À propos du 9Rn, zhubin, 筑宾 [築賓] : données factuelles et questionnements à l’usage des médecins acupuncteurs

Claude Pernice

À propos du 9Rn, zhubin, 筑宾 [築賓] : données factuelles et questionnements à l’usage des médecins acupuncteurs

Résumé. Cet article a pour objectif d’explorer le 9Rn zhubin, point secondaire des classes d’usage distinguées dans Sigma Sciences Médicales Chinoises. Il vise à confronter le contenu des diverses publications classiques et contemporaines que nous avons retenues sur ce point à la réputation particulière. Différentes thématiques sont présentées ici en détaillant les convergences et les divergences dans les énoncés et dans les descriptions des publications. Cette confrontation permet de relever les diverses questions soulevées par les usages de ce point et dans les pathologies qu’il est censé traiter. Sont mis en évidence les problèmes inhérents aux traductions des textes chinois, dont les différences entre les auteurs rendent compte ainsi que la nécessité pour les médecins acupuncteurs de distinguer les aspects philosophiques, anthropologiques, historiques, culturels, afin de dégager les enjeux des savoirs opérationnels de ce point pour le champ médical. Ces données factuelles n’apportent pas simplement des précisions médicales, elles sont plus que jamais indispensables car, sous cette forme, constituent un enjeu dans le contexte des diverses mises en cause que connaît actuellement l’acupuncture et sa reconnaissance institutionnelle comme spécialité thérapeutique. Mots-clés. 9Rn zhubin – classes d’usage – traductions – interprétations.

 

Summary. This article aims to explore the 9Rn zhubin, a secondary point of distinguished use classes in Sigma Chinese Medical Sciences. It aims to confront the content of the various classic and contemporary publications that we selected on this point to the particular reputation. Different themes are presented here detailing the convergences and discrepancies in the statements and descriptions of the publications. This confrontation makes it possible to raise the various questions raised by the uses of this point and in the pathologies that it is supposed to treat. The problems inherent in translations of Chinese texts, the differences between the authors, and the need for acupuncture physicians to distinguish philosophical, anthropological, historical and cultural aspects, in order to identify the stakes of the operational knowledge of the field, are highlighted. this point for the medical field. These factual data do not simply provide medical details, they are more than ever indispensable because, in this form, constitute an issue in the context of the various challenges that currently affects acupuncture and its institutional recognition as a therapeutic specialty. Keywords. 9Rn zhubin - usage classes - translations - interpretations.

 

Introduction

Après avoir exploré le 60V kunlun [1,2], point majeur dans la classe d’usage que nous avons définie et en suivant la même méthode, l’étude des points est poursuivie par l’examen du 9Rn zhubin. Ce dernier ayant été classé comme point secondaire [3], il s’agit ici, a contrario, de se saisir d’un point cité par moins d’un tiers de sources aussi bien classiques que contemporaines que nous avons retenues. En outre la réputation du 9Rn zhubin est de résoudre les problèmes « d’hérédité chargée » [4]. Cette réputation conduit à majorer les aspects symboliques. Elle ouvre la porte à toutes les interprétations situées hors du champ médical. Celles-ci ont pu paraître légitimes aux médecins acupuncteurs mais l’accès de plus en plus ouvert aux publications médicales chinoises nous invite à abandonner ce niveau interprétatif pour ne s’en tenir qu’aux données purement médicales. Comme dans l’article précédemment cité, notre objectif est donc de repérer les diverses dimensions descriptives du 9Rn zhubin, de dégager les éléments communs et les items problématiques afin de clarifier le savoir opérationnel propre à ce point. Nous commencerons par examiner les questions que posent les données de la localisation de ce point dans une sélection de publications contemporaines et classiques, complétées par les données sur les techniques de stimulation. En second lieu nous nous attacherons à clarifier le registre médical à travers les données sur les fonctions thérapeutiques et les indications de ce point, afin, là encore, de faire émerger les questions que la confrontation inter-auteurs soulève. Enfin nous discuterons des problèmes de traduction des caractères présentés selon les auteurs et des interprétations relevant le plus souvent des registres historiques et culturels.

 

Aspects techniques

Localisation

Les données

Sur les neuf publications contemporaines [5-13] que nous avons interrogées, nous avons dans un premier temps rassemblé l’ensemble des items de localisation :

- sur la face interne de la jambe [9,11,13] ;

- sur le trajet du méridien du Rein, entre le 3Rn taixi et le 10Rn yingu [11,12] ;

- 5 distances (cun) au-dessus du sommet de la malléole interne c'est-à-dire du 3Rn taixi [5-13] ;

- à la hauteur du 5F ligou en arrière [9,10] ;

- 2 distances au-dessus et 1,2 distance en arrière du 6Rt sanyinjiao [5] ;

- au bord interne et en-dessous du ventre musculaire du mollet. Dans les publications analysées des divers auteurs [6-9,12,13], leurs descriptions font état d’une diversité d’appellations du muscle triceps : triceps sural, qui est divisé en soléaire en profondeur et en gastrocnémien en surface, lui-même divisé en deux chefs : médial anciennement jumeau interne et latéral anciennement jumeau externe (non concerné ici).

Les textes classiques quant à eux rapportent les repères de localisation suivants :

- « Au-dessus de la cheville intérieure entre le muscle de la jambe[1] » [11]. Ces repères sont précisés dans le Classique d’Acupuncture et de Moxibustion Zheng Jiu Jia Yi Jing écrit par Huang Fu Mi à la fin du troisième siècle [14].

- Au-dessus du 8Rn jiaoxin et au-dessus et en arrière du 6Rt sanyinjiao, dans le ventre du muscle du mollet [15] mentionné dans Zhen Jiu Da Cheng : Great Compendium [16].

Deng [12] fait référence à quatre classiques : Zheng Jiu Jia Yi Jing (259) [14], Zhen Jiu Ju Ying (1529), Yi Xue Ru Men (1575) [17], Zhen Jiu Ji Cheng (1874) [18], mais localise le 9Rn zhubin par rapport au « triceps sural ». Or cette appellation du muscle du mollet ne peut être que l’appellation moderne attribuée par Deng aux textes classiques et non issue des textes classiques eux-mêmes. Il souligne en résumé que la localisation de ce point « n’est pas très claire » et aboutit à la conclusion qui exprime le consensus actuel sur cette localisation repris par l’OMS en 2009 [9].

Les rapports anatomiques du 9Rn zhubin sont de deux distances au-dessus du 6Rt sanyinjiao, et un peu en arrière (1 à 2 distances [10]), au niveau et en arrière du point 5F ligou, une distance au-dessous du 7Rt lougu.

Pour illustrer les rapports ponctuels induits par cette localisation, nous avons construit la figure 1 qui mentionne les points directement en rapport avec le 9Rn zhubin.

Sur la ligne joignant le 7Rn lougu, 3 distances au-dessous, et le 10Rn yingu, 8 distances au-dessus. Ceux-ci sont sur le trajet jambier du méridien du Rein, sur la verticale qui relie le 3Rn taixi au 10Rn yingu.

En avant et de bas en haut le 6Rt sanyinjiao, 2 distances en dessous et 1,2 distances en avant. Le 5F ligou, à la même hauteur que le 9Rn zhubin et 1 distance en avant sur l’arrête tibiale, et le 7Rt lougu 1 distance au-dessus et 0,2 à 0,5 distance en avant du 9Rn zhubin

Figure 1. Rapport ponctuel du 9Rn par rapport aux autres points.

 

À partir de cet ensemble de données techniques, plusieurs types de questions méritent d’être posées.

Les questions soulevées

- Les données de localisation issues des trois classiques Zhen jiu ju ying (1529), Yi Xue Ru Men (1575) [17], Zhen Jiu Ji Cheng (1874) [18] ne sont-elles pas une simple reprise de celles énoncées dans Zhen Jiu Jia Yi Jing (259) [14] ?

- Les différents repères de localisation distingués par les publications contemporaines et classiques ne sont-ils pas situés à divers niveaux : soit sur des régions corporelles, soit à des rapports avec d’autres points et des méridiens d’acupuncture, soit à des rapports anatomiques, soit enfin à des reliefs musculaires ?

- Ceux-ci ne sont-ils pas particulièrement illustrés par la manœuvre de localisation proposée par l’OMS [9] : « genou fléchi et flexion plantaire contre résistance, le muscle soléaire et gastrocnémien se dessine sur le bord médial de l'os tibial. Le 9Rn zhubin se trouve dans le creux qui apparaît sur la partie inférieure du ventre du chef médial du gastrocnémien »[2] ? Ne peut-on pas penser ici que les items pertinents de localisation concernent une connaissance théorique du point alors que la description de la manœuvre de localisation relève quant à elle d’un savoir opérationnel technique ?

- Les caractères chinois ont évolué dans le temps [19,20], tout comme le nom des muscles. N’aurions-nous pas là une première approche des difficultés que nous rencontrons dans la traduction des textes chinois ? Ces difficultés ne sont-elles pas au fondement même des interprétations que nous retrouverons à propos de la dénomination dans la troisième partie de cet article ?

- Qu’apportent, à la connaissance et au savoir opérationnel de ce point, les rapports anatomiques qui découlent d’une dissection ou d’une exploration radiologique par rapport à une description théorique de ces rapports ?

- Une fois connus les repères de localisation du point et les différentes questions qu’ils suscitent, comment le puncturer et le stimuler ?

Les techniques de stimulation

Les données

Dans ce registre, les différentes références que nous avons analysées indiquent pour la profondeur de la puncture des variations allant de 0,3 distance [8] à 2 distances [10]. Les moxas vont de 1 à 5 cônes et de 5 à 15 minutes de moxibustion à distance.

La sensation de puncture est une sensation irradiant à la cuisse ou à la plante du pied à type de gonflement [10], mais également de diffusion ou de décharge électrique [21]

 

Les questions soulevées

- La puncture recommandée est devenue de plus en plus profonde en l’espace de quelques siècles. Comment comprendre cette évolution sans passer par une étude diachronique ?

- Les auteurs contemporains accordent une certaine importance à la sensation locale ou propagée le long des méridiens. S’agirait-il d’une preuve de l’approfondissement et de la spécialisation de la connaissance médicale ?

Ce premier niveau d’analyse apporte un éclairage technique et nous entraine à entrer dans le registre de la thérapeutique.

 

Aspects médicaux

Fonctions thérapeutiques

Données

Point de départ du yinweimai, ce point a pour fonction de désobstruer ce méridien curieux [6-8], il est également le point d’intersection entre yinweimai et yinqiaomai [15].

 

Actions décrites par les auteurs

Sur le domaine ciblé

Dissipe [11]

Réduit [22]

La Chaleur (re)

Dissous [7, 11]

Transforme [8]

Les Glaires (tan)

Élimine [7]

Les Glaires-Humidité

Calme [8, 11]

Apaise [11, 22]

La peur ou terreur  

Le shen

Dissipe la chaleur [11]

Purifie [8]

Clarifie [7]

Le Cœur

Renforce les fonctions [21]

Tonifie et régularise [7, 22]

Des Reins

Le yin des Reins

Favorise [21]

La diurèse

Ouvre [22]

La poitrine

Renforce [23]

Régularise [22]

Les genoux et jambes

Le yinwei

 

Les questions soulevées

- Ne trouve-t-on pas, dans ce résumé par liste des fonctions thérapeutiques une intrication de symptômes, de syndromes et d’indications fonctionnelles, qu’il s’agirait de déconstruire ?

- Cette intrication n’est-elle pas alimentée également par la variabilité des associations (p. ex. Chaleur et Chaleur-Humidité) ?

- Que signifie la variation des expressions des auteurs quant aux actions thérapeutiques de la puncture du 9Rn zhubin ?

Ces questions posent le problème de la pertinence du choix de la nomination « fonction thérapeutique ». Cette catégorie générique se décline nominalement de manière différentielle chez les auteurs considérés : action [10], application clinique [24], indications fonctionnelles [8], indications thérapeutiques [7].

L’existence d’une pluralité de nominations réfère in fine aux actions « énergétiques » de la puncture et de la stimulation du point décrites par les auteurs sélectionnés. Ce constat nous conduit à interroger les indications thérapeutiques du 9Rn zhubin.

 

Indications

 

Données

Nous avons classé le 9Rn zhubin en point secondaire car il est cité par 6 auteurs sur un panel de 20 [3].

Parmi les auteurs contemporains, Soulié de Morant décrit les « effets directs : Hérédité chargée. Coupe toute transmission héréditaire ou ancestrale. Tonifier pendant la grossesse, de préférence deux fois, une à trois mois et une à six mois (une est déjà suffisant) donne un enfant au teint spécialement lumineux, dormant la nuit, riant le jour, ne prenant pas les maladies ou, s'il les prend, les guérissant en quelques heures ou quelques jours, selon les cas ; n'ayant aucune des mauvaises analyses des parents. Sain d'esprit, de morale et de corps. Préventif des fausses couches (fait aussitôt que possible, et même avant la conception). Empêche les spasmes de grossesse. » [4]. L’indication « hérédité chargée » a été critiquée par Guillaume : “cette indication [hérédité chargée] ne transparaît à aucun moment dans les textes que nous avons consultés. Il en va de même pour de nombreuses indications citées par cet auteur” [8].

Pour d’autres auteurs [5,8,10,11,13,22,25] nous relevons 44 indications. Parmi elles, toutes publications confondues, les maladies mentales ont une fréquence de citation relativement faible de 7. Dans les 37 autres pathologies et si on excepte les doublons, 16 indications ne ressortent pas du registre des maladies mentales. Elles concernent des pathologies locales (par ex. crampes du mollet, etc.) ou loco-régionales sur le trajet du méridien (par ex. hernies, orchite, inflammation du pelvis, etc.) ou encore des pathologies organiques (par ex. cystite, néphrite, etc.)

Dans la littérature ancienne [8,26], on retrouve ces quatre types de pathologies avec une terminologie sémantiquement imprécise auxquelles s’ajouteraient les lombalgies accompagnées de tristesse. Ces imprécisions sont particulièrement mises en évidence dans les divergences de traduction du chapitre 41 du Suwen [27].

Dans le registre des associations éventuelles de points, nous retrouvons les affections des voies urinaires, les vomissements parfois accompagnés de folie et les lombalgies.

Ces indications sont complétées et soutenues par les études cliniques qui décrivent hémorragies utérines, angine de poitrine, ulcère buccal [28] et dépendance à l’alcool [29]. Sur le plan gynécologique, on trouve les ruptures prématurées des membranes [30], le syndrome de Lacomme [31], et enfin les syndromes post traumatiques liés aux violences conjugales [32]. Dans les études expérimentales, nous notons la toxicomanie [33] et la déficience auditive iatrogène [34].

Les questions soulevées

- La question de la validité de l’indication « hérédité chargée » telle que formulée ne reste-t-elle pas posée ? La réputation de cette indication est-elle vraiment fondée autrement que dans les discours où elle prend valeur de rumeur ? Cette action eugénique alléguée par un seul auteur n’est-elle pas de ce fait mise en doute et ne peut-elle pas être une erreur de traduction ou d’adaptation ? L’interprétation « pont entre deux mondes » [35], par exemple ne dérive-t-elle pas de cette singularité ?

- Quel sens donner à la focalisation interprétative sur les maladies mentales alors que ces dernières sont minoritaires du point de vue de leur fréquence de citation ?

- Les imprécisions terminologiques dans la littérature ancienne n’ouvrent-elles pas le champ des interprétations possibles, alors même qu’elles tendent à ne pas sortir du champ médical ?

Ces diverses questions nous conduisent en dernier lieu à évoquer comment le contexte historique et culturel chinois est intégré au champ médical et a pu souvent paraître s’imposer à ce dernier dans le processus de compréhension des maladies et de leur traitement. La sinologie, l’anthropologie et la philosophie, utiles à la compréhension du monde chinois, n’ont-elles pas eu, dans le champ médical, des effets contre-productifs ? C’est en particulier à travers les enjeux de la dénomination que nous allons examiner ces questions.

Aspects historiques et culturels

Dénomination

Les données

- Diverses écritures.

Les caractères actuellement attribués au 9Rn zhubin, sont les suivants筑宾en caractères simplifiés et築賓en caractères dits traditionnels et s’écrivent en pinyin zhù bīn. Chaque phonème en pinyin peut être prononcé de quatre manières différentes en fonction des accentuations et sans tenir compte des accents régionaux ou étrangers. Ces caractères s’écrivent avec des lettres différentes selon la langue qui les transcrit de façon à rester aussi proche que possible de la prononciation « officielle ». On trouve ainsi dans les ouvrages médicaux sélectionnés les translittérations suivantes (Tableau I) dont on peut faire l’hypothèse qu’elles ne sont pas les seules.

 

Tableau I. Les translittérations.

Anglophone

Francophone

Japonais

Coréen

Vietnamien

Chu-Pin

Tso-pinn [4, 10] 
Tchou penn [25]

Chikuhin

Ch'ukpin

Ch'ukpin

 

Dans un but de simplification, des codes alpha-numériques ont été utilisés tels que K ou KI pour kidney, Re ou Rn pour Rein, le 9 étant placé pour les uns avant ces abréviations et pour d’autres après. Ce faisant l’existence de ces codes aux multiples applications a paradoxalement complexifié la compréhension au lieu de la simplifier.

Pour revenir à l’écriture des caractères chinois, des radicaux différents peuvent être adjoints à un même caractère (apparaissant en avant ou au-dessus) modifiant à la fois la prononciation et le sens. Ainsi, pour zhù bīn, si zhù ne prête pas à confusion puisque représentant un seul et unique caractère , bīn en revanche peut être le phonème de quatre caractères, modifiant profondément les significations que l’on peut donner à 9Rn zhù bīn 筑宾 (Tableau II).

- Les données des dictionnaires.

Dans le dictionnaire français de la langue chinoise Ricci [20] le caractère zhu 筑 correspond à Ricci 1147 et est traduit par : « 1. Battre la terre pour la tasser ; pilonner ; tasser. 2. Construire ; bâtir. 3. Construction ; Bâtiment ; maison. 4. Piquer ; percer. ». Quant à bin 宾, qui correspond à Ricci 4068 [21], ses significations sont les suivantes : « [a] 1. Hôte (celui qui reçoit l’hospitalité) ; visiteur ; invité. 2. Recevoir et traiter un hôte ; accueillir un visiteur. Hospitalité. 3. Se soumettre à ; reconnaître l’autorité de. 4. N. f. ». Mais également, en le précédant du radical 扌de shou, main 手 : « [b] Bìn n. 4059 摈 bìn 1. Rejeter ; renoncer à ; abandonner. 2. Expulser ; chasser. »

 

Tableau II. Résumé des significations.

Pinyin

Caractères

N° Ricci

Radicaux

Signification

Traductions proposées par

Zhù

1147

zhú bambou

1. Battre la terre pour la tasser ; pilonner ; tasser. 2. Construire ; bâtir. 3. Construction ; Bâtiment ; maison. 4. Piquer ; percer. 

Pan [6]

Laurent [7]

Bīn

4068

mián

Toit

[a]1. Hôte (celui qui reçoit l’hospitalité) ; visiteur ; invité. 2. Recevoir et traiter un hôte ; accueillir un visiteur. Hospitalité. 3. Se soumettre à ; reconnaître l’autorité de. 4. N. f. 

Pan [6]

Laurent [7]

Bìn

4059

手ou 扌shǒu main

1. Rejeter ; renoncer à ; abandonner. 2. Expulser ; chasser.

Ellis [15]

Bīn

4063

水ou 氵shuǐ eau

1. Bord de l’eau ; rive : rivage ; côte ; plage ; berge. 2. Border. En bordure de ; Près de. Proche ; attenant à.

Soulié de Morant [4], Guillaume [8]

 

Bìn

 

肉 ou月

ròu chair

1. Dans 膑⻣ bìn gǔ (Anat. – Méd. chin. trad.) Rotule : Patella. 2. Dans 膑脚 bìn jiǎo Couper la rotule (châtiment) ; (p. ext.) couper le pied.

WHO [9] mais il est présenté avec le radical宀mián toit

 

Sans trop insister sur les risques que présente l’aspect aléatoire des caractères chinois, objet de l’intérêt de recherche des sinologues, nous préférons faire appel aux traductions réalisées dans un certain nombre de publications médicales de diverses sources. Ainsi nous pouvons trouver comme traduction : « construction sur la plage » [5] ; « guest house » [15] ; « édifice construit pour accueillir l'invité » [6] ; « construit pour l'hôte » [7].

Cet ensemble de traductions montrent bien la difficulté des choix, leur incidence sur l’image que l’on peut se faire du point et l’interprétation que l’on peut en tirer.

La notion de rivage énoncée par Nguyen Van Nghi [5] est mise en relation par Guillaume [8] avec la notion de « berge » à laquelle ce dernier affecte un caractère bin différent 滨 (Ricci 4063) (le radical de la main est remplacé par celui 氵de l’eau shui 水) (tableau 3) et qu’il considère comme un nom secondaire issu du classique Yi Xue Ru Men Fondamental de Médecine Essentials of Medicine rédigé par Li Yan en 1816 [17].

Les questions soulevées

- Comment expliquer ces sens apparemment contradictoires dans ces traductions ? Par exemple, est-ce que la main qui accueille (radical de bin 4068) le visiteur, peut également le rejeter (radical de bin 4059) ? Si cette explication est un problème de spécialiste de sinologie, nous devons souligner que les interprétations occidentales qui tentent d’expliquer les traductions par des commentaires sont pléthores.

- Sur le plan médical, qu’apportent ces divers sens, les choix qu’ils induisent et qu’ils peuvent générer ? Y a-t-il un lien entre les noms du point, les significations qu’ils véhiculent et son activité thérapeutique ? Et si lien il y a, quelle en est la teneur, la solidité et la fiabilité ? Ces questions aux réponses délicates ou inaccessibles ont une première valeur : nous inciter à la prudence. Nous laisserons aux spécialistes, sinologues et anthropologues, le soin de résoudre la question de l’incidence de la période historique sur le sens que l’on peut attribuer à ces appellations dans le cadre de leur discipline.

- Au regard de ces données de traduction assez hétérogènes, pourquoi alors ne pas proposer « construit en bordure du zushaoyin pour donner source au yinweimai » ou « recevoir le yinweimai », explications du nom du point proposées par Pan [6]. Est-il utile dans le champ médical d’étendre ces traductions à des « significations possibles », tel que le propose Destribats avec par exemple « construire un nouvel être » qui devient une nouvelle « âme » s’incarnant dans un nouveau « corps » ou « monde » et rendant la « naissance comparable à la mort » [35] ? Quelle utilité peut représenter l’insertion de théories issues de la psychanalyse à la compréhension des points d’acupuncture ? Au-delà de ces interprétations, n’est-il pas essentiel de distinguer les actions du point 9Rn zhubin de celles du méridien yinweimai, même si ce point en est la Source [35] ?

Conclusion

Le travail sur le 9Rn zhubin a été réalisé à partir de la page qui lui est consacrée dans le site Sigma Sciences Médicales Chinoises [37] et alimenté par les questions posées à la lecture de l’article récent d’Alain Destribats [35]. En tentant de se défaire des interprétations d’auteurs dont les appartenances institutionnelles et disciplinaires (sinologie et anthropologie, entre autres) ne relèvent pas du champ médical le présent article se focalise sur les données proprement médicales. Sont ici mis en évidence des points de discussion collective qui accompagnent les questions que nous avons posées. Le recours à des références publiées et avec sources, les citations d’auteurs précises et contextualisées sont la base sur laquelle peuvent se bâtir les savoirs opérationnels des points d’acupuncture. Comprendre ne nécessite-t-il pas en effet d’aller chercher une information autant que possible vérifiée et fiable ? Il nous a également semblé impératif de distinguer dans la médecine chinoise l’impact du culturel de la fonction thérapeutique. Cette distinction peut se faire en gardant ou en proposant des définitions médicales et en excluant toute connotation philosophique et anthropologique, qui, pour légitimes qu’elles soient dans leur domaine respectif, ne disent rien sur les manières dont le médecin acupuncteur peut décliner son exercice professionnel. La confusion des champs médical, philosophique et anthropologique peut être illustrée par la définition de la théorie du yin-yang proposée par l’OMS [36] : « yin-yang theory 陰陽學說 : an ancient Chinese philosophical concept, dealing with two opposite aspects of matters in nature which are interrelated with each other. Its principle is widely applied to traditional Chinese medicine »[3]. Cette définition est basée sur l’histoire de la médecine chinoise et inclut des concepts culturels et philosophiques. Pour se dégager de ceux-ci, ne pourrions-nous pas proposer d’adopter la définition médicale suivante du yin-yang : « Tout phénomène naturel peut être décrit sous deux aspects. Ces deux aspects représentent ensemble la totalité du phénomène observé dont le contexte et le point de vue doivent être précisés. Dans le domaine de la médecine chinoise, ces phénomènes appartiennent à la physiologie du corps humain ainsi qu’au diagnostic et au traitement de ses maladies ».

Les médecins acupuncteurs occidentaux sont dans une position inconfortable à cheval entre leur formation médicale initiale et leur spécialisation en médecine chinoise. Longtemps présentés comme opposés, souvent comparés, ces deux savoirs ont généré des tentatives d’explication et d’interprétation empruntant des voies qui exacerbent ces oppositions : par ex. le recours à la richesse interprétative de la psychanalyse ou l’importation explicative de mécanismes neuro physiologiques. Ce faisant, sommes-nous si sûrs de ne pas avoir perdu la vocation même de l’acupuncture ?  Le caractère impérieux de ces comparaisons ne nous contraint-il pas à une mise en opposition ? Et si les différences, à l’évidence linguistiques et culturelles, ne concernaient pas la médecine mais simplement l’Histoire de chaque type de savoirs [38] ? L’exacerbation des différences des types de savoirs médicaux n’a-t-elle pas eu pour effet de générer les diverses étiquettes dont a été affublée l’acupuncture au cours de son histoire contemporaine en occident ?  N’est-il pas temps de se pencher sur les données factuelles de la médecine (chinoise puisqu’il s’agit de notre spécialité) pour retrouver les usages proprement thérapeutiques en excluant toute interprétation ou adaptation inhérentes à la nécessité de donner sens aux textes médicaux chinois ?

 

Dr Claude Pernice

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L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 

 

Références

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  20. Institut Ricci. Dictionnaire Français de la langue chinoise. Kuangchi Press. 1990. Caractère bin宾. [Consulté le 17/06/2019]. Disponible à l’URL: http://wiki-mtc.org/doku.php?id=presentation%20methodes%20et%20outils:glossaire%20des%20caracteres%20chinois%20utilises:denomination%20des%20points:bin%20%E5%AE%BE.
  21. Chen Eachou. Cross-sectional anatomy of acupoints. Edingburgh: Churchill livingstone. 1995.
  22. Maciocia 2005. Les principes fondamentaux de la médecine chinoise. Paris: Elsevier; 2005.
  23. Académie de MTC. Localisation officielle des points d'acupuncture. Beijing: Editions en Langues Etrangères. 1993.
  24. Li Ding. Acupuncture Meridian Theory and Acupuncture Points. San Francisco: China Books and Periodicals Inc.1992.
  25. Chamfrault A. Traité de médecine chinoise. Angoulème: Editions Coquemard. 1954.
  26. Nguyen Van Nghi, Tran Viet Dzung et Recours-Nguyen C. Art et pratique de l'acupuncture et de la moxibustion selon Zhen Jiu Da Cheng de Yang Chi Chou. Marseille: Edition NVN. 1985. Tome 3.
  27. Traductions du Suwen. [Consulté le 17/06/2019]. Disponible à l’URL: http://wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:points:points%20des%20meridiens:rein:9rn&#litterature%20ancienne; http://wiki-mtc.org/doku.php?id=histoire:litterature%20classique:huang%20di%20nei%20jing%20su%20wen.
  1. Zhang Ailin et al. Experiencias sobre la aplicacion clinica del punto zhubin (R9). Ener Qi. 1998;4:16-9.
  2. Jin-Seong Lee, Sung-Gon Kim, Taek-Geun Jung, Woo Young Jung, Seong-Yeon Kim, Ralph Raben. [Effect of Zhubin (KI 9) Acupuncture in Reducing Alcohol Craving in Patients with Alcohol Dependence: A Randomized Placebo-Controlled Trial]. Deutsche Zeitschrift für Akupunktur.2015.58(4):29-30.
  3. Stéphan JM. Acuterme, zhubin et mise en route du travail dans les ruptures prématurées des membranes. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(1):69-72.
  4. Stéphan JM. Sanyinjiao et périnée, zhubin et neiting dans le syndrome de lacomme, sphygmologie quantitative. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(2):147-151.
  5. Pelletier-Lambert A. Le syndrome post-traumatique lié aux violences faites aux femmes. Acupuncture & Moxibustion. 2016 ;15(3):228-235.
  6. Ho TJ, Lee CW, Lu ZY, Lane HY, Tsai MH, Ho IK, Huang CL, Chiang YC. Effects of Electroacupuncture on Methamphetamine-Induced Behavioral Changes in Mice. Evid Based Complement Alternat Med.2017.
  7. Liu Y et al. An Experimental Study of Electro-Acupuncture on Auditory Impairment caused by Kanamycin in Guinea Pigs. Journal of TCM.1999.19(1):59-64.
  8. Destribats A. Zhubin, RE9, 築賓 : un pont entre deux mondes ? Acupuncture & Moxibustion.2018;17(2). 234-237.
  9. Who International Standard Terminologies on Traditional Medicine in the Western Pacific Region. World Health Organization, Western Pacific Region. 2008. p.13
  10. 9RN zhubin 筑宾. [Consulté le 17/06/2019]. Disponible à l’URL:http://wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:points:points%20des%20meridiens:rein:9rn&#.
  11. Huard P, Bossy J et Mazars G. Les médecines de l'Asie. Seuil, Paris.1978. p.108.

 

 Notes

[1]. “above the inner ankle between the leg muscle”.

[2]. Cette formulation en français s’inspire de celle, en anglais, de WHO [9] : “With the knee flexed and the leg stretched (plantar flexion) against resistance, the soleus muscle can be seen more clearly along the medial border of the tibia bone”

[3]. Traduction automatique : « un ancien concept philosophique chinois, qui traite de deux aspects opposés de la nature, qui sont liés entre eux. Son principe est largement appliqué à la médecine traditionnelle chinoise »

 

La réception de l’acupuncture en France. Une biographie revisitée de George Soulié de Morant


Comme le philosophe Michel Onfray qui mit en lumière l’affabulation freudienne à la base de la psychanalyse [1], Johan Nguyen nous offre une vision tout à fait nouvelle de la fabuleuse histoire de George Soulié de Morant. Certes, il ne remet pas en cause le fait que, grâce à lui, l’acupuncture française ait pris son envol en France avec la parution de l’une de ses œuvres majeures en 1934 [2]. Mais par contre, il s’interroge sur la légende du consul acupuncteur dont « le récit officiel  est porteur de bien d’ambigüités» [3]. Pour celui qui connaît la vie de Georges Soulié de Morant, reprenons quelques éléments.  Ainsi il se dit médecin chinois ayant reçu la reconnaissance officielle par le globule de corail ciselé, mais aussi dépositaire d’un diplôme chinois, peinture sur soie de cinq mètres de long portant en relief les signatures de cent personnalités certifiant avoir été guéries par lui (diplôme non retrouvé [8]). Mais avant la mise en place des yisheng(médecins traditionnels dont les chijiao yisheng – médecins aux pieds nus-) et des yishi (médecin au sens occidental) [4], la profession médicale n’était pas structurée et la transmission du savoir se faisait de père en fils ou de maître à élève. Il a peut-être assisté à la fameuse épidémie de choléra de 1902 à Pékin, mais il ne rapporte de cet événement lors de son retour en France que des pratiques superstitieuses comme une procession rogatoire photographiée par ses soins lors d’un voyage  à Huailai xian, ville à 200 km au nord de Pékin sur la route menant à la Mongolie [5]. Il n’a jamais été le seul et unique candidat de la France au prix Nobel de médecine en 1950 [6], cinq autres français, dont René Leriche qui fut régulièrement nominé sans l’obtenir, étaient présentés sur la liste, où d’ailleurs, étrangement, son nom n’y figure pas pour la bonne raison qu’il était enregistré comme candidat chinois [7].

Johan Nguyen objective, preuves à l’appui, grâce à une enquête minutieuse aux Archives Nationales d’Outre-mer, aux Archives du Ministère des Affaires Etrangères,  aux Archives Nationales de Paris etc. que l’histoire de notre Maître Soulié de Morant est truffée d’omissions, d’opportunités et de pans de vie occultés. « Plusieurs événements dans la vie de ce personnage restent voilés de mystère. Par exemple, les raisons pour lesquelles George Soulié de Morant abandonne sa position au ministère des Affaires étrangères demeurent très vagues » alors qu’en janvier 1917 il était promu consul de deuxième classe mais mis aussitôt en disponibilité, impliquant l’absence de rémunération et de droit à la retraite [8]. Troublante aussi sa production littéraire autour de la Chine. Soulié de Morant semble n’avoir jamais rencontré d’intellectuels français en Chine à la même époque, comme Paul Pelliot, Victor Segalen ou Edouard Chavannes. « Concernant la médecine, par exemple, malgré les années passées au Yunnan, Soulié de Morant ne fait jamais allusions aux missions médicales françaises dans le Sud-Ouest de la Chine » [8]. En fait, il faut considérer que Soulié de Morant n’était pas reconnu comme véritable sinologue par les sinologues institutionnels tels Victor Segalen, Marcel Granet ou Henri Maspéro de l’Ecole des Langues Orientales.

Malgré toutes ces zones d’ombre, Soulié de Morant arrive à se forger une image d’expert en acupuncture et de grand connaisseur de la Chine. D’autres avant lui n’avaient pas réussi à implanter l’acupuncture en France. Ainsi par exemple le consul Dabry de Thiersant en poste en Chine pendant sept ans publia en 1863 un ouvrage : ‘La médecine chez les Chinois’, réalisé à partir de dix ouvrages médicaux chinois, dont le Huangdi Neijing et le Zhenjiu dacheng et défendant « l’utilité de la médecine des Chinois pour ‘ l’humanité’ » [9]. De même, ‘Médecine et pharmacie chez les Chinois et les Annamites’ publié en 1902 par le Dr Jules Régnault objective que ‘la Médecine chinoise apparait plutôt comme un édifice scientifique stationnaire mais robuste, forgé par une méthode synthétique et une clinique séculaire’. Il entend par méthode synthétique la méthode qui accumule le résultat de siècles d’observations empiriques, s’additionnant au fil des siècles et sans remise en cause, s’opposant de ce fait à la méthode analytique, méthode scientifique qui formule le progrès de découvertes en découvertes, n’hésitant pas à reformuler les hypothèses au gré des recherches.

En fait ces deux auteurs ne voyaient dans la médecine chinoise que croyances et superstitions mais aussi un certain intérêt pour l’orientalisme à la mode à l’époque [9].

 

La suite en suivant le lien ci-dessus


1. Onfray M. Le crépuscule d'une idole, l'affabulation freudienne. 1er éd. Paris: Grasset; 2010.

2. Soulié de Morant G. Précis de la vraie acuponcture chinoise. 1ère éd. Mercure de France; 1934.

3. Nguyen J. La légende du consul acupuncteur. Actes des XVIemes journées de la FA.FOR.MEC; 16-17 novembre 2012; Strasbourg, France. 2012.

4. Hor Ting. Un siècle d’enseignement de la médecine en Chine Acupuncture & Moxibustion. 2006;5(3):238.

5.Soulié de Morant G. Cangued convicts kneel down before a procession. Institut d’Asie Orientale. [cité le 29 Nov 2012];[1 page]. Available from: URL: http://turandot.chineselegalculture.org/Photographs.php?ID=561.

6. Nomination Database - Physiology or Medicine. Nobelprize.org. [cité le 29 Nov 2012];[1 écran]. Available from: URL: http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/medicine/nomination/nomination.php?action=show&showid=5209

7. Nomination Database - Physiology or Medicine". Nobelprize.org. [cité le 29 Nov 2012];[1 écran]. Available from: URL: http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/medicine/nomination/nomination.php?action=advsearch&start=841&key1=candcountry&log1==&string1=FR&log10=&log11=&order1=year&order2=nomname&order3=cand1name

8. Candelise L. George Soulié de Morant, le premier expert Français en acupuncture. Revue de synthèse. 2010;131(6-3):373-399. 

9. Guilloux R. Évolution de la "tradition" dans la réception de l'acupuncture chinoise en France (1860-1980). Revue d'anthropologie des connaissances. 2011;5(1):13-40.

 

 



 

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