Dermatologie

Dans la dermite atopique ou dans le prurit de type sérotoninergique, l’acupuncture agit sur l'inflammation par blocage des récepteurs sérotoninergiques 5-HT2 et 5-HT7

 Brèves d'acupuncture

 

Le prurit chronique est un trouble qui résulte d’un certain nombre de maladies de la peau telles que la dermatite atopique, ainsi que des conditions systémiques telles que l’insuffisance rénale, la cirrhose et certains cancers. Bien que les démangeaisons causées par les allergies ou les piqûres d’insectes puissent souvent être traitées avec des antihistaminiques, la plupart des formes de prurits chroniques sont résistantes au traitement antihistaminique [[1]]. La sérotonine périphérique, ou 5-hydroxytryptamine (5-HT), composant de la « soupe inflammatoire » a été identifiée comme un inducteur puissant de prurit [[2]]. Ainsi dans une étude suédoise, il a été objectivé que le stress et l’anxiété peuvent aggraver la dermatite atopique par le système sérotoninergique. L’expression sérotoninergique a été mesurée chez vingt-huit patients atteints de la dermite atopique par rapport à l’étendue de la maladie (SCORing de la dermatite atopique; SCORAD). Les biopsies ont été prélevées sur la peau de la dermite lésionnelle et non lésionnelle et étudiées pour l’expression de la sérotonine, de ses récepteurs 5-HT1A et 5-HT2AR et de la protéine de transport de la sérotonine (SERT), en utilisant l’immunohistochimie. Des corrélations positives et négatives ont été trouvées entre les marqueurs sérotoninergiques et SCORAD, l’inflammation, l’intensité du prurit, les traits d’anxiété et le score de dépression, indiquant que les mécanismes sérotoninergiques sont impliqués dans la dermite atopique [[3]] (figure 3).

Figure 3. Expression épidermique, membranaire basale et vasculaire des récepteurs 5-HT2AR, concernant (a) la peau de la dermatite atopique lésionnelle et (b) non lésionnelle. Pointes de flèche : fraction épidermique apicale positive (plus élevée en a qu’en b). Petite flèche : intensité de coloration de la membrane basale (forte en b, absente en a) ; Flèches (ordinaires) : vaisseaux positifs. Barres d’échelle : 20 μm. Figure d’après [11]

 

Or si on sait que l’acupuncture est efficace dans la dermatite atopique, en particulier dans l’amélioration du prurit, ses mécanismes physiopathologiques ne sont pas encore élucidés. Déjà, à partir de l’analyse d’un essai comparatif randomisé mené en Corée du Sud [[4]], Goret et Nguyen avaient effectué une courte revue pour montrer l’efficacité du traitement acupunctural. Ils ont ainsi objectivé que les points les plus utilisés en fonction de cent-seize études cliniques et en fonction de la différenciation des syndromes (bianzheng) étaient un noyau de cinq points 11GI (quchi), 10Rt (xuehai), 36E (zusanli), 6Rt (sanyinjiao) et 4GI (hegu) associés à l’utilisation de points ashi en cas de lésions cutanées [[5]].

Le but de cette étude expérimentale de Park et coll. [[6]]  était donc de tester les effets anti-prurigineux de l’acupuncture et d’en étudier les mécanismes possibles.

L’acupuncture a été réalisée sur le point 11GI (quchi) bilatéralement juste avant l’injection de substances pruritogènes sur un modèle de prurit aigu sur la joue de souris ou de dermatite atopique induite par la substance MC903.

L’acupuncture a significativement réduit les démangeaisons aiguës déclenchées par le composé 48/80, la chloroquine, ou surtout la sérotonine. Elle a également nettement réduit le prurit engendré par les agonistes de récepteurs de la sérotonine 5-HT2 et 5-HT7. En outre, le 11GI a eu des effets préventifs et thérapeutiques sur le prurit chronique ainsi que sur l’inflammation et épaississement épidermique chez les souris atteintes de dermatite atopique induite par MC903. Quchi a également considérablement réduit la surexpression des récepteurs 5-HT2A, 5-HT2B et 5-HTdans les lésions cutanées de type dermatite atopique chez les souris traitées par MC903. En conclusion, ces résultats soulignent que l’acupuncture améliore considérablement non seulement l’inflammation de la peau, mais aussi le prurit sérotoninergique à la fois aigu et chronique vraisemblablement par l’inhibition des récepteurs de la sérotonine 5-HT2 et 5-HT7.

 DJean-Marc Stéphan

Coordinateur du DIU d’acupuncture obstétricale Université de Lille - Faculté de Médecine
Président de l’association « Acupuncture & Moxibustion »
Président du Syndicat Nationale des Médecins Acupuncteurs de France (SNMAF)
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ORCID : 0000-0002-3377-2280

Conflit d’intérêts : aucun

 Références 

[1].  Mollanazar NK, Smith PK, Yosipovitch G. Mediators of Chronic Pruritus in Atopic Dermatitis: Getting the Itch Out? Clin Rev Allergy Immunol. 2016 Dec;51(3):263-292.
[2].  Bautista DM, Wilson SR, Hoon MA. Why we scratch an itch: the molecules, cells and circuits of itch. Nat Neurosci. 2014 Feb;17(2):175-82.
[3].  Rasul A, El-Nour H, Blakely RD, Lonne-Rahm SB, Forsberg J, Johansson B, Theodorsson E, Nordlind K. Effect of chronic mild stress on serotonergic markers in the skin and brain of the NC/Nga atopic-like mouse strain. Arch Dermatol Res. 2011 Nov;303(9):625-33.
[4].  Park JG, Lee H, Yeom M, Chae Y, Park HJ, Kim K. Effect of acupuncture treatment in patients with mild to moderate atopic dermatitis: a randomized, participant- and assessor-blind sham-controlled trial. BMC Complement Med Ther. 2021;21(1):132.
[5]. Goret O, Nguyen J. Traitement par acupuncture de la dermatite atopique. acupuncture & Moxibustion. 2021;20(2):209-213.
[6]. Park HJ, Ahn S, Lee H, Hahm DH, Kim K, Yeom M. Acupuncture ameliorates not only atopic dermatitis-like skin inflammation but also acute and chronic serotonergic itch possibly through blockade of 5-HT2 and 5-HT7 receptors in mice. Brain Behav Immun. 2021;93:399-408. doi: 10.1016/j.bbi.2021.01.027.

Eczéma atopique et acupuncture : une amélioration globale des symptômes est possible

Le but de la méta-analyse est d'évaluer l'efficacité et la sécurité de l'acupuncture chez les patients atteints d’eczéma atopique. Treize bases de données explorées depuis leur création jusqu'au 31 juillet 2018 ont permis de sélectionner des essais comparatifs randomisés (ECR). L’acupuncture est comparée à : aucun traitement, acupuncture simulée, médecine conventionnelle, acupuncture associée à la médecine conventionnelle. Les auteurs ont exclu : moxibustion, injection de substances au niveau des points d'acupuncture traditionnels, acupuncture laser, ventouses, saignements ou thérapie combinant acupuncture et plantes chinoises. Les formes d'acupuncture suivantes ont été retenues pour l’analyse : acupuncture corporelle, acupuncture du cuir chevelu, de l’oreille, acupuncture manuelle, électroacupuncture, acupuncture et moxibustion, utilisation du marteau fleur de prunier, utilisation combinée de différentes formes d’acupuncture.

Un total de huit ECR a été retenu pour la méta-analyse. L'âge des 434 participants varie de 18 à 70 ans et la durée d'évolution de l'EA de 6 mois à 35 ans. Les points d'acupuncture les plus utilisés ont été 13V (feishu, 3/8 ECR, 37,5%) et 20V (pishu, 3/8 ECR, 37,5%). Les autres points utilisés dans les huit ECR (dont 7 publiés en chinois) sont détaillés ci-après :

 

ECR

Points utilisés pour traiter l’eczéma atopique

Pfab et coll. (2011)

11GI (quchi), 4GI (hegu), 36E (zusanli), 10Rt (xuehai)

Zou (2016)

Points ashi (dans la zone de l'éruption cutanée), 9VG (zhiyang), 20V (pishu)

Wang (2011)

Points ashi (dans la zone de l'éruption cutanée), 13V (feishu), 20V (pishu)

Liang (2016)

Points ashi (dans la zone de l'éruption cutanée), 11GI (quchi), 36E (zusanli), 6Rt (sanyinjiao), 9Rt (yinlingquan), 10Rt (xuehai), 4GI (hegu), 5F (ligou), 31VB (fengshi)

Liu (2017)

Points ashi (dans la zone de l'éruption cutanée)

Jiao et coll. (2015)

Points ashi (dans la zone de l'éruption cutanée), 13V (feishu), 15V (xinshu), 17V (geshu), 18V (ganshu), 20V (pishu), 23V (shenshu), 9VG (zhiyang), 4 VC (mingmen)

Jia & Jin (2016)

Points ashi (dans la zone de l'éruption cutanée), 25E (tianshu), 11GI (quchi), 10Rt (xuehai), 13V (feishu), 31VB (fengshi)

Li et coll. (2018)

Points ashi (dans la zone de l'éruption cutanée), 15E (wuyi), 67V (zhiyin)

 

D’après les résultats combinés de six ECR, l'acupuncture est meilleure que la médecine conventionnelle pour réduire la zone d'eczéma et l’indice de gravité (MD=−1,89 : IC à 95% −3,04 à −0,75 ; I2=78%).

Les résultats combinés de sept ECR ont montré que l’acupuncture était meilleure que la médecine conventionnelle en ce qui concerne l’amélioration globale des symptômes (RR=1,59 ; IC à 95% 1,20 à 2,11 ; I²= 55%). Aucun événement indésirable grave lié à l'acupuncture n'a été rapporté. Néanmoins, les données disponibles sont insuffisantes pour suggérer que l'acupuncture seule est efficace pour améliorer la qualité de vie et le taux de récidive du fait d’une grande hétérogénéité. De surcroît, les ECR inclus avaient de nombreuses limitations méthodologiques, comme le manque d’acupuncteurs ou de participants en aveugle, pas de groupe témoin, etc. Davantage d'essais de haute qualité méthodologique impliquant des échantillons de plus grande taille sont nécessaires donc pour confirmer les effets de l'acupuncture dans l'eczéma atopique.

 

Jiao R, Yang Z, Wang Y, Zhou J, Zeng Y, Liu Z. The effectiveness and safety of acupuncture for patients with atopic eczema: a systematic review and meta-analysis. Acupunct Med. 2020 Feb;38(1):3-14.

Une revue systématique et une méta-analyse montre l’intérêt de l’acupuncture-moxibustion dans le zona


Le zona, maladie due à la réactivation du virus varicelle-zona ou VZV (varicella zoster virus), appartenant à la famille des herpès virus, survient chez une personne qui a contracté déjà la varicelle durant l’enfance. L’éruption a souvent lieu au niveau du thorax, mais peut atteindre d’autres parties du corps. Le zona guérit en général en deux à trois semaines, mais cet état inflammatoire aigu, très douloureux peut avoir un impact significatif sur la qualité de vie. En effet, elles peuvent être invalidantes dans les territoires radiculaires atteints, et cela même après la guérison (douleurs post-zostériennes de type neurologique (douleur de désafférentation) associant sensation de brûlure, sensation électrique ou de piqûre d’orties. Les traitements antiviraux sont efficaces, mais ne répondent pas aux attentes des patients en matière d’antalgie. L’acupuncture et la moxibustion ont été utilisées dans le traitement du zona. Cette revue systématique de la littérature a donc évalué leur efficacité et leur innocuité. Neuf bases de données anglaises et chinoises ont été analysées jusqu’en mars 2016 incluant les essais contrôlés randomisés (ECR) évaluant la combinaison de l’acupuncture à la moxibustion dans le zona. Les critères de jugements : intensité et durée de la douleur, qualité de vie et effets indésirables. Neuf ECR (N=945 participants) ont été inclus, de faible à modérée qualité méthodologique en fonction des biais. Néanmoins, on objective que l’intensité de la douleur mesurée par échelle analogique visuelle (EVA) était plus faible chez les personnes soignées par acupuncture-moxibustion par rapport à la thérapeutique médicamenteuse (une étude, différence moyenne à modèle aléatoire MD -8,25, IC 95% : -12,36 à -4,14). Le bénéfice a été observé par amélioration globale des symptômes et aussi pour d’autres problèmes cutanés. Quelques effets indésirables légers ont été signalés. Bref, l’acupuncture associée à la moxibustion peut améliorer la douleur, bien que la preuve actuelle soit limitée par le nombre d’études et les insuffisances méthodologiques.


 

Voir en ligne : Coyle ME, Liang H, Wang K, Zhang AL, Guo X, Lu C, Xue CC. Acupuncture plus moxibustion for herpes zoster : A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Dermatol Ther. 2017 Mar 24.