est impeccable sur le papier, mais la recherche menée en Chine a presque toujours exclusivement conclu que l'acupuncture fonctionnait. La qualité des études s'est améliorée depuis 20 ans, mais l'historique force à la prudence. Seule solution pour savoir si l'acupuncture marche vraiment contre l'angine de poitrine : plus d'études, sur plus de patients, en dehors de Chine. » [17].

Quoi qu’il en soit, on se doit de considérer que l’électroacupuncture comme traitement d'appoint pour les patients souffrant d'angine chronique stable peut constituer une bonne option pour soulager leurs symptômes.

 

 

Références

  1. Li D, Yang M, Zhao L, Zheng H, Li Y, Chang X, Cui J, Wang R, Shi J, Lv J, Leng J, Li J, Liang F. Acupuncture for chronic, stable angina pectoris and an investigation of the characteristics of acupoint specificity: study protocol for a multicenter randomized controlled trial. Trials.2014;15:50. doi: 10.1186/1745-6215-15-50.
  2. Richter A, Herlitz J, Hjalmarson A. Effect of acupuncture in patients with angina pectoris. Eur Heart J. 1991;12(2):175-178.
  3. Schliessbach J, van der Klift E, Arendt-Nielsen L, Curatolo M, Streitberger K. The effect of brief electrical and manual acupuncture stimulation on mechanical experimental pain. Pain Med. 2011;12 (2):268-275.
  4. Wang Q, Liang D,Wang F, et al. Efficacy of electroacupuncture pretreatment for myocardial injury in patients undergoing percutaneous coronary intervention: a randomized clinical trial with a 2-year follow-up. Int J Cardiol. 2015;194:28-35.
  5. Ballegaard S, Pedersen F, Pietersen A, Nissen VH, Olsen NV. Effects of acupuncture in moderate, stable angina pectoris: a controlled study. J Intern Med. 1990;227(1):25-30.
  6. Ho FM, Huang PJ, Lo HM, et al. Effect of acupuncture at nei-kuan on left ventricular function in patients with coronary artery disease. Am J Chin Med. 1999;27(2):149-156.
  7. Mehta PK, Polk DM, Zhang X, et al. A randomized controlled trial of acupuncture in stable ischemic heart disease patients. Int J Cardiol. 2014; 176(2):367-374.
  8. Gao J, FuW, Jin Z, Yu X. Acupuncture pretreatment protects heart from injury in rats with myocardial ischemia and reperfusion via inhibition of the beta(1)-adrenoceptor signaling pathway. Life Sci. 2007;80(16):1484-1489.
  9. Longhurst J. Acupuncture’s cardiovascular actions: a mechanistic perspective. Med Acupunct. 2013;25(2):101-113.
  10. Huang Y, Lu SF, Hu CJ, et al. Electroacupuncture at neiguan pretreatment alters genome-wide gene expressions and protects rat myocardium against ischemia-reperfusion. Molecules. 2014;19(10):16158-16178.
  11. Ballegaard S, Jensen G, Pedersen F, Nissen VH. Acupuncture in severe, stable angina pectoris: a randomized trial. Acta Med Scand. 1986;220(4): 307-313.
  12. Yu C, Ji K, Cao H, et al. Effectiveness of acupuncture for angina pectoris: a systematic review of randomized controlled trials. BMC Complement Altern Med. 2015;15:90.
  13. Collectif Fakemed. [Consulté le 07/12/2019]. Disponible à l’URL: http://fakemedecine.blogspot.com/.
  14. Hernandez J. L'acupuncture en plus des traitements : effets réels ou contextuels ? Futura santé. 11 août 2019. [Consulté le 07/12/2019]. Disponible à l’URL: https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-acupuncture-plus-traitements-effets-reels-contextuels-77090/.
  15. Gaubert C. L'acupuncture est-elle efficace pour soigner l'angine de poitrine ? 30 juillet 2019. [Consulté le 07/12/2019]. Disponible à l’URL: https://www.sciencesetavenir.fr/sante/coeur-et-cardio/acupuncture-une-efficacite-a-confirmer-dans-l-angine-de-poitrine_135984.
  16. Vickers AJ, Vertosick EA, Lewith G, MacPherson H, Foster NE, Sherman KJ, Irnich D, Witt CM, Linde K; Acupuncture Trialists' Collaboration. Acupuncture for Chronic Pain: Update of an Individual Patient Data Meta-Analysis. J Pain. 2018 May;19(5):455-474.
  17. AFP/Relaxnews. Doctissimo santé. L'acupuncture, efficace contre l'angine de poitrine. 30 juillet 2019. [Consulté le 07/12/2019]. Disponible à l’URL: https://www.doctissimo.fr/sante/news/acupuncture-contre-angine-poitrine.

Se connecter

Veuillez mettre votre identifiant puis mot de passe dans les 2 cases appropriées ci-dessous