Dermatologie

Soins esthétiques ou cosmétologie en MTC (中医美容面面观)

 

 Résumé : Voici une transcription de la présentation faite à Shanghai lors d’un voyage d’étude organisé par l’Asmaf-Efa, présentation faite par Madame le Professeur Zhou Dian, spécialisée en cosmétologie, chargée de cours en pharmacopée, massage et acupuncture dans ce domaine. Mots clés : cosmétologie-massage-acupuncture.

Summary: Here is a transcript of the presentation made in Shanghai during a study tour organized by Asmaf-Efa, presentation made by Professor Zhou Dian, specialized in cosmetology, lecturer in pharmacopoeia, massage and acupuncture in this area. Keywords: cosmetology-massage-acupuncture.

Introduction

La cosmétologie est une discipline dont l’objectif porte sur l’étude du maintien de la beauté physique par des soins et techniques spécifiques ainsi que la prévention et le traitement des maladies susceptibles de toucher la beauté, afin de ralentir le vieillissement et maintenir le corps physique en bon état. Cet aspect de l’entretien de la jeunesse, de la vie, est très présent dans la mentalité des Chinois. Madame le Pr Zhou Dian de l’Université de Médecine Traditionnelle de Shanghai (SHUTCM, Shanghai University of Traditional Medicine) nous a fait une remarquable présentation théorique traduite par Mme Zhang Wei, enregistrée par Dr Tamendjou Djilo. C’est ce travail collaboratif que nous souhaitons partager, car les effets des traitements proposés ne se limitent pas à l’aspect esthétique, y sont incluses des pathologies que nous aurions tendance à classer en dermatologie. L’exposé théorique a été suivi d’une séance pratique que nous ne rapporterons pas ici. La plupart du texte qui suit est de Pr Zhou Dian, mais pour alléger la lecture, il ne sera pas mis en italique, format réservé aux citations.

Contexte : la culture chinoise

Pr Zhou Dian : « à propos de la notion de cosmétique en médecine chinoise on trouve deux systèmes de théories, qui constituent la base théorique en cosmétologie : l’esthétique chinoise selon la MTC et l’esthétique occidentale. À propos des techniques utilisées en cosmétologie chinoise, il y a des techniques propres à la MTC, comme tuina, anmo, acupuncture, grattage ; y ont été ajoutées des techniques occidentales modernes (par exemple épilation moderne) ».

 

Figure 1. Beauté chinoise classique (中国古典美) : teint blanc, visage légèrement empâté, douceur dans le maintien, cheveux de jais, lisses et soyeux, taille flexible, œil de biche, nez haut et fin, lèvres pulpeuses vermillon menue, corps fin et élancé, plate, sans fesse.

 

Les théories fondamentales chinoises constituent une base pour les soins esthétiques en MTC. Les critères de beauté diffèrent selon les pays. Dans la Chine classique, la beauté comporte la notion de « beauté réservée 含蓄的美 », il n’y a pas de standard fixe, il faut imaginer, c’est ce qu’évoquent les quatre beautés classiques (四大美女) (figure 1). En Occident, les critères de beauté répondent à des mesures strictes comme hauteur du nez, distance entre les yeux, proportion des cinq organes des sens ; en Chine, d’autres critères sont utilisés : teint clair avec éclat, mais pas de pâleur.

Historique (développement de la cosmétologie en MTC) (中医美容的发展)

En langue chinoise, la cosmétologie est désignée par quatre termes, 中医美容, zhōngyī měiróng. C’est un terme moderne qui n’est pas écrit tel quel dans les classiques médicaux, mais les notions y sont suggérées, par des conseils comme par exemple dans le Neijing on peut lire : « les problèmes internes ont leurs manifestations à l’extérieur ». Cela implique qu’en plus des points locaux, il faut régulariser le système global, le système interne. Sun Simiao dans les Prescriptions valant mille pièces d’or (581-907), donne des formules de points d’acupuncture ainsi que des recettes de pharmacopée. Dans le Compendium de materia medica (Bencao gangmu) (960-1644) de Li Shizhen, on trouve 270 formules pouvant être utilisées en cosmétologie. Depuis les vingt dernières années, la cosmétologie a connu un grand essor, avec la création d’un enseignement académique sur la beauté, l’ouverture de cliniques et salons de beauté, ainsi qu’une attention particulière portée au maintien de la santé [1-4].

Classification des techniques utilisées en cosmétologie (中医美容的分类)

La cosmétologie est reliée à la MTC, et de ce fait, le thérapeute peut faire appel à différentes techniques :

  • Pharmacopée à usage interne et à usage externe (中医美容包括内服,外用)
  • Acupuncture, moxibustion et autres méthodes (par exemple grattage selon les méridiens) (针灸美容:包括针刺,艾灸等方法:刮痧)
  • Tuina (推拿美容)
  • Diététique (药膳美容) : repas, recettes, éventuels ajouts de pharmacopée
  • Régulations émotionnelle et psychologique (心理调节美容)

Bases théoriques fondamentales en MTC (中医美容的基础)

À tout moment, le diagnostic en cosmétologie tiendra compte de :

  • La notion de globalité, le traitement institué le sera selon l’identification du syndrome
  • Yin-yang, 5 éléments, Organes-Entrailles, qi-Sang-Liquides organiques, Méridiens
  • Quatre temps du diagnostic, le traitement sera fait par pharmacopée, acupuncture et d’autres techniques

Diagnostic (中医美容的诊断)

Avant de traiter, il faut établir un diagnostic selon la MTC.

Inspection (望) :

Teint (面色)

Le teint reflète l’état de santé. Si le patient ne recherche qu’un entretien de santé, alors l’inspection isolée du teint suffit : un beau teint (身体健康) est un teint rose, peau ferme et tonique. En cas d’insuffisance de qi-Sang (气血不足), le teint est plutôt pâle ; si la peau est relâchée et le teint jaune et sans éclat, il y a faiblesse de Rate-Estomac (脾胃虚弱). Un teint plutôt foncé, de couleur bleu-noir avec tâches pigmentées oriente vers une stagnation de qi du Foie (肝气郁结) ; s’il y a bouffées de chaleur ou chaleur des cinq centres, il y a vide de yin et excès de Feu (阴虚火旺) ; des cernes, des poches sous les yeux ou des rides précoces orientent vers un vide de qi de Poumon, Rate et Rein (肺,脾,肾气虚).

A ces critères généraux, nous ajouterons les renseignements issus du principe holographique (面部全息诊疗).

La théorie holographique et celle des méridiens de MTC, consiste à traiter certaines pathologies chroniques à l’aide de points qui représentent respectivement les Viscères et Organes du corps humain. Le diagnostic est complété par les renseignements issus de l’holographie : chaque viscère a une zone de projection au visage. Après comparaison de différentes cartographies du visage, Pr Zhou a retenu celle ci-dessous qui lui a apporté plus de satisfaction (figure 2) : on peut y voir que sur le front se trouve la zone de projection de la tête et du rachis, entre les deux sourcils, se projettent les Poumons et le Cœur, sur l’arête du nez, Foie et Estomac, Rate sur la pointe du nez, sous la racine du nez, les ovaires.


Figure 2. Thérapie par grattage du visage selon l’holographie (面部砭石刮痧疗法示意图).

 

Diagnostic par grattage avec un grattoir (guasha) (figure 3) (面部刮痧)

Le grattage avec un grattoir en jade peut provoquer des réactions qui permettront d’enrichir le diagnostic. Par exemple l’apparition rapide d’une rougeur de la zone du Cœur atteste la présence d’un Feu du Cœur, si la peau de la zone du Foie est moins lisse ou s’il y a une sensation de nodules cela suggère une stagnation du qi du Foie. Le grattage a donc un rôle diagnostic, mais il est également thérapeutique.

 


 

Figure 3. Grattoir en jade. 

 

Inspection de la langue (舌态)

Pour le Pr Zhou Dian, la palpation du pouls est difficile et subjective, les renseignements obtenus par l’examen de la langue (corps et enduit) sont objectifs et fiables, car très révélateurs de l’état réel de l’organisme. Une langue normale est de couleur rose avec un mince enduit blanc, de taille et mobilité normales (figure 4).

Le corps de la langue renseigne sur l’état des Organes-Entrailles, l’examen de l’enduit lingual renseigne sur les pervers : une langue gonflée avec empreintes dentaires témoigne d’un vide de Rate-Estomac ou de Rein (figure 5). Un enduit jaune et gras témoigne de la présence de Chaleur, d’Humidité ou d’indigestion (figure 6), un enduit sec ou l’absence d’enduit sont le témoin d’une perte de Liquides Organiques, d’un excès de chaleur qui blesse les Liquides Organiques ou de la présence de Feu dû au vide de yin (figure 7). Un enduit noir indique une chaleur extrême ou un froid extrême, une langue violet foncé indique une stagnation de Sang et de Glaires ou la présence de chaleur perverse. Une langue fissurée témoigne de l’abondance de chaleur qui blesse le yin ou un vide de sang, un enduit blanc témoigne d’un vide de Rate et de Rein yang, d’une stagnation d’Humidité-Chaleur.

Une difficulté peut être rencontrée en Occident en raison de l’habitude du nettoyage de l’enduit alors qu’en Chine, l’aspect de l’enduit participe au diagnostic et permet de suivre le traitement.

 

     

Figure 4. Langue normale (正常舌象 ).

Figure 5.  Langue gonflée avec empreintes dentaires (胖大舌).

Figure 6. Enduit jaune et gras (黄腻苔).

 

 

 

 

 Figure 7. Langue petite, rouge et sans enduit (热象舌苔).

 

Observation du corps physique (形体)

L’aspect extérieur étant révélateur du fonctionnement intérieur, nous devons également observer la force et la corpulence du patient, par exemple : une maigreur indique un vide de yin et un excès de yang, elle est souvent signe de Feu, une surcharge pondérale indique la présence de tan-Humidité. Une petite taille avec obésité indique un vide de yang avec excès de yin, une corpulence normale reflète l’harmonie du yin et du yang.

Palpation de la peau (皮肤)

Le diagnostic par la palpation permet de connaître l’état des Organes-Entrailles et du qi-Sang : une peau ferme indique la présence de qi et du Sang, si elle est relâchée, il y a vide de Rate et du Rein, des ecchymoses faciles indiquent un vide de qi qui ne peut pas assurer l’homéostasie, des nodules apparaissant lors du massage ou du grattage indiquent une stagnation de qi et de Tan-Humidité, l’apparition facile de rougeur au grattage indique la présence de Chaleur ; une couleur violette au grattage indique la présence de Froid ou de Chaleur, le diagnostic différentiel se fera par les signes associés. Il y des nuances entre les races, les races jaunes ont des peaux plus fermes que les races blanches. Il est important lors du traitement par grattage de ne pas faire apparaître des lésions rouges de grattage sur le visage, contrairement à ce qu’on recherche sur le reste du corps.

Pharmacopée et esthétique (中药美容)

Autrefois la pharmacopée « esthétique » était utilisée dans les services de dermatologie, aujourd’hui, avec le développement des soins esthétiques, un service spécialisé y est consacré. La pharmacopée occupe une place primordiale dans les traitements en cosmétologie, car elle permet de régulariser l’intérieur pour faire émerger la beauté vers l’extérieure [5,6]. Seuls les praticiens ayant reçu une formation universitaire sont aptes à la prescription de pharmacopée.

Les plantes ont pour action de nourrir, nettoyer ou hydrater la peau, noircir les cheveux ou favoriser leur pousse, ralentir le vieillissement et favoriser la longévité.

Mécanisme de l’efficacité de la pharmacopée (美容中药的作用原理)

La pharmacopée à usage interne élimine la perversité, rétablit le bon fonctionnement viscéral, rééquilibre et harmonise le yin-yang. On peut aussi appliquer les prescriptions par voie locale [7] sauf certaines préparations, c’est : « faire émerger la beauté extérieure en travaillant le système intérieur » avec des produits ayant pour propriété de tonifier le qi, activer le Sang, éliminer la Chaleur toxique et apaiser les démangeaisons en éliminant le vent.

Quelques exemples de plantes utilisées (常用美容中药举例)

  • Huang Qin (Radix Scutellariae), Dan Shen (racine de Salvia), Xia Ku Cao (Prunella vulgaris), Zhen Zhu Fen (Poudre de perles) : éliminent la chaleur et les acnés
  • Bai Zhu (Rhizome d’Atractylode), Jiang Can (vers à soie), Dang Gui (angélique chinoise), Gan Cao (réglisse) : anti-pigmentation et blanchiment de la peau
  • Xing ren (amande), Mai Dong (Ophiopogon japonicus), Yu Zhu (Polygonatum odoratum), Bai He (lys) : hydratation
  • Ginseng, Ling Zhi (amadouvier), Huang Jing (Rhizoma polygonati), E Jiao (gélatine de peau d’âne) : anti-rides

En Occident on utilise les huiles essentielles dont les propriétés thérapeutiques sont similaires. Actuellement certaines plantes de la pharmacopée chinoise sont disponibles sous forme d’huile essentielle que l’on peut utiliser lors des massages.

Formules de beauté de la peau (美容秘方)

Ci-dessous, deux exemples de prescription :

  • 杨太真红玉膏 Yang Taizhen Hongyu pommade : Amande pelée, talc, poudre légère chacun est réduit en fine, cuit à la vapeur, comme le bornéol, un peu de musc, de poulet et mélanger soigneusement. Appliquer après le nettoyage soigneux de la peau. Action : rend le teint hydraté et éclatant.
  • 玉容散Yu Rong San : Bai Fuzi, Mi Tuo Seng ( Lithargyrum), Oyster, Poria, Chuan Xiong chacun égal, enfin du lait de brebis. Appliquer sur le visage tous les soirs, frotter avec les mains, laver avec de l'eau trouble et appliquer sur le visage. Action : chasse le vent, active le sang, hydrate la peau et antipigmentation.

Esthétique et méridiens (经络美容)

Il s’agit de stimuler les points et les méridiens par différentes techniques : tuina-anmo, puncture, moxibustion, grattage, ventouses dans le but de désobstruer et régulariser les méridiens, traiter les maladies pour une beauté de la peau.

Système des méridiens (经络的概念)

Concept : il s’agit de faire circuler le qi et le sang du corps entier, faire communiquer entre eux les Organes et les Entrailles et les membres, favoriser les liaisons haut-bas, intérieur-extérieur, et stimuler le système des méridiens pour conduire l'information. Les méridiens sont constitués de méridiens et de collatéraux.

Système des méridiens :

  • Méridiens : 12 méridiens principaux, 8 méridiens curieux, 12 méridiens distincts
  • Vaisseaux Luo: 15 luo, fuluo, sunluo
  • Vaisseaux de liaison :
    • liaison avec l’extérieur : 12 tendino-musculaires, 12 pibu
    • liaison avec l’intérieur : 6 Organes et 6 Entrailles

Pour les soins du visage, on peut utiliser des points locaux, mais il faut appliquer un traitement global par des points distaux. Il est préférable d’utiliser trois à quatre méridiens : le méridien concerné, le couplé biaoli, ou celui avec lequel il est en relation par la loi des cinq mouvements.

Points souvent utilisés sur le visage (常用按摩美容穴位)

Yintang (印堂), taiyang (太阳), VE2, ES1, qiuhou (球后), VB1, VB3, IG19, IG18, GI20, ES4, ES6

Application des soins esthétiques chinois en clinique (中医美容应用)

Indications de l’esthétique chinoise (中医美容治疗适应症)

Au début, le terme utilisé était soin esthétique chinois (中医美容), mais aujourd’hui on ajoute le terme yangsheng « pour le maintien de la santé » (中医养生美容).

Les indications sont, au sens large, l’embellissement physique et moral. Au sens étroit, ce sont les soins du visage et des organes des sens et l’obtention d’une meilleure forme physique. Les motifs de consultation sont souvent l’acné, la pigmentation, l’obésité, la chute des cheveux et le vieillissement de la peau ainsi que d’autres problèmes dermatologiques (urticaire, eczéma, psoriasis) dans lesquels les résultats sont très bons.

Acné : est appelée "acné pulmonaire du vent", "épine de vin", "épine de vent", etc., localisée à la face et sur le thorax, elle se présente sous l’aspect de pointe d'aiguille ou de grains de riz. Au début, ce sont des petites papules et pustules, avec des nodules sévères, des kystes, des cicatrices et la pigmentation.

Étiologie : (病因病机) : sur un terrain avec chaleur du sang, il y a écart alimentaire et attaque par pervers externe, ce qui provoque une stagnation de sang et de tan-mucosité.

On distingue quatre syndromes (辨证分型) :

Vent-Chaleur du Poumon (肺经风热型

Il y a papules, rougeur, douleur avec prurit, les papules sont peu nombreuses, de la taille d’une graine de sésame ou d’un haricot mungo, pas ou peu de pus, soif, selles sèches, la langue est rouge, parfois un enduit jaune fin, le pouls est flottant.

 

Humidité-Chaleur Rate-Estomac (脾胃湿热型

Les boutons sont gros avec pus et signes de chaleur (soif, bouche et gorge sèches, constipation, l’enduit lingual est rouge ou jaune, gras, le pouls est tendu ou glissant).

 

Chaleur du Foie (肝经郁热型

Si l’éruption est rythmée par les cycles menstruels et si elle est plus particulièrement localisée sur les territoires Foie et Rein (les deux joues, le cou, etc.), cela évoque une chaleur du méridien du Foie. Ce sont des papules inflammatoires avec irritabilité, la langue est rouge ou jaunâtre, le pouls est tendu.

 

Accumulation de Tan et stase du Sang (痰凝血瘀型) :

Syndrome chronique (hémorroïdes), les nodules ou kystes sont foncés avec pigmentation de la peau, la langue est rouge, l’enduit mince.

Diagnostic selon la localisation (根据发病部位辨痤疮)

 

Figure 8. Diagnostic étiologique de l’acné selon la topographie des lésions au niveau de la face.

 

Pharmacopée selon les syndromes

Nous ne décrirons pas ici les prescriptions, cependant, les diagnostics les plus fréquemment rencontrés selon l’analyse en vue de prescrire de la phytothérapie sont :

  • Vent-chaleur au méridien du Poumon
  • Chaleur-humide de la Rate et de l'Estomac
  • Stagnation du Chaleur-Foie
  • Tan-Mucosité et stase de sang

Points utilisés dans l’acné (痤疮取穴)

Points principaux : VE13, VE20, GI4 (GI4 est efficace, quel que soit le type de chaleur à la face.)

Points complémentaires : GI20, ES4, taiyang

Points selon le syndrome :

  • Chaleur du Poumon : GI11, VG14
  • Humidité liée à la Rate : ES36, ES40 (puncture ou moxa), VE20
  • Stagnation du qi du Foie : FO3, RA6

De manière générale, les points sont utilisés de façon bilatérale, soit puncture, soit grattoir ; si la chaleur est importante, on peut faire saigner VG14. Le grattage sur les méridiens et les points est plus souvent utilisé que la pharmacopée.

Conclusion

Le terme cosmétologie pourrait faire penser qu’il s’agit d’un domaine superficiel de la médecine. Nous devons probablement modérer cette affirmation :

  • D’une part la MTC affirme que l’extérieur est le reflet de l’intérieur, cela signifie que n’importe quelle manifestation cutanée est le reflet d’un trouble énergétique peut-être accessible par une ou plusieurs techniques de la MTC.
  • D’autre part, les Chinois classent dans la cosmétologie, des affections qu’en Occident, nous allons classer en dermatologie (acné, cicatrice d’acné, verrues, eczéma, psoriasis......) [8-15].

Nombre d’études ont évalué l’efficacité de l’utilisation des aiguilles en cosmétologie ainsi que le faible coût [16]. Le mécanisme d’action évoqué est que lorsque les aiguilles sont insérées, l'énergie et les endorphines sont libérées ce qui améliore la circulation sanguine et stimule la repousse cellulaire. L'insertion des fines aiguilles favorisera également la production de collagène, une protéine qui permet de garder l’élasticité de la peau [16]. Considérée comme inoffensive, l’acupuncture utilisée en cosmétologie serait une alternative à l’utilisation du Botox (Botulinum Toxin).

 Pr Zhou Dian, 周典

SHUTCM (上海中医药大学)

 Dr Florence Phan-Choffrut

 

Mme Zhang Wei, 张伟

SHUTCM (上海中医药大学


 

 

 

 

 

 

 

 

Dr Landry Tamen djou Djilo 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conflit d’intérêt : aucun

Références :

  1. Huang F. History, present and future of traditional medicine cosmetic. Journal of Chinese medicine : 1998,13(6):,7.
  2. Li C, Li J, Liu DY. Brief history of cosmetology in the Imperial Palace of China. Chinese journal of medical history. 2001,31(3):180.
  3. Doran V. An introduction to facial revitalisation acupunture. European Journal of Oriental Medicine European Journal of Oriental Medicine 2007 5(5).
  4. Bo P. Preliminary investigation on the thought of cosmetology in « Compendium of materia medica ». Liaoning journal of tcm. 1987,11(5):10.
  5. Hong WX. Discussion of cosmetic prescriptions and drugs in 3thousand golden prescription. Fujian journal of traditional chinese medicine. 1987,18(1),39-41.
  6. Wang XP. Analysis of the cosmetics made by Sun Simiao. Shaanxi journal of TCM. 1987,8(3):103.
  7. Xu SS. 60 cases of cosmetic dermatitis treated with traditional chinese medicine facial mask. Yunnan journal of tcm and materia medica. 1999,20(4):31.
  8. Bui VT. L’acupuncture en dermatologie : analyse de trois cas. Acupuncture & Moxibustion 2013,2(1-2):58-61.
  9. Harris AG, Naidoo C, Murrell DF. Skin needling as a treatment for acne scarring: An up-to-date review of the literature. Int J Womens Dermatol. 2015 Apr 10;1(2):77-81.
  10. Al Qarqaz F, Al-Yousef A. Skin microneedling for acne scars associated with pigmentation in patients with dark skin. J Cosmet Dermatol. 2018 Jun;17(3):390-395.
  11. Alster TS, Graham PM. Microneedling: A Review and Practical Guide. Dermatol Surg. 2018 Mar;44(3):397-404.
  12. Dogra S, Yadav S, Sarangal R. Microneedling for acne scars in Asian skin type: an effective low cost treatment modality. J Cosmet Dermatol. 2014 Sep;13(3):180-7.
  13. Fabbrocini G, Fardella N, Monfrecola A, Proietti I, Innocenzi D. Acne scarring treatment using skin needling. Clin Exp Dermatol. 2009 Dec;34(8):874-9.
  14. Harris AG, Naidoo C, Murrell DF. Skin needling as a treatment for acne scarring: An up-to-date review of the literature. Int J Womens Dermatol. 2015 Apr 10;1(2):77-81.
  15. Fabbrocini G, Fardella N, Monfrecola A, Proietti I, Innocenzi D. Acne scarring treatment using skin needling. Clin Exp Dermatol. 2009 Dec;34(8):874-9.
  16. Zhang Q, Zhu LX. Meridional Cosmetology: Report of 300 Cases with Discussion of Underlying Mechanism. The International Journal of Clinical Acupuncture1996,7(4):401-405.

 

 

Acupuncture, psoriasis et insuffisance surrénalienne

 

  

Image Dr Jm Stéphan 2024

 

Résumé : Introduction. Le psoriasis est une maladie inflammatoire multifactorielle de la peau. Outre une prédisposition génétique, les facteurs psychologiques, tels que les chocs affectifs, stress, etc., interviennent par l’intermédiaire d’une sécrétion accrue de neuromédiateurs et d’hormones surrénaliennes, comme le cortisol.  L’objectif de ce travail est de savoir si l’acupuncture et techniques associées (électroacupuncture, moxibustion, neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture (TEAS) peuvent améliorer la qualité de vie voire guérir les patients atteints de psoriasis sans entraîner d’effets indésirables comme une insuffisance surrénalienne. Cette étude fait suite à la plainte d’un patient traité pendant deux ans et qui se découvre une insuffisance surrénale concomitante à l’arrêt de l’acupuncture. Méthodes. A partir de ce cas clinique de psoriasis en gouttes étendu ayant bénéficié d’un traitement corticoïde à la fois sous forme topique que per os pendant vingt ans, la discussion établira un état des lieux des essais comparatifs randomisés (ECR) et des méta-analyses des traitements par acupuncture et techniques associées. L’acupuncture expérimentale est abordée également, permettant de mieux appréhender les mécanismes neurophysiologiques de l’action de l’acupuncture sur l’axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien et la sécrétion de cortisol. Résultats. L’utilisation de l’acupuncture et techniques associées potentialise les effets du traitement usuel de dermocorticoïdes mais sans entraîner comme ceux-ci une éventuelle insuffisance surrénale souvent en rapport avec des doses et des durées de traitement non recommandées en pratique courante. Grâce à l’acupuncture, on observe dans la majorité des cas une diminution de la concentration plasmatique du cortisol au préalable élevée et qui sera, de ce fait, régulée de manière cybernétique. Conclusion. Selon les preuves issues des ECR et des études expérimentales, l’acupuncture et techniques associées doivent rejoindre le panel de soins du psoriasis et s’intégrer dans le cadre de la médecine intégrative. On ne peut que la recommander avec un grade C de faible niveau de preuve scientifique selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé française (HAS). Mots clés : Acupuncture – Électroacupuncture – Dermatologie – Psoriasis – Insuffisance surrénalienne – Cortisol – Mécanismes neurophysiologiques – Axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien.

SummaryIntroduction. Psoriasis is a multifactorial inflammatory disease of the skin. In addition to a genetic predisposition, psychological factors, such as affective shocks, stress, etc., are mediated through increased secretion of neurotransmitters and adrenal hormones, such as cortisol. The objective of this work is to know whether acupuncture and related techniques (electroacupuncture, moxibustion, transcutaneous electrical neurostimulation applied to acupuncture points (TEAS) can improve the quality of life and even cure patients with psoriasis without causing adverse effects such as adrenal insufficiency. This study follows the complaint of a patient treated for two years and discovers adrenal insufficiency concomitant with the cessation of acupuncture. Methods: From this clinical case of extended-droplet psoriasis treated with topical corticosteroid treatment for 20 years, the discussion will establish an inventory of randomized controlled trials (RCTs) and meta-analyzes acupuncture treatments and associated techniques. Experimental acupuncture is also discussed, allowing better understanding of the neurophysiological mechanisms of the action of acupuncture on the hypotalamo-pituitary-adrenal axis and cortisol secretion. Results. The use of acupuncture and associated techniques potentiates the effects of the usual treatment of dermocorticoids but with no risk of potential side effect of adrenal insufficiency often related to doses and duration of treatment not recommended in current practice. By virtue of acupuncture, in the majority of cases, a reduction in the plasma concentration of the pre-high cortisol is observed and will, therefore, be regulated cybernetically. Conclusion. According to evidence from RCTs and experimental studies, acupuncture and associated techniques must join the psoriasis care panel and integrate within the framework of integrative medicine. One can only recommend it with a grade B scientific presumption of level 2 of evidence according to the recommendations of the High Authority of French Health (HAS). Keywords: Acupuncture – Electroacupuncture – Dermatology – Psoriasis – Adrenal insufficiency – Cortisol – Neurophysiological mechanisms – Hypotalamo-hypophyso-adrenal axis.

 

 

Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique de la peau se manifestant par des plaques rouges présentant des squames. La maladie est le plus souvent bénigne, 20% des cas sont des formes sévères qui associent atteinte généralisée et/ou douleurs articulaires.

Le psoriasis en plaques a pour lésion typique une plaque érythémato-squameuse. La taille des lésions est variable allant de lésions simples arrondies, nummulaires de un à plusieurs centimètres de diamètre (psoriasis en gouttes), à de véritables plaques étendues (psoriasis en plaques). Les lésions sont habituellement nombreuses dans le psoriasis en gouttes, alors que dans le psoriasis en plaques, on peut voir aussi bien une plaque isolée ou au contraire de multiples lésions étendues. Les zones les plus fréquemment atteintes sont les zones exposées aux frottements : coudes et bord externe de l’avant-bras, genoux, région lombo-sacrée, cuir chevelu et ongles. Ces lésions sont prurigineuses lors des poussées dans 20 à 30 % des cas.

Rappels : facteurs étiologiques, physiopathologie et principes du traitement

Facteurs étiologiques 

Le psoriasis est une maladie inflammatoire multifactorielle de la peau qui touche environ 2% de la population française. Dans 30% des cas, il existe une prédisposition génétique qui correspond à des formes familiales. Plusieurs variants génétiques associés à la maladie sont très majoritairement situés au niveau de gènes impliqués dans l’immunité, codant le système Human Leukocyte Antigen (HLA), les lymphocytes T ou encore les interleukines 17 et 22 agissant dans l’inflammation de la peau. Ces variants sont nombreux et seule l’association de plusieurs d’entre eux est associée au psoriasis. Aucune mutation ne peut déclencher la maladie à elle seule. Ainsi, lorsque l’affection survient durant l’enfance, elle est fréquemment liée aux antigènes d’histocompatibilité HLA Cw6 et DR7. Ce terrain génétique augmenterait la sensibilité du système immunitaire, en abaissant le seuil de déclenchement de l’inflammation face à des facteurs d’environnement (stress, infection, frottements, traumatisme, des modifications climatiques, consommation d’alcool, tabac ou encore la prise de médicaments comme les sels de lithium, bêta-bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, etc. Le rôle des facteurs psychologiques, tels que les chocs affectifs, les traumatismes affectifs est également bien connu. Les stress psychologiques agiraient par l’intermédiaire d’une sécrétion accrue de neuromédiateurs et d’hormones surrénaliennes, comme le cortisol. 

Physiopathologie 

Un dérèglement immunitaire, entraînant une inflammation chronique et exagérée de la peau et une surproduction de kératinocytes est à l’origine de la maladie. Des cellules immunitaires (lymphocytes T activés et polynucléaires neutrophiles) se retrouvent dans la peau et y produisent des molécules inflammatoires (cytokines Il-17, Il-22, TNF-alpha qui agit sur la synthèse de l’IL-8, et autres substances). Ces dernières stimulent la prolifération des kératinocytes. Le délai de renouvellement de ces cellules, normalement de trois semaines, passe alors à trois jours. Il en résulte une accumulation des kératinocytes immatures à la surface de la peau, augmentant l’épaisseur de la couche externe engendrant l’hyperkératose. 

Principes du traitement 

Tous les traitements ont pour seul objectif de réduire les symptômes et d’améliorer la qualité de vie du malade. Aucune thérapeutique n’est à l’heure actuelle capable d’engendrer une guérison complète du psoriasis.

Les médicaments de première intention sont des pommades anti-inflammatoires, les dermocorticoïdes (bétaméthasone, clobétasol, fluticasone, hydrocortisone, etc.) ou les analogues de la vitamine D (calcipotriol, tacalcitol, calcitriol). Les kératolytiques (acide salicylique à la concentration de 2 à 5 % dans un excipient gras, urée à 10 ou 20 %) sont utiles dans les lésions très kératosiques ; des dérivés de la vitamine A (tazarotène) sont efficaces mais ont un effet irritatif important. Les bains et les émollients permettent également de décaper les lésions.

Quand le psoriasis est étendu au-delà de 20 à 30% de la surface corporelle, un traitement par voie orale (acitrétine – analogue aromatique de synthèse de l’acide rétinoïque, méthotrexate, ciclosporine…) ou par exposition aux ultraviolets sous contrôle dermatologique (puvathérapie) est indiqué, avec une efficacité d’environ 50%.

Si le psoriasis résiste à au moins deux de ces traitements, le dernier recours est la biothérapie qui offre le plus souvent des résultats remarquables sur les psoriasis résistants et les rhumatismes psoriasiques. Elle consiste en l’injection d’anticorps monoclonaux, les anti-TNF (étanercept, infliximab, adalimunab, golimumab, certolizumab pegol) qui ciblent spécifiquement un médiateur de l’inflammation (TNF-alpha). Avec ces traitements, plus de deux tiers des patients obtiennent la rémission de plus de 75% de leurs symptômes.

Les traitements disponibles peuvent être améliorés, notamment en ce qui concerne leur efficacité chez certains patients, et leur sécurité. Ainsi, les biothérapies ne sont pas dénuées d’effets indésirables, avec notamment un risque infectieux en raison de la dépression du système immunitaire qu’elles induisent. En outre, en cas d’arrêt, le psoriasis revient en général après quelques semaines.

Deux inhibiteurs des interleukines peuvent être aussi utilisés dans le psoriasis résistant : un anticorps monoclonal anti Il-17 (secukinumab) et un anticorps monoclonal anti Il-12 et IL-23 (ustékinumab). Autre médicament d’exception, l’immunosuppresseur (apremilast) qui inhibe l’enzyme phosphodiestérase-4 nécessaire au bon fonctionnement des lymphocytes T est en attente d’évaluation à long terme [1-4]. Quoi qu’il en soit, tous ces traitements généraux, utilisés exceptionnellement, doivent faire l’objet d’une surveillance particulière.

 

Cas clinique

Un médecin a traité par acupuncture pendant deux ans un patient présentant un psoriasis en gouttes étendu. La première consultation survient après une longue période de vingt ans de corticothérapie percutanée et orale.  Le patient âgé de 41 ans, aux antécédents d’intoxication alcoolo-tabagique sevré depuis 2005, 1m70, 66 kg (indice de masse corporelle : 22,8) se plaint également de troubles de l’humeur.

Dans les mois précédents cette première consultation, le patient avait été victime d’un accident de la voie publique justifiant six mois d’arrêt de travail en raison d’une fracture du bras nécessitant une intervention chirurgicale suivie d’une complication infectieuse à staphylocoque. Cet accident avait élevé considérablement son niveau de stress et aggravé l’étendue de son psoriasis.

Seule une élévation de son taux de cholestérol et triglycérides avait été signalée par le patient comme justifiant pour lui son recours à l’acupuncture. Dès le début du traitement, il avait présenté des signes d’hypercorticisme non spécifiques qui nécessitaient par ailleurs, d’être suivi régulièrement par un médecin généraliste, un dermatologue, un phlébologue et un psychiatre.

Sur la base de ce tableau clinique, le patient avait été traité par acupuncture dans le but de réduire essentiellement son stress et d’agir sur le psoriasis avec une fréquence d’une séance en moyenne par quinzaine au début du traitement, puis, une par semaine, fréquence adaptée en fonction de l’évolution du psoriasis et des ressentis tels que sueurs, sensation de chaleur, nervosité, etc.

Le traitement a consisté à harmoniser généralement le couple Foie, Vésicule Biliaire, calmer le shen et réguler le Poumon. Le traitement le plus couramment appliqué : VB24 (rihu), RM14 (juque), DM24 (shenting), V2 (zanzhu), P5 (chize), P9 (taiyuan).

Les examens biologiques effectués une dizaine de jours après l’interruption des séances d’acupuncture avaient mis en évidence une insuffisance surrénale corticotrope documentée par une concentration plasmatique diminuée du cortisol et de l’ACTH, le tout associé à de l’ostéoporose.

Problème médico-légal car le patient étant persuadé que l’acupuncture réalisée avait entraîné son insuffisance surrénale, a déposé plainte auprès du Procureur de la République. Confondant aiguilles d’acupuncture et aiguilles sous-cutanées, il soutient que le médecin acupuncteur lui aurait injecté des corticoïdes en lieu et place des séances d’acupuncture. Il se fonde notamment sur la présence de nodules sous cutanés et d’hématomes apparus approximativement autour des points d’implantations des aiguilles d’acupuncture, de pétéchies, de rougeurs sur le visage ; et sur le fait de l’amélioration rapide et notable (mais au terme d’un trimestre) pendant plusieurs mois de son psoriasis que l’acupuncture, selon lui, ne pourrait expliquer à elle-seule. Il se plaint également d’un état de dépendance aux séances d’acupuncture et d’un dysfonctionnement érectile consécutif, toujours selon lui, au traitement acupunctural.

Ce qui pose la problématique suivante :

– peut-on affirmer que l’acupuncture apporte une amélioration notable des signes physiques du psoriasis, notamment en diminuant le niveau de stress ?

– peut-on expliquer que l’action de l’acupuncture sur le stress et par voie de conséquence sur la sécrétion du cortisol (inhibition voire activation de l’axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien) puisse entraîner un épuisement des glandes surrénales. L’insuffisance surrénale révélée postérieurement aux séances d’acupuncture (mais malheureusement, aucun bilan biologique n’a été réalisé antérieurement), viendrait ainsi s’ajouter à vingt années de corticothérapie ?

En résumé, l’acupuncture a-t-elle pu masquer, voire stabiliser ou accentuer un dysfonctionnement préalable au traitement acupunctural ?

 Les preuves de l’efficacité de l’acupuncture

Le premier essai comparatif randomisé (ECR) a été réalisé par l’équipe du Suédois Jerner en 1997 [[5]]. Cinquante-six patients souffrant de longue date de psoriasis en plaques ont été randomisés pour bénéficier deux fois par semaine pendant dix semaines soit d’un traitement actif selon les principes de la médecine traditionnelle chinoise par électroacupuncture (EA à une fréquence de 10-20 Hz pendant 20mn ; n=35) associé à un traitement d’auriculothérapie, soit d’un traitement sans EA, placebo par puncture des points situés à 1cm des points classiques. La sévérité des lésions de la peau a été notée par le score Psoriasis Area and Severity Index (PASI) [6,7] avant, pendant et trois mois après la thérapie. Après dix semaines de traitement, la valeur moyenne du PASI avait diminué de 9,6 à 8,3 dans le groupe «actif» et 9,2 à 6,9 dans le groupe placebo (statistiquement significatif avec p <0,05 dans les deux groupes). Mais ces effets sont inférieurs à l’effet placebo, habituellement d’environ 30%. Pas de différence statistiquement significative entre les résultats des deux groupes au cours et au bout des trois mois de thérapie. Les auteurs concluaient que l’EA n’était donc pas supérieure à l’acupuncture placebo dans le traitement du psoriasis et qu’en tout état de cause aucun des deux traitements n’engendrait une amélioration du PASI supérieure aux 30% habituellement admis par l’effet placebo [[8]].

En 2009, Naldi et al. [[9]], à partir d’une revue systématique de toutes études concernant le traitement du psoriasis confirmaient en ré-analysant l’ECR de Jerner, que l’EA n’était pas plus efficace que l’acupuncture placebo. Mais on peut se poser la question de savoir si c’est bien de l’acupuncture placebo [[10]]. Par ailleurs, on sait que depuis les travaux de Linde et coll. que la différenciation entre effet spécifique de l’acupuncture et effet non-spécifique (placebo) nécessite le recrutement de huit-cents sujets par ECR en double bras pour une puissance de 80% et ceci afin d’obtenir une différence moyenne standardisée (SMD) de 0,2 pour un effet spécifique [[11]]. Cela suggère de ce fait que tous les ECR qui actuellement comparent l’acupuncture véritable à l’acupuncture factice sont tous de petite puissance. Cela peut expliquer aussi pourquoi certains ECR peuvent montrer une acupuncture factice aussi efficace que l’acupuncture véritable voire plus efficace. Quoi qu’il en soit dans cet ECR, ni l’acupuncture réelle, ni celle placebo ne dépasse les 30% d’efficacité.

Par contre, Wu et al. en 2011démontrent dans leur ECR chinois que l’acupuncture associée à la moxibustion est plus efficace que l’acitrétine (20 mg / jour pendant douze semaines). Soixante cas de psoriasis étaient ainsi randomisés dans un groupe acitrétine (A, n=30) et un groupe acu-moxibustion (A-M, n=30). Les principaux points utilisés étaient feishu (V13), geshu (V17), gansu (V18), pishu (V20) et shenshu (V23), combinés avec hegu (GI4), weizhong (V40), etc. en fonction de la partie du corps affectée. La moxibustion a été appliquée sur le shenshu (V23) et sur les zones lésées de la peau pendant environ 3 min à chaque fois. Ce traitement a été réalisé une fois tous les deux jours en continu pendant douze semaines. L’effet thérapeutique a été évalué par le score PASI. Après le traitement, les scores du PASI dans les deux groupes étaient diminués de manière significative (p <0,01) mais PASI significativement inférieur dans le groupe AM par rapport au groupe A (p<0,05) [[12]].

De ce fait, il est difficile d’évaluer l’efficacité des traitements d’acupuncture dans le traitement du psoriasis. Coyle et al. en 2015 [[13]] ont essayé de réaliser une méta-analyse à partir des ECR retrouvés jusqu’en mai 2013 dans les bases de données internationales (PubMed, Embase, Library Cochrane, China National Knowledge Infrastructure CNKI, Wanfang, etc.). Six études (n=522) ont été incluses. Mais, en raison de la diversité des interventions, des comparateurs et des critères de jugements PASI ou pas, la méta-analyse n’a pas été possible. Il existe néanmoins certaines preuves de l’intérêt de l’acupuncture-moxibustion et techniques associées dans le psoriasis. Cependant, les conclusions sont limitées par les deux seuls essais inclus qui concernaient l’acupuncture-moxibustion ou EA [5,12], les autres études traitaient par ventouses, saignées, champs magnétiques ou phytothérapie appliquée sur point d’acupuncture [14-16].

Ainsi un autre ECR de Li et al. publié en 2014 montre l’efficacité dans le psoriasis en rapport avec une stase de Sang selon la différenciation des syndromes bianzheng. Il s’agit d’un ECR (n=56) à quatre bras (n=14) utilisant une thérapie combinant acupuncture appliquée sur dazhui (VG14), feishu (V13), gansu (V18) et geshu (V17), saignée auriculaire, phytothérapie chinoise et techniques de puncture auriculaire. Cet ECR a montré que l’indice de sévérité (PASI) avant et après le traitement est diminué dans chaque groupe traité (p<0,05) versus groupe témoin. Cette diminution est plus importante dans le groupe thérapeutique combinant saignée auriculaire, phytothérapie et acupuncture [[17]]. Encore une fois, les méthodes utilisées sont trop hétérogènes pour être appliquées de manière pragmatique.


 Discussion

Nous sommes toujours en attente de plusieurs ECR de grande qualité méthodologique, de grande puissance respectant les normes STRICTA qui s’appliquent aux ECR d’acupuncture, extension de la norme CONSORT [[18]], de façon à réaliser une méta-analyse réellement applicable à l’acupuncture comme le préconisent Wang et al. afin d’évaluer l’efficacité et la sécurité de l’acupuncture dans le psoriasis [[19]].

Néanmoins, comme le laisse entendre cet auteur croate qui objective une spectaculaire amélioration du psoriasis par acupuncture, il serait regrettable de priver les malades de cette possibilité de traitement [[20]]. Même efficacité aussi dans ce cas clinique s’intéressant essentiellement à traiter les Âmes Viscérales (shen) qui permettent d’inhiber le stress et par voie de conséquence le cortisol [[21]]. Mais si efficacité il y a, il est aussi nécessaire d’évaluer les possibles effets indésirables.

On peut également affirmer que l’acupuncture apporte une amélioration des signes physiques du psoriasis, indépendamment du niveau de stress, même si cela y contribue comme on peut le comprendre par les mécanismes étiologiques et par l’acupuncture expérimentale.


Acupuncture expérimentale concernant la modulation du cortisol chez l’animal et chez l’homme

L’acupuncture peut s’assimiler à une action cybernétique permettant à l’organisme humain de maintenir son homéostasie par des mécanismes d’autorégulation et de rétrocontrôle engendrés par la puncture des points. Ainsi, ces mécanismes par des processus de feedback négatif ou positif visent à empêcher une dérive hors de la norme. De ce fait, en fonction de la pathologie, le point d’acupuncture stimulé pourra engendrer diverses réponses. Le psoriasis est lié à un dérèglement immunitaire entrainant une inflammation chronique et dont les dermocorticoïdes sont utilisés en première intention. Le stress et les facteurs psychologiques ont un rôle de premier plan.  Au cours du stress, on sait que le taux de cortisol sérique augmente significativement ainsi que paradoxalement de nombreuses cytokines pro-inflammatoires (IL-1b , IL-6…). Or, à partir des modèles d’animaux stressés, les travaux d’acupuncture expérimentale ont objectivé en général une diminution du cortisol grâce à l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et adrénergique (HPS) [[22]].

Il est possible aussi d’observer en fonction de la forme du stress une action de l’acupuncture sur le système immunitaire en diminuant par exemple l’activité de l’IL-1b, mais aussi en augmentant l’interleukine 2, généralement diminuée en cas de stress. L’IL-2 joue un rôle important dans la régulation du système immunitaire en assurant la stimulation générale de l’immunité cellulaire [[23]]. On peut alors se poser la question de savoir dans quelle mesure l’acupuncture et les techniques associées qui diminuent la production endogène et naturelle du cortisol à action anti-inflammatoire chez l’homme en cas de stress, pourraient déclencher un effet iatrogène, du style insuffisance surrénale associée à l’ostéoporose.

Effectivement, le cortisol est un glucocorticoïde endogène produit dans la glande surrénale dans des conditions physiologiques de stress. Il est nécessaire à la fonction cellulaire normale, y compris la fonction immunitaire, le métabolisme et le tonus vasculaire. Sa production est régulée par l’hypothalamus. Les sources exogènes de corticostéroïdes peuvent affecter la régulation de l’axe HPS en inhibant les voies en amont impliquées dans la production de cortisol (figure 1). Quid des sources endogènes ?

Figure 1. L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et régulation des corticostéroïdes pouvant entraîner un freinage corticotrope d’autant plus important que la corticothérapie est à forte dose et/ou prolongée dans le temps.

Chez l’homme, les études ont objectivé trois effets de l’acupuncture sur la sécrétion de cortisol, et cela en fonction des différentes conditions ou stress pathologiques.

L’acupuncture augmente le cortisol

 Hypnotique pur à brève durée d’action, l’étomidate peut être utilisé comme agent inducteur de l’anesthésie générale ou hypnotique unique pour des interventions peu douloureuses de courte durée nécessitant un réveil rapide. Aux doses d’induction, l’étomidate a été associé à un abaissement des concentrations plasmatiques de cortisol et d’aldostérone ne répondant pas à l’injection de l’adrénocorticotrophine (ACTH). Chez les patients soumis à un stress important, particulièrement en cas de dysfonctionnement corticosurrénalien, une supplémentation en cortisol doit être discutée. Une stimulation de la glande surrénale n’est pas utile. Un ECR a permis de montrer que l’EA (fréquence basse en alternance 18/3,85 Hz) sur zusanli (ES36) et sanyinjiao (Rt6) peut atténuer l’inhibition corticale-surrénale induite par l’étomidate et peut réduire aussi la sécrétion de catécholamines pendant la chirurgie. Quatre groupes (n=20 chacun) ont été étudiés : groupe étomidate (ETO), groupe étomidate + électroacupuncture (ETO+EA), groupe étomidate + acupuncture simulée (ETO+SEA) et le groupe propofol (PRO), anesthésique n’inhibant pas la synthèse des hormones cortico-surrénaliennes). On a mesuré les concentrations de cortisol plasmatique avant induction de l’anesthésie (T0), 2 heures après le début de la chirurgie (T1), à la fin de l’intervention chirurgicale (T2) et 2h après l’opération (T3). Ainsi, les concentrations de cortisol étaient significativement plus élevées en tout temps sauf au temps T0 dans le groupe ETO+EA versus groupe ETO (figure 2) [[24]]. Cet ECR confirme ce que l’on avait observé dans des études antérieures qui avaient objectivé une augmentation de la concentration de l’hormone corticotrope (adrénocorticotrope, ACTH) chez l’homme [[25]], chez le rat [[26]] et des niveaux de glucocorticoïdes dans d’autres études d’acupuncture expérimentale chez les rats [[27],[28]]. Bref, tout cela suggère que l’EA peut activer les glandes surrénales pour augmenter la sécrétion de glucocorticoïdes, conduisant à la suppression des réponses inflammatoires.

Figure 2. Comparaison des concentrations de cortisol entre les quatre groupes. Les concentrations de cortisol ont augmenté de façon significative en T1, T2 et T3 par rapport aux valeurs de base dans le groupe PRO (^ p<0,001). Au contraire, il a été significativement diminué aux temps T1, T2 et T3 par rapport aux valeurs de base dans le groupe ETO et ETO+SEA (* p<0,01, ^ p<0,001). Notons cependant que les concentrations de cortisol ont seulement diminué au T3 dans le groupe ETO+EA (a p<0,01). En comparaison avec le groupe PRO, les concentrations de cortisol ont diminué de façon significative, à tout moment, sauf T0 dans le groupe ETO, ETO + EA et ETO+SEA (# p <0,001). Néanmoins, par rapport au groupe ETO, les concentrations de cortisol ont augmenté significativement à tout moment, sauf T0 dans le groupe ETO+EA (b p<0,05, c p<0,001). Figure adaptée et traduite selon « Creative Commons Attribution » et issue de [24].

Magarelli et al. ont étudié les variations dans le sérum du cortisol et de la prolactine associées aux séances d’acupuncture chez les femmes bénéficiant d’un traitement d’hyperstimulation ovarienne en vue d’un transfert d’embryon lors d’une fécondation in vitro (FIV). Les taux de cortisol dans le groupe acupuncture étaient significativement (p<0,05) plus élevés lors des jours de traitement comparativement au groupe témoin. Idem pour les taux de prolactine (p<0,034). Et pourtant les auteurs s’attentaient à une diminution de la concentration du cortisol chez ces femmes que l’on pourrait croire anxieuses. Quoi qu’il en soit il apparaît que l’acupuncture a un effet bénéfique sur la régulation du cortisol et de la prolactine permettant une meilleure efficacité de la FIV [[29]].

L’acupuncture diminue le cortisol

L’étude pilote randomisée en simple insu de Painovich et al. (n=33) a permis d’étudier l’efficacité de l’acupuncture traditionnelle dans les troubles vasomoteurs des femmes en ménopause ou périménopause, avec mesures plasmatiques du cortisol urinaire des 24h et de ses métabolites, de la déhydroépiandrostérone (DHEA) et un test de stimulation de l’ACTH. Le traitement a été donné trois fois par semaine pendant une période de douze semaines. Outre le fait de réduire les bouffées vasomotrices versus groupe acupuncture et groupe témoin (p=0,04), les auteurs observent une action sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien avec diminution du cortisol et de ses métabolites (tableau I) [[30]].

Tableau I. Mesures plasmatiques du cortisol urinaire des 24h et de ses métabolites, de la déhydroépiandrostérone (DHEA) Toutes les données sont présentées sous forme de moyenne ± écart-type ; DHEA = sulfate de déhydroépiandrostérone ; Androgènes surrénales = étiocholanolone + androstérone ; a valeur de P pour le test de Kruskal-Wallis. Adapté et traduit selon « Creative Commons Attribution » et issue de [30].  

  Acupuncture traditionnelle (n=12) Acupuncture placebo (n=12) Groupe témoin (n=9) P valuea
Entrée dans l’étude
DHEA 47.7 ± 38.7 104.0 ± 127.1 265.7 ± 551.8 0.41
F (Cortisol) 40.8 ± 17.4 50.4 ± 32.5 39.7 ± 16.0 0.90
Total F métabolites 4,907.3 ± 2128.1 6,923.5 ± 3687.1 6,507.4 ± 4952.9 0.35
Androgènes surrénales 972.5 ± 626.0 1,543.7 ± 1,508.4 1,524.4 ± 1,120.1 0.41
Sortie d’étude
 DHEA 41.4 ± 27.4 161.2 ± 222.7 252.4 ± 385.4 0.04
 F (Cortisol) 37.3 ± 16.7 66.2 ± 56.3 30.4 ± 11.3 0.05
 Total F métabolites 4,658.9 ± 1,670.9 7,735.8 ± 3,747.9 5,166.0 ± 2,234.5 0.03
Androgènes surrénales 888.1 ± 614.6 1,506.1 ± 766.6 1,219.0 ± 684.3 0.09

Dans la constipation fonctionnelle qui affecte la qualité de vie, l’électroacupuncture à basse et haute fréquence sur quchi (GI11) et shangjuxu (ES37) durant seize séances réparties sur quatre semaines engendre de manière statistiquement significative (respectivement p<0,01 et 0,05) une diminution de la concentration plasmatique en cortisol par rapport à la ligne de base. Par ailleurs, on objective une amélioration de la fréquence des selles, une diminution à la fois de l’anxiété et de la dépression alors que dans le groupe témoin traité par citrate de mosapride (agoniste des récepteurs 5-HT4 à la sérotonine), la concentration en cortisol augmente significativement (p<0,05) [[31]].

Dans les arthralgies du rachis, Bragin et al. ont montré que l’EA à basse fréquence réduisaient les concentrations plasmatiques du cortisol et de l’aldostérone s’accompagnant d’un effet antalgique [[32]].

De même, dans les gonalgies arthrosiques chroniques, Ahsin et coll. ont comparé les effets de l’EA (3Hz) appliquée tous les jours pendant dix jours [[33]]. Ils ont constaté une amélioration significative des algies à l’index WOMAC (Western Ontario Mc master universities index for osteoarthritis knee)[a] et sur l’échelle visuelle analogique (p=0,001), mais aussi une augmentation significative de la β-endorphine plasmatique (p=0,001) et une baisse significative du cortisol plasmatique (p=0,016). Dans cet ECR (n=84) avec stimulation des points locaux et à distance liangqiu (ES34), dubai (ES35), zusanli (ES36), ququan (F8), xuehai (Rt10), neiting (ES44), la concentration de cortisol plasmatique a été significativement réduite dans le groupe d’électroacupuncture alors que dans le groupe témoin, elle était augmentée. Les auteurs expliquaient cet effet par l’hypothèse que la baisse était plutôt le reflet d’une réduction du stress de la douleur et qu’il ne pouvait pas avoir dans ce cas une augmentation du cortisol, agent anti-inflammatoire. Dans le groupe placebo, l’augmentation du cortisol plasmatique après dix jours de traitement pourrait être liée à l’action du stress en raison d’une inefficacité du traitement.

L’ECR de Wu et al. (n=40) a étudié l’effet de la neurostimulation électrique transcutanée appliquée aux points d’acupuncture (TEAS = transcutaneous electrical acupoint stimulation) sur le stress chez des patients ayant été perfusés par propofol lors d’une chirurgie cérébrale. On sait que le propofol n’engendre aucune interaction avec le cortisol. Les auteurs constatent que le TEAS réduit le stress de manière significative versus groupe témoin en stabilisant l’amplitude de la variation de la concentration en cortisol à 60 mn après l’incision céphalique par comparaison au début de la chirurgie (p<0,05), mais aussi de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle et de la concentration en adrénaline [[34]].

De nombreux autres ECR ont démontré une diminution de la concentration du cortisol. Ainsi au cours du stress de l’anesthésie [[35]] ; immédiatement après le transfert d’embryon dans un ECR en double aveugle (n=226) [[36]], ou 25 mn avant et 25 mn après le transfert de l’embryon dans un ECR également en double aveugle (n=370) [[37]] (mais dans ces deux ECR, on ne retrouve pas de différence significative entre les deux groupes acupuncture et placebo) ; dans l’état dépressif traité par EA (80/100 Hz) sur baihui (VG20) et yintang, action statistiquement significative (p<0,01) [[38]]. Dans le syndrome du côlon irritable, l’ECR de Schneider et coll. réalisé en 2007 avec utilisation des aiguilles placebo de type Streitberger montre outre l’amélioration de la qualité de vie, une diminution statiquement significative (p=0,005) du cortisol salivaire [[39]]. Même diminution du cortisol salivaire lors de la stimulation du GI4 (hegu), ES36, ES6 (jiache), P6 (kongzui) quatre heures avant l’épreuve chez des footballeuses professionnelles durant la période de compétition [[40]]. L’acupuncture, en préopératoire va réduire les douleurs post-opératoires (p<0,05) tout en réduisant la concentration en cortisone plasmatique entre 30 et 50% dans le groupe acupuncture (p<0,01) [[41]].

L’acupuncture n’objective aucune variation

Mesurés avant, pendant et après stimulation du GI4 et Rt6 (sanyinjiao), points sélectionnés en vue de diminuer les douleurs et la durée du travail chez la femme enceinte, les concentrations en cortisol ne varient pas [[42]] alors que ce paramètre est habituellement augmenté lors du travail en raison du stress [[43]]. A la maternité de Kayseri en Turquie, Mucuk et al. ont également étudié la variation de la concentration de l’ACTH et du cortisol plasmatique dans un groupe traité par TEAS (5/10 Hz ; 20 mn) sur le GI4 (hegu) versus groupe témoin sans traitement d’EA. Ils ont objectivé une diminution de ces deux concentrations, mais diminution non statistiquement significative [[44]].

Même chose, pas de variation du cortisol salivaire après acupuncture dans un ECR (n=151) évaluant son efficacité sur le système nerveux autonome par mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque chez des patients coronariens [[45]]. L’EA (2Hz) appliquée chez des patients facilite l’anesthésie sous sevoflurane dans cet ECR (n=55) versus groupe témoin. On retrouve une augmentation statistiquement significative (p<0,05) de l’adrénaline, possible reflet de l’activation sympathique mais pas de changement du taux de cortisol [[46]]. D’autres ECR en fonction de diverses pathologies ne montrent pas de variation du taux de cortisol : dans le stress émotionnel lié à une dysphonie phono-traumatique chez la femme [[47]], lors d’une analgésie electroacupuncturale en vue d’une colononoscopie [[48]], mais aussi tout simplement chez le sujet sain par puncture de ES36, GI11, Rt10 et VG14 [[49]].


Discussion

 Il ressort de tous ces ECR que l’organisme humain en réponse à l’acupuncture et techniques associées offre une variabilité et une modulation très importante de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. En général, les études cliniques sur l’homme autant que sur l’animal montrent la plupart du temps une diminution statistiquement significative de la sécrétion du cortisol en cas de stress, même en cas d’algies où une augmentation du cortisol pourrait engendrer un effet antalgique par son action anti-inflammatoire [33]. Nous l’avons vu, le stress est partie intégrante du psoriasis, mais le traitement acupunctural n’intervient pas systématiquement dessus. Et la diminution du cortisol que l’on peut observer n’est pas toujours au rendez-vous, comme l’attestent de nombreux ECR où l’acupuncture est utilisée pour limiter le stress et l’anxiété [24,29,44,45,46, 47,48].

Quoi qu’il en soit, aucune étude n’a démontré un quelconque épuisement des glandes surrénales. Il faut remarquer toutefois que l’ECR le plus long a duré trois mois [30] mais à raison de trois séances par semaine, ce qui correspondrait entre neuf mois à dix-huit mois de traitement en France (il est habituel de faire une séance par semaine pendant trois à quatre semaines puis d’espacer à deux puis quatre semaines d’intervalle.

En conclusion dans le cas préalablement décrit, il serait plus judicieux de s’orienter vers les effets iatrogènes liés à la corticothérapie orale ou cutanée pour expliquer l’épuisement des glandes surrénales dans ce cas clinique.


Les effets iatrogènes de la corticothérapie orale ou cutanée

Le cortisol est un glucocorticoïde endogène produit dans la glande surrénale dans des conditions physiologiques de stress (comme par exemple une infection, une lésion tissulaire). Sa production est régulée par l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien (HPS). Les sources exogènes de corticostéroïdes peuvent affecter la régulation de l’axe HPS en inhibant les voies en amont impliquées dans la production de cortisol (voir figure 1).

Comme le psoriasis est une maladie chronique, les dermocorticoïdes (DC) sont habituellement utilisés pendant de longues périodes de temps, souvent au-delà des recommandations contenues dans l’information sur la prescription. Leur utilisation en usage chronique peut entraîner des effets secondaires similaires à ceux des corticostéroïdes systémiques tels que troubles endocriniens et métaboliques (syndrome de Cushing iatrogène, inertie de la sécrétion d’ACTH, atrophie cortico-surrénalienne parfois définitive, diminution de la tolérance au glucose, révélation d’un diabète latent). On pourra aussi retrouver des troubles musculo-squelettiques (atrophie musculaire, ostéoporose, fractures pathologiques, en particulier tassements vertébraux, ostéonécrose aseptique des têtes fémorales), mais aussi des troubles digestifs, des troubles cutanés (atrophie cutanée, acné, purpura, ecchymose, hypertrichose, retard de cicatrisation), des troubles neuropsychiques (euphorie, insomnie, excitation mais aussi plus rarement : accès d’allure maniaque, états confusionnels et état dépressif à l’arrêt du traitement), troubles oculaires (glaucome et cataracte). Enfin on n’oubliera pas tous les désordres hydro-électrolytiques tels que l’hypokaliémie, rétention hydrosodée, hypertension artérielle, etc. Bref, tous ces effets secondaires sont bien connus et très bien documentés [[50]].

Les patients utilisant les DC ne sont pas systématiquement dépistés en ce qui concerne l’insuffisance surrénalienne. Cependant, des études ont démontré que cette insuffisance peut se produire dès la première semaine suivant l’utilisation du DC. 19% des sujets utilisant un DC de très grande puissance sur plus de 20% de la surface corporelle peuvent déclencher ce déficit de l’axe HPS. La méthode la plus courante pour diagnostiquer la déplétion surrénalienne est le test de stimulation à la cosyntropine (hormone corticotrope synthétique). La suppression surrénalienne est confirmée si le niveau de cortisol post-ACTH synthétique est inférieur à 18 mcg/dL. Lam et al. ont ainsi démontré par une étude rétrospective chez les sujets atteints de psoriasis modéré à sévère affectant 16 à 20% de la surface corporelle totale (SCT) que l’utilisation d’un DC de forte puissance avaient un niveau plus bas de cortisol post-cosyntropine 18,83 mcg/dL) que ceux ayant un psoriasis modéré impliquant 10 à 15% de la SCT totale et utilisant un DC de puissance inférieure au criblage (p=0,03).  Néanmoins, les deux groupes de sujets présentaient des niveaux inférieurs de cortisol post-cosyntropine par rapport aux adultes sains normaux (P <0,001 pour les deux). Les auteurs concluaient à la vigilance concernant l’utilisation chronique de ces topiques [[51]].

Une revue systématique de Castella et al. réalisée entre 1980 et janvier 2011 a eu pour but d’évaluer le risque de déplétion de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPS) et le risque d’atrophie cutanée par des dermocorticostéroïdes dans le traitement du psoriasis en plaques. Au total, 1269 références ont été trouvées, dont vingt-deux ECR ont été sélectionnés. L’effet sur l’axe HPS a été évalué par le taux de cortisol matin (11 études), les stéroïdes urinaires de 24 heures (cinq études) et/ou par le test à la corticostimuline de synthèse (synacthène®) dans trois études. La réduction du cortisol du matin a été observée chez 0-25% des patients dans dix études à court terme (deux dans le psoriasis du cuir chevelu, huit dans le psoriasis de corps) et dans 48% des patients dans des ECR avec traitement à court terme sur le psoriasis en plaques sur le corps. Seulement quatre de ces ECR ont évalué l’effet du traitement à long terme (durée de traitement de 6 mois ou plus) et n’ont pas identifié d’insuffisance de l’HPS au niveau de cortisol. Les auteurs démontraient qu’il n’y avait aucune preuve d’une déplétion cliniquement significative de l’axe de l’HPS due aux dermocorticostéroïdes et que l’analyse de la littérature dans le psoriasis était rassurante. Ils soulignaient néanmoins que la majorité des études étaient à court terme, d’où selon eux, la difficulté à conclure et la nécessité des études sur le long terme. On peut rajouter à cela qu’il existe un conflit d’intérêt majeur car tous les auteurs ont bénéficié d’honoraires de consultant réglés par les plus grands laboratoires pharmaceutiques de dermocorticoïdes [[52]].

Une autre revue plus récente de Levin et al. en 2014, n’objective pas d’insuffisance surrénale dans quinze des seize essais cliniques concernant la prise de topiques corticoïdes pour maladie cutanée. Dans l’unique ECR qui a rapporté une insuffisance surrénale, les patients avaient utilisé deux fois la quantité maximale recommandée de propionate de clobétasol en continu durant plus de dix-huit mois. Les auteurs concluaient néanmoins que si une insuffisance surrénale se produit, les dermocorticostéroïdes sont peu susceptibles d’être associés à des signes ou des symptômes de la suppression d’axe HPS cliniques s’ils sont utilisés dans le cadre des directives de sécurité en vigueur [[53]].

Conclusion

Dans le cas clinique relaté, il est plus qu’invraisemblable que le traitement durant une période de deux ans par acupuncture puisse engendrer une déplétion de cortisol suffisante pour entraîner une insuffisance surrénalienne au contraire de l’application chronique de dermocorticoïdes et de corticoïdes per os pendant vingt années. De manière plus générale, les personnes atteintes de psoriasis se doivent de bénéficier d’un traitement de médecine intégrative associant l’acupuncture à des doses moindres de thérapeutiques conventionnelles agressives susceptibles d’engendrer des effets iatrogènes secondaires en cas d’utilisation à fortes doses ou à utilisation prolongée. L’acupuncture réalisée dans les règles de l’art est sûre et sans effets secondaires. Elle améliorera à la fois la qualité de vie en diminuant l’état de stress mais aussi aura une activité spécifique sur l’inflammation du fait de son action cybernétique. On ne peut que la recommander avec un grade C de faible niveau de preuve scientifique selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé française (HAS) [[54] ] en attendant d’avoir un ECR de très grande qualité méthodologique.  


Notes

[a] . American College of Rheumatology. Western Ontario and McMaster Universities Osteoarthritis Index (WOMAC). À consulter sur le site :  http://www.rheumatology.org/I-Am-A/Rheumatologist/Research/Clinician-Researchers/Western-Ontario-McMaster-Universities-Osteoarthritis-Index-WOMAC.

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Aiguilles Chinoises et cicatrisation

L’auteur présente l’action de l’acupuncture sur la cicatrisation des plaies : trois patients présentant des plaies, une escarre importantes ou préoblématiques ont bénéficié de la technique simple consistant à cercler la plaie de plusieurs aiguilles d’acupuncture, associée à quelques points choisis en médecine traditionnelle chinoise. Dans ces trois cas, l’accélération de la cicatrisation a été notable, suggérant une efficacité thérapeutique de l’acupuncture.


 

Voir en ligne : Mingam-Gourhant M. Aiguilles chinoises et cicatrisation. Méridiens. 1999 ;112:101-10.