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A propos des troncs célestes et des branches terrestres (1e partie)

La base de la Médecine Traditionnelle Chinoise s’appuie sur le concept du Temps et de ses rythmes. Les Branches Terrestres ("Di Zhi") et les Troncs Célestes ("Tian Gan"), à l’origine du cycle sexagésimal, permettent d’expliquer les grands mouvements énergétiques, de concevoir un système de prévisions météorologiques, et de prévoir l’émergence d’une éventuelle chronopathologie. Après une définition des rythmes biologiques selon les conceptions occidentales puis une étude bibliographique de la chronopathologie circadienne et circannuelle, l’union des "Tian Gan" et des "Di Zhi" est analysée dans le but d’établir un protocole d’aide efficace à la détection des événements climatologiques et chronopathologiques intervenant durant le cycle sexagésimal.

 

Le comportement des êtres vivants semble toujours avoir été marqué par les variations périodiques de l’environnement. Le cycle des marées, la rotation de la Lune autour de la Terre, les solstices de l’hiver et de l’été, les équinoxes de l’automne et du printemps en sont les exemples les plus connus.

Les néo-confucianistes de la dynastie des Song (960-1280) élaborèrent à partir des spéculations taoïstes un système métaphysique concernant la formation du monde à partir d’un état primordial chaotique et ténébreux où le Yin et le Yang étaient confondus.

Cet univers est éternel mais évolue par périodes de 129600 années au bout desquelles une catastrophe ramène le chaos suivi d’une nouvelle formation du monde.

Les astrophysiciens du XXème siècle ne sont pas très éloignés de cette théorie. Ils parlent d’une formation de l’univers à partir du fameux big bang, survenu il y a environ 15 milliards d’années. L’univers serait en expansion pendant encore 22 milliards d’années, puis se rétracterait afin de revenir au point de départ et entraîner le big crunch. A nouveau, expansion suivie d’un autre big-bang, etc... Bref chaque période durerait 114 milliards d’années.

Au sein du monde visible et invisible que représente le Tao du Yi Jing, le mouvement produit le Yang, puis quand il s’épuise et aboutit au repos, celui-ci produit le Yin, et le processus recommence, donnant naissance aux Cinq Eléments (Eau, Bois, Feu, Métal, Terre) qui sont des Energies (Qi).

Ainsi, selon la Pensée Chinoise, tous les phénomènes de la Nature ne sont que le produit des oscillations cycliques de deux énergies contradictoires mais aussi complémentaires : le Yin et le Yang.

Cette alternance, le système des cinq mouvements et celui de la grande circulation de l’Energie ne sont-ils pas une approche typique de l’observation des phénomènes rythmiques ?

Les cycles naturels n’ont-ils pas un rôle déterminant sur la physiologie humaine ?

A partir de la prévision météorologique des saisons, les acupuncteurs traditionnels chinois en déduisent l’arrivée de certains troubles pathologiques.

Selon l’union de la Branche Terrestre et du Tronc Céleste, ils peuvent déterminer le climat dominant, agressif en fonction de la saison, puis soigner le Mal avant qu’il n’apparaisse chez la personne à risque.

De même, chaque saison est en corrélation avec un organe lié à un méridien. Et ce méridien sera d’ordinaire préférentiellement atteint au cours de la saison en correspondance, d’où les possibilités thérapeutiques préventives. Mais, est-on en droit de considérer que ce traitement applicable en Chine, le soit également en Europe ?

Réflexions sur les rythmes biologiques, la chronopathologie et les prévisions météorologiques selon les conceptions chinoises (2e partie et 3e partie).

Après avoir vu dans la première partie la définition des rythmes biologiques selon les conceptions occidentales puis une étude bibliographique de la chronopathologie circadienne et circannuelle, l’union des « tian gan » et des « di zhi » est analysée dans le but d’établir un protocole d’aide efficace à la détection des événements climatologiques et chronopathologiques intervenant durant le cycle sexagésimal. Cette seconde partie, consacré à la confrontation des climats de la Chine et de la France, fait accéder dans une certaine mesure à la saisie des conditions d’application de la chronopathologie issue du Neijing Suwen. On calculera les conditions climatiques d’une année du cycle sexagésimal, puis la description météorologique des années 1987 à 1992 en fonction des données chinoises, enfin les corrélations entre les prévisions chinoises et les relevés météorologiques fournis par Météo France.

Une étude épidémiologique de type cas-témoins portant sur 7342 actes médicaux a ensuite établi des liaisons entre les saisons et la chronopathologie occidentale. Puis, des correspondances ont été recherchées entre ces données et les connaissances provenant de la Médecine Traditionnelle Chinoise.

L’association humidité, précipitations fut examinée dans le but de trouver la genèse des douleurs rhumatologiques concernant le "bi" fixe. Pour clore ce travail, la finesse des observations chinoises qui associaient depuis la nuit des temps le Bois au Printemps, et le Foie aux allergies, est confirmée par la découverte, selon la méthode du cosinor, d’un rythme circannuel des syndromes allergiques avec une acrophase printanière.

 

Voir en ligne : Climatologie et Chronopathologie

Etude comparée des climats de la Chine et de la France

Peut-on utiliser en France la Médecine Traditionnelle Chinoise qui fait intervenir les Troncs Célestes et les Branches Terrestres aussi bien dans le calcul du calendrier que dans les prévisions météorologiques chinoises ?

Quelle confiance devons-nous accorder à toute cette chronopathologie induite directement par des conditions climatiques qui se réfèrent à celles de la Chine et dont pourtant nous appliquons les données dans les pays européens ?

A ces questions, il n’est possible d’y répondre qu’en comparant les deux pays. Tout d’abord, il importe de limiter notre propos de façon géographi­que.

En effet, il faut savoir que le berceau de la Médecine Traditionnelle Chinoise mais aussi celui de la Philosophie (Taoïsme, Confucianisme) [59] se situe dans la région des cours moyen et inférieur du Fleuve Jaune [71], de la région de Zhengzhou dans la province du Hénan à celle de Jinan ou de Qingdao dans la province du Shandong.

Ceci fut confirmé par la découverte archéologique à Anyang, site d’une des capitales de la dynastie Shang (XVII-XIème siècle av. JC), dans le Nord du Hénan, d’os et d’écailles de tortues, sur lesquels étaient gravés des oracles et des croyances religieuses. Ainsi à cette lointaine époque, le temps était déjà conçu comme cyclique sur des périodes de 60 jours, mois ou années [59].

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Lisez enfin la troisième partie au format PDF concernant l’étude épidémiologique

Prévisions météorologiques et chronopathologie selon les conceptions chinoises : mythe ou réalité ?

Les deux études chinoises commentées par Henning Strøm dans ce numéro [1], ont essayé d’objectiver une corrélation entre épisodes épidémiques et cycles du calendrier chinois.

La première étude de Zhang Nianshun conclut qu’il n’y a pas de corrélation sûre. La deuxième étude de Chen Bixian montre par l’astuce de regrouper les Troncs Célestes deux par deux selon l’appartenance aux « 5 mouvements » que les épidémies sont en accord avec la cause, c’est à dire le Feu. Henning Strøm fait remarquer avec justesse que ces chiffres sans évaluation statistique ne sont pas convaincants.

Certes, il pourrait y avoir un certain intérêt à utiliser les Branches Terrestres et les Troncs Célestes afin de concevoir un système de prévisions météorologiques. Cependant, il apparaît hasardeux de prétendre que prévoir la météorologie sous nos latitudes à la lumière des théories chinoises soit plus efficace par exemple que les prévisions réalisées par Météo France. Il y a des analogies entre le climat de la France et certains climats de la Chine, en particulier toute la zone du berceau de la Médecine Traditionnelle Chinoise, mais aussi de la philosophie chinoise qui se situe dans la région des cours moyen et inférieur du Fleuve Jaune, de la région de Zhengzhou dans la province du Henan à celle de Jinan ou de Qingdao dans la province du Shandong.

J’avais décrit la climatologie sur une période de cinq ans (1987 à 1992) selon les prévisions chinoises [2] et réalisé une corrélation avec les mesures météorologiques occidentales de la même période relevées par Météo France précisant hauteur des précipitations, température moyenne et degré Celsius. Cette étude avait été réalisée de manière statistique avec moyenne sur 5 ans et calcul de l’intervalle de confiance à 95%. J’en avais conclu qu’il y a une concordance de 56,45% entre les prévisions météorologiques chinoises et celles observées par Météo France, bref à peu près une chance sur deux d’être dans le vrai.

Henning Strøm s’interroge de la réalité des pluies plus abondantes pendant la période de l’élément Terre qui prédominerait 18 jours avant chaque commencement de saison. Il me semble qu’il faut plutôt envisager la 5ème saison comme un sous-ensemble de l’été, période allant du 1 août au 31 août. La médecine traditionnelle chinoise décrit 5 saisons, ou du moins, 4 saisons et une 5ème saison complémentaire. Dans le Suwen chapitre 29 « du taiyin et du yangming », Huang Di demande : « Pourquoi la Rate n'a-t-elle pas la souveraineté d'une saison ? ». Qi Bo répond : «  La Rate est Terre, elle gouverne le Centre. En toute saison elle est "' soutien de famille " pour les quatre autres viscères qui lui délèguent chacun 18 jours de commandement. Elle n'a donc pas de saison propre.. » [3].

Il apparaît donc que la cinquième saison est constituée de 4 périodes intermédiaires de 18 jours se situant entre les quatre saisons, centrées sur les équinoxes et les solstices. Et pourtant le chapitre 9 du Suwen nous en donne une autre interprétation avec une cinquième saison appelée « été de croissance » : « Le printemps prévaut sur "'l'été de croissance" (zhangxia – 6ème mois), celui-ci prévaut sur l'hiver, l'hiver sur l'été, l'été sur l'automne et l'automne sur le printemps. Tel est le cycle des prédominances des saisons conformément aux 5 éléments donc chacun commande un viscère » [3].

Ainsi la cinquième saison semble être à ce niveau qu'une seule période se situant entre l'été et l'automne, bref la fin de l'été, ou le fameux "été indien" pour les Nord-Américains. Une étude faite par Choisnel et Dinouart a permis d'avancer des arguments solides en faveur de la seconde hypothèse [4].

Pour eux, la cinquième saison, associée à l'humidité, coïncidant avec le maximum du contenu en vapeur d'eau de l'atmosphère se situe au mois d'août. Néanmoins, j’avais montré que les moyennes de précipitations sont à peu près semblables quelle que soit la saison. Mais ce qui pourrait faire la différence, c’est effectivement la valeur de saturation de la vapeur d’eau dans l’air qui est beaucoup plus élevée en été que durant les autres saisons, du fait de la chaleur [5].

D'autre part, les deux études chinoises ont essayé de démontrer que l’on pourrait prévoir les épidémies, car elles reviendraient de manière cyclique et surtout pendant les années Bois « qui produisent du Feu, les années Feu qui produisent un excès de Feu.. », le tout en accord avec la cause : le Feu. Il eût été judicieux d’utiliser la méthode de cosinor appliquée à cette période de 1200 ans qui aurait permis de déterminer un éventuel rythme biologique. Ainsi une étude épidémiologique sur 5 ans de type cas-témoins portant sur 7342 actes médicaux avec analyse de variance des saisons comparées deux par deux et test t de student avait constaté une différence significative (p=0,012) entre le nombre de maladies infectieuses apparues entre l’été et l’hiver, ce qui semble évident, mais pas de rythme détecté par la méthode de cosinor. Idem pour les problèmes infectieux ORL et pulmonaires. On a pu néanmoins noter que la pathologie infectieuse ORL survenait essentiellement en automne, de manière statistiquement significative (p=0,004), conforme donc aux données de la médecine traditionnelle chinoise [5]. En conclusion cette étude, bien que limitée dans le temps et ne concernant que des épisodes infectieux et non les épidémies (quoique durant cette période, il y eut aussi une épidémie de grippe et de gastro-entérites), objective qu’il n’y a pas de rythme sur 5 ans. Et malheureusement, les deux études chinoises dont l’intérêt était justement de rechercher un éventuel rythme sur une période de 1200 ans semble aller dans ce sens. On peut penser comme Henning Strøm qu’une épidémie dépend de trop de variables pour être prévisible en fonction des Troncs Célestes et des Branches Terrestres.

 

Références

1. Strøm H. Les épisodes épidémiques sont-ils corrélés aux cycles du calendrier chinois ? Acupuncture & Moxibustion. 2006,5(2):154-158.
2. Stéphan JM. A propos des troncs célestes et des branches terrestres : réflexions sur les rythmes biologiques, la chronopathologie et les prévisions météorologiques selon les conceptions chinoises (2ème partie). Méridiens. 1995;104:37-74. 
3. Husson A. Huang Di Nei Jing Su Wen. 3ème éd. Paris: ASMAF; 1987.
4. Choisnel E, Dinouart P. A propos de la cinquième saison chinoise: Premiers éléments de réflexion. Méridiens. 1986;73-74:125-139.
5. Stéphan JM. A propos des troncs célestes et des branches terrestres : réflexions sur les rythmes biologiques, la chronopathologie et les prévisions météorologiques selon les conceptions chinoises (3ème partie). Méridiens. 1995;105:33-58.