Medline Méridiens

Traitement par acupuncture de ménométrorragies liées à des myomes. A propos d’un cas clinique

 

 Résumé : Le myome utérin est une pathologie féminine très fréquente responsable de ménométrorragies et d’algies pelviennes. Les causes classiques peuvent être génétiques et hormonales essentiellement. La thérapeutique occidentale va de l’abstention thérapeutique à l’hystérectomie en passant par les traitements médicamenteux, la myomectomie et l’embolisation artérielle. L’acupuncture est une alternative pour les patients. Les causes du myome en acupuncture peuvent être multiples : une tension émotionnelle causant une Stagnation du qi responsable d’une Chaleur du Sang ou d’une Stagnation du Sang ; le surmenage et les excès sexuels causant  un Vide du Foie et un vide du yin des Reins entrainant une Chaleur-Vide perturbant le Sang ; un surmenage physique et les maladies chroniques affaiblissement la Rate ; l’accouchement. Après étude d’un cas clinique, il semblerait que l’acupuncture soit utile et semblerait efficace dans les méno-métrorragies. Elle pourrait même être tentée en première intention.  Mots-clés : acupuncture – gynécologie – myome utérin.

Summary: Uterine myoma is a very frequent feminine pathology responsible for menometrorrhagia and pelvic pain. Occidental therapy could be therapeutic abstention, drug therapy, myomectomy, arterial embolization or hysterectomy. Acupuncture is an option for patients. There are several causes of myoma: emotional tension causing a qi stagnation responsible for Blood warmth or Blood stagnation; overwork and sexual excess causing Lever and Kidney yin emptiness responsible for Warmth-Emptiness perturbing the Blood; physical overwork and chronic disease causing Spleen Weakness; child delivery. After studying a clinical case, it would seem that acupuncture is useful and would seem effective in menorrhagia. It could even be tried as a first intention. Keywords: acupuncture – gynecology – uterine myoma.

Introduction

Le myome utérin est la pathologie féminine la plus fréquente qui concerne 20% des femmes de plus de 35 ans. Il est responsable de ménométrorragies et d’algies pelviennes, et représente la première cause d'hystérectomie en France. C’est une tumeur bénigne bien limitée, encapsulée, vascularisée, développée à partir du muscle utérin et constituée de tissu musculaire lisse utérin et tissu fibreux. Sur le plan histologique, ce sont des léiomyomes. Macroscopiquement, un fibrome est une masse dure plus ou moins arrondie de volume variable (d’un grain du riz à une tête de nouveau né). Les localisations possibles sont intra-murales, sous-muqueux, intra-cavitaires et sous-séreux. Ils sont souvent multiples. La confirmation diagnostique se fait principalement par une échographie pelvienne [1].

Étiopathogénie occidentale

Différents facteurs sont impliqués [2-8] 

- Des facteurs génétiques peuvent être en cause comme la mutation ou réarrangement du bras long du chromosome 7, la duplication région q13-15 du chromosome 12, q23-24 du chromosome 14 ou les réarrangements impliquant le chromosome 6 p21 et le chromosome 10 q22.

- Les facteurs hormonaux jouent également un rôle avec l’action favorisante des œstrogènes. Il n’y pas de fibrome avant puberté. Leur volume augmente à la grossesse, à la péri-ménopause et en cas de traitement oestrogénique. Il y a une régression de leur volume après la ménopause. Il est important de noter qu’il existe presque constamment une hyperplasie endométriale associée, qui est responsable de troubles hémorragiques. La progestérone inhibe la mort cellulaire programmée (rôle trophique). La prolactine a une activité mitotique au niveau de la cellule du myome et sur les cellules myométriales normales.

- Les facteurs de croissances régulés par les stéroïdes.

Les traitements occidentaux qui peuvent être proposés

- Une abstention si asymptomatique.

- Un traitement médical par progestatifs, agonistes des LHRH, antifibrinolytiques, AINS, modulateurs sélectifs des récepteurs de la progestérone ou danazol selon la symptomatologie.

- Un traitement chirurgical par myomectomie, hystérectomie totale ou embolisation selon les indications.

Étiopathogénie acupuncturale 

Les quatre causes principales sont [9] :

- Les tensions émotionnelles causant une stagnation du qi pouvant se transformer en Feu qui affecte le Foie, organe qui stocke le Sang, pouvant donner une Chaleur du Sang. La Chaleur agite le Sang qui sort alors des vaisseaux. Cette Stagnation du qi peut aussi causer des Stases du Sang qui empêche que le Sang neuf prenne sa place. Il doit alors s’écouler.

- Le surmenage et les excès sexuels qui affaiblissent le Foie et le yin des Reins qui sur une durée importante peut entrainer une Chaleur-Vide, perturber le Sang et amener le Sang à sortir des vaisseaux. Ce Vide yin peut aussi provoquer lui-même des saignements importants (sans Chaleur-Vide) car ce yin des Reins ne retient pas le Sang.

- Le surmenage physique et les maladies chroniques qui affaiblissent la Rate qui ne contrôle plus le Sang qui s’écoule alors.

- L’accouchement.

Cas clinique

- Madame P., 46 ans, présentait, lors de sa première visite en novembre 2014 des ménométrorragies causées par des fibromes et asthénie depuis 4 mois (figure 1). Elle est mariée, 3 enfants de 14, 11 et 8 ans. Elle avait subi une myomectomie utérine partielle de la partie bombante d’un myome sous muqueux d’environ de 2 cm. Un antécédent de myome chez la mère et la sœur a été retrouvé.

 

 

 

 Figure 1. Les multiples myofibromes observés en octobre 2013 ayant nécessité une myomectomie partielle

- Ces troubles ont commencé en juillet 2014 sans amélioration malgré l’introduction depuis juillet 2014 par son gynécologue de l’acide tranexamique (spotoff®) à la demande dans le but de réguler les hémorragies, d’une hormonothérapie par l’acétate de nomégestrol (lutényl®) 10 à raison d’un comprimé les vingt derniers jours du cycle avec arrêt pendant sept jours et d’une supplémentation ferrique. Nous lui avons alors demandé d’arrêter les deux premiers traitements suscités et nous lui prescrit des compléments alimentaires composés de sélénium, vitamines C et E en débutant l’acupuncture à raison d’une séance par semaine sauf durant les vacances scolaires.

- Il s’agissait d’un excès de yin du bas avec un dysfonctionnement Foie-Rate en excès de yin. Nous avons donc tonifié le yang une fois par semaine jusqu’au mois de mars 2015 avec zusanli 36E, yanglingquan 34VB, shenmai 62V, zulinqi 41VB en tonification. Nous avons également tonifié le Feu de la Rate (car la Rate ne se laisse pas disperser en ce qui concerne le yin) en poncturant le yangfu 38VB en tonification. Nous avons aussi dispersé le Foie pour diminuer le saignement en poncturant ganshu 18V en dispersion et en dispersant son point saisonnier. Comme elle était par moment frileuse, nous avons poncturé sporadiquement le hegu 4GI pour tonifier le yang du haut [10].

- En avril 2015, les méno-métrorragies ont nettement diminué (la quantification restait difficile). La patiente a pu retrouver une activité professionnelle et personnelle acceptable mais avec persistance d’une gêne quotidienne durant les menstruations. Les séances avaient été espacées à 2 fois par mois.

En juin 2015, Bien qu’elle ne présente pas de douleur particulière, elle présentait des transpirations avec une envie de courir après manger toujours associés à des fibromes, des pertes sanguinolentes avec du sang coagulé : ceci laissait paraitre un trouble du renmai. Elle présentait les mains glacées et craignait le froid ce qui ressemblait à une atteinte du shaoyin. Devant cette association, nous avons poncturé zhongwan 12 VC, fuai 16Rte, ainsi que dadun 2Rte, point ying, et taibai 3Rte, point shu, du méridien de la Rate en continuant les autres points poncturés au début [11].  

- Elle présentait une dyspnée d’effort lié à une anémie par carence martiale que nous avons supplémentée.

Une normalisation avait été constatée dès juillet 2015. Nous l’avons revu en septembre 2015 puis tous les mois juste avant ses menstruations.

- En décembre 2015, une échographie de contrôle montrait qu’il y avait une légère augmentation de volume des fibromes mais surtout un assèchement des adénomyomes, principaux responsables des ménorragies (figure 2).

Figure 2. Atteinte toujours polyfibromateuse le 19/12/2015. Malgré l'amendement des signes cliniques, on note une légère augmentation volumétrique de la plupart des entités myomateuses connues, et quelques myomes supplémentaires comme le myome principal fundique postérieur paramédian droit, interstitiel à dôme sous muqueux (classe 2, mesurant à présent 43 x 37 mm, au lieu de 33 mm), et le myome corporéal postérieur gauche (classe 2, mesure 30 mm au lieu de 22). Par contre, on note des lésions d’adénomyose interne connues en voie d’assèchement.

 

- Une récidive importante est survenue fin décembre 2015. La poursuite des séances tous les mois a permis que tout rentre dans l’ordre.

- Nous noterons que la durée des cycles menstruels s’est allongée, en passant de 25 jours à 28 jours.

Conclusion 

Voici un cas montrant l’utilité de l’acupuncture en cas de ménométrorragies rebelles aux traitements par hormonothérapie. De plus, cette guérison a pu être objectivée, d’une part par la clinique mais aussi par l’échographie montrant un assèchement des adénomyomes responsables de l’hémorragie.

Dr Maryam Bellis-Chahim

 

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Conflit d’intérêts : aucun 

Références

  1. CourbièreB, Carcopino X. Gynécologie obstétrique. Vernazobre; Edition 2006-2007.
  2. Fernandez H, Gervaise A, de Tayrac R. Fibromes utérins: EMC 2002.
  3. Ardaens Y. Imagerie des fibromes. J Gynecol Obstet Biol Reprod. 2007;36(2):23-30.
  4.  Viklos G, Allaire C et al. Prise en charge des léiomyomes utérins. Directives cliniques de la SOGC. 2015;318. [cité le 20/12/2016]. Available from URL : http://www.jogc.com/article/S1701-2163(15)30339-X/pdf
  5. Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSPS). Les traitements médicamenteux du fibrome utérin. Recommandations de bonne pratique. 2004.[cité le 20/12/2016]. Available from URL :http://www.esculape.com/gynecologie/fibrome_trt_afssaps_2004.pdf
  6. Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF).  Actualisation de la prise en charge des fibromes. Recommandations pour la pratique clinique. 2011.[cité le 20/12/2016]. Available from URL : http://http://www.cngof.asso.fr/D_TELE/RPC_fibrome_2011.pdf.
  7. Haute Autorité de Santé (HAS). Myomectomie vaginale Rapport d’évaluation technologique. 2008. [cité le 20/12/2016]. Available from URL : http://http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2008-12/rapport_myomectomie.pdf.   
  8. Munro MG, et al. For the FIGO Working Group on Menstrual Disorders. FIGO classification system (PALM-COEIN) for causes of abnormal uterine bleeding in non-gravid women of reproductive age. Fertil Steril. 2011;95(7):2204-8, 2208.
  9. Macioccia G. La pratique de la médecine chinoise. 1eédition. Bruxelles: Satas; 1997.
  10. Borsarello J-F. Aide-mémoire d’un acupuncteur traditionnel. Masson,Collection Abrégé: Issy-les-moulineaux; 2007.
  11. Chamfrault A, Nguyen Van Nghi. L’énergétique humaine en médecine chinoise, tome 6: Chamfrault: Angoulème; 1969.

L’acupuncture a-t-elle sa place dans les coliques du nourrisson ?

Evaluation de l’acupuncture

Landgren K, Hallström I, Tiberg I. The effect of two types of minimal acupuncture on stooling, sleeping and feeding in infants with colic: secondary analysis of a multicentre RCT in Sweden (ACU-COL). Acupunct Med. 2021 Apr;39(2):106-115.

 Résumé


Question

Dans cette récente publication en 2021 du même essai ACU-COL (déjà publié en 2017 [[1]]), les auteurs font une analyse secondaire de l’efficacité de deux types d’acupuncture minimaliste par rapport à l’absence d’acupuncture sur les habitudes de selles, de sommeil et d'alimentation chez des nourrissons atteints de coliques infantiles. 

Plan Expérimental

Essai randomisé à trois bras, réalisé en double aveugle chez 147 nourrissons, selon un protocole publié en 2015 [[2]].

- groupe A (n=48) : acupuncture standardisée au point 4GI (hegu) pendant 5 secondes,

- groupe B (n = 49) : acupuncture semi-standardisée en fonction des symptômes (5 points au maximum) pendant 30 secondes.

- groupe C (n = 48) : ne bénéficie pas d'acupuncture. 

Cadre

Quatre centres médicaux pédiatriques localisés dans quatre comtés en Suède, où sont proposés gratuitement pour tout bébé pendant les trois premiers mois de vie sept visites pour les peser et mesurer. Lors de ces visites, les parents reçoivent des conseils de prise en charge de routine. Les parents de nourrissons qui pleurent excessivement sont informés de l’essai par acupuncture. 

Patients

147 nourrissons âgés de 2 à 8 semaines recrutés entre janvier 2013 et mai 2015. 

Critères d’inclusion : Les nourrissons éligibles sont ceux qui, d’après les déclarations de leurs parents dans un journal lors de la semaine de référence ont présenté, pendant plus de trois jours, des pleurs et/ou une agitation pendant plus de trois heures par jour. Ils doivent être en bonne santé avec un gain de poids approprié. Par ailleurs, ils doivent avoir déjà essayé un régime excluant les protéines du lait de vache et/ou un régime approprié pendant au moins cinq jours. 

Critères d’exclusion : Sont exclus de l’étude les nourrissons nés avant 37 semaines de gestation, ou ayant déjà reçu tout type de prescription médicamenteuse ou ayant déjà essayé l'acupuncture. 

Intervention

Les parents qui veulent participer prennent contact avec le chef de projet et commencent à noter chaque jour de façon détaillée pendant une semaine (semaine de référence) les états d’agitation et les pleurs de leur bébé dans un journal santé. Si l'enfant remplit les critères, il/elle peut être inclus(e).

Les parents des bébés inclus continuent à noter de façon détaillée dans le journal pendant les deux semaines de traitement par acupuncture, ainsi que pendant la période de surveillance qui prend fin à la suite d’un entretien téléphonique se déroulant trois jours après le dernier jour de traitement par acupuncture. Ces données sont comparées à celles de la semaine de référence.

Lors de la première visite, l'infirmière recueille le consentement éclairé et les données de base. À chacune des visites suivantes (et par téléphone pour la période de surveillance), les parents sont interrogés sur les changements observés au niveau des pleurs, des selles et du sommeil de leur bébé, ainsi que tout effet secondaire associé à l'acupuncture.

Groupe A : acupuncture standardisée. Aiguille insérée au point 4GI (hegu) à une profondeur d’environ 3 mm unilatéralement pendant 2 à 5 secondes, puis retirée sans stimulation.

- Groupe B : acupuncture personnalisée semi-standardisée, selon la pratique clinique de la MTC. Les acupuncteurs peuvent choisir n'importe quelle combinaison de points : sifeng [1], 4GI et 36E (zusanli), selon les symptômes rapportés dans le journal par les parents. Un maximum de cinq insertions est toléré par séance de traitement. Pour sifeng, quatre insertions, chacune à une profondeur d'environ 1 mm pendant 1 seconde. Aux points 4GI et 36E, les aiguilles sont insérées à une profondeur d'environ 3 mm, uni ou bilatéralement. Les aiguilles peuvent être laissées pendant 30 secondes. La sensation de deqi n'est pas recherchée.

Groupe C : les nourrissons restent 5 min seuls avec l'acupuncteur sans recevoir aucun traitement par acupuncture.

Ainsi, parallèlement à la prise en charge habituelle, les nourrissons inclus bénéficient de quatre visites supplémentaires (deux fois par semaine pendant les deux semaines de traitement) à leur centre de santé habituel. Les mères qui allaitent sont encouragées à continuer l’allaitement maternel.

Lors de ces visites supplémentaires, les parents discutent pendant 20 à 30 minutes avec une infirmière sur les symptômes de leur bébé.

À chaque visite pendant les deux semaines de traitement, l'infirmière de l'étude porte l'enfant dans une salle de traitement séparée où l’enfant reste seul avec l'acupuncteur pendant 5 min. L’acupuncteur traite le bébé selon le groupe d'attribution et enregistre les procédures de traitement et tout événement indésirable. 

Critères de jugement

Les modifications de fréquence des selles et d'heures de sommeil par jour sont évaluées. Les données sont collectées en utilisant : (1) le journal santé soigneusement rempli par les parents à la semaine de référence, pendant les deux semaines de traitement et la semaine de surveillance ; (2) les questionnaires avec des composantes quantitatives et qualitatives, utilisés lors des deuxième et quatrième visites et lors de l’appel téléphonique de suivi. 

Résultats

D’après les données recueillies dans les journaux de suivi - concernant les selles, l'alimentation ou le sommeil - aucune différence entre les trois groupes n’a été observée. Cependant, lors de l'appel téléphonique de suivi, davantage de parents des groupes A et B (par rapport au groupe C) signalaient que l'alimentation et le sommeil avaient changé et que les symptômes de coliques s’étaient améliorés. 

Conclusion

Des études supplémentaires seraient nécessaires pour préciser les meilleurs emplacements des points d’insertion d’acupuncture, le temps de stimulation ainsi que la durée du traitement.

 


Commentaires

Dans la précédente étude publiée en 2017, les mêmes auteurs rapportaient une diminution de la durée du temps de pleurs dans les deux groupes traités par acupuncture (efficacité similaire) par rapport au groupe témoin ne recevant pas d’acupuncture. Dans cette nouvelle et récente publication parue en avril 2021 [[3]], ils rapportent les résultats complémentaires de l’analyse secondaire de cette étude AcuCol  de 2017 [1], concernant cette fois-ci les coliques infantiles.

L’analyse complémentaire [3] observe versus groupe témoin l'effet de ces deux types d'acupuncture (A et B) sur les habitudes de selles, de sommeil et d'alimentation chez les 147 nourrissons inclus parmi les 426 nourrissons examinés pour l'admissibilité. Finalement, aucune différence significative entre les trois groupes n’a été observée.

Néanmoins, les nourrissons inclus ont bénéficié de quatre visites supplémentaires en dehors des visites habituelles au centre de santé infantile.

Les modifications de fréquence des selles et d'heures de sommeil par jour ont été évaluées. Les données sont collectées en utilisant : (1) le journal santé rempli par les parents à la semaine de référence, pendant les deux semaines de traitement et la semaine de surveillance ; (2) des questionnaires avec composantes quantitatives et qualitatives, utilisés à la deuxième et quatrième visite et lors de l’appel téléphonique de suivi.

D’après les données recueillies dans les journaux tenus par les parents, aucune différence concernant les selles, l'alimentation ou le sommeil entre les trois groupes n’a été observée. En revanche, lors de l'appel téléphonique de suivi, davantage de parents des groupes A et B (par rapport au groupe C) ont signalé un changement dans l'alimentation et le sommeil et une amélioration des symptômes de coliques.

La colique infantile est une affection caractérisée par des pleurs excessifs au cours des premiers mois de la vie, entraînant une détérioration considérable de la qualité de vie des nourrissons et de leurs parents. Le nourrisson présente des paroxysmes de pleurs inconsolables dépassant trois heures par jour, trois jours par semaine, pendant plus de trois semaines. Les pleurs excessifs chez les nourrissons sont un problème pour 10 à 20% des familles, provoquant un climat de stress dans la cellule familiale. Les causes des coliques infantiles ne sont pas vraiment connues. On pense que cela peut être en rapport avec altération de la microflore fécale, une intolérance aux protéines ou au lactose du lait de vache, une immaturité ou une inflammation gastro-intestinale, une sécrétion accrue de sérotonine, une mauvaise technique d’alimentation, le tabagisme de la maman, etc. [[4]].

Dans certains cas, la colique peut être résolue si les protéines du lait de vache sont éliminées. Des compléments nutritionnels de Lactobacillus reuteri peuvent également être utilisés avec un certain succès. En revanche, l'efficacité et l'innocuité des autres types de traitements, comme la siméticone, la dicyclomine, les inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole..) restent à prouver. Il est plausible que l'acupuncture puisse avoir des effets positifs sur les coliques infantiles car elle est reconnue pour son effet calmant, pour réduire la douleur et restaurer la fonction gastro-intestinale [4].

Cakmak [[5]], quant à lui, pense que des indices physiopathologiques indiquent que la colique infantile est une pathologie partagée entre la mère et le bébé, en particulier dans le cas des mères allaitantes. La théorie qu’il propose implique les taux trop élevés de la TNFα (facteur de nécrose tumorale-alpha, importante cytokine impliquée dans l’inflammation) dans le lait maternel, ce qui influencerait le métabolisme de la mélatonine (en diminution) et de la sérotonine (en augmentation) chez le bébé, pouvant alors engendrer les coliques infantiles. La TNFα peut être normalisée soit en puncturant uniquement la mère qui allaite, soit, par puncture également du bébé. Et diminuer par acupuncture la concentration de TNFα engendrerait donc une augmentation de la production nocturne de mélatonine, normalisant ainsi les taux de sérotonine du nourrisson par effet inhibiteur du TNFα sur le recaptage de la sérotonine.

Le manque de connaissances sur la physiopathologie des coliques infantiles limite toutefois le développement de médicaments efficaces ainsi que des modalités de prise en charge par l'acupuncture.

L'acupuncture est utilisée en Scandinavie comme traitement des coliques infantiles. D’après les résultats d’un ECR en aveugle (n=90 nourrissons) réalisé en 2013 [[6]], concernant la mesure du temps des pleurs entre un groupe acupuncture (sur E36 - zusanli) versus un groupe témoin sans acupuncture, il est objectivé une tendance en faveur du groupe acupuncture, avec une réduction moyenne (par rapport à l’inclusion) de 13 minutes (IC à 95% -24 à + 51), mais non significative pour être considérée comme cliniquement pertinent.

Depuis la publication de l’étude AcuCol en 2017 [1], deux revues systématiques relatives aux coliques infantiles ont été réalisées.

La première méta-analyse réalisée en 2018 par des auteurs norvégiens et suédois sur le rôle de l'acupuncture dans le traitement des coliques infantiles est controversée dans le sens où les ECR disponibles sont à petits effectifs et présentent des résultats contradictoires ; et que d’autre part, d’un point de vue éthique, on ne peut disposer que du consentement des parents.

Ainsi sur les trois essais comparatifs randomisés (n=307), un seul a obtenu une mise en aveugle complète des évaluateurs des résultats dans les groupes d’acupuncture et témoin. La différence moyenne (MD) dans le temps de pleurs entre le groupe acupuncture et le groupe témoin était -24,9 min (intervalle de confiance de 95%, IC : -46,2 à -3,6) ; à mi-traitement, -11,4 min (IC à 95% : -31,8 à 9,0) et à la fin du traitement -11,8 min (IC à 95% : -62,9 à 39,2 sur un seul ECR) au suivi de 4 semaines. L’hétérogénéité était négligeable dans toutes les analyses. Bref, dans cette méta-analyse, on n’observe pas de différence cliniquement importante entre le groupe des nourrissons recevant l'acupuncture et le groupe témoin.

Par ailleurs, les données indiquent que l'acupuncture induit une certaine douleur de traitement chez de nombreux nourrissons. Les auteurs ont conclu que l'acupuncture percutanée à l'aiguille ne doit pas être recommandée pour le traitement des coliques infantiles de manière générale [[7]].

Également en 2018, des auteurs coréens ont publié une revue systématique sur le sujet, mais pas de méta-analyse, en raison de l'hétérogénéité clinique considérable des études réalisées chez des nourrissons âgés de 0 à 25 semaines atteints de coliques infantiles. Sur les 601 ECR identifiés, seuls quatre ECR, tous menés dans des pays d'Europe du Nord, ont été inclus. Une acupuncture minimaliste au point 4GI (hegu) ou 36E (zusanli) sans forte stimulation a été utilisée dans toutes les études. D'après l'analyse narrative des parents, l'acupuncture semble être efficace pour soulager les symptômes des coliques, y compris les pleurs et les problèmes d'alimentation et de selles, et ne présente que des effets indésirables mineurs. Cependant, les preuves cliniques n'ont pas pu être confirmées en raison de l'hétérogénéité clinique considérable et de la petite taille des échantillons des études incluses [[8]].

En septembre 2020, Hjern et coll. ont évalué toutes les preuves d’interventions, en prévention ou en thérapeutique pour les coliques infantiles. Ils confirment à nouveau que les quatre ECR d’acupuncture sont sans effet ou avec un effet minimal sur la durée des pleurs et que le Lactobacillus reuteri serait davantage un traitement prometteur pour les coliques infantiles mais à confirmer avec des ECR de plus grande puissance [[9]].

Néanmoins, il est plausible que l'acupuncture puisse avoir des effets positifs sur les coliques infantiles car elle est reconnue pour son effet calmant, pour réduire la douleur et restaurer la fonction gastro-intestinale. Dans les ECR, le traitement est de courte durée et standardisé et par conséquent ne reflète sans doute pas ce qui est pratiqué dans la vraie vie, comme on a pu le constater avec cette analyse secondaire de Landgren [3]. Des effets positifs de l'acupuncture ont été rapportés pour soulager la douleur et l'agitation lorsqu'elle est pratiquée par des acupuncteurs qualifiés qui adaptent chaque traitement à la symptomatologie du nourrisson telle que rapportée par les parents.

Les points 4GI et 36E, tous deux considérés comme importants dans le traitement des symptômes gastro-intestinaux et coliques infantiles, figurent parmi les points les plus utilisés. Par ailleurs, les points sifeng sont classiquement indiqués dans les troubles de la digestion chez l’enfant et sont considérés comme fournissant un stimulus plus efficace mais aussi plus douloureux. L'acupuncture minimaliste, une technique douce sans recherche de deqi est  principalement utilisée pour traiter les coliques infantiles.

Il n'existe actuellement aucune preuve concluante sur l'efficacité de l'acupuncture pour traiter les coliques infantiles. Des ECR à plus grand effectif et plus solides sur le plan méthodologique sont nécessaires pour préciser les meilleurs emplacements des points d’insertion d’acupuncture, le temps de stimulation ainsi que de la durée du traitement.

On peut toutefois noter que l’acupuncture japonaise chez le nourrisson (shonishin) [2] pourrait être utile. Néanmoins, contrairement à l’acupuncture traditionnelle chez l’enfant dont l’efficacité commence à être évaluée, le shonishin ne l’est toujours pas [[10]].

 

Jean-Marc Stéphan, Tuy Nga Brignol


Notes 

[1]. Sifeng est un point hors-méridien (Ex-UE-10), situé sur la face palmaire de chaque doigt (à l’exception du pouce), au milieu des plis transversaux de l’articulation inter-phalangienne proximale. Il est considéré harmoniser la circulation du qi entre le Réchauffeur Supérieur et le Réchauffeur Moyen

[2]. Le shonishin se pratique essentiellement sur le nourrisson, le bébé et le jeune enfant. Le soin bref, variant d’une à cinq minutes, voire à une vingtaine de minutes pour un enfant plus vieux est réalisé par le médecin. Après un petit apprentissage, la mère ou le père pourront même poursuivre le traitement à la maison. Mise au point au XVIIe siècle, cette technique acupuncturale spécialisée pour les enfants était pratiquée à Osaka au Japon. Mais initialement, c’est dans le Huangdi neijing lingshu et spécialement dans le premier chapitre « Des neuf aiguilles » que l’on retrouve en fonction de leur forme et de leur emploi différents une catégorie d’aiguilles en forme de bâton : aiguilles à tête ronde (yuan) et aiguilles émoussées (ti), non blessantes, utilisées pour masser et presser les points.


Références

[1]. Landgren K, Hallström I. Effect of minimal acupuncture for infantile colic: a multicentre, three-armed, single-blind, randomised controlled trial (ACU-COL). Acupunct Med. 2017 Jun;35(3):171-179.

[2]. Landgren K, Tiberg I, Hallström I. Standardized minimal acupuncture, individualized acupuncture, and no acupuncture for infantile colic: study protocol for a multicenter randomized controlled trial - ACU-COL. BMC Complement Altern Med. 2015 Sep 14;15:325.

[3]. Landgren K, Hallström I, Tiberg I. The effect of two types of minimal acupuncture on stooling, sleeping and feeding in infants with colic: secondary analysis of a multicentre RCT in Sweden (ACU-COL). Acupunct Med. 2021 Apr;39(2):106-115.

[4]. Johnson JD, Cocker K, Chang E. Infantile Colic: Recognition and Treatment. Am Fam Physician. 2015 Oct 1;92(7):577-82.

[5]. Cakmak YO. Infantile colic: exploring the potential role of maternal acupuncture. Acupunct Med. 2011 Dec;29(4):295-7.

[6] . Skjeie H, Skonnord T, Fetveit A, Brekke M. Acupuncture for infantile colic: a blinding-validated, randomized controlled multicentre trial in general practice. Scand J Prim Health Care. 2013 Dec;31(4):190-6.

[7]. Skjeie H, Skonnord T, Brekke M, Klovning A, Fetveit A, Landgren K, Hallström IK, Brurberg KG. Acupuncture treatments for infantile colic: a systematic review and individual patient data meta-analysis of blinding test validated randomised controlled trials. Scand J Prim Health Care. 2018 Mar;36(1):56-69.

[8]. Lee D, Lee H, Kim J, Kim T, Sung S, Leem J, Kim TH. Acupuncture for Infantile Colic: A Systematic Review of Randomised Controlled Trials. Evid Based Complement Alternat Med. 2018 Oct 24;2018:7526234.

[9]. Hjern A, Lindblom K, Reuter A, Silfverdal SA. A systematic review of prevention and treatment of infantile colic. Acta Paediatr. 2020 Sep;109(9):1733-1744.

[10]. Stéphan JM. Recension. Shonishin : Japanese pediatric acupuncture par Stephen Birch. Acupuncture & Moxibustion. 2016;15(4):333.

 

Action antalgique et fonctionnelle de l’acupuncture ou du TENS dans les douleurs de la ceinture pelvienne et des lombalgies liées à la grossesse

Grossesse - San Francisco's building (1910) - style mission revival -mural (1994) -  San Francisco - USA

 

La douleur de la ceinture pelvienne (en anglais, pelvic girdle pain -PGP-, identifiée par Maurice Lacomme (1897-1986), obstétricien français qui a décrit en 1942 un syndrome « ostéo-musculo-articulaire abdomino-pelvien bénin) et la lombalgie liée à la grossesse (PLBP) sont des problèmes fréquents apparaissant au cours du 2e et surtout 3e trimestre de la grossesse. Cela a des implications physiques, psychologiques et socio-économiques importantes qui peuvent être résolues par l’acupuncture et/ou techniques associées, comme cela a déjà été analysé en 2009, puis 2015 [[1],[2]].

Un nouvel essai comparatif randomisé pragmatique [[3]] a recruté dans des maternités cent-treize femmes enceintes réparties en deux groupes atteints de PGP cliniquement vérifiées entre la 12e et 28e semaine de grossesse [[4]]. L’objectif était donc d’étudier s’il existait une plus grande efficacité de la neurostimulation électrique transcutanée (TENS) dans le groupe expérimental par rapport à l’acupuncture (groupe témoin actif) dans le traitement de la douleur et d’observer l’amélioration du handicap physique dans les activités quotidiennes.

L’intervention consistait en dix séances d’acupuncture (deux séances par semaine) dans le groupe acupuncture. Les points d’acupuncture locaux ont été sélectionnés en fonction des symptômes individuels de la femme et de la présentation clinique, après la palpation diagnostique pour identifier les points sensibles. Au total, dix points segmentaires et sept points extrasegmentaires ont été utilisés : 20VG (baihui), 4GI (hegu), 26V (guanyuanshu), 32V (cialo), 33V (zhongcialo), 54V (zhibian), 11R (hengfu), 60V (kunlun), Ex-B-2 (huatuojiaji en L4L5 et S1-S2), 20VB (fengchi), 12Rt (chongmen), 36E (zusanli). Les aiguilles de 0,25 à 0,30 mm de diamètre ont été laissées in situ pendant 30 min et stimulées manuellement après 10 et 20 minutes avec recherche du deqi.

Dans le groupe TENS, les électrodes étaient placées en fonction des symptômes et de la présentation clinique de chaque femme, unilatéralement ou bilatéralement sur l’articulation sacro-iliaque et les muscles fessiers pour la douleur pelvienne dorsale ou dans la région de l’aine pour la douleur pubienne. Après instructions données à l’hôpital, le dispositif TENS (Cefar Primo) devait être utilisé à la maison pendant au moins 30 minutes par jour pendant 5 semaines. La stimulation à haute fréquence (80Hz avec une durée d’impulsion de 180µs) était mise en place par les femmes elles-mêmes avec une intensité à la limite du supportable au niveau de la zone traitée. En cas d’absence d’effet après la première semaine de traitement à 80Hz, les femmes pouvaient opter pour un mode de stimulation à basse fréquence (2Hz ; 180µs) afin d’avoir une antalgie optimale.

Aucune différence moyenne n’a été détectée entre les deux groupes. Les deux groupes ont réussi à préserver leurs activités physiques et quotidiennes selon les critères de jugement principaux : échelle de handicap Oswestry (ODI), de fonctionnement (échelle fonctionnelle spécifique au patient), échelle de capacité de travail (work ability Index). On a observé aussi une réduction significative (p<0,05) de l’intensité de la douleur du soir au sein des deux groupes : acupuncture -0,96 (intervalle de confiance IC à 95% : -1,91 à -0,01 ; p=0,049), TENS -1,29 (IC à 95 % : -2,13 à -0,44 ; p=0,003). Même chose sur la préoccupation vis-à-vis de la douleur : acupuncture : -1,44 (IC à 95% : -2,31 à -0,57 ; p=0,0012), TENS : -1,99 (IC à 95 % -2,81 à -1,17 ; p<0,0001). En conclusion, le traitement des douleurs de la ceinture pelvienne aussi bien par TENS que par acupuncture soulage le handicap et améliore l’activité physique tout comme les algies et les inquiétudes à l’égard de la douleur. L’une ou l’autre intervention pourrait être recommandée comme alternative non pharmacologique antalgique et pourrait permettre aux femmes enceintes de rester actives. Toutefois, le groupe d’acupuncture a montré une plus grande satisfaction à l’égard du traitement par rapport au TENS sans doute lié au fait que dans ce groupe, il y avait un suivi régulier et empathique qui n’existait pas chez les femmes qui se traitaient elles-mêmes par TENS à la maison. Il serait alors judicieux de réaliser un ECR comparant TENS versus électroacupuncture (stimulation percutanée à travers les aiguilles) ou versus neurostimulation électrique transcutanée appliquée sur le point même d’acupuncture (TEAS).

 

Figure 1. Le dispositif TENS (Cefar Primo PRO ; DJO Nordic AB, Malmö, Suède) utilisé pour l’étude.

 

 

 

[1]. Stéphan JM. Acupuncture autour de la naissance : bases scientifiques et état des lieux dans les nausées et le syndrome de Lacomme. Acupuncture & Moxibustion. 2009;8(2):86-93.

[2]. Stéphan JM. Obstétrique et acupuncture factuelle. Quel niveau de preuve en 2015 ? Acupuncture & Moxibustion. 2015;14(4):285-291.

[3]. Les ECR pragmatiques cherchent à vérifier l’efficacité d’une thérapeutique en la comparant au traitement de référence habituel, ici dans ce cas précis l’acupuncture.

[4]. Svahn Ekdahl A, Fagevik Olsén M, Jendman T, Gutke A. Maintenance of physical activity level, functioning and health after non-pharmacological treatment of pelvic girdle pain with either transcutaneous electrical nerve stimulation or acupuncture: a randomised controlled trial. BMJ Open. 2021 Oct 1;11(10):e046314.