Consensus d’experts sur le traitement par acupuncture de la gonarthrose

Pratique de l’acupuncture

 

    Consensus d’experts sur le traitement par acupuncture de la gonarthrose

 

 

 

 

 

 

Dans une pathologie donnée, il est tout à fait usuel d’observer de grandes variations de pratique. Pour réduire ces variations (dont une partie peut être considérée comme non justifiée), des consensus d’experts sont utilisés pour élaborer des recommandations de bonne pratique.

Méthode Delphi

La méthode Delphi est une méthode des plus courantes pour formaliser ce consensus [1,2]. Il s’agit d’obtenir un avis final unique et convergent d’un groupe d’experts et d’en évaluer le degré de convergence. Le principe est d’interroger les experts sur la base d’un questionnaire auto-administré, de manière itérative (deux à quatre tours) et interactive, sans communication directe entre eux. L’anonymat est garanti, minimisant ainsi le risque d’une prise de pouvoir par certains individus ou sous-groupes d’individus.

Les résultats d’un premier questionnaire sont communiqués à chaque expert et sont accompagnés d’une synthèse des tendances générales et particulières, des avis et des justifications. Dès lors chacun est invité à réagir et à répondre à un deuxième questionnaire élaboré en fonction des premiers avis recueillis, et ainsi de suite jusqu’à l’obtention d’une convergence aussi forte que possible des réponses.

Les experts doivent être des experts qualifiés, ayant une compréhension claire de la problématique abordée, représentatifs des connaissances et/ou des perceptions actuelles, relativement impartiaux et indépendant des pressions commerciales ou autres.

 

Traitement par acupuncture de la gonarthrose

Une étude utilise ainsi la méthode Delphi pour établir des recommandations sur le traitement par acupuncture de la gonarthrose [3]. Le pilotage est assuré par un groupe de base constitué de quatre chercheurs issus des universités de médecine chinoise de Beijing et du Shandong : un expert acupuncteur, deux méthodologistes et un secrétaire. Une liste de 100 experts potentiels dans le domaine du traitement par acupuncture de la gonarthrose a été établie. Cette liste n’incluait que des experts chinois : auteurs ayant publié des articles sur le sujet, auteurs de manuels et membres de la China Association of Acupuncture-Moxibustion. 52 ont accepté de participer à l’étude, constituant le panel d’experts.

Une première liste d’énoncés (items) a été établie par le comité de pilotage à partir :

  • des données probantes dans le domaine : analyse de protocoles d’acupuncture dans les essais contrôlés randomisés évaluant l’acupuncture dans la gonarthrose.
  • d’une enquête multidisciplinaire préalable sur un groupe de 85 acupuncteurs et non-acupuncteurs visant à identifier et lister les différentes problématiques cliniques possibles.

Cette liste d’énoncés a été soumise ensuite à trois experts du panel lors d’entretiens semi-structurés, ce qui a abouti à une liste initiale de 28 énoncés. Enfin, ces énoncés ont été soumis à l’ensemble du panel des 52 experts en trois tours successifs au cours desquels les participants ont formulé leur accord ou désaccord, proposé des reformulations ou des ajouts d’énoncés. Ce processus itératif et interactif a permis l’émergence de nouveaux points de vue et une meilleure compréhension du sujet. L’accord ou désaccord était exprimé sur une échelle de type Likert à neuf points (score 1 = désaccord fort, score 9 = accord fort). Pour chaque énoncé, un consensus est considéré comme établi si la médiane des scores est ⩾ 8 et si plus de 70% des scores sont ⩾ 7.

Finalement, 37 énoncés ont été retenus et 8 exclus, portant sur : (1) les principes thérapeutiques, (2) le traitement par acupuncture proprement dit, (3) la dose d’acupuncture (intensité, durée et rythme des séances), (4) les critères d’évaluation principaux, (5) les effets secondaires et (6) divers.

 

Principes de traitement

Figure 1. Principes de traitement : indications de l’acupuncture.

Les « principes de traitement » (figure 1) sont en fait les indications en distinguant l’acupuncture comme traitement principal et l’acupuncture comme traitement complémentaire en fonction du grade à la classification radiologique de Kellgren-Lawrence. Cette distinction apparait comme bien formelle et sans réel caractère opératoire. Si on analyse comparativement les niveaux de preuve respectifs de l’acupuncture, des thérapeutiques médicamenteuses et non-médicamenteuses, la classification de l’acupuncture comme thérapeutique complémentaire dans l’arthrose évoluée ne semble pas justifiée [4].

Traitement par acupuncture

L’énoncé 8 disant que l’association de l’acupuncture à d’autres techniques comme la moxibustion peut améliorer l’efficacité est très vague et sans grande valeur opératoire. Effectivement de nombreuses modalités techniques d’acupuncture (entendue comme terme générique) peuvent être utilisées dans la gonarthrose [5]. Une revue systématique (RS) comparant l’efficacité de cinq modalités conclut à la supériorité de l’électroacupuncture et de l’aiguille de feu par rapport à l’acupuncture simple [6].

Figure 2. Traitement par acupuncture : « phases » et choix des points.

Ces données paraissent confirmées par deux autres RS portant spécifiquement sur l’électroacupuncture [7] ou l’aiguille de feu [8]. De nombreuses autres techniques ont fait l’objet d’une évaluation positive dans le domaine de la gonarthrose ; mais d’une façon générale la qualité des études ne permet pas de conclusion ferme : la moxibustion [9], les aiguilles chauffées [10], les saignées au niveau des points [11], l’acupotomie [12], l’api-acupuncture [13]. Dans la recommandation d’une technique l’évaluation de son efficacité est bien sûr centrale mais il faut tenir également compte d’autres paramètres :

  • la sécurité : à l’évidence le risque d’effets indésirables ne parait pas équivalent ;
  • l’adhésion du patient notamment vis-à-vis des techniques paraissant agressives (acupotomie, aiguille de feu) ;
  • la maitrise technique du praticien (sa formation et ses compétences opératoires) ;
  • la faisabilité de la technique en fonction des lieux (la moxibustion nécessite des locaux adaptés) et de la disponibilité des dispositifs nécessaires ;
  • le coût praticien (formation, durée de l’acte, investissement matériel) et le coût patient.

Les énoncés 9 à 11 sont de bon sens, mais utiles à formuler. L’énoncé 12 sur la théorie des méridiens et la différenciation des syndromes comme base principale du traitement pose question parce que cette affirmation ne se retrouve pas traduite explicitement dans le choix des points. A l’analyse des pratiques dans la gonarthrose on retrouve bien sûr des traitements selon les méridiens et selon la différenciation des syndromes, mais la pratique la plus usuelle est l’utilisation de points locaux ou locaux-distaux sans référence directe aux méridiens ou aux zheng. Cela confirme que traitement selon les zheng ou selon les méridiens sont des options thérapeutiques et non un cadre impératif [14].

Les énoncés 13 à 17 portent sur le choix des points. L’énoncé 13 parait préconiser une association de point locaux et de points distaux. Les données probantes en acupuncture, toutes pathologies confondues, vont en ce sens : l’association est supérieure aux points locaux seuls [15]. Par contre dans les douleurs musculo-squelettiques l’utilisation de points locaux seuls est équivalente aux points distaux seuls, l’intérêt de leur association restant indéterminée [16].

Les points locaux cités paraissent consensuels. Cette liste est quasiment identique à celle issue d’une analyse des protocoles de 16 essais contrôlés randomisés (ECR) ou encore de 20 traités d’enseignement d’acupuncture [17]. Mais observons qu’il s’agit tout simplement de la citation de l’intégralité des points locaux des faces antérieure et latérales du genou auxquels s’ajoutent les points ashi et deux points curieux (heding et xiyan).

Un élément à noter est la distinction et la hiérarchisation de trois groupes de points locaux en fonction de ce qui semble être une fréquence d’usage : les deux xiyan (35E et neixiyan) comme points principaux, 34VB (yanglingquan), heding, 10Rte (xuehai), 9Rte (yinlingquan), 36E (zusanli) et ashi comme points usuels, 34E (liangqu), 33VB (yangguan) et 40V (weizhong) comme points secondaires. A noter qu’une étude clinique montre qu’il n’y a pas de différence d’efficacité entre l’utilisation des deux xiyan seuls et une association (xiyan) + (36E, 34E, 9Rte, 10Rte) [18].

Les données apparaissent plus discordantes sur les points distaux : dans les ECR, le 6Rte (sanyinjiao) est le plus utilisé alors que le panel d’experts ne l’a pas retenu (figure 5). Inversement 39VB (xuanzhong) et 3Rn (taixi) cités dans le consensus d’experts se retrouvent rarement dans les ECR comme dans les manuels d’enseignement [17]. Une utilisation prédominante de la différenciation des zheng ou de la théorie des méridiens aurait conduit à des choix de points distaux sensiblement différents.

 

Dose de l’intervention

Figure 3. Traitement par acupuncture : dose de l’intervention.

Les experts classent le deqi et la profondeur de puncture dans le cadre de la dose d’acupuncture (la posologie). Le deqi est énoncé comme un élément essentiel de l’efficacité thérapeutique (énoncé 19). Mais si cela est montré dans certaines pathologies (dysménorrhées, [19]), ce n’est pas le cas si on réunit l’ensemble des pathologies [20]. Les profondeurs de puncture données sont classiques, mais il est également évoqué la possibilité de puncture profonde, transfixiante en direction de la face opposée de l’articulation. Il nous semble que cette technique ne devrait être recommandée que si elle montre une supériorité par rapport à une puncture usuelle. Les experts n’ont pas retenu l’énoncé sur l’importance des notions de tonification/dispersion de même que celui sur l’importance du nombre de points utilisés (figure 5). Sur ce dernier élément, effectivement, comme nous l’avons vu, une étude clinique montre qu’il n’y a pas de différence entre un protocole à deux points versus six points [18].

Concernant la durée des séances il est recommandé une durée de séance de 30 minutes, mais inversement l’énoncé sur l’importance du paramètre n’a pas été retenu (figure 5). La fréquence des séances proposées est une par jour à une tous les deux jours. C’est un rythme plus élevé que celui relevé dans les essais cliniques (le plus souvent deux séances / semaine) [17].

Curieusement aucune indication sur le nombre de séances n’est donnée, et l’énoncé sur l’importance de ce paramètre n’a pas été retenu (figure 5). Dans les études cliniques le nombre le plus usuel est de 10-15 séances [17]. Dans une revue systématique sur la douleur chronique, les auteurs concluent que la durée d’un traitement par acupuncture doit être d’au moins de 5 semaines, et que les meilleurs résultats sont obtenus avec 11 semaines ou plus [21].

Il n’est pas retenu la nécessité d’augmenter la posologie en cas de douleur sévère ou de grade élevé au score de Kellgren-Lawrence (figure 5).

 

Autres paramètres

Figure 4. Critères d’évaluation, effets indésirables et autres.

Énoncés non retenus

Figure 5. Enoncés non retenus.

Conclusions

L’intérêt premier de ce consensus d’experts est de lister, classer et formuler un ensemble de problématiques quant à la pratique de l’acupuncture. Les réponses apportées ne font bien sûr que refléter l’avis des participants, mais elles nous amènent à réfléchir sur notre propre pratique.

Il apparait clairement que toutes les pratiques sont facilement décomposables en différents éléments et que ces éléments sont indépendants les uns des autres posant chacun une question spécifique (par exemple l’intérêt du deqi n’est pas lié à la définition de la durée optimale d’une séance d’acupuncture).  Le point de vue d’une « vraie » acupuncture traditionnelle qui porterait en elle la connaissance de tous les paramètres est mis à distance. Une réponse solide à chacune des questions posées ne peut venir que de la recherche clinique et expérimentale.

 

Dr Olivier Goret

Conflit d’intérêt : aucun

Dr Johan Nguyen

 Conflit d’intérêt : aucun

 

Références

  1. Dalkey NC. The Delphi Method. An Experimental Study of Group Opinion. Dalkey NC. The Delphi method: An experimental study of group opinion. Santa Monica, CA: Rand Corporation. 1969.
  2. Linstone HA, Turoff M. The Delphi Method, Techniques and applications, New Jersey Institute of Technology. 2002.
  3. Sun N, Wang LQ, Shao JK, Zhang N, Zhou P, Fang SN, Chen W, Yang JW, Liu CZ. An expert consensus to standardize acupuncture treatment for knee osteoarthritis. Acupunct Med. 2020;38(5):327-334.
  4. Nguyen J. L’acupuncture dans l’arthrose périphérique : des recommandations positives de l’American College of Rheumatology qui posent question. Acupuncture preuves & pratiques. Juin 2020.  https://gera.fr/lacupuncture-dans-larthrose-peripherique-des-recommandations-positives-de-lamerican-college-of-rheumatology-qui-posent-question/
  5. Cheng Jie, Tang Wei, Fang Hui-Ling. [The application of special acupuncture therapies on knee osteoarthritis]. Journal of Clinical Acupuncture and Moxibustion. 2011;27(3):66.|
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  7. Chen N, Wang J, Mucelli A, Zhang X, Wang C. Electro-Acupuncture is Beneficial for Knee Osteoarthritis: The Evidence from Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. American Journal of Chinese Medicine. 2017;45(5):965-985.
  8. Ko H, Yoo J, Shin J. A Systematic Review and Meta-Analysis of Fire Needling Treatment for Knee Osteoarthritis: Focused on Comparative Studies with Manual Acupuncture Treatment during Recent Five Years. Korean Journal of Acupuncture. 2019;36(2):104-114.
  9. Yuan T, Xiong J, Wang X, Yang J, Jiang Y, Zhou X, Liao K, Xu L. The Effectiveness and Safety of Moxibustion for Treating Knee Osteoarthritis: A PRISMA Compliant Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. Pain Res Manag. 2019.
  10. Zhang Jiwei, Deng Qiang, Yang Zhenyuan, Zhang Yanjun, Wang Peng, Guo Tiefeng. [Meta Analysis of Randomized Controlled Trials of Warming Needle Moxibustion for Knee Osteoarthritis]. Clinical Journal of Traditional Chinese Medicine. 2018;11:2049-2054.
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  12. Zhang Lei, Wei Mubin, Liu Aifeng. [Meta-analysis of acupotomy versus acupuncture for knee osteoarthrits]. Tianjin Journal of Traditional Chinese Medicine. 2019;3:253-7.
  13. Li Shaowei, Huang Weihan, Pan Yuanle, Ou Jinming, Huang Zhanhui, Liu Haifeng, Huang Mengfen. [A Meta-analysis of Bee-sting Acupuncture in the Treatment of Knee Osteoarthritis]. Guangming Journal of TCM. 2018;5:693-696.
  14. Nguyen J. La différenciation des zheng comme option thérapeutique. Acupuncture Preuves & Pratiques. Juin 2020.  https://gera.fr/la-differenciation-des-zheng-comme-option-therapeutique/
  15. Yu Peixun, Gao Bing, Xia Yujun. Meta-analysis of the effect of distal or local point selection on acupuncture efficacy. World Journal of Acupuncture-Moxibustion. 2018;28(2):44.
  16. Wong LIT Wan D, Wang Y, Xue CC, Wang LP, Liang FR, Zheng Z. Local and distant acupuncture points stimulation for chronic musculoskeletal pain: a systematic review on the comparative effects. Eur J Pain. 2015.
  17. Purepong N, Jitvimonrat A, Sitthipornvorakul E, Eksakulkla S, Janwantanakul P. External validity in randomised controlled trials of acupuncture for osteoarthritis knee pain. Acupuncture in Medicine. 2012;30(3):187-94.
  18. Goret O, Nguyen J. Gonarthrose : l’électro-acupuncture locale sur deux points paraît équivalente à l’électro-acupuncture locale sur six points. Acupuncture & Moxibustion. 2009;8(3):176.
  19. Wang Y, Sun J, Zhang Z, Cao H, Wang P, Zhao M, Hu N, Wu G, Hu S, Zhu J. [Impact of deqi on acupoint effects in patients with primary dysmenorrhea:a systematic review of randomized controlled trials]. Chinese Acupuncture and Moxibustion. 2017;37(7):791-797.
  20. Zhang S, Mu W, Xiao L, Zheng WK, Liu CX, Zhang L, Shang HC. Is deqi an indicator of clinical efficacy of acupuncture? A systematic review. Evid Based Complement Alternat Med. 2013;2013:750140. 
  21. Li C, Pei Q, Chen Y, et al. The response-time relationship and covariate effects of acupuncture for chronic pain: a systematic review and model-based longitudinal meta-analysis. Eur J Pain. 2020.

 

Traitement par acupuncture de la dermatite atopique

 

Résumé : A  partir de l’analyse d’un essai clinique les auteurs effectuent une courte revue sur le traitement par acupuncture de la dermatite atopique. Mots-clés : acupuncture - dermatite atopique - essai clinique- revue – protocole - zheng – évaluation.

Acupuncture treatment of atopic dermatitis

Summary:  Summary: Based on the analysis of a clinical trial, the authors conduct a short review on the acupuncture treatment of atopic dermatitis. Keywords: acupuncture - atopic dermatitis - clinical trial - review - protocol - zheng - evaluation

 


L’étude clinique

Un essai contrôlé randomisé est mené en Corée du Sud et vise à étudier l’efficacité de l’acupuncture dans la dermatite atopique légère à modérée [1].

36 patients âgés de 19 à 38 ans sont inclus avec les critères suivants :

  • diagnostic de dermatite atopique basé sur les critères de Hanifin et Rajka ;
  • score entre 30 et 80 points sur une échelle visuelle analogique du prurit (EVA : 0 = aucun prurit, 100 = pire intensité de prurit) ;
  • score entre 10 et 40 points sur l’index SCORAD objectif correspondant à une dermatite légère à modérée. L’index objectif prend en compte l’étendue et l’intensité des lésions (érythème, œdème ⁄papules, effet de grattage, suintement / formation de croûte, lichénification et sécheresse). L’index SCORAD total non utilisé pour l’inclusion comprend également les symptômes subjectifs (démangeaisons, insomnie) ;
  • absence de médicament le mois précédent.

Les patients sont randomisés (enveloppes opaques) en deux groupes :

  • acupuncture vraie qui consiste en un traitement semi-standardisé (points constants associés à points variables en fonction de la clinique) avec en fin de séance mise en place de deux aiguilles à demeure (figure 1) ;
  • fausse acupuncture qui utilise des aiguilles factices de Park, non pénétrantes sur des non-points situés à 1 cm des trois points constants ainsi que des aiguilles à demeure factices mise en place sur un non-point (1 cm du 11GI) et un point non-indiqué (point doigtauriculaire).

Dans les deux groupes sont effectuées 8 séances sur 4 semaines (deux séances par semaine) puis un suivi de 4 semaines.

Figure 1. Protocole d’acupuncture de l’étude [1].

 

Figure 2. Points secondaires fonction de la clinique (indications décrites dans [2] et [3]).

Le critère d’évaluation principal est la modification du SCORAD total observée à la fin du traitement (semaine 4).

Les critères de jugements secondaires sont :

  • la sévérité des critères objectifs : SCORAD Objectif et EASI (Eczema Area and Severity Index) ;
  • la sévérité des critères subjectifs : EVA prurit et POEM (Patient Oriented Eczema Measure) ;
  • la qualité de vie : DLQI (Dermatology Life Quality Index) ;
  • enfin la sévérité des symptômes dyspeptiques (les auteurs ayant relevé dans une précédente étude une relation entre dyspepsie et dermatite atopique) avec quatre mesures : NDI [Nepean Dyspepsie Index], EVA [dyspepsie], seuil de douleur à la pression abdominale et soulagement de l’inconfort abdominal.

Chaque critère est analysé en début du traitement (semaine 0), puis toutes les deux semaines durant le traitement (semaine 2 et 4) et après le traitement (semaine 6 et 8).

Résultats

Une différence significative sur le SCORAD total (critère principal), sur le SCORAD objectif et EASI est observée à 4 semaines (figure 3A et 3C).

Les évolutions du SCORAD (total et objectif) montrent que la différence entre les deux groupes est significative dès la semaine 2 et se prolonge jusqu’à la semaine 8 (figure 3B et 3D). En revanche, il n’est pas observé de différence sur les critères secondaires subjectifs (EVA prurit, POEM), mais dans les deux groupes les symptômes sont améliorés.

Une amélioration significative des symptômes dyspeptiques (EVA dyspepsie et NDI) est également observée à la semaine 4.

 

Figure 3. A et C. Score à 4 semaines : SCORAD total (A) et SCORAD objectif (C). B et D. Evolution du SCORAD total (B) et SCORAD objectif (D) sur les 4 semaines de traitement et les 4 semaines de suivi. VA : verum acupuncture (acupuncture vraie). SA : sham acupuncture (acupuncture factice). † : p < 0,01 [1].

 Commentaires

L’étude

Il s’agit donc d’un essai clinique suggérant l’intérêt de l’acupuncture dans la dermatite atopique.

Les 3 scores SCORAD (total), SCORAD (objectif) et EASI utilisés dans l’étude sont considérés comme les indicateurs les plus pertinents pour évaluer les signes cliniques de la DA [4]. Dans la dermatite atopique, le seuil de pertinence clinique est habituellement fixé à une différence de 8.7 pts sur le SCORAD Total [5]. L’étude montre une amélioration de 11.83, traduisant donc une efficacité cliniquement pertinente de l’acupuncture. L’effet est observé à tous les temps de l’évaluation, dès la 2e semaine et se prolongeant 4 semaines après l’arrêt du traitement.

 Les éléments cliniques

Le traitement par acupuncture est basé sur un protocole semi-standardisé associant points constants et points fonction de la clinique. Cette différenciation est basée sur la palpation et la symptomatologie abdominale de la tradition coréenne [2,3] (figure 2), qui diffère de la symptomatologie chinoise usuelle ou de la différenciation des zheng. L’association de troubles gastro-intestinaux fonctionnels (dyspepsie) aux maladies atopiques a été rapportée [6].

Cette association aux troubles dyspepsiques se retrouve dans la différenciation des zheng et la fréquence des syndromes reliés à la Rate dans la dermatite atopique (figure 3) observée dans une méta-analyse portant sur 27 études et 2273 patients [7]. Sur le plan expérimental, un modèle animal de zheng dans la dermatite atopique a été élaboré [8].

 

Figure 3. Distribution des zheng chez 2273 patients avec dermatite atopique (27 études). 4 zheng sont observés dans plus de 10% des cas : Humidité-Chaleur (25%), Vide de Rate avec accumulation de Glaires (17%), Vide de Rate (14%) et Vide de Sang et Vent-Sécheresse (13%) [7].

Le protocole d’acupuncture

Le protocole a été précédemment utilisé dans une étude pilote [9] qui a défini le nombre de patients à traiter (n=36), le rythme des séances (les résultats sont similaires 2 séances par semaine ou 3 par semaine) et la durée du suivi (4 semaines). La séance d’acupuncture est prolongée par la mise d’aiguilles à demeure. Une étude récente a montré l’équivalence entre une puncture du 11GI, 3 fois par semaine et la mise en place d’une aiguille à demeure 1 fois par semaine [10].

Les protocoles d’acupuncture de 8 essais contrôlés randomisés ont été relevés dans une revue systématique sur le traitement par acupuncture de la dermatite atopique (figure 4) [11].

 

Figure 4. Points utilisés dans le traitement par acupuncture de la dermatite atopique (8 essais contrôlés randomisés, [11].). BL (=V), CV (=VC), GB (=VB), GV (=VG), LI (=GI), LR (=F), ST (=E).

Un examen de la portée sur 116 études cliniques de traitement par acupuncture de la dermatite atopique a analysé l’ensemble des prescriptions. Il apparait un noyau central de cinq points 11GI, 10Rte, 36E, 6Rte et 4GI associé à l’utilisation de points ashi (lésionnels dans ce cas) (figure 5, [12]).

Figure 5. Fréquence d’utilisation des points relevée dans 116 études cliniques (les top-15 points et top-5 méridiens). La dimension des cercles correspond à la fréquence, la couleur indique l’appartenance méridienne [12].

 L’évaluation de l’acupuncture

La revue systématique de Jiao 2020, [11]) inclut 8 ECR et 434 patients. Elle montre que l’acupuncture est supérieure au traitement conventionnel sur EASI (Eczema Area and Severity Index) (6 ECR). Concernant l’amélioration symptomatique globale (7 ECR) , l’acupuncture est supérieure à l’absence d’acupuncture sur le prurit (EVA prurit) (1 seul ECR). Mais les conclusions sont limitées par la qualité des études incluses.

Ceci était également énoncé dans les recommandations de bonne pratique états-uniennes [13] ou japonaises [14]. 

 

 

 

Dr  Olivier Goret

83000 Toulon

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Conflit d’intérêt : aucun

 

Dr Johan Nguyen

83130 La Garde

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Conflit d’intérêt : aucun

 Références

 

  1. Park JG, Lee H, Yeom M, Chae Y, Park HJ, Kim K. Effect of acupuncture treatment in patients with mild to moderate atopic dermatitis: a randomized, participant- and assessor-blind sham-controlled trial. BMC Complement Med Ther. 2021;21(1):132.
  2. Kim YK, Yeom M, Kang S, Park HJ, Kim K, Lee H. Antipruritic Effect of Acupuncture in Patients with Atopic Dermatitis: Feasibility Study Protocol for a Randomised, Sham-Controlled Trial. Evid Based Complement Alternat Med. 2017.
  3. Park JG, Park HJ, Chae Y, Kim YK, Lee H, Kim K. Acupuncture Treatment for Symptom Management in Atopic Dermatitis: A Study Protocol for a Randomized, Participant- and Assessor-Blind, Sham-Controlled Trial. Evid Based Complement Alternat Med. 2019:1907578.
  4. Schmitt J, Langan S, Deckert S, Svensson A, Von Kobyletzki L, Thomas K, et al. Assessment of clinical signs of atopic dermatitis: a systematic review and recommendation. J Allergy Clin Immunol. 2013;132(6):1337–47.
  5. Schram ME, Spuls PI, Leeflang MMG, Lindeboom R, Bos JD, Schmitt J. EASI, (objective) SCORAD and POEM for atopic eczema: responsiveness and minimal clinically important difference. Allergy Eur J Allergy Clin Immunol. 2012;67(1):99–106.
  6. Koloski N, Jones M, Walker MM, Veysey M, Zala A, Keely S, et al. Population based study: atopy and autoimmune diseases are associated with functional dyspepsia and irritable bowel syndrome, independent of psychological distress. Aliment Pharmacol Ther. 2019;49(5):546–55.
  7. Chi Him Sum, Jessica Ching, Hong-Wei Zhang et al. Integrated Western and Chinese Medicine Interventions for Atopic Dermatitis: A Systematic Review and Meta-analysis, Chinese Medicine. 08 July 2021, PREPRINT (Version 1) available at Research Square.
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  10. Lee HC, Park SY. Preliminary Comparison of the Efficacy and Safety of Needle-Embedding Therapy with Acupuncture for Atopic Dermatitis Patients. Evid Based Complement Alternat Med. 2019. [198918].
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  12. Zeng Z, Li M, Zeng Y, Zhang J, Zhao Y, Lin Y, Qiu R, Zhang DS, Shang HC. Potential Acupoint Prescriptions and Outcome Reporting for Acupuncture in Atopic Eczema: A Scoping Review. Evid Based Complement Alternat Med. 2021. [220114].
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